B. LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SONT DÉSORMAIS PRINCIPALEMENT FINANCÉS PAR DES TRANSFERTS DE FISCALITÉ

Dès « l'acte I » de la décentralisation, les collectivités territoriales ont bénéficié de transferts de ressources fiscales destinés à leur permettre de financer les compétences qui leur étaient transférées. En application de la loi du 7 janvier 1983, ces ressources fiscales devaient représenter « la moitié au moins des ressources attribuées par l'Etat à l'ensemble des collectivités locales ». C'est ainsi que :

- les droits d'enregistrement sur les mutations immobilières à titre onéreux (DMTO) et la taxe de publicité foncière ont été transférés aux départements à partir du 1er janvier 1984 ;

- la taxe sur les certificats d'immatriculation des automobiles (« taxe sur les cartes grises ») a été transférée aux régions à compter du 1 er janvier 1984 ;

- la suppression en 2006 de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur (« vignette »), transférée aux départements à compter du 1er janvier 1984, a été compensée par un transfert de produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA).

1. Les principes issus de la révision constitutionnelle de mars 2003

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a inscrit dans la Constitution le principe selon lequel « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » (article 72-2).

Cinq cas ouvrent droit à une compensation financière :

- les transferts de compétences stricto sensu : la ressource est alors équivalente aux dépenses consacrées, à la date du transfert, par l'Etat, au titre des compétences transférées. Le montant de la compensation définitive est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'intérieur et du ministre en charge du budget, après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) ;

- la modification, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées, entraînant une charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales : les modalités de mise en oeuvre de la compensation sont identiques à celles prévues dans le premier cas ;

- les créations de compétences au sens de l'article 72-2 de la Constitution : la nature et le montant de la ressource sont alors déterminés par la loi ;

- les extensions de compétences au sens de l'article 72-2 de la Constitution : la nature et le montant de la ressource sont également déterminés par la loi ;

- les pertes de produit fiscal résultant, le cas échéant, de la modification, postérieurement à la date de transfert des impôts aux collectivités territoriales concernées et du fait de l'Etat, de l'assiette ou des taux de ces impôts.

En outre, désormais, en application de l'article 72-2 de la Constitution, « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ». Ce dispositif a été précisé par la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Dans sa décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, le Conseil constitutionnel a estimé que les recettes fiscales qui entrent dans la catégorie des « ressources propres » des collectivités territoriales s'entendent, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, du produit des impositions de toutes natures, non seulement lorsque la loi autorise ces collectivités à en fixer l'assiette, le taux ou le tarif, mais encore lorsqu'elle en détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette.

C'est ainsi que l'article 119 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dispose que « la compensation financière des transferts de compétences s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances » .

2. La compensation des transferts de compétences intervenus depuis 2004

Les transferts de compétences organisés par la loi du 13 août 2004 ont ainsi été principalement compensés par l'attribution de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) aux départements et par une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) aux régions. Depuis 2006, l'assiette de la TIPP est régionalisée : les régions sont désormais bénéficiaires d'un produit calculé sur la base des consommations de carburant enregistrées sur leur territoire, et non plus sur la base des consommations nationales de carburant. Depuis 2008, les départements perçoivent également une part de TIPP, l'assiette de la TSCA transférée ne permettant pas, bien qu'elle ait été élargie, de couvrir entièrement leur droit à compensation.

Le PLF pour 2009 ne modifie qu'à la marge le dispositif retenu dans les années précédentes :

- l'article 16 vise à ajuster la compensation dont bénéficient les départements . En 2009, l'évolution du droit à compensation des départements résulte essentiellement de la poursuite des processus de transfert des personnels des ministères de l'éducation nationale (TOS, GTOS), de l'équipement (DDE) ainsi que de l'agriculture (aménagement foncier). Le projet de loi intègre également les conséquences financières du décret du 20 avril 2006 relatif à la formation initiale des assistants maternels (passage d'une formation de 60 à 120 heures et renouvellement obligatoire annuel de la formation de secouriste). L'article 16 du PLF ne modifie toutefois pas le dispositif de compensation tel qu'il résulte de l'article 38 de la loi de finances initiale pour 2008 , et qui repose sur le transfert à chaque département d'une fraction d'un total formé par l'intégralité du produit de la TSCA et par des parts des tarifs de la TIPP afin de produire une recette équivalente au droit à compensation arrêté ;

- l'article 17 ajuste la compensation dont bénéficient les régions au titre des transferts de compétences résultant de la loi du 13 août 2004. En 2009, l'évolution du droit à compensation des régions résulte de la poursuite des processus de transferts des personnels des ministères de l'éducation nationale (TOS, GTOS), de l'agriculture (TOS des lycées agricoles ou maritimes) et de la culture (services de l'inventaire culturel), ainsi que de l'achèvement du transfert des formations professionnelles pour adultes de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Le montant de ce droit inclut également le transfert du fonctionnement et de l'équipement des écoles et instituts des formations paramédicales et de sages-femmes. L'article 17 du PLF ne modifie toutefois pas le dispositif de compensation des transferts aux régions tel qu'il résulte de l'article 40 de la loi du finances initiale pour 2006 et qui repose sur le transfert à chaque région métropolitaine d'une fraction de la TIPP calculée sur une assiette régionale afin de produire une recette équivalente au droit à compensation constaté.

