INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est comme chaque année appelé à examiner les crédits des services de la protection judiciaire de la jeunesse.

L'année dernière, malgré une augmentation de 7,3 % des crédits de la PJJ, le Sénat n'avait pu que constater les difficultés rencontrées sur le terrain pour lutter contre la délinquance des mineurs, répondre à la détresse des enfants placés sous protection judiciaire et favoriser la réinsertion de ces jeunes en difficulté. Il s'était alors prononcé contre l'adoption de ces crédits, très insuffisants.

Le projet de loi de finances pour 2002 fixe à 4 687 millions d'euros (30,7 milliards de francs) le budget du ministère de la Justice, ce qui représente une hausse de 5,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001 1( * ) . Cette hausse est supérieure à celle de 2 % des budgets civils de l'Etat.

Dans ce contexte, le budget de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2002 s'élève à 540 millions d'euros (3,54 milliards de francs) soit 11,5 % du budget de la Justice (contre 12,1 % en LFI 2001).

Ces crédits ne sont en hausse que de 0,99 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, à comparer aux hausses de crédits de 7,3 % en LFI 2001, 14,7 % en LFI 2000 et 6,4 % en LFI 1999, et à l'inflation constatée en 2000 (+ 1,5 %).

I. LE TASSEMENT DE L'EFFORT FINANCIER EN FAVEUR DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

A. L'EXÉCUTION DU BUDGET 2001

Les crédits de fonctionnement (hors rémunération) ouverts en loi de finances pour 2001 au profit de la PJJ s'élevaient à 2 milliards de francs (305 millions d'euros). A ces crédits se sont ajoutés les crédits de report de 2000 sur 2001 : 98 MF pour le secteur privé et 12 MF pour le secteur public.

En matière de crédits d'investissements , la loi de finances initiale pour 2001 prévoyait 36 MF de crédits de paiement seulement, dont 11 % (4 MF) ont fait l'objet de « blocage en gestion ». Le rythme de consommation des crédits de paiement s'est avéré irrégulier, en particulier pour les acquisitions, à cause des difficultés d'implantation des nouveaux équipements et de l'absence sur le marché de l'immobilier de locaux adaptés aux besoins de la protection judiciaire de la jeunesse. Seules 15 opérations d'investissement ont été engagées en 2001 (dont 3 centres de placement immédiat et un centre éducatif renforcé) pour un coût estimé à 56,6 MF, toutes ces opérations devant être livrées en 2003.

B. LA STAGNATION DU BUDGET POUR 2002

Le budget des services de la protection judiciaire de la jeunesse s'élève pour 2002 à 539 674 000 euros (3,54 MdF), dont 55,9 % seront destinés au secteur public et 44,1 % au secteur associatif habilité (contre 46 % en loi de finances initiale pour 2001).



La principale caractéristique de ce budget est l'écart creusé entre les deux secteurs de la protection judiciaire de la jeunesse : les crédits du secteur public augmenteront de 4,8  % (302 M€ soit 2 MdF), tandis que ceux du secteur habilité diminueront de 3,5 % (238 M€ soit 1 562 MF) afin de tenir compte du volume des crédits non consommés en 2000 (le taux de consommation des crédits par le secteur habilité était pourtant de 93,7 %).

La répartition des mesures nouvelles

La confirmation de la baisse des crédits d'investissement est préoccupante. Pour 2002, les crédits d'investissement représentent un montant d'autorisations de programme de 7,62 M€ (50 MF), les crédits de paiement 3,05 M€ (20 MF) seulement , soit une baisse de 44 % par rapport au budget précédent, qui s'ajoute à la baisse de 53 % constatée l'année dernière. Il est vrai que des crédits ont été provisionnés et pourront être utilisés grâce aux reports de crédits, à condition que ceux-ci soient accordés.

Crédits de paiement pour les investissements
en loi de finances initiale

C. LES MOYENS EN PERSONNEL

1. La baisse des créations d'emplois

300 créations d'emplois 2( * ) sont prévues au titre du budget 2002 (8,84 M€ soit 58 MF), contre 380 l'année précédente et 380 l'année d'avant. Elles appellent cinq remarques :

• Le renforcement des recrutements dans la filière éducative devrait permettre de généraliser le troisième poste d'agent technique d'éducation dans l'ensemble des structures d'hébergement « classiques » . Le passage aux 35 heures réduira le volume horaire annuel de disponibilité de ces personnels, nécessitant des créations d'emplois supplémentaires pour maintenir la continuité du service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

• Votre rapporteur se félicite de l'expérience menée dans les directions départementales et régionales pour la mise en place des éducateurs et agents techniques d'éducation remplaçants qui permettent de faire face notamment aux congés maternité.

