INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour 2004 soumis au Sénat fixe à 5,283 milliards d'euros le budget du ministère de la justice, ce qui représente une hausse de 4,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.

Au sein des crédits du ministère de la justice, 1,6 milliard d'euros, soit 30,4 % seront consacrés à l'administration pénitentiaire. Les crédits de cette administration sont en hausse de 7,75 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.

I. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE POUR 2004

A. UN BUDGET EN FORTE PROGRESSION

Répartition des crédits de l'administration pénitentiaire
(en millions d'euros)

Titre III (Moyens de services)

dont :

- personnel

- fonctionnement

1.428

917

511

Titre IV (Interventions publiques)

6

Titre V (Interventions exécutées par l'Etat)

173

Titre VI

1

Total

1.608

Parmi les mesures nouvelles inscrites dans le projet de loi au titre des dépenses ordinaires figurent :


la création de 1.128 emplois (35 directeurs, 711 surveillants, 201 personnels d'administration et d'intendance, 14 personnels techniques, 161 personnels d'insertion et de probation et 6 contractuels).

Ces créations d'emplois doivent permettre :

- de faciliter l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires en 2004 ;

- de renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- de faciliter la prise en charge des escortes des détenus pour consultation médicale ;

- de préparer l'ouverture des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) ;

- de constituer les équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) ;

- de renforcer les services administratifs des services déconcentrés ;

- de renforcer les dispositifs de formation.


Des mesures indemnitaires et statutaires pour le personnel :

- 1,9 million d'euros sont prévus pour conduire à son terme la réforme statutaire des personnels d'insertion et de probation et opérer une revalorisation indiciaire des directeurs des services pénitentiaires hors classe et deuxième classe ;

- une provision d'un million d'euros est prévue pour engager une évolution statutaire de la filière de surveillance des personnels pénitentiaires ;

- 5,1 millions d'euros seront consacrés à la revalorisation de la prime de sujétion spéciale pour les personnels de directeur, les surveillants et les personnels administratifs et d'insertion ;

- 0,4 million d'euros sont prévus pour revaloriser le régime indemnitaire des personnels de service social ;

- 0,3 million d'euros sont prévus pour la revalorisation des fonctions spécialisées (charges pédagogiques, d'applications informatiques, équipes régionales d'intervention et de sécurité) des personnels de surveillance ;

- 0,2 million d'euros doivent permettre de revaloriser l'indemnité de responsabilité des directeurs.


L'abondement des crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire à hauteur de plus de 35 millions d'euros :

- prise en compte de la hausse de la population carcérale et ouverture de deux nouveaux établissements (Toulon et Liancourt) ;

- amélioration de la sécurité (moyens de fonctionnement des équipes régionales d'intervention et de sécurité, équipement en téléphonie sans fil, installation de tunnels d'inspection à rayons X, acquisition de gilets pare-balles).

En ce qui concerne les dépenses en capital, 688 millions d'euros d'autorisations de programme et 273,6 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus aux titres V et VI du projet de budget pour 2004.

Ces crédits seront consacrés :

- au lancement de la construction et de la rénovation d'établissements pénitentiaires (253 millions d'euros) ;

- à la construction de nouvelles structures en maîtrise d'ouvrage privée (335 millions d'euros) ;

- à des opérations de rénovation et de sécurisation des établissements (84 millions d'euros) ;

- à la création de quartiers pour mineurs (7 millions d'euros).

5 millions d'euros sont affectés à l'extension de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) pour accompagner l'augmentation de sa capacité de recrutement.

B. LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE PLEINEMENT RESPECTÉE

La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a fixé, dans son rapport annexé, les objectifs suivants à l'administration pénitentiaire :

- une augmentation de la capacité des établissements pénitentiaires et une amélioration des conditions de détention . Un programme de construction d'établissements a été engagé et le Gouvernement présentera un projet de loi d'orientation pénitentiaire qui aura pour objet de définir le sens de la peine et de préciser les missions assignées à la prison ;

- la généralisation du placement sous surveillance électronique ;

- le renforcement des services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- le développement des structures en milieu ouvert ;

- l'accroissement du niveau de sécurité des établissements ;

- l'amélioration de la prise en charge et du taux d'activité des détenus ;

- l'amélioration de l'accès des détenus aux soins médicaux et psychologiques ;

- la mise à niveau des services d'administration déconcentrée et de formation ;

- la revalorisation du statut des personnels pénitentiaires et l'amélioration des conditions d'exercice de leurs missions.

Pour mettre en oeuvre ces orientations, la loi d'orientation et de programmation a prévu la création de 3.740 emplois au cours des années 2003-2007 ainsi que l'affectation de 1.313 millions d'euros d'autorisations de programme .

En deux années, 1.998 emplois auront été créés dans l'administration pénitentiaire (870 en 2003, 1.128 en 2004), ce qui représente une exécution des objectifs de la loi d'orientation et de programmation à hauteur de 53 %. De même, 736 millions d'euros d'autorisations de programme auront été affectés en deux ans à l'administration pénitentiaire au titre de la loi d'orientation et de programmation (295 en 2003, 441 en 2004), ce qui représente une exécution des objectifs de cette loi à hauteur de 56 %.

Votre rapporteur pour avis se félicite de la bonne mise en oeuvre de la programmation budgétaire prévue par la loi d'orientation et de programmation pour la justice.

II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

A. L'ÉVOLUTION DE LA POPULATION CARCÉRALE

1. Un nombre de détenus sans précédent

Au 1 er janvier 2003, 55.407 personnes étaient détenues en France, contre 48.594 au 1 er janvier 2002, ce qui représente une augmentation de 14 % de la population pénale.

De puis le début de l'année, le nombre de détenus a continué à augmenter pour atteindre 60.963 au 1 er juillet. S'il a diminué à la suite notamment du décret de grâce du 14 juillet, il a ensuite augmenté à nouveau pour s'établir à 58.661 au 1 er novembre.

L'augmentation de la population carcérale constatée entre le 1 er janvier 2002 et le 1 er janvier 2003 n'a pas touché uniformément la population détenue : le nombre de prévenus, qui baissait régulièrement depuis 1996, a augmenté de 29 % tandis que le nombre de condamnés augmentaient de 6,4 % .

