II. ASSURER L'INDISPENSABLE TRANSITION

A. VERS UNE PLUS GRANDE SINCÉRITÉ DES FINANCES SOCIALES

Au cours de la précédente législature, les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont devenues d'une complexité telle qu'elle avait fini par les rendre illisibles, du reste de façon probablement intentionnée. En la matière, un sommet avait été atteint avec « l'usine à gaz » mise en place pour financer la réduction du temps de travail.

Le Sénat a toujours condamné cette complexité croissante, qui ôte toute intelligibilité aux politiques publiques. La Cour des comptes a également émis de sévères critiques sur ce point.

Ainsi, comme elle l'indique dans son rapport relatif à l'exécution des lois de finances pour 2001, « les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont devenues d'une grande complexité ».

Elle estime que « la frontière entre les dépenses à la charge de l'Etat et celles financées par la sécurité sociale reste mouvante et parfois en contradiction avec l'objet de ces dépenses », appuyant son analyse sur deux exemples :

- la « procédure [...] éminemment critiquable » du non-financement par l'Etat de ses engagements liés au protocole hospitalier du 14 mars 2000, qui a consisté à faire supporter par la trésorerie des hôpitaux une charge de 304,9 millions d'euros ;

Des engagements financiers de l'Etat non respectés en matière hospitalière

« Afin de résoudre les difficultés de fonctionnement des hôpitaux liées à l'insuffisance des possibilités de remplacement des agents absents, l'Etat s'était engagé, par le protocole du 14 mars 2000, à ce qu'une enveloppe de 304,9 millions d'euros par an pendant trois ans (2000-2002) soit accordée aux établissements concernés. La loi de finances rectificative de juillet 2000 avait créé au fascicule santé-solidarité un nouveau chapitre 47-20 intitulé « Aide exceptionnelle pour le service public hospitalier », doté de 304,9 millions d'euros, au titre de la première tranche. La loi de finances initiale pour 2001 n'a pas pérennisé ce chapitre budgétaire et n'a ouvert aucun crédit à ce titre alors que la dépense était certaine.

Compte tenu des engagements pris dans le protocole hospitalier, les agences régionales de l'hospitalisation ont reçu instruction, par circulaire du 13 décembre 2000, de répartir entre les établissements, dès le début de la campagne, les crédits de remplacement pour l'année 2001. Or, ce n'est qu'en loi de finances rectificative pour 2001 que les crédits correspondants ont été ouverts au chapitre 47-19, article 23 « Aide exceptionnelle au service public hospitalier ». Ces crédits reportés par anticipation en tout début d'année 2002, ont été versés par une convention unique à la CNAMTS, solution qui a accéléré et simplifié le circuit de la dépense par rapport à l'année précédente.

Cette procédure est doublement critiquable :

- s'agissant d'une dépense prévisible quant à son objet et quant à son montant, elle aurait dû figurer en loi de finances initiale. L'argument selon lequel l'importance des crédits ouverts à cet effet et la part qu'ils représentent au sein du budget de la santé (135 % des crédits ouverts en LFI pour l'agrégat « Offre de soins » et plus de la moitié des deux agrégats « Politiques de santé publique » et « Offre de soins ») auraient bouleversé la présentation de la loi de finances initiale n'apparaît pas pertinent dès lors que le choix avait été fait de faire financer cette dépense par l'Etat et non par l'assurance maladie ;

- par ailleurs, le choix d'un financement en loi de finances rectificative a eu pour conséquence de reporter le versement de la contribution de l'Etat sur 2002, allégeant ainsi la dépense supportée par le budget général en 2001 de 304,9 millions d'euros, et donc de faire assurer l'avance de trésorerie par la dotation globale des établissements hospitaliers.

Enfin, il faut noter qu'aucun crédit n'a été ouvert à ce titre en loi de finances initiale pour 2002, le choix d'un financement « en gestion » étant encore une fois fait pour cet engagement exceptionnel de l'Etat ».

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2001

- le plan BIOTOX, présenté par le gouvernement le 5 octobre 2001 dans le cadre du plan Vigipirate, et destiné à faire face aux menaces de bio-terrorisme : la Cour déplore « un nouvel exemple de prise en charge par la sécurité sociale de dépenses de santé publique, le partage de la charge avec l'Etat n'obéissant à aucun critère préalablement défini ».

