projet de loi de finances pour 2002 - Tome III : Environnement

DUPONT (Ambroise)

AVIS 88 - TOME III (2001-2002) - commission des affaires culturelles

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Table des matières




N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

ENVIRONNEMENT

Par M. Ambroise DUPONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Xavier Darcos, Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; MM. Jean Arthuis, François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernard Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean François-Poncet, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3262 , 3320 à 3325 et T.A. 721

Sénat
: 86 et 87 (annexe n° 5 ) (2001-2002)


Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La catastrophe de l'usine AZF de Toulouse a projeté au premier plan de l'actualité le caractère fondamental pour nos sociétés de la sécurité environnementale. Il a démontré également que la réflexion nécessaire à la prévention de ces risques ne peut relever d'un département ministériel unique, mais qu'elle suppose au contraire une collaboration active de plusieurs administrations.

Cet accident, et les mesures qu'il convient d'engager pour éviter qu'il ne se reproduise, amènent naturellement votre rapporteur à s'interroger de nouveau sur la politique conduite ces dernières années par le ministère de l'environnement qui a fait de sa première priorité le renforcement de son administration.

Votre rapporteur s'était déjà interrogé, les années précédentes, sur l'opportunité d'une métamorphose qui se fixait pour objectif de transformer le ministère de l'environnement en ministère de plein exercice. Cette interrogation demeure, et le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2000 confirme déjà que, sur le plan administratif, cette croissance n'a pas été harmonieuse, et qu'elle s'est traduite par de sérieux déséquilibres dans la gestion financière du ministère.

Les mesures annoncées dans l'urgence par le Premier ministre au lendemain de la catastrophe de Toulouse, se traduisent par une série de mesures nouvelles en faveur de la prévention des risques industriels, déposées sous la forme d'amendements gouvernementaux lors de la discussion du projet de budget devant l'Assemblée nationale. Elles ont, notamment, pour objet de tripler le nombre des créations d'emplois prévues dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, compétentes en matière d'inspection des installations classées, et de tripler le renforcement des moyens de recherche et d'expertise de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques. Ces mesures étaient nécessaires, mais ne témoignent-elles pas aussi d'une prise de conscience un peu tardive, que certaines actions essentielles de terrain ont peut-être été négligées au cours de ces dernières années, au profit de priorités plus administratives ?

*

* *

I. LES CRÉDITS DE L'ENVIRONNEMENT : L'ÉVOLUTION D'UN BUDGET HORS NORMES

Comme chaque année, l'évaluation du taux de progression des crédits du ministère de l'environnement s'avère un exercice délicat : les crédits inscrits au fascicule budgétaire doivent être complétés par les ressources tirées du « fonds national solidarité pour l'eau » (FNSE), puis corrigés des variations liées aux changements de périmètres du ministère. Il faut, cette année, anticiper en outre l'effet des mesures , annoncées par le Premier ministre, au lendemain de la catastrophe de Toulouse , et qui ont pris la forme d'amendements à l'occasion de l'examen, par l'Assemblée nationale, du projet de loi de finances.

A. LA PROGRESSION DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT : UNE APPRÉCIATION TOUJOURS DÉLICATE

Les crédits inscrits au projet de budget pour 2002 du ministère de l'environnement s'élèvent à plus de 761 millions d'euros (près de 5 milliards de francs), en progression de 6,3 % par rapport aux crédits votés en 2001.

A ces crédits s'ajoutent les montants reçus au titre du « fonds national de solidarité pour l'eau » (FNSE), évalués pour 2002 à 83 millions d'euros (544 millions de francs), en hausse de 7 % par rapport à 2001.

C'est donc d'une enveloppe globale de 844 millions d'euros (5,5 milliards de francs) que disposera en 2002 le ministère de l'environnement pour conduire ses missions.

Sa progression de 6,3 % est très largement supérieure à la norme de progression de 2,2 % affichée pour l'ensemble des budgets civils de l'Etat en 2002. Il s'agit de la deuxième plus forte hausse de l'ensemble des fascicules budgétaires derrière l'aménagement du territoire, qui relève d'ailleurs du même ministre.

Cette progression résulte, en partie, de quelques modifications dans le périmètre du ministère, la plus importante résultant du transfert, en provenance du ministère de la santé et de la solidarité, des crédits de l'ancien office de protection des rayons ionisants (OPRI), pour un peu plus de 14 millions d'euros (92 millions de francs). A périmètre constant , l'augmentation du budget ne serait plus que de 4 % .

Toutefois, ces taux de progression ne prennent pas en compte l'effet des amendements gouvernementaux adoptés par l'Assemblée nationale.

Le Premier ministre a en effet annoncé, à la suite de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse , en septembre 2001, un certain nombre de mesures qui ont trouvé leur traduction budgétaire sous la forme d'amendements déposés par le Gouvernement, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2002 en première lecture à l'Assemblée nationale. Ces mesures consistent pour l'essentiel en la création d'une centaine de postes supplémentaires dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), en un accroissement des moyens de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et en un renforcement des commissions locales sur les risques technologiques. Elles dépassent les 8 millions d'euros, et porteraient donc la progression affichée au ministère de l'environnement à 7,4 %.

Cette impossibilité de résumer en un chiffre l'évolution du budget du ministère de l'environnement n'est pas nouvelle, tant ont été nombreux, ces dernières années, les bouleversements qui ont affecté le périmètre et l'organisation du ministère, aux dépens d'une gestion saine et maîtrisée : la progression des enveloppes budgétaires consenties au ministère depuis cinq ans est en effet aussi remarquable que la chute concomitante du taux de consommation des crédits. Celle-ci vide l'autorisation parlementaire d'une partie de sa pertinence.

B. LES CINQ DERNIERS EXERCICES : UNE BOULIMIE BUDGÉTAIRE

Le ministère de l'environnement se pique d'avoir construit, en cinq exercices budgétaires, « un véritable service public de l'environnement à la hauteur des attentes des citoyens ».

Cette progression ne s'est cependant pas effectuée, de l'avis de votre rapporteur, par une progression régulière et équilibrée, mais par des annexions brusques et insuffisamment maîtrisées.

