2. L'urgence d'une réforme globale

a) Un problème plus large que les seuls frais d'assiette et de recouvrement

Il s'agit à travers l'article 4 bis d'aborder de manière large la question de l'ensemble des frais prélevés par État à l'occasion de la perception d'impositions sociales et, en contrepartie, celle de frais que supportent les organismes de sécurité sociale pour certaines prestations accomplies pour le compte de État

Le principe selon lequel État fait rémunérer ses services lorsqu'il prend en charge le recouvrement de droits, taxes et redevances pour le compte d'autres personnes est bien établi. L'exemple le plus connu est celui des impôts locaux, dont le produit transite par un compte d'avances de État aux collectivités locales et donne lieu à un prélèvement de 4,4 % pour frais d'assiette et de recouvrement. Le Sénat considère, s'agissant des frais perçus sur le produit des impôts locaux, que la rémunération des services fournis par l'État est légitime, mais que ces frais ne sauraient donner lieu à un enrichissement « indu » de l'État. A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, le Sénat avait adopté un amendement tendant à porter le taux applicable au produit de chacune des quatre taxes directes locales au niveau correspondant au coût réel des travaux d'assiette et de recouvrement. En outre, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2001, le Sénat a adopté un amendement tendant à supprimer la fraction des frais d'assiette et de recouvrement destinée initialement à financer la révision des bases cadastrales, celle-ci étant devenue sans objet. Il faut donc aborder de manière globale et réaliste cette question.

Les frais d'assiette et de recouvrement perçus par État en matière sociale

Le recouvrement des impôts et taxes affectés au financement de la protection sociale est réparti entre trois directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie :

- la direction générale de la comptabilité publique recouvre principalement les impositions qui font l'objet de l'émission d'un rôle (CSG, CRDS et prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine, mais également contribution sociale de 3,3 % sur les bénéfices des sociétés) ;

- la direction générale des impôts a en charge le recouvrement des prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement de 2 %) assis sur les revenus de placements. Elle perçoit en outre les taxes sur les véhicules de sociétés et sur les conventions d'assurance, affectées jusque là au budget de État et reversées en tout ou partie au FOREC ;

- la direction générale des douanes et des droits indirects recouvre les droits sur les tabacs, sur les boissons alcoolisées ainsi que la taxe générale sur les activités polluantes.

Source : Cour des comptes

La question des frais de gestion entre État et la sécurité sociale ne se limite pas aux frais de recouvrement. Elle devrait englober l'ensemble des charges de gestion supportés par l'État comme les organismes de sécurité sociale pour le compte de tiers.

L'État est le premier à facturer ses frais de recouvrement, mais le dernier à rembourser ce qu'il doit aux organismes de sécurité sociale. L'État est ainsi jusqu'à aujourd'hui « gagnant sur tous les tableaux » : il prélève des frais proportionnels pour des tâches (le recouvrement) qu'il assume pour le compte des organismes de sécurité sociale ; mais, dans le même temps, il n'acquitte rien pour la gestion par ces mêmes organismes des prestations sociales de l'État comme le revenu minimum d'insertion, l'allocation pour adulte handicapé, l'allocation de parent isolé, etc. Le coût du seul service du RMI s'élèverait à plus de 130 millions d'euros. De plus, l'ACOSS supporte le coût en trésorerie des nombreuses avances qu'elle effectue.

Votre rapporteur pour avis estime donc qu'une clarification de l'ensemble de ces relations s'impose.

b) La première pierre d'une réforme : l'étude de la Cour des comptes

Le gouvernement avait indiqué en 2001 qu'il attendait les conclusions de la Cour des comptes pour prendre des décisions.

La Cour a livré cette étude dans le cadre de son rapport sur le financement de la sécurité sociale, en septembre 2001.

Elle se livre d'abord à une analyse juridique fine des bases juridiques des frais d'assiette et de perception en en soulignant la « disparité », la diversité des taux pratiqués, des assiettes retenues, voire de l'interprétation faite d'un même prélèvement.

La Cour met ensuite en exergue une « relation ténue entre les frais facturés et les coûts supportés », qui révèle surtout l'absence de connaissance précise des coûts faute de comptabilité analytique.

Rapport entre les montants perçus et l'estimation des charges supportées en 2000

(en millions d'euros)

Montants recouvrés

Montants des frais d'assiette perçus

Estimations des charges supportées

Rapport frais perçus / charges supportées

DGCP

7.854,5

31,9

26,2

0,8

DGI

3.763

6,1

1,2

0,2

DGDDI

10.491,2

13,9

126,4 (*)

9,1

Source : Cour des comptes

(*) 1999

Du côté des organismes sociaux, la Cour a montré que la compensation des charges supportées par la branche famille n'est que partielle puisqu'elle ne s'applique qu'à certaines prestations « logement » comme l'aide personnalisée au logement (APL), l'allocation de logement social (ALS), et l'allocation de logement temporaire, les frais étant forfaitairement remboursés à 4 % du montant versé pour l'APL et à 2 % pour les deux autres allocations. En revanche, l'État ne prend pas en charge les frais de versement du RMI, de l'AAH, et de l'allocation spécifique d'attente 22 ( * ) (ASA). Cependant, la Cour constate, comme pour l'État, que la CNAF ne dispose pas des instruments de comptabilité analytique lui donnant une connaissance suffisamment précise de ses coûts de gestion.

En attendant une inévitable réforme globale, couvrant les frais d'assiette et de perception comme les frais de gestion, votre rapporteur pour avis estime qu'il convient de supprimer cet article afin de confirmer les positions constantes du Sénat sur le sujet et de mettre l'État et les organismes de sécurité sociale sur un pied d'égalité dans les futures négociations.

* 22 Il convient de noter que les caisses d'allocation familiales ne perçoivent aucune rémunération pour le service de l'ASA aux allocataires du RMI totalisant plus de 40 années de cotisations à l'assurance vieillesse, alors que l'UNEDIC, pour le service de la même prestation, perçoit une rémunération de 1 % des allocations versées !

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page