B. UNE LIMITATION SOUHAITABLE DES AIDES AU RETRAIT D'ACTIVITÉ

Dans les années 1980, dans un contexte de chômage massif, se sont multipliées les aides au retrait d'activité des salariés âgés largement financées par l'Etat.

Ces mesures apparaissent aujourd'hui largement inadaptées à l'évolution du marché du travail ; particulièrement coûteuses pour l'Etat, elles conduisent à écarter prématurément du marché du travail les salariés les plus expérimentés alors même que les évolutions démographiques à venir impliqueront nécessairement une augmentation du taux d'emploi des salariés les plus âgés.

En cela, votre commission ne peut que s'associer aux récents propos du ministre des Affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui déclarait que « les préretraites sont une catastrophe pour l'économie nationale et pour nos régimes de retraite » 18 ( * ) .

Elle se félicite donc que le présent budget poursuive le processus mis en oeuvre depuis plusieurs années d'un encadrement plus restrictif du recours aux mesures d'âge par les entreprises.

1. Des dispositifs critiquables

L'activité et surtout l'emploi des personnes de 55 à 64 ans est particulièrement faible en France, comparativement aux autres pays européens.

En 2000, seuls 29,7 % des personnes âgées de 55 à 64 ans occupaient un emploi, contre 37,7 % en moyenne pour l'Union européenne.

Taux d'emploi par âge et par sexe en 2000

(en pourcentage)

Femmes

Hommes

50-54 ans

55-59 ans

60-64 ans

50-54 ans

55-59 ans

60-64 ans

France

66,1

42,5

9,8

83,8

53,8

10,6

Allemagne

64,7

46,6

12,1

83,8

66,1

27,2

Espagne

65,6

24,8

14,8

82,1

68,4

39,5

Italie

67,8

22,9

7,5

78,9

50,8

29,4

Pays-Bas

55,5

38,6

11,0

86,7

69,2

26,3

Suède

83,7

76,6

43,2

84,0

80,4

49,1

Royaume-Uni

70,4

55,9

25,4

81,4

70,8

47,3

UE-15

57,7

40,6

14,7

82,5

63,4

30,9

Source : Eurostat, Enquête sur les forces de travail 2000

L'élévation du taux d'emploi des salariés âgés apparaît donc aujourd'hui comme un enjeu crucial de la politique de l'emploi, au moment où le vieillissement de la population active pourrait entraîner des difficultés d'emploi dans notre pays à l'horizon 2010.

Le conseil européen de Stockholm, en mars 2001, a d'ailleurs fixé pour l'Union européenne l'objectif d'atteindre un taux d'emploi des personnes de 55 à 64 ans de 50 % d'ici 2010.

Dans ces conditions, il apparaît nécessaire d'améliorer profondément la gestion prévisionnelle de l'emploi des salariés âgés et notamment de limiter le recours aux mesures d'âge.

L'existence de nombreux dispositifs de retrait anticipé d'activité explique en effet en grande partie la chute de l'activité après 55 ans dans notre pays.


Les dispositifs de retrait total ou partiel d'activité dans le secteur privé

La préretraite AS-FNE

Les conventions d'allocations spéciales licenciements du FNE permettent, dans le cadre d'une procédure de licenciement économique et sur la base d'une convention entre l'Etat et l'entreprise, d'assurer, jusqu'à ce qu'ils aient pu faire valoir leurs droits à la retraite, un revenu de remplacement à des salariés âgés dont l'emploi est supprimé et dont les perspectives de reclassement sont réduites.

Pour en bénéficier, le salarié doit adhérer volontairement à la convention s'il remplit les conditions d'âge (au moins 57 ans), d'ancienneté dans l'entreprise (au moins un an), de durée de cotisation (au moins 10 ans d'appartenance à un régime de sécurité sociale) et n'exerce plus d'activité professionnelle.

L'allocation est égale à 65 % du salaire brut de référence, dans la limite du plafond retenu pour le calcul des cotisations sociales et à 50 % du salaire brut de référence pour la part du salaire comprise entre une et deux fois ce plafond. L'allocation peut être versée jusqu'à 65 ans.

Le salarié et l'employeur contribuent tous deux au financement de l'allocation : le salarié, pour la part de l'indemnité conventionnelle de licenciement supérieure à l'indemnité légale ; l'entreprise, en fonction de la qualité du plan social, de sa taille et de ses capacités contributives.

La cession d'activité de certains travailleurs salariés (CATS)

Ce dispositif a été mis en place par le décret n° 2000-105 du 9 février 2000. Il prévoit la possibilité d'une prise en charge partielle par l'Etat du revenu de remplacement versé par l'entreprise à des salariés âgés de plus de 57 ans ayant pendant plus de 15 ans effectué des travaux pénibles (travail à la chaîne, travail de nuit, travailleurs handicapés). Pour ouvrir droit à l'aide de l'Etat, cette cessation d'activité doit être organisée par un accord de branche et un accord d'entreprise dans lesquels des engagements sur la fixation de la durée du travail à 35 heures et des dispositions relatives à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences sont pris pour faire en sorte de ne plus recourir aux mesures d'âge. La mise en oeuvre de ces accords ne peut excéder 5 ans.

L'Etat prend en charge une part de l'allocation, selon des taux déterminés en fonction de l'âge des salariés, dès lors que les bénéficiaires ont accompli leur activité professionnelle dans des conditions particulières de pénibilité ou ont été reconnus travailleurs handicapés.

