Avis n° 77 (2003-2004) de M. Marcel LESBROS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 20 novembre 2003

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N° 77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VII

ANCIENS COMBATTANTS

Par M. Marcel LESBROS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1093 , 1110 à 1115 et T.A. 195

Sénat : 72 et 73 (annexe n° 4 ) (2003-2004)

Lois de finances .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La diminution des crédits destinés aux anciens combattants est une constante que la démographie du monde combattant accentue, hélas naturellement, chaque année.

Cependant, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, il convient de saluer les avancées concrètes permises par ce projet de budget, ainsi que la volonté de justice et d'équité qui a présidé au choix de ces mesures.

Il reste, bien entendu, des questions en suspens. Mais chacun conviendra qu'elles sont de moins en moins nombreuses et les recommandations et pistes de réflexion proposées par le présent avis rejoignent les réflexions d'ores et déjà engagées par le Gouvernement sur chacune d'elles. Ces recommandations sont donc, avant tout, un encouragement à poursuivre les efforts engagés depuis dix-huit mois pour conforter l'expression de la reconnaissance de la Nation à l'égard du monde combattant.

I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES : LA TRADUCTION DE LA DÉMOGRAPHIE DU MONDE COMBATTANT

A. LA DIMINUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX ANCIENS COMBATTANTS : UNE APPRÉCIATION À NUANCER

Le projet de budget des anciens combattants pour 2004 s'élève à 3,39 milliards d'euros, soit une diminution de 3,12 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2003. Cette baisse des crédits est toutefois sensiblement moins importante que celle observée l'an passé (- 3,9 %).

Evolution des crédits budgétaires

(en millions d'euros)

 

LFI 2003

PLF 2004

Variation en %

Réparation et reconnaissance

3.037

2.923

- 3,7

Chapitre 36-50, art. 20 INI

6,5

7

7,8

Chapitre 46-04, art. 30 Indemnités et pécules

0,05

0,05

0

Chapitre 46-20, art. 10 pensions d'invalidité

2.357

2.230

- 5,4

Chapitre 46-20, art. 20

Indemnités et allocations diverses

33

32

- 3,0

Chapitre 46-21 Retraite du combattant

541

565

4,4

Chapitre 46-27 Soins médicaux gratuits

90

80

- 11,1

Chapitre 46-28 Appareillage des mutilés

9

9

0

Solidarité

460

465

1,1

Chapitre 36-50, art. 10 ONAC

38

37

- 2,6

Chapitre 46-03, art. 30 Réductions de transport

6,7

6,3

- 6,0

Chapitre 46-04, art. 10

Associations et oeuvres diverses

0,26

0,25

-3,8

Chapitre 46-10, art. 10 Fonds de solidarité AFN

50

40

- 20

Chapitre 46-10, art. 20 ARPE

0

0

0

Chapitre 46-24 Prestations de sécurité sociale

185

170

- 8,1

Chapitre 46-51 ONAC dépenses sociales

12

12

0

Chapitre 47-22 Majoration des rentes

168

199

18,5

Mémoire

2,3

2,1

- 8,7

TOTAL

3.499

3.390

- 3,1

Avant d'aborder la présentation des différents volets de l'action du secrétariat d'État, votre rapporteur souhaite faire deux remarques d'ordre général.

1. Un effort de sincérité budgétaire à poursuivre

a) Un budget réaliste

Le projet de budget pour 2004 des anciens combattants poursuit le rebasage des dotations entamé en 2003 : ainsi, en plus de la suppression de 83 millions d'euros liée à la réduction démographique des ressortissants prévue pour 2004, le projet de budget affiche une baisse supplémentaire de 74,5 millions d'euros pour tenir compte de la diminution effectivement constatée des parties prenantes en 2003.

A l'inverse, le Gouvernement a décidé d'inscrire dès à présent, dans le projet de budget, l'ensemble des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), mettant fin à une pratique ancienne consistant à afficher des crédits en baisse dans le projet présenté au Parlement pour les augmenter ensuite au cours de la discussion budgétaire.

Votre rapporteur ne peut qu'approuver le souci de sincérité budgétaire qui a présidé à l'élaboration du présent projet de budget. Il constate d'ailleurs que cette démarche n'a pas nui à ses bénéficiaires puisque les droits individuels des anciens combattants ont été préservés : ainsi, 3,03 millions d'euros sont inscrits pour l'application du rapport constant 1 ( * ) . Au total, rapportée au nombre de pensionnés et d'ayants droit ou ayants cause, la dépense budgétaire augmente de 1,58 %, soit sensiblement plus que l'an passé (0,68 %).

b) Des interrogations sur la mise en oeuvre de la décristallisation

A l'occasion du vote de la loi de finances pour 2003 et de la loi de finances rectificative pour 2002, le Gouvernement avait décidé d'apporter une réponse définitive à la situation inéquitable que constituait, pour les anciens combattants, ressortissants d'États antérieurement placés sous souveraineté française, la « cristallisation » de leurs pensions et retraites depuis 1958.

Le Conseil d'État avait d'ailleurs jugé en 2001 2 ( * ) que la différence de traitement faite entre les titulaires de ces droits, en fonction de leur seule nationalité, était contraire à l'article 14 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.


Le processus de décristallisation prévu par l'article 68
de la loi de finances rectificative pour 2002

• Un nouveau mode de calcul de la valeur du point de pension

Considérant que ces pensions et autres droits rattachés constituent une réparation destinée à assurer à leurs titulaires des conditions de vie en rapport avec la dignité de leurs fonctions passées, l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 a instauré un nouveau mode de calcul des pensions des anciens combattants d'outre-mer :

- la valeur du point de pension est fixée annuellement en fonction des parités de pouvoir d'achat telles que calculées par la Banque mondiale. Pour un ancien combattant donné, la valeur du point retenue est celle du pays où il résidait lors de la liquidation initiale de ses droits ;

- la valeur du point de pension est encadrée par deux bornes : si elle ne peut dépasser la valeur du point français, elle ne peut pas non plus être inférieure à sa valeur actuelle ;

- si l'application de ce mécanisme ne se traduisait par aucune amélioration dans un pays donné, la valeur du point de pension serait alors de toute façon revalorisée de 20 %.

• La levée totale des forclusions en matière de droits nouveaux

Les invalides bénéficiaires actuellement d'une pension d'invalidité pourront demander la révision de leur pension pour aggravation des infirmités pensionnées ou pour infirmité nouvelle en relation avec les infirmités pensionnées. Leurs veuves pourront également bénéficier d'une pension, sous réserve, pour les ressortissantes du Laos, du Cambodge ou du Vietnam, que l'invalide décédé, dont elles sont l'ayant cause, n'ait pas opté pour le versement d'un capital en 1959.

La mise en oeuvre du processus de décristallisation des pensions est toutefois subordonnée à la publication d'un décret ayant pour objet de fixer les modalités de calcul de la valeur du point. Des arrêtés conjoints des ministres concernés fixeront ensuite chaque année les valeurs des points d'indice de pensions et prestations applicables.

Un décret du 4 novembre 2003 vient préciser les conditions d'application de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002. Il permet, à compter de ce jour, le versement des pensions décristallisées.

S'agissant du financement de cette mesure, votre rapporteur rappelle que la loi de finances pour 2003 avait prévu, au titre de la décristallisation, une provision de 72,5 millions d'euros. Dans la mesure où ces crédits ont un caractère évaluatif, le caractère tardif de la parution du décret ne fera pas obstacle, pour les bénéficiaires, à la mise en paiement des pensions décristallisées. Quoi qu'il en soit, ces crédits ne seront donc pas - ou tout du moins pas entièrement - consommés en fin d'année.

La dotation prévue en 2003 pour financer la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer est reconduite dans le présent projet de loi de finances. Mais elle sera, en tout état de cause, insuffisante pour couvrir l'ensemble des besoins liés à une décristallisation totale : le ministère de la Défense estime en effet à plus de 450 millions d'euros les crédits nécessaires à la revalorisation des pensions, auxquels il convient d'ajouter près de 1,5 milliard d'euros, au titre des rappels d'annuité prévus par la loi.

Votre rapporteur regrette que le projet de loi de finances pour 2004 ne prenne pas l'entière mesure des besoins de financement liés à la décristallisation et donne prise, par une sous-estimation de ces besoins, aux craintes des bénéficiaires de voir leurs pensions impayées pour cause de crédits initiaux insuffisants.

2. Un effort global sensiblement plus important que le seul budget du secrétariat d'État

a) Les autres dépenses en faveur du monde combattant

Les dépenses en faveur du monde combattant ne se résument pas au seul budget du secrétariat d'État aux anciens combattants. Pour avoir une vision complète de cet effort, il faut y intégrer les crédits inscrits au budget de la défense et les dépenses fiscales en faveur des anciens combattants.

L'adossement au ministère de la Défense se traduit par l'inscription à ce budget, d'une part, des crédits de rémunération et de fonctionnement du secrétariat d'État aux anciens combattants, d'autre part, de certains crédits d'investissements.

Les crédits de rémunération et de fonctionnement ne sont plus individualisés au sein du budget de la Défense. Ils sont estimés, d'après les information fournies à votre rapporteur par le secrétariat d'État, à 107,6 millions d'euros pour la rémunération des personnels et 12,8 millions d'euros pour le fonctionnement.

Les crédits d'investissement figurant au budget de la Défense concernent :

- pour 0,15 million d'euros, les directions interdépartementales des anciens combattants ;

- pour 2,9 millions d'euros, les deux établissements publics que sont l'Office national des anciens combattants (ONAC) et l'Institution nationale des invalides (INI) ;

- pour 2,1 millions d'euros, le tourisme de mémoire et la rénovation des nécropoles nationales.

S'agissant des dépenses fiscales en faveur des anciens combattants, elle s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2004 3 ( * ) , à 220 millions d'euros au titre de la demi-part supplémentaire pour les contribuables anciens combattants de plus de 75 ans et à 220 millions d'euros au titre de l'exonération de l'impôt sur le revenu des pensions militaires d'invalidité, de la retraite du combattant et des rentes mutualistes du combattant.

Au total, il convient donc de majorer l'effort national en faveur des anciens combattants de 565 millions d'euros.

b) Une clarification nécessaire dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances

Il est difficile de comprendre la logique qui a présidé à la répartition actuelle des crédits entre le budget des anciens combattants et celui de la Défense. Il en résulte un manque de lisibilité, notamment en ce qui concerne les crédits relatifs à la mémoire, répartis entre les deux budgets. De même, le budget de l'ONAC et celui de l'INI relèvent pour leur fonctionnement du budget des anciens combattants et pour leurs dépenses d'investissement du ministère de la Défense.

La mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances doit être l'occasion de clarifier ce partage. D'après les informations transmises à votre rapporteur, l'actuel périmètre du budget des anciens combattants fera l'objet d'un programme intitulé « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » au sein d'une mission unique regroupant l'ensemble des crédits du ministère de la Défense.

Ce programme comprendra quatre actions : administrer la dette viagère, gérer les droits liés aux pensions militaires d'invalidité, entretenir la solidarité et entretenir les lieux de mémoire. Il reste que les crédits relatifs à la mémoire elle-même continueront d'être scindés en deux puisque la politique de la mémoire elle-même relèverait d'un programme différent.

Votre rapporteur s'étonne de cette séparation quelque peu artificielle et plaide donc pour la définition d'une action homogène en faveur de la mémoire combattante, au sein du budget des anciens combattants.

B. UN BUDGET QUI S'ADAPTE AUX MUTATIONS STRUCTURELLES DU MONDE COMBATTANT

Les crédits du budget des anciens combattants peuvent être répartis en trois catégories :

- les crédits relatifs à la réparation et à la reconnaissance des services rendus qui représentent 86,2 % du total des crédits affectés au budget des anciens combattants. Ils sont en diminution de 3,7 % et s'élèvent à 2,9 milliards d'euros ;

- les crédits relatifs aux actions de solidarité envers le monde combattant qui représentent 465 millions d'euros (soit 13,7 % du total) et augmentent de 1,1 % dans le projet de budget pour 2004 ;

- les crédits en faveur de la mémoire combattante qui diminuent de 8 %, dans le projet de loi de finances pour 2004, pour atteindre 2,12 millions d'euros.

1. La politique de réparation en perte de vitesse

a) La diminution inexorable du nombre de parties prenantes

Les crédits relatifs à la réparation et à la reconnaissance des services rendus sont fortement liés à l'évolution démographique du monde combattant. L'analyse de leur évolution met en lumière deux mouvements contradictoires :

- une augmentation des crédits relatifs à la retraite du combattant, du fait de l'arrivée à l'âge de 65 ans de contingents importants d'anciens combattants d'Afrique du Nord ;

- une diminution des crédits destinés au financement des pensions militaires d'invalidité et des droits afférents à cette réparation liée à la diminution des effectifs pensionnés.

