3. Quelles voies d'amélioration pour une meilleure maîtrise de la publicité extérieure ?

a) Le remplacement du régime de déclaration préalable par un système d'autorisation préalable : un amendement qui suscite de fortes réserves

Dans le cadre de l'examen, en première lecture à l'Assemblée nationale, du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, nos collègues députés ont adopté un amendement relatif à la publicité et aux enseignes. Cette disposition figure à l'article 36 bis nouveau du projet de loi, qui, après avoir été adopté à une quasi-unanimité, a été transmis au Sénat et devrait être examiné en janvier 2009.

Présenté par MM. Martial Saddier, député UMP de Haute-Savoie, et Christian Jacob, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires économiques, cet amendement, pour lequel le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, tend à substituer un système d'autorisation préalable au régime de déclaration préalable au maire et au préfet introduit par la « loi Barnier » du 2 février 1995. Ainsi, l'article L. 581-6 du code de l'environnement est modifié pour prévoir que « l'installation, le remplacement ou la modification des dispositifs ou matériels qui supportent de la publicité sont soumis à autorisation préalable du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent , dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

L' objectif , souligné par les auteurs de cet amendement, est tout à fait louable : il s'agit en effet de lutter de façon plus efficace contre « la prolifération des enseignes publicitaires à l'intérieur des agglomérations » , qui « se réalise souvent de façon anarchique » et peut ainsi constituer « une véritable pollution visuelle » . Le remplacement de la simple déclaration par une autorisation, placée entre les mains du maire ou du président de l'intercommunalité, vise notamment à remédier au contournement de la législation actuelle et donc à mieux lutter contre les dérives constatées.

Cependant, votre rapporteur a pu constater, au cours de ses auditions, que cette disposition a surpris les professionnels du secteur et qu'elle suscite de fortes réserves de leur part :

- d'abord, au niveau de la forme, cet amendement introduit une disposition « technique » dans un projet de loi de programme ayant vocation à fixer des orientations générales ;

- ensuite, comme cela a été indiqué à votre rapporteur, cette disposition, en confiant un pouvoir quasi discrétionnaire au maire, introduit une « révolution » dans la législation actuelle, qui pose comme principe général celui de liberté d'expression et d'information ; les professionnels craignent notamment un risque d'arbitraire, qui donnerait lieu à un développement des contentieux ;

- en outre, ce système d'autorisation peut apparaître illusoire compte tenu du suivi très étroit qu'il impliquerait, et alors même que la déclaration préalable est à l'heure actuelle trop peu exploitée faute de moyens ; il pourrait, de ce fait, susciter des délais d'autorisation très longs, ce qui aurait des effets préjudiciables pour les entreprises d'affichage ;

- enfin, il pourrait s'avérer contre-productif par rapport à l'objectif recherché, en créant un « droit acquis » en faveur des dispositifs ainsi autorisés ; cela ne faciliterait pas la mise en oeuvre des contrôles a posteriori dans le cadre de la police de l'affichage.

Votre rapporteur appelle donc l'attention sur cet amendement, qui devra faire l'objet d'un examen vigilant au moment des débats au Sénat . Il semble que l'impact de cette disposition pourrait au final desservir l'objectif de maîtrise de l'affichage publicitaire extérieur pourtant mis en avant par ses auteurs. Il pourrait également placer les maires dans une position délicate, car ceux-ci pourraient faire l'objet de diverses pressions.

b) Quelques pistes de réflexion pour contribuer au débat

L'adoption de cet amendement constitue néanmoins un signal qui mérite d'être pris en compte et qui contribue d'ailleurs à relancer le débat autour de la nécessaire maîtrise de la publicité extérieure.

Dans le cadre de la lettre adressée aux préfets le 23 juin dernier, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et M. Hubert Falco envisagent, en effet, la perspective d'une refonte du dispositif législatif et réglementaire relatif à la publicité, aux enseignes et préenseignes.

A cet égard, votre rapporteur se félicite de la décision de « réactiver » le Conseil national du paysage (CNP), dont il est membre, afin d'aborder notamment cette question dans ce cadre. Cet organisme consultatif a été créé par arrêté du 8 décembre 2000. Il est composé de représentants des collectivités locales, des administrations de l'Etat et de la société civile, d'associations et d'experts en paysage. Il ne s'était pas réuni depuis 2001.

