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Avis n° 151 (2008-2009) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 6 janvier 2009

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N° 151

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 décembre 2008

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 janvier 2009

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur :

- le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE , relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ,

- et le projet de loi organique, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l' audiovisuel extérieur de la France.

Par M. Joseph KERGUERIS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1209 , 1208 rectifié, 1267 , T.A. 218 et 219

Sénat :

145, 144 et 150 (2008-2009)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Président de la République a appelé de ses voeux le 8 janvier 2008 une rénovation de l'audiovisuel public.

Préparée par les travaux de la commission pour la nouvelle télévision publique, présidée par M. Jean-François Copé et composée de professionnels et de parlementaires de différentes sensibilités, cette réforme s'est traduite par deux projets de loi adoptés en Conseil des ministres le 22 octobre dernier :

- un projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ;

- un projet de loi ordinaire relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Ces deux projets de loi ont été adoptés par l'Assemblée nationale le 17 décembre dernier et ont été transmis au Sénat, où ils figurent à l'ordre du jour de la séance publique du 7 janvier prochain.

Cette rénovation de l'audiovisuel public comporte un important volet consacré à la réforme de l'audiovisuel extérieur, qui a été également lancée par le Président de la République à l'été 2007.

Compte tenu de l'importance de l'audiovisuel extérieur pour la place et l'influence de la France et du français à l'échelle internationale, votre commission des Affaires étrangères et de la Défense a souhaité se saisir pour avis de ces deux projets de loi.

Rappelons que la commission des Affaires étrangères et de la Défense examine chaque année les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur à l'occasion du débat sur les projets de loi de finances.

En outre, à la différence de l'Assemblée nationale, où il a été décidé de constituer une commission spéciale, composée de députés membres de différentes commissions et dont la présidence a été confiée à M. Jean François Copé, M. Christian Kert ayant été désigné comme rapporteur, au Sénat, ces deux projets de loi ont été renvoyés à la commission des Affaires culturelles. Celle-ci a désigné nos collègues Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière comme co-rapporteurs de ces deux projets de loi. Par ailleurs, la commission des affaires économiques s'est également saisie pour avis et a désigné M. Bruno Retailleau, comme rapporteur pour avis.

Votre Rapporteur pour avis n'a pas souhaité évoquer dans son rapport l'ensemble des dispositions de ces deux projets de loi, qui concernent principalement l'audiovisuel public national et intéressent au premier chef la commission des affaires culturelles.

Il a voulu limiter son avis aux seules dispositions de ces textes qui concernent directement l'audiovisuel extérieur et qui, à ce titre, intéressent également la commission des Affaires étrangères et de la Défense.

Ainsi, la mesure la plus emblématique de cette réforme - la suppression progressive de la publicité sur les chaînes de la télévision publique - ne s'applique que sur le territoire national. L'audiovisuel extérieur n'est pas concerné par cette mesure. Votre Rapporteur pour avis n'a donc pas souhaité évoquer cet aspect dans son rapport.

La commission des Affaires culturelles et la commission des Affaires étrangères et de la Défense de votre Assemblée ont travaillé en bonne intelligence.

Les deux commissions ont procédé, le 2 décembre dernier, à une audition commune de M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général, et de Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de la société « Audiovisuel extérieur de la France », sur la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur.

Ce travail en bonne entente a permis d'aboutir à des conclusions identiques ou très proches sur la plupart des dispositions des deux projets de loi qui concernent l'audiovisuel extérieur.

La consolidation de la réforme de l'audiovisuel extérieur constitue un enjeu important de la rénovation de l'audiovisuel public.

L'audiovisuel extérieur présente, en effet, une importance majeure pour la place et l'influence de la France et de notre langue au niveau international.

La commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat ne pouvait donc rester à l'écart de ce débat.

Avant d'évoquer les dispositions des deux projets de loi qui concernent l'audiovisuel extérieur et les conclusions de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, votre Rapporteur pour avis a estimé utile de rappeler brièvement l'origine et les objectifs de la réforme de l'audiovisuel extérieur.

I. LA RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

A la différence de nos partenaires européens, qui disposent souvent d'un opérateur unique, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l'Allemagne, l'audiovisuel extérieur français se caractérise par la dispersion de ses opérateurs, avec deux chaînes de télévision - TV5 Monde et France 24 - deux radios - Radio France Internationale et RMC Moyen-Orient - et un organisme de coopération - Canal France International, qui fournit des émissions en français aux radios et télévisions des pays francophones du Maghreb, d'Afrique sub-saharienne et d'Asie.

De nombreux rapports 1 ( * ) avaient mis en évidence la fragmentation, la mauvaise organisation et le manque d'efficacité de l'audiovisuel extérieur français, malgré un budget équivalent à celui consacré par nos partenaires.

Le Président de la République a donc lancé, à l'été 2007, une réflexion sur la réforme de l'audiovisuel extérieur français.

La lettre de mission qu'il a adressée à M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, le 27 août 2007, évoque les enjeux de cette réforme de la manière suivante :

« Notre politique audiovisuelle extérieure, dont vous êtes le chef de file, constitue un enjeu majeur pour l'influence de la France et pour la diffusion de sa langue. La BBC a autant de moyens que l'audiovisuel extérieur français pour une visibilité et une influence beaucoup plus fortes. Il ne s'agit pas de copier un modèle, mais de créer les conditions d'un pilotage coordonné et efficace de notre politique audiovisuelle extérieure (radio, télévision et Internet) et de procéder aux réorganisations nécessaires (...). »

A. L'ABSENCE DE COHÉRENCE DU PAYSAGE AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR FRANÇAIS

1. L'absence de cohérence

Avant le lancement de la réforme par le Président de la République, le paysage audiovisuel extérieur français était caractérisé par la diversité des opérateurs.

La structure du capital, la nature du financement et la tutelle des opérateurs variaient, en effet, considérablement, comme le montre le tableau suivant :


SITUATION ANTERIEURE DE L'AUDIOVISUEL EXTERIEUR

Chaînes de télévision

Structure du capital

Sources de financement

Autorité de tutelle

TV5 Monde

Filiale d'entreprises audiovisuelles publiques françaises et francophone. La France détient environ 66 % du capital à travers France Télévisions (47,4%), Arte France (12,5 %), et l'INA (6,6%)

Dotation budgétaire du ministère des affaires étrangères et euro-péennes et contribution budgétaire de France Télévisions

Ministère des affaires étrangères et européennes

France 24

Société anonyme, capital détenu à parité par TF1 et France Télévisions

Dotation budgétaire dans le cadre d'une convention de sub-vention pluriannuelle

Premier ministre

Radios

RFI

Etat : 100 %

Redevance et dotation du ministère des Affaires étrangères et européennes

Double tutelle : ministère des Affaires étrangères et européennes et ministère de la Culture et de la Communication

Médi 1

Société de droit marocain, participation française de 49 % par l'intermédiaire de la CIRT, filiale de la SOFIRAD

Dotation budgétaire du ministère des Affaires étrangères et euro-péennes

Ministère des Affaires étrangères et européennes

Autres

Canal France International

Capital détenu à 75 % par France Télévisions

Dotation budgétaire du ministère des Affaires étrangères

Ministère des Affaires étrangères et européennes.

2. Le défaut de vision stratégique

De plus, selon un constat partagé par l'ensemble des acteurs, l'audiovisuel extérieur souffrait d'une déficience de pilotage politique et administratif.

Le ministère des Affaires étrangères devait, en théorie, être chargé d'assurer la cohérence de l'audiovisuel extérieur français. Toutefois, son rôle était limité, car il partageait sa tutelle avec le ministère de la Culture et de la Communication et certains opérateurs, comme France 24, ne relevaient pas de son ressort.

Un organisme avait certes été créé en 1989, le Conseil de l'audiovisuel extérieur, qui était chargé d'assurer la coordination de l'action audiovisuelle extérieure. Cependant, le Conseil de l'audiovisuel extérieur de la France n'a plus été réuni depuis 1996.

Il n'existait donc pas de structure de coordination chargée de définir une véritable vision stratégique.

3. Un financement équivalent à celui de nos partenaires mais qui souffrait de la dispersion des opérateurs

Si la France consacre à peu près le même montant, de l'ordre de 300 millions d'euros, à l'audiovisuel extérieur que ses principaux partenaires et concurrents, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l'Allemagne, la dispersion des opérateurs français génère d'importants doublons.

En outre, si la part des financements consacrée à l'audiovisuel extérieur a progressé ces dernières années, cette progression a été totalement absorbée par la nouvelle chaîne d'information internationale France 24, lancée en décembre 2006, au détriment des autres opérateurs de l'audiovisuel extérieur, comme TV5 Monde et RFI.

Par ailleurs, on constate un écart croissant entre les financements accordés aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur par rapport à ceux de l'audiovisuel public national (qui s'élèvent à 2,8 milliards d'euros en 2008).

Faut-il rappeler que la dotation d'Arte, chaîne franco-allemande, s'élève à 300 millions d'euros, dont plus de 230 millions d'euros au titre de la redevance audiovisuelle, soit l'équivalent de l'ensemble des crédits des opérateurs de l'audiovisuel extérieur, pour une couverture mondiale ?

