N° 279

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 mai 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif au mécénat , aux associations et aux fondations ,

Par M. Philippe NACHBAR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; M. François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernand Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Serge Lepeltier, Mme Brigitte Luypaert, MM. Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Dominique Mortemousque, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jacques Pelletier, Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros:

Assemblée nationale (12 e législ.) : 678 , 690 et T.A. 109

Sénat : 234 (2002-2003)

Impôts et taxes.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis, annoncé au mois de décembre par le Premier ministre et examiné à l'Assemblée nationale le 1 er avril dernier, traduit la volonté du Gouvernement à la fois de réformer l'Etat et de renforcer le lien social, en encourageant l'engagement des particuliers et des entreprises au service des causes d'intérêt général.

Ses dispositions composent une réforme ambitieuse susceptible de permettre à la France de rattraper le retard relatif qu'elle enregistre en ce domaine par rapport à ses voisins européens.

A travers les travaux qu'elle a conduits lors de l'examen par le Sénat des lois du 23 juillet 1987 sur le mécénat, du 4 juillet 1990 sur les fondations d'entreprise ou du 2 juillet 1996 qui a créé la Fondation du patrimoine, votre commission des affaires culturelles a manifesté le souci constant d'inciter les citoyens à participer aux côtés de l'Etat à la défense de l'intérêt général et de promouvoir des dispositifs juridiques et fiscaux adaptés. Dans son acception la plus ancienne, c'est d'ailleurs bien au domaine de la culture que s'applique la notion de mécénat. Plus récemment, dans le cadre de la loi relative aux musées de France, votre commission a pris une part déterminante dans l'adoption de mécanismes destinés à encourager les entreprises à participer à la politique de protection du patrimoine national en finançant l'achat d'oeuvres majeures.

Les mesures présentées par le Gouvernement participent d'une inspiration que votre commission ne peut donc que partager.

Le projet de loi propose un accroissement significatif des avantages fiscaux auxquels ouvrent droit les dons, mais vise également à encourager la création de fondations reconnues d'utilité publique. Ce souci de rompre avec la suspicion héritée de l'Ancien régime et de la Révolution à l'égard des biens de mainmorte, qui se traduit moins dans les dispositions du projet de loi que dans les mesures réglementaires qui l'accompagnent répond à une demande sociale qu'il convient, en effet, d'encourager.

Au-delà de l'appréciation très positive qu'elle portera sur ce texte, votre commission vous proposera des amendements destinés à en conforter les orientations.

*

* *

I. UN IMPÉRATIF : LA RELANCE DU MÉCÉNAT

Le projet de loi déposé par le Gouvernement correspond à la volonté exprimée par le Président de la République de « libérer l'initiative (et) d'instaurer une nouvelle règle du jeu » en impliquant dans la vie culturelle « tous les acteurs de la société civile : particuliers, associations, fondations, entreprises ». Cet objectif a été rappelé par le Premier ministre dans son discours de politique générale du 5 juillet 2002.

A. COMBLER UN RETARD FRANÇAIS

A l'évidence, le mécénat, et donc l'engagement des citoyens ou des entreprises en faveur de causes d'intérêt général reste encore relativement peu développé en France par rapport à d'autres pays occidentaux.

1. Un héritage culturel

La tradition française qui remonte à la Royauté et a été étayée par la Révolution accorde à l'Etat le monopole de la représentation de l'intérêt général contre les corps intermédiaires. C'est autour de l'Etat que s'est créée l'idée de la Nation et à travers lui que s'est constitué le territoire, à l'inverse de ce qui a prévalu dans d'autres pays européens tels l'Italie ou l'Allemagne. Déjà fortement présente à travers la monarchie absolue, la puissance publique n'a cessé, depuis, de tenir une place de plus en plus importante dans la vie sociale, évolution qu'a parachevée l'apparition de l'Etat-providence.

Par ailleurs, la révolution industrielle telle qu'elle s'est déroulée en France n'a guère favorisé l'émergence d'entrepreneurs à l'image de ceux qui, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne ont su très tôt développer un mécénat d'entreprise. L'admonestation de Guizot conjuguée aux accusations de paternalisme ont eu pour effet de détourner durablement les chefs d'entreprises français de telles pratiques.

Portant le poids de cet héritage historique, le mécénat apparaît donc comme une pratique sociale encore récente. Cette idiosyncrasie traduit la conviction profondément ancrée dans les mentalités françaises selon laquelle, pour citer M. Jacques Rigaud 1 ( * ) , « l'Etat détient le monopole de l'intérêt général et que toute initiative extérieure à lui qui prétendrait concourir au bien commun est nécessairement suspecte, se situant quelque part entre une congrégation religieuse vue par les anticléricaux du temps du père Combes, et une association de malfaiteurs ».

