II. LA NÉCESSAIRE MAÎTRISE DES EFFECTIFS

A. LA DIFFICILE CONNAISSANCE DE L'EMPLOI PUBLIC

Depuis quelques années, la connaissance de l'emploi public progresse. De nouveaux outils ont été développés par la Cour des Comptes puis par l'Observatoire de l'emploi public et permettent d'établir de véritables statistiques relatives à la fonction publique.

Afin de connaître les effectifs, il convient tout d'abord de distinguer les résultats obtenus en fonction d'une conception stricte ou large de l'emploi public.

Reprenant l'analyse de l'Observatoire de l'emploi public, le rapport annuel 2002 relatif à la fonction publique de l'État, du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire indique que « la fonction publique, dans son acception organique la plus étroite, réunit l'ensemble des agents travaillant dans des organismes de droit administratif (critère employeur) dont le droit public est le statut normal de recrutement (critère agent) ».

Ainsi, d'après cette définition, la fonction publique employait 4,76 millions de personnes au 31 décembre 2001 , soit un salarié français sur cinq, hors bénéficiaires d'emplois aidés 16 ( * ) .

Ils sont ainsi répartis au sein des trois fonctions publiques :

Répartition des effectifs entre les trois fonctions publiques

Source : Direction générale de l'administration et de la fonction publique.

En revanche, au sens large , la fonction publique peut également comprendre des agents « appartenant à d'autres types d'organismes de droit public, voire à des organismes de droit privé », tels que des personnels d'établissements publics à caractère administratif ayant un recrutement de droit privé, d'établissements publics à caractère industriel et commercial ou de groupements d'intérêt public. Cela porte alors l'effectif de la fonction publique à 4,94 millions de personnes.

Effectifs de la fonction publique de l'Etat, territoriale et hospitalière
au 31 décembre 2001 (emplois principaux) (1)

 

Fonction publique au sens large

Fonction publique au sens strict

 
 
 
 
 

Ministères, collectivités territoriales

EPA à recrutement de droit public (2)

Total

%

EPA à recrutement de droit privé (3)

EPIC hors entreprises publiques

GIP et autres organismes (4)

Total

%

Fonction publique d'Etat (FPE) (5)

Titulaires

1.715.573

77.164

1.792.737

72,0

79

8.213

173

1.801.202

70,3

Militaires

321.397

77

321.474

12,9

0

47

1

321.522

12,6

Ouvriers d'Etat

58.185

1.553

59.738

2,4

0

17

0

59.755

2,3

Non-titulaires

199.623

117.528

317.151

12,7

14.603

43.345

3.598

378.697

14,8

Total FPE

2.294.778

196.322

2.491.100

100,0

14.682

51.622

3.772

2.561.176

100,0

Fonction publique territoriale (FPT)

Titulaires

847.532

218.020

1.065.552

75,9

0

7.386

2.913

1.075.851

71,0

Non-titulaires

207.191

74.702

281.893

20,1

0

30.311

69.206

381.410

25,2

Assistantes maternelles

51.032

5.542

56.574

4,0

0

0

607

57.181

3,8

Total FPT

1.105.755

298.264

1.404.019

100,0

0

37.697

72.726

1.514.442

100,0

Fonction publique hospitalière (FPH) (6)

Titulaires

 

722.072

722.072

83,9

 
 
 

722.072

83,9

Non-titulaires

 

49.922

49.922

5,8

 
 
 

49.922

5,8

Médecins

 

88.866

88.866

10,3

 
 
 

88.866

10,3

Total FPH

 

860.860

860.860

100,0

 
 
 

860.560

100,0

FPE + FPT + FPH

Titulaires et militaires

2.884.502

1.017.333

3.901.835

82,0

79

15.646

3.087

3.920.647

79,4

Non-titulaires

406.814

242.152

648.966

13,6

14.603

73.656

72.804

810.029

16,4

Ouvriers d'Etat

58.185

1.553

59.738

1,3

0

17

0

59.755

1,2

Assistantes maternelles

51.032

5.542

56.574

1,2

0

0

607

57.181

1,2

Médecins

0

88.866

88.866

1,9

0

0

0

88.866

1,8

Total

3.400.533

1.355.446

4.755.979

100,0

14.682

89.319

76.498

4.936.478

100,0

Sources : Direction générale de l'administration et de la fonction publique.

CHAMP : Hors bénéficiaires d'emplois aidés (CES, CEC, emplois jeunes)

FPE (fonction publique de l'Etat) : métropole, DOM-TOM, étranger, FPT (fonction publique territoriale) : métropole, DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon, FPH (fonction publique hospitalière) : métropole et DOM ; y compris internes et résidents ; non compris praticiens hospitalo-universitaires (recensés avec les effectifs de la FPE), médecins libéraux et non titulaires sur crédits de remplacement.