COMPARAISON DES DOTATIONS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC NATIONAL
ET DE L'AUDIOVISUEL EXTERIEUR SUR LA PERIODE 2002-2008

(en milliers d'euros)

2002
(exécution)

2003
(exécution)

2004
(exécution)

2005
(exécution)

2006
(exécution)

2007 (exécution

LFI 2008

Audiovisuel public national

2 363,66

2 411,23

2 468,3

2 529,7

2 604,63

2 732,6

2831,99

Audiovisuel extérieur

211,25

213,88

214,82

235,46

261,19

304,39

308,43

Dont TV5 Monde

64,15

65,09

66,63

67,60

65,63

69,76

70,02

RFI / RMC

125,07

126,94

128,69

130,71

129,67

130,93

133,41

CFI

22,03

21,85

19,50

22,15

18,89

19,5

16,5

France 24

15

47

69,54

88,50 2 ( * )

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes

B. LE RAPPORT BENAMOU/LEVITTE SUR LA RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL EXTERIEUR

A l'initiative du Président de la République, un comité de pilotage, composé de fonctionnaires issus de différents ministères réunis sous la direction de M. Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, et de M. Georges Marc Benhamou, ancien conseiller pour l'audiovisuel, a remis un rapport en décembre 2007.

Ce rapport, qui n'a pas été rendu public, fixe deux missions à l'audiovisuel extérieur français :

- une mission d'influence , la France devant pouvoir rivaliser avec les grands médias internationaux, comme CNN, Al Jazeera, etc.

- une mission culturelle , consistant à promouvoir nos valeurs - la francophonie, la démocratie, les droits de l'homme, la laïcité, etc.

Ce rapport n'est pas resté lettre morte, puisque sa principale recommandation - la création d'une holding regroupant l'ensemble des opérateurs de l'audiovisuel extérieur - a été suivie d'effets.

C. LA CRÉATION DE LA HOLDING « AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE »

La holding « Audiovisuel Extérieur de la France » a été créée le 4 avril 2008.

Elle a vocation à regrouper l'ensemble des participations publiques dans les sociétés de l'audiovisuel extérieur, c'est-à-dire TV5 Monde, Radio France Internationale et France 24.

Canal France international n'a pas été intégré dans ce nouvel ensemble car il ne s'agit pas à proprement parler d'un média, mais d'un organisme de coopération ayant vocation à concentrer son action sur l'aide aux médias des pays en développement.

Cette réforme vise à offrir davantage de cohérence et de visibilité à l'audiovisuel extérieur français.

La holding a en effet pour mission de définir les priorités stratégiques des différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur français, dans le respect de l'identité de chacun. Il s'agit notamment de définir les priorités en termes de publics visés, d'objectifs géographiques, ainsi qu'en termes de moyens de diffusion.

Cette réforme vise également à renforcer les synergies et à encourager les mutualisations (notamment en matière de distribution) entre les opérateurs, tout en écartant toute idée de fusion.

Concernant son statut, il s'agit d'une société anonyme, dont le capital de 37 000 euros est entièrement détenu par l'Etat. Elle est dotée d'un conseil d'administration de dix-huit membres, composé de six représentants des administrations concernées, de six personnalités qualifiées et de six représentants des salariés des différentes sociétés. La société compte actuellement une douzaine de collaborateurs.

M. Alain de Pouzilhac, alors président du directoire de France 24, a été désigné président-directeur général de la holding. Il est secondé par Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée.

TV5 Monde occupe une place à part au sein de ce nouvel ensemble. Cela tient notamment à la crainte des autres partenaires francophones de la chaîne (la Belgique, la Suisse, le Québec) de se voir marginalisés ou écartés du fait de la création de la société holding. Il est vrai que nos partenaires ont pu parfois être froissés d'apprendre par la presse des éléments dont ils n'avaient pas eu connaissance.

Ils ont ainsi obtenu que la holding ne détienne que 49 % du capital de TV5 Monde, alors qu'elle devrait à terme détenir 100 % du capital de RFI et de France 24.

De même, alors que M. Alain de Pouzilhac cumule le poste de président-directeur général de la holding avec celui de président du directoire de France 24, de président-directeur général de RFI, concernant TV5 Monde, la situation est différente, puisque si M. Alain de Pouzilhac préside le conseil d'administration, cette chaîne dispose d'une directrice générale (et non déléguée), Mme Marie-Christine Saragosse.

Enfin, à titre anecdotique, le comité de pilotage avait suggéré, dans son rapport, de dénommer ce nouvel ensemble « FranceMonde » et un communiqué de la Présidence de la République avait même repris cet intitulé.

Toutefois, il est apparu que cette marque avait été déjà déposée et que son utilisation coûterait 15 millions d'euros. C'est la raison pour laquelle il a été finalement décidé de reprendre le nom d'« Audiovisuel Extérieur de la France ».

Un appel à propositions a été lancé pour trouver une nouvelle dénomination plus attrayante.

II. LES DEUX PROJETS DE LOI ET LES MODIFICATIONS APPORTEES PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE : PROLONGER LA REFORME DE L'AUDIOVISUEL EXTERIEUR

Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision comporte plusieurs dispositions visant à consolider la réforme de l'audiovisuel extérieur :

- il fait de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France une société nationale de programme, à l'image de France Télévisions et de Radio France, en lieu et place de Radio France Internationale ; il définit ses missions et ses moyens d'action (article 2) ;

- il garantit que son capital restera entièrement détenu par l'Etat, à l'instar des autres sociétés nationales de programme (article 4) ;

- il précise la composition de son conseil d'administration, selon des principes très proches de ceux retenus pour France Télévisions et Radio France (article 7) ;

- il soumet son président aux mêmes modalités de nomination et de retrait de mandat que pour les présidents de France Télévisions et Radio France (article 8 et 9 du projet de loi et article unique du projet de loi organique) ;

- il prévoit que son cahier des charges est fixé par décret (article 15) et il propose de soumettre la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France à l'obligation de conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens avec l'Etat (article 18) ;

- Enfin, il prévoit le transfert des actions de l'Etat dans le capital de RFI à la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (article 51).

A. LE STATUT ET LES MISSIONS DE LA SOCIÉTÉ EN CHARGE DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE

L'article 2 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision est entièrement consacré au régime juridique de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Il fait de la société holding « Audiovisuel extérieur de la France » une société nationale de programme, à l'image de France Télévisions ou de Radio France, et il définit ses missions et ses moyens d'action.

1. Le statut

Le premier et le deuxième alinéa de l'article 2 du projet de loi font de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France une société nationale de programme en lieu et place de Radio France Internationale.

En effet, ils substituent la mention, dans la loi du 30 septembre 1986, de Radio France Internationale par celle de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, qui est ainsi érigée en société nationale de programme, RFI devenant l'une de ses filiales.

Ainsi, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sera érigée en société nationale de programme à l'image de France Télévisions ou de Radio France.

Rappelons que la notion de « société nationale de programme » a été introduite par la loi n°74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision, qui supprimait l'Office de Radiodiffusion-Télévision française (ORTF). Il s'agissait alors de désigner les sociétés à qui on confiait le monopole de la télévision et la radiodiffusion.

Depuis 1982, ce terme désigne les sociétés anonymes, dont le capital est entièrement détenu par l'Etat, qui sont chargées de la conception et de la programmation des émissions de radio ou de télévision et qui sont soumises à des obligations de service public définies dans un cahier des charges approuvé par décret.

La spécificité des sociétés nationales de programme et de leurs filiales qui répondent à des missions de service public tient donc au croisement de plusieurs critères :

- l'existence de missions de service public définies par la loi et précisées par cahier des charges ;

- le mode de financement par la redevance à titre principal ;

- le mode d'attribution prioritaire des fréquences radioélectriques ;

- les conditions d'exercice du droit de grève ;

- le cas échéant, une gouvernance fixée par la loi et dérogatoire aux dispositions du droit commun.

2. Les missions et les moyens d'action

Le deuxième alinéa de l'article 2 du projet de loi, tel que modifié par l'Assemblée nationale, précise les missions assignées à la société en charge de l'audiovisuel extérieur, de la manière suivante :

« La société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, société nationale de programme, a pour mission de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu'au rayonnement de la France dans le monde, notamment par la fourniture d'informations relatives à l'actualité française, francophone, européenne et internationale ».

Cette mission est plus large que celle assignée actuellement par l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 à Radio France Internationale : «contribuer à la diffusion et à la promotion de la culture française par la conception et la programmation d'émissions de radio en français ou en langue étrangère destinées aux auditoires étrangers ainsi qu'aux Français résidant à l'étranger. Cette société assure une mission d'information relative à l'actualité française et internationale ».

La première phrase du troisième alinéa de cet article précise que

« À cette fin, elle définit ou contribue à définir les orientations stratégiques et la coordination des services de communication audiovisuelle, en français ou en langue étrangère, destinés en particulier au public français résidant à l'étranger et au public étranger, édités par des sociétés dont elle détient tout ou partie du capital ».

La société en charge de l'audiovisuel extérieur se voit ainsi confier une mission ambitieuse : faire émerger une grande puissance médiatique qui participera au rayonnement de la France et de la culture française à l'étranger. Pour atteindre le public le plus large et précisément parce que la francophonie est porteuse de valeurs humanistes et universelles, il est essentiel de prévoir que cette mission ne s'exerce pas exclusivement par l'édition de programmes en langue française. A côté des médias anglo-saxons ou arabophones, l'audiovisuel extérieur français doit, en effet, promouvoir un regard français sur l'actualité en s'adaptant, chacun en fonction des objectifs qui leur seront assignés, à leur public cible.