Cette conviction est particulièrement vivace dans le domaine culturel où la tradition de l'intervention de l'Etat est ancienne. En effet, en créant un ministère de la culture, la République a repris au XXe siècle les habits de mécène de la Royauté -rappelons que sous Louis XIV, Colbert avait institué une direction du goût-, habits retaillés avec le souci non seulement d'encourager la création nationale, mais également de garantir l'accès de tous à la culture. Il en est longtemps résulté une méfiance des artistes comme des institutions publiques à l'égard des mécènes censés assujettir la politique culturelle, domaine réservé de l'Etat, à des intérêts privés et forcément mercantiles.

Il semble à cet égard symptomatique de cette réticence à l'égard du mécénat que l'on ne dispose pas de statistiques fiables et exhaustives tant sur le montant des contributions versées à ce titre par les particuliers et les entreprises, que sur leur affectation.

Le mécénat ne constitue pas une pratique encore assez répandue pour être observée et analysée, ce qui est regrettable. L'absence de statistiques interdit de mesurer l'efficacité des dispositifs censés l'encourager comme d'apprécier l'impact des opérations de mécénat et entretient par là même une certaine suspicion sur la pertinence de l'usage des sommes recueillies au titre de la générosité. Les chiffres disponibles sont donc à analyser avec la plus grande prudence.

D'après les données fournies par le Gouvernement et reprises lors des débats à l'Assemblée nationale, alors qu'aux Etats-Unis, le mécénat et la philanthropie représentent 2,1 % du PIB, soit 217 millions d'euros, seulement 15 % des Français feraient des dons et le nombre des entreprises investies dans le mécénat ou le parrainage serait de l'ordre de 2000, soit un montant de dons qui représenterait environ 0,09 % du PIB.

2. Une pratique encore assez peu répandue

• Le mécénat des particuliers

Les informations relatives au mécénat des particuliers que votre rapporteur a pu recueillir concernent, pour les plus fiables, les sommes déclarées à l'administration fiscale dans le cadre du dispositif de réduction d'impôt prévu par l'article 200 du code général des impôts.

Il convient de rappeler que ce dispositif permet aux particuliers de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % du montant des dons effectués au profit de fondations ou d'associations reconnues d'utilité publique ou d'organismes d'intérêt général, dans la limite de 10 % du revenu imposable 2 ( * ) .

Les dernières études, réalisées par l'Observatoire de la générosité et du mécénat à l'initiative de la Fondation de France, concernent l'année 2000 ; ces chiffres font apparaître que les Français ont déclaré des dons pour un montant total de 968 millions d'euros, en augmentation de 4,88 % par rapport à l'année 1999.

L'évolution du montant des dons déclarés depuis 1991 est retracée dans le tableau suivant :

(1) Hors dons aux partis politiques.

Ces chiffres consacrent donc une tendance à l'accroissement de la générosité des particuliers sur la dernière décennie, évolution qui n'est sans doute pas sans lien avec les réformes successives destinées à accroître l'avantage fiscal auquel ouvre droit l'article 200 du code général des impôts.

Il convient toutefois de souligner que ces données sont partielles dans la mesure où, d'après un sondage récent réalisé en avril 2002 par la SOFRES pour le compte de l'UNOGEP 3 ( * ) , près d'un quart des donateurs ne déclarent pas leurs dons. Ainsi, 9 % d'entre eux ne joindraient à leur déclaration de revenus que certains reçus fiscaux et 28 % n'en enverraient aucun. Cependant, il s'agit là essentiellement du fait de foyers fiscaux peu ou pas imposés et qui, en toute hypothèse, effectuent des dons d'un montant modeste.

Si l'on examine le don moyen pour chaque tranche d'imposition, il apparaît que la palme de la générosité revient aux foyers les plus modestes. Le don représente, en effet, une proportion du revenu qui diminue au fur et à mesure que l'on franchit les tranches de revenus. Très nettement inférieure à 1 % pour les plus hautes tranches, elle est de 2,59 % pour les revenus imposables compris entre 6 000 et 7 500 euros, soit un rapport de près de 1 à 3.