• Les concours exceptionnels de recrutement permettent de recruter des personnes venant d'horizons différents et ayant trois ans d'expérience professionnelle. La loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique devrait quant à elle diversifier les modes de recrutement , par l'organisation d'une troisième voie d'accès et la validation des acquis professionnels . Comme l'a souligné Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Justice, devant la commission, il s'agit d'éviter, dans la mesure du possible, que les jeunes sous protection judiciaire soient suivis par des éducateurs qui n'auraient que trois ou quatre ans de plus qu'eux . Elle a regretté que la procédure d'affectation des personnels, privilégiant le critère de l'ancienneté, conduise à affecter les éducateurs les plus jeunes dans les postes les plus difficiles , notamment en centre éducatif renforcé et en centre de placement immédiat.

• Votre rapporteur souhaite qu'une réflexion soit engagée afin que les éducateurs, à l'image des professeurs des écoles, puissent relever de la catégorie A de la fonction publique.

• Des vacances de postes inadmissibles sont constatées 3( * ) . En 2000, la différence entre l'effectif budgétaire de 7 144 et l'effectif réel est de 462 postes , soit un taux de vacance de 6,4 %. Il correspond à la différence entre les effectifs équivalent temps plein et le nombre de personnes réel.

2. Le passage aux 35 heures

Les négociations de branche sur l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse ont fait partie des trois négociations les plus difficiles dans l'ensemble de la fonction publique de l'Etat (avec l'administration pénitentiaire et la police nationale).

L'ensemble des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse devraient bénéficier d'une dérogation générale à la norme des 1 600 heures annuelles. Puis, des dérogations supplémentaires sont prévues afin de tenir compte des sujétions particulières et de la pénibilité du travail 4( * ) .

3. Les priorités en matière de formation

Sans faire un bilan exhaustif des recrutements, on peut dire que 103 directeurs ont été titularisés en septembre 2000 et juin 2001. 281 éducateurs ont été titularisés 5( * ) tandis que 508 sont actuellement stagiaires (dont 168 au titre du concours exceptionnel 2000). De même, 40 professeurs techniques ont été titularisés en 2000. Par ailleurs, au 1 er juillet 2001, 448 agents de justice étaient en fonction dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse (après l'enregistrement de 67 démissions).

Outre les efforts très importants de formation initiale, il convient de souligner que l'activité de formation continue a augmenté de 50 % en cinq ans, portant le nombre de jours de formation par agent à 2,75 en 2000. En 2001, en l'absence de mesure nouvelle, il a fallu abonder les moyens du Centre national de formation et d'études de 5,5 MF prélevés sur les moyens des services.

II. DES BESOINS DE PRISE EN CHARGE EN HAUSSE SIGNIFICATIVE

A. L'ACCROISSEMENT DE LA DEMANDE ÉMISE PAR LES PARQUETS ET LES JUGES ET JURIDICTIONS POUR MINEURS

1. En matière pénale

a) L'augmentation de la délinquance juvénile

Les chiffres définitifs des crimes et délits constatés en France en 2000 par les services de police et de gendarmerie indiquent que 175 260 mineurs ont été mis en cause en 2000. Après des hausses significatives de 7 % en 1997 et 11 % en 1998, les statistiques de la délinquance des mineurs montrent une augmentation de 1 % en 1999 et 2,9 % en 2000 , soit + 44 % en dix ans (1990-2000). Le premier trimestre 2001 confirme l'aggravation de cette tendance.

La part des mineurs dans le total des personnes mises en cause pour crimes ou délits est stable : 21 % en 2000 contre 21,3 % en 1999.

Au-delà des chiffres, plusieurs sujets de préoccupation se font jour. D'une part, les « incivilités » et les violences relevant de simples contraventions, non recensées, se multiplient. Or ces actes de délinquance quotidienne contribuent à créer un sentiment d'insécurité.