Impact budgétaire de la variation de nombre de ressortissants

(en millions d'euros)

 

LFI 2002

LFI 2003

PLF 2004

Chapitre 46-03

Pensions militaires d'invalidité

- 101

- 104

- 103

Chapitre 46-20

Retraite du combattant

+ 41

+ 29

+ 31

Chapitre 46-27

Soins médicaux gratuits

- 7

- 14

- 11

Chapitre 46-28

Appareillage des mutilés

0

0

0

TOTAL

- 67

- 89

- 83

L'examen des crédits réellement consommés en 2002 vient confirmer cette tendance : ainsi, alors que la loi de finances initiale pour 2002 prévoyait déjà une diminution de 90 millions d'euros (- 2,8 %) des crédits afférant aux pensions militaires d'invalidité, le règlement définitif de ce budget fait apparaître 4 millions d'euros de crédits non consommés sur ce chapitre, malgré une annulation, en cours d'exercice, de 30 millions d'euros.

Le poids du facteur démographique tend à s'accentuer d'année en année : s'agissant des pensionnés, la diminution de l'effectif s'accélère, passant de - 3,20 % en 2000 à - 4,81 % en 2003.

Evolution du nombre de pensionnés au 31 décembre

Année

Invalides

Veuves et orphelins

Ascendants

Total

Evolution

1997

375.054

161.479

15.315

551.848

-3,89

1998

357.479

154.634

13.591

525.704

- 4,74

1999

341.271

147.621

11.613

500.505

- 4,79

2000

330.330

143.281

10.862

484.473

- 3,20

2001

315.982

137.950

9.534

463.466

- 4,34

2002

301.679

131.610

8.149

441.438

- 4,75

2003
(prévisions)

288.000

132.000

420.200

- 4,81

Source : SEDAC

On constate également un tassement de la progression du nombre de titulaires de la retraite du combattant : alors que cette progression atteignait 10,6 % en 2002, elle ne serait plus que de 5,8 % en 2004.

Evolution du nombre de retraites du combattant en paiement au 31 décembre

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003
(prévisions)

2004
(prévisions)

Effectifs

518.291

964.022

1.031.384

1.099.013

1.215.567

1.300.000

1.376.000

Evolution en %

+ 3,39

+ 4,98

+ 6,99

+ 6,62

+ 10,6

+ 6,9

+ 5,8

Source : SEDAC

Cette évolution s'explique essentiellement par la fin de la montée en charge des retraites attribuées aux anciens combattants d'Afrique du Nord : la moyenne d'âge de cette « troisième génération du feu » est désormais de 64 ans et, dans trois ans, plus aucun ancien combattant de cette génération n'aura moins de 65 ans, âge d'ouverture de la retraite du combattant.

b) L'intégration de préoccupations nouvelles au titre des soins médicaux gratuits

Les dépenses de soins médicaux gratuits et d'appareillage sont étroitement liées à l'évolution de l'effectif pensionné et la hausse du coût des dépenses de santé ne compense que faiblement la diminution des crédits liée à la démographie du monde combattant. Les crédits consacrés à cette activité sont donc en baisse de 12,1 % dans le projet de budget pour 2004.

Soins médicaux gratuits et appareillage : les règles applicables

• Soins médicaux gratuits

La qualité de pensionné, quel que soit le taux d'invalidité à partir de 10 %, permet à son titulaire de bénéficier de la gratuité des soins engagés pour traiter ses affections pensionnées (honoraires médicaux, hospitalisation, pharmacie, cures thermales, prestations paramédicales, maladies mentales...). Les médecins, établissements hospitaliers et autres professionnels de la santé sont remboursés directement des frais correspondants au moyen du carnet de soins médicaux gratuits.

En 2002, le nombre de pensionnés qui se font fait soigner au moins une fois dans l'année en métropole (bénéficiaires actifs) était de 99.246, pour un montant moyen de 927 euros.

• Appareillage

Les mutilés de guerre bénéficient de la gratuité des consultations médicales d'appareillage et de la fourniture des appareils et accessoires d'orthopédie nécessités par leurs affections pensionnées.

L'activité d'appareillage intègre les prestations effectuées au bénéfice des assurés affiliés aux régimes de sécurité sociale, désormais prises en charge en quasi-totalité directement par ceux-ci et sans rétribution du service rendu.

En 2002, le nombre des appareillages délivrés, réparés ou contrôlés et qui ont abouti à une prise en charge financière imputable au chapitre 46-28 étaient respectivement de 32.000 en faveur des ressortissants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de 64.000 en faveur des personnes handicapées civiles relevant des différents régimes de sécurité sociale.

Source : Projet de loi de finances pour 2004
annexe « Services votés - mesures nouvelles : Anciens combattants »

Votre rapporteur tient toutefois à souligner qu'un effort de modernisation de l'activité de soins a été entrepris, à travers notamment la mise en place des bilans médicaux gratuits en matière de santé psychique.

Cette mesure, créée par la loi de finances initiale pour 2003, a pour objectif d'améliorer l'expertise médicale des nouvelles pathologies et de mieux orienter les anciens combattants et militaires dans la prise en charge des affections dont ils souffrent. Elle ouvre ainsi le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre aux nouvelles exigences du droit à réparation en mettant en place des mesures de prévention et de suivi sanitaire des anciens combattants et militaires.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, l'objectif de cette mesure est le suivant :

« Dans un premier temps, la mesure s'adresse à une population d'anciens militaires appelés ou de carrière pouvant souffrir de troubles psychiques, ultérieurement, d'autres pathologies émergentes devraient être prises en considération dans ce cadre.

« A terme, les recherches et les travaux de l'Observatoire de la santé des vétérans (OSV) en cours de création devraient fournir les éléments nécessaires pour orienter une politique de prévention et de suivi de l'état de santé des anciens combattants et militaires. »

Votre rapporteur constate, avec satisfaction, que les crédits ouverts en 2003 pour la prise en charge de ces bilans, soit 440.000 euros, sont reconduits dans le projet de budget pour 2004.


L'observatoire de la santé des vétérans

La création d'un observatoire de la santé des vétérans a été décidée à la suite des propositions de la mission d'information sur les conditions d'engagement des militaires français ayant pu les exposer, au cours de la guerre du golfe et des opérations conduites ultérieurement dans les Balkans, à des risques sanitaires spécifiques.

Un échelon précurseur a été mis en place dans l'attente de la publication du texte interministériel nécessaire à sa création.

Rattachée à une direction du ministère de la défense, mais destinée à travailler avec les organismes civils susceptibles de lui apporter les éclairages nécessaires, qui seront notamment représentés au sein d'un comité d'experts, cette nouvelle structure aura pour objectif de coordonner les activités destinées à améliorer la prise en charge médicale des militaires et des anciens militaires. Elle sera notamment destinataire de l'expertise et de la cartographie des risques encourus par les militaires sur les théâtres d'opérations et elle devra faciliter le recueil des données permettant de disposer d'un historique de carrière pour chaque militaire.

Ses travaux pourront servir à ceux qui ont à se prononcer sur l'imputabilité en matière de pensions militaires d'invalidité mais sa vocation n'est pas de traiter des dossiers individuels.

Source : SEDAC

c) Un effort significatif en faveur de la modernisation de l'INI

Votre rapporteur approuve les efforts engagés pour la modernisation de l'Institution nationale des invalides (INI), qui constitue un outil au service du droit à réparation auquel le monde combattant est particulièrement attaché.

La visite, effectuée par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) au cours de la deuxième quinzaine du mois de novembre 2002, a permis de dresser un bilan positif du fonctionnement de l'Institution. La qualité de ses prestations lui a permis d'obtenir, pour cinq ans, l'accréditation nécessaire tant à son intégration définitive dans le service public hospitalier qu'à la poursuite de ses activités.

Votre rapporteur se félicite que le projet de budget pour 2004 tire les conséquences de la reconnaissance de la qualité de l'Institution et lui donne enfin les moyens de faire face à ses missions.

En matière de fonctionnement, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit ainsi une augmentation de 0,6 million d'euros de la subvention versée par l'État qui représente le tiers des ressources de l'Institution, soit 9,2 % de plus qu'en 2003. Elle s'ajoutera à une dotation globale versée par l'assurance maladie, dont le montant est maintenu à hauteur de 9,5 millions d'euros.

Après la baisse drastique des crédits en 2002 et une amorce de revalorisation en 2003, cette augmentation permettra à l'Institution de dépasser son niveau de financement de 2001.

Evolution de la subvention de fonctionnement versée par l'État à l'INI

De même, la visite d'accréditation de l'Institution a mis en lumière la nécessité de poursuivre l'effort de modernisation de ses infrastructures en vue, notamment, d'améliorer la sécurité des personnes et des biens.

A ce titre, une autorisation de programme de 2,3 millions d'euros et des crédits de paiement fixés à 1,4 million d'euros sont prévus au budget de la Défense, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. Ces crédits serviront notamment à mettre aux normes la stérilisation du bloc opératoire et à apporter une meilleure sécurité d'accès au niveau des chambres des pensionnaires.

Enfin, sur la base des conclusions de la visite d'accréditation et compte tenu de l'arrivée à son terme du projet d'établissement 1998-2002, un nouveau projet d'établissement devrait être signé dans les prochains mois, avec trois objectifs :

- continuer à développer l'expertise de l'Institution dans le domaine du handicap, à travers, notamment, un partenariat avec le centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH) ;

- poursuivre l'amélioration de la qualité des prestations délivrées ;

- rationaliser les moyens humains et financiers de l'établissement.

Votre rapporteur ne peut que soutenir cette démarche qui s'inscrit par ailleurs dans le cadre de la réforme de la politique de santé publique et du chantier présidentiel que constitue la prise en charge des personnes handicapées.

2. Un effort de solidarité conforté

a) L'ONAC modernisé et recentré sur ses missions de solidarité et de mémoire

Le contrat d'objectifs et de moyens signé par l'ONAC avec ses autorités de tutelle, le 15 octobre 2002, traduit l'évolution structurelle des missions confiées à l'Office : si l'activité de distribution de titres décline et devrait pratiquement s'éteindre dans les dix prochaines années, elle est relayée par des missions d'action sociale et de mémoire qui deviennent prépondérantes.

Ces changements conduisent l'Office à adapter son organisation, notamment en matière de niveau et de structure des effectifs :

- la démographie du monde combattant se traduit par une diminution globale du nombre de personnes travaillant au sein des services départementaux de l'ONAC : à terme, ses effectifs devraient être réduits d'un tiers. En 2003, cinquante postes budgétaires, correspondant à des postes vacants, ont déjà été supprimés. Un nombre équivalent de suppressions est prévu pour 2004, au titre de la deuxième annuité du contrat ;

- un rééquilibrage en faveur des fonctions de pilotage et d'encadrement (emplois de catégorie A) a été amorcé : celui-ci est rendu nécessaire par le développement de l'activité des délégués à la mémoire qui devraient à terme être présents dans chaque service départemental. Le recrutement de ces délégués sera, dans une proportion pour l'heure non précisée par le secrétariat d'État, assuré par la titularisation d'actuels « assistants mémoire » en contrat emploi-jeune ;

- des transformations de postes devraient permettre le recrutement d'un nombre plus important d'assistantes sociales. Il reste que ces ouvertures de postes sont encore largement théoriques car les services départementaux connaissent des difficultés de recrutement, du fait d'une pénurie générale de travailleurs sociaux.

Impact de la mise en oeuvre du contrat d'objectifs et de moyens sur la gestion des effectifs des services départementaux de l'ONAC

 

Effectif budgétaire avant contrat au 31/12/2002

Objectif à la fin du contrat

Effectif réel au 31/12/2003

Catégories A

105

101

103

Catégories B

117

122

72,5

Catégories C

426

149

383

Conseillers techniques (A)

6

0

5

Assistantes sociales (B)

44

61

20

Emplois jeunes

98

0

76

Délégués à la mémoire (A)

0

100

2

Total

796

533

661,5

La réduction des effectifs de l'ONAC reçoit le soutien de la cellule « Proxima Défense » qui prend en charge le reclassement des personnels volontaires pour un départ vers d'autres services du ministère de la Défense ou vers d'autres administrations.

Votre rapporteur se félicite des bonnes conditions dans lesquelles se déroule la modernisation des services départementaux de l'ONAC. Il appelle toutefois le secrétariat d'État à une certaine vigilance, afin que les départs volontaires ne se traduisent pas par des déséquilibres trop importants d'un département à l'autre.

Il constate également que la modernisation du réseau des maisons de retraite de l'ONAC se poursuit et que la procédure de conventionnement tripartite, prévue par la loi du 2 janvier 2002 pour l'ensemble des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, est en cours dans la totalité des établissements gérés par l'Office.