L'expression « contribue à définir », qui concerne TV5 Monde, résulte de la place particulière de cette chaîne francophone au sein du nouvel ensemble. En effet, il résulte des négociations avec les partenaires francophones de la chaîne que celle-ci ne sera pas une filiale mais un partenaire de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, qui ne détiendra que 49 % de son capital.

La deuxième phrase de l'alinéa 3 précise que la société en charge de l'audiovisuel extérieur « peut [les] financer » les services de communication audiovisuelle qu'elle coordonne et dont elle définit les orientations.

Sur le fondement de cette disposition, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France pourra ainsi répartir les dotations publiques entre les différentes sociétés.

Ainsi, dans le cadre de la loi de finances pour 2009, les dotations publiques destinées à l'audiovisuel extérieur ne sont plus attribuées société par société mais font l'objet d'une enveloppe globale confiée à la holding, à charge pour elle de répartir ces subventions entre les différents opérateurs.

Cette nouvelle donne se traduit dans la maquette budgétaire par la fusion des anciens programmes 115 et 116 au sein d'un programme unique, intitulé « Action audiovisuelle extérieure » relevant désormais entièrement des services du Premier ministre au sein de la mission « Médias ». A cette subvention, s'ajoute la part de la redevance audiovisuelle versée auparavant à Radio France Internationale et qui est aujourd'hui directement attribuée à la holding qui la répartit ensuite entre les différents opérateurs.

Il est également indiqué que la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France « peut également concevoir et programmer elle-même de tels services » , à l'instar des autres sociétés nationales de programme.

Il est donc envisagé que la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France puisse un jour non seulement définir et coordonner un ensemble de services de communication audiovisuelle, mais aussi concevoir et programmer elle-même de tels services.

Comme le précise le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, dans son rapport :

«  Si ce passage à un rôle actif d'éditeur de chaînes n'est pas à l'ordre du jour, la rédaction proposée par le Gouvernement ne ferme pas la porte à une telle évolution de la société holding en société éditrice. A titre d'illustration, il n'est pas exclu que le portail Internet de l'audiovisuel extérieur de la France, développé par AEF, donne accès à des services de média audiovisuels à la demande ou des « web TV ».

Enfin, le dernier alinéa de cet article dispose que le cahier des charges de la société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France « définit les obligations de service public auxquelles sont soumis, le cas échéant » chacun des services de communication audiovisuelle que la société proposera ou qui seront édités par ses filiales, ainsi que « les conditions dans lesquelles la société assure, par l'ensemble de ces services, la diversité et le pluralisme des programmes. »

Rappelons que le cahier des charges de Radio France Internationale contient des obligations de service public, à l'image de celles concernant la communication en temps de crise, les campagnes électorales ou l'action culturelle de coopération.

Le cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France devrait donc reprendre ces obligations de service public.

Les règles relatives au cahier des charges des sociétés nationales de programme figurent à l'article 15 du projet de loi.

3. Le capital

L'article 4 du projet de loi porte sur la détention du capital des sociétés de l'audiovisuel public, et notamment, de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Dans sa version initiale, le projet de loi proposé par le gouvernement établissait une distinction entre les sociétés de l'audiovisuel public national et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

En effet, alors qu'il était prévu que l'Etat détienne directement la totalité du capital de France Télévisions et de Radio France, concernant la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, il était mentionné que l'Etat devrait détenir directement la majorité du capital de cette société.

Ainsi, dans sa version initiale, le projet de loi laissait la porte ouverte à une participation minoritaire d'autres acteurs, publics ou privés, dans le capital de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Christian Kert, a toutefois considéré que cette distinction n'était pas justifiée et que l'audiovisuel extérieur de la France devait être la propriété pleine et entière de l'Etat, étant donné la sensibilité particulière de ce secteur.

La commission spéciale a donc proposé par un amendement d'aligner les règles relatives à la détention du capital de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sur celles des autres sociétés nationales de programme, comme France Télévisions et Radio France, ce qui a été adopté par nos collègues députés.

Ainsi, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit désormais que « l'Etat détient directement la totalité du capital des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France » .

Votre Rapporteur pour avis partage l'opinion du rapporteur de l'Assemblée nationale. Etant donné l'importance de l'audiovisuel extérieur pour la place et l'influence de la France au niveau international, il est légitime que le capital de la holding soit entièrement détenu par l'Etat.

En outre, il convient de tirer les leçons de la participation de TF1 dans le capital de la chaîne d'information internationale France 24.

Rappelons que, lors de la création de France 24, il avait été décidé que le capital de cette chaîne serait détenu à parité par TF1 et France Télévisions. France 24 a donc été créée sous la forme d'une société anonyme dont le capital de 35 000 euros était partagé entre TF1 et France Télévisions à hauteur de 17 500 euros chacun.

Au moment de la mise en place de la holding, des négociations se sont ouvertes avec TF1 sur la reprise par l'Etat de la participation dans le capital de France 24. Or, la banque Rothschild ayant valorisé l'ensemble des actifs de France 24 à hauteur de 90 millions d'euros, TF1 subordonnait sa sortie du capital de France 24 au paiement de la moitié de cette somme, soit 45 millions d'euros.

En définitive, un accord a été trouvé avec TF1 sur un montant de 2 millions d'euros mais la signature de ce contrat est suspendue dans l'attente de l'issue des discussions sur le projet de loi. Si ce contrat est confirmé, le même montant sera versé à France Télévisions.

Compte tenu de cette malheureuse expérience, il semble plus raisonnable d'éviter à l'avenir la participation de sociétés privées, même minoritaire, dans le capital.

Tirant les conséquences de la transformation de Radio France Internationale en filiale de la société holding « Audiovisuel extérieur de la France », le projet de loi prévoit, en outre, à l'article 51, le transfert de la totalité des actions de RFI détenues par l'Etat à la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France « du seul fait de la loi », c'est-à-dire sans qu'il soit nécessaire de prévoir des dispositions réglementaires ou contractuelles ultérieures.

B. LA GOUVERNANCE DE LA SOCIÉTÉ HOLDING « AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE »

1. La composition du conseil d'administration

L'article 7 du projet de loi porte sur la composition du conseil d'administration de la société en charge de l'audiovisuel extérieur. Il est largement inspiré des règles applicables à France Télévisions et Radio France.

La société holding « Audiovisuel extérieur de la France » a été créée en avril 2008.

Actuellement, le conseil d'administration de la holding comprend douze membres, dont six représentants de l'Etat et six personnalités choisies en raison de leur compétence.

Ainsi, outre les représentants des différentes administrations (ministère des affaires étrangères et européennes, direction du développement des médias et ministère de la culture et de la communication), siègent au sein du conseil d'administration de la holding « Audiovisuel extérieur de la France », son président-directeur général, M. Alain de Pouzilhac, sa directrice générale déléguée, Mme Christine Ockrent, mais aussi des personnalités telles que Mme Hélène Carrère d'Encausse et M. Hubert Védrine.

Conseil d'administration de la société holding

(Décret du 14 avril 2008 portant nomination au conseil d'administration
de la société Audiovisuel Extérieur de la France)

1. En qualité de représentant de l'Etat :

Mme Anne Gazeau-Secret, directrice générale de la coopération internationale et du développement du ministère des Affaires étrangères et européennes

- M. Gérard Errera, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et européennes

- M. Rémy Rioux, sous-directeur des transports et de l'audioviseul à l'Agence des participations de l'Etat

- M. Emmanuel Hamelin, inspecteur général des affaires culturelles,

- Mme Laurence Franceschini, directrice du développement des médias

- M. Vincent Berjot, administrateur de l'INSEE

2. En qualité de personnalités choisies en raison de leur compétence :

- Mme Hélène Carrère d'Encausse

- M. Alain Duplessis de Pouzilhac

- M. Jean-Michel Goudard

- Mme Christine Ockrent

- M. Benoît Paumier

- M. Hubert Védrine

Le projet de loi fait passer le nombre total de ses membres de douze à quatorze.

Ces quatorze membres se répartissent de la manière suivante :

- le président de la holding, qui est membre de droit ;

- 5 membres qui sont soit des représentants de l'Etat nommés par décret, soit des administrateurs désignés par l'assemblée générale des actionnaires ;

- 4 personnalités indépendantes nommées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à raison de leur compétence ;

- 2 représentants du personnel élus par les salariés ;

- 2 parlementaires désignés respectivement par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Tableau comparatif de la composition du conseil d'administration de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France

Situation précédente

Texte adopté par l'Assemblée nationale

12 membres répartis de la façon suivante :

- 6 représentants de l'Etat ;

- 6 personnalités qualifiées nommées par l'Etat.

Par ailleurs, les 6 représentants du personnel élus n'ont pas encore désignés*.





Le président est nommé par décret parmi les membres du conseil d'administration et sur proposition de celui-ci.

* Conformément aux dispositions de l'article 40 de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le conseil d'administration d'une société nationale nouvellement créée peut valablement siéger avant l'élection des représentants des salariés, leur élection devant intervenir dans un délai maximum de deux ans à compter de la première réunion du conseil d'administration.

14 membres répartis de la façon suivante :

- 2 parlementaires ;

- dans la limite de 5 administrateurs, des représentants de l'Etat et, le cas échéant, des membres désignés par l'assemblée générale ;

- 4 personnalités qualifiées nommées par le CSA ;

- 2 représentants du personnel élus conformément aux dispositions de la loi du 26 juillet 1983 ;

Le président est nommé par décret pour 5 ans après avis conforme du CSA (selon la procédure du nouvel article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986) et avis public de la commission des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire (selon la procédure de l'article 13 de la Constitution).