Le budget du ministère de l'environnement s'établissait, en 1997 et 1998 , à un peu plus de 1,8 milliard de francs (soit entre 285 et 290 millions d'euros).

En 1999 , la création de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et l'inscription, au budget du ministère, du montant estimé des anciennes taxes affectées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), pour un montant de près de 1,7 milliards de francs (260 millions d'euros) a provoqué, avec l'appoint de 333 millions de francs de mesures nouvelles, et un transfert de 167 millions de francs du ministère de l'industrie, le doublement de l'enveloppe budgétaire du ministère. Celui-ci a dépassé les 3,9 milliards de francs .

En 2000 , le budget du ministère proprement dit, n'a connu « qu'une » progression de 8,6 % , due en particulier à la forte hausse des crédits affectés au fonctionnement des services . Ceux-ci sont passés de 1 milliard de francs en 1999 à 1,26 milliard de francs en 2000, soit une hausse de 26 % due, notamment, à la création d'une nouvelle direction des études économiques et de l' évaluation environnementale (D4E) . Mais cette progression « modeste », au regard des ambitions formulées par la ministre de créer un ministère à part entière, a été compensée par la création d'un compte spécial du trésor, le « Fonds national de solidarité sur l'eau » (FNSE) géré par le ministère de l'environnement et doté de 500 millions de francs (76,25 millions d'euros).

En 2001 , le rattachement au budget du ministère de l'environnement de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), et de sa dotation, qui s'élevait à 1,33 milliard de francs a provoqué un nouveau gonflement de son enveloppe budgétaire. Celui-ci a été, en grande partie compensée par la contraction très brutale des dotations budgétaires de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui ont été ramenées de 1,7 milliard de francs en 2000 à 492 millions de francs en 2001. Par le jeu contraire de ces deux profonds à-coup, le ministère arrivait à afficher ainsi un taux de progression de 9 % presque raisonnable...

Ces évolutions erratiques, et les dysfonctionnements qu'elles ont entraînés, dont la gestion de l'ADEME fournit la plus marquante mais non l'unique illustration, ont-elles réellement permis de « répondre aux attentes des citoyens », ou n'avaient-elles pas plutôt pour objet de satisfaire l'ambition d'un ministre soucieux « de se doter d'une administration à part entière » ?

ÉVOLUTION DES CRÉDITS VOTÉS AU
BUDGET DE L'ENVIRONNEMENT (1997-2002)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Budget
- en millions de francs


1 869


1 885


3 950


4 300


4 690


5 050

- en millions d'euros

285

288

603

655

716

769

Evolution en %

6,3 %

0,9 %

110 %

8,6 %

9 %

7,4 %

Fonds de concours du compte d'affectation spéciale (en millions d'euros)

17

17

38

76

76

83

TOTAL (en millions d'euros)

302

305

641

732

784

852

C. LA BAISSE CONCOMITANTE DU TAUX DE CONSOMMATION DES CRÉDITS

Les crédits mis à la disposition du ministère de l'environnement ont pratiquement triplé depuis cinq ans. Même en faisant abstraction des modifications de son périmètre, cette inflation des crédits s'est révélée excéder la capacité du ministère à consommer effectivement la masse budgétaire qui lui était attribuée.

Dans son dernier rapport, votre rapporteur s'était alarmé des deux évolutions conjointes qu'il avait constatées :

- une augmentation exponentielle des reports de crédits , tout au long des derniers exercices budgétaires ; s'appuyant sur les données fournies par le ministère, il avait en effet évalué que ceux-ci étaient passés de 244 millions de francs à la fin 1997, à 412 millions de francs à la fin 1998, et à 1 519 millions de francs à la fin de 1999 ;

- une dégradation parallèle du taux de consommation des crédits de paiement imputable, en partie seulement, au problème aigu de l'ADEME.

Ces constatations ont été confirmées par la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2000.

La Cour des comptes estime en effet que le taux de consommation des crédits du ministère est tombé de 85 % en 1997, à 77 % en 1998, puis à 62 % en 1999. Cette situation a continué de s'aggraver, puisque le ministère a consommé moins de la moitié de ses crédits en 2000 . La Cour évalue à 47 % le taux de consommation des crédits proprement dits, et à 46 % le taux global de consommation du budget général, consolidé avec le fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE).

La Cour des comptes relève que la faiblesse du taux de consommation en 2000 tient, certes pour beaucoup, aux subventions de l'ADEME : les versements n'ont en effet porté que sur 77,75 millions d'euros (510 millions de francs) sur un total de 424,11 millions d'euros (2 782 millions de francs) de crédits disponibles. Elle note cependant que les taux de consommation sont inférieurs à 80 % pour la plupart des autres chapitres du budget de l'environnement. Elle en conclut, pour reprendre ses propres mots, qu'« il s'agit d'un phénomène très général que le ministère est bien en peine d'expliquer ».

Elle souligne d'ailleurs que la consommation des crédits du FNSE a été encore plus faible . Le taux de consommation global est de 29 % et il est seulement de 4 % pour les crédits d'équipement. Elle note que les dépenses sont particulièrement faibles pour les mesures nouvelles, qui n'étaient pas financées, auparavant, par le ministère, à travers notamment les fonds de concours des agences de bassin.

Elle s'interroge « sur l'affectation des prélèvements sur les agences à un compte spécial du Trésor, plutôt qu'au budget général (pas spécialement en faveur de l'environnement) où ils auraient pu financer des dépenses plus urgentes ».

La Cour relève en outre que les crédits votés par le Parlement en loi de finances initiale pour 2000 (656 millions d'euros soit 4 300 millions de francs) ont été fortement majorés en cours d'exercice par des reports de l'exercice 1999 qui ont atteint 242,5 millions d'euros (1 591 millions de francs), soit 37 % de la dotation initiale . En outre, la dotation du ministère de l'environnement a été encore abondée par les lois de finances rectificatives à hauteur de 53 millions d'euros (347 millions de francs) dont 181 millions de francs en décembre, parfois alors même que ces crédits avaient été annulés sur les mêmes chapitres. La Cour relève qu'il n'était d'ailleurs pas possible d'utiliser en 2000 certains crédits votés en collectif budgétaire, et que la loi de finances rectificative de décembre, par le jeu des reports sur l'exercice suivant a servi en fait « de substitut à la loi de finances initiale de 2001, en réparant les oublis du projet de loi de finances ».