Le conventionnement tripartite met fin à une situation paradoxale où l'ONAC finançait l'ensemble des prestations, y compris médicales, assurées par ses maisons de retraites. Un déséquilibre « charges - recettes » de 3,48 millions d'euros est ainsi constaté pour l'ensemble des maisons en 2002. La signature des conventions tripartites apportant des financements spécifiques aux soins et à la dépendance par l'assurance maladie et les conseils généraux devrait permettre d'atteindre l'équilibre ainsi qu'il l'a été constaté pour la maison de Beaurecueil.

Votre rapporteur engage par ailleurs l'ONAC à poursuivre sa politique de « labellisation » de maisons de retraite civiles : d'ores et déjà, près de quarante établissements (soit 800 lits) ont été labellisées en partenariat avec le Bleuet de France. Compte tenu de l'objectif de 10.000 lits fixé par le conseil d'administration de l'Office, il semble nécessaire de développer cette démarche, au besoin en labellisant des groupes d'établissements ou des associations.

S'agissant enfin de la subvention d'action sociale de l'ONAC, votre rapporteur ne peut qu'approuver le fait que le Gouvernement ait mis fin à la pratique quasi rituelle consistant à afficher, dans le projet soumis au Parlement, des crédits d'action sociale en baisse pour ensuite les abonder en cours de discussion, sous la pression des parlementaires.

L'action sociale de l'ONAC en 2002

 

Subvention versée par l'État

Fonds propres de l'ONAC

Total

Action sociale individuelle

9,8

1,5

11,3

Action sociale collective

1,1

0

1,1

Prêts

0

0,9

0,9

Subventions aux offices des TOM et aux associations

0,5

0

0,5

TOTAL

11,4

2,4

13,8

Il reste que l'ONAC a dû contribuer de façon croissante sur ses fonds propres à la politique d'action sociale : les aides attribuées sur les fonds propres de l'Office se montent à 2,4 millions d'euros en 2002, en progression de plus de 7 % par rapport à l'année précédente.

L'action sociale, et notamment l'action sociale individuelle, devrait être l'activité de l'Office qui connaîtra le plus fort développement dans les années qui viennent, compte tenu de la démographie du monde combattant. Ainsi, l'augmentation du nombre de veuves parmi les ressortissants de l'ONAC, qui reçoivent, du fait des mécanismes de réversion, des pensions d'un montant très faible, devrait se traduire par des besoins de secours accrus.

La stabilisation de la subvention versée par l'État au titre de l'action sociale est d'ores et déjà une bonne chose. Mais votre rapporteur engage le Gouvernement à revaloriser, dans les années à venir, de façon plus significative sa contribution à l'action sociale en faveur des anciens combattants, afin d'accompagner l'évolution des missions de l'Office.

b) Le fonds de solidarité

Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une dotation de 40 millions d'euros pour le fonds de solidarité des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du Nord. Cette dotation est en diminution de 20 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2003 mais le rythme de réduction des crédits est sensiblement moins rapide qu'en 2003 (- 45 %).

Ce ralentissement est à mettre au compte d'une décroissance du nombre de bénéficiaires qui a été moins brutale que prévu en 2003 : les crédits inscrits en loi de finances pour 2003 sont en effet insuffisants à hauteur de 5,3 millions d'euros et le dégel d'un million d'euros sur ce chapitre ne permettra pas de faire face à l'ensemble des dépenses.

Evolution du fonds de solidarité 1994-2002

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Nombre de bénéficiaires

24.359

39.170

42.628

39.197

33.679

25.440

16.744

10.875

7.665

Crédits ouverts en LFI

58

341

294

234

248

209

142

101

69

Crédits réellement consommés

56

121

179

221

233

191

138

95

66

Cette évolution traduit l'extinction progressive de ce dispositif, créé pour assurer une aide temporaire aux anciens combattants en situation de chômage de longue durée dans l'attente de leur admission à la retraite.

Or, aujourd'hui, l'âge des allocataires s'échelonne de 58 à 65 ans, avec une très large majorité de bénéficiaires de plus de 60 ans concernant l'allocation de préparation à la retraite (APR). Un nombre important d'allocataires partira en retraite au cours des trois prochaines années et on estime qu'en 2006, il n'y aura plus qu'un nombre résiduel d'allocataires, de l'ordre d'une ou deux centaines.

En 2003, l'effectif prévisionnel des allocataires est estimé à 2.800 pour l'allocation différentielle (AD) et à 2.900 pour l'APR.

Le fonds de solidarité

1) Les bénéficiaires

Initialement réservé au bénéfice des seuls anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage de longue durée et âgés de plus de 57 ans, le fonds est désormais ouvert à tout ancien combattant à quatre conditions :

- avoir participé aux opérations en Indochine ou en Afrique du Nord ;

- être privé d'emploi depuis plus d'un an ou être en situation de travail réduit ;

- disposer de ressources personnelles inférieures à 752,70 euros par mois ;

- résider en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer.

2) Les aides versées

- L'allocation différentielle (AD)

L'AD constitue un complément de ressources spécifiques. Elle assure à tout bénéficiaire un revenu mensuel minimum garanti de 752,70 euros par mois au 1 er janvier 2003.

L'article 109 de la loi de finances pour 1998 a institué une majoration spécifique de l'AD pour les chômeurs qui justifient d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres, la portant à 913,53  euros par mois.

- L'allocation de préparation à la retraite (APR)

L'APR constitue un revenu complet servi à titre principal. A la différence de l'AD, elle est constitutive de droits en matière d'assurance sociale.

L'APR est attribuée aux personnes qui sont bénéficiaires de l'AD pendant six mois consécutifs et qui n'exercent aucune activité professionnelle. L'article 124 de la loi de finances pour 1999 a cependant permis aux personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité et qui totalisent 160 trimestres d'assurance vieillesse d'accéder directement à l'APR.

L'APR est égale à 65 % d'un revenu de référence (le plus souvent la moyenne des revenus mensuels d'activité professionnelle) et est plafonnée à 1.170,76 euros par mois au 1 er janvier 2003 et ne peut être inférieure au revenu minimum assuré par l'AD.

Les deux allocations sont indexées sur les bases mensuelles de calcul des prestations familiales et sont par conséquent automatiquement et périodiquement revalorisées.

- Le capital décès

Les veuves d'un bénéficiaire de l'APR peuvent bénéficier, depuis 1997, d'un capital décès d'un montant égal à quatre fois le montant mensuel brut de l'APR, le cas échéant majoré en fonction du nombre d'enfants à charge.

Compte tenu de l'extinction progressive de ce dispositif, votre rapporteur s'interroge sur l'opportunité d'élargir à la nouvelle génération d'anciens combattants (anciens des opérations extérieures) et aux veuves le bénéfice des aides du fonds : une telle extension permettrait de sortir ces publics de la seule perspective des secours de l'ONAC.

c) La traduction budgétaire du succès des rentes mutualistes

Le projet de budget pour 2004 prévoit 31 millions d'euros de moyens nouveaux en faveur des rentes mutualistes du combattant. Cette dotation supplémentaire traduit essentiellement l'impact de l'augmentation du nombre de bénéficiaires de ces rentes.

Evolution du nombre de bénéficiaires
d'une rente mutualiste du combattant

 

2000

2001

2002

Nombre de bénéficiaires

382.117

400.138

409.866

Evolution en %

+ 5,9

+ 4,7

+ 2,4

L'examen de la gestion des crédits pour 2003 confirme ce succès de la rente mutualiste du combattant : ainsi, malgré l'absence de mesure de gel sur ce chapitre, les crédits relatifs à la majoration des rentes étaient, au 30 juin 2003, d'ores et déjà inférieurs de 26 millions d'euros aux besoins.

Le plafond majorable de la rente mutualiste du combattant a été significativement relevé depuis 1998 : il est passé de 95 points d'indice, cette année-là, à 122,5 points en 2003. D'après le secrétariat d'État aux anciens combattants, le contexte budgétaire contraint pour 2004 ne permet pas de poursuivre dès à présent cet effort. Les 7,5 points nécessaires pour atteindre l'objectif des 130 points demandé par les associations demanderaient en effet une dotation nouvelle de 6,7 millions d'euros 4 ( * ) .

La rente mutualiste du combattant

L'idée d'une rente mutualiste du combattant a vu le jour au lendemain de la Première guerre mondiale. Son principe était de créer un lien de solidarité entre l'effort personnel d'épargne des anciens combattants et la reconnaissance de la Nation, par l'intermédiaire du concours financier de l'État.

La retraite mutualiste comporte trois éléments de base :

- la rente personnelle, produite par la capitalisation des versements personnels de l'adhérent ;

- la majoration d'État, au titre du droit à réparation : son taux est fixé en pourcentage de la rente personnelle acquise. Il varie, en fonction de l'âge de l'adhérent au moment de son adhésion et du conflit auquel il a participé, ainsi que de l'ancienneté du titre détenu (carte du combattant ou titre de reconnaissance de la Nation), de 12,5 à 60 % ;

- la revalorisation ou majoration légale qui vise à compenser l'inflation et à permettre le maintien du pouvoir d'achat des rentes.

Le total, formé par la rente personnelle et la majoration d'État, ne peut dépasser un montant maximal dénommé « Plafond majorable » :

La loi de finances pour 1998 a sensiblement modifié la détermination de ce plafond en l'indexant sur l'indice des pensions militaires d'invalidité.

Fixé au départ à 95 points, le plafond a été revalorisé à plusieurs reprises. Le projet de loi de finances pour 2003 le porte à 122,5 points, soit 1.560 euros (sur la base de la valeur du point au 1 er janvier 2002).

Un certain nombre d'avantages sont attachés à la retraite mutualiste :

- les versements personnels effectués en vue de sa constitution sont déductibles des revenus imposables nets entrant dans le calcul de l'impôt sur le revenu, dans la limite du plafond ;

- les arrérages, dans la limite du plafond, sont exonérés de l'impôt sur le revenu ;

- les capitaux reversés au décès du bénéficiaire, à la personne de son choix, sont exonérés des droits de succession.

Votre rapporteur ne doute pas qu'une augmentation du plafond interviendra pour répondre à l'attente du monde combattant, dès que le contexte économique sera plus favorable. Il est en effet très attaché à cette mesure de solidarité qui permet de lier l'effort personnel et la reconnaissance de la Nation.

Afin de satisfaire totalement à cet objectif de reconnaissance de la Nation, votre rapporteur estime nécessaire de corriger le champ des bénéficiaires de la rente mutualiste du combattant : en effet, à l'heure actuelle, parmi les veuves et orphelins, seuls les ayants droit de militaires morts pour la France sont recevables au bénéfice de la rente. Il serait donc légitime d'étendre ce bénéfice à l'ensemble des ayants droit de morts pour la France, y compris civils.

3. Une politique de la mémoire à développer

a) Des responsabilités clarifiées

La conduite de la politique de la mémoire est aujourd'hui sous la responsabilité d'une multiplicité d'acteurs :

- la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense assure le pilotage de cette politique et la met en oeuvre au travers de ses services interdépartementaux : elle assure notamment la conduite des programmes de rénovation des nécropoles et sépultures de guerre ;

- le secrétariat d'État gère directement les actions et les partenariats en direction du monde associatif ;

- plus récemment, l'ONAC s'est vu reconnaître une mission d'impulsion locale de la politique de la mémoire combattante.

Une rationalisation de ces structures a été engagée en 2003 par le secrétariat d'État et le ministère de la Défense, en vue de supprimer la double compétence à l'échelon local pour la mise en oeuvre des actions de mémoire : ainsi, l'ONAC sera désormais seul responsable de cette mise en oeuvre, ce qui se traduit par une suppression de trente-quatre postes budgétaires au sein des directions départementales du ministère.

Votre rapporteur se félicite de cette modernisation, par ailleurs cohérente avec les nouvelles missions confiées à l'Office dans le cadre de son contrat d'objectifs et de moyens.

Il attire toutefois l'attention sur la nécessité d'une pérennisation rapide des postes d'« assistants mémoire » en emploi-jeune, faute de quoi un décalage apparaîtrait, en termes de personnel, dans le transfert de cette compétence à l'Office.

b) La rénovation des nécropoles nationales : un affichage trompeur

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004, en autorisations de programme comme en crédits de paiement, sont en diminution sensible : ils s'élèvent à 1,16 million d'euros contre 6,6 en 2003.

Cette diminution est toutefois à nuancer car des programmes de rénovation importants, comme la modernisation du pavillon français d'Auschwitz ou la création du mémorial du déporté résistant du Struthof, ont gonflé les crédits inscrits en loi de finances 2003. Si l'on exclut ces dotations exceptionnelles, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 sont stables.