Le dernier alinéa de cet article précise que « le président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également président, président-directeur général ou président du directoire de chacune des sociétés éditrices de programmes filiales de cette société » .

Rappelons que M. Alain de Pouzilhac, alors président du directoire de France 24, a été nommé président-directeur général de la société « Audiovisuel extérieur de la France », par un décret du 24 avril 2008. Il a été ensuite nommé président du conseil d'administration de TV5 Monde le 29 avril 2008, puis président-directeur général de Radio France Internationale par le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 30 juin 2008. Par décision du conseil d'administration de la société holding, Mme Christine Ockrent en est devenue directrice générale déléguée.

Devenue une filiale de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, Radio France Internationale verra nécessairement évoluer, après l'entrée en vigueur du présent projet de loi, la composition de son conseil d'administration et les modalités de nomination des représentants de l'Etat en son sein. Le projet de loi contient d'ailleurs, à l'article 52, des dispositions transitoires sur le fonctionnement du conseil d'administration de RFI.

2. La procédure de désignation de son président

L'article 8 est relatif aux conditions de nomination des présidents de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur.

Il doit se lire en liaison avec le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, qui comporte un article unique selon lequel cette nomination est « soumise à la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ».

Rappelons que, lors de la dernière révision constitutionnelle, il a été décidé d'encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République pour certains emplois ou fonctions, « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Pour ces emplois ou fonctions, l'article 13 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, prévoit que « le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée » .

En ce qui concerne la nomination au poste de président de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur, le projet de loi prévoit qu'à l'avenir, ils seront nommés par décret du Président de la République, pour cinq ans, après avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel et avis des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Selon le projet de loi organique, la commission compétente est la commission chargée des affaires culturelles.

Le Président de la République ne pourra procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

En outre, l'article 9 du projet de loi, relatif aux conditions de retrait du mandat des présidents des sociétés de l'audiovisuel public, prévoit, par parallélisme des formes, que ces mandats ne pourront leur être retirés que par décret motivé du Président de la République, après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l'audiovisuel et avis des commissions des Affaires culturelles des deux assemblées.

Cette dernière précision a été ajoutée par l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de la commission spéciale, qui a estimé que, par souci de parallélisme des formes, le Parlement devrait pouvoir se prononcer, non seulement sur la nomination des présidents des sociétés nationales de programme, mais aussi sur leur révocation.

Si l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions, le Président de la République ne pourra donc pas procéder à une révocation.

Ainsi, contrairement à aujourd'hui, le Parlement disposera d'un véritable droit de veto à l'égard de la nomination et de la révocation des présidents de l'audiovisuel public. Il semble que ce progrès n'a pas été assez souligné.

Plus généralement, il n'existe aucun autre exemple dans les autres entreprises du secteur public (EDF, SNCF, RATP, etc.), où le pouvoir de nomination du Président de la République soit aussi encadré (avec le cumul d'un avis conforme d'une autorité administrative indépendante et d'un droit de veto du Parlement) ce qui montre bien la volonté d'apporter toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance, compte tenu de la spécificité de l'audiovisuel public.

C. LA TUTELLE DE L'ETAT SUR LA HOLDING « AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE »

1. Le cahier des charges

L'article 15 du projet de loi prévoit de soumettre la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, société nationale de programme, à un cahier des charges, à l'image de France Télévisions ou de Radio France.

D'après le premier alinéa de l'article 48 de la loi du 30 septembre 1986, les sociétés nationales de programme disposent d'un cahier des charges fixé par décret qui « définit les obligations de chacune des sociétés (...) et notamment celles qui sont liées à leur mission éducative, culturelle et sociale, ainsi qu'aux impératifs de la défense nationale, de la sécurité publique et de la communication gouvernementale en temps de crise ». Il doit également prévoir « des dispositions pour la promotion de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage ».

Il est également indiqué au même article que, lorsqu'une des sociétés édite plusieurs services, le cahier des charges précise les caractéristiques de chacun d'entre eux.

Le projet de loi modifie cette disposition pour prévoir que le cahier des charges des sociétés nationales de programme doit préciser les caractéristiques de chacun des services de communication audiovisuelle qu'édite la société, et non plus uniquement de chacun de ces services.

Les futurs cahiers des charges devront également préciser « la répartition des responsabilités au sein de la société en matière de programmation et de commande et productions des émissions de telle sorte que le respect du pluralisme des courants de pensée et d'opinion et la diversité de l'offre de programmes fournie soient assurés » .

Ainsi, le futur cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France devrait préciser les caractéristiques de chacune de ses filiales, dans le respect de l'identité de chacune.

A l'initiative du rapporteur de la commission spéciale, l'Assemblée nationale a ajouté deux alinéas visant à renforcer le rôle du Parlement.

Le premier dispose que « tout nouveau cahier des charges est transmis aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les commissions peuvent formuler un avis sur ce cahier des charges dans un délai de six semaines ».

Le second porte sur la transmission du rapport annuel sur le cahier des charges. Il prévoit que « le rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges est transmis chaque année par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat ».

2. Le contrat d'objectifs et de moyens

L'article 18 du projet de loi vise à pallier une faille majeure : l'absence de document de pilotage stratégique des sociétés de l'audiovisuel extérieur. Il propose, par conséquent, de soumettre la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France à l'obligation de la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens avec l'Etat.

Il dispose, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, que « Des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'Etat et chacune des sociétés ou établissements suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, Arte-France et l'Institut national de l'audiovisuel ».

Rappelons que les contrats d'objectifs et de moyens (COM), institués en 2000, sont désormais devenus à la fois un vecteur de modernisation de la gestion des opérateurs audiovisuels, un facteur de sécurisation de leurs perspectives financières et un outil de définition et de suivi des objectifs et des missions assignées à chaque entreprise ou établissement. Ils ont, en effet, pour vocation de formaliser dans un cadre contractuel les relations entre un opérateur de l'audiovisuel public et son actionnaire unique, l'Etat, chaque partie au contrat prenant des engagements clairs dans une optique d'amélioration de la qualité du service rendu et de la performance.

Réciproquement, l'Etat s'engage, sur une période de quatre à cinq ans, à assurer aux opérateurs concernés un montant de ressources publiques lui permettant de remplir les objectifs prédéfinis.

Cette obligation qui jouera pour la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, en sa qualité de société nationale de programme, se substitue à celle pesant aujourd'hui sur Radio France Internationale et qui, en raison des déficiences du pilotage stratégique, ne s'est jamais concrétisée, alors même que la loi l'impose depuis 2000.

La grande nouveauté tient donc au fait que désormais Radio France Internationale, France 24 et, dans une certaine mesure TV5 Monde, seront à l'avenir pilotées en fonction d'une stratégie globale, dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens unique, commun à l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel extérieur, et qui garantira un financement pluriannuel à l'audiovisuel extérieur.

Cet article renforce également le rôle du Parlement à l'égard des contrats d'objectifs et de moyens.

L'article 53 de la loi de 1986 dispose actuellement que « avant leur signature, les contrats d'objectifs et de moyens ainsi que les éventuels avenants à ces contrats sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ils peuvent faire l'objet d'un débat au Parlement. Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d'objectifs et de moyens dans un délai de six semaines ».

Le texte initial du projet de loi présenté par le gouvernement prévoyait de transmettre également les contrats d'objectifs et de moyens au Conseil supérieur de l'audiovisuel, afin que celui-ci puisse se prononcer par un avis sur ces documents.

A l'initiative du rapporteur spécial de la commission des Finances, M.Patrice Martin-Lalande, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à s'assurer que les commissions des Affaires culturelles et des Finances de chaque assemblée seront destinatrices de l'avis formulé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur les contrats d'objectifs et de moyens et leurs éventuels avenants et que l'avis du CSA sur ces contrats sera impératif.

En conséquence, il a été ajouté que « le Conseil supérieur de l'audiovisuel formule un avis sur ces contrats d'objectifs et de moyens ainsi que sur les éventuels avenants à ces contrats, à l'exception de ceux relatifs à la société ARTE-France, dans un délai de trois semaines à compter de leur transmission. Cet avis est transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats et avenants dans un délai de trois semaines à compter de la transmission de l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. » ;

Enfin, à l'initiative du rapporteur de la commission spéciale, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à instaurer une audition annuelle, devant les commissions des Affaires culturelles et des Finances de chaque assemblée, des présidents de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, en plus de celle déjà prévue pour le président de France Télévisions.

En conséquence, le paragraphe 7 bis de cet article, tel que inséré par l'Assemblée nationale, prévoit que « Chaque année, les présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France présentent, devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'ils président ».

En définitive, les règles applicables à la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont largement inspirées de celles relatives à France Télévisions et à Radio France.

Ainsi, la réforme de l'audiovisuel extérieur est pleinement en cohérence avec la réforme de l'audiovisuel public national .

A terme, votre Rapporteur pour avis considère d'ailleurs qu'il conviendrait de réfléchir à un rapprochement entre l'audiovisuel national et l'audiovisuel extérieur, cette frontière s'estompant de plus en plus sous l'effet des nouvelles technologies.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGÈRES ET DE LA DÉFENSE : CONSOLIDER LA RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

Comme il l'avait déjà souligné dans son avis sur les crédits de l'audiovisuel extérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, votre Rapporteur pour avis approuve les objectifs de la réforme de l'audiovisuel extérieur, qui visent à renforcer sa cohérence, sa visibilité et son efficacité.

