II. UN PROJET DE LOI QUI APPORTE UNE RÉPONSE PARTIELLE

Face aux bouleversements induits par le numérique, le présent projet de loi apporte une réponse, en réaffirmant la règle d'une nécessaire rémunération des titulaires de droits, mais une réponse partielle, dans la mesure où celle-ci ne résoudra pas toutes les difficultés de la filière culturelle et où elle méconnaît la nécessité d'adapter les modes de régulation au réseau internet.

A. LA NÉCESSITÉ DE NE PAS LAISSER LE PIRATAGE SE DÉVELOPPER EN TOUTE IMPUNITÉ

Les accords de l'Elysée signés le 23 novembre 2007 par les ayant-droits et les fournisseurs d'accès ont permis de mettre au jour un consensus autour de la nécessité d'assurer le respect de la propriété intellectuelle sur les réseaux de communications électroniques. Il est assurément nécessaire de menacer de sanctions le consommateur qui ignorerait le droit d'auteur, de manière à rappeler symboliquement l'interdit que constitue la violation du droit de propriété .

C'est l'objet du présent texte, qui, sur ce fondement, organise une riposte graduée en trois temps reposant sur une nouvelle obligation, pour l'abonné, de veiller à ce que son accès internet ne soit pas utilisé d'une manière qui porte atteinte aux droits d'auteur :

- en cas d'utilisation illicite de l'accès internet, la Haute autorité de diffusion des oeuvres et de protection des droits sur internet (HADOPI) envoie à l'abonné, par le biais de son fournisseur d'accès à internet, une recommandation par voie électronique ;

- en cas de « récidive » dans les six mois, l'HADOPI envoie une seconde recommandation par voie électronique, assortie d'une lettre recommandée ;

- enfin, si l'abonné « pirate » à nouveau dans l'année qui suit la réception de la seconde recommandation, l'HADOPI peut le sanctionner, soit en suspendant son accès à internet pour trois mois à un an, soit en lui enjoignant de prendre des mesures de nature à prévenir un nouvel écart.

Afin de rendre opérationnel ce dispositif de riposte graduée, le texte autorise l'HADOPI à mettre en oeuvre un traitement de données à caractère personnel : pour ce faire, la Haute autorité bénéficie d'une exception (jusque là réservée aux procédures relatives aux infractions pénales) au principe d'effacement et d'anonymisation des données de connexion ; elle est aussi habilitée à établir un répertoire national des personnes dont elle aura suspendu l'accès internet, afin que tout fournisseur d'accès internet vérifie dans ce répertoire qu'un abonné, sollicitant auprès de lui un contrat d'accès internet, n'y figure pas.

Le texte prévoit aussi d'exonérer l'abonné de sa responsabilité dans trois cas : s'il a mis en oeuvre les moyens de sécurisation de son accès définis par l'HADOPI, si l'atteinte au droit d'auteur commise à partir de son accès résulte d'une utilisation frauduleuse de cet accès par un tiers, ou enfin en cas de force majeure.

Le texte conserve toutefois entre les mains du juge le pouvoir d'ordonner la suspension des contenus illicites mais lui ouvre aussi la possibilité d'enjoindre au « filtrage » et à la « restriction de l'accès » à de tels contenus.

Parallèlement à ce dispositif défensif qui tend à préserver les modèles économiques en place, sans doute conviendrait-il d'accompagner l'émergence de solutions économiques rationnelles et de s'interroger sur l'impact du numérique sur le droit d'auteur : au-delà du strict respect des droits, l'enjeu n'est-il pas surtout de trouver les moyens d'assurer, dans le monde numérique, le financement des investissements nécessaires à la création de contenus culturels ?

De ce point de vue, le présent projet de loi ignore plusieurs questions pourtant intimement liées à son objet : faut-il adapter le périmètre de l'exception de copie privée, autorisée depuis 1985 ? Le caractère licite de la source conditionne-t-il le bénéfice de cette exception ?

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