Au total, d'après la Cour des comptes, les crédits disponibles du ministère se sont élevés, en 2000, à 978,7 millions d'euros (6 420 millions de francs), en augmentation de 50 % par rapport à 1999.

Ces considérations conduisent votre rapporteur à s'interroger sur le sens et la portée de l'autorisation parlementaire puisque :

- un taux de consommation des crédits de 50 % traduit une déconnexion entre le montant du budget voté par le Parlement et le montant des dépenses effectuées par le ministère sur un exercice budgétaire donné ;

- l'ampleur des reports de crédits de l'exercice précédent (37 %) traduit, à son tour, un décalage profond entre le montant de l'autorisation budgétaire votée par le Parlement et le volume des crédits effectivement disponibles.

II. UNE CROISSANCE TOUJOURS PLUS MARQUÉE DES DÉPENSES ORDINAIRES ET DE L'AGRÉGAT « SOUTIEN AUX POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES »

L'analyse des crédits du ministère peut être réalisée, soit suivant la distinction classique des dépenses ordinaires et des dépenses en capital, soit en fonction des agrégats qui regroupent les moyens financiers attribués à chaque secteur de la politique de l'environnement.

A. L'ANALYSE PAR TITRE : LA PRÉDOMINANCE DES DÉPENSES ORDINAIRES

Comme les précédents budgets de 2000 et 2001, le projet de budget pour 2002 privilégie les dépenses ordinaires et réduit les dépenses en capital qui, comme on l'a vu plus haut, ont excédé, dans le passé, les capacités de consommation du ministère.

Les crédits du titre III , consacrés aux moyens des services, connaissent une nouvelle progression et passent de 226 millions d'euros en 2001 à 258 millions d'euros dans le projet de budget initial pour 2002. Les mesures complémentaires votées par l'Assemblée nationale à la demande du gouvernement portent à 263,57 millions d'euros leur montant global, en hausse de 22 % par rapport à 2001.

Cette progression est en grande partie due aux coûts directs et indirects induits par la création de 300 emplois budgétaires nouveaux, auxquels s'ajoutent les 100 créations d'emplois supplémentaires qui résultent de l'amendement déposé par le gouvernement lors de la discussion à l'Assemblée nationale. Ces 400 créations d'emplois nettes viennent s'ajouter aux 300 créations d'emplois inscrites du budget de 2001.

EFFECTIFS BUDGÉTAIRES ET CRÉATIONS D'EMPLOIS

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Créations d'emplois

0

34

139

139

300

400

Transferts

 
 
 

70

 

14

Effectifs totaux

2 378

2 412

2 551

2 760

3 060

3 474

La répartition des 400 créations d'emplois prévues par le projet de budget pour 2002, est la suivante :

- 75 emplois sont créés au niveau de l'administration centrale ;

- 162 emplois sont créés dans les directions régionales de l'environnement (DIREN) pour un montant de 6 millions d'euros ;

- dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), les 50 créations d'emplois prévues par le projet de loi de finances initiale (1,6 million d'euros) sont complétés par les 100 créations d'emplois résultant de l'adoption de l'amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale ; ces créations d'emplois doivent permettre de renforcer les effectifs de l'inspection des installations classées industrielles.

- 13 emplois sont créés dans les services vétérinaires (0,46 million d'euros).

Aux dépenses directes liées à la création des nouveaux emplois s'ajoutent les frais nécessaires à leur installation (4,1 millions d'euros), les frais consécutifs à l'aménagement et à la réduction du temps de travail (3 millions d'euros) et différentes mesures de transformations d'emplois (2,6 millions d'euros).

Cette politique d'emploi qui, en cinq années, aura accru de 44 % l'effectif global du ministère tranche sur un contexte national plutôt marqué par le souci d'économie budgétaire et de maîtrise de l'emploi public.

Anticipant sur l'examen du titre IV, on précisera que quelques 86 créations d'emplois non budgétaires s'ajoutent aux créations d'emplois évoquées ci-dessus :

- 15 postes sont créés au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

- 49 emplois viendront étoffer l'effectif des parcs nationaux ;

- 10 emplois supplémentaires (intégrant la consolidation de deux mises à disposition) sont créés à l'Institut français de l'environnement.

- 12 postes sont destinés à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.

Les subventions de fonctionnement inscrites au Titre IV passent de 301 à 366 millions d'euros en loi de finances initiale, et à 368 millions d'euros en y ajoutant les mesures supplémentaires adoptées par l'Assemblée nationale, soit une progression globale de 22 %.

En 2001, les subventions de fonctionnement du titre IV avaient plus que doublé principalement sous l'effet du rattachement au budget de l'environnement des 1,33 milliard de francs de la dotation de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN). Hors IPSN, l'enveloppe budgétaire du titre IV avait cependant enregistré une progression de 14,5 %.

L'augmentation des crédits inscrits en 2002, au titre IV, est principalement due :

- au transfert des crédits de fonctionnement de l'office pour la protection des rayonnements ionisants (OPRI) dans la perspective de la création de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) (14 millions d'euros) ;

- au renforcement des moyens de fonctionnement de l'IRSN lui-même pour 24,2 millions d'euros ;

- à l'augmentation des moyens de fonctionnement de l' Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) pour 1,2 million d'euros et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie pour 4,3 millions d'euros.

Le chapitre 44.10 « Protection de la nature et de l'environnement » connaît une progression globale de 43 %, passant de 51,5 à 73,7 millions d'euros, tirée en particulier par les crédits attribués au « fonds de gestion des milieux naturels », qui, après une réduction de 4 % en 2001, connaissent dans le projet de budget pour 2002 une hausse de plus de 50 % passant de 17,7 à 26,7 millions d'euros.

Les crédits d'investissement enregistrent dans le projet de budget pour 2002 une nouvelle diminution de leur encours.