Au cours de l'année 2002, le nombre des entrées en détention a augmenté de 21 %, passant de 67.308 en 2001 à 81.533 en 2002. Dans le même temps, la durée moyenne de détention a diminué pour la première fois, passant de 8,6 mois en 2001 à 7,7 mois en 2002.

La structure par quantum de peine de la population carcérale s'est modifiée entre le 1 er janvier 2002 et le 1 er janvier 2003. Si le nombre de condamnés à une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement est resté stable, le nombre de condamnés à une peine inférieure à cinq ans a augmenté de 11 %. Au 1 er janvier 2003, 29 % des condamnés exécutaient une peine d'une durée inférieure à un an d'emprisonnement, 33 % une peine comprise entre un an et cinq ans d'emprisonnement et 38 % une peine d'une durée supérieure à cinq ans d'emprisonnement.

En ce qui concerne la répartition par catégories d'infractions, les viols et les agressions sexuelles sont désormais la première cause d'incarcération des condamnés (24 %) avant les infractions à la législation sur les stupéfiants (12 %) et les vols qualifiés (10 %).

2. Des taux d'occupation préoccupants

L'augmentation de la population carcérale a pour conséquence une augmentation du taux d'occupation des établissements pénitentiaires. Au 1 er janvier 2003, le rapport entre le nombre de détenus et le nombre de places opérationnelles était de 115,5 % contre 101,2 % au 1 er janvier 2002 . Ce taux d'occupation recouvrait cependant des réalités différentes, puisqu'il atteignait 131 % dans les maisons d'arrêt, 88 % dans les centres de détention et 92 % dans les maisons centrales 1 ( * ) .

Au 1 er juillet 2003, 23 maisons d'arrêt connaissaient un taux d'occupation supérieur à 200 % : Le Mans (306,7 %), Lyon Montluc (266,7 %), Béziers (260,4 %), Orléans (259 %), Lyon Saint-Paul (254,9 %), Majocavo (252,3 %), Loos-lès-Lille (244,8 %), La Roche-sur-Yon (235,1 %), Toulon (229,3 %), Albi (224,6 %), Tulle (224,4 %), Carcassonne (223,4 %), Bayonne (223 %), Limoges (222,4 %), Faa'a Nutania (222,2 %), Laval (220 %), Tarbes (220 %), Foix (215,9 %), Fontenay-le-Comte (215,2 %), Le Puy (202,9 %), Grenoble (201,4 %), Amiens (201 %), Nice (200,6 %).

Comme le soulignait déjà votre rapporteur pour avis l'année dernière, la surpopulation carcérale pose de multiples difficultés. Elle rend plus difficile le maintien d'un haut niveau de sécurité dans les établissements. Elle contribue à la survenance d'auto-agressions (automutilations, suicides...) ou d'agressions à l'encontre des personnels. Elle peut également entraîner le non-respect de certaines dispositions du code de procédure pénale, notamment en ce qui concerne la séparation des prévenus et des condamnés. Enfin, elle rend largement théorique l'exercice de la mission de réinsertion confiée à l'administration pénitentiaire.

B. VERS UNE RÉFORME EN PROFONDEUR DE L'APPLICATION DES PEINES

Alors que le nombre d'aménagements de peines connaît une diminution préoccupante, le Gouvernement, conformément à la loi d'orientation et de programmation pour la justice, a décidé d'accélérer la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique. Le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité prévoit par ailleurs une réforme en profondeur des règles de l'application des peines.

1. Une inquiétante diminution des mesures d'aménagement de peines

L'année 2002 a été marquée par une diminution du nombre de mesures d'aménagement de peines accordées :

- 94.223 réductions de peine ont été accordées, soit une hausse de 8,6 % par rapport à 2001, qui s'explique par l'augmentation de la population carcérale. Plus des trois quarts ont été accordées à des détenus ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite (article 721 du code de procédure pénale), 21 % à des détenus ayant manifesté des efforts sérieux de réadaptation sociale (article 721-1 du code de procédure pénale) ;

- 2.250 ordonnances de placement à l'extérieur ont été prononcées par les juges de l'application des peines, soit une baisse de 5 % ;

- le nombre de libérations conditionnelles a diminué de 14,2 % (4.876 en 2002 contre 5.680 en 2001) ;

- le nombre de mesures de semi-liberté est resté stable (6.524 en 2002 contre 6.481 en 2001) ;

- enfin, le nombre de permissions de sortir s'est établi à 31.777, soit une baisse de 4 %.

2. Une accélération du développement du placement sous surveillance électronique

Le placement sous surveillance électronique a été consacré comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté par la loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997.

Il est expérimenté depuis octobre 2000 sur quatre sites pénitentiaires qui ont installé chacun un centre de surveillance électronique : les maisons d'arrêt d'Agen, Aix-Luynes et Loos-lès-Lille ainsi que le centre de semi-liberté de Grenoble. Ces quatre premiers centres ont étendu depuis leurs compétences techniques à des juridictions de proximité.

Depuis le début de l'année 2002, l'expérience est étendue à de nouveaux sites pénitentiaires qui disposent également chacun d'un centre de surveillance électronique : les maisons d'arrêt d'Angers, Béziers, Colmar, Dijon et Osny.

Au 16 juillet 2003, le bilan de l'expérimentation est le suivant :

- 922 mesures ont été prononcées ;

- 668 sont terminées et 254 sont en cours ou suspendues ;

- 51 ont été retirées, dont 6 pour évasion.

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a prévu la généralisation du placement sous surveillance électronique, afin de permettre, à échéance de cinq ans, le placement simultané sous surveillance électronique de 3.000 personnes .

Le 31 décembre 2003, 760 bracelets électroniques devraient être disponibles. De nouveaux centres de surveillance autonomes sont en cours d'installation dans les maisons d'arrêt de Paris-La Santé, Lyon-Montluc et Orléans, ainsi qu'au centre pénitentiaire de Ducos (Martinique).

