C. ASSOUPLIR LES OBLIGATIONS QUI PÈSENT SUR LES ORGANISMES RECEVANT DES DONS

Le projet de loi qui nous est soumis vise, selon les termes de l'exposé des motifs, à « valoriser l'envie de créer et la générosité de nos concitoyens », mais obéit également à la nécessité de réformer l'Etat en laissant aux citoyens une part plus grande dans la mise en oeuvre des actions collectives.

C'est au regard de ce double objectif que votre commission a examiné le dispositif introduit par l'Assemblée nationale pour assurer la transparence des organismes qui reçoivent des dons ouvrant droit à un avantage fiscal.

Les dispositions des articles 1 er ter et 7 ont pour conséquence d'alourdir de manière significative les obligations comptables qui pèsent sur ces organismes sans que l'on puisse être assuré que leur mise en oeuvre permettra en pratique d'assurer l'information des donateurs.

L'article 1 er ter, en imposant à ces organismes d'assurer la publicité de leurs comptes, a pour effet d'étendre une obligation de tenue d'une comptabilité qui, en l'état actuel du droit, n'a pas de portée générale, même si de nombreuses dispositions législatives ou réglementaires imposent aux organismes sans but lucratif, et en particulier aux plus importants d'entre eux, d'établir des comptes annuels.

Cette obligation est particulièrement lourde dans la mesure où les organismes concernés devront se conformer aux normes édictées par le plan comptable des associations et des fondations qui est entré en vigueur le 1 er janvier 2000 et qui définit les documents que doivent fournir celles d'entre elles assujetties à la tenue de comptes annuels. Les associations les plus modestes, même si elles tiennent d'ores et déjà des comptes, risquent fort de rencontrer des difficultés pour satisfaire à ces exigences.

Le projet de loi impose par ailleurs la publicité de ces comptes. Pour l'heure, aucune précision n'a pu être apportée à votre rapporteur sur le contenu exact de cette obligation. Si des modalités d'application assez souples -par exemple, une publicité par voie électronique- devaient être retenues, aucune indication précise n'a été fournie sur le contenu du décret en Conseil d'Etat prévu pour l'application de cette disposition. Il convient de souligner que ce décret fixera également les sanctions applicables en cas de non-respect de cette obligation.

Outre l'obligation de tenir des comptes annuels et d'en assurer la publicité, les organismes recevant des dons d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret devront, aux termes de l'article 7, établir un document comptable supplémentaire dont le contenu pas plus que le mode de certification, ne sont précisés par le texte adopté par l'Assemblée nationale. Cette disposition, comme celle figurant à l'article 1 er ter, aboutit à des contraintes administratives pour des organismes dont le projet de loi avait pour objectif initial d'encourager l'action. Par ailleurs, sur le plan technique, elle ne semble guère se justifier dans la mesure où les normes d'établissement des comptes annuels rendent largement superfétatoire l'établissement du document dont elle impose la tenue.

Si ces obligations comptables répondent à une logique fort compréhensible, à savoir permettre aux donateurs de s'assurer du bon usage de leurs versements, elles risquent en pratique de se traduire par une information qui ne sera accessible qu'à une très faible proportion d'entre eux, l'immense majorité ne disposant ni du temps ni des compétences pour l'analyser.

Satisfaisant dans son principe, le dispositif risque donc de l'être beaucoup moins dans sa mise en oeuvre.

Il en est de même pour les modalités retenues par l'Assemblée nationale pour assurer la conformité de l'usage des dons aux objectifs poursuivis par les organismes qui en bénéficient. Si ces modalités sont « décalquées » de celle prévue par la loi de 1991, leur objectif est sensiblement différent dans la mesure où il s'agit non seulement de protéger les donateurs mais également de s'assurer du bon emploi d'une dépense fiscale.

Or, ce contrôle sera-t-il de nature à remplir son office ? Rien n'est moins sûr.

Jusqu'à présent, le contrôle de la Cour des comptes sur les organismes faisant appel à la générosité publique a donné des résultats assez éloignés des attentes du législateur. Moins d'une dizaine d'organismes ont été contrôlés. On peut donc s'interroger sur l'utilité d'un contrôle qui trouverait fort peu à s'appliquer. Par ailleurs, le souci de limiter le contrôle de la Cour des comptes à l'emploi des seules ressources collectées dans le cadre de campagnes nationales a achoppé sur les difficultés d'établissement du compte d'emploi prescrit par la loi. Il y a fort à parier que la Cour se heurterait aux mêmes difficultés dans la mise en oeuvre des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.

En outre, il convient de relever que les organismes concernés -dont le nombre exact ne peut encore être déterminé- devront déposer les documents comptables auprès des services de l'Etat, ce qui ne va pas sans soulever certaines difficultés d'ordre pratique.

Tirant les conséquences de ces observations, le dispositif que votre commission vous propose d'adopter vise à assurer un équilibre entre la nécessité de garantir l'information des donateurs et le souci d'alléger les contraintes pesant sur les organismes recevant des dons.

Il apparaît plus conforme à l'esprit du projet de loi qui a pour principal objet de conforter l'initiative privée de confier le contrôle de ces organismes aux donateurs plutôt qu'à un organisme public qui, par ailleurs, ne dispose pas des moyens lui permettant de l'assurer efficacement.

Afin de rendre possible ce contrôle sans pour autant entraîner pour les fondations et associations des contraintes inutiles au regard de l'objectif de transparence, est substituée à l'obligation de publicité des comptes annuels celle de les communiquer à tout donateur qui en formule la demande. Une disposition comparable à été retenue par la loi de 1991 qui, dans son article 4, précise que le compte d'emploi des ressources collectées auprès du public peut être consulté par tout adhérent ou donateur qui en fait la demande.

En outre, entreront dans le champ de cette obligation les seuls organismes dont le montant des dons sera supérieur à un seuil significatif fixé par décret, afin de limiter l'obligation de tenue de comptes annuels aux plus importants d'entre eux.

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