Il convient par ailleurs de préciser que ces programmes exceptionnels se poursuivent en 2004 et 2005, sur la base des autorisations de programme ouvertes à cet effet en 2003.

Compte tenu de ces reports, votre rapporteur approuve la sincérité budgétaire qui a présidé à la détermination des dotations en autorisations de programme et crédits de paiement pour 2004 : il n'aurait servi à rien d'augmenter encore, en affichage, ces crédits, alors même que leur taux de consommation plafonne, de façon chronique, à 60 %.

Il engage toutefois le Gouvernement à améliorer la consommation de ces crédits pour répondre aux besoins de rénovation importants mis en lumière par l'enquête de 2002.


L'état des sépultures de guerre en 2002

A l'initiative du secrétaire d'État aux anciens combattants, une enquête générale sur l'état des sépultures de guerre en France a été lancée en octobre 2002. Elle a concerné 265 nécropoles nationales et 2.800 carrés militaires. Elle a confirmé les estimations antérieures. L'essentiel des nécropoles à remettre à niveau sont situées dans l'Aisne, la Somme, la Seine-et-Marne, la Marne, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle.

Fin 2002 l'enquête faisait apparaître qu'après les travaux effectués depuis 2000 il restait :

- 12 % des nécropoles à restaurer complètement ;

- 13 % environ des monuments et des ossuaires à rénover ;

- 15 % des murs d'enceinte, portes d'accès, allées ou escaliers à remettre aux normes de sécurité ;

- 6 % des bâtiments annexes à réparer ;

- des travaux divers d'un montant allant de 3.000 à 10.000 euros à effectuer dans environ 4 % des autres nécropoles.

Source : SEDAC

c) Le tourisme de mémoire : une initiative à concrétiser

La transmission au grand public, et plus particulièrement aux jeunes générations, de la mémoire combattante constitue une priorité de la politique de la mémoire. C'est pourquoi votre rapporteur avait, dans son avis de l'an passé, approuvé l'impulsion donnée à une action innovante : le tourisme de mémoire.

Dans ce cadre, le territoire national a été découpé en sept secteurs correspondant aux zones de défense, formant ainsi de vastes « territoires de mémoire ».

Force est de constater que la mise en route de cette action a été particulièrement lente, preuve que le précédent gouvernement n'avait pas su concrétiser cette initiative : ainsi en 2002, aucun des crédits consacrés au tourisme de mémoire n'a été consommé.

Le bilan de l'année 2003 est, en revanche, largement positif :

- mise au point d'une convention entre le secrétaire d'État aux anciens combattants et le secrétaire d'État au tourisme afin d'assurer le développement touristique des régions de mémoire ;

- premières subventions d'investissement qui ont permis l'ouverture de cinq chantiers (centre Juno Beach à Courseulles-sur-Mer, premier mémorial canadien en Europe, Maison natale de Charles de Gaulle à Lille, mémorial du Plateau des Glières et site de Morette, en Haute-Savoie) ;

- édition d'un guide du tourisme de mémoire pour le territoire de mémoire Nord ;

- réalisation d'un film à destination du grand public sur les fortifications ;

- création d'un site Internet 5 ( * ) interministériel (défense, culture et tourisme) afin de mettre en réseau les différents sites et couvrir l'ensemble du territoire national.

Par ailleurs, une banque de données des ressources biographiques des archives de la défense a été constituée. Elle comprend à ce jour le fichier des militaires « morts pour la France » lors du premier conflit mondial et sa mise en ligne est prévue en novembre 2003. Le secrétariat d'État aux anciens combattants précise que ce site « a vocation à se développer avec l'adjonction d'autres fichiers, notamment le fichier des personnels de l'aéronautique pendant la grande guerre, celui des fusillés du Mont-Valérien, celui des « morts pour la France » en Indochine et celui des « morts pour la France ». Lorsqu'il sera achevé ce site sera le troisième site mondial et le plus gros site français ».

Votre rapporteur ne peut que soutenir les progrès réalisés dans ce domaine et qui ouvrent le monde combattant sur de nouveaux publics.

II. LES MESURES NOUVELLES : DES AVANCÉES CONCRÈTES ET CIBLÉES À POURSUIVRE

La réduction du budget des anciens combattants est une constante que la démographie du monde combattant accentue d'année en année. Cependant, dans un contexte budgétaire difficile, votre rapporteur tient à saluer les avancées concrètes pour le monde combattant permises par ce projet de budget et la volonté de justice et d'équité qui a présidé au choix de ces mesures.

Il reste, bien sûr, des questions en suspens : elles sont toutefois peu nombreuses et les recommandations de votre rapporteur rejoignent la réflexion d'ores et déjà entamée par le Gouvernement sur chacune d'elles : elles sont donc un encouragement à continuer les efforts entrepris depuis dix-huit mois pour conforter la reconnaissance de la Nation à l'égard du monde combattant.

A. UN BUDGET GUIDÉ PAR UNE VOLONTÉ D'ÉQUITÉ

1. Un effort significatif en faveur des veuves

La part des veuves parmi les ressortissants de l'ONAC augmente d'année en année, du fait des différences d'espérance de vie et de la démographie du monde combattant : sur 4 millions de ressortissants, on compte ainsi 1,6 million de veuves d'anciens combattants (veuves de titulaires de la carte ou de bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre non pensionnées) et 128.514 veuves pensionnées. Au total, les veuves représentent donc plus de 43 % des ressortissants de l'ONAC.

Pourtant, celles-ci ont longtemps été les grandes oubliées de la politique en faveur du monde combattant. Votre rapporteur est heureux de constater que le présent projet de budget apporte enfin des réponses à la situation, à bien des égards préoccupante, de ces femmes qui devraient pourtant elles aussi bénéficier du droit à réparation.

a) Une mesure enfin universelle pour les veuves pensionnées

Malgré des propositions réitérées de votre rapporteur, le précédent gouvernement n'avait apporté que des réponses partielles et insuffisantes à la question de la revalorisation des pensions de veuves.

Les pensions de veuves ont d'abord bénéficié - c'était le minimum - des revalorisations de la valeur du point en application du rapport constant. Par ailleurs, la loi de finances pour 2002 avait augmenté de 120 points la majoration de pension accordée aux veuves des grands invalides.

Pour légitime qu'elle était, cette dernière mesure ne touchait, comme le rappelait votre rapporteur dans son avis de l'année passée, qu'une faible minorité des veuves pensionnées : en 1999, on ne comptait en effet que 1.421 veuves pensionnées à ce titre.

C'est la raison pour laquelle il se réjouit de la mesure proposée par le présent projet de budget prévoyant une augmentation uniforme de 15 points d'indice des pensions de veuves, pour un montant de 11,8 millions d'euros et qui concernera donc plus de 131.000 veuves.

Votre rapporteur souhaite toutefois faire part, une fois encore, de son souci de voir assouplies les conditions de réversion des pensions pour les veuves d'invalides pensionnés entre 60 et 85 % : celles-ci doivent en effet prouver que le décès de leur époux est dû à l'affection pour laquelle il était pensionné afin de pouvoir bénéficier de la réversion de la pension. Or, quelle que soit la cause du décès, ces dernières ont le plus souvent été conduites à réduire leur activité professionnelle pour assister leur mari dans les gestes de la vie quotidienne et n'ont pas pu se constituer une pension suffisante à titre personnel.

b) Un effort de solidarité renouvelé envers les veuves d'anciens combattants

Votre rapporteur se félicite également de la poursuite de l'effort de l'ONAC en faveur des veuves d'anciens combattants. L'Office a d'ailleurs fait des veuves l'un des publics prioritaires de son action.

Ainsi, la campagne d'information menée par l'Office, dès le troisième trimestre 2002, à l'occasion de la création d'une carte spécifique de veuve a permis aux services départementaux de l'ONAC d'identifier les nouvelles veuves et de les informer des interventions dont elles peuvent bénéficier. A la fin du premier semestre 2003, plus de 18.530 cartes ont d'ores et déjà été délivrées.

Il a également été décidé, à l'occasion du renouvellement du conseil d'administration de l'ONAC et des conseils départementaux, d'accroître la représentation des veuves d'anciens combattants au sein des instances décisionnelles de l'établissement public.

Grâce à ces efforts, un rééquilibrage des aides distribuées par l'ONAC a été amorcé : en effet, alors qu'elles représentent 43 % des ressortissants de l'ONAC, les interventions en faveur des veuves ne représentaient, en 2001, que 22,3 % des aides attribuées par l'Office en volume et 32,7 % des aides en montant.

Evolution de l'effort de l'ONAC en faveur des veuves

Part des aides individuelles de l'Office attribuées aux veuves

2000

2001

2002

- en volume

23,9 %

22,3 %

28 %

- en montant

31,9 %

32,7%

35,7 %

L'inscription de l'ensemble de la subvention d'action sociale de l'ONAC dans le projet de loi soumis au Parlement permettra à l'Office de poursuivre cet effort.

2. L'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord

a) L'alignement à quatre mois de la durée des services requise pour l'attribution de la carte : une mesure d'équité

Les particularités de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ont conduit le Gouvernement à introduire, lors de la loi de finances pour 1998, un critère alternatif d'attribution de la carte du combattant : ainsi une durée des services en Algérie d'au moins dix-huit mois a été reconnue équivalente à la participation à une action de feu ou de combat, condition exigée à l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour prétendre à la carte du combattant. Cette mesure a permis l'attribution de 39.157 cartes du combattant.

Cette durée a été ramenée successivement à quinze mois par la loi de finances pour 1999, puis à douze mois l'année suivante.

Une exception à cette règle, elle-même déjà dérogatoire, a été ouverte pour les rappelés qui pouvaient en effet difficilement bénéficier des dispositifs existants d'attribution de la carte, du fait d'une durée de séjour en Algérie insuffisante. Dans la mesure où ces derniers avaient dû revenir sous les drapeaux en 1956, après avoir achevé leur service militaire et, le cas échéant, fondé une famille et trouvé un emploi, il paraissait légitime de prévoir une règle particulière à leur égard : la durée requise pour l'attribution de la carte a donc été fixée pour eux à quatre mois.

Le précédent gouvernement a estimé que cette disposition nouvelle devait également bénéficier également aux fonctionnaires de police et aux CRS ayant effectué des séjours en Algérie totalisant au moins quatre mois de présence 6 ( * ) . 1.587 policiers ont bénéficié de cette interprétation extensive, dont la base légale était au demeurant fragile.

Dans ces conditions, il était difficile de maintenir, pour l'ensemble des autres participants aux combats en Afrique du Nord, l'exigence d'une présence de douze mois. C'est la raison pour laquelle, le projet de loi de finances pour 2004 permet l'attribution de la carte du combattant pour une durée des services en AFN d'au moins quatre mois.

Votre rapporteur prend acte de cette mesure d'équité qui met fin au polémiques qui divisaient depuis deux ans le monde combattant. Il attire toutefois l'attention sur le fait que cette mesure pose la question de l'avenir du Titre de reconnaissance de la Nation (TRN), qui est attribué pour une présence de trois mois en Algérie.

b) Une question en suspens : l'harmonisation des dates de fin des hostilités

Votre rapporteur s'étonne que l'harmonisation des durées de séjour requises pour l'attribution de la carte du combattant ne s'accompagne pas d'une harmonisation des dates de fin des hostilités prises en compte pour l'attribution de cette même carte.

En effet, selon le critère retenu pour l'attribution de la carte (quatre-vingt-dix jours en unité combattante ou durée des services désormais égale à quatre mois), les dates prises en compte varient.

Comparaison des dates de fin des hostilités prises en compte
pour l'attribution de la carte du combattant

Critère d'attribution de la carte

Date de fin des hostilités retenue

Algérie

Tunisie

Maroc

90 jours en unité combattante

2 juillet 1962

2 juillet 1962

2 juillet 1962

Durée de service de 12 mois
(4 mois à partir de 2004)

20 mars 1956

2 mars 1956

Le Gouvernement explique que l'harmonisation des durées de service requises pour l'attribution de la carte du combattant « répond notamment à la revendication de militaires qui demandaient, faute de justifier d'une durée de service de douze mois en Algérie, que soit comptabilisé le temps passé au Maroc et en Tunisie postérieurement à mars 1956 ».

Cet argument paraît insuffisant à votre rapporteur. Si l'harmonisation des durées de service permet le règlement d'un nombre important de situations individuelles, il estime qu'il ne faut pas pour autant s'en tenir au statu quo sur la question des dates de fin d'hostilité.

Au demeurant, la fixation d'une date unique permettrait non seulement de mettre en cohérence la législation sur l'attribution de la carte mais serait également un signe fort de reconnaissance pour les militaires stationnés au Maroc et en Tunisie et qui, malgré l'indépendance de ces pays, ont connu la même situation de « risque diffus » qu'en Algérie.