La direction de l'administration pénitentiaire doit lancer prochainement un appel d'offres visant à confier à des prestataires privés, dès l'année 2004, l'exploitation technique des dispositifs de surveillance électronique au niveau national . Le dispositif s'appuiera, au plan technique, sur une architecture centralisée, moins coûteuse et plus rapide à mettre en place (le dispositif expérimental actuel repose sur des centres de surveillance autonomes installés dans les établissements pénitentiaires pilotes). Le Gouvernement prévoit l'exploitation de 1.500 bracelets électroniques à la fin de 2004 .

3. La mise en chantier d'une importante réforme de l'application des peines

La loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu l'engagement d'une réflexion sur les dispositifs d'individualisation des peines en cours d'exécution . Dès après le vote de cette loi, le garde des Sceaux a confié à M. Jean-Luc Warsmann, député, une mission sur les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison. M. Jean-Luc Warsmann a remis son rapport au ministre de la justice en avril dernier.

Le rapport de M. Jean-Luc Warsmann sur « Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison »

Le rapport élaboré par M. Jean-Luc Warsmann à la demande du garde des Sceaux, contient de nombreuses propositions relatives à l'exécution et à l'application des peines, organisées en trois axes :


Exécuter en temps réel les décisions de justice : partant du constat que le fonctionnement actuel de la justice pénale se caractérise notamment par des délais d'exécution des décisions inacceptables, qui ôtent l'essentiel de leur utilité aux peines alternatives et aux courtes peines d'emprisonnement, le rapport préconise notamment :

- l'informatisation de l'audience pour permettre l'exécution des sanctions pénales en temps réel ; ainsi, pour les amendes, le titre devrait être remis immédiatement au condamné ; pour une courte peine d'emprisonnement, un rendez-vous devrait être donné sur le champ devant le juge de l'application des peines pour qu'il puisse statuer sur les conditions d'exécution de la peine ;

- la transmission des informations au casier judiciaire national en temps réel ;

- un plan d'urgence pour la justice, afin de permettre aux tribunaux de résorber leur retard et de mettre en place des règles d'exécution en temps réel des décisions de justice à compter du 1 er janvier 2005.


Redonner de la réalité aux sanctions non privatives de liberté :

- accroître l'efficacité des sanctions matérielles, notamment en développant la consignation présentencielle et en simplifiant la peine de jours-amende ;

- lancer un programme national de relance du travail d'intérêt général (TIG), notamment en lançant l'exécution du TIG dès l'audience, en facilitant la sanction d'une non-exécution d'un TIG, en réduisant le délai d'exécution du TIG à douze mois contre dix-huit aujourd'hui, en permettant au juge de l'application des peines de convertir un TIG en jours-amende ou en amende, enfin en lançant un programme national de relance du TIG ;

- donner de la consistance aux mesures de sursis avec mise à l'épreuve et à l'ajournement avec mise à l'épreuve, notamment en simplifiant et en rendant effective la sanction du non-respect des obligations du sursis avec mise à l'épreuve ;


Exécuter les peines d'emprisonnement en limitant les sorties sèches :

- exécuter réellement les courtes peines d'emprisonnement, en favorisant le prononcé d'aménagements de peines par la juridiction de jugement, en améliorant la procédure permettant au juge de l'application des peines d'aménager les courtes peines d'emprisonnement, en augmentant et en diversifiant les modalités d'exécution (semi-liberté, placement sous surveillance électronique, placements extérieurs) ;

- encadrer les sorties de prison pour mieux lutter contre la récidive, en simplifiant les réductions de peine ordinaires par la mise en place d'un crédit de peine, en permettant au directeur de l'établissement pénitentiaire de prendre lui-même des décisions d'octroi de permis de sortie, en préparant la sortie dès l'entrée en détention ;

- construire un service d'insertion et de probation rénové, notamment en clarifiant la mission des conseillers d'insertion et de probation, en renforçant le corps des conseillers d'insertion et de probation, en créant la fonction d'agent de probation.

Lors de l'examen du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur ce projet de loi, a présenté de nombreux amendements destinés à mettre en oeuvre les évolutions proposées dans son rapport sur l'application des peines.

Le projet de loi pourrait être adopté au début de l'année 2004. Celle-ci devrait donc être marquée par une nouvelle réforme profonde des règles relatives à l'application des peines, quatre ans après l'adoption de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui a juridictionnalisé les décisions les plus importantes prises en matière d'application des peines.

C. UN PREMIER BILAN DES SUSPENSIONS DE PEINES POUR RAISONS MÉDICALES GRAVES

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a inséré, à l'initiative du Sénat, un article 720-1-1 dans le code de procédure pénale pour permettre au juge de l'application des peines d'ordonner une suspension de peine à l'égard des détenus dont le pronostic vital est engagé ou dont l'état est incompatible avec le maintien en détention .

Cette proposition était issue des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires 2 ( * ) . Celle-ci avait en effet constaté que « les prisons françaises tendent (...) à devenir des mouroirs, seule la grâce médicale permettant la libération de détenus en fin de vie. Or, ces grâces médicales ne sont accordées que parcimonieusement et après de longs délais . »

Depuis l'adoption de la loi, le Gouvernement a pris des mesures pour faire connaître cette disposition aux personnes susceptibles d'en bénéficier.

Le 28 octobre 2002, une circulaire présentant la suspension de peine pour raisons médicales a été adressée à l'ensemble des chefs d'établissements pénitentiaires.

Le 24 juillet 2003, une circulaire relative au rôle des médecins intervenant auprès des personnes détenues dans le cadre de la procédure de suspension de peine pour raisons médicales a été diffusée par le ministre de la santé et le ministre de la justice. Cette circulaire avait notamment pour objectif d'envisager les situations -apparemment fréquentes- dans lesquelles des détenus dont le pronostic vital est engagé ne demandent pas spontanément à bénéficier de la mesure de suspension de peine. La circulaire distingue en conséquence trois cas de figure.

Extrait de la circulaire sur le rôle des médecins dans la mise en oeuvre de la procédure de suspension de peines pour raisons médicales

« - lorsque la personne détenue manifeste la volonté d'engager la procédure.