La Cour des comptes relève également le non apurement par l'Etat de sa dette concernant la réduction dégressive applicable au secteur textile, soit 319 millions d'euros à la fin 2001, ou encore l'absence de remboursement dans l'exercice courant de l'avance de la prime exceptionnelle de Noël pour les bénéficiaires du RMI, en 2000 et 2001, soit 457,3 millions d'euros supportés par la trésorerie de la CNAF.

Enfin, la Cour des comptes se montre une fois de plus très sévère sur la situation résultant du financement des 35 heures, « la mise en place du FOREC [ayant] été particulièrement tardive », tandis qu'aucune solution définitive n'avait encore été proposée pour régler le problème des créances de l'ACOSS sur l'Etat au titre du FOREC à la fin de l'année 2000, soit environ 2,4 milliards d'euros.

1. La clarification du financement des exonérations de charges sociales

a) Le FOREC, un fonds qui a opacifié et alourdi les finances publiques

Le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) a pour mission de compenser aux régimes de base de sécurité sociale les pertes de cotisations liées aux mesures générales d'allégements de charges portant sur les bas salaires et la réduction du temps de travail.

Créé par l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, inséré aux articles L. 131-8 à 11 du code de la sécurité sociale, le FOREC est un établissement public de l'Etat à caractère administratif. Il est doté d'un conseil de surveillance comprenant, notamment, les représentants du Parlement et des partenaires sociaux.

En l'absence de mise en place du fonds en 2000, les recettes du FOREC ont été enregistrées et suivies par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour le compte de l'établissement public, ce qui a permis d'assurer la trésorerie du régime général de sécurité sociale.

Le décret n° 2001-968 du 25 octobre 2001 a fixé les conditions d'organisation, de fonctionnement et de gestion du FOREC. Il prévoit notamment que le fonds est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé du budget.

Le FOREC est géré par le fonds de solidarité vieillesse (mêmes président du conseil d'administration, directeur et agent comptable) 16 ( * ) .

(1) La progression des dépenses du FOREC jusqu'en 2002

La progression des dépenses du FOREC résulte principalement d'une stratification des dispositifs d'exonération pris en charge , et surtout de transferts d'effectifs vers les plus coûteux de ces dispositifs, en raison de la réduction du temps de travail.

• Depuis sa création, le 1 er janvier 2000, le FOREC prend en charge :

- la réduction dégressive sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé ». Ce dispositif accorde à l'employeur une réduction sur les cotisations patronales de sécurité sociale en fonction de la rémunération mensuelle du salarié, jusqu'à 1,3 SMIC 17 ( * ) ;

- l'aide incitative à la réduction du temps de travail créée par la loi dite « loi Aubry I ». Cette aide consiste en un allégement forfaitaire dégressif des cotisations patronales selon l'année d'application du dispositif dans l'entreprise 18 ( * ) ;

- les allégements dans le cadre de la réduction négociée du temps de travail à 35 heures, dite « loi Aubry II », dont le volume croît avec le nombre d'entreprises ayant réduit leurs horaires collectifs.

• Depuis le 1 er janvier 2001, sont pris en charge par le FOREC :

- l'allégement en faveur de l'incitation à la réduction collective du temps de travail institué par la loi du 11 juin 1996 dite « loi de Robien » ;

- les exonérations de cotisations d'allocations familiales en faveur de certains régimes spéciaux (depuis le 1 er janvier 1994) et des salariés agricoles (depuis le 1 er janvier 1996).

• En 2002, les dépenses du FOREC devaient enregistrer l'incidence des mesures suivantes :

- mise en place d'une majoration de l'allégement lié aux 35 heures pour les entreprises situées en zone de redynamisation urbaine (ZRU) ;

- mise en place d'une majoration de l'allégement lié aux 35 heures pour les entreprises de transport routier de marchandises ;

- ouverture du bénéfice de l'allégement 35 heures lors de l'embauche d'un premier salarié ;

- élargissement du champ de l'allégement 35 heures et de la ristourne dégressive aux bénéficiaires des primes des contrats initiative-emploi (CIE) et des contrats de qualification-adultes ;

- élargissement du champ des bénéficiaires de la majoration zone franche de Corse, instituée dans le cadre des 35 heures.