(1) Certaines personnes cumulent deux ou plusieurs emplois dans la fonction publique ou un emploi dans la fonction et un emploi dans le secteur privé. L'emploi principal, par opposition à l'emploi secondaire, est celui qui procure l'essentiel de la rémunération totale du fonctionnaire (définition issue du rapport annuel 2002 du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, sur la fonction publique de l'Etat).

(2) Y compris les établissements publics à caractère scientifique ou technologique et les établissements à caractère scientifique, culturel ou professionnel, catégories particulières d'établissements à caractère administratif.

(3) Caisses nationales de sécurité sociale et Centre national d'études supérieurs de la sécurité sociale.

(4) Pour la FPE : organismes de droit public non qualifiés d'établissements publics (Institut franco-allemand de recherches et Institut de gestion sociale des armées) ; pour la FPT : associations syndicales autorisées et organismes privés à financement public majoritaire.

(5) Militaires, établissements publics, GIP et autres organismes au 31 décembre 2000.

(6) Chiffres provisoires.

A ces chiffres doivent également être ajoutés les 331.200 bénéficiaires d'emplois aidés, comprenant 184.800 agents recrutés avec des contrats emploi solidarité, des contrats emploi consolidé ou des contrats emploi de ville, et 146.400 emplois jeunes.

La connaissance de l'emploi public se heurte également à l'importante différence existant entre les emplois budgétaires et les effectifs réels . En effet, si les effectifs réels décomptent 2,29 millions d'agents travaillant dans les services civils et militaires de l'Etat au 31 décembre 2001, seuls 2,14 millions d'emplois étaient inscrits au budget de l'Etat dans la loi de finances initiale pour 2001, ce qui constitue une différence de 150.000 agents.

Afin de distinguer les emplois budgétaires des effectifs réels, la Cour des Comptes a mis au point une méthodologie en ce sens dès 1995. Ensuite, à partir de ces travaux, l'Observatoire de l'emploi public, créé par un décret n° 2000-663 du 13 juillet 2000, a élaboré des matrices de passage entre emplois budgétaires et effectifs réels pour chaque ministère 17 ( * ) . Ces dernières sont désormais toutes disponibles 18 ( * ) .

Dans son rapport annuel pour 2002, l'Observatoire de l'emploi public décrit les motifs pouvant expliquer cette différence :

Les raisons des écarts entre les emplois budgétaires
et les effectifs réels payés et gérés

Les emplois budgétaires décrits en loi de finances initiale sont les emplois permanents à temps complet autorisés par celle-ci. Les facteurs expliquant l'écart entre les emplois budgétaires et les effectifs physiques réels payés et gérés sont notamment les suivants :

- des éléments échappent en partie aux gestionnaires de personnel : le temps partiel (un emploi budgétaire peut être occupé par plusieurs personnes à temps partiel), les vacances d'emploi (certains emplois budgétaires peuvent ne pas être pourvus par suite du départ de leur titulaire, jusqu'au recrutement d'un nouvel agent sur cet emploi) ;

- des éléments visent à introduire une certaine souplesse dans l'exécution budgétaire : des surnombres peuvent ainsi être accordés en cours d'année par les contrôleurs financiers (on autorise ainsi un dépassement temporaire de l'emploi budgétaire) ainsi que des gages (utilisation d'un emploi à la place d'un autre). De même, les transferts « en gestion » d'emplois entre ministères en cours d'année (un ministère assure pour le compte d'un autre le service de la paye) contribuent à expliquer l'écart pour un ministère entre l'emploi budgétaire en début d'année et l'effectif réellement payé en cours d'année ;

- enfin, les limites de l'autorisation budgétaire elle-même expliquent le décalage entre emplois budgétaires et effectifs réels payés : les crédits permettant de rémunérer certains personnels ne sont pas présentés sous forme d'emplois budgétaires. Or, les personnels correspondants sont pris en compte dans l'effectif réel payé.

Source : Rapport annuel d'octobre 2002 de l'Observatoire de l'emploi public.

Votre rapporteur salue les efforts effectués dans le sens d'une meilleure connaissance de l'emploi public, tout en comprenant la nécessité d'un minimum de souplesse dans ce domaine.

Cette connaissance apparaît d'autant plus utile que les charges de personnel de l'Etat représentaient 120,7 milliards d'euros en 2003 , soit 44,1 % des dépenses du budget général.

Du point de vue de la comptabilité nationale, l'ensemble des dépenses de personnel des administrations publiques, à savoir les organismes divers d'administration centrale, les administrations de sécurité sociale et les administrations publiques locales représentaient 13,7 % du produit intérieur brut en 2002.

