II. L'AFFICHAGE PUBLICITAIRE EXTÉRIEUR : QUEL BILAN POUR UNE LOI BIENTÔT TRENTENAIRE ?

Près de trente ans après l'adoption de la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes 5 ( * ) , modifiée en 1985 puis en 1995, votre rapporteur a souhaité établir, à l'occasion de ce rapport, un bilan de sa mise en oeuvre.

Ce thème est au coeur de la problématique des paysages .

Il rejoint celui de la requalification des « entrées de ville », en faveur duquel votre rapporteur oeuvre depuis de nombreuses années, à la suite du rapport qu'il a établi en 1994 à la demande du Gouvernement et de l'amendement adopté dans le cadre de la « loi Barnier » 6 ( * ) du 2 février 1995.

Si ces textes ont permis de réaliser des avancées significatives , la question de la « dénaturation » et de la banalisation des paysages, notamment en zone périurbaine, reste encore un sujet d'actualité. Des initiatives récentes de certaines municipalités, visant à rendre plus restrictive la réglementation applicable en matière d'affichage, traduisent ce souci de lutter contre une « pression » publicitaire perçue comme une nuisance par nombre de nos concitoyens. Par ailleurs, les secrétaires d'Etat chargés de l'environnement et de l'aménagement du territoire ont réaffirmé, dans une lettre adressée aux préfets le 23 juin 2008, que « la maîtrise de la publicité et des enseignes constitue un élément essentiel du cadre de vie » .

Les enjeux sont cependant complexes puisqu'ils conjuguent esthétisme des paysages et développement commercial et économique .

En effet, le « marché » de la publicité extérieure représente un chiffre d'affaire global évalué à 1,1 milliard d'euros selon les représentants de l'Union de la publicité extérieure (UPE), soit 11 % du marché des « grands médias » . Dans le contexte actuel de réduction de la publicité à la télévision, dans la presse et à la radio, la publicité extérieure apparaît de plus en plus, aux côtés d'internet, comme un « média d'avenir ».

C'est pourquoi votre rapporteur a souhaité avoir un éclairage équilibré sur le bilan de l'application de ces dispositions, en entendant à la fois des représentants des professionnels de l'affichage et des associations de défense du paysage.

Il ressort de ces auditions que cette loi reste perçue comme utile et globalement efficace, même si ses conditions d'application sont perfectibles sur plusieurs points. Veiller à une bonne application des textes existants apparaît donc comme un préalable nécessaire, avant d'envisager d'éventuels ajustements plus ponctuels de la loi.

A. LA PUBLICITÉ, LES ENSEIGNES ET PRÉENSEIGNES : UN RÉGIME TRÈS ENCADRÉ

1. Les objectifs de la loi de 1979 : une réglementation de « protection esthétique »

C'est par ces termes que le rapporteur du projet de loi, le sénateur Jacques Carat, présente en 1978 l'économie générale du texte qui deviendra la loi du 29 décembre 1979. Il est d'ailleurs intéressant de noter que c'est notre commission des affaires culturelles qui en avait été saisie au fond, la commission des affaires économiques s'en étant saisie pour avis.

Il était alors apparu nécessaire de « réglementer la publicité extérieure et les enseignes en vue de la protection architecturale, des paysages et plus généralement du cadre de vie » . Comme le soulignait alors le rapporteur : « Nous n'en sommes pas au pire, mais le pire n'est pas loin. La dernière décennie s'est comme vouée à la réclame. Ouvrons les yeux. Le paysage se néglige. »

Ce texte, dont l'élaboration a été précédé par un long travail de concertation, engagé dès 1971, s'est substitué à la loi du 12 avril 1943, présentée comme « désuète, inappropriée et en pratique constamment violée » 7 ( * ) . Il se veut alors distinct, dans son objet, du décret du 11 février 1976, qui règlemente, sous l'angle de la sécurité routière, la publicité et les enseignes installées le long des routes.

Enfin, votre rapporteur rappelle que la lutte contre les abus de l'affichage publicitaire est ancienne dans notre pays : une première loi a été votée au début du 20 e siècle, à l'initiative de M. Charles Beauquier, député du Doubs ; en 1924, une autre loi, votée à l'initiative de M. Jean Boivin Champeaux, sénateur du Calvados, a interdit les « panneaux réclame » dans les stations thermales et touristiques.

* 5 Cette loi est désormais intégrée, notamment, au sein du Titre VIII « Protection du cadre de vie » du Livre V « Prévention des pollutions, des risques et des nuisances » du code de l'environnement (articles L. 581-1 à L. 581-45).

* 6 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

* 7 Rapport sur le projet de loi réglementant la publicité extérieure et les enseignes, présenté par M. Jacques Carat, au nom de la commission des affaires culturelles, Sénat, n° 448 (1977-1978).

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