(2) Le projet de loi Fillon : « convergence des SMIC » et unification des allégements à l'horizon 2005

Le gouvernement actuel, bien que conscient des multiples défauts du FOREC, est néanmoins contraint d'utiliser ce fonds pour assurer le financement de la réforme de fond qu'il a engagée en matière d'exonérations de charge.

L'article 32-V de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail du 19 janvier 2000 (« loi Aubry II ») dispose que le gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2002, après consultation des partenaires sociaux de la commission nationale de la négociation collective, un rapport retraçant la situation des salariés concernés par la garantie minimale de rémunération associée au passage à 35 heures, et précisant les mesures propres à la rendre sans objet au 1 er juillet 2005.

Le scénario finalement retenu par le gouvernement s'intègre dans une réforme plus large visant à assouplir les lois relatives à la réduction du temps de travail et à simplifier les dispositifs d'allégements de cotisations sociales.

Concernant la méthode de sortie du système des garanties minimales de rémunération (GMR), le dispositif retenu s'appuie sur les analyses figurant dans l'avis du Conseil économique et social en date du 10 juillet 2002, à la suite de sa saisine par le Premier ministre.

La convergence des SMIC

La mise en place du système des garanties avait pour objectif de garantir le niveau de la rémunération mensuelle des salariés payés au niveau du SMIC lors du passage aux 35 heures et de leur assurer ensuite la progression de leur pouvoir d'achat. Le système d'indexation des GMR étant moins favorable que celui du SMIC, chaque nouvelle GMR créée au 1 er juillet était plus favorable que la précédente après indexation.

Ce système, qui s'est complexifié à chaque revalorisation des minima légaux, n'était pas équitable, puisque la rémunération minimale n'était plus la même selon la date de passage aux 35 heures et pour ceux des travailleurs à temps partiel ou des nouveaux embauchés à 35 heures dont la rémunération reste déterminée par le SMIC horaire.

Pour une durée de 35 heures, le minimum salarial mensuel évolue ainsi de 1.035,90 euros pour les salariés recrutés sur la base du SMIC horaire jusqu'à 1.147,62 euros pour les salariés les plus récemment passés aux 35 heures (soit une différence de 11,4 %), cette dernière rémunération étant par construction identique à celle des salariés qui continuent à travailler sur la base de 39 heures.

Au vu des raisons qui ont motivé la mise en place du système de garantie mais également des inconvénients qu'aurait impliqué sa poursuite en l'état, trois objectifs ont été dégagés pour une sortie du système :

1) rétablir l'unité de traitement des salariés ;
2) préserver le pouvoir d'achat des salariés les moins rémunérés ;
3) préserver la compétitivité des entreprises.

La concomitance de la réforme des allégements de cotisations sociales a facilité l'arbitrage.

Le schéma retenu par le projet de loi Fillon repose sur trois principes :

1. l'arrêt de la création de nouvelles garanties après le 1 er juillet 2002

Mettre fin à la création de nouvelles GMR permet de ne pas accentuer la complexité existante et les disparités entre salariés. Cette disposition ne devrait pas pour autant se révéler défavorable aux salariés - probablement peu nombreux - qui passeraient à 35 heures après le 1 er juillet 2003, en raison de la probable introduction de garanties dans les accords salariaux.

2. une convergence graduelle de juillet 2003 à juillet 2005 des rémunérations minimales au niveau de celle de la dernière garantie créée (GMR 5)

La convergence s'effectuera par des « coups de pouce » sur le SMIC de telle sorte qu'en juillet 2005, 151,7 fois le SMIC horaire (l'horaire mensuel sur la base de 35 heures est de 151,7 heures) correspondent au niveau de la GMR 5 (dernière GMR, créée en juillet 2002). Les autres garanties seront également revalorisées par des « coups de pouce » différentiels pour assurer leur convergence vers la GMR 5.