Les donateurs constituent une minorité des foyers fiscaux : plus de trois foyers fiscaux imposables sur quatre ne déclarent aucun don. Cette proportion, constante depuis le début des années 90, s'accroît depuis 1998, ce qui amène à relativiser l'augmentation du montant des dons qui semble donc essentiellement imputable à l'évolution des versements effectués par les donateurs les plus fidèles et les plus généreux.

Cette relative « frilosité » ne n'explique pas par la méfiance que pourraient entretenir les Français à l'égard des organismes caritatifs. En effet, selon le sondage précité réalisé à l'initiative de l'UNOGEP, 86 % des Français ont confiance dans le secteur caritatif. Les récents scandales tels que celui de l'ARC (Association de recherche sur le cancer) n'ont pas affecté la progression du montant des dons, qui semble à l'instar de ceux effectués par les entreprises, plus sensible aux aléas de la conjoncture économique et financière.

Ces données font apparaître un très large vivier encore inexploité de donateurs potentiels, ce qui souligne la pertinence de l'approche fiscale de la politique d'encouragement du mécénat.

• Le mécénat des entreprises

Les dépenses de mécénat des entreprises échappent elles aussi à un recensement exhaustif.

Leur régime fiscal est essentiellement prévu par l'article 238 bis du code général des impôts qui permet aux entreprises de déduire de leur résultat les dons effectués au profit d'associations ou de fondations reconnues d'utilité publique ou d'organismes d'intérêt général. Ce régime s'applique aux dépenses de mécénat qui se définissent comme celles destinées à apporter un soutien matériel sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire et se distinguent donc des dépenses de parrainage.

L'ampleur de l'avantage fiscal dépend de la qualité de l'organisme bénéficiaire des dons. La déduction est ainsi limitée :

- à 2,25 %o du chiffre d'affaires pour les versements effectués au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ou encore au profit d'une fondation d'entreprise ;

- à 3,25 %o du chiffre d'affaires pour les dons faits à des fondations ou associations reconnues d'utilité publique ayant un caractère d'intérêt général et à un ensemble d'organismes qui regroupe notamment les établissements d'enseignement supérieur et les associations cultuelles ou de bienfaisance autorisées à recevoir des dons et legs.

D'après les données recueillies auprès des entreprises par l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (Admical) dont le dernier rapport porte sur l'année 2000, on constate au cours des dernières années une croissance constante du mécénat d'entreprise, tant dans le domaine de la culture que dans ceux de la solidarité et de l'environnement, domaines auxquels se limite le recensement statistique.

Longtemps regardé avec méfiance comme une immixtion du capitalisme dans un domaine réservé à la puissance publique, celui de l'intérêt général, le mécénat est désormais considéré comme un forme originale de communication permettant de valoriser l'image de l'entreprise au-delà de la simple promotion d'une marque ou d'un produit. Plus spécifiquement, l'association du nom d'une entreprise à une initiative sans implication économique directe est apparue comme un moyen pour les entreprises d'afficher une responsabilité sociale, alors que ces dernières se trouvent désormais sous le double contrôle de la communauté financière et d'une opinion de plus en plus soucieuse de développement durable.

Comme le soulignait l'Admical dans son rapport précité, « il semble que le mécénat soit en France à un tournant important de son développement. Alors que, pendant des années, la société continuait à le considérer avec une certaine méfiance pour ne pas dire suspicion, il semble plus suspect pour une grande entreprise de ne pas faire de mécénat que d'en être un acteur et parfois même l'auteur. »

Si, à l'évidence, le mécénat s'est professionnalisé, répond à des stratégies de plus en plus élaborées et repose sur une implication croissante des salariés, son bilan présente encore nombre de faiblesses.

Les sommes collectées par ce biais apparaissent encore assez modiques. Dans les domaines étudiés par l'Admical, le mécénat des entreprises représentait environ 341 millions d'euros en 2 000 -soit 0,02 % du PIB- contre 283,1 millions d'euros en 1996 et 322,6 millions d'euros en 1998. En dépit d'une tendance favorable, les actions de mécénat semblent étroitement tributaires du contexte économique, et cela de manière fort compréhensible.

Par ailleurs, les entreprises mécènes sont peu nombreuses : 1 840 en 2000, contre 1 510 en 1996 et 1 645 en 1998. Il convient toutefois de souligner le rôle croissant que jouent les petites et moyennes entreprises (moins de 500 salariés) dont font partie beaucoup de directions régionales d'entreprises, et qui représentent depuis 1991 la majorité des mécènes : 70 % en 2000, contre 68 % en 1998.