Souhaitant éviter tout jugement prématuré, votre Rapporteur pour avis considère qu'il conviendra d'effectuer un bilan détaillé de cette réforme, par exemple à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de finances, afin d'évaluer ses effets. Dans l'attente de cette évaluation, votre Rapporteur pour avis juge qu'il convient de donner leur chance aux dirigeants de la société holding « Audiovisuel extérieur de la France » pour réussir là où l'Etat n'a manifestement pas réussi.

Compte tenu de l'importance d'audiovisuel extérieur pour l'influence de la France, de nos valeurs et de la place de notre langue, votre Rapporteur pour avis vous propose d'adopter plusieurs amendements au présent projet de loi visant à conforter cette réforme.

A. APPROUVER LE STATUT, LES MISSIONS ET LES NOUVELLES REGLES DE GOUVERNANCE DE LA SOCIÉTE EN CHARGE DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE TOUT EN RENFORÇANT LA PLACE DE LA FRANCOPHONIE

Votre Rapporteur pour avis approuve pleinement la transformation de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France en société nationale de programme, la définition de ses missions et de ses moyens d'action.

Il vous propose d'adopter plusieurs amendements rédactionnels tendant à améliorer encore les dispositions du projet de loi.

Ainsi, à l'alinéa 2 de l'article 2 du projet de loi, relatif à la définition des missions assignées à la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, il vous propose par un amendement de remplacer l'expression « fourniture d'informations » par celle de « programmation et la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de services de communication publique en ligne » .

Il s'agit, par cet amendement, de respecter la mission fondamentale des filiales et partenaires de la future société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (TV5 Monde, France 24 et Radio France Internationale), à savoir la production, la programmation et la diffusion de documents audiovisuels propres.

En outre, la formulation actuelle peut apparaître, par son imprécision, potentiellement réductrice. Elle pourrait se révéler en contradiction avec la notion de « média global », applicable à notre audiovisuel extérieur, qui suppose de ne pas négliger la programmation et la diffusion de documents audiovisuels de diverses natures (et pas seulement de programmes à caractère informatif) sur tout type de support (radio, télévision et Internet).

À cet égard, il convient de rappeler que les statuts de la société Audiovisuel extérieur de la France, mis à jour le 4 avril 2008, ont justement pris soin de rappeler que la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France a pour mission de « contribuer à la diffusion de la culture française et francophone par la conception, la programmation et la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de sites et portails Internet » .

Votre Rapporteur pour avis vous propose un autre amendement visant à mettre les termes « langue étrangère » au pluriel, dans le deuxième alinéa de cet article.

Il convient, en effet, de préciser sans aucune ambiguïté que les programmes édités par les sociétés de communication audiovisuelle ou de radio dont le capital est entièrement ou partiellement détenu par la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, telles que TV5 Monde, RFI ou France 24, peuvent être en français ou dans d'autres langues, sans réserver une place particulière à une langue étrangère parmi d'autres.

D'ores et déjà, RFI édite des programmes dans plusieurs langues étrangères et France 24 édite deux programmes, en français et en anglais, avec des décrochages en arabe et bientôt en espagnol, tandis que les programmes de TV5 Monde font l'objet de sous-titrages dans plusieurs langues.

Enfin, un troisième amendement vise à tenir compte de la situation particulière de TV5 Monde, non seulement dans la définition des missions assignées à l'audiovisuel extérieur, mais aussi en ce qui concerne la définition des obligations de service public auxquelles est soumise la société.

L'expression « le cas échéant » employée au dernier alinéa de cet article pouvant paraître ambigüe, il semble préférable de reprendre celle qui figure à l'alinéa précédent : « définit ou contribue à définir ».

La réforme de l'audiovisuel extérieur a pu parfois froisser nos partenaires francophones, qui ont eu souvent le sentiment d'être tenus à l'écart. La place singulière qu'occupe TV5 Monde, qui est un partenaire et non une filiale de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, est le reflet de cette préoccupation.

Il convient donc de tenir compte de la place particulière qu'occupe TV5 Monde au sein du nouvel ensemble.

Votre Rapporteur avait déjà manifesté un tel souci à l'occasion de l'examen des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur dans le projet de loi de finances pour 2009.

En effet, il avait présenté deux amendements au projets de loi de finances, l'un visant à modifier l'intitulé de ce programme 115 de la mission « Médias », qui était « Audiovisuel extérieur de la France », afin de le remplacer par l'expression, plus neutre, d'« action audiovisuelle extérieure » et l'autre proposant de modifier l'intitulé du programme 844 du compte ce concours de l'Etat « Avances à l'audiovisuel », par celui de « Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure ».

Il s'agissait déjà, dans l'esprit de votre rapporteur pour avis, d'envoyer un message à nos partenaires francophones, afin qu'ils s'engagent clairement dans cette réforme. Ces deux amendements ont d'ailleurs été adoptés par le Sénat.

Concernant la gouvernance de l'audiovisuel extérieur , la nouvelle procédure de désignation des présidents des sociétés nationales de programme, dont le président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, prévue par le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire, a été fortement critiquée lors des débats à l'Assemblée nationale.

Pourtant, il n'existe aucun autre exemple d'entreprises du secteur public (EDF, SNCF, RATP, etc.), où le pouvoir de nomination du Président de la République soit aussi encadré (avec le cumul d'un avis conforme d'une autorité administrative indépendante et d'un droit de veto du Parlement), ce qui montre bien la volonté d'apporter toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance, compte tenu de la spécificité de l'audiovisuel public.

Rappelons que l'actuel président directeur général de la holding « Audiovisuel extérieur de la France », M. Alain de Pouzilhac, a été nommé par décret du Président de la République, en date du 24 avril 2008, sur proposition du conseil d'administration.

Votre Rapporteur pour avis estime par conséquent qu'il n'est pas souhaitable de modifier ces dispositions.

La présence de deux parlementaires siégeant au Conseil d'administration de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, l'un désigné par le Sénat, l'autre par l'Assemblée nationale, constitue une nouveauté.

Mais cela s'appliquait déjà à France Télévisions, Radio France et Radio France Internationale.

Votre Rapporteur pour avis était personnellement plutôt réservé au départ à la présence de parlementaires au sein du conseil d'administration de sociétés publiques, ce système comportant à ses yeux le risque de faire de ces représentants des juges et parties.

Ce sentiment est d'ailleurs partagé par certains députés, comme le rapporteur spécial de la mission « Médias » de la commission des Finances M.Patrice Martin-Lalande, qui a déposé des amendements tendant à supprimer la présence de parlementaires, amendements qui n'ont toutefois pas été adoptés par l'Assemblée nationale.

En définitive, votre Rapporteur s'est rallié à la présence de parlementaires, mais il lui semble qu'elle doit rester limitée.

Ainsi, l'idée selon laquelle la présence de deux parlementaires de chaque Chambre permettrait la désignation d'un membre de la majorité et d'un membre de l'opposition ne lui paraît pas pertinente. Tout d'abord, rien n'interdirait au parti majoritaire de désigner deux représentants et a contrario , rien n'interdit de désigner un parlementaire membre de l'opposition. Ainsi, il convient de rappeler que l'unique représentant du Sénat siégeant au conseil d'administration de Radio France était, jusqu'au dernier renouvellement, notre collègue socialiste M. Serge Lagauche.

Enfin et surtout, il paraît difficilement concevable que le nombre de parlementaires soit différent en ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur et France Télévisions ou Radio France.

Votre Rapporteur pour avis vous propose néanmoins plusieurs amendements à l'article 7 concernant le conseil d'administration de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Tout d'abord, il peut sembler surprenant que, contrairement au Conseil d'administration de France Télévisions ou de celui de Radio France, qui comprennent respectivement quinze et treize membres, y compris le président, le nombre total de membres du conseil d'administration de la holding soit un nombre pair (quatorze). Cela pourrait créer des difficultés en cas de partages des voix entre les membres du conseil d'administration.

Afin d'éviter une telle situation, votre Rapporteur pour avis vous propose un amendement visant à augmenter le nombre total de membres du conseil d'administration de la holding, y compris le président, qui passerait de quatorze à quinze, soit le même nombre que celui de France Télévisions.

Il s'agirait d'augmenter le nombre de personnalités qualifiées indépendantes, choisies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en raison de leur compétence, qui passerait de quatre à cinq, en précisant que l'une au moins de ces personnalités dispose d'une expérience reconnue dans le domaine de la francophonie.

En effet, dans la mesure où TV5 Monde est une chaîne francophone, la présence d'une telle personnalité garantirait la prise en compte de la francophonie dans la définition des objectifs stratégiques de l'audiovisuel extérieur.

Enfin, votre Rapporteur pour avis vous propose d'adopter un amendement de coordination tendant à prévoir que les administrateurs nommés par l'assemblée générale des actionnaires sont tous des représentants de l'Etat, puisque la totalité du capital de la holding est désormais détenue par l'Etat.

B. ASSOCIER LES COMMISSIONS DES AFFAIRES ETRANGERES DES DEUX ASSEMBLEES AU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE SUR LA SOCIETE « AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE »

Votre rapporteur pour avis partage la volonté exprimée par les deux projets de loi de renforcer le contrôle parlementaire sur les sociétés de l'audiovisuel public.

En particulier, il estime que le Parlement doit avoir un droit de regard sur la société en charge de l'audiovisuel extérieur, compte tenu de son rôle central en matière de définition des objectifs stratégiques et de répartition des dotations publiques entre les différents opérateurs.