Reculer le terme de la convergence entre le SMIC et les GMR aurait présenté l'avantage d'étaler les hausses du SMIC dans le temps. Comme le report de l'échéance n'aurait pas contribué à réduire l'ampleur des hausses de SMIC nécessaires à la convergence, compte tenu du mode d'indexation des garanties et du SMIC retenu, et comme il existait un certain consensus pour demander la sortie rapide du système des GMR, le schéma retenu ne repousse pas l'échéance finale de 2005. Il étale sur 3 ans la progression du SMIC nécessaire à la convergence, ce qui amortit tout de même le choc sur le niveau du SMIC horaire. Pour les entreprises à 39 heures, cette progression du SMIC horaire sera compensée par une augmentation parallèle du nouvel allégement.

3. une revalorisation légale hors « coups de pouce » du SMIC et des GMR transitoirement limitées à la garantie du pouvoir d'achat

La hausse du SMIC nécessaire à la convergence finale serait d'autant plus faible que la GMR augmenterait moins vite que celui-ci et que la date de convergence est lointaine. Ainsi, la poursuite du mode d'indexation actuel du SMIC lui assurerait spontanément une croissance supérieure à celle des GMR et aurait permis d'assurer une partie de la convergence, à condition de ne pas créer de nouvelles GMR. Le choix finalement retenu d'indexer le SMIC horaire et les GMR sur le taux d'inflation a permis une programmation définitive des « coups de pouce » :

- à apporter au SMIC, la hausse du SMIC horaire nécessaire à la convergence ressortant à 11,4 % en trois ans ;

- à apporter aux GMR 1, 2, 3 et 4, les hausses nécessaires à la convergence ressortant respectivement à 4,9 %, 3,6 %, 1,8 % et 0,6 % en trois ans.

La GMR 5 ne bénéficiera naturellement pas de « coup de pouce », puisqu'elle constitue la « cible » vers laquelle tendent le SMIC pour 35 heures et les autres GMR au 1 er juillet 2005.

Le projet de loi actuellement en discussion engage simultanément un processus au terme duquel la ristourne sur les bas salaires et le dispositif Aubry II seront remplacés par un allégement de cotisations sociales patronales unique, concernant toutes les entreprises indépendamment de leur durée de travail.

Au 1 er juillet 2005, l'allégement sera linéairement dégressif jusqu'à 1,7 fois le salaire minimum. Le taux d'exonération sera égal à 26 % des cotisations patronales de sécurité sociale au niveau du salaire minimum. Ce taux sera fonction du salaire horaire, à la différence des allégements précédents qui étaient fonction du salaire mensuel. Cette dernière disposition devrait ainsi garantir la neutralité du taux d'exonération au regard de la durée collective du travail : à salaire horaire donné, le taux d'exonération sera indépendant du nombre d'heures rémunérées.

La transition entre les allégements actuels et le nouveau dispositif s'effectuera progressivement sur trois ans, de juillet 2003 à juillet 2005, en parallèle avec la revalorisation du SMIC horaire.

Dès le 1 er juillet 2003, les entreprises à 35 heures bénéficieront de l'allégement prévu à terme. En revanche, le projet de loi prévoit une montée en charge progressive du nouvel allégement pour les entreprises à 39 heures, selon le calendrier suivant :

(3) Le projet de loi Fillon implique la poursuite de la progression des dépenses du FOREC

Actuellement, la réduction dégressive sur les bas salaires permet une prise en charge de 18,2 % du coût du travail au niveau du SMIC et s'annule pour les rémunérations supérieures ou égales à 1,3 SMIC. L'allégement 35 heures permet, quant à lui, une prise en charge de 26 % du coût du travail au niveau de la garantie mensuelle de rémunération que perçoit un salarié dont la durée du travail a été réduite au 1 er janvier 2000 (GMR 2) et devient constant (636,32 euros par an au 1 er janvier 2002) pour les rémunérations supérieures ou égales à cette garantie de 70 %.

À terme, le nouvel allégement permettrait une prise en charge de 26 % du coût du travail au niveau du SMIC et serait ensuite dégressif, pour s'annuler à un niveau de salaire égal à 1,7 SMIC.