« D'une manière générale, le médecin informe la personne détenue de la gravité de son état de santé en veillant ce que le soutien et l'accompagnement psychologique nécessaires lui soient apportés. Il lui fait connaître avec les précautions d'usage qu'elle est susceptible de bénéficier d'une mesure d'aménagement de peine et lui remet un certificat médical descriptif de son état de santé, afin qu'elle puisse faire valoir sa situation (...)

« Afin d'introduire la procédure, la personne condamnée transmet ce certificat au juge de l'application des peines ou au service pénitentiaire d'insertion et de probation ou à son avocat ou à sa famille ou encore, au directeur de l'établissement pénitentiaire afin de constituer son dossier d'aménagement de peine.

« - lorsque la personne détenue refuse d'engager la procédure.

« Dans le cas où la personne détenue, bien que consciente de son état de santé, refuse de s'engager dans la procédure de demande de suspension pour raison médicale, le médecin lui remet néanmoins un certificat médical dans les mêmes conditions que précédemment. Dans ce cas également, un soutien psychologique et un accompagnement doivent lui être proposés.

« En outre, après en avoir informé la personne condamnée, il avise par écrit le chef de l'établissement pénitentiaire qu'il estime que l'état de santé de cette personne « n'est pas compatible avec son maintien en détention », conformément aux dispositions de l'article D. 382 du code de procédure pénale.

« - lorsque la personne détenue est hors d'état d'exprimer sa volonté.

« Dans le cas où le patient est en incapacité de s'engager dans la procédure de demande de suspension de peine pour raison médicale ou de comprendre la gravité de son état de santé, le médecin remet le certificat descriptif, ne comportant pas d'éléments diagnostics, à la personne susceptible d'intervenir au mieux, dans l'intérêt du malade. Conformément aux dispositions introduites par la loi du 4 mars 2002 sus-mentionnée (article L. 1110-4 alinéa 6), il s'agit de « la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 111-6 (qui) reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci sauf opposition de sa part ».

« Il avise, en outre, par écrit, le chef d'établissement pénitentiaire qu'il estime que l'état de santé de la personne condamnée « n'est pas compatible avec son maintien en détention ».

« Dans tous les cas lorsqu'il l'estime nécessaire, le médecin avise l'autorité judiciaire de l'urgence de la situation afin que celle-ci prenne toutes les mesures utiles pour accélérer la procédure. »

En 2002, 20 mesures de suspension de peine ont été prononcées à l'égard de condamnés à des peines comprises entre trois mois d'emprisonnement et la réclusion criminelle à perpétuité.

En 2003, 38 mesures de suspension de peine ont été prononcées à l'égard de détenus condamnés à des peines comprises entre douze mois d'emprisonnement et la réclusion criminelle à perpétuité.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis lors de sa visite à l'établissement public national de santé de Fresnes, la mesure de suspension de peine se heurte parfois à l'absence de tout lien familial des détenus concernés et à la difficulté de trouver une place pour ces personnes dans des centres de soins palliatifs ou de long séjour. Il a ainsi pu arriver que des personnes dont la peine avait été suspendue terminent leur vie au service des urgences de l'hôpital de proximité.

Il conviendrait que les ministères de la justice, des affaires sociales et de la Santé se concertent pour faciliter l'application d'une réforme qui a constitué un progrès incontestable.

D. L'OUVERTURE DE LA PREMIÈRE UNITÉ DE VISITE FAMILIALE

L'année qui s'achève a vu l'ouverture de la première unité expérimentale de visite familiale (UEVF) implantée au sein d'un établissement pénitentiaire.

Le projet d'installation d'unités de visites familiales au sein des prisons est ancien :

- en 1985, la commission Architecture-Prison, présidée par Mme Ezratty, a préconisé la réalisation de studios dans l'enceinte pénitentiaire permettant aux détenus d'y recevoir leur famille hors la surveillance du personnel pénitentiaire ;

- en 1989, un rapport de M. Gilbert Bonnemaison envisageait le maintien, dans les établissements de longues peines, des relations affectives et sexuelles des détenus ;

- en 1995, un groupe de travail s'est prononcé en faveur de la mise en place dans les établissements pénitentiaires de « lieux privatifs permettant à la famille, dont l'un des membres est détenu, de vivre intra-muros pendant un certain temps toutes les dimensions de la vie familiale, de la préparation de ses repas à un sommeil partagé en passant par des rapport amoureux ».

Il a fallu huit ans pour que ce dernier rapport conduise à la réalisation de trois unités expérimentales de visites familiales au centre pénitentiaire de Rennes et dans les maisons centrales de Poissy et de Saint-Martin-de-Ré. L'unité du centre pénitentiaire de Rennes est entrée en fonctionnement en septembre dernier. Les deux autres devraient être mises en fonctionnement au premier semestre 2004.

Le centre pénitentiaire de Rennes, qui accueille exclusivement des femmes, dispose de trois appartements de type F3 entièrement meublés, qui sont mis à la disposition des détenues qui en font la demande et qui ne bénéficient pas de permissions de sortir pour leur permettre de recevoir leur famille.

Si les visites s'effectuent sans surveillance directe ni caméra, un règlement intérieur en détermine le fonctionnement. Ainsi, au centre pénitentiaire de Rennes, la personne détenue ne peut accueillir plus de quatre personnes au sein de l'unité de vie familiale.

Les visites dans les unités de visites familiales sont autorisées une fois par trimestre. Elles peuvent durer de six heures à quarante-huit heures. Une fois par an, la durée pourra être portée à soixante-douze heures.

Pour assurer la sécurité des personnes siégeant dans les unités de visites familiales, des rondes extérieures sont effectuées par les personnels, qui peuvent également exercer des contrôles dans les unités après en avoir prévenu les occupants. En cas de problème ou d'incident, les familles peuvent alerter les agents par l'intermédiaire d'un interphone. L'effraction des portes ou fenêtres déclenche une alarme. Enfin, les mineurs ne peuvent rester dans l'unité de vie sans la présence d'un adulte autre que la personne détenue.

Les agents de l'administration pénitentiaire appelés à travailler dans les UEVF recevront une formation d'adaptation pour exercer leurs fonctions. Le terme de l'expérimentation est fixé à dix-huit mois.