Ainsi, à l'occasion de l'examen des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, votre rapporteur pour avis avait proposé un amendement , qui avait été adopté par la commission des Affaires étrangères et de la Défense, visant à prévoir que le président-directeur général et le directeur général délégué de la holding « Audiovisuel extérieur de la France » rendent compte, à intervalles réguliers, devant les commissions des Finances, des Affaires culturelles et des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat, des priorités de leur action et de l'exécution des crédits destinés à l'audiovisuel extérieur.

Lors de la discussion en séance publique sur le projet de loi de finances pour 2009, votre Rapporteur pour avis avait accepté, à la demande du gouvernement, de retirer cet amendement au motif que cette disposition avait davantage vocation à trouver sa place dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Toutefois, votre Rapporteur pour avis avait déjà évoqué à cette occasion la nécessité d'associer, en ce qui concerne l'audiovisuel extérieur, les commissions chargées des Affaires étrangères des deux assemblées.

Compte tenu de l'importance de l'audiovisuel extérieur pour la place et l'influence de la France et de notre langue au niveau international, votre Rapporteur pour avis considère, en effet, qu'il est indispensable que les commissions chargées des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat soient pleinement associées, aux côtés des commissions chargées des Affaires culturelles et des Finances des deux assemblées, au contrôle parlementaire de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Or, il peut paraître surprenant que, à aucun moment, il ne soit fait référence, dans le texte des deux projets de loi, aux commissions des Affaires étrangères des deux assemblées.

Il ne s'agit pas pour votre Rapporteur pour avis de remettre en cause la compétence des commissions chargées des Affaires culturelles, qui disposent d'une légitimité particulière et d'une expertise reconnue pour les questions relatives à l'audiovisuel.

Ainsi, votre Rapporteur pour avis estime tout à fait légitime que les commissions chargées des Affaires culturelles des deux assemblées soient compétentes pour émettre un avis sur la nomination ou la révocation du président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, comme de celui de France Télévisions ou de Radio France.

Il considère également qu'il serait logique que les deux parlementaires siégeant au conseil d'administration de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France soient désignés respectivement par les commissions chargées des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat.

En revanche, il estime que, en ce qui concerne la transmission du cahier des charges ou du contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ou encore l'audition annuelle du Président de la holding, rien ne justifie que les commissions chargées des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat ne soient pas associées au même titre que les commissions des Affaires culturelles ou des Finances.

Votre Rapporteur pour avis vous propose par conséquent plusieurs amendements aux articles 15 et 18 visant à associer les commissions des Affaires étrangères des deux assemblées en ce qui concerne le contrôle parlementaire sur l'audiovisuel extérieur de la France.

Ainsi, les commissions chargées des Affaires étrangères de chaque assemblée, devraient également être destinataires du cahier des charges et du contrat d'objectifs et de moyens et de ses éventuels avenants entre l'Etat et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ainsi que de l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, et elles devraient pouvoir se prononcer par un avis sur ces documents.

De la même manière, votre Rapporteur pour avis considère que en ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, les commissions des Affaires étrangères des deux assemblées devraient être associées, avec les commissions chargées des Affaires culturelles et des Finances, à l'audition annuelle du président sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens.

Votre Rapporteur pour avis vous présente donc plusieurs amendements en ce sens.

C. GARANTIR UN FINANCEMENT PÉRENNE DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

En sa qualité de Rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de votre assemblée, votre Rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion dans son avis sur les crédits de la mission « Médias » du projet de loi de finances pour 2009 d'attirer l'attention du gouvernement et du Parlement sur la question du financement de l'audiovisuel extérieur de la France.

Rappelons que la subvention de l'Etat à la holding « Audiovisuel extérieur de la France » au titre du programme 115 de la mission « Médias » s'élève à 233 millions d'euros en 2009 .

A cette subvention s'ajoutent 65,3 millions d'euros au titre de la redevance audiovisuelle. Cette part de la redevance audiovisuelle, qui était auparavant directement versés à RFI, fait désormais l'objet d'un nouveau programme 844 intitulé « Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure » du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel ».

Ainsi, au total, les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur représentent 298 millions d'euros pour 2009 , soit une quasi-reconduction de la dotation pour 2008 (296 millions d'euros), à périmètre constant.

A titre de comparaison, le financement de l'audiovisuel public national au titre de la redevance audiovisuelle représente près de 3 milliards d'euros (dont 2 milliards d'euros pour France Télévisions) en 2009, auxquels s'ajoutent 473 millions d'euros de subventions pour compenser la perte de recettes publicitaires.

La dotation d'Arte, chaîne franco-allemande, s'élève, à elle seule, à 300 millions d'euros , dont plus de 230 millions d'euros au titre de la redevance, soit l'équivalent de l'ensemble des crédits des opérateurs de l'audiovisuel extérieur, pour une couverture mondiale.

Et, selon le document de programmation triennale, la subvention versée à la holding « Audiovisuel extérieur de la France » devrait même diminuer sur les trois prochaines années, puisqu'elle passerait de 233 millions d'euros en 2009, à 218 millions d'euros en 2010, puis à 203 millions d'euros en 2011, même si ces montants sont encore indicatifs à ce stade.

EVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION MÉDIAS
SUR LA PÉRIODE 2009-2011

Avertissement : La répartition par programme, ferme pour le PLF 2009, est indicative pour les 2 ème et 3 ème années. Les plafonds par mission sont fermes.

Mission/Programme

PLF

2009

2010

2011

Médias

Plafond AE

Plafond CP

1 017 131 337

1 012 131 337

1 005 506 337

1 000 506 337

994 019 150

989 019 150

Contribution au financement de l'audiovisuel public

473 000 000

480 875 000

488 887 813

Audiovisuel extérieur de la France

233 070 000

218 070 000

203 070 000

Source : PAP Médias annexé au projet de loi de finances pour 2009

Dans ce contexte, votre Rapporteur pour avis s'interroge : la poursuite de la réforme de l'audiovisuel extérieur ne risque-t-elle pas d'être compromise faute de financements suffisants ?

Certes, le développement des synergies et des mutualisations entre les différents opérateurs devrait favoriser les économies d'échelle. Ainsi, France 24 et TV5 Monde se sont associés pour partager le même plateau de télévision lors de la récente élection présidentielle américaine. Mais toute réforme nécessite dans un premier temps un certain effort financier avant de pouvoir générer des économies d'échelle.

De plus, le secteur audiovisuel est marqué par une très forte concurrence et par le développement de nouvelles technologies. On pense notamment au basculement de l'analogique au numérique ou encore au multimédia (télévision sur Internet ou sur téléphonie mobile). Or, ces nouvelles technologies demandent un investissement financier important au départ.

Les besoins estimés de financement des différents opérateurs pour 2009 sont les suivants :

- 117 millions d'euros demandés par France 24 comme le prévoit la convention de subvention signée avec l'Etat, dont 91,7 millions d'euros correspondant aux 88,5 millions d'euros prévus en 2008 et revalorisés à hauteur de 3,7 %, auxquels s'ajoutent 25,3 millions d'euros demandés par France 24 pour étendre la couverture de la chaîne à l'Amérique du Nord et à l'Asie, et renforcer sa couverture linguistique en langue arabe.

- 72 millions d'euros demandés par TV5 Monde, correspondant à une légère progression de la dotation de 2008 (70 millions d'euros);

- 133 millions d'euros correspondant à la dotation de RFI pour 2008.

Au total, le besoin de financement de l'audiovisuel extérieur estimé pour 2009 s'élève donc à 322 millions d'euros, alors que la dotation publique pour 2009 n'est que de 298 millions d'euros, soit un manque de financement de l'ordre de 25 millions d'euros.

La répartition des financements entre les différents opérateurs par les dirigeants de la holding risque donc fort d'être un exercice délicat en 2009.

En tout état de cause, une forte diminution des financements de l'audiovisuel extérieur (de l'ordre de 15 et 30 millions d'euros), telle qu'envisagée pour 2010 et 2011, apparaît difficilement compatible avec les objectifs de la réforme.

Dans un contexte très concurrentiel, marqué par le développement de nouvelles technologies, il semble à votre Rapporteur pour avis que la réforme de l'audiovisuel extérieur risquerait d'être compromise si ses moyens venaient à diminuer fortement dans les prochaines années.

C'est la raison pour laquelle, tout en étant conscient des fortes contraintes budgétaires qui pèsent sur notre pays, votre Rapporteur pour avis avait proposé plusieurs amendements à l'occasion du projet de loi de finances pour 2009 permettant de garantir, sur un mode pérenne, le financement de l'audiovisuel extérieur.

En particulier, il avait proposé deux amendements, qui avaient été adoptés par la commission des Affaires étrangères et de la Défense, visant à transférer la part de la redevance audiovisuelle actuellement versée à l'Institut national de l'Audiovisuel (INA) pour les affecter à l'audiovisuel extérieur, cette part de redevance, qui représente plus de 86 millions d'euros, étant intégralement compensée par une réduction d'un montant équivalent de la subvention versée à la holding « Audiovisuel extérieur de la France ».

Ainsi, cette opération, neutre sur le plan budgétaire pour l'année 2009, aurait permis de garantir à l'audiovisuel extérieur un financement sur la durée (constitué, pour moitié, de subventions publiques et, pour une autre moitié, des recettes issues de la redevance), puisque, à la différence des subventions publiques, la redevance audiovisuelle est une recette dynamique, qui n'est pas soumise à l'aléa budgétaire.