De plus, entre 1991 et 2002, le nombre d'emplois budgétaires inscrit au budget de l'Etat en loi de finances initiale n'a cessé d'augmenter , passant de 2,09 millions à 2,18 millions d'emplois et connaissant ainsi une augmentation de 4,39 %.

Emplois budgétaires

Source : données du ministère de la fonction publique.

Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit un solde de variation des emplois budgétaires de - 4.561 postes 19 ( * ) .

Le projet de loi de finances pour 2004 traduit les efforts d'organisation interne et d'amélioration de l'efficacité des services de l'Etat et prévoit une augmentation des emplois budgétaires dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement. Ils devraient ainsi augmenter pour le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (+ 739 unités), le ministère de la justice (+ 2.199 unités) et le ministère de la défense (+ 425 unités), alors que, pour les autres ministères, un certain nombre de départs à la retraite ne seront pas remplacés 20 ( * ) .

Au ministère de l'éducation nationale, tenant compte de l'augmentation prévisible des effectifs dans les écoles primaires et à leur diminution dans le secondaire, 1.500 emplois de professeurs des écoles seront créés alors que 4.000 emplois de professeurs du second degré et 1.050 emplois de personnels techniques, ouvriers et de services ne devraient pas être reconduits.

Malgré ces suppressions, le nombre total d'emplois budgétaires pour 2004 s'élève à 2.224.257, en augmentation de 2,02 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. Ceci s'explique principalement par le fait que, par souci de transparence, le gouvernement a choisi de régulariser , en transformant des emplois sur crédits en emplois budgétaires, 48.796 emplois d'assistants d'éducation, de maîtres auxiliaires et de professeurs contractuels.

La connaissance de l'emploi public permet non seulement de maîtriser les effectifs, mais également de rechercher une affectation optimale des personnels. Votre rapporteur s'interroge notamment sur la pertinence du maintien d'un nombre important d'emplois budgétaires dans certains ministères.

Par exemple, même si le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une réduction de 326 postes pour le ministère de l'agriculture, votre rapporteur s'interroge sur la nécessité que le ministère de l'agriculture dispose toujours en 2002 de 31.202 emplois budgétaires, parmi lesquels 2.022 au niveau de l'administration centrale, malgré le développement de la politique agricole commune qui a engendré un important transfert de compétence de l'Etat vers la communauté européenne.

En outre, selon l'estimation de la commission des Finances, la rémunération des personnels du Secrétariat d'Etat aux anciens combattants représenterait 107,65 millions d'euros en 2004 21 ( * ) . Malgré une baisse bienvenue de ces crédits de rémunération à hauteur de 4 % par rapport à 2003, il n'est pas certain que ce Secrétariat d'Etat doive être conservé.

Enfin, la connaissance des effectifs est indispensable afin d'anticiper sur l'avenir. Cela s'avère d'autant plus nécessaire que, tant le rapport d'octobre 2002 de l'Observatoire de l'emploi public, dont la mission est d'« observer l'emploi public pour anticiper son évolution », que le rapport du Conseil d'Etat de 2002 sur les « perspectives pour la fonction publique », mettent en évidence la nécessité d'une gestion prévisionnelle des ressources humaines dans la fonction publique, celle-ci devant ces prochaines années répondre au défi démographique que constituera le départ massif de fonctionnaires à la retraite. Elle devra ainsi devenir beaucoup plus attractive 22 ( * ) .

Votre rapporteur espère pouvoir disposer à l'avenir d'études comparatives entre les personnels de l'Etat français et ceux des autres pays européens.

* 16 Il s'agit des emplois-jeunes, des agents recrutés par un contrat emploi solidarité (CES), un contrat emploi consolidé (CEC) ou un contrat emploi de ville (CEV).

* 17 Rapports annuels 2001 et 2002 de l'Observatoire de l'emploi public, publiés à la documentation française.

* 18 Le rapport annuel de 2001 de l'Observatoire de l'emploi public avait uniquement présenté les matrices pour les ministères de l'éducation nationale, de l'emploi et de la solidarité ainsi que de la jeunesse et des sports.

* 19 Ce résultat est obtenu par la différence entre les emplois budgétaires supprimés (9.739) et ceux créés par chaque ministère (5178).

* 20 Ainsi, 2.047 départs ne seront pas remplacés au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 1.021 au ministère de l'équipement...

* 21 Il s'agit simplement d'une estimation dans la mesure où les crédits de rémunération et de fonctionnement du ministère de la défense et du secrétariat d'Etat aux anciens combattants sont désormais globalisés.

* 22 Voir le C du III de cet avis.

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