E. LES PERSONNELS

En 2002, l'effectif budgétaire de l'administration pénitentiaire est de 28.804 agents répartis de la manière suivante :

- 22.435 personnels de surveillance ;

- 2.565 personnels administratifs ;

- 22.473 personnels socio-éducatifs ;

- 731 personnels techniques ;

- 394 personnels de direction ;

- 206 contractuels.

Le projet de budget prévoit la création de 1128 emplois après la création de 1.525 emplois en 2002 et de 530 emplois en 2001. Entre 1990 et 2003, les effectifs budgétaires de l'administration pénitentiaire sont passés de 21.407 à 28.590 (hors Ecole nationale d'administration pénitentiaire).

Les créations d'emplois dans l'administration pénitentiaire depuis 1990

Année

Nombre de créations d'emplois

Nombre d'emplois consacrés
à l'ouverture d'établissements

Effectifs budgétaires

1990

2 053

1.927 (programme 13000)

21 407

1991

811

511 (programme 13000)

22 407

1992

399

208 (programme 13000)

22 704

1993

430

 

23 071

1994

450

 

23 477

1995

550

 

23 908

1996

730

230 (ouverture des établissements de Ducos (Martinique) et Baie Mahault (Guadeloupe))

24 619

1997

211

127 (ouverture de Remire-Montjoly (Guyane))

24 786

1998

300

12 (programme 4000)

25 086

1999

344

25 (programme 4000)

25 474

2000

386

30 (ouverture d'un CPA)

25 868

2001

530

215 (programme 4000)

26 233

2002

1.525

276 (programme 4000)

27 755

2003

870

477 (programme 4000)

28 590

2004

1.110

71 (programme 13200)

29700 *

TOTAL

10.699

 
 

* Hors Ecole nationale d'administration pénitentiaire.

Dans son précédent rapport, votre rapporteur pour avis s'était inquiété de la diminution du nombre de candidats aux concours à un moment où l'administration pénitentiaire devait recruter un grand nombre de personnes. Entendu par votre commission le 19 novembre dernier, M. Dominique Perben, ministre de la justice, a indiqué que le nombre de candidats aux concours de surveillants permettait un recrutement satisfaisant, précisant que 28.000 personnes s'étaient inscrites au dernier concours, que 18.000 étaient présentes aux épreuves et que 1.038 avaient été reçues, parmi lesquelles 692 hommes et 346 femmes.

Le statut du corps des directeurs des services pénitentiaires a fait l'objet d'une réforme importante en 2002 (décret n°2002-724 du 30 avril 2002). Cette réforme a sensiblement amélioré le statut des directeurs des services pénitentiaires, notamment grâce à des durées de carrière plus courtes, un pyramidage et un volet indemnitaire plus avantageux.

Cependant, les personnels de direction demeurent fortement sollicités, et le seront plus encore par le programme de modernisation de l'administration pénitentiaire qu'ils vont avoir à conduire. Or, le statut des directeurs de services pénitentiaires place ces personnels dans une position inférieure à celle de leurs homologues institutionnels (commissaires de police). Dans ces conditions, afin de développer des passerelles entre des corps homologues, l'administration pénitentiaire prévoit une revalorisation indiciaire des directeurs de service pénitentiaire hors classe et de 2 ème classe, proche de celle obtenue par la police nationale.

Le statut des personnels d'insertion et de probation doit lui aussi faire l'objet d'une réforme. Si la création des services pénitentiaires d'insertion et de probation a permis d'unifier les milieux ouverts et fermés, elle ne s'est pas accompagnée de mesures en faveur des personnels malgré la forte augmentation du nombre de mesures de prise en charge. Dans ces conditions, le statut peu attractif des chefs des services d'insertion et de probation rend leur recrutement très difficile, à tel point que le nombre de candidats n'atteint pas, depuis trois concours, le nombre de postes offerts... En outre, le statut d'emploi de directeur des services d'insertion et de probation, s'il bénéficie d'une bonification indiciaire, ne comporte ni débouché ni garantie.

Dans ces conditions, le projet de réforme a pour objet de créer un corps de catégorie A, ce qui doit permettre de conforter le directeur des services d'insertion et de probation dans son rôle de représentant départemental du service. En outre, chaque directeur pourrait désormais s'appuyer sur un adjoint, fonctionnaire de catégorie A. Le statut des conseillers des services d'insertion et de probation sera lui aussi réévalué.

F. LES BÂTIMENTS

1. De nombreux projets en cours de réalisation

a) L'achèvement du programme « 4000 places »

Le programme « 4000 places », qui résulte de la loi de programme pour la justice du 6 janvier 1995, est en voie d'achèvement. Il prévoyait la construction de six établissements : une maison d'arrêt à Seysses (Haute-Garonne), un centre pénitentiaire au Pontet (Vaucluse), une maison d'arrêt à Séquedin (Nord), un centre pénitentiaire à Liancourt (Oise), une maison d'arrêt à la Farlède (Var) et une maison d'arrêt à Chauconin, Neufmontiers (Seine-et-Marne).

Deux établissements ont été mis en service en 2003 : la maison d'arrêt de Seysses et le centre pénitentiaire du Pontet. Les autres établissements devraient être mis en service en 2004 ou, au plus tard, au début de 2005.

b) La mise en oeuvre du programme de construction prévu par la loi d'orientation et de programmation pour la justice

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a prévu la construction de 13.200 places nouvelles de détention, dont 4.000 en remplacement de structures obsolètes.

Parmi ces 13.200 places, 10.800 seront réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires et 2.400 seront dédiées à l'application de nouveaux concepts pénitentiaires, dont 400 places dans des structures exclusivement destinées à l'accueil des mineurs.

Le tableau ci-après récapitule les implantations annoncées pour la construction de 10.800 places en établissements pénitentiaires pour adultes.