Le premier accord a concerné le secteur automobile qui prévoit de faire bénéficier 36.600 salariés de ce dispositif dont près de 23.000 font l'objet d'une prise en charge partielle de l'Etat sur 5 ans.

D'autre accords ont été conclus dans les secteurs de la métallurgie, le papier carton, la chimie, la presse, l'industrie alimentaire ou la banque.

La préretraite progressive (PRP)

Les conventions de préretraites progressives, conclues entre l'Etat et un employeur permettent à des salariés âgés de plus de 55 ans de transformer leur emploi à temps plein en emploi à temps partiel.

Elles poursuivent plusieurs objectifs en terme d'emploi : offrir une alternative aux retraits complets d'activité des salariés âgés, aider les entreprises à résoudre leurs problèmes de pyramides des âges, favoriser l'insertion des publics en difficulté.

En complément de leur rémunération au titre du temps partiel, les salariés en préretraite progressive reçoivent une allocation égale à 30 % de leur salaire brut de temps plein dans la limite du plafond de la sécurité sociale et 25 % pour la part de ce salaire excédant ce plafond dans la limite de deux fois ce dernier.

Le taux de participation de l'entreprise est modulé en fonction de deux critères : l'effectif de l'entreprise, l'engagement de recrutement de demandeurs d'emploi rencontrant des difficultés particulières sur le marché du travail.

Ce taux varie de 0 à 5 % dans le cadre d'une préretraite progressive avec embauche et de 5 à 8 % dans le cadre d'une préretraite progressive plan social ou sans embauche. Le taux moyen de participation des entreprises est de 6,6 % en 2002.

L'ARPE (allocation de remplacement pour l'emploi)

De leur côté, les partenaires sociaux ont instauré, par un accord en date du 6 septembre 1995, l'ARPE, qui permet à des salariés remplissant certaines conditions d'âge et de durée de cotisation au titre de l'assurance vieillesse, de mettre fin à leur activité professionnelle de façon anticipée. Ce dispositif a été reconduit par plusieurs accords successifs. Dans son état actuel, il doit s'achever en 2003, et ne concerne plus que les personnes nées en 1942, qui justifient de 160 trimestres de cotisation vieillesse. En contrepartie, les entreprises s'engagent à opérer des embauches compensatrices permettant de maintenir le volume d'heures travaillées et pour lesquelles un public prioritaire est défini. Cette formule a connu un succès important : les taux d'adhésion des générations nées entre 1938 et 1940 sont compris entre 58,6 % et 67,5 %, ce qui correspond à des flux d'entrées de 42.800 en moyenne sur la période 1996-2000.

Certes, on observe depuis quelques années une tendance à la réduction du recours à ces mesures d'âge.

Ainsi, l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) gérée par les partenaires sociaux, est en phase d'extinction et doit disparaître en 2003.

De même, les entrées en AS-FNE sont en forte régression, les crédits étant largement redéployés vers la CATS qui concerne en priorité les salariés ayant connu des périodes importantes de travail reconnu pénible.

Evolution des entrées et des effectifs dans les dispositifs de préretraite

1997

1998

1999

2000

2001

2002 (1)

Conventions AS-FNE

- nombre d'entrées annuelles

21.669

18.672

11.993

8.071

6.418

3.431

- nombre d'allocataires en fin d'année

116.218

98.497

80.775

65.160

51.381

40.049

Préretraite progressive

- nombre d'entrées annuelles

20.870

16.717

13.372

11.603

12.324

7.746

- nombre d'allocataires en fin d'année

55.952

53.256

48.942

43.067

39.418

43.794

ARPE

- nombre d'entrées annuelles

35.353

43.438

45.170

37.461

21.500

900

- nombre d'allocataires en fin d'année

65.795

76.917

84.519

86.580

73.100

56.379

CATS

- nombre d'entrées annuelles

-

-

-

5.218

4.407

2.914

- nombre d'allocataires en fin d'année

-

-

-

5.218

7.494

nd

TOTAL

- nombre d'entrées annuelles

77.892

78.827

70.535

61.716

44.649

14.491

- nombre d'allocataires en fin d'année

228.616

219.683

202.605

193.782

171.393

nd

(1) au 30 juin (sauf pour les CATS : 31 mai)

Source : Unédic, DARES.

Il reste que le récent retournement de la conjoncture pourrait renforcer l'attractivité de ces dispositifs tant pour les entreprises que pour les salariés.

Pour les entreprises, les préretraites constituent un moyen commode de traiter les conséquences sociales des restructurations en évitant les licenciements et en rajeunissant la pyramide des âges.

Pour les salariés, les préretraites représentent un moyen de prévenir le chômage tout en s'assurant des revenus suffisants et en anticipant l'âge de la retraite.

On observe d'ailleurs une augmentation sensible des flux d'entrée en préretraite progressive et en CATS et un arrêt du déclin des préretraites AS-FNE.

Votre commission considère pour sa part que la dégradation de la conjoncture économique ne doit pas conduire à une relance des mesures d'âge, solution bien commode mais largement contre-productive et coûteuse.

Elle estime au contraire qu'il importe de privilégier résolument les reclassements internes, voire externes, aux mesures d'âge. Il n'est pas raisonnable, en effet, pour notre économie de se priver de l'expérience et des compétences des salariés les plus âgés alors même que subsistent, en dépit de la hausse du chômage, d'importantes difficultés de recrutement dans de nombreux secteurs.

* 18 Déclaration du 4 novembre à Nantes.

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