D'autre part, les dernières années sont caractérisées par l'augmentation sensible du nombre des « jeunes isolés », c'est-à-dire de mineurs étrangers arrivés clandestinement en France, livrés à eux-mêmes. Parfois très jeunes (douze à quinze ans), connus des services de police en raison de pillages d'horodateurs, ils sont victimes de réseaux de prostitution.

b) L'activité des parquets

Le bilan de la politique des parquets doit être apprécié au regard des objectifs fixés par l'ordonnance du 2 février 1945 : principe de responsabilité des mineurs atténuée et graduée selon l'âge, priorité donnée aux mesures éducatives et à la dimension éducative dans toute sanction ; et à ceux de la circulaire de politique pénale du 15 juillet 1998 : apporter une réponse judiciaire aux premiers actes de délinquance commis par les mineurs ; développer les mesures de réparation ; répondre rapidement aux faits de délinquance les plus graves commis par les mineurs.

151 200 affaires ont été traitées par les parquets soit une augmentation de 5 % par rapport à l'année précédente.

En 2000, les mesures alternatives aux poursuites 6( * ) se sont développées et diversifiées : avertissement solennel par un service de police ou de gendarmerie, 30 320 rappels des obligations résultant de la loi (+ 25 %), classement sous condition, 12 000 médiations-réparations (+ 19 %). Au 1 er juillet 2001, 315 délégués du procureur étaient spécialisés dans les affaires impliquant les mineurs. 90 % des parquets ont mis en place le traitement en temps réel.

Du fait de l'accroissement du nombre des poursuites de 2,7 % en 2000 et du recours aux procédures alternatives, les parquets ont fait passer le taux de réponse pénale sur les affaires de mineurs de 75,7 % en 1999 à 77,5 % en 2000.

c) L'activité des juges pour enfants

En 2001, l'effectif budgétaire des juges pour enfants était de 376 et l'effectif réel de 358. Il convient de souligner que la répartition des postes de juges pour enfants sur le territoire ne correspond pas aux besoins 7( * ) .

Pour les affaires les plus graves, une politique de déferrement et de présentation systématique devant les magistrats est mise en oeuvre. Ainsi, en 2000, les juges des enfants ont été saisis de 75 780 des 175 260 mineurs mis en cause par les forces de sécurité, soit 43,2 % . Certaines juridictions ont augmenté le nombre des audiences des tribunaux pour enfants ; la procédure de convocation par officier de police judiciaire aux fins de mise en examen ou de jugement tend à se généraliser ; le nombre de mineurs jugés en 2000 (57 000) a augmenté de 4 % par rapport à 1999 ; le nombre de peines prononcées (amende, emprisonnement avec sursis simple ou assorti d'une mise à l'épreuve) est en hausse par rapport aux mesures éducatives.

2. En matière d'assistance éducative

En 2000, 109 200 nouveaux mineurs en danger ont fait l'objet d'une saisine des juges des enfants (contre 112 100 en 1999), tandis que le nombre total des mineurs en cours de suivi au titre de l'assistance éducative (187 400) a progressé de 3,1 % en 2000.

Outre l'augmentation du nombre de jeunes suivis, il convient de souligner que le rapport du groupe de travail présidé par M. Jean-Pierre Deschamps, intitulé : « Le contradictoire et la communication des dossiers en assistance éducative », remis en janvier 2001, établit un état des lieux des pratiques actuelles et émet plusieurs propositions pour renforcer l'information des justiciables et le caractère contradictoire de la procédure d'assistance éducative . Il met vivement en garde contre une éventuelle sous-estimation des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de cette réforme :

« L'actuelle logistique des tribunaux pour enfants est notoirement insuffisante pour absorber de manière décente pour les justiciables le contentieux délicat de la protection de l'enfance et de l'autorité parentale incarnées dans la procédure d'assistance éducative. Il serait déraisonnable, illusoire et dangereux de mettre en place une telle réforme sans s'assurer de la mise en place des instruments nécessaires à son application effective . Il n'est pas possible de demander à 352 magistrats de rendre près de 200.000 décisions par an dans des conditions satisfaisantes, c'est-à-dire en prenant le temps d'informer, de préparer, d'expliquer et d'accompagner des mesures aussi difficiles et parfois douloureuses que sont celles qui touchent au plus intime des individus et des familles ».

B. AMÉLIORER LA RÉPONSE ÉDUCATIVE

1. De plus en plus de jeunes sous protection judiciaire

Tous secteurs confondus, près de 150 000 jeunes sont pris en charge en permanence dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse. Par ailleurs, près de 85 000 jeunes ou familles font l'objet chaque année d'une investigation en vue d'une décision de justice. Compte tenu des mouvements intervenus en cours d'année, plus de 260 000 jeunes ont été suivis au cours de l'année 1999 par ces services, en grande majorité en milieu ouvert (78 % des prises en charge dans le secteur habilité et 93 % dans le secteur public).