3. L'indemnisation des orphelins de la barbarie nazie : une mesure de justice

Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a créé une mesure d'indemnisation spécifique pour les orphelins dont les parents sont morts en déportation, victimes de persécutions antisémites.

Le champ d'application, limité à certains orphelins juifs, retenu par ce décret, avait alors provoqué un sentiment d'injustice chez un grand nombre d'orphelins de victimes de la barbarie nazie.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur se félicite de l'annonce par le Premier ministre de la création d'une mesure d'indemnisation équivalente pour l'ensemble des orphelins de déportés, fusillés ou massacrés, victimes de la barbarie nazie.

Il lui paraît toutefois nécessaire de rappeler le contexte juridique et historique dans lequel s'inscrit cette mesure : de la prise en compte de ce contexte dépend en effet le succès de la mesure décidée par le Gouvernement.

a) L'indemnisation des orphelins de la déportation : une construction juridique progressive

Le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permet, depuis longtemps déjà, l'indemnisation des orphelins. Il convient toutefois de remarquer que cette indemnisation n'a pas un caractère personnel mais découle des droits du conjoint survivant : en effet, la pension de veuve est majorée en cas d'enfants mineurs orphelins et ses droits passent à ces derniers au décès de leur mère et aussi longtemps qu'un des orphelins est mineur.

S'agissant des déportés, la mise en place d'un système d'indemnisation particulier remonte à 1948, date à laquelle deux lois 7 ( * ) ont créé les statuts de déporté résistant et de déporté politique.

Les déportés résistants sont assimilés, par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, à des militaires. A ce titre, ils bénéficient, sans conditions de nationalité, du droit à une pension militaire d'invalidité ainsi que des droits qui y sont rattachés. Leurs ayants droit, orphelins notamment, échappent eux aussi aux conditions de nationalité.

Les déportés politiques, au contraire, sont considérés comme des victimes civiles de la guerre. Par conséquent, leur droit à pension - il s'agit dans ce cas d'une pension de victime civile - est soumis à une condition de nationalité française : seules peuvent donc bénéficier d'une indemnisation les personnes françaises au 1 er septembre 1939 et les personnes naturalisées depuis cette date, à condition qu'elles aient été déportées à partir de la France.

Cette condition restrictive de nationalité est également applicable aux orphelins, pour lesquels elle est appréciée à la date du décès de leur parent. Ainsi, les orphelins de parents naturalisés français, mais déportés depuis un autre pays, de même que les orphelins de parents étrangers non naturalisés déportés depuis la France n'ont droit à aucune indemnisation.

b) L'indemnisation par l'Allemagne : un dispositif restrictif

Dans le cadre de l'accord franco-allemand du 15 juillet 1960, la République fédérale d'Allemagne a versé à la France une somme forfaitaire de 400 millions de deutschemark en règlement définitif des indemnisations dues aux ressortissants français victimes des persécutions nazies.

Cette indemnisation, forclose depuis le 1 er mars 1962, est soumise à des conditions strictes de nationalité. La victime directe devait :

- être de nationalité française lors de la déportation (et l'être toujours à la date de l'accord) ;

- avoir acquis la nationalité française entre la date de sa déportation et celle de l'accord ;

- avoir déposé une demande de naturalisation avant sa déportation (dans le cas de victimes mortes en captivité).

L'accord prévoit en outre un droit personnel à l'indemnisation pour les orphelins lorsque aucun des deux parents n'est en mesure d'exercer son droit propre.

Si les motifs de persécution ouvrant droit à indemnisation couvrent tant les persécutions antisémites que les motifs politiques ou idéologiques, une fois encore, les étrangers déportés depuis la France et qui n'ont pas demandé la nationalité française sont donc exclus de l'indemnisation.

c) L'instauration d'une mesure particulière pour les orphelins de la Shoah : une source d'incompréhensions

La mesure d'indemnisation mise en place par le décret du 13 juillet 2000 vise, à la suite des propositions du rapport d'étape de la mission Mattéoli, à permettre l'exercice de la réparation pour les orphelins juifs qui, du fait notamment des conditions restrictives de nationalité ou de mesures de forclusion, n'avaient jamais été indemnisés.


Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation
pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites

Les bénéficiaires

La mesure concerne les orphelins de toute personne « qui a été déportée à partir de France dans le cadre des persécutions antisémites et a trouvé la mort en déportation » , si l'orphelin était mineur à la date du départ en déportation.

Toutefois, sont exclues de ce droit à réparation les personnes percevant une indemnité viagère versée par l'Allemagne ou l'Autriche.

L'indemnisation

Elle prend la forme :

- soit d'une indemnité en capital de 27.441 euros (soit 180.000 francs) ;

- soit d'une rente viagère de 457,35 euros (soit 3.000 francs) par mois.

Le financement

Le paiement des rentes viagères et des indemnités en capital est assuré par l'ONAC et est financé sur les crédits inscrits au chapitre 46-02 du budget des services généraux du Premier ministre.

Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit 74 millions d'euros à ce titre, soit une progression de 15,6 % par rapport à 2003.

Au 31 juillet 2003, 16.757 dossiers avaient été reçus par le ministère de la Défense et 12.851 mis en paiement par l'ONAC.

Il semble toutefois que le champ d'application retenu ait été défini de façon trop hâtive : ainsi, les orphelins juifs dont les parents sont morts - fusillés ou massacrés - en France, même pour des motifs antisémites, sont exclus de l'indemnisation. Plus encore, les orphelins de déportés pour d'autres motifs, notamment pour faits de résistance, n'ont droit à aucune indemnisation.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, conformément à l'article 115 de la loi de finances pour 2003, a confié à M. Philippe Dechartre une mission de réflexion sur l'indemnisation des orphelins de la barbarie nazie.

d) L'indemnisation des orphelins de la barbarie nazie : éviter de nouvelles injustices

Les consultations et les études réalisées par M. Philippe Dechartre ont fait ressortir la nécessité d'accorder aux orphelins de victimes de la barbarie nazie (déportés résistants mais aussi fusillés ou massacrés) une indemnisation d'un montant identique à celui fixé par le décret du 13 juillet 2000. Toutefois, pour préserver la spécificité des victimes de la Shoah, cette indemnisation fera l'objet d'un décret spécifique.

Votre rapporteur se félicite de cette solution qu'il avait lui-même préconisée dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2003.

Il appelle le pouvoir réglementaire à la plus grande prudence dans la définition du périmètre des ressortissants éligibles à ce dispositif, ainsi d'ailleurs que le recommande M. Philippe Dechartre. En effet, il ne s'agirait pas de susciter à nouveau un sentiment d'injustice en excluant de ce périmètre des personnes qui pourraient estimer avoir vocation à relever du nouveau dispositif d'indemnisation.

Il approuve de ce fait le délai annoncé par le Gouvernement pour la mise en oeuvre de cette mesure et sa décision de recenser préalablement les bénéficiaires potentiels qui explique que les crédits budgétaires nécessaires ne figurent pas dans le présent projet de budget.

4. Le choix de la date de commémoration des morts de la guerre d'Algérie : un chantier enfin clos ?

Votre rapporteur ne saurait achever la présentation des avancées permises par ce projet de budget sans mentionner le choix, enfin arrêté, d'une date d'hommage aux morts de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Il approuve tout d'abord la démarche du Gouvernement qui a incité l'ensemble du monde combattant à se mettre d'accord. Les travaux de la commission présidée par le professeur Jean Favier ont ainsi permis à chaque sensibilité de s'exprimer et aux anciens combattants eux-mêmes de fixer la date de commémoration.

Le choix du 5 décembre, date à laquelle a été inauguré le mémorial de la guerre d'Algérie du Quai Branly, a paru particulièrement raisonnable à votre rapporteur car cette date ne peut pas offrir de prise à une quelconque polémique : à l'occasion de cette commémoration, l'ensemble du monde combattant, toutes tendances confondues, a, pour la première fois, rendu un hommage unanime aux morts d'Algérie. Votre rapporteur se félicite donc de ce choix qui n'empêche pas, par ailleurs, la tenue de cérémonies particulières à d'autres dates.

Il tient cependant à rappeler qu'il demeure un conflit pour lequel aucune date de commémoration n'a été fixée : il s'agit de la guerre d'Indochine. C'est la raison pour laquelle il lui semble raisonnable de poser la question d'une date unique de commémoration de l'ensemble des « morts pour la France », tous conflits confondus.

B. DES EFFORTS À POURSUIVRE

1. La revalorisation de la retraite du combattant : une attente forte du monde combattant

La retraite du combattant, parce qu'elle concerne la grande majorité des anciens combattants et qu'elle est le signe de la reconnaissance de la Nation, constitue la mesure à laquelle le monde combattant est, malgré son montant modeste, le plus attaché.

Votre rapporteur expliquait, dans son avis de l'année passée les raisons pour lesquelles la demande des associations d'un abaissement à 60 ans de l'âge de liquidation de la retraite du combattant devait, selon lui, être abandonnée : dans le contexte budgétaire actuel, seul un abaissement progressif de l'âge de la retraite pourrait être envisagé. Or, en 2005, le dernier contingent ayant servi en Algérie aura atteint l'âge de 63 ans et pourra bénéficier de la retraite sans qu'il soit nécessaire de poursuivre l'abaissement de l'âge d'accès.

Il est en revanche favorable à une revalorisation pluriannuelle de cette retraite dont l'indice de référence n'a pas été modifié depuis 1954 : force est de constater que, malgré l'application du rapport constant, son pouvoir d'achat s'est fortement dégradé en cinquante ans.

Son montant, fixé par référence au point des pensions militaires d'invalidité, à l'indice 33, s'élève aujourd'hui, compte tenu d'une valeur du point estimée à 12,83 euros au 1 er janvier 2004, à 423,39 euros par an.

Il reste qu'une telle revalorisation aurait un coût non négligeable : M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants, faisait état, lors de son audition devant votre commission des affaires sociales, d'une dépense de 16 à 17 millions d'euros par point supplémentaire d'indice. Estimant que la revalorisation de la retraite n'était significative, sur le plan individuel, qu'à partir de trois points supplémentaires, il a expliqué que la dépense budgétaire serait alors d'environ 50 millions d'euros.

Au total, pour atteindre l'indice 48 demandé par les associations d'anciens combattants, il faudrait prévoir 250 millions d'euros. Il est évident que le contexte économique et budgétaire actuel ne permet pas d'atteindre un tel objectif en un an.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur envisage une revalorisation échelonnée sur cinq ans. Dans cette perspective pluriannuelle, une augmentation, même très modeste dans un premier temps (un ou deux points) compte tenu de l'environnement économique, pourrait être prévue. Elle pourrait notamment être financée par un redéploiement des crédits auparavant consacrés au fonds de solidarité, aujourd'hui en voie d'extinction.

2. La réforme du rapport constant : donner enfin une lisibilité à l'évolution des pensions

a) Un mécanisme incontestablement utile

La loi du 31 mars 1919 qui a créé les pensions militaires d'invalidité n'avait, à l'origine, prévu aucun mécanisme de revalorisation des pensions : celles-ci n'étaient donc revalorisées qu'au coup par coup, en fonction de décisions gouvernementales prises en opportunité.

Le mécanisme du rapport constant, créé par la loi du 27 février 1948, constitue donc un progrès pour le monde combattant : il pose ainsi comme principe que toute augmentation des traitements de la fonction publique doit entraîner une augmentation des pensions.

Si le principe est simple, sa mise en oeuvre a toutefois été chaotique : à plusieurs reprises, en 1979 puis en 1987, des décalages ont été constatés qui ont conduit à une modification du mode de calcul du rapport constant.

Le mécanisme fixé par l'article 123 du projet de loi de finances pour 1990, actuellement en vigueur, comporte trois étapes :

- à chaque fois que le point de la fonction publique est revalorisé, le point de la pension militaire d'invalidité l'est également, du même taux et à la même date ;

- une fois par an, une comparaison est établie, portant sur l'année n-1, entre l'évolution des traitements des fonctionnaires, mesurée par l'indice INSEE, et celle des pensions. Cette comparaison met généralement en lumière une augmentation plus importante de l'indice INSEE car celui-ci inclut, en plus des revalorisations uniformes du point de la fonction publique, la prise en compte des mesures catégorielles. La valeur du point PMI est donc recalée en fonction de cet écart ;

- au 1 er janvier de l'année en cours, un supplément de pension est versé aux bénéficiaires au titre de l'année écoulée pour tenir compte de ce décalage.