Les moyens financiers inscrits au titre V sont ramenés de 34,4 à 24,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit une contraction de 35 % qui fait suite à la diminution de 14,3 % enregistrée en 2001. Cette contraction n'affecte ni la dotation du fonds d'intervention contre les pollutions marines accidentelles (FIPAR) reconduite à hauteur de 1,5 million d'euros (10 millions de francs), ni les enveloppes financières consacrées à l'équipement immobilier des services, en hausse de 38 %. Elle est concentrée sur le chapitre « protection de la nature et de l'environnement » qui diminue de 40 %.

Ramenées de 320 millions d'euros (2,1 millions de francs) en 1999 à 152 millions d'euros (1 milliard de francs) en 2000, les crédits de paiement du titre VI connaissent, dans le projet de budget pour 2002, une nouvelle contraction de plus de 25 % et tombent à 113 millions d'euros. Cette évolution spectaculaire tient largement à la gestion de l'ADEME dont les crédits de paiement subissent dans le projet de budget pour 2002 une nouvelle purge qui les ramène de 75 à 61 millions d'euros.

SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES À L'ADEME PAR LE MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT (ARTICLE 67-30)

(en millions d'euros)

 

Crédits de paiement

Autorisations de programme

 

LFI 2001

PLF2002

LFI 2001

PLF2002

Energie

8 644

14 783

44 668

80 600

Déchets ménagers

30 508

16 906

157 655

92 178

Dépollution des sols

2 637

2 210

13 568

12 051

Ramassage des huiles

21 572

18 522

21 572

18 522

Isolation acoustique

4 711

3 130

24 316

17 067

Lutte contre la pollution atmosphérique

4 695

3 496

24 239

19 064

Surveillance de la qualité de l'air

2 226

1 933

11 487

10 534

TOTAL

74 993

60 980

297 515

250 016

Les subventions d'investissement versées au Conservatoire du littoral, aux parcs nationaux, à l'Institut français de l'environnement et à l'Ecole national supérieure du paysage connaissent, en revanche, une légère progression.

B. L'ANALYSE PAR AGRÉGAT : UNE PRIORITÉ EN FAVEUR DU SOUTIEN AUX POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES

L'analyse des crédits du ministère de l'environnement pour 2001 manifeste à nouveau une priorité marquée en faveur du « soutien aux politiques environnementales » comme le montre le tableau ci-dessous qui résume les crédits des quatre grands agrégats thématiques et leur évolution.

Agrégats

LFI 2001

PLF 2002

Evolution en  %

21. Protection de la nature, sites et paysages

110,5

118,1

6,8

22. Protection de l'eau et des milieux aquatiques

42,5

32,7

- 23

23. Prévention des pollutions et des risques

376,8

397,1

5,4

24. Soutien aux politiques environnementales

186,4

213,3

14,4

(en millions d'euros)

1. L'ambition du « ministère de plein exercice » et sa traduction budgétaire

Les dépenses consacrées à l'agrégat « soutien aux politiques environnementales », qui avaient déjà connu, en 2001, une progression de 22,8 %, bénéficient à nouveau, dans le projet de budget pour 2002, d'une croissance de 14,4 % très supérieure à celle des autres agrégats.

Cet agrégat est constitué pour plus de la moitié de dépenses de personnel qui s'élèvent à 131 millions d'euros (860 millions de francs) dans le projet de budget pour 2002 en hausse de 20 % après l'avoir été de 23 % en 2001. Cette progression est la traduction financière des 300 créations d'emplois prévues dans le projet de budget initial, et des mesures qui l'accompagnent.

Dans cet agrégat, sont également regroupées les dépenses de fonctionnement courant , en hausse de 14 % les dépenses afférents aux nouveaux organismes (Institut français de l'environnement, agence française de sécurité sanitaire environnementale) ainsi que le soutien à l'action internationale et aux actions d'expertise environnementale et de recherche.

La très forte progression de cet agrégat, les 300 créations d'emplois qui l'accompagnent, et les nouvelles structures dont se dote le ministère constituent une nouvelle traduction de la volonté maintes fois exprimée de faire du ministère de l'environnement un « ministère de plein exercice ».

Outre que l'on peut mettre en question l'opportunité de procéder à nouveau à 300 création d'emplois dans un contexte où un effort de rigueur budgétaire s'impose, il convient de s'interroger très sérieusement sur l'évolution du ministère de l'environnement, initialement conçu comme une administration de mission, vers un statut de « ministère de plein exercice ».

Il importe en effet que tous les ministères intègrent dans leurs préoccupations, et dans leurs actions, le souci de protection de l'environnement et la dimension du développement durable. La création d'un ministère de l'environnement de plein exercice ne risque-t-elle pas de les inciter à se sentir déchargés de leurs responsabilités en ce domaine, voire même de multiplier les conflits avec le nouveau « ministère régalien » ?

2. La protection de la nature, des sites et des paysages

L'agrégat « protection de la nature, sites et paysages » enregistre une hausse de 6,8 % et s'établit à 118 millions d'euros dans le projet de budget pour 2002.

• Au sein de cette enveloppe, les crédits du fonds de gestion des milieux naturels (FGMN) s'établissent à 40 millions d'euros (264 millions de francs) soit une hausse de 13 % par rapport à 2001.

Cette hausse est principalement due à la progression des crédits d'intervention déconcentrés, qui passent de 14 à 21 millions d'euros ; les crédits d'investissement s'établissent en revanche à 6,5 millions d'euros contre 11,6 millions d'euros en 2001.

Le FGMN est chargé d'assurer le financement de la politique de préservation des milieux naturels et de la diversité biologique : réseau Natura 2000, parcs naturels régionaux, conservatoires régionaux des espaces naturels, programmes de conservation des espèces sauvages,...

Le ministère indique que la forte progression des dotations du FGMN tient pour une large part aux conséquences de l'adoption de l'ordonnance de transposition de la directive du 11 avril 2001, qui fait de la mise en place du réseau Natura 2000 une priorité. Il évalue à 19 millions d'euros (125 millions de francs) les crédits qui lui sont consacrés, affichant une hausse de 15%.

• Les crédits consacrés au développement du réseau des espaces naturels s'établissent à 74 millions d'euros (485 millions de francs) en 2002, en hausse de 7 %. Ils sont destinés à la poursuite de la politique de protection des milieux naturels les plus sensibles : parcs nationaux, Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, réserves naturelles.