De 1995 à 1999, le nombre de mesures a augmenté de 19,6 %, si bien que 3 500 mesures sont en attente d'exécution (la durée moyenne d'exécution est de dix mois et chaque éducateur suit en moyenne 27 ou 28 mesures ).

2. La spécialisation de fait des deux secteurs se poursuit

• Les deux secteurs se distinguent nettement par le public accueilli : le secteur public intervient prioritairement pour les mineurs délinquants en réalisant 95 % des mesures de milieu ouvert au pénal, tandis que le secteur habilité consacre l'essentiel de son activité en assistance éducative (il réalise 90 % des mesures de milieu ouvert au civil).

En conséquence, plus de 90 % des jeunes pris en charge par le secteur public ont plus de treize ans, alors que 58 % dans le secteur habilité ont moins de treize ans. Le secteur public doit prendre en charge un public plus difficile, de plus en plus délinquant, de plus en plus masculin et de plus en plus âgé 8( * ) .

• Le contrôle du secteur associatif habilité 9( * ) est un enjeu majeur à la charge du secteur public. Or, ce contrôle, qui nécessite une technicité importante, ne peut être actuellement correctement assuré , en raison de la faiblesse des effectifs administratifs dans les directions départementales. 35 directions départementales ne disposent d'aucun attaché. Or, la création de 8 postes d'attachés seulement sera budgétée en 2002.

• La prise en charge par le secteur public 10( * ) , sur le fondement de la circulaire d'orientation éducative du 24 février 1999, développe les activités de jour pour l'ensemble des jeunes (en hébergement et en milieu ouvert) . A titre d'exemple, en 1999, une douzaine d'entreprises d'insertion et une soixantaine d'associations ont proposé des projets d'insertion par l'économique (restaurants d'application, ateliers de production-formation) à 4 470 jeunes de plus de 16 ans. 43 directions départementales de la PJJ ont participé aux travaux des conseils départementaux de l'insertion par l'activité économique.

3. Le suivi des mineurs incarcérés

En 2000, 3 790 mineurs ont été incarcérés (616 au 1 er janvier 2001) soit une hausse de 40,7 % par rapport à 1993. 70 % d'entre eux l'ont été dans le cadre d'une détention provisoire. Aujourd'hui, le nombre de places est devenu insuffisant pour faire face à l'accroissement du nombre de mineurs incarcérés et surtout aux fortes et rapides variations de leur nombre.

Quatre décisions du conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998, dont la mise en oeuvre se poursuit à ce jour, tendaient à améliorer les conditions d'incarcération des mineurs : la création ou le réaménagement de quartiers de 20 à 25 places ; le réexamen de la carte pénitentiaire pour les mineurs ; le renforcement des personnels socio-éducatifs et enseignants et du suivi exercé par les services de la protection judiciaire de la jeunesse ; l'organisation de formations conjointes entre l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse 11( * ) . L'année 2002 devrait être marquée par le projet de loi sur le service public pénitentiaire qui comporte un chapitre spécifique pour les mineurs.

L' action éducative en direction des mineurs détenus a donné lieu à une analyse dans cinq sites témoins 12( * ) . Par ailleurs, en 2000, les actions d'enseignement ont concerné 2 712 mineurs détenus pour un total de 3 996 mineurs entrants soit 68 %. Sur les jeunes présentés aux examens, 151 ont réussi le certificat de formation générale, 20 le brevet des collèges, un a réussi le CAP et un le baccalauréat.

4. La création des centres de placement immédiat et centres éducatifs renforcés a pris du retard

La priorité du Gouvernement a été le placement judiciaire. En particulier, à la suite du conseil de sécurité intérieure de janvier 1999, a été décidée la création d'ici fin 2001 de 50 centres de placement immédiat (CPI), permettant de prendre en charge un mineur délinquant en urgence, de faire un bilan et une proposition d'orientation, ainsi que de 100 centres éducatifs renforcés (CER) reposant sur une rupture dans les conditions de vie des mineurs et une prise en charge intensive (six éducateurs pour six mineurs) sur trois à six mois.