L'application de ce nouveau mécanisme est incontestablement utile : ainsi, sur la période 1990-2002, un pensionné à 100 % percevant l'allocation de grand mutilé (indice 1.000) aura reçu près de 2.000 euros de plus que ce à quoi il aurait eu droit en application du mécanisme de l'ancien article L. 8 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui excluait de la revalorisation la prise en compte des mesures catégorielles.

L'application du rapport constant pour 2004 fait apparaître un décalage de 0,10 % par rapport à l'évolution des traitements des fonctionnaires. En conséquence, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une dotation, au titre du rapport constant, de 2,8 millions d'euros 8 ( * ) .

b) Une réforme nécessaire

Le mécanisme du rapport constant suscite toutefois un certain nombre de critiques de la part du monde combattant. Ces critiques concernent :

- l'absence de contrôle de la commission de concertation sur le contenu et le calcul de l'indice INSEE qui sert de base au recalage de la valeur du point de pension ;

- l'absence de prise en compte des primes dans l'indice INSEE ;

- l'insuffisante prise en compte des mesures « Durafour » ;

- le délai apporté au versement des rappels du recalage.

Mais la critique essentielle porte sur la lisibilité de ce mécanisme qui apparaît à beaucoup trop complexe. C'est la raison pour laquelle l'article 126 de la loi de finances pour 2002 a prévu la transmission au Parlement, dans le délai d'un an, d'un rapport sur les perspectives de la revalorisation des indices de référence utilisés pour le calcul des pensions.

Ce rapport propose une méthode de simplification du rapport constant qui constitue une base de travail utile dans la perspective d'une réforme.


Les conclusions du rapport sur les perspectives de revalorisation
des pensions militaires d'invalidité

« Dans la mesure où l'indice INSEE est modifié à chaque évolution des traitements de la fonction publique, rien n'interdit de songer à n'appliquer au point PMI que l'évolution de l'indice INSEE, à chacune de ses variations.

« Cette méthode offrirait les avantages suivants :

« - prise en compte en temps réel (...) de l'ensemble des évolutions des traitements de la fonction publique exprimées par cet indice ;

« - abandon du système de rattrapage additif a posteriori qui conduit au manque de lisibilité reproché au système actuel ;

« - meilleure adaptation à l'euro, puisque pour avoir un effet tangible, le rattrapage devrait à chaque fois être supérieur à 0,0655957 franc, ce qui n'est pas toujours le cas. »

Source : rapport sur les perspectives de revalorisation des pensions militaires d'invalidité, remis au Parlement en application de l'article 126 de la loi de finances pour 2002

Votre rapporteur ne peut qu'encourager le Gouvernement à mettre en oeuvre ces propositions, afin de concilier à l'avenir lisibilité du dispositif et dynamisme des pensions.

3. L'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes : poursuivre les négociations

Initialement assimilés aux personnes contraintes au travail, les incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes (RAD et KHD 9 ( * ) , dont le nombre est estimé à 45.000 personnes, ne pouvaient bénéficier que des mesures d'indemnisation existantes en faveur des victimes civiles de la guerre.

Cependant, à la suite de l'arrêt Kocher rendu par le Conseil d'État le 16 novembre 1973, il a été admis que les membres des RAD-KHD, engagés sous commandement militaire dans des combats, pouvaient bénéficier du titre d'incorporé de force dans l'armée allemande et bénéficier, à ce titre, de l'indemnisation mise en place par l'accord franco-allemand du 31 mars 1981 et servie par la fondation « Entente franco-allemande ».

Le problème de l'indemnisation par la fondation « Entente franco-allemande » ne demeure donc posé que pour les seules personnes incorporées de force dans des formations paramilitaires qui n'ont pas participé à des combats, soit environ 5.600 personnes.

En 1998, le comité directeur de la fondation « Entente franco-allemande » a accepté le principe d'un élargissement à cette dernière catégorie d'incorporés de force, hommes et femmes, du droit à l'allocation unique qu'elle est chargée de distribuer. Mais le conseil d'administration de l'Entente a conditionné, jusqu'à présent, la mise en oeuvre de cette indemnisation à une participation de la France.

Lors d'une réunion à Strasbourg, le 12 mai 2003, rassemblant autour du secrétaire d'État aux anciens combattants des membres de la fondation et la plupart des parlementaires alsaciens et lorrains, une concertation a été engagée sur un assouplissement des conditions de versement des indemnisations aux catégories d'incorporés de force qui n'en ont pas encore bénéficié.

D'après les informations transmises par le secrétariat d'État aux anciens combattants, le règlement de cette question pourrait passer par une modification des statuts de la fondation.

Si votre rapporteur partage le constat selon lequel la responsabilité de l'indemnisation des RAD-KHD n'incombe pas à l'État français, il ne peut qu'encourager le Gouvernement à poursuivre la concertation engagée à Strasbourg avec la fondation « Entente franco-allemande ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 73
Majoration des pensions de veuves

L'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pose le principe d'un droit à pension de veuve dans trois cas :

- lorsque le décès du mari est imputable à un fait de guerre ou, pour les militaires, à un fait de service, la veuve reçoit une pension de veuve « au taux normal ». Au taux du soldat, elle est fixée, depuis le 1 er janvier 1993, à 500 points d'indice ;

- lorsque le mari est décédé en possession d'une pension d'invalidité pour un taux supérieur ou égal à 85 % ou lorsque sa pension est inférieure mais comportait le droit à la majoration pour tierce personne, la veuve a droit à la réversion de sa pension, également au taux normal ;

- lorsque le mari est décédé en possession d'une pension d'invalidité comprise entre 60 et 85 %, la veuve peut bénéficier de la réversion, mais à un taux moindre, le taux de réversion. Au taux du soldat, celle-ci est fixée à l'indice 333,4.

Ces pensions de base peuvent être majorées dans deux cas :

- un taux spécial est prévu pour les veuves âgées de plus de 57 ans ou infirmes disposant de ressources limitées. Il prend la forme d'un supplément dont le montant est fixé, au taux du soldat, à 166,6 points d'indice ;

- une majoration spéciale est accordée aux veuves âgées de plus de 60 ans, si elles justifient d'une durée de mariage et de soins donnés de façon constante pendant au moins quinze ans. Elle est égale à 350 points d'indice pour les veuves dont le mari était aveugle, paraplégique ou bi-amputé et à 260 points dans les autres cas.

Le Gouvernement souhaite majorer de quinze points l'ensemble de ces pensions de veuves. Cette majoration, qui relève d'un décret, se heurte à un obstacle législatif : en effet, l'article L. 51-1 du code des pensions militaires d'invalidité pose un principe selon lequel, lorsque la veuve tient son droit de la conversion de la pension d'invalidité de son mari décédé, elle ne peut pas percevoir plus qu'il ne percevait lui-même.

Ainsi, la majoration de quinze points proposée par le Gouvernement pourrait être inapplicable pour certaines veuves d'invalides.

C'est la raison pour laquelle le présent article crée une dérogation à l'écrêtement des pensions de veuve, dans le cas d'une majoration uniforme des pensions.

Votre commission approuve une mesure qui prend enfin en compte la situation des 131.000 veuves pensionnées restées les grandes oubliées de la politique en faveur du monde combattant.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article .

Article 73 bis (nouveau)
Rapport sur les ressources des anciens combattants

L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de M. Patrick Baudouin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, sociales et familiales, cet article additionnel qui demande au Gouvernement un rapport sur les ressources des anciens combattants, dans la perspective de la création éventuelle d'un « statut social » de l'ancien combattant.

Ce statut reposerait sur le droit pour chaque ancien combattant, et pour ses ayants droit, à disposer de ressources au moins équivalentes au SMIC. C'est la raison pour laquelle le rapport demandé a pour objectif :

- de répertorier le nombre d'anciens combattants dont les ressources sont, à l'heure actuelle, inférieures au SMIC ;

- de proposer, le cas échéant, un dispositif juridique tendant à instaurer une allocation différentielle « sur le modèle de l'allocation différentielle (AD) du Fonds de solidarité, à savoir qu'elle constituerait un complément de ressources spécifiques permettant à chacun des bénéficiaires de combler l'écart entre les ressources dont il dispose et le niveau du SMIC » 10 ( * ) ;

- d'évaluer le coût budgétaire d'un tel dispositif.

L'action sociale en faveur des anciens combattants est actuellement une des missions de l'ONAC, qui consacrait, en 2002, 12,3 millions d'euros aux secours individuels au bénéfice des anciens combattants et de leurs ayants droit (veuves, orphelins et ascendants). En 2002, 44.452 ressortissants de l'ONAC ont reçu une aide à ce titre.

Il est évident que la situation financière et sociale précaire d'un grand nombre d'anciens combattants est un motif de préoccupation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle votre rapporteur insiste, depuis de nombreuses années, sur la nécessité de pérenniser, voire de majorer les crédits sociaux de l'ONAC.

Il est toutefois dubitatif quant à l'équité de la solution envisagée : il lui paraît en effet curieux, à l'heure où la loi portant réforme des retraites propose de garantir à l'ensemble des retraités un niveau de pension au moins égal à 80 % du SMIC, de fixer un objectif différent pour les anciens combattants.

Il lui semble, par ailleurs, que les mesures dont le rapport demande l'examen changeraient profondément la nature de l'effort de la Nation envers les anciens combattants, en basculant d'un système assis sur le droit à réparation et le droit à reconnaissance vers un système d'assistance, dont on voit mal en quoi il devrait être spécifique aux anciens combattants.

Il reste que le système statistique actuel du secrétariat d'État aux anciens combattants ne permet pas de connaître avec précision le nombre d'anciens combattants disposant de très faibles ressources. Sans préjudice des mesures qui pourraient être adoptées à l'issue de l'état des lieux demandé par le rapport, le recensement des besoins permettrait, du moins, d'informer les anciens combattants sur les aides dont ils pourraient bénéficier, à travers l'ONAC et de calibrer les moyens dont dispose ce dernier pour satisfaire à sa mission de solidarité.

C'est pourquoi votre commission vous propose de limiter l'objet du rapport à l'état des lieux des ressources des anciens combattants et d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 74
Extension des conditions d'attribution de la carte du combattant

Cet article, qui modifie l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, vise à assouplir les conditions d'attribution de la carte du combattant.

La nature particulière des combats en Afrique du Nord avait conduit le législateur à introduire, pour ce conflit, un critère alternatif à la condition d'une présence de quatre-vingt-dix jours en unité combattante : une durée de service de dix-huit mois en Algérie a ainsi été reconnue équivalente, par la loi de finances pour 1998, à ce critère classique pour l'attribution de la carte du combattant.

Cette durée de service requise a été ramenée successivement à quinze mois en 1999, puis à douze mois l'année suivante.

A titre dérogatoire, la loi de finances pour 2001 a fixé cette durée à quatre mois seulement pour les rappelés qui avaient dû revenir sous les drapeaux en 1956, alors qu'ils avaient déjà effectué leur service militaire plusieurs années auparavant.

Interprétant de façon extensive cette dernière disposition, le précédent gouvernement avait estimé qu'elle devait également bénéficier aux policiers et CRS ayant servi en Algérie, créant de ce fait une disparité à l'égard des autres anciens combattants, pour lesquels la durée requise demeurait fixée à douze mois.

Le présent article vise à mettre un terme à cette situation inéquitable, en fixant à quatre mois, pour tous, la durée de service en Afrique du Nord ouvrant droit à la carte du combattant.

Votre commission approuve cette mesure qui met fin aux polémiques qui divisaient, depuis deux ans, le monde combattant. Elle tient toutefois à faire remarquer que cette nouvelle disposition pose la question de l'avenir du titre de reconnaissance de la Nation (TRN), attribué, quant à lui, pour une présence de trois mois en Algérie.

Sous cette réserve, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION
I - AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 7 octobre 2004, sous la présidence de M Nicolas About, président, la commission a procédé à l' audition de M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2004 (crédits consacrés aux anciens combattants ).

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants, a indiqué qu'il souhaitait tout à la fois présenter le projet de budget des anciens combattants pour 2004 et les actions accomplies depuis sa prise de fonctions.

S'agissant du projet de budget pour l'année 2004, il a tout d'abord insisté sur la méthode qui a présidé à sa construction. Il a ainsi souligné que la concertation avec le monde combattant avait permis d'identifier ses principales attentes et que le projet de budget s'efforçait de les prendre en compte.

Il a observé que la contrainte budgétaire ne permettait pas de répondre immédiatement et simultanément à toutes les attentes des anciens combattants. Il a précisé que le Gouvernement avait, par conséquent, privilégié une approche progressive.

M. Hamlaoui Mékachéra a ensuite présenté les crédits des anciens combattants pour 2004, qui s'élèvent à 3,39 milliards d'euros. Il a indiqué que ces crédits permettaient une augmentation de 1,58 % des droits procurés à chaque ressortissant, bien supérieure à celle de 0,68 % accordée l'année précédente.