Les crédits du Conservatoire du littoral augmentent de 7 % et s'établissent à 25,5 millions d'euros (167 millions de francs). Cette hausse affecte toutefois principalement les crédits de fonctionnement, qui s'élèvent à 7,24 millions d'euros, en partie sous l'effet de la création de 15 postes non budgétaires. Les crédits d'investissement, en revanche, n'enregistrent qu'une hausse nominale de 0,3 % qui ne maintient même pas son pouvoir d'achat. Le projet de budget apporte une première réponse à la nécessité d'étoffer les moyens de fonctionnement du Conservatoire pour leur permettre de faire face à la gestion d'un patrimoine qui s'est beaucoup étendu. Il ne prévoit, en revanche, pas les moyens supplémentaires qui permettraient au Conservatoire, conformément aux recommandations du rapport de M. Le Pensec, d'accroître le rythme de ses acquisitions.

Les crédits consacrés aux réserves naturelles s'élèvent, dans le projet de budget pour 2002, à 11 millions d'euros (73 millions de francs), en hausse de 8 %. Là encore, la croissance des crédits résulte principalement de l'augmentation forte des moyens de fonctionnement (+ 25 %) destinés à permettre l'application de la charte du personnel, approuvée en 2001 par l'assemblée générale des réserves naturelles de France.

• Les crédits consacrés à la politique de préservation des sites et paysages connaissent en revanche une forte contraction de leurs dotations, en baisse de 24 %. Cette diminution n'affecte ni les moyens de fonctionnement, en hausse de 36 % ni les crédits d'intervention, en hausse de 18 %. Elles concernent exclusivement les subventions d'investissement ramenées de 5 à 1,4 million d'euros.

3. Les actions en faveur de la protection de l'eau et des milieux aquatiques

L'agrégat « Protection de l'eau et des milieux aquatiques » regroupe les dépenses liées à un usage économique de l'eau et celles visant la protection des milieux aquatiques. Les crédits qui lui sont consacrés sont ramenés de 42,5 millions d'euros en 2001 à 32,7 millions d'euros en 2002, soit une baisse brutale de 23 %.

Cette évolution globale recouvre des évolutions divergentes. Les dépenses ordinaires progressent en effet de 22 % mais les crédits d'investissement sont brutalement ramenés de 24,5 millions d'euros à 10,6 millions d'euros.

Le ministère attribue cette évolution à la nécessité de prendre en compte les importants reports de crédits de paiement issus des anciens fonds de concours des agences de l'eau. Cet aveu vient utilement compléter les critiques formulées par la Cour des Comptes, évoquées plus haut, sur la gestion des crédits du Fonds national de solidarité pour l'eau.

Votre rapporteur doit convenir qu'il éprouve une certaine difficulté à trouver une continuité dans l'évolution des crédits de la politique de l'eau, tels qu'ils sont retracés dans le tableau suivant.

DÉPENSES BUDGÉTAIRES DE LA DIRECTION DE L'EAU SUR 1999-2002 (DÉPENSES ORDINAIRES ET CRÉDITS DE PAIEMENT)

(en millions d'euros)

 

1999

(exécution)

2000

(exécution)

2001

(prévision)

2002

(PLF)

Réduction des risques liés aux crues et aux inondations

59

48

33

17

Bonne gestion de l'eau, des milieux et de leurs usages

9

65

41

12

Reconquête de la qualité des milieux

10

31

25

4

TOTAL

78

63

43

33

Plusieurs postes voient leurs crédits réduits :

- les crédits destinés à la police et à la gestion de l'eau ainsi qu'aux réseaux d'annonces de crues passent de près de 11 millions d'euros (72,16 millions de francs) à moins de 6 millions d'euros (39,36 millions de francs) (-46 %) ;

- les crédits destinés à la protection des lieux habités contre les inondations passent de près de 12 millions d'euros (78,71 millions de francs) à 3,3 millions d'euros (21,65 millions de francs) (-73 %).

Votre rapporteur s'interroge en revanche sur la très forte augmentation des crédits du Conseil supérieur de la pêche , qui passent de 1 à près de 5 millions d'euros (6,56 à 32,80 millions de francs) en 2002. Le ministère l'impute à la situation difficile de cet organisme, liée au fait que « les dépenses relatives au personnel augmentent alors que les recettes tirées de la taxe piscicole stagnent ou baissent » en raison de la réduction du nombre de pêcheurs, ce qui ne constitue pas une réponse très satisfaisante.

A l'exception d'une mesure nouvelle de 381 000 euros (2,5 millions de francs) consacrée à l'installation d'une équipe pluridisplinaire chargée d'une mission d'assistance technique, les crédits consacrés en 2002 à la deuxième phase du Plan Loire Grandeur nature sont reconduits au même niveau qu'en 2001. Ils comportent ainsi :

- une enveloppe de 6 millions d'euros (39,36 millions de francs) destinée à des actions liées à la prévention des inondations : atlas, plans de prévention des risques, annonces des crues ;

- une enveloppe de 2,2 millions d'euros (14,5 millions de francs) au titre de la restauration des milieux aquatiques ;

- une enveloppe de 2 millions d'euros (13,4 millions de francs) consacrée à l'entretien courant du lit et au fonctionnement de l'annonce des crues.

4. Les actions en faveur de la prévention des pollutions et des risques

Les crédits de l'agrégat « prévention des pollutions et des risques » s'établissent à 397 millions d'euros (2,6 milliards de francs) dans le projet de loi de finances initial pour 2002, en augmentation de 5,4 % par rapport à 2001.

Les subventions de fonctionnement versées au futur Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire occupent une place prépondérante dans cet agrégat avec près de 242 millions d'euros (1,6 milliard de francs).

Le transfert en 2001 de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) avait marqué l'extension du champ d'action du ministère en matière de sûreté nucléaire. Depuis, la loi du 9 mai 2001 a créé un nouvel établissement public industriel et commercial, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) né de la fusion de l'IPSN et de l'Office de protection des rayonnements ionisants (OPRI). Cet Institut doit être placé sous la co-tutelle de cinq ministères différents : santé, environnement, défense, recherche et industrie.