La réinstallation de ce Conseil est fixée au 20 novembre 2008.

Dans ce cadre, plusieurs pistes de réflexion mériteraient d'être débattues en vue de consolider la réglementation existante :


• en priorité, assurer une application plus stricte de la police de l'affichage , à travers notamment un contrôle plus ciblé sur les espaces tels que les axes commerciaux ou les entrées de ville ; il conviendra de mesurer l'impact du « rappel à la loi » adressé cet été aux préfets ; il apparaît également nécessaire de veiller à ce que la loi soit appliquée de la même façon, et avec la même fermeté, dans le domaine privé situé aux abords du domaine public que dans ce dernier, car l'impact sur le cadre de vie est tout aussi grand ;


mieux encadrer , en outre, les « préenseignes dérogatoires » afin de réguler leur implantation et prévenir leur multiplication : à cet égard, il pourrait être envisagé de les rendre moins « dérogatoires », en les soumettant au régime de déclaration préalable ou en les incluant dans les règlements locaux de publicité ; une autre piste serait de favoriser leur regroupement et d' harmoniser leur format, en prenant appui sur la « signalisation d'information locale » : cette nouvelle catégorie de signalisation routière a pour objet d'informer l'usager de la route, tout en améliorant le cadre de vie et en garantissant la sécurité ; votre rapporteur note, par ailleurs, que la réforme de la taxation sur la publicité, engagée à l'initiative de notre collègue Philippe Marini, permet désormais de taxer, sauf décision contraire de la commune, ces préenseignes dites dérogatoires, jusqu'alors exclues de l'assiette des taxes locales ; cela devrait contribuer à prévenir leur multiplication et favoriser une certaine rationalisation de leur implantation ;


ajuster la législation à la décentralisation , qui a été postérieure à la loi de 1979 et qui est restée mal prise en compte dans les textes ; il conviendrait notamment de favoriser l'approche intercommunale , comme le souhaitait déjà Mme Nelly Ollin dans la circulaire du 1 er mars 2007 précitée : cela s'avère important s'agissant des entrées de ville notamment ;


• envisager un élargissement de la composition des groupes de travail chargés d'élaborer les règlements locaux de publicité (RLP)
; les représentants des associations agréées de défense du paysage et de l'environnement en sont exclus, alors qu'ils pourraient être associés à ces travaux, comme le sont actuellement les associations locales d'usagers ; à l'heure actuelle, leur participation « illicite » à ces groupes de travail suscite un contentieux contre les règlements ainsi élaborés, ce qui constitue une perte de temps et un véritable gâchis en termes de finances publiques ; au-delà, les commerçants « locaux », qui sont les principaux concernés par les affiches, pourraient également être davantage associés à ces groupes de travail, alors que seuls sont visés, à l'article L. 581-14 du code de l'environnement, les représentants des chambres consulaires ;


• veiller à assurer, en parallèle, une certaine stabilité dans le temps des règles applicables , afin de donner une plus grande visibilité aux professionnels de l'affichage sur ce qui est ou non légal ; enfin, certains intervenants ont regretté que les maires n'aient quasiment plus recours aux « zones de publicité élargie » ; or, ces zones permettaient notamment d'autoriser des fresques murales sur des murs pignons, ayant un caractère souvent esthétique et original.

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La préservation de la qualité des paysages et du cadre de vie est un élément essentiel de l'impératif de développement durable, « credo » du « Grenelle » de l'environnement. Cet enjeu confère à cet objectif une dimension culturelle , qui en fait un sujet tangible pour nos concitoyens, au-delà des seuls aspects scientifiques ou économiques. C'est pourquoi votre commission y attache la plus grande attention : cette dimension mérite en effet d'être pleinement prise en compte, à la fois dans les traductions concrètes et « opérationnelles » du « Grenelle », et dans le cadre d'une éventuelle commission parlementaire permanente en charge du développement durable.

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Au cours de sa réunion du 19 novembre 2008, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » dans le projet de loi de finances pour 2009, les groupes socialiste et communiste, républicain et citoyen s'abstenant.

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