B. LA RÉNOVATION DE LA POLITIQUE DU PATRIMOINE NATUREL
La
ministre de l'écologie et du développement durable a
également annoncé, le 10 septembre 2003, son intention de
rénover et de moderniser la politique de protection, de gestion et de
valorisation du patrimoine naturel, en insistant sur les orientations
suivantes :
- améliorer la qualité de la
connaissance du patrimoine
naturel
et la validation partagée des données pour permettre
le débat et faciliter la prise de décision ;
- faciliter l'identification et l'appropriation collective des
enjeux
territoriaux
, la responsabilisation et l'implication de tous les
acteurs ;
- mettre en oeuvre un
projet concerté
de gestion
contractualisée
entre les acteurs locaux, inscrite dans les
dynamiques de développement des territoires sur la base d'objectifs
négociés et lisibles pour chacun, et ce, dans le respect des
engagements internationaux de la France ;
- renforcer et simplifier
les outils
, notamment, techniques,
juridiques, fonciers mais aussi financiers et fiscaux de la politique du
patrimoine naturel.
Le ministère indique que ce vaste chantier se traduira, en juin 2004,
par un colloque national, puis, en fin d'année, à l'issue d'une
large concertation, de consultations régionales et d'un débat
public, par un
plan d'action
comportant des mesures législatives.
Un projet de loi sur la rénovation du patrimoine naturel
pourrait, en conséquence, être présenté en Conseil
des ministres en
fin d'année 2004
.
C'est dans ce cadre que s'inscrit la mission que le Premier ministre a
confiée à M. Jean-Pierre Giran, député, sur
les « parcs nationaux ».
C. UNE RÉFLEXION EN COURS SUR LES PARCS NATIONAUX
Les
« parcs nationaux » sont en quelque sorte, le fleuron des
outils de protection de la nature et des espaces naturels.
Au terme de six mois de réflexion, qui l'ont conduit à rencontrer
un très grand nombre de personnalités représentatives des
différents acteurs concernés par les parcs nationaux,
M. Jean-Pierre Giran dresse un constat qui peut être très
largement partagé, et avance des propositions qui méritent une
réflexion approfondie.
1. Le constat : un label envié mais un fonctionnement qui suscite des frustrations
Au terme
de sa mission, M. Jean-Pierre Giran estime que la notion de
« parc national » rencontre une forte
adhésion : ce label, qui vient consacrer et protéger un
territoire jugé exceptionnel, est considéré par les
habitants comme un atout et une source de fierté, et personne ne songe
à demander la suppression des parcs existants.
Les difficultés surgissent en revanche lorsque l'on aborde la
conciliation des exigences de protection du patrimoine naturel avec la
volonté d'en permettre une fréquentation ouverte : la
politique de préservation ne doit pas aboutir à bloquer toute
évolution, à constituer une « nature sous
cloche ».
Si la compétence des services du parc est très
généralement admise, le mode de gestion et de fonctionnement de
ces établissements publics est souvent critiqué par les
propriétaires privés et les élus locaux, qui se sentent
dépossédés d'une grande partie de leurs attributions du
fait des règles de protection, et la servitude environnementale est
souvent ressentie comme une forme d'expropriation, particulièrement
lorsqu'elle va à l'encontre d'usages ancestraux.
M. Giran note également que l'ambiguïté sur les limites
du parc que suscite la distinction actuelle entre « zone
centrale » et « zone périphérique »
doit être levée.
2. Les orientations
Prenant
appui sur les trois orientations qui caractérisent l'action des pouvoirs
publics, aujourd'hui -la volonté de décentraliser, le
développement de la politique contractuelle, et la stratégie de
développement durable- le rapport définit quelques
principes
généraux
pour guider l'action :
- concilier
l'intérêt national
du parc avec son
ancrage local
, ce qui suppose d'équilibrer représentants
du ministère et représentants des collectivités et des
usagers, et de trouver une compensation financière aux servitudes
environnementales ;
- allier
protection
et
développement durable
;
- concilier une
réglementation acceptée
en
« zone centrale » et une
contractualisation
responsable
en « zone périphérique ».