Direction régionale

Type d'établissement

Ville retenue

Nombre de places prévues

Bordeaux

centre pénitentiaire

Mont-de-Marsan

400

centre pénitentiaire

Poitiers

400

Lille

centre pénitentiaire

Dunkerque

400

centre pénitentiaire

Lille

400

maison centrale

Vendin-le-Vieil

150

centre pénitentiaire

Beauvais

400

centre pénitentiaire

Le Havre

400

Lyon

maison d'arrêt

Lyon

600

centre pénitentiaire

Bourg-en-Bresse

600

centre pénitentiaire

Roanne

600

Marseille

maison d'arrêt

Nice

600

centre pénitentiaire

Ajaccio

300

Paris

centre pénitentiaire

Orléans

600

centre pénitentiaire

Ile-de-France

600

Rennes

centre pénitentiaire

Le Mans (Coulaines)

400

centre pénitentiaire

Rennes

600

maison centrale

Alençon

150

Strasbourg

centre pénitentiaire

Nancy

500

centre pénitentiaire

Colmar

500

Toulouse

centre pénitentiaire

Béziers

600

Outre-mer

maison d'arrêt

Saint-Denis (La Réunion)

600

maison d'arrêt

Basse-Terre (Guadeloupe)

400

indéterminé

Indéterminé

600

Lors de son audition par la commission des Finances et votre commission des Lois, M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers, a indiqué que la maison d'arrêt de la Réunion, dont la reconstruction apparaît particulièrement urgente compte tenu de l'état de l'actuelle maison d'arrêt, devrait être achevée au début de l'année 2008, un terrain ayant été trouvé après quelques difficultés.

En ce qui concerne les établissements pénitentiaires spécialisés pour les mineurs, le garde des Sceaux a arrêté à sept leur nombre :

- deux en Ile-de-France ;

- un à Lavaur dans le Tarn ;

- un à Orvault (dans l'agglomération de Nantes) ;

- un à Valenciennes (site de Quiévrechain) ;

- un à Lyon ou ses environs ;

- un dans l'agglomération de Marseille.

La notification du marché de construction des établissements pénitentiaires pour mineurs devrait intervenir dans le courant de l'année 2004. Dans ces conditions, les travaux pourraient débuter en 2005, pour une livraison des premiers établissements en 2006.

c) La poursuite des travaux de rénovation

En 1998, le Gouvernement a décidé le lancement d'un programme de rénovation des cinq plus grandes maisons d'arrêt (Fleury-Mérogis, Fresnes, La Santé, les Baumettes, Loos-lès-Lille). Initialement orienté vers la remise à niveau des bâtiments et installations avec quelques aménagements fonctionnels, ce programme de rénovation a progressivement été réorienté vers une remise aux normes fonctionnelles, dont les principaux éléments sont l'encellulement individuel, l'installation de douches dans les cellules et la création d'espaces communs nécessaires à la mise en oeuvre d'actions de réinsertion.

En ce qui concerne le centre pénitentiaire des Baumettes et la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, les travaux pourraient commencer en 2004. A Fleury-Mérogis, la construction de trois bâtiments destinés à permettre l'accueil des familles et la rénovation du mess devraient être achevés en 2005. La rénovation de l'établissement devrait s'étaler sur huit ans au total.

En revanche, la rénovation de la maison d'arrêt de Fresnes a été reportée, compte tenu de la difficulté de rénover simultanément plusieurs grands établissements de la région parisienne.

Les projets de rénovation des maisons d'arrêt de Loos-lès-Lille et de La Santé sont peu avancés. Ainsi, à Loos-lès-Lille, il est désormais envisagé, compte tenu de la construction prévue d'un nouveau centre pénitentiaire dans l'agglomération lilloise, de fermer à terme la maison d'arrêt.

2. La poursuite du renforcement de la sécurité

a) Le rapport Lemonnier

En novembre 2002, le garde des Sceaux a confié à M. Gérard Lemonnier, ingénieur en chef des ponts et chaussées, la mission de réaliser un audit des équipements et des organisations relatifs à la sûreté des établissements pénitentiaires.

Dans son rapport, M. Lemonnier a estimé que l'amélioration de la sûreté rendait nécessaire de prévenir les comportements mettant en danger la prison ainsi que d'identifier les risques.

Il a formulé de nombreuses propositions organisées en trois axes :

- Améliorer la sûreté par une analyse préventive des comportements

Il s'agit notamment d'améliorer les renseignements sur le risque d'atteinte à la sécurité des établissements, d'aider les personnels à contribuer à la résolution des conflits et à réagir en cas de pannes ou d'événements susceptibles d'affecter le quotidien de la détention. Le rapport préconise un certain nombre de mesures techniques destinées à dissuader le passage à l'acte : surélévation des grilles, installation de barrières répulsives sur les murs d'enceinte, mise en place dans les chemins de ronde de télésurveillance à détection de passage...

- Identifier les risques de façon à permettre la prévention des incidents

Le rapport recommande de prévenir les sources d'évasion les plus probables, notamment en améliorant les conditions des transferts médicaux et en prévenant les attaques depuis l'extérieur (création de glacis aux abords des établissements, sécurisation des miradors...).

- Substituer à la culture de l'urgence celle de l'évaluation

Le rapport recommande la création d'une « obligation de comparer » par la création d'une veille technologique confiée à l'administration centrale, avec charge pour elle d'irriguer les directions régionales d'innovations en matière de sécurité ; un recours aux entreprises extérieures est recommandé, celles-ci pouvant apporter des solutions innovantes.

Enfin, le rapport recommande la création d'une culture économique, -observant qu'il n'est actuellement jamais procédé à l'analyse réelle des coûts en matière de sécurité- et le recours aux moyens modernes de communication -tels la visioconférence- qui permettent d'éviter des extractions judiciaires.

b) La création des ERIS

La direction de l'administration pénitentiaire a décidé de créer une équipe régionale d'intervention et de sécurité (ERIS) dans le ressort de chacune des neuf directions régionales des services pénitentiaires de métropole.

Il s'agit notamment de mettre à la disposition de chaque direction régionale concernée un dispositif d'intervention structuré, capable d'assurer le maintien voire le rétablissement de l'ordre public.

Les ERIS ont commencé à fonctionner en octobre dernier. Elles sont composées de fonctionnaires ayant bénéficié d'une formation adaptée à des situations de crise, leur permettant d'agir sur des lieux de tension grâce à leurs connaissances des techniques d'intervention des unités spécialisées de la gendarmerie et à l'utilisation de matériel spécifique.