Les 38 millions d'euros (249,26 millions de francs) supplémentaires inscrits au projet de budget pour 2002 en faveur de ce nouvel organisme résultant :

- à hauteur de 14 millions d'euros (91,83 millions de francs) du transfert des crédits de l'OPRI, auparavant rattachés au ministère de l'emploi et de la solidarité ;

- à hauteur de 30 millions de francs (196,79 millions de francs), d'une mesure nouvelle destinée à la constitution de provisions fiscales liées au statut du nouvel Institut.

Ces deux mesures mises à part, on constate une diminution de 6 millions d'euros (39,36 millions de francs) des crédits auparavant consacrés à l'IPSN.

- le projet de loi initial prévoyait une augmentation de 1,2 million d'euros (7,87 millions de francs) du budget de fonctionnement de l'Institut national de l'environnement et des risques (INERIS) de façon à lui permettre de renforcer ses capacités d'expertise et d'appui dans le domaine des installations classées. Ses moyens devaient être encore augmentés de 300 000 euros (2 millions de francs) par l'effet des amendements déposés par le gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.

En revanche, les crédits d'investissement de l'INERIS s'établiront à 4,9 millions d'euros (32,14 millions de francs) en 2002, en diminution de 0,5 million d'euros (3,28 millions de francs).

- si la subvention de fonctionnement de l'ADEME est augmentée de 460 000 euros (3 millions de francs), les subventions d'investissements que lui verse l'Etat sont une nouvelle fois diminuées et ramenées de 75 à 61 millions d'euros (491,97 à 400,13 millions de francs).

- les crédits consacrés aux plans de prévention des risques sont reconduits au même niveau qu'en 2001, soit 15,24 millions d'euros (100 millions de francs).

- les crédits consacrés à la prévention des risques technologiques accidentels et chroniques sont également reconduits à hauteur de 5,6 millions d'euros (37 millions de francs) ; mais les effectifs consacrés à l'inspection des installations classées sont renforcés avec la création de 50 postes dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) auxquels viennent s'ajouter les 100 postes décidés à la suite de l'accident de Toulouse.

- le dispositif de surveillance de la qualité de l'air bénéficiera de 1,67 millions d'euros (11 millions de francs) supplémentaires portant à 17,38 millions d'euros (114 millions de francs) les moyens qui leur sont consacrés. Ces moyens nouveaux seront principalement consacrés à l'achat de capteurs, de matériel informatique et d'outils de réglage.

- le budget pour 2002 consacrera 12,6 millions d'euros (82,6 millions de francs) (DO+AP) à la lutte contre le bruit. Les crédits sont destinés à financer des aides pour l'isolation des logements privés dans le cadre du programme de résorption des points noirs de bruit.

III. L'AVENIR DU CONSERVATOIRE DU LITTORAL

Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a été créé par la loi du 10 juillet 1975.

Celle-ci lui a conféré le statut d'établissement public de l'Etat à caractère administratif, et lui a donné pour mission de mener, après avis des conseils municipaux intéressés, une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral et de respect des sites naturels et de l'équilibre écologique.

Le Conservatoire a élaboré une stratégie à long terme qui s'appuie sur un inventaire exhaustif des sites naturels remarquables le long du littoral, correspondant à ses critères d'intervention. Cette stratégie a été approuvée par le Gouvernement et présentée au Président de la République en juillet 1995. Elle conduit à prévoir la maîtrise foncière de 200 000 hectares en bord de mer, de façon à contribuer à l'objectif de la protection du tiers du littoral français.

Toutefois, ces dernières années ont été marquées par la multiplication de difficultés de nature juridique, institutionnelle et administrative, rencontrées plus particulièrement dans l'exercice, par le Conservatoire, de ses responsabilités de propriétaires.

Ces difficultés sont liées, en particulier, à l'extension qu'a pris, au fil des ans, le patrimoine du Conservatoire, sans que les moyens dont il dispose aient progressé dans la même proportion. Au 1 er janvier 2001, ce patrimoine s'étendait sur 851 kilomètres de rivage, et couvrait près de 64 000 hectares, répartis entre 476 sites.

Face à ces difficultés, le Premier ministre a confié à notre collègue, M. Louis Le Pensec, une mission de réflexion sur le Conservatoire du littoral, en l'invitant plus particulièrement à formuler des propositions sur une « définition modernisée et élargie de ses missions », sur les adaptations législatives ou réglementaires que celle-ci pourrait nécessiter, et sur l'amélioration du dispositif de conventionnement mis en place pour la gestion des sites.

M. Le Pensec a déposé son rapport le 20 juillet 2001 et votre rapporteur se propose d'en résumer les principales orientations.

A. UN OUTIL EFFICACE AU SERVICE DE LA PROTECTION DU LITTORAL

1. Des missions à renforcer

Le rapport part du constat que la mission confiée au Conservatoire fait aujourd'hui l'objet d'un consensus remarquable. Celui-ci repose sur la conviction que le patrimoine littoral est un capital de richesses et d'agrément qui appartient à la collectivité tout entière et dont la protection est une prérogative de puissance publique.

Le Conservatoire apparaît comme un outil approprié dans la conduite de cette mission : il n'apparaît pas comme un démembrement de l'administration, mais plutôt comme un organisme exerçant une mission au service de la Nation.

Le Conservatoire a su, en outre, établir avec les collectivités territoriales un partenariat de qualité et d'ampleur exceptionnelles, en s'appuyant sur des « conseils de rivages » composés d'élus des départements et des régions, institués pour chacune des façades maritimes et des lacs, et dotés d'un rôle consultatif.

Enfin, le Conservatoire a su intervenir de façon différenciée selon la nature des espaces, organisant lorsqu'il est possible, un accès au public qui lui permet d'accueillir chaque année 15 millions de visiteurs.

Le rapport estime nécessaire de conforter, mais aussi de réactualiser, la stratégie d'intervention du Conservatoire :

- il estime que l'objectif global de porter à 200 000 hectares son patrimoine reste pertinent, mais juge trop lointaine l'échéance de 2 050 fixée en 1995 ;

- il ne propose pas d'élargir le champ de compétences au-delà des rivages maritimes et lacustres, mais propose plutôt de confier à une nouvelle structure spécifique la protection des espaces sensibles intérieurs ;

- il incite le Conservatoire à porter une attention plus soutenue à certains espaces comme les zones humides littorales, les lacs et le littoral d'Outre-Mer.