3. Les propositions du rapport Giran
a) Une redéfinition des missions et du périmètre des parcs
• Clarifier les missions du parc national
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 331-1 du code de
l'environnement ne fixe au parc qu'un seul objectif de protection. Certes, la
possibilité de compléter le parc par une zone
périphérique, prévue à
l'article L. 331-6, permet la création d'une zone
intermédiaire propice au développement de politiques d'accueil.
En pratique la protection du patrimoine naturel a effacé la promotion du
patrimoine culturel.
M. Giran souhaite donc une réécriture de l'article
L. 331-1 :
- affirmant la
double mission du parc
(protection et
développement durable) ;
- relevant les exigences pour le classement : l'intérêt
du territoire ne doit pas être seulement
« spécial » comme aujourd'hui, mais pour tout ou
partie, présenter un intérêt
« exceptionnel » ;
- faisant référence au patrimoine naturel et au
patrimoine culturel
;
- posant pour principe que la protection doit éviter toute
altération irréversible de l'aspect, de la composition et de
l'évolution du site.
• Unifier le périmètre du parc national
Estimant que le clivage entre zone centrale et zone périphérique
n'est aujourd'hui plus d'actualité, M. Giran souhaite que soit
réaffirmée la
dimension globale
du parc, eu égard
à une double mission de protection et de développement durable.
La
politique de protection
resterait une priorité absolue dans le
coeur du parc, constitué des zones les plus sensibles et les plus
exceptionnelles ; elle incomberait à l'Etat qui pourrait imposer
ses décisions, après avoir pris l'avis des communes
concernées.
En revanche, une
politique contractuelle de développement durable
compatible avec la préservation de la nature serait mise en place dans
la zone extérieure au coeur. Le parc naturel, du fait de ses
capacités d'expertise, et la région, du fait de ses
compétences en aménagement du territoire, joueraient un
rôle de chef de file dans sa définition et sa conduite. Une
charte de l'environnement et du développement durable
, soumise le
cas échéant à enquête publique, serait
proposée aux communes concernées qui resteraient libres d'y
adhérer ou non. A l'instar de la charte des parcs naturels
régionaux, cette charte serait opposable aux documents d'urbanisme.
A la différence du coeur dont le périmètre serait
imposé par l'Etat, un écart pourrait subsister entre le contour
optimal du parc (défini de la façon la plus objective et
scientifique possible) et son contenu effectif qui dépendra des
décisions des communes : ainsi le
principe d'adhésion
se substituera-t-il au principe d'autorité. Dans ce
périmètre, le parc proposera des actions. Enfin, en dehors de son
périmètre, le parc national pourra accepter de répondre
aux sollicitations des collectivités qui feraient appel à ses
capacités d'expertise.
• Répondre au sentiment d'expropriation
Deux propositions tendent à répondre aux sentiments de
dépossession des propriétaires privés et des
collectivités territoriales :
- la création d'un « Conservatoire national du
paysage », ou comme le suggérait le rapport Pisani de 1988,
d'un fonds d'intervention pour le patrimoine naturel
« permettant
à l'Etat d'acquérir à l'amiable si l'occasion se
présente des terrains privés qui recèlent une richesse
naturelle exceptionnelle ou menacée » ;
- l'instauration au profit des communes dont tout ou partie du territoire
s'inscrit dans le coeur du parc, d'un abondement de la dotation globale de
fonctionnement (DGF) pour compenser la perte des ressources fiscales (taxe
d'habitation, taxe sur le foncier bâti) qu'elles auraient pu
espérer d'un éventuel développement qu'interdisent les
règles du parc, et pour compenser les charges de gestion propres aux
parcs.
b) Un établissement public administratif plus ouvert aux collectivités locales
• Le maintien du statut d'établissement public
administratif
Celui-ci résulte actuellement de la combinaison de la loi de 1960, du
décret de 1961 et de la pratique.
Il doit être consacré car, tout en maintenant le parc sous la
tutelle de l'Etat, le statut d'établissement public permet à des
personnes privées de participer à son fonctionnement et laisse
une grande liberté dans la fixation des proportions des
représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, ainsi
que des personnalités qualifiées.