Chaque équipe est composée de vingt-trois fonctionnaires au total, soit vingt surveillants, deux premiers surveillants et un chef de service pénitentiaire en qualité de responsable de groupe.

3. Les constatations de votre commission

Dans le cadre de la préparation du présent rapport, votre rapporteur pour avis a visité les maisons d'arrêt de Fresnes et de Paris-La Santé.

a) La maison d'arrêt de Fresnes et l'établissement public de santé national


• La maison d'arrêt

La maison d'arrêt de Fresnes est entrée en fonctionnement en 1898. Elle comporte une maison d'arrêt pour hommes d'une capacité de 1.264 places et une maison d'arrêt pour femmes d'une capacité de 98 places.

Le jour de la visite de votre rapporteur, l'établissement accueillait 1.814 hommes et 80 femmes, parmi lesquels 1.006 condamnés et 808 prévenus.

Les 1.006 condamnés étaient répartis de la manière suivante :

- 647 étaient condamnés à des peines correctionnelles ;

- 359 étaient condamnés à des peines criminelles, dont 76 à des peines comprises entre vingt et trente ans de réclusion criminelle et 19 à la réclusion criminelle à perpétuité.

Cette composition de la population pénale est tout à fait atypique au sein d'une maison d'arrêt, censée accueillir des prévenus et des condamnés à de très courtes peines.

Cette situation s'explique par la présence au sein de l'établissement du Centre national d'observation (CNO) et du service national de transfèrement.

En principe, tous les condamnés à une peine supérieure à dix ans d'emprisonnement doivent passer au CNO de Fresnes avant d'être affectés dans un établissement pour peines. Pendant six semaines, un bilan de la situation de chaque condamné est dressé au CNO, notamment grâce à des entretiens avec des personnels sociaux, des psychologues et des psychiatres.

En 2000, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires a souhaité la disparition du CNO au profit d'une gestion régionale de l'affectation des détenus.

Le système du CNO a en effet pour conséquence de rassembler à Fresnes un nombre considérable de condamnés à de très lourdes peines, parfois pendant de longues périodes. Si le passage au CNO dure six semaines, les condamnés restent ensuite à Fresnes jusqu'à ce qu'une place se libère dans l'établissement où ils sont affectés. Cette attente peut durer jusqu'à deux ans. Pendant cette période, les condamnés ne se voient proposer que peu d'activités, compte tenu des contraintes spécifiques aux maisons d'arrêt, et le travail effectué au CNO pour commencer à définir un projet d'exécution de peine perd largement sa signification.

Au cours des dernières années, l'activité du CNO a diminué, probablement pour éviter précisément une concentration trop massive de condamnés au sein de la même maison d'arrêt. Les groupes de condamnés accueillis au CNO, qui rassemblaient jusqu'à soixante détenus, n'en rassemblent plus que vingt-huit actuellement. Dans ces conditions, l'administration pénitentiaire affecte désormais directement certains condamnés à de longues peines, sans observation préalable.

Votre rapporteur pour avis, au vu de cette situation, considère que la proposition de la commission d'enquête du Sénat, consistant à régionaliser l'observation et l'affectation des détenus conserve toute sa pertinence et mériterait d'être examinée dans un contexte où la construction de nouveaux établissements pour peines pourrait faciliter l'affectation des condamnés.

La présence d'un grand nombre de condamnés à la maison d'arrêt de Fresnes s'explique également par l'installation au sein de l'établissement du service national de transfèrement. Tous les détenus transférés d'un établissement à un autre passent par Fresnes pendant une durée pouvant aller de quelques jours à plusieurs mois. La maison d'arrêt de Fresnes accueille l'ensemble des véhicules servant au transfèrement des détenus.

En ce qui concerne les personnels, votre rapporteur pour avis a constaté que les vacances de postes demeuraient plus limitées que dans d'autres établissements. Ainsi, sur un effectif théorique de 685 surveillants, 665 sont effectivement en poste 3 ( * ) . Les représentants du personnel rencontrées par votre rapporteur pour avis se sont félicités de la revalorisation de l'indemnité de sujétion spéciale et ont souhaité que cette revalorisation se poursuive, afin qu'un alignement de la situation des personnels pénitentiaires sur celle des personnels de la police nationale puisse être réalisé. Ils ont également souligné la très grande difficulté pour les personnels de trouver des logements en région parisienne. A ce sujet, un projet de construction de logements à proximité immédiate de la maison d'arrêt est étudié par l'administration pénitentiaire et la municipalité.

Les personnes rencontrées par votre rapporteur pour avis ont souligné la pénurie de personnels techniques, dans cet établissement comme dans les autres. Il semble que l'administration pénitentiaire recrute de moins en moins de personnels techniques, alors que leur rôle dans l'entretien des établissements et dans certaines tâches telles que la cuisine est important. Certes, de nombreux établissements font désormais l'objet d'une gestion déléguée à des entreprises privées. Dans les autres, des surveillants font office de personnels techniques alors qu'ils n'ont aucune qualification particulière.

Votre rapporteur pour avis considère qu'un choix devrait désormais être fait entre une généralisation de la délégation de gestion ou le maintien de la coexistence de deux systèmes, qui implique un recrutement plus important de personnels techniques.

Au cours de sa visite, votre rapporteur pour avis a pu constater que les locaux de la maison d'arrêt étaient vétustes mais bien entretenus. En 2000, la commission d'enquête du Sénat avait noté l'état déplorable de la cuisine, dont l'activité devait en principe se réduire après l'installation d'une cuisine centrale à Fleury-Mérogis, censée fournir l'ensemble des établissements de la région parisienne. Le projet de cuisine centrale ayant pris beaucoup de retard, des travaux importants ont été effectués à la cuisine de la maison d'arrêt de Fresnes, notamment la réfection du sol et l'installation de nouveaux équipements.


• L'établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF).

L'EPSNF est installé à proximité immédiate de la maison d'arrêt et a été construit à la même époque, même s'il a subi de nombreuses transformations depuis lors. L'établissement public fonctionne sous la triple tutelle des ministères de la santé, de la justice et de l'économie.

