2. La Grande-Bretagne : un système efficace de valorisation de la recherche universitaire

C'est avec pragmatisme et en s'inspirant de l'expérience américaine que le Royaume-Uni a développé l'organisation de sa recherche. Votre rapporteur évoquera principalement, dans le présent rapport, le système de valorisation de la recherche publique britannique, sachant que celle-ci est essentiellement réalisée au sein des universités.

Dans un contexte de contrainte budgétaire générale, le pays a doublé son budget public de la recherche entre 1998 et 2006. A 2,4 milliards de livres ce budget reste cependant très modeste au regard des autres pays européens. Mais la programmation générale des crédits de la science et de l'innovation sur la période 2004-2014, arrêtée en juillet 2004, a pour but de faire passer la part de recherche et développement dans le PIB britannique de 1,9 % à 2,5 %. Cette politique est marquée par le souhait d'obtenir la meilleure efficacité possible de la dépense et la volonté de faire des universités le moteur de l'économie, ce qui s'est traduit par l'affectation de crédits nouveaux à des fonds d'amorçage.

a) Un contexte de concurrence renforçant l'excellence

Les universités britanniques sont des organismes légalement indépendants, qui ne font pas partie du secteur public britannique. Elles sont caractérisées par la place toujours croissante accordée aux bonnes méthodes de gouvernance et elles sont très autonomes, en matière financière, de gestion et de recrutement (des enseignants comme des étudiants). Toutefois cette autonomie est assortie d'une très importante notion de responsabilité vis-à-vis du gouvernement et de certains organismes publics, et ce pour l'ensemble des aspects, administratifs comme académiques, du fonctionnement de l'établissement.

Ces universités bénéficient de trois sources de financement : des fonds publics, les frais de scolarité (souvent très élevés) de leurs étudiants et la valorisation de la recherche, dont la part s'accroît.

Que ce soit pour l'obtention de fonds publics ou de fonds privés les universités britanniques sont concurrentes entre elles. Le « Research Assessment Exercice » (RAE) -qui procède à l'évaluation de l'ensemble de la recherche britannique- a été institué en 1986 en vue de répartir les dotations de recherche des établissements d'enseignement supérieur sur la base de la qualité de la recherche.

b) La création de structures de valorisation efficaces
(1) Des structures internes aux universités

Les universités ont développé des structures de valorisation internes, qui se concentrent sur l'accompagnement des chercheurs.

Elles font appel à des professionnels capables tout à la fois d'accompagner les chercheurs pour déceler le potentiel d'une idée ou la laisser mûrir, de créer une équipe de développement qui associe les chercheurs sans les transformer en entrepreneurs, de trouver ceux qui, le cas échéant, sauront valoriser le brevet ou conduire la nouvelle entreprise.

Exemplaire à cet égard est la structure créée par l'Imperial College de Londres. Implantée au coeur de l'université, « Imperial Innovations » est capable de mener un projet de sa conception dans un des laboratoires de recherche du campus jusqu'à son entrée en bourse en passant par la levée de capital d'amorçage et de capital-risque. Ainsi, la structure interne de valorisation de l'Imperial College de Londres a levé environ 40 millions de livres sur les quatre dernières années. « Imperial Innovations », qui était détenu à 100 % par l'Imperial College, a décidé d'ouvrir son capital afin de financer le suivi des projets. 29 % de son capital appartiennent donc désormais à des investisseurs de long terme.

(2) Des structures privées

En outre, face aux structures internes aux universités, des structures privées se sont développées qui offrent désormais aux universités la possibilité d'externaliser leur valorisation.

L'une d'elles est née de la volonté d'un chercheur de l'université de Cambridge de construire un nouveau laboratoire pour mener ses travaux. La banque à laquelle il a offert un pourcentage du retour sur les travaux menés dans le bâtiment, a rapidement compris que les importants profits générés par cette opération pouvaient être démultipliés. La structure qu'elle a crée propose donc d'offrir le meilleur service aux universités, en s'appuyant sur une structure interne, pour permettre la création de profits tant pour elle-même que pour l'établissement.

Ces structures privées n'entendent pas limiter l'exercice de leur expertise au seul Royaume-Uni. D'ici peu, elles proposeront leurs services en France.

(3) Une efficacité croissante

La qualité et l'efficacité des universités britanniques n'est pas à démontrer. Vingt-trois Prix Nobel ont été obtenus depuis 1945 et, si l'on estime que le Royaume-Uni mène 4,7 % de la recherche mondiale, les chercheurs britanniques sont ceux qui ont, et de loin parmi les pays d'Europe, le plus grand nombre de publications et de citations dans des revues scientifiques internationales (plus de 8 % des publications mondiales et 11 % des citations).

Par ailleurs, les meilleures universités du pays ont obtenu des rangs remarquables dans le dernier classement de l'Université d'Etat de Shanghai (11 universités classées parmi les 100 premières mondiales, dont 33 européennes classées). En outre, le Royaume-Uni est le second pays le plus attractif après les Etats-Unis, et la part des étudiants étrangers ne cesse d'augmenter. Enfin, c'est aussi l'un des pays de l'OCDE (avec le Japon, la Turquie et l'Irlande) où le taux d'obtention des diplômes de l'enseignement supérieur est le plus haut (83 % en 2003, sachant que la moyenne de l'OCDE est 70 %, celle en France 59 %).

Que ce soit sous la forme de création d'entreprises, de brevets ou d'équipes conjointes de recherche, la valorisation de la recherche britannique s'avère de plus en plus efficace.

Ainsi, les 200 millions de livres investies chaque année dans la recherche par l'Imperial College de Londres produisent en moyenne 200 inventions et 50 brevets. Sur l'ensemble des projets de recherche, seuls 40 % ont un potentiel de valorisation immédiat mais plusieurs autres seront valorisables à moyen ou long terme.

Suite à l'apport de fonds publics pour la création d'entreprises issues de la recherche universitaire, le nombre de ces créations est passé d'environ 70 en 1997 à 197 en 2003. La majorité de ces entreprises exercent leur activité dans le secteur biomédical, renforçant l'avance britannique dans ce secteur de pointe.

Certes, comme tout système, cette organisation a ses défauts, mis en lumière notamment par l'Office parlementaire des Sciences et de la Technologies et les débats à la Chambre des Lords. La valorisation britannique de la recherche semble, en effet, introduire un biais défavorable aux sciences humaines et à la recherche fondamentale. Toutefois, votre rapporteur a relevé qu'à Oxford, c'est la valorisation de la recherche en sciences dures qui finance la recherche en sciences humaines.

De plus, il existe un risque que ne se crée une dichotomie entre universités de premier rang tournées vers la recherche et sa valorisation, et « petites » universités uniquement consacrées à l'enseignement. Si la recherche de l'excellence s'exerce sans doute nécessairement au prix d'une forme de hiérarchisation des établissements, il convient de veiller à ce que tous soient « tirés vers le haut ».

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Suivant ses rapporteurs pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au titre de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2007.

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