Au total, les transferts d'effectifs prévus dans le cadre de « l'acte II » de la décentralisation représentent environ 128.600 équivalents temps plein travaillé (ETPT) : 92% de ces EPTP auront été transférés à la fin de l'année 2009. 73 % d'entre eux relevaient auparavant du ministère de l'éducation nationale.

Transferts d'effectifs liés à l'« acte II » de la décentralisation

Milliers ETPT transférés par an

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Total

Personnels techniciens, ouvrier et de service (TOS) de l'éducation nationale

+ 3,5

+ 47,0

+ 32,1

+ 11,8

+ 0

+ 0

94,5

Personnels des directions départementales de l'équipement

+ 19,3

+ 2,5

+ 6,1

+ 2,8

30,7

Personnels TOS des lycées agricoles

+ 0,2

+ 1,3

+ 0,3

+ 0,5

2,3

Autres transferts
(culture, etc.)

+ 0,04

+ 0,1

+ 0,009

+ 0,9

+0,025

1,1

Total par année

+ 3,5

+ 47,2

+ 53,0

+ 14,6

+ 7,4

+ 2,8

128,6

Total en cumulé

3,5

50,7

103,7

118,3

125,8

128,6

128,6

Source : documents budgétaires

Un fait mérite toutefois d'être souligné : la poursuite de ces transferts de personnels , financée à titre principal par des transferts de fiscalité, n'est responsable que pour une partie seulement de l'augmentation dynamique de la masse salariale des collectivités locales (+ 6% en 2008, + 6% prévus pour 2009). Les transferts de personnels issus de la mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004 ne contribueraient en effet qu'à hauteur de 2,8 % en 2008 et de 0,8 % en 2009 à la progression de la masse salariale locale. En outre, les communes et EPCI, qui ne sont pas concernés par les transferts de compétence liés à « l'acte II » de la décentralisation, voient leur masse salariale évoluer de l'ordre de + 4,5 % par an en moyenne.

Plus généralement, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques publié au mois de juin 2008, la croissance des dépenses locales n'est qu' « en partie imputable aux conséquences financières des transferts de compétence initiés en 2004 ». Ainsi, « hors transferts de compétences opérés en 2007, les dépenses des collectivités locales ont augmenté de 5,3 % en 2007. Cette évolution s'inscrit dans un mouvement de long terme. Depuis le début des années 2000, elles augmentent, en moyenne annuelle et en volume, de 4% avec les transferts et de 3 % hors transferts ».

3. La prise en compte de l'entrée en vigueur du revenu de solidarité active à compter du 1er juin 2009

La décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI) et la création du revenu minimum d'activité (RMA) à compter du 1er janvier 2004, organisées par la loi du 18 décembre 2003, ont été compensées par l'attribution aux départements d'une part de la TIPP . Toutefois, l'assiette de cette taxe s'étant révélée insuffisamment dynamique au regard de la progression rapide des dépenses, l'article 37 de la loi de finances initiale pour 2006 a créé le Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) , doté au départ de 100 millions d'euros. En portant à 500 millions d'euros le total des aides versées par le FMDI, la loi de finances rectificative pour 2006 a permis de couvrir près de la moitié du déficit enregistré par les départements entre la recette transférée et la dépense exécutée.

Le PLF pour 2009 complète ce dispositif de la manière suivante :

- d'une part, les crédits du FMDI sont reconduits à hauteur de 500 millions d'euros pour 2009 ;

- d'autre part, l'article 18 organise les modalités de compensation aux départements des charges résultant de la généralisation du revenu de solidarité active (RSA), qui devrait être effective à compter du 1er juin 2009 . A compter de cette date, le RMI et l'allocation de parent isolé (aujourd'hui à la charge de l'Etat) seront supprimés, de même que les mécanismes d'intéressement au retour à l'emploi ; ils seront remplacés par une nouvelle prestation fonctionnant comme un complément de revenu pour les personnes ayant un emploi et comme un revenu minimum pour les personnes sans emploi. Cette nouvelle prestation sera financée par les départements et par un nouveau fonds national de financement (le fonds national des solidarités actives). Les charges nouvelles pour les départements résultant de cette extension de compétence seront compensées par l'attribution d'une nouvelle fraction de TIPP . Le complément du droit à compensation des départements résultant de la mise en oeuvre du RSA est estimé provisoirement à 322 millions d'euros en 2009 , mais sera ajusté en loi de finances rectificative pour 2009 au regard des dépenses réellement constatées.

Au total, le PLF pour 2009 prévoit donc un transfert de fiscalité équivalent à 21,4 milliards d'euros .

Source : PLF 2009

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page