Or, au 20 juillet 2001, seuls 37 CPI et 47 CER sont en activité , 10 CPI et 23 CER étant par ailleurs programmés pour les prochains mois. De septembre 1999 à mai 2001, 1 041 jeunes ont été accueillis en centres de placement immédiat 13( * ) . Comme l'a indiqué Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Justice, devant la commission, les difficultés de réalisation des CPI et CER tiennent à l'implantation locale (coordination avec les juridictions et les collectivités locales, opposition du voisinage...), à l'affectation des personnels et au délai de réalisation des investissements, acquisition et travaux.

Les CER gérés par le secteur associatif habilité rencontrent deux types de difficultés de fonctionnement . D'une part, la qualification professionnelle des personnels mérite d'être approfondie. D'autre part, il est très difficile de rendre compatibles les exigences du cahier des charges (continuité de la présence éducative) avec le respect de la législation du travail, cette difficulté ayant été aggravée par la réduction du temps de travail.

Le Gouvernement annonce son intention de terminer le programme de création des CPI et CER en 2002. Or, votre commission constate que chaque projet immobilier demande entre 3 et 20 millions de francs. En moyenne, le coût estimé de chaque opération (acquisition, réhabilitation, relogement, mises aux normes, restructuration, etc) engagée entre 1997 et 2001 est de 10,2 millions de francs 14( * ) . Comment réaliser les centres nécessaires avec seulement 20 millions de francs de crédits de paiement en investissement pour 2002 ?

5. Réformer l'organisation départementale de la PJJ pour assurer la continuité de l'action éducative

En mai 2001, a été lancée une réforme de l'organisation départementale des services de la protection judiciaire de la jeunesse, visant à garantir la complémentarité des interventions et à mieux assurer la continuité de l'action éducative. La réforme des services éducatifs auprès des tribunaux (SEAT) fait partie intégrante de cette réorganisation.

Créés par l'arrêté du 30 juillet 1987, les SEAT exercent au sein du tribunal des missions spécifiques (permanence pénale, proposition d'orientation en urgence, accueil des mineurs et de leur famille), mais aussi des missions qu'ils partagent avec l'ensemble des services de milieu ouvert de la protection judiciaire de la jeunesse : suivi de mesures éducatives, exécution de peines, suivi des mineurs détenus. Plusieurs difficultés de fonctionnement des SEAT ont été mises en évidence, concernant tant leurs missions 15( * ) que leur organisation .

C. DÉVELOPPER LA POLITIQUE PARTENARIALE

a) Avec l'Education nationale

224 classes relais 16( * ) fonctionnaient en 2000-2001, avec pour objectif le maintien ou la réintégration dans le système scolaire de 8 000 jeunes adolescents entrés dans un processus de déscolarisation et faisant souvent l'objet de mesures judiciaires. La PJJ intervient dans ces classes relais à hauteur de 63 équivalents temps plein d'éducateur. Seuls 40 % des dispositifs relais bénéficient de la participation d'un éducateur (29 % PJJ et 11 % autre origine).

Deux enquêtes portant sur les dispositifs relais ayant fonctionné au cours de l'année scolaire 1998-1999 montrent que la très grande majorité des jeunes accueillis vivent des situations sociales et familiales particulièrement difficiles. 53 % d'entre eux font l'objet d'une mesure de protection judiciaire ou administrative. 30 % ont un absentéisme très important et certains sont déscolarisés depuis plusieurs mois. Une année après la sortie des dispositifs relais, 49 % des élèves sont en collège, lycée professionnel ou apprentissage.

Le conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001 a décidé de doubler sur la période 2002-2004 le nombre d'élèves accueillis en classes relais. Interrogée par votre rapporteur, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse indique « qu'en l'état actuel de ses effectifs et de ses autres missions, elle éprouvera des difficultés à suivre cette évolution ».

Le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 avait décidé la création d'une trentaine d' internats relais d'ici fin 1999, permettant d'assurer à des élèves scolarisés en classes relais une prise en charge continue et d'éviter que ces jeunes en grande difficulté ne retrouvent, le soir, les quartiers sensibles dont ils sont généralement issus.