À compter du 1 er juillet 2003, les implications du projet de loi sont les suivantes :

1. pour les entreprises organisées sur une base supérieure à 35 heures, le dispositif monte en charge progressivement selon le calendrier préétabli (cf. supra ). Le nouveau dispositif procure un montant d'exonération plus important que la ristourne sur les bas salaires quel que soit le niveau de rémunération ;

2. le régime définitif s'applique aux entreprises qui, au 30 juin 2003, ont réduit leur durée collective de travail à au plus 35 heures par semaine en application des articles 19 ou 20 de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail et qui bénéficient, à ce titre, de l'allégement 35 heures. Dans ce cas, le taux maximal d'exonération de 26 % est obtenu pour un salaire égal à la GMR 2 et le nouvel allégement s'annule pour cette GMR majorée de 70 %.

Le niveau d'allégement est alors légèrement supérieur à celui du dispositif Aubry II pour des rémunérations inférieures à environ 1,4 fois la rémunération minimale ; il est d'un montant moindre au-delà.

Par ailleurs, les dépenses du FOREC continueront d'enregistrer en 2003 les effets de certaines mesures prises en 2002, dont l'effet est de diminuer progressivement le volume d'exonérations spécifiques au profit d'exonérations générales prises en charge par le fonds (zones de redynamisation urbaine, CIE et contrats de qualification-adultes notamment). De plus, comme les exercices précédents, quoiqu'à un moindre niveau, s'imputera l'effet en année pleine des passages aux 35 heures (transférant ainsi des effectifs vers des dispositifs plus onéreux pour le FOREC) qui auront eu lieu en 2002.

Le tableau suivant permet de suivre l'augmentation des dépenses du FOREC consécutives à ces dernières évolutions.

Source : PLFSS - Annexe f

Ainsi, les dépenses du FOREC passent de 15,56 milliards d'euros en 2002 à 16,56 milliards d'euros en 2003, en progression de 6,4 %.

Le tableau suivant illustre les modifications qu'apporte la réforme Fillon à la structure des dépenses du FOREC dès 2003 :

b) Un début de clarification en 2003, qui n'en reste pas moins perfectible
(1) De nouvelles ressources qui pèseront sur le budget de l'État

L'article L.131-10 du code de la sécurité sociale dresse la liste des recettes du fonds. Le FOREC est financé par huit impôts qui lui sont affectés, pour partie ou intégralement :

- recettes affectées depuis l'exercice 2000 :

. droits de consommation sur les tabacs : 97 % en 2001 puis 90,7 % en 2002 ;

. droits de consommation sur les alcools et boissons : 55 %  en 2002 ;

. contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB) : intégralité ;

. taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) : intégralité.

- recettes affectées depuis l'exercice 2001 :

. taxe sur les véhicules des sociétés (TVS) : intégralité ;

. taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TCA) : 24,7 % en 2001, puis 30,56 % en 2002 .

- recettes affectées depuis l'exercice 2002 :

. prélèvements sur les véhicules terrestres à moteur (TVM) : intégralité ;

. taxe sur les contributions des employeurs au bénéfice des salariés pour le financement  des prestations sociales de prévoyance (taxe prévoyance) : intégralité.

Les recettes du fonds peuvent être majorées des produits non consommés de l'exercice antérieur et d'une contribution de l'Etat (recettes prévues expressément aux 6 e et 7 e de l'article L.131-10 du code de la sécurité sociale).

Les mesures suivantes devraient engendrer un supplément de recettes de 960 millions d'euros pour 2003 permettant d'équilibrer cet exercice :

• La taxe spéciale sur les conventions d'assurance

Il est prévu à l'article 28 du projet de loi de finances pour 2003 une nouvelle augmentation de la fraction de cette taxe affectée au FOREC. Elle progresserait de 30,56 % à 44,07 % à compter du 1 er janvier 2003, conduisant à un transfert supplémentaire de recettes en provenance du budget de l'Etat estimé à 660 millions d'euros.

• Les droits de consommation sur les tabacs manufacturés

L' article 3 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de faire passer la part des droits de consommation sur les tabacs manufacturés affectés au FOREC de 90,77 % à 84,4 % à compter du 1 er janvier 2003, la part affectée à la CNAMTS étant augmentée à due concurrence.