En outre, le président du conseil d'administration peut être
choisi au sein d'une de ces catégories de membres. Enfin, un
établissement public administratif peut participer à un syndicat
mixte.
• Un renforcement de la place des élus dans les organes de
direction du parc.
Pour remédier au sentiment des élus d'être minoritaires au
sein des organes du parc, M. Giran propose de rééquilibrer
la
composition du conseil d'administration
en limitant à
30 % de l'effectif le collège des fonctionnaires, en portant
à 40 % celui des représentants des collectivités, et
en permettant au conseil d'administration du parc de proposer la nomination de
la moitié des personnalités qualifiées.
Les présidents de conseil général et de conseil
régional concernés, ainsi que les parlementaires dont tout ou
partie de la circonscription se situe dans le parc, seraient membres de droit
du conseil d'administration.
En outre,
le président du conseil d'administration
serait
élu par les représentants des collectivités territoriales,
et chargé des fonctions de communication, de représentation et
d'animation de la politique contractuelle, et percevrait des indemnités
de fonction.
La commission permanente serait remplacée par un bureau composé
du président, du vice-président et d'au moins un
représentant de chaque collège, pour assurer le suivi de la
gestion courante.
Enfin, la durée du mandat des membres du conseil d'administration serait
égalisée à 6 ans et chacun d'entre eux serait
flanqué d'un suppléant.
Le conseil d'administration serait conseillé par un
«
comité scientifique
» et un
«
comité du développement durable
»
regroupant les « forces vives » du parc (habitants,
usagers, acteurs économiques, associations) et ayant pour mission de
valoriser la dimension « culturelle » du parc national.
Pour éviter les conflits administratifs, M. Giran suggère en
outre que le
directeur du parc
soit nommé par le ministre sur une
liste de trois noms proposée par une commission de sélection
composée majoritairement de membres du bureau et que toute initiative
réglementaire soit soumise au préalable à une cellule
réglementaire présidée par le préfet et comportant
le directeur du parc, le directeur régional de l'environnement, les
maires concernés, et le cas échéant, le préfet
maritime.
c) Un renforcement des moyens et de l'ancrage local des parcs
Compte
tenu de la dimension interministérielle du développement durable,
M. Giran souhaite
associer d'autres ministères
que celui
chargé de la protection de la nature, notamment celui de l'agriculture
et de la pêche, celui du tourisme et celui de la culture, qui contribuent
à la politique des parcs nationaux.
Sans remettre en question le statut des gardes-moniteurs des parcs
recrutés dans le cadre d'un corps unique, M. Giran propose
d'introduire dans les programmes de leurs concours de recrutement, des
épreuves de connaissance du milieu et de l'histoire des parcs existants,
et des épreuves qui permettent de mettre en valeur les qualités
en matière d'accueil, de développement durable ou de
pédagogie.
Il souhaite que soient encouragées les relations entre les parcs et les
établissements scolaires ou universitaires de la région.
Il envisage la possibilité de créer un
recrutement local
pour les agents de catégorie « C ».
d) La promotion d'une politique d'ouverture
Conscient de la nécessité de mieux faire
connaître et respecter les richesses du patrimoine naturel que
constituent les parcs nationaux, il propose d'instaurer une communication
nationale sur l'ensemble des parcs confiée à une entité
« Parcs nationaux de France », disposant de la marque et du
label, avec le cas échéant, des «
journées du
patrimoine naturel
».
La coopération internationale mérite également
d'être développée grâce à l'attribution de
dotations financières spécifiques, et par la création de
parcs frontaliers.
e) La démocratisation de la procédure de création
Pour
surmonter les blocages qui freinent actuellement la création de nouveaux
parcs nationaux, M. Giran propose que la mission de création se
déroule dans le cadre d'une structure juridique innovante : un
groupement d'intérêt public
, à l'image de la
procédure mise en place pour le projet de parc des Calanques de
Marseille à Cassis.
Ce GIP, dont la durée est limitée à huit ans, a pour
mission d'animer et de coordonner les actions de protection et de gestion du
site et de préparer la création du parc. Il réunit les
représentants de l'Etat et de ses établissements publics, ceux
des collectivités territoriales, et le monde associatif.
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