Il propose en outre de lui confier un rôle central dans une gestion plus cohérente du littoral.

Il dénonce les conséquences néfastes de l'éclatement actuel des centres de décisions et de la multiplicité des intervenants qui résulte de la distinction de la partie maritime et de la partie terrestre du rivage, et préconise, suivant les recommandations du Conseil de l'Europe et de la Commission européenne, une gestion plus intégrée des zones côtières, qui permettrait au Conservatoire d'intervenir aussi dans les espaces naturels du domaine public maritime (DPM).

Il recommande en outre de raviver son rôle de conseil et de proposition. Il propose à cette fin que le Conservatoire soit consulté sur toutes les autorisations d'usage du domaine public maritime, au droit de ses terrains, ainsi que sur l'élaboration des schémas de mise en valeur de la mer et des schémas de cohérence territoriale.

Il suggère en outre de faciliter son action ponctuelle comme opérateur pour la mise en oeuvre de programmes nationaux ou communautaires tels LIFE ou Natura 2000.

2. La stratégie d'acquisition foncière

M. Le Pensec considère que l'acquisition des terrains reste la procédure la plus efficace, car elle leur confère une protection pérenne et active, alors que la réglementation issue de la loi littoral du 3 janvier 1986 et les servitudes diverses n'offrent, dans le meilleur des cas, qu'une protection passive.

Il évoque les différents modes d'acquisition pratiqués par le Conservatoire : achat amiable (80 % des cas), expropriation (3 %) ou préemption (17 %) indiquant que cette dernière procédure devrait, à l'avenir, être facilitée notamment :

- en créant un droit de préemption propre au Conservatoire dans les espaces naturels littoraux, lorsque le département n'y a pas instauré de périmètre de préemption au titre des espaces naturels sensibles ;

- en permettant au Conservatoire de demander aux SAFER de préempter pour la protection d'un espace relevant de son champ d'intervention ;

- en lui permettant de préempter en cas d'adjudication judiciaire et de réaliser la préemption partielle d'un bien lorsqu'une partie seulement est située dans un périmètre de préemption.

Il propose également de favoriser les autres modes de maîtrise foncière : dation en paiement, dons et legs, affectation au Conservatoire de biens du domaine public de l'Etat, dispositif d'attribution trentenaire de biens du domaine public de l'Etat au Conservatoire. Enfin, il envisage de nouvelles formes de partenariat avec les propriétaires privés d'espaces naturels.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME D'ENVERGURE DES MODES DE GESTION

1. Les conditions actuelles de la gestion du patrimoine

La loi de 1975 avait fait le choix de confier à d'autres personnes morales que le Conservatoire la gestion de ses terrains, de façon à ce que ce dernier reste un établissement léger, et à associer les élus locaux à leur protection.

L'article L. 322-9 du code de l'environnement a donc disposé, en conséquence, que « la gestion des immeubles dont le Conservatoire est propriétaire ou affectataire est réalisée par la voie de convention avec les collectivités locales ou leurs groupements, les établissements publics ou les fondations et associations spécialement agréées à cet effet ou les exploitants agricoles ».

En pratique, deux tiers des sites sont couverts par une convention de gestion, et sur les 146 conventions signées, 75 % l'ont été par des communes, qui sont donc très présentes dans le dispositif de gestion en cours.

Or, cette gestion est une tâche lourde et inégalement assurée. Une étude de l'association « Rivages de France » évaluait les dépenses consacrées en 1998 par les gestionnaires pour la gestion des sites du Conservatoire à 70 millions de francs, soit plus de la moitié du coût des acquisitions réalisées la même année. Ces charges ne donnent lieu ni à une compensation systématique ni à une péréquation entre les collectivités « protectrices » et les autres. En outre, le système de convention ne permet pas au Conservatoire de bien contrôler le respect des engagements conventionnels, et entraîne des lourdeurs dans le contrôle des recettes, qui ont la qualité de recettes publiques.

Ce dispositif pourrait être allégé si chaque gestionnaire adressait au Conservatoire un compte annuel des produits et charges par site. Une disposition législative serait cependant nécessaire pour autoriser cette proposition qui déroge aux règles générales en matière de recettes publiques.

2. Les insuffisances du système actuel

Le rapport considère tout d'abord que le Conservatoire n'a pas les moyens d'assurer pleinement ses responsabilités de propriétaire.

Il rappelle tout d'abord que la charge d'aménagement croît plus que proportionnellement à l'augmentation du patrimoine, et que les autres charges -celles qui tiennent au suivi et au contrôle de la gestion, ou à la sécurité et à la police des rivages- sont, également, difficiles à assurer.

Or, le Conservatoire n'est pas doté des moyens adaptés à l'exercice de ses responsabilités :

- les moyens humains et financiers dont il dispose pour conduire la maîtrise d'ouvrage des travaux et le suivi de la gestion sont très insuffisants ;

- certaines règles de la commande publique, qui s'imposent à tout établissement public administratif de l'Etat, sont mal adaptées à la dispersion des sites et des marchés passés ;

- le partenariat avec les collectivités locales rend difficile la mise en cohérence au niveau national.

Il considère, en outre, que le partenariat fructueux mis en place avec les collectivités locales est aujourd'hui fragile et contesté. Alors que la loi avait prévu de ne solliciter les collectivités territoriales que pour la gestion des terrains, celles-ci sont aujourd'hui impliquées directement ou indirectement dans le fonctionnement du Conservatoire et dans ses missions d'acquisition, d'aménagement et de suivi de la gestion. Mais les procédures instituées à cette fin ne sont pas adaptées, et soulèvent dans certains cas les critiques de la Cour des comptes.

C. LES MOYENS D'UNE NOUVELLE AMBITION

Le rapport de M. Le Pensec envisage, pour remédier à ces difficultés, trois séries de mesures : une refonte du dispositif institutionnel, un étoffement des moyens humains, un renforcement et une diversification des ressources financières.