Il a rappelé que la baisse globale de son budget était structurelle puisque, par définition, la démographie de la population combattante se réduisait inexorablement d'environ 4 % par an. Il a d'ailleurs fait valoir que les crédits des anciens combattants ne diminueraient que de 3,1 % en 2004 et que cette évolution permettait de proposer plusieurs mesures nouvelles très attendues par le monde combattant.

Ainsi, il est proposé d'augmenter les pensions des veuves de guerre, des veuves d'invalides et des veuves de grands invalides de quinze points, ce qui constitue une mesure de justice à l'égard des 130.000 veuves, particulièrement touchées lors des conflits du XX e siècle et, notamment, des veuves d'invalides, qui se sont dévouées pour le mieux-être de leur conjoint handicapé. Il a indiqué que 12 millions d'euros étaient affectés à cette mesure.

Il a ensuite évoqué l'harmonisation, à quatre mois, des durées de séjour nécessaires pour l'obtention de la carte du combattant en Afrique du Nord. Il a rappelé que cette mesure mettait fin à un régime disparate et incohérent qui suscitait beaucoup d'aigreurs au sein du monde combattant et que trois millions d'euros étaient inscrits à ce titre.

Il a enfin indiqué que les crédits sociaux de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) étaient maintenus, dans le projet de loi de finances pour 2004, au niveau de ceux votés en loi de finances initiale pour 2003. Il a rappelé, à cet égard, que les années précédentes, une part significative de ces crédits (1,5 million d'euros) résultait d'une majoration rituelle des crédits au cours du débat en séance publique.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants , a souligné qu'au-delà de ces trois mesures nouvelles, le projet de budget pour 2004 poursuivait l'oeuvre de consolidation de l'ONAC et de l'institution nationale des invalides (INI) engagée en 2003.

Il a indiqué que l'ONAC disposerait des moyens nécessaires pour conduire, dans les meilleures conditions, la deuxième année de mise en oeuvre de son contrat d'objectifs et de moyens et que ce contrat lui permettrait d'adapter ses capacités aux priorités du monde combattant : la mémoire et la solidarité.

S'agissant de la mémoire, il a indiqué que le projet de budget contribuerait à financer l'organisation des grands rendez-vous de l'année 2004, parmi lesquels le 90 e anniversaire de la victoire de la Marne, le 60 e anniversaire des débarquements et de la libération du territoire ou encore le 50 e anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu.

Il a rappelé que l'objectif de ces commémorations était d'honorer ceux qui ont donné leur vie pour la Patrie, de rendre hommage aux vétérans et de transmettre aux jeunes générations le sens des valeurs qui furent au coeur de ces conflits et qui restent si nécessaires à notre temps.

Il a ensuite souligné que ce projet de budget s'inscrivait dans le prolongement des actions entreprises depuis seize mois et que ces réalisations étaient révélatrices de la volonté du Gouvernement de satisfaire rapidement les principales attentes du monde combattant.

Il a rappelé que le Gouvernement avait ainsi apporté des réponses à deux questions essentielles qui perturbaient l'harmonie du monde combattant : l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie et le choix de la date de la cérémonie en l'honneur des « morts pour la France » en Algérie.

S'agissant du décret du 13 juillet 2000, instituant une mesure d'indemnisation au bénéfice des orphelins de la Shoah, il a estimé que celui-ci était parfaitement légitime mais que, pour autant, les autres catégories d'orphelins avaient considéré cette disposition comme inéquitable. Il s'est félicité du rapport établi par M. Philippe Dechartre, ancien ministre du Général de Gaulle et de Georges Pompidou, dont les conclusions ont conduit le Premier ministre à décider que les orphelins des victimes de la barbarie nazie, c'est-à-dire les orphelins des déportés, des fusillés et des massacrés, devaient bénéficier d'une indemnisation d'un montant identique à celle destinée aux orphelins des déportés de la Shoah.

Il a précisé que, préalablement à la publication de ce nouveau décret, il était nécessaire de définir précisément le périmètre d'éligibilité de ses bénéficiaires, afin que cette démarche réparatrice ne soit pas porteuse de nouvelles injustices.

Il a ensuite rappelé que le Président de la République avait signé le décret instituant le 5 décembre journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie. Il a estimé que cette décision était l'aboutissement logique d'une démarche de concertation à laquelle l'ensemble des associations représentatives du monde combattant avait participé sous la conduite impartiale de M. Jean Favier, membre de l'Institut.

Il a indiqué que ce choix se référait au 5 décembre 2002, jour où, pour la première fois, un hommage national, unanime et solennel, a été rendu aux « morts pour la France » en Afrique du Nord, lors de l'inauguration, par le Président de la République, du mémorial qui leur est dédié, quai Branly à Paris. Il a fait part de son espoir de voir oubliés les quarante ans de polémique à ce sujet et souhaité que les anciens combattants et, au-delà, tous les Français, se rassemblent ce jour-là pour se recueillir devant les monuments aux morts.

Il a d'ailleurs indiqué que, lors de ses déplacements récents sur le terrain, il avait constaté que l'heure était à l'apaisement et au rassemblement, au sein du monde combattant, sur cette question enfin réglée.

M. Hamlaoui Mékachéra a ensuite dressé un tableau des mesures prises en faveur du monde combattant au cours des seize derniers mois. Il a ainsi mentionné la décristallisation des retraites et des pensions des anciens combattants d'outre-mer, le rétablissement des droits en matière de cures thermales, la pérennisation de l'ONAC, la modernisation de l'INI, l'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste, le dépistage des névroses traumatiques de guerre, la création de l'observatoire de la santé des vétérans, l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie, le choix de la date d'hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord, l'augmentation des pensions de veuves, l'harmonisation des durées de séjour nécessaires à l'obtention de la carte du combattant d'Afrique du Nord et, enfin, l'inscription en base budgétaire de la totalité des crédits sociaux de l'ONAC.

Il a en outre rappelé que le Gouvernement s'attachait à ouvrir davantage le monde combattant sur l'extérieur.

Il a mentionné le développement du concept de « mémoire partagée », pour se rapprocher des pays qui furent nos alliés ou nos adversaires, dans les conflits du XX e siècle, afin de transmettre, ensemble, aux jeunes générations, le sens des valeurs qui furent alors si âprement défendues. Il a indiqué que plusieurs pays avaient ainsi été approchés et que, dans les prochaines semaines, les premiers accords seraient signés avec la Corée du Sud et l'Australie.

Il a également estimé que la France devait s'attacher à faire bénéficier certains pays de son expérience en matière de reconnaissance et de droit à réparation, afin de faciliter l'insertion de leurs propres anciens combattants, souvent très jeunes, dans la vie sociale et professionnelle. Il a d'ailleurs indiqué que M. Pierre Morel-A-L'Huissier, député de la Lozère, venait d'être chargé par le Premier ministre d'une mission sur ce sujet.

Il a enfin souligné sa volonté de développer le « tourisme de mémoire » en partenariat avec les collectivités locales. Il a indiqué qu'une convention serait prochainement signée avec le secrétaire d'État au tourisme afin d'engager les actions nécessaires à la mise en valeur du patrimoine hérité des conflits passés. Il a signalé les différents grands projets aujourd'hui en cours : la construction du nouveau musée d'Auschwitz, du mémorial de Schirmeck et du centre européen du résistant déporté au Struthof.

Dans le domaine du droit à réparation et de la mémoire, M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants , a mentionné l'indemnisation des enrôlés de force dans les formations paramilitaires allemandes et rappelé que le Gouvernement avait rassemblé, le 12 mai 2003, sur cette question, les parlementaires intéressés autour des responsables de la fonction « Entente franco-allemande » sur cette question.

Il a considéré qu'il restait naturellement quelques attentes auxquelles une réponse n'avait pas encore été apportée, notamment la revalorisation de la retraite du combattant ou la simplification du rapport constant, mais il a assuré la commission de sa détermination à avancer dans le règlement de ces questions.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, s'est félicité de l'harmonisation des durées de séjour en Algérie, Tunisie et Maroc retenues pour l'attribution de la carte du combattant. Il s'est interrogé sur l'impact, tant financier qu'en nombre de bénéficiaires, de cette mesure. Il a également soulevé la question des dates de fin des hostilités prises en compte pour l'attribution de la carte en Tunisie et au Maroc.

M. Hamlaoui Mékachéra a indiqué que 15.000 à 20.000 anciens combattants étaient susceptibles de bénéficier des nouvelles conditions d'ouverture du droit à la carte du combattant. Il a fait part de son souhait d'harmoniser les dates de fin d'hostilité autour de la date du 2 juillet 1962.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis , a observé que l'accréditation de l'INI par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) témoignait de la qualité du travail et de l'expertise de l'institution, notamment en matière de prise en charge des personnes handicapées. Il s'est interrogé sur la participation de l'INI au grand chantier du quinquennat que constitue la compensation du handicap et il a souhaité connaître les grandes orientations de son nouveau projet d'établissement.

Il s'est ensuite interrogé sur le bilan de la mise en oeuvre de la première année du contrat d'objectifs et de moyens signé entre l'ONAC et ses autorités de tutelle. Il a notamment insisté sur la question de la modernisation du réseau des maisons de retraite de l'ONAC.

Il a également souhaité connaître le calendrier de mise en oeuvre de la nouvelle mesure d'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie dont la création a été annoncée par le Premier ministre.

Il s'est enfin interrogé sur les perspectives d'une revalorisation, progressive et pluriannuelle, de la retraite du combattant. Il a souhaité savoir si le coût d'une telle mesure avait été évalué.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants , a indiqué que le projet d'établissement de l'INI serait articulé avec un projet médical et avec une convention d'objectifs et de moyens, en cours d'élaboration. Il a précisé qu'en tout état de cause, ce projet s'inscrirait dans le cadre de la politique nationale de santé publique.

Il a déclaré que la mise en oeuvre du contrat d'objectifs et de moyens de l'ONAC se déroulait dans de bonnes conditions, en coopération avec le ministère de la défense, notamment en matière de reclassement de personnels. S'agissant des maisons de retraite, il a indiqué que le programme de « labellisation » de maisons de retraite civiles se poursuivait, de même que la conclusion des conventions tripartites avec les départements et l'assurance maladie.

Il a souligné le travail remarquable de M. Philippe Dechartre, dont les conclusions ont emporté très rapidement la décision du Premier ministre. Il n'a pas voulu s'engager sur un calendrier précis pour la mise en oeuvre de la nouvelle mesure d'indemnisation, estimant que la priorité devait être donnée à la définition de son périmètre pour une application équitable.

M. Hamlaoui Mékachéra est convenu que l'augmentation de la retraite du combattant correspondait à une attente forte du monde combattant. Il a indiqué qu'une revalorisation d'un point d'indice équivalait à une dépense supplémentaire de 16 à 17 millions d'euros, mais que l'augmentation ne serait sensible, au niveau individuel, qu'à partir de trois points d'indice, ce qui impliquerait une majoration de 50 millions d'euros des crédits. C'est pourquoi la priorité avait été donnée, pour 2004, à l'harmonisation des durées de séjour pour l'attribution de la carte du combattant et à la majoration des pensions de veuves.

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances , a estimé que le projet de budget des anciens combattants pour 2004 était largement positif, notamment en matière d'action sociale. Il a toutefois évoqué les remous provoqués par le choix de la date du 5 décembre pour la cérémonie d'hommage aux « morts pour la France » en Algérie. Il s'est félicité de la poursuite de la politique de « labellisation » des maisons de retraite qui s'avère très efficace sur le terrain. Il a souligné le caractère symbolique fort de la revalorisation de la retraite du combattant, même si l'effet sur les ressources des intéressés restait limité.

M. Louis Souvet a insisté sur le fait que le choix de la date du 5 décembre était très mal accueilli par certaines associations d'anciens combattants.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants , a considéré que les réactions sur le choix de cette date étaient moins vives que prévu. Il a rappelé que l'inauguration du monument du quai Branly constituait le premier événement au cours duquel l'ensemble du monde combattant était réuni pour commémorer les « morts pour la France » en Afrique du Nord.

M. Gilbert Chabroux a souligné les aspects positifs du projet de budget des anciens combattants concernant l'augmentation des pensions de veuve, l'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant et l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie.

Il a toutefois exprimé des réserves sur la sincérité du budget. Il a notamment souligné que les crédits prévus, en loi de finances initiale pour 2003, pour financer la décristallisation des pensions des anciens combattants d'outre-mer n'avaient pu être consommés faute de décret d'application. Il a également estimé qu'une baisse moins importante des crédits aurait pu permettre d'entamer, dès cette année, la revalorisation de la retraite du combattant.