Compte tenu de l'augmentation parallèle des droits de consommation sur les tabacs prévue à l' article 4 du présent projet de loi de financement, le surcroît de recettes devrait s'élever à 300 millions d'euros pour le FOREC (et 700 millions d'euros pour la CNAMTS).

(2) Une structure des recettes peu évolutive en 2003

Il n'y a pas d'impôts nouveaux, seuls les produits et la proportion de ces produits affectés au FOREC connaissent des évolutions.

L'augmentation des montants perçus au titre des droits de consommation sur le tabac (+ 3,8 %) est plus faible que celle de l'ensemble des recettes du FOREC (+ 5,7 %), ce qui explique la légère baisse de la part de ces droits dans le financement du FOREC. Seule la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance augmente fortement (de 9 à 13 %), la contrepartie résidant dans une baisse rampante de la part de chacun des autres impôts.

Au total, la comparaison de la structure des recettes entre 2002 et 2003 permet de conclure à une relative stabilité, en tout cas plus grande que par le passé.

Sources : Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2002) et annexe f du PLFSS 2003

c) L'apurement d'une partie de la dette du FOREC au titre de l'année 2000 est assuré par la CADES

Le FOREC a accusé en 2000 un déficit de près de 2,4 milliards d'euros. Ce déficit a été intégralement supporté par les différents organismes de sécurité sociale concernés, en proportion des parts de compensation qu'ils auraient dû recevoir du FOREC au titre des exonérations qui en relèvent.

Or, l'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale a pour objet de rendre l'Etat garant de l'équilibre financier du FOREC.

Si l'on s'attache au fait que le FOREC n'était pas juridiquement constitué en 2000, année au cours de laquelle les recettes du FOREC ont été enregistrées et suivies par l'ACOSS pour le compte de l'établissement public, l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, résultant de l'article 5 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite « loi Veil », pose un principe beaucoup plus général : « Toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application ».

La tentative du précédent gouvernement d'annuler la créance de la sécurité sociale, à laquelle le Conseil constitutionnel avait fait échec, considérant que le caractère rétroactif de cette annulation n'était pas justifié par un motif d'intérêt général suffisant, doit à présent céder au respect du droit.

L' article 5 du présent projet de loi de financement n'a pour objet que d'apurer un peu plus de la moitié de la créance des différents organismes de sécurité sociale : la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) verserait 1,281 milliard d'euros, dont 1,097 milliard d'euros à l'ACOSS au titre du régime général, soit la moitié de sa créance, le solde étant consacré aux régimes spéciaux, qui sont intégralement rétablis dans leurs droits.

C'est à la CADES que revient la charge de rembourser la moitié de la créance du régime général, et l'intégralité de celle des autres régimes. Il convient de rappeler que c'est la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) qui permet l'amortissement de la dette des organismes sociaux qu'avait reprise la CADES, et il faut bien constater que cette mesure constitue indirectement un nouveau transfert de dette sur les générations futures appelées à payer la CRDS. Si la fin de l'amortissement de la dette gérée par la CADES, programmée en janvier 2014, ne devrait pas être différée du fait du dynamisme de la CRDS, la date effective du remboursement intégral n'en sera pas moins reculée.

Il faut voir dans ce dispositif un compromis entre la nécessité de soulager les finances des organismes de sécurité sociale concernés dans un contexte de dégradation de leurs résultats, et celle de ne pas peser davantage sur les finances publiques, le recours à un endettement débudgétisé constituant la variable d'ajustement.

Il est permis de constater que le droit n'a que peu à faire avec tout cela, et que cette opération amène à faire masse d'une dette sociale et d'une dette de l'Etat, ce qui ne fait qu'ajouter à la confusion des liens financiers entre l'Etat et la sécurité sociale.

d) La suppression du FOREC constitue un objectif à atteindre

Le Sénat a vivement critiqué le système de compensation d'exonérations de charges sociales que représentait le FOREC, qui entraînait, d'une part, une débudgétisation massive de ces compensations qui incombent normalement à l'Etat, et, d'autre part, une illisibilité tant de leur coût global que de leurs financements 19 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis considère que le FOREC doit disparaître , car son mode de financement est à l'origine d'une dilution des responsabilités. L'Etat doit normalement assumer le coût de sa politique de soutien à l'emploi, et bénéficier, d'une façon générale, de recettes distinctes de celles de la sécurité sociale. Une telle évolution permettrait de clarifier les situations financières respectives de l'Etat et de la sécurité sociale.