Actuellement, seulement trois internats relais fonctionnent, non sans difficultés. Certes, l'orientation actuelle, qui est de ne pas créer des structures réservées aux seuls élèves en rupture de scolarité ou en situation de délinquance, mais de réserver des places à ces jeunes dans des internats « banalisés », doit être approuvée. Il n'en demeure pas moins qu'une prise en charge spécifique des élèves présentant parfois des troubles de comportement (refus d'autorité, manifestations violentes ou dépressives, caïdat, conduites addictives) est nécessaire et implique la présence d'éducateurs professionnels. Il n'est pas normal que si peu d'internats aient été mis en place à ce jour.

b) Avec les professionnels de la santé

Les années précédentes, citant les résultats du rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), votre rapporteur s'était inquiété de la détresse physique et psychologique des mineurs placés sous protection judiciaire. Il se félicite donc du travail mené dès janvier 2001 par le groupe de travail chargé d'élaborer un référentiel de la prise en charge des adolescents qui nécessitent une intervention conjointe Justice-psychiatrie .

Par ailleurs, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) devrait contribuer à un programme de formation spécifique des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et s'impliquer dans les conventions départementales d'objectif santé-justice.

En 2000, la protection judiciaire de la jeunesse employait 48 infirmiers et 222 psychologues. Malgré la création de 5 emplois d'infirmiers et 17 de psychologues budgétée pour 2002, elle aura du mal à remplir ses objectifs qui sont de disposer à terme d'un infirmier par département et d'assurer un suivi psychologique des mineurs confiés aux services éducatifs.

c) Avec les collectivités locales, notamment les conseils généraux, responsables de l'Aide sociale à l'enfance (ASE)

Le partage des compétences en matière de protection de l'enfance doit privilégier la complémentarité des interventions. A ce titre, 32 départements ont élaboré des schémas conjoints ASE-PJJ.

Depuis mars 1999, seize départements se sont livrés à un travail de diagnostic, d'évaluation et de proposition concernant le dispositif de protection de l'enfance 17( * ) . Cette démarche, qui a donné lieu un rapport remis en avril 2001, devrait être généralisée à l'ensemble des départements en 2002.

Début 2001, la protection judiciaire de la jeunesse était engagée dans les contrats de plan Etat-Région 2000-2006 pour un montant de 147 MF, notamment pour des opérations d'équipement telles que la réalisation de centres d'insertion scolaire et professionnelle.

d) Avec les ministères de l'Intérieur et de la Ville

La protection judiciaire de la jeunesse participe à la majorité des contrats locaux de sécurité, aux cellules Justice-Ville, aux 72 maisons de la justice et du droit et aux 59 antennes de Justice. 117 contrats locaux de sécurité ont fait l'objet d'une évaluation par la Chancellerie après un an d'exercice.

e) Avec les acteurs institutionnels de l'emploi et de l'insertion

Outre les projets d'insertion économique mentionnés plus haut, la protection judiciaire de la jeunesse participe à des formations cofinancées par le fonds social européen (2 685 jeunes accueillis en 1999). Une réflexion est menée pour l'entrée des jeunes relevant de la protection judiciaire de la jeunesse dans le programme TRACE. D'autres projets de partenariat devraient concerner l'association générale des intervenants retraités ( AGIR ), le programme d'initiative communautaire EQUAL , le secrétariat d'Etat au tourisme et le ministère de l'agriculture (réseau des fermes pédagogiques).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : LE REJET D'UN BUDGET TRÈS INSUFFISANT

Concernant la politique pénale à l'égard des mineurs délinquants , votre commission renvoie aux travaux de notre collègue Jean-Pierre Schosteck 18( * ) lors du débat préparatoire de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

S'agissant de la prise en charge des mineurs délinquants et des autres mineurs en danger , votre commission a démontré que les moyens proposés pour 2002 sont notoirement insuffisants face aux besoins. Au-delà des effets d'affichage, il ne semble pas que les objectifs poursuivis pourront réellement être mis en oeuvre :

- assurer la continuité de la prise en charge éducative des jeunes ;

- répondre à l'accroissement de la « commande judiciaire » (émanant des parquets et des juridictions pour mineurs) ;

- refondre la procédure d'assistance éducative pour mieux faire accepter les décisions et améliorer leur exécution ;

- achever le programme de réalisation des centres éducatifs renforcés et centres de placement immédiat , sans que ce programme ne se réalise au détriment des structures « classiques » ;

- adapter l'organisation départementale de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- réformer les missions et l'organisation des services éducatifs auprès des tribunaux ;

- renforcer les partenariats ;

- améliorer le bien-être et les chances d'insertion des jeunes placés sous protection judiciaire.

Autant d'objectifs, pour seulement 0,99 % d'augmentation des crédits. Votre commission des Lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de la Justice consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse pour 2002.

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