B. LES DIFFICULTÉS ACTUELLES EN MATIÈRE PÉNALE

1. Un taux de classement sans suite encore trop élevé

A l'instar de la justice civile, la justice pénale rencontre également des difficultés notables .

Le nombre d'affaires transmises au parquet en 2001 (5.380.094) a augmenté significativement par rapport à l'année dernière, 7,4 % contre précédemment 2 % seulement. En dépit des tentatives de diversification des réponses pénales, le classement sans suite constitue , encore trop souvent un moyen de régulation des flux contentieux .

Les efforts statistiques du ministère de la Justice ont cependant permis d'affiner l'analyse, le taux de classement sans suite s'analysant désormais au regard des seules affaires dites poursuivables. Il n'est en effet plus possible de se fonder sur le taux de classement global par rapport aux affaires transmises au parquet, la grande majorité d'entre elles (73,1 % soit 3.611.000) étant considérée comme « non poursuivable », soit que l'auteur n'ait pas été identifié (dans 65 % des cas) ; soit que l'infraction ne soit pas caractérisée, que les charges soient insuffisantes ou qu'il existe un motif juridique justifiant le classement (6,6 % des affaires traitées).

En 2001, le volume des affaires susceptibles d'être traitées a donc représenté 27 % du total (soit 1.328.000).

Parmi ces affaires poursuivables, le taux de classement pour inopportunité des poursuites, 32,7 % en 2001 , n'a connu aucune amélioration par rapport à 2000 56 ( * ) . Un tiers des affaires pénales poursuivables est donc resté privé d'une réponse pénale, ce qui est regrettable. En outre, il convient de noter une baisse des poursuites judiciaires en 2001 (46,8 % des affaires poursuivables, contre 48,6 % en 2000). Cette évolution contribue en effet à amplifier le sentiment d'insécurité des Français.

Le principal motif de classement a trait à la faible gravité de l'infraction ou du dommage (40 % des classements). Toutefois, comme le reconnaît le ministère de la Justice : « il n'est pas impossible que ce motif de classement ait été invoqué lorsque l'engorgement des tribunaux correctionnels conduisait à des délais de comparution excessifs » 57 ( * ) .

Le législateur s'est efforcé de trouver des solutions pragmatiques inspirées d'expériences menées dans quelques juridictions afin d'éviter l'impunité totale des auteurs de certaines infractions. Cette prise de conscience a conduit au développement de mesures alternatives aux poursuites encore dénommées troisième voie . Elles permettent de développer des réponses pénales adaptées et diversifiées aux actes de la petite et de la moyenne délinquance élucidés, et d'améliorer le taux de réponse pénale (actuellement 67,3 % des affaires poursuivables).

Le nombre de ces mesures, en hausse ces dernières années, se décompose en :

- 269.996 procédures alternatives (soit 20,3 %) ayant abouti à un classement sans suite après une réparation directe ou indirecte du dommage causé ou une réinsertion de l'auteur ; elles regroupent notamment le rappel à la loi (47,8 %), l'indemnisation de la victime (14,4 %), la médiation (14,2 %) ; cette réponse pénale marque une hausse de 8 % ;

- 1.511 classements après réussite d'une composition pénale ; cette mesure, entrée en application à la suite de la publication du décret n° 2001-71 du 29 janvier 2001 58 ( * ) , commence tout juste à monter en puissance. Sans remettre en cause le bien-fondé de cette disposition, la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice a néanmoins mis en exergue les inquiétudes d'un grand nombre de magistrats jugeant cette procédure trop lourde et trop complexe 59 ( * ) . Une fois sa vitesse de croisière atteinte, le ministère de la Justice a évalué à 58.000 environ le nombre de procédures susceptibles de donner lieu à une mesure de composition pénale.

La mission d'information sur l'évolution des métiers des métiers de la justice a porté un jugement positif sur ces mesures alternatives aux poursuites, qui permettent de soulager utilement les juridictions correctionnelles, tout en constituant « un facteur de rétablissement de la paix sociale ». Elle a toutefois regretté la disparition de l'habilitation individuelle des délégués et des médiateurs du procureur de la République autorisés à mettre en oeuvre ces mesures depuis la publication du décret n° 2002-801 du 3 mai 2002, soulignant qu'il importait « que l'Etat continue à exercer au plus près un contrôle sur les personnes apportant leur concours à une activité régalienne par excellence ».

Compte tenu du montant substantiel des subventions versées aux associations du secteur pénal (aide aux victimes, médiation pénale, enquête de personnalité) 60 ( * ) , votre rapporteur pour avis, sans remettre en cause le bien-fondé de leur action, juge qu'une évaluation portant sur l'action et le financement des associations travaillant en partenariat avec le ministère de la Justice pourrait s'avérer opportune . Cette démarche s'inscrit d'ailleurs dans le cadre de l'entrée en vigueur de la future loi organique relative aux lois de finances et pourrait constituer un point de départ pour proposer aux associations du secteur pénal de s'engager dans des contrats d'objectifs.

* 56 En 2000, le taux de classement s'était élevé à 32,1 % du total des affaires poursuivables.

* 57 Les autres motifs de classement sont : l'impossibilité de retrouver l'auteur bien qu'il ait été identifié (25,3  % des classements) ; le retrait de la plainte du plaignant (10 % des classements) ; le fait pour la victime d'avoir elle-même concouru au dommage (4,7 % de classements) ; l'absence d'intérêt de la victime pour le déroulement de la procédure (4,5 %) ; la déficience mentale de l'auteur de l'infraction (1,5 % des classements).

* 58 Créée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, cette procédure originale permet au procureur de la République de proposer ou de faire proposer à l'auteur de certains délits ou contraventions limitativement énumérés par la loi d'exécuter une ou plusieurs mesures présentant un caractère de sanction. Si la personne accepte, la proposition de composition pénale est validée par le président du tribunal de grande instance et l'exécution de la mesure a pour effet l'extinction de l'action publique.

* 59 Voir Rapport précité n° 345 (Sénat, 2001-2002) - p. 184 à 189.

* 60 Pour 2002, une subvention d'1,4 million d'euros est allouée à ces associations par l'administration centrale, tandis que le montant des crédits déconcentrés, en hausse de plus de 25 %, s'élève à 7,6 millions d'euros. Notons toutefois que les mesures alternatives proprement dites sont financées grâce aux frais de justice.

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