En 1995, une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires a proposé la mise en place d'un schéma national d'hospitalisation des détenus reposant sur la création de huit unités interrégionales d'hospitalisation (UHSI). Un arrêté du 24 août 2000 a mis en oeuvre cette proposition en prévoyant la création de huit UHSI à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Rennes, Toulouse et Paris (une unité de 25 places sera implantée à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière).

Dans ce cadre, l'hôpital de Fresnes est appelé à jouer le même rôle que les unités d'hospitalisation sécurisées, au profit des détenus de la direction régionale des services pénitentiaires de Paris et des régions Haute Normandie et Bourgogne. Il n'aura donc à terme plus de vocation nationale, sauf en rééducation fonctionnelle. Dans cette perspective, l'EPSNF élabore son projet d'établissement. D'ores et déjà, le projet médical a été approuvé par le ministère de la justice et le ministère de la santé : il fixe la capacité en lits et places de cet établissement à 121 lits et 4 places de dialyse.

Lors de sa visite, votre rapporteur pour avis a constaté que l'hôpital était bien équipé, mais très vétuste. Le bloc opératoire était d'ailleurs fermé, afin de subir des travaux d'urgence devant permettre le respect des normes en matière de stérilisation. Le conseil d'administration de l'établissement a formé le voeu d'une reconstruction de l'établissement, mais aucune décision n'est prise à ce jour.

Parmi les difficultés évoquées par les personnels de l'établissement figurent les contraintes posées par la nécessité d'escortes pour accompagner les patients qui doivent subir des examens que l'hôpital de Fresnes n'est pas en mesure de réaliser. L'attente des escortes a pour effet de retarder les examens des patients et d'allonger sans raison médicale leur durée d'hospitalisation.

b) La maison d'arrêt de la Santé

La maison d'arrêt de la Santé a été mise en service en 1857. Elle accueille actuellement en moyenne 1.380 à 1.450 détenus pour une capacité opérationnelle de 1.180 places. Si certains détenus bénéficient d'une cellule individuelle, d'autres peuvent partager une cellule à trois ou quatre.

Certains bâtiments de la maison d'arrêt sont particulièrement dégradés et rongés par l'humidité, la présence de rats y est avérée, à tel point que l'un d'entre eux est désaffecté. En revanche, d'autres ont été récemment rénovés. Un quartier de semi-liberté de 18 places a été créé, dont la capacité pourrait prochainement passer à 36 places. En outre, un quartier « arrivants » pourrait prochainement être créé, afin de permettre la mise en oeuvre d'une période d'observation pour les détenus entrant en détention.

Au cours de sa visite, votre rapporteur pour avis a pu constater que l'exiguïté et la vétusté des locaux posaient de multiples difficultés :

- les espaces collectifs sont particulièrement étroits et la maison d'arrêt ne dispose pas de terrain de sport ;

- la cuisine est dans un état fortement dégradé et la maison d'arrêt ne dispose pas de monte-charges pour acheminer les repas vers les étages de détention, de sorte que la chaleur n'est pas convenablement préservée ;

- le nombre de douches est très insuffisant (deux ou trois par étage de détention).

L'unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) est en bon état et bien équipée. En revanche, elle semble connaître des difficultés sérieuses de recrutement. Il manque actuellement quatre mi-temps de médecins et le médecin-chef estime qu'il sera impossible d'assurer le tableau de gardes à compter du 1 er janvier 2004. Chaque année, 16.000 consultations médicales généralistes sont réalisées dans l'établissement, ainsi que 5.000 consultations de spécialités.

La maison d'arrêt de la Santé doit en principe faire l'objet d'une rénovation complète au cours des prochaines années, conformément à la décision prise en 1998 de rénover les cinq plus grandes maisons d'arrêt. Toutefois, cette rénovation est encore au stade des études préalables, compte tenu des nombreuses difficultés que pose une telle opération en plein Paris. Il paraît difficile d'évacuer totalement la maison d'arrêt pour la détruire et la reconstruire, dès lors que les autres établissements de la région ne seraient pas en mesure d'accueillir les détenus incarcérés à la Santé. Néanmoins, rénover l'établissement tout en le maintenant en fonctionnement poserait également des difficultés importantes et pourrait fortement renchérir le coût de l'opération.

Votre rapporteur pour avis estime qu'un projet de rénovation doit désormais être rapidement arrêté. En l'absence d'une telle décision, de multiples travaux provisoires devront être effectués, compte tenu de la dégradation avancée de l'établissement.

La maison d'arrêt accueille pour l'essentiel des personnels très jeunes et connaît une rotation très rapide de ces personnels. Les personnes rencontrées par votre rapporteur pour avis ont souligné les difficultés posées par l'augmentation rapide du nombre de personnels féminins, dans la mesure notamment où elles ne peuvent accomplir toutes les tâches assignées aux surveillants. Par ailleurs, près de 80% des personnels de surveillance sont originaires des départements d'outre-mer et bénéficient par conséquent de congés bonifiés. Les demandes de congés bonifiés rendent très difficile la gestion de l'établissement, la plupart des personnels demandant à prendre ces congés aux mêmes périodes. Compte tenu de la forte concentration en région parisienne des personnels pénitentiaires issus des DOM, peut-être conviendrait-il de mettre en place une équipe de surveillants non affectés à un établissement et susceptibles d'assurer des remplacements dans les établissements qui en ont besoin.

Les personnels rencontrés par votre rapporteur pour avis ont insisté sur la grande difficulté de se loger pour les personnels affectés à la maison d'arrêt de la Santé.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

* 1 Les maisons d'arrêt accueillent en principe les prévenus, des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement inférieure à un an et des personnes condamnées auxquelles il reste à subir une peine inférieure à un an. Les centres de détention et les maisons centrales accueillent des condamnés.

* 2 « Prisons : une humiliation pour la République », rapport n° 449 (1999-2000) présenté par M. Guy-Pierre Cabanel au nom de la commission d'enquête présidée par M. Jean-Jacques Hyest.

* 3 Il convient cependant de noter que l'effectif théorique a été établi il y a plusieurs années déjà et ne prend pas en compte la mise en oeuvre des trente-cinq heures.

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