S'agissant du choix de la date du 5 décembre pour honorer la mémoire des soldats tombés en Afrique du Nord, il a considéré que celle-ci n'avait aucune signification historique, soulignant que l'association la plus représentative des anciens combattants d'Algérie, hostile à cette date, avait annoncé son intention de maintenir la commémoration du 19 mars. Il a affirmé qu'une majorité de Français s'étaient déclarés, par sondage, eux aussi attachés à la date du 19 mars et rappelé qu'une proposition de loi dans ce sens avait d'ores et déjà été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. Il a estimé que le refus de choisir le 19 mars comme date de commémoration témoignait d'une réticence politique à considérer la guerre d'Algérie pour ce qu'elle était réellement.

M. Gilbert Barbier a, à l'inverse, approuvé le choix du 5 décembre estimant que le 19 mars était lié dans la mémoire collective à la défaite de la France en Algérie. Il a, par ailleurs, observé que la Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie (FNACA) avait participé jusqu'au bout au groupe de travail de M. Favier et qu'elle ne pouvait pas, à présent, s'opposer à une décision approuvée par l'ensemble des autres associations d'anciens combattants. Il s'est, en outre, inquiété de l'insuffisante sensibilité des jeunes générations à la question de la guerre d'Algérie.

M. Guy Fischer a qualifié le projet de budget des anciens combattants pour 2004 de budget en trompe-l'oeil, soulignant l'importance des crédits gelés ou non consommés du fait de l'absence de décrets d'application. Il s'est donc demandé si le budget réel consacré aux anciens combattants ne diminuait pas dans des proportions plus importantes que le Gouvernement voulait bien le laisser entendre. Il a toutefois concédé qu'un certain nombre de questions en suspens étaient réglées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004.

S'agissant de l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie, il a insisté pour que le périmètre de cette indemnisation ne soit pas réduit à la portion congrue. Il s'est également inquiété de la diminution des effectifs des services départementaux de l'ONAC.

Il a fait part de son total désaccord avec la date retenue pour la cérémonie d'hommage aux morts de la guerre d'Algérie, qui provoquera vraisemblablement un très vif mécontentement. Il a regretté que le consensus qui avait prévalu lors de la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie soit rompu par cette décision contestable.

M. André Vantomme a exprimé sa perplexité quant à la question du 19 mars. Il a rappelé que de nombreuses communes avaient, d'ores et déjà, instauré une commémoration ce jour là et que l'on risquait de se trouver devant une multiplicité de commémorations qui en brouillerait la visibilité.

Mme Gisèle Printz a tenu à évoquer la question de l'indemnisation des anciens incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes. Elle a indiqué que le règlement de cette question passait nécessairement par une modification du règlement intérieur de la fondation « Entente franco-allemande », chargée de l'indemnisation de l'ensemble des « malgré nous ».

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants , a expliqué que les décrets d'application relatifs à la décristallisation des pensions des anciens combattants d'outre-mer étaient en cours de contreseing et qu'ils devaient être publiés dans les prochaines semaines. Il a, par ailleurs, indiqué que les crédits correspondants étaient des crédits évaluatifs et que, par conséquent, le paiement des pensions décristallisées pourrait se dérouler normalement.

Il a confirmé que le nombre de ressortissants de son ministère avait bien diminué de 4 % au cours de l'année 2003 et que l'effort budgétaire par bénéficiaire augmenterait en 2004 de 1,58 % contre 0,68 % l'an passé.

Revenant sur la question du 19 mars, il a rappelé que le Président François Mitterrand, lui-même, s'était exprimé contre le choix de cette date, source, selon lui, de confusion dans la mémoire collective. Il a estimé qu'après avoir assisté à toutes les réunions de la commission Favier, la FNACA ne pouvait pas dénoncer unilatéralement une décision prise démocratiquement.

Il a enfin insisté sur la volonté du Gouvernement de trouver une solution équitable pour l'indemnisation des anciens du Reicharbeitsdienst (RAD) et du Krieghilfsdienst (KHD). Il a rappelé qu'il avait réuni à Strasbourg l'ensemble des parties prenantes et que celles-ci s'étaient séparées sur ce consensus : il n'appartient pas à la France d'indemniser des dommages causés par un pays tiers. Il a estimé que, si la fondation « Entente franco-allemande » refusait de sortir de son interprétation traditionnelle, il faudrait vraisemblablement modifier soit ses statuts, soit son règlement intérieur.

II - EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 5 novembre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Marcel Lesbros sur le projet de loi de finances pour 2004 (crédits consacrés aux anciens combattants) .

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).

M. Guy Fischer a estimé que le projet de budget des anciens combattants pour 2004 était un budget en trompe l'oeil et il s'est déclaré peu convaincu par la sincérité des crédits, notamment dans le domaine de la décristallisation des pensions.

Il a fait part de son inquiétude devant la rationalisation à marche forcée des services départementaux de l'ONAC et il a expliqué que la nomination à la tête de l'Office d'un directeur issu de la fonction publique hospitalière laissait présager de la fin prochaine de la spécificité du droit à réparation dû aux anciens combattants.

Il a concédé que le projet de budget pour 2004 permettait de résoudre certaines injustices. Il a notamment évoqué l'harmonisation à quatre mois de la durée de séjour requise en Algérie pour l'attribution de la carte du combattant et la revalorisation des pensions de veuves.

Il a ensuite insisté sur le fait que la revalorisation de la retraite du combattant était une demande ancienne et unanime du monde combattant. Il s'est enfin dit inquiet des conditions dans lesquelles le périmètre de la nouvelle mesure d'indemnisation des orphelins de déportés serait fixé.

Pour toutes ces raisons, il a émis un avis défavorable sur le projet de budget des anciens combattants pour 2004.

M. Gilbert Chabroux s'est déclaré intéressé par les propositions du rapporteur concernant une revalorisation pluriannuelle de la retraite du combattant et il a plaidé pour que le Gouvernement s'en inspire.

Il s'est interrogé sur la mise en oeuvre de la décristallisation des pensions des anciens combattants d'outre-mer décidée en 2003. Il a notamment voulu connaître le niveau des crédits réellement consommés.

Il a insisté sur le fait que l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie devait être rétroactive au 13 juillet 2000, date du décret permettant l'indemnisation des orphelins juifs.

Il a enfin demandé qu'un débat soit organisé devant le Parlement sur le choix de la date d'hommage aux morts des combats en Afrique du Nord.

M. Paul Blanc a proposé de fixer une date unique de commémoration des morts de tous les conflits. A cet effet, il a estimé qu'il fallait remplacer l'ensemble des dates particulières par la journée du 2 novembre, jour de la fête des morts.

Mme Gisèle Printz a rappelé que le gouvernement allemand refusait de financer à nouveau des mesures d'indemnisation pour les incorporés de force, dans la mesure où il avait déjà versé le montant nécessaire à la fondation « Entente franco-allemande ». Elle a donc appelé à une révision des statuts de la fondation, pour permettre un règlement définitif de ce dossier.

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis , a d'abord voulu rappeler que, compte tenu du contexte budgétaire, il était difficile de régler en une fois l'ensemble des questions en suspens. C'est pourquoi il a estimé que le projet de budget pour 2004, du fait des avancées concrètes qu'il permettait, était déjà encourageant.

S'agissant de la décristallisation, il a indiqué que le décret d'application prévu par l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 était paru le 4 novembre au Journal Officiel et qu'il revalorisait les pensions des anciens combattants d'outre-mer, rétroactivement, au 1 er janvier 1999, ce qui correspondait à un rattrapage de cinq ans.

Il a précisé que la dotation de 72 millions d'euros prévue en 2003 pour financer la décristallisation serait reconduite en 2004 et qu'en tout état de cause, les crédits correspondants étant des crédits évaluatifs, les droits individuels seraient respectés et les pensions payées.

Il a indiqué que les crédits mis en réserve ou gelés en 2003 s'étaient élevés à 32 millions d'euros. Concernant enfin l'indemnisation des orphelins de déportés, il a expliqué que cette mesure ne pourrait vraisemblablement pas être rétroactive.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux anciens combattants pour 2004 ainsi qu'aux articles 73 et 74 rattachés à ce budget.

Au cours d'une seconde réunion tenue le mercredi 26 novembre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen de l'article 73 bis (nouveau) du projet de loi de finances pour 2004 (article rattaché au budget des anciens combattants ).

En remplacement de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, empêché, M. Nicolas About , président , a présenté l'article additionnel 73 bis nouveau rattaché au budget des anciens combattants , introduit en première lecture à l'Assemblée nationale.

Il a indiqué que cet article additionnel demandait au Gouvernement de présenter un rapport sur les ressources des anciens combattants en vue de la création éventuelle d'un « statut social » de l'ancien combattant reposant sur le droit, pour chacun d'eux, à disposer de ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance (SMIC).

Après avoir concédé que la situation financière et sociale précaire d'un certain nombre d'anciens combattants était incontestablement un motif de préoccupation, il s'est toutefois étonné, à l'heure où la loi portant réforme des retraites proposait de garantir à l'ensemble des retraités un niveau de pension au moins égal à 80 % du SMIC, qu'un objectif supérieur soit fixé pour les seuls anciens combattants.

Il a par ailleurs estimé que les mesures dont le rapport demandait l'examen changeraient profondément la nature de l'effort de la Nation envers les anciens combattants : on basculerait en effet d'un système reposant sur le droit à réparation et à reconnaissance vers un système d'assistance.

Il a toutefois reconnu que le système statistique actuel du secrétariat d'État aux anciens combattants n'établissait pas avec précision le nombre d'anciens combattants disposant de très faibles ressources. Il a donc estimé que le recensement des besoins demandé dans le cadre du rapport permettrait, du moins, d'informer les anciens combattants sur les aides dont ils pourraient bénéficier à travers l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) et de calibrer les moyens à accorder à ce dernier pour remplir sa mission de solidarité.

M. Jean Chérioux a fait part de sa perplexité devant la création du statut de l'ancien combattant évoqué par cet article. Il a estimé que les réserves émises par le rapporteur devrait conduire à la suppression de cet article.

M. Nicolas About, président, a reconnu la nécessité de mieux connaître la population des anciens combattants disposant de faibles ressources mais il a confirmé ses réticences à un basculement vers un système d'assistance.

MM. Guy Fischer et Gilbert Chabroux se sont inquiétés de l'évolution progressive des aides apportées aux anciens combattants vers l'assistanat. Ils ont insisté sur le fait qu'il ne fallait pas remettre en cause, sous prétexte de solidarité, la spécificité du droit à réparation.

M. Nicolas About, président, a observé que la rédaction actuelle de l'article était trop orientée car elle proposait déjà la conclusion à laquelle le Gouvernement était censé aboutir. Il a donc suggéré d'amender cet article de façon à cantonner le rapport à un simple recensement des anciens combattants et de leurs veuves disposant de ressources inférieures au SMIC.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé d'adopter l'article 73 bis nouveau ainsi amendé .

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

ARTICLE 73 BIS (NOUVEAU)

A. Dans la première phrase de cet article, après les mots :

nombre des anciens combattants

insérer les mots :

et des veuves d'anciens combattants

B. Supprimer la dernière phrase de cet article

Au cours de ses réunions des 5 et 26 novembre 2003, la commission des Affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des anciens combattants pour 2004. Elle a émis un avis favorable à l'adoption des articles 73, 73 bis et 74 rattachés à ces crédits.

* 1 En l'absence de mesures particulières de revalorisation des traitements dans la fonction publique, l'application du rapport constant ne prend en compte pour 2004 que le recalage de la valeur du point au 1 er janvier (+ 0,1 %).

* 2 Conseil d'État, 30 novembre 2001, M. Amadou Diop contre ministère de la Défense et ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

* 3 Projet de loi de finances pour 2004, Tome II « Voies et moyens »

* 4 Les 7,5 points accordés par le projet de loi de finances pour 2003 se sont en effet traduits par une dépense supplémentaire de 6,7 millions d'euros.

* 5 www.cheminsdememoire.gouv.fr

* 6 Instruction CAB/CA/AD/BO n° 5716 du 23 juillet 2001.

* 7 Lois du 6 août 1948 pour les déportés résistants et du 9 septembre 1948 pour les déportés politiques.

* 8 Cette dotation se répartit de la façon suivante : 2,24 millions d'euros au titre des pensions militaires d'invalidité (chapitre 46-20) et 0,56 million d'euros au titre de la retraite du combattant (chapitre 46-21).

* 9 RAD :Reichsarbeitsdienst et KHD : Kriegshilfsdienst

* 10 Assemblée nationale, avis n° 1111 (Tome V) de M. Patrick Baudouin, au nom de la commission des affaires culturelles, sociales et familiales, sur le projet de loi de finances pour 2004.

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