Par ailleurs, il apparaît qu'un très grand nombre d'entreprises continue à utiliser le parrainage pour des raisons fiscales dans la mesure où, à la différence des dépenses de mécénat, la déductibilité de sommes engagées à ce titre n'est pas plafonnée.

Force est donc de constater que, si le mécénat d'entreprise est désormais entré dans les moeurs et a su affirmer sa spécificité par rapport à la logique de don désintéressé qui inspire le mécénat des particuliers, il n'est pas encore devenu une pratique courante.

3. Des règles juridiques et fiscales encore perfectibles

• Le caractère peu attractif du droit des fondations

Encourager le mécénat permet de susciter la mobilisation des énergies privées au service de l'intérêt général. Cet objectif, qui répond à une demande sociale de plus en plus marquée, souffre aujourd'hui de l'insuffisant développement des organismes chargés de recueillir les recettes de la générosité publique et d'en assurer la redistribution.

Si le mécénat bénéficie du dynamisme du monde associatif qui lui offre de multiples possibilités d'engagement, il pâtit en revanche du caractère encore peu attractif du régime juridique des fondations, et, dans une moindre mesure, des associations reconnues d'utilité publique.

Ces régimes ont longtemps souffert de la réticence héritée du droit français ancien qui reposait sur l'idée reprise du droit romain que l'attribution de la personne morale ne peut relever que d'une autorisation de l'Etat, qui peut à tout moment la retirer. Ce « régime du bon plaisir » fut consacré après la Révolution par le Conseil d'Etat qui, partageant la même hostilité que l'Ancien Régime pour les biens de mainmorte 4 ( * ) , a précisé dans un avis de l'an XIV que « Les établissements de bienfaisance ne peuvent être utiles et inspirer une confiance fondée, quelle que soit la pureté des intentions qui les ont fait naître, tant qu'ils ne sont pas soumis à l'examen de l'administration publique, autorisés, régularisés et surveillés par elle ».

La loi de 1901 marque certes une rupture. Toutefois, le législateur a réservé aux seules associations reconnues d'utilité publique, c'est-à-dire celles qui ont fait l'objet d'une reconnaissance explicite de l'Etat, la possibilité de recevoir des libéralités.

Ces dernières sont au demeurant fort peu nombreuses, si on les compare avec les associations déclarées : au 15 juillet 2000, on en comptait 1 960 dont près de 200 n'auraient plus aucune activité, sinon plus aucune existence, alors qu'il existe environ 800 000 associations déclarées.

Les fondations, régies par un droit uniquement jurisprudentiel jusqu'à l'adoption de la loi du 23 juillet 1987 5 ( * ) sur le développement du mécénat qui en a précisé la définition, occupent une place infiniment plus modeste que dans la plupart des sociétés comparables à la nôtre.

Aux Etats-Unis, l'affectation de patrimoines privés à des oeuvres d'intérêt général a permis la création de grandes fondations, notamment dans le domaine culturel à l'image de la fondation Guggenheim. Au Royaume-Uni, le réseau dense des charities trusts a prolongé au travers de l'initiative privée les actions de protection sociale mises en place dans le cadre de l'Etat-providence. En Allemagne, les fondations jouent également un grand rôle y compris en matière économique et industrielle. Plus récemment, en Espagne, le droit de fonder a été consacré dans la Constitution.

Alors que 12 000 fondations sont répertoriées aux Etats-Unis, 3 000 charities trusts en Grande-Bretagne et 2 000 fondations en Allemagne, on recense en France 546 fondations.

En France, le droit applicable aux fondations, comme l'a souligné le Conseil d'Etat dans une étude publiée en 1996, « est loin de régler l'ensemble des problèmes rencontrés par ces établissements » . Ses dispositions constituent, pour certaines, de réels freins à leur constitution, qui obéit encore à une procédure à la fois longue et bureaucratique.

Ce constat est d'autant plus regrettable que les fondations jouissent auprès du public -et des donateurs- d'un prestige particulier.

Ce prestige explique au demeurant que le concept de fondation ait connu une certaine diversification au cours des dernières années.

Ainsi, la loi du 4 juillet 1990 a autorisé la création des fondations d'entreprise, destinées à donner un cadre juridique au mécénat d'entreprise. Ces fondations, au nombre de 69 en 2002, ont connu un développement qui reste toutefois en-deçà des ambitions du législateur.