Il lui semblait, en effet, que des sociétés audiovisuelles, telles que TV5 Monde, RFI et France 24, avaient davantage vocation à être financées par le biais de la redevance audiovisuelle qu'un organisme comme l'INA, établissement public chargé de l'archivage des émissions radiophonique et télévisées.

Devant les réticences à la fois du gouvernement et de nos collègues de la commission des Affaires culturelles, votre Rapporteur pour avis a toutefois accepté, lors du débat en séance publique de retirer ces amendements, tout en obtenant de la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Christine Albanel, l'engagement que la question du financement pérenne de l'audiovisuel extérieur soit examinée à l'occasion du futur contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la holding.

Tels qu'ils ont été adoptés par l'Assemblée nationale, les deux projets de loi ne remettent pas en cause le mode actuel de financement de l'audiovisuel extérieur.

En effet, comme il a été mentionné précédemment, la suppression progressive de la publicité ne s'appliquera pas à l'audiovisuel extérieur. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir des ressources supplémentaires visant à compenser la perte des recettes publicitaires, qui, de toute manière, sont assez marginales s'agissant des opérateurs de l'audiovisuel extérieur.

Cependant, afin de trouver des ressources supplémentaires pour compenser la perte des recettes publicitaires pour France Télévisions (dont le coût a été évalué à 450 millions d'euros pour la première étape, c'est-à-dire pour la suppression de la publicité après 20 heures), la « tentation » existe de transférer la part de la redevance audiovisuelle versée aujourd'hui à l'audiovisuel extérieur (soit 65 millions d'euros) pour l'affecter à France Télévisions.

L'argument souvent employé pour justifier cette mesure consiste à dire qu'il n'est pas normal que les Français payent une part de redevance à des médias qu'ils ne peuvent regarder ou écouter sur le territoire national.

Or, cet argument ne me paraît pas réellement pertinent.

En effet, Radio France Internationale peut être écoutée en région parisienne, et TV5 Monde et France 24 sont disponibles sur le câble et le satellite. La sortie de TF1 du capital de France 24 devrait en outre permettre sa diffusion sur l'ADSL, puisque TF1 s'opposait jusqu'à présent à la diffusion de cette chaîne sur le territoire, pour ne pas concurrencer sa filiale LCI. De plus, de nombreux Français résident ou voyagent à l'étranger.

En outre, dès lors que la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est érigée en société nationale de programme, il peut sembler logique qu'elle soit financée en partie par le biais de la redevance audiovisuelle, à l'image des autres sociétés nationales de programme comme France Télévisions et Radio France.

En tout état de cause, la question du financement pérenne de l'audiovisuel extérieur présente une importance particulière.

Votre Rapporteur pour avis estime donc que cette question mérite d'être évoquée à l'occasion du débat en séance publique sur ce projet de loi.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, ainsi modifiés.

ANNEXE - AUDITION DE M. ALAIN DE POUZILHAC, PRÉSIDENT DIRECTEUR GENERAL, ET DE MME CHRISTINE OCKRENT, DIRECTRICE GÉNÉRALE DELEGUEE DE LA SOCIÉTÉ « AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE » AU SENAT LE 2 DECEMBRE 2008

Au cours d'une réunion, le 2 décembre 2008, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a procédé, conjointement avec la commission des affaires culturelles, à l'audition de M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général, et de Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée, de la société Audiovisuel extérieur de la France, sur les aspects relatifs à l'audiovisuel extérieur du projet de loi organique n° 1208 rectifié (AN-13 e législature) relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi n°1209 (AN-13 e législature) relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que le Sénat serait prochainement appelé à se prononcer sur les deux projets de loi relatifs à la réforme de l'audiovisuel public, actuellement discutés à l'Assemblée nationale, et il a indiqué que la commission des affaires culturelles serait saisie au fond de ces deux textes et que la commission des affaires étrangères et de la défense avait souhaité se saisir pour avis sur les dispositions de ces deux projets de loi qui intéressent directement l'audiovisuel extérieur. Il a invité les deux dirigeants de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France à présenter les principaux aspects de la réforme de l'audiovisuel extérieur.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, s'est félicité de cette audition commune qui illustre l'intérêt des deux commissions pour les questions relatives à l'audiovisuel extérieur et il a souhaité avoir des précisions sur la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur.

M. Alain de Poulzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, a indiqué que la société holding Audiovisuel extérieur de la France avait été créée en avril 2008 avec pour mission de définir les priorités stratégiques et d'encourager les synergies entre les différents opérateurs. Cette société a vocation à regrouper l'ensemble des participations publiques dans les différentes sociétés de l'audiovisuel extérieur, c'est-à-dire TV5 Monde, RFI et sa filiale en arabe Monte Carlo Doualiya ainsi que France 24.

A la demande des partenaires francophones (Suisse, Belgique, Canada, Québec), TV5 Monde occupe une place à part dans le nouvel ensemble, puisque la société holding ne détient que 49 % du capital de TV5 Monde, alors qu'elle devrait à terme détenir 100 % du capital de RFI et de France 24. TV5 Monde sera donc un partenaire, et non une filiale de la holding.

Par ailleurs, la prise de contrôle par la holding de France 24 s'avère complexe car le capital de cette chaîne est actuellement détenu à parité par TF1 et France Télévisions et l'Etat doit au préalable procéder au rachat des participations des deux actionnaires actuels. Des négociations ont donc été engagées qui ont abouti à un accord de principe, mais celui-ci est suspendu du fait de la discussion des deux projets de loi à l'Assemblée nationale. En conséquence, la société holding ne contrôle actuellement que RFI et partiellement TV5 Monde, puisque toute modification nécessite l'accord du conseil d'administration.

M. Alain de Pouzilhac a indiqué que, lors de leur prise de fonctions, avec Mme Christine Ockrent, à la tête de la société holding, la situation des différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur, à l'exception de France 24, était préoccupante avec de fortes baisses d'audience pour TV5 Monde et RFI et même des performances médiocres de Monte Carlo Doualiya.

Ainsi, Radio France Internationale est une radio qui dispose de nombreux atouts (journalistes d'une grande qualité et présence reconnue en Afrique francophone), mais faute de véritable stratégie et de pilotage, elle traverse une situation financière délicate avec un budget en déficit dont plus de la moitié concerne la masse salariale, et des taux d'audience en baisse notamment en Europe, où ils sont très faibles, entre 0 et 1 %, mais aussi en Afrique francophone où ils sont revenus de 30 à 20 %.

Des évolutions sont donc nécessaires en termes de grilles de programmes, de langues et de modes de diffusion, afin notamment de mieux utiliser les nouvelles technologies.

Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée, a indiqué que si RFI disposait en Afrique d'une légitimité particulière, d'une expertise reconnue et d'une spécificité par rapport à d'autres radios concurrentes comme la BBC, puisqu'elle émet en français, en anglais et en portugais, ce qui lui permet d'être écoutée sur l'ensemble du continent et d'être ainsi la seule radio véritablement africaine, des évolutions de la grille de programmes lui semblaient nécessaires afin de mieux tenir compte des attentes du public et d'élargir le champ des sujets traités à de nouveaux domaines qui intéressent directement les auditeurs et donnent une image plus positive des sociétés africaines en pleine transformation, comme, par exemple, la place de la femme ou le rôle du micro-crédit.

Une réflexion sur l'évolution de la grille des programmes a donc été lancée en concertation avec la rédaction et les journalistes de la radio.

M. Michel Thiollière, corapporteur des deux projets de loi au nom de la commission des affaires culturelles, s'est interrogé sur les perspectives d'évolution de la société Audiovisuel extérieur de la France et les financements dont elle dispose. Il a également souhaité savoir quelles synergies la société holding souhaitait développer entre RFI et France 24.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis des deux projets de loi au nom de la commission des affaires étrangères, a souhaité avoir des précisions sur la position des partenaires francophones de TV5 Monde lors de la récente conférence ministérielle de Vancouver et au sujet de la reprise par l'Etat de la participation de TF1 et de France Télévisions dans le capital de France 24.

Mme Catherine Morin-Desailly, corapporteur des deux projets de loi au nom de la commission des affaires culturelles, s'est interrogée sur le pilotage stratégique de l'audiovisuel extérieur, et son articulation avec le rattachement de la société sous la tutelle du Premier ministre par le biais de la direction de développement des médias (DDM). Elle a également souhaité avoir des précisions sur la stratégie de la société holding concernant les différents opérateurs.

Mme Catherine Tasca a souhaité avoir des précisions au sujet de Radio France Internationale et notamment des modifications envisagées en matière de programmation et de suppression de certaines langues.