De plus, la Cour des comptes a pu noter, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2002, que le FOREC était structurellement confronté à des difficultés pour équilibrer ses dépenses et ses ressources.

« Les comptes du FOREC affichent, en 2001, un solde positif de 264.5 millions d'euros. Toutefois, ce résultat en droits constatés n'est obtenu que parce que, en 2001, ont été comptabilisés treize mois de recettes. Sur la base des douze mois de recettes de l'année 2001, le FOREC serait déficitaire de 0,7 milliard d'euros, chiffre retenu par l'INSEE pour l'établissement des comptes nationaux.

Comme l'an dernier, la couverture par des ressources fiscales des dépenses occasionnées par les exonérations de cotisations sociales dont le financement a été transféré au FOREC s'est révélée être un exercice difficile. La forte croissance des aides a nécessité l'apport en cours d'année au FOREC de ressources complémentaires de façon à mettre en place l'établissement public dans le respect de la contrainte de strict équilibre posée par la loi. Cet apport n'a pas été suffisant et le FOREC n'a pu couvrir l'intégralité de ses dépenses qu'en inscrivant dans les comptes 2001 les recettes de décembre 2000 encaissées en janvier 2001.

Ces difficultés liées à la nécessité pour le FOREC d'être équilibré risquent de se reproduire à l'avenir. La différence entre les dynamiques qui gouvernent les dépenses et les ressources, a de fortes chances de perdurer. L'équilibre annuel du FOREC nécessitera de ce fait des ajustements permanents des ressources affectées qui risquent de rendre l'évolution d'une année sur l'autre peu lisible ».

Source : rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale (septembre 2002)

Comme l'État est appelé à combler tout déficit éventuel, et qu'une telle occurrence a toute chance de se produire, l'autonomisation du dispositif de compensation d'exonérations sociales qui résulte du FOREC a donc un caractère largement fictif.

Pour autant, au moment où il lui faut se prononcer sur le présent projet de loi de financement, votre rapporteur pour avis comprend qu'une telle décision puisse être reportée compte tenu de l'importance de la réflexion qui doit la précéder. Cette réflexion doit toutefois aboutir rapidement, et ses résultats et implications être exposé devant la représentation nationale.

2. L'engagement de présenter des « collectifs sociaux »

Le gouvernement a annoncé, tant au cours de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale du 24 septembre 2002 que lors de l'examen du présent projet de loi de financement à l'Assemblée nationale, son intention de présenter, au printemps chaque année à partir de 2003, un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif, c'est-à-dire un « collectif social », si « les données économiques et financières s'écartent sensiblement du projet initial ».

Cet engagement, qui permet de rendre sa crédibilité au PLFSS, fortement amoindrie au cours de la législature précédente, est d'autant plus important que le précédent gouvernement avait toujours refusé de se soumettre à cette « opération vérité » des comptes sociaux, en dépit de demandes en ce sens maintes fois réitérées, notamment de la part du Sénat.

* 16 Notre collègue Joseph Ostermann, rapporteur spécial des crédits du travail, avait effectué un contrôle de la mise en place du FOREC. À cette occasion, il avait adressé un courrier au président du conseil d'administration du fonds : ce courrier et la réponse du président du conseil d'administration sont annexés au présent rapport.

* 17 Il n'est pas cumulable avec les allégements Aubry II, et le volume d'allégements pris en charge au titre de la « ristourne Juppé » a donc tendance à diminuer.

* 18 Le droit à cette aide n'étant plus ouvert depuis le 1 er janvier 2002, le volume d'allégements pris en charge à ce titre a donc désormais tendance à diminuer.

* 19 Rapport n° 61 (2001-2002).

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