Ces propositions ouvrent des pistes intéressantes et méritent donc une réflexion approfondie et votre rapporteur interrogera le gouvernement sur les analyses qu'elles lui inspirent et sur les suites qu'il envisage, le cas échéant, de leur donner.

1. Une refonte du dispositif institutionnel

Pour dépasser les limites de l'actuel système de gestion, le rapport de M. Le Pensec propose une solution audacieuse et novatrice.

Cette solution repose sur la distinction de trois niveaux de compétences :

- la stratégie d'acquisition foncière et la détermination des grands principes et objectifs d'aménagement et de gestion, qui doivent rester de la compétence du Conservatoire ;

- la gestion courante des sites, à l'autre extrémité, qui doit rester de la compétence des collectivités publiques et associatives, mais avec des moyens accrus ;

- entre les deux, la mise en oeuvre du programme d'aménagement et du dispositif conventionnel, la maîtrise d'ouvrage des travaux et le suivi de la gestion seraient confiés à une structure intermédiaire .

Il propose de constituer celle-ci en s'appuyant sur les structures existantes :

- les conseils de rivages , constitués d'un élu par département et d'autant d'élus des régions qu'il y a d'élus des départements, ont déjà vocation à émettre des avis sur les orientations du Conservatoire, à proposer un programme d'acquisitions et à donner un avis sur les propositions particulières d'acquisitions ; ces conseils devraient être portés de sept à neuf, de façon à leur confier des zones plus homogènes, et être dotés de nouvelles compétences et de pouvoirs de décision , à un niveau interrégional : approbation des conventions de gestion, d'usage et d'exploitation, approbation des plans de gestion et des subventions éventuelles ;

- les délégations du littoral , dont l'autonomie et les compétences seraient renforcées, seraient dotées d'un nouveau statut.

Après avoir passé en revue différentes solutions, M. Le Pensec estime que la formule la plus adaptée serait la création d'une nouvelle forme d'établissements publics : les établissements publics de l'Etat à compétence territoriale limitée . Ces établissements seraient placés sous la tutelle du Conservatoire du littoral, qui jouerait le rôle de tête de réseau, et ils seraient dirigés par des conseils d'administration composés d'élus locaux : les conseils de rivages.

Cette formule est novatrice et supposerait l'intervention d'une loi pour créer cette nouvelle catégorie d'établissement public. Par la suite, chacun des établissements pourrait être créé par décret en Conseil d'Etat, après avis des régions et départements intéressés.

2. Le renforcement des moyens humains.

Le rapport juge indispensable une remise à niveau des moyens humains du Conservatoire.

Il dénonce la faiblesse du nombre d'emplois budgétaires qui entraîne le recours à des personnels de statuts divers et instables. Ces emplois budgétaires n'ont en effet que doublé entre 1980 et 2000, alors que dans le même temps, le nombre de sites et d'hectares détenus par le Conservatoire avait été multiplié par cinq.

Il appuie par ailleurs la demande formulée par le directeur du Conservatoire de voir celui-ci inscrit sur la liste des établissements publics autorisés par mesure dérogatoire à recruter des contractuels.

Il propose en conséquence :

- un doublement d'ici 2005 des moyens humains à répartir entre le Conservatoire national et les délégations du littoral ;

- l'intégration progressive des agents sous statut précaire par recrutement sur les emplois budgétaires créés ;

- l'approbation d'un statut interne du personnel ;

- dans l'attente des autres mesures, l'adoption d'un plan de consolidation des emplois-jeunes.

3. Le renforcement et la diversification des ressources financières

Le rapport réaffirme le principe d'un abondement principal par le budget de l'Etat des acquisitions du Conservatoire. Celle-ci, qui est restée stable depuis 1978, devrait être doublée d'ici 2005 et portée de 120 à 240 millions de francs, et répartie à raison de 140 millions de francs pour le Conservatoire et 100 millions de francs pour les délégations.

Le nouveau cadre institutionnel devrait en outre permettre de donner un cadre légal à la participation financière des collectivités locales. L'implication des départements pourrait être réalisée grâce à la taxe départementale sur les espaces sensibles (TDENS). Cette taxe, plafonnée à 2 % de la valeur de l'ensemble immobilier sur lequel elle est assise, constitue une source de financement importante pour la protection du littoral et rapporte 232 millions de francs par an aux départements littoraux. Le rapport propose que les départements soient autorisés explicitement à financer leurs dotations aux délégations du littoral sur les ressources issues de la TDENS, en portant le taux de cette taxe de 2 à 2,25 %.

Le rapport propose en outre d'autoriser les collectivités territoriales qui réalisent des travaux sur les sites du Conservatoire à récupérer la TVA, à l'instar des mesures déjà prises, lorsque les collectivités se substituent à l'Etat en matière de défense des côtes, ou pour les monuments historiques.

Enfin, le rapport préconise d'instaurer une péréquation régionale et nationale des ressources des collectivités selon l'importance du patrimoine national qu'elles doivent entretenir et gérer, ce qui, de l'avis de votre rapporteur, ne pourrait être envisagé sans la réalisation d'évaluations et de consultations préalables.

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* *

Ces propositions ont le mérite d'être ambitieuses et d'ouvrir des pistes intéressantes.

Toutefois, leur mise en oeuvre suppose l'adoption de dispositions législatives novatrices qui méritent une réflexion approfondie. En outre, leur coût financier n'est pas non plus négligeable, particulièrement dans une période où les pouvoirs publics doivent s'attacher à réduire la dépense publique.

Votre rapporteur souhaite donc que les propositions contenues dans le rapport de M. Le Pensec fassent l'objet d'un débat élargi, permettant la consultation des différentes parties concernées . Il mettra à profit la discussion des crédits de l'environnement en 2002 pour interroger le ministre sur la façon dont le gouvernement envisage de répondre à ces propositions.

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EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le mercredi 21 novembre 2001 , sous la présidence de M. Jacques Valade, président , la commission a examiné le rapport pour avis de M. Ambroise Dupont sur les crédits de l'environnement pour 2002 .

Suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'environnement pour 2002.

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CONCLUSION




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