En réponse M. Alain de Pouzilhac a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant de Radio France Internationale, un changement culturel est aujourd'hui nécessaire afin de tenir compte, dans un environnement très concurrentiel, des évolutions technologiques, comme la radio par internet, qui permet de toucher un public plus vaste que la diffusion en ondes courtes ou moyennes, par exemple en Chine, au Viêt Nam ou encore en Russie, ce qui suppose que les journalistes de RFI soient à la fois journalistes de radio, mais aussi capables d'utiliser ces nouvelles technologies ;

- le passage au multimédia est déjà bien avancé sur France 24 et il est en bonne voie sur TV5 Monde avec, par exemple, des programmes très novateurs concernant l'apprentissage du français ;

- le rattachement au Premier ministre de la holding ne pose pas de difficultés particulières, la société entretenant des contacts réguliers avec les différents ministères, comme le ministère des affaires étrangères et européennes ou le ministère de la culture et de la communication, qui sont d'ailleurs représentés au sein du conseil d'administration ;

- la réunion avec les partenaires francophones de TV5 Monde s'est très bien déroulée, grâce notamment à sa directrice générale, Mme Marie-Christine Saragosse, et on peut dire qu'aujourd'hui la réforme de l'audiovisuel extérieur est bien comprise et acceptée par les partenaires francophones ;

- la négociation sur la reprise par l'Etat de la participation de TF1 et de France Télévisions dans le capital de France 24 a abouti à la fixation d'un montant de 2 millions d'euros pour chacun d'entre eux, soit un niveau très inférieur à celui demandé au départ, mais cet accord reste suspendu du fait de la discussion des deux projets de loi ; il prévoit également des conventions entre TF1 et France 24 sur la fourniture d'images d'archives et de sport pour un montant global d'environ 1,6 million d'euros, ainsi qu'avec France Télévisions pour la retransmission d'images de journaux télévisés de France 2 et France 3 pour un montant total d'un million d'euros, contrats devant être conclus pour une durée de sept années ;

- le principal objectif de la réforme de l'audiovisuel extérieur vise à développer des synergies entre les différents opérateurs, par exemple, en matière de distribution, en matière de programmes ou de multimédias ;

- TV5 Monde est menacée par le basculement de l'analogique au numérique, ce qui rend nécessaire des synergies en matière de distribution notamment ;

- le financement de l'audiovisuel extérieur représente 300 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009, ce qui correspond à une augmentation de 0,8 % par rapport à 2008, soit un montant insuffisant au regard de ce que prévoit la convention de partenariat entre France 24 et l'Etat et la progression de la charge liée à la masse salariale de RFI.

Mme Christine Ockrent a précisé qu'il existait une réelle complémentarité entre les différentes sociétés de l'audiovisuel extérieur, qui comprennent une chaîne généraliste comme TV5 Monde, une chaîne d'information en continu telle que France 24 et une radio d'information comme RFI, mais qu'il était possible de développer des synergies entre ces différentes entités, comme cela a été le cas lors de la couverture de la récente élection présidentielle américaine.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a fait observer que l'apport initial de TF1 et de France Télévisions dans le capital de France 24 était de 17 500 euros chacun et qu'un montant de 2 millions d'euros représentait pour chacune de ces sociétés une réelle plus-value. Elle a souhaité revenir sur la situation de RFI, dont elle a salué la qualité du travail des journalistes, en émettant le voeu que cette radio soit accessible sur l'ensemble du territoire national et qu'elle développe ses programmes en Afrique dans les langues vernaculaires.

En réponse, M. Alain de Pouzilhac a indiqué que, malgré la qualité de ses programmes, RFI connaissait de fortes baisses d'audience, par exemple d'un quart en Île-de-France et que sa présence sur internet était très insuffisante. Le projet de suppression de certaines langues de diffusion, comme l'allemand, le polonais ou l'albanais, vise à tenir compte de la très faible audience de ces programmes, évaluée à quelques milliers d'auditeurs par jour dans ces pays, et à redéployer les moyens disponibles notamment en Afrique, pour assurer une plus large diffusion en français, en anglais et en portugais, mais aussi dans les langues locales.

Enfin, malgré un budget non négligeable de 133 millions d'euros, ce qui en fait l'opérateur le mieux doté de l'audiovisuel extérieur, RFI s'est longtemps caractérisée par une culture de cogestion avec les syndicats qui apparaît incompatible avec une véritable culture d'entreprise où les syndicats et la direction jouent tous leur rôle, mais chacun à sa place.

Mme Catherine Tasca a souhaité savoir si la sortie de TF1 du capital de France 24 permettrait à cette chaîne d'être diffusée sur le territoire, ce qui n'a jamais été possible jusqu'ici du fait du refus de TF1.

Elle s'est également interrogée sur la place du ministère des affaires étrangères et européennes dans le pilotage de l'audiovisuel extérieur.

M. Alain de Pouzilhac a indiqué que la reprise par l'Etat de la participation de TF1 dans le capital de France 24 permettrait sa diffusion sur l'ADSL mais que sa diffusion sur la TNT supposerait une modification de son cahier des charges. Il a également indiqué que la société entretenait des relations avec le ministère des affaires étrangères et européennes dont la vision géopolitique était indispensable à l'audiovisuel extérieur tout comme avec les autres ministères concernés, comme le ministère de la culture, de l'économie et des finances, et l'agence de participations de l'Etat.

M. Jacques Legendre, président, s'est interrogé, pour sa part, sur les conséquences, pour l'audiovisuel extérieur, du rattachement de la direction du développement des médias au ministère de la culture et de la communication dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Mme Christine Ockrent a indiqué que les deux ministères étaient représentés au conseil d'administration de la holding et, selon les informations dont elle dispose, qu'un rattachement de la holding au ministère de la culture et de la communication n'était pas à l'ordre du jour.

M. Jean Besson a regretté que France 24 et TV5 Monde ne soient pas toujours disponibles dans les hôtels.

M. Alain de Pouzilhac a indiqué qu'en sa qualité de président du directoire de France 24, sa stratégie visait précisément à renforcer la présence de cette chaîne dans les hôtels et, plus généralement, à cibler les leaders d'opinion, c'est-à-dire les responsables politiques et économiques, notamment de la génération des 30-40 ans. Cette stratégie suppose toutefois une couverture mondiale et une programmation en plusieurs langues, comme l'arabe, mais elle se heurte à un manque de financement de l'Etat.

Ainsi France 24 n'est actuellement pas disponible en Amérique du Nord et en Amérique du Sud, à l'exception du siège des Nations unies à New-York et à Washington, et elle ne dispose que d'un décrochage de quatre heures en langue arabe. La convention conclue avec l'Etat prévoit une extension et une augmentation des financements correspondants, mais la dotation pour 2009 est insuffisante pour tenir cet engagement.

France 24, élue chaîne d'information de l'année, dispose de fortes parts de marché, notamment au Maghreb, où elle est la deuxième chaîne après Al Jazeera, et plus faibles en Europe, de l'ordre de 4,5 %, avec d'ailleurs de meilleurs résultats lorsqu'elle est diffusée en anglais, comme en Irlande ou au Portugal, que lorsqu'elle est uniquement disponible en français, comme en Italie. Le site internet de France 24 est également très visité.

M. Jacques Legendre, président, a remercié les deux dirigeants de la société Audiovisuel extérieur de la France pour la franchise de leurs propos, notamment au sujet de la situation de RFI et des moyens destinés à l'audiovisuel extérieur.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que la commission des affaires étrangères et de la défense avait adopté, sur proposition de son rapporteur pour avis, M. Joseph Kergueris, lors de l'examen des crédits de la mission « Médias » du projet de loi de finances pour 2009, plusieurs amendements visant à garantir un financement pérenne de l'audiovisuel extérieur.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1

ARTICLE 2

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour le IV de l'article 44 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, remplacer les mots :

fourniture d'informations relatives

par les mots :

programmation et la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de services de communication publique en ligne relatifs

Amendement n° 2

ARTICLE 2

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour le IV de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, remplacer les mots :

langue étrangère

par les mots :

langues étrangères

Amendement n° 3

ARTICLE 2

Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour le IV de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication,

I. Après le mot :

définit

Insérer les mots :

ou contribue à définir

II. Supprimer les mots :

, le cas échéant,

Amendement n° 4

ARTICLE 7

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 47-3 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, remplacer le mot :

treize

par le mot :

quatorze

Amendement n° 5

ARTICLE 7

Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article 47-3 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :

2° Cinq représentants de l'Etat ;

Amendement n° 6

ARTICLE 7

Rédiger comme suit le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article 47-3 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :

3° Cinq personnalités indépendantes nommées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à raison de leur compétence, dont une au moins disposant d'une expérience reconnue dans le domaine de la francophonie ;

Amendement n° 7

ARTICLE 15

Après la première phrase du deuxième alinéa du 1°bis du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, insérer une phrase ainsi rédigée :

En ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, tout nouveau cahier des charges est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Amendement n° 8

ARTICLE 15

Compléter la première phrase du troisième alinéa du 1°bis du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, par une phrase ainsi rédigée :

Le rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Amendement n° 9

ARTICLE 18

Après le a) du 5° du texte proposé par cet article pour l'article 53 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après la première phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

Le contrat d'objectifs et de moyens de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Amendement n° 10

ARTICLE 18

Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du b) du 5° du texte proposé par cet article pour l'article 53 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, insérer une phrase ainsi rédigée :

En ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, cet avis est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Amendement n° 11

ARTICLE 18

Au 7°bis du texte proposé par cet article pour l'article 53 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après les mots :

devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances

insérer les mots :

ainsi que, en ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, devant les commissions chargées des affaires étrangères

* 1 « La politique audiovisuelle extérieure de la France », rapport de M. Francis Balle, La Documentation française, Paris, 1996

Communication de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, sur la politique de l'audiovisuel extérieur (conseil des ministres du 30 avril 1998).

« Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence », rapport n° 91 de M. Louis Duvernois, présenté le 1 er décembre 2004, au nom de la commission des Affaires culturelles du Sénat.

« L'audiovisuel extérieur : quels choix pour demain ? », rapport n° 3589 présenté par M. François Rochebloine, au nom de la mission d'information de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, le 17 janvier 2007.

* 2 Dont 18,5 millions d'euros abondés en cours d'année par décret d'avance

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