Ce bilan contraste à l'évidence avec le mouvement général de la société qui semble se prêter à la création d'institutions susceptibles de fédérer différentes initiatives publiques ou privées, ce que permet précisément le régime des fondations, comme en témoigne le succès que remportent les « fondations abritées » , notamment au sein de l'Institut de France ou de la Fondation de France . Cette forme de fondations rend possible l'affectation de biens en vue de la réalisation d'oeuvres d'intérêt général à une fondation d'utilité publique qui en assure la gestion financière et en redistribue les produits en se conformant aux conditions fixées par les donateurs sans pour autant que soit créée une personne morale spécifique.

• Des règles fiscales à certains égards moins avantageuses que dans les pays européens

S'il n'existe pas à proprement parler de politique européenne du mécénat, la plupart des pays européens disposent dans leur législation fiscale de mécanismes destinés à encourager les dons, et cela notamment dans le domaine culturel.

Par ailleurs, existent dans ces pays des statuts juridiques, qui s'apparentent de près ou de loin à la fondation telle que l'entend le droit français, c'est-à-dire une structure permettant d'affecter un patrimoine à un objet précis.

L'étude 6 ( * ) de ces exemples étrangers témoigne du souci qu'ont manifesté nos voisins à travers des réformes récentes d'encourager le mécénat à travers ces deux instruments.

La loi espagnole du 23 décembre 2002 relative au régime fiscal des entités sans but lucratif et aux incitations fiscales du mécénat a défini le concept d' « organisme sans but lucratif » et modifié le régime fiscal des dons afin de le rendre plus attractif. Ce texte a porté de 20 à 25 % la part des dons des particuliers déductibles de l'impôt sur le revenu et prévu que les lois de finances annuelles définissent des programmes prioritaires pour lesquels le pourcentage déductible pourra s'élever à 30 %. Cette réforme fiscale a été complétée par l'adoption de la loi du 26 décembre 2002 sur les fondations, qui facilite la création et le fonctionnement des fondations, en supprimant le régime de l'autorisation administrative préalable et en allégeant leurs obligations comptables.

En Allemagne , les dons faits par des particuliers ou des entreprises bénéficient également d'un régime de déductibilité. Par ailleurs, le statut fiscal des fondations apparaît particulièrement attractif. La loi du 14 juillet 2000 a instauré un mécanisme de déductibilité pour les dons qui leur sont versés plus avantageux que celui applicable aux autres dons. Par ailleurs, les fondations, et, au-delà les organismes d'intérêt public, bénéficient d'un régime fiscal favorable : ils sont exonérés de l'impôt sur les sociétés dès lors qu'ils poursuivent de façon exclusive et directe des objectifs d'intérêt général et leurs revenus provenant des activités marchandes le sont également dès lors qu'elles sont indissolublement liées à la réalisation des objectifs statutaires. La portée de ces dispositions fiscales a été amplifiée par la loi du 15 juillet 2002 sur la modernisation du droit des fondations. Ce dispositif prévoit notamment que la création d'une fondation, dont les règles ressortissent désormais à la compétence fédérale, ne requiert plus une autorisation mais une simple reconnaissance.

En Italie , des réformes ont été également engagées afin d'élargir les possibilités de déduction fiscale, notamment dans le domaine culturel. La loi du 21 novembre 2000 offre aux entreprises la possibilité de déduire de leur bénéfice imposable la totalité des dons en espèces faits à des organismes culturels. Par ailleurs, à l'instar d'autres pays européens, les procédures de reconnaissance des associations et des fondations ont été assouplies.

Le Royaume-Uni qui se caractérise par l'existence de près de 180 000 organisations philanthropiques se distingue par des mécanismes spécifiques très incitatifs, en particulier en ce qui concerne le régime fiscal des organismes sans but lucratif. Dès lors qu'un organisme est enregistré, quels que soient son statut et son domaine d'activité, la plupart de ses revenus échappent à l'impôt.

Ces comparaisons, forcément hâtives, témoignent du souci partagé par nos voisins européens de renforcer les incitations à la générosité publique, en favorisant les dons mais également, et surtout, en encourageant l'activité des organismes d'intérêt général. A cet égard, le projet de loi qui nous est soumis s'inscrit dans une dynamique européenne.

* 1 L'exception culturelle, septembre 1995

* 2 Le montant de la réduction d'impôt est de 60 % pour les dons versés à des associations d'aide aux personnes en difficulté.

* 3 Union nationale des organismes faisant appel à la générosité du public.

* 4 Selon le Littré, condition des biens qui appartenant à des corps ecclésiastiques, soit séculiers soit réguliers, sont inaliénables et ne produisent aucun droit de mutation.

* 5 Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

* 6 Les documents de travail du Sénat, série législation comparée n° 120.

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