C. UN PROJET DE REFORME DE L'OMC À POURSUIVRE

La réforme de l'OMC est le seul « mandat » qui ait été donné au Directeur Général de l'OMC, M. Mike Moore, à l'issue de la Conférence de Seattle. Il s'agissait alors de réfléchir à des mesures susceptibles d'aider à la relance d'un cycle commercial ; l'organisation des travaux de la conférence ministérielle et les méthodes de négociation avaient en effet été jugées en partie responsables de l'échec de Seattle. Depuis deux ans, l'OMC renforce l'accès à l'information et travaille à rendre son fonctionnement interne plus démocratique, comme l'ont prouvé la préparation et le déroulement de la conférence de Doha. Toutefois, les contestations persistantes portant sur l'OMC appellent une révision de son mode de fonctionnement.

La plupart des Etats ne souhaitent pas modifier les règles de fonctionnement de l'organisation. Les pays en développement, en particulier, sont pour le moment hostiles aux mesures proposées par l'Union européenne et les Etats-Unis afin d'améliorer la transparence externe et interne de l'OMC.

L'OMC est vivement critiquée par les militants anti-mondialisation, qui relayent et amplifient les reproches que les pays les moins avancés ont adressés à cette organisation à l'issue de la conférence de Seattle.

Pourtant, même parmi les critiques les plus radicaux, l'idée fait son chemin qu'une OMC réformée pourrait être une institution indispensable. Supprimer l'OMC ou revenir à l'ancien GATT ne résoudrait aucun des problèmes soulevés par la mondialisation. L'OMC, pierre angulaire du système commercial international, en garantit la cohérence, en contenant les risques de fractionnement et de discriminations. L'augmentation progressive du nombre de ses membres -142 à ce jour- et l'entrée prochaine de la Chine et d'une vingtaine d'autres pays candidats -dont la Russie- rapprochent désormais l'OMC de l'universalité.

L'OMC est une organisation mixte. Elle est à la fois une enceinte de négociation et une juridiction internationale. Les critiques dont elle fait l'objet portent sur ces deux fonctions.

En tant qu'enceinte de négociation, l'OMC n'a pas de pouvoirs propres, analogues à ceux du FMI ou de la Banque Mondiale. Contrairement à la réputation qui lui est parfois faite, ce n'est pas l'organisation elle-même qui promeut une idéologie particulière. Elle n'en a ni les moyens, ni la mission, car elle reste contrôlée étroitement par les Etats membres qui sont tous sur un pied d'égalité, les décisions se prenant par consensus, alors qu'une dizaine d'Etats membres représentent 80 % des échanges mondiaux. Sa mission, aux termes des Accords de Marrakech de 1994, est d'organiser la mise en oeuvre des négociations commerciales selon le principe de libéralisation des échanges arrêté dans l'accord initial du GATT de 1947.

En revanche, l'Organe de règlement des différends de l'OMC a des compétences sans équivalent. Ce sont essentiellement les décisions de cet organe qui fondent les critiques les plus radicales adressées à l'OMC.

La réforme de l'organe des règlements des différends

Le caractère quasi juridictionnel des mécanismes de règlement des différends accroît l'égalité entre les Etats et renforce l'assise du droit international.

Sa création a permis de lutter utilement contre l'unilatéralisme et d'éviter que le jeu croisé des sanctions et des rétorsions ne dégénère en guerre commerciale. Les pays en développement ont de plus en plus recours au système de règlement des différends, tant d'une manière offensive que défensive d'ailleurs.

A l'occasion du nouveau cycle de négociations, des réformes du mécanisme de règlement des différends pourraient cependant être mises en oeuvre dans le respect des principes généraux établis lors de sa création.

Ainsi, la professionnalisation des groupes spéciaux -chargés de juger en première instance- serait un moyen de mieux garantir l'indépendance des « panels » et de diversifier leur composition.

Un renforcement de l'assistance technique au bénéfice des pays en développement paraît aussi nécessaire, face à des procédures de plus en plus longues et coûteuses.

De même, la transparence de la procédure peut être améliorée, notamment par une association plus étroite des ONG. Cependant, le caractère interétatique de la saisine doit être préservé, en raison notamment de l'importance des décisions des « panels » sur les relations entre les Etats.

D'autres réformes sont envisageables : procédure de consultation pour avis de l'Organe d'Appel ou encore création d'un juge d'application des recommandations de l'ORD.

Améliorer le processus de négociation

Si tous les membres de l'OMC sont présents dans toutes les instances de l'organisation et participent aux décisions par la voie du consensus, la pratique des « chambres vertes » réunissant quelques membres influents de l'OMC qui se mettent d'accord entre eux, se généralise et dénature l'application de ces principes.

Il convient donc, au minimum, de formaliser ces réunions restreintes en définissant des règles de transparence qui garantissent à tous les Etats une information précise sur leurs contenus et leurs résultats.

Les Etats sont pour le moment opposés à une réforme plus fondamentale (création d'un organe restreint permanent en charge de la conduite des négociations dans le cadre du principe du consensus, par exemple). Cependant, la complexité des sujets traités et l'accroissement du nombre d'Etats membres pourraient conduire à une telle réforme, et ce d'autant plus rapidement que les divers processus d'intégration régionale progresseront.

Par ailleurs, il est essentiel d'améliorer la transparence dite « externe » de l'organisation, c'est-à-dire son ouverture aux parlements 1( * ) et aux ONG, d'accroître les moyens de l'assistance technique aux pays en développement et de renforcer le rôle du Secrétariat et du Directeur général de l'OMC.

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