Avis n° 69 (2010-2011) de M. Alain VASSELLE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 octobre 2010


N° 69

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur,

Rapporteur général

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mmes Christiane Demontès, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, André Villiers.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2823 , 2840 et T.A. 549

Sénat :

66, 78 et 79 (2010-2011)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Pour la seconde fois, un projet de loi de programmation des finances publiques est soumis à l'examen du Parlement.

Cette nouvelle catégorie de lois a été instituée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a inséré un nouvel alinéa à l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel :

«  Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »

Le Parlement est donc conduit à approuver la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques qui, jusqu'à présent, était élaborée du seul fait du Gouvernement, à l'occasion de la transmission, au début du mois de décembre, du programme de stabilité à la Commission européenne.

Désormais, cette programmation fait donc l'objet d'un vote, ce qui constitue un réel progrès, comme l'est aussi l'approche globale que cette nouvelle catégorie de lois permet d'avoir sur les comptes publics, en intégrant les finances de l'Etat, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités territoriales dans un même ensemble et en les insérant dans une perspective pluriannuelle.

Jusque là, en termes de débats généraux, outre le débat d'orientation des finances publiques d'avant l'été, existait seulement celui sur l'évolution des prélèvements obligatoires. Seule notre Haute assemblée d'ailleurs le tient chaque année, avant d'examiner les projets de loi financiers annuels. Il a eu lieu l'année dernière à la même époque ; il est joint cette année à la discussion du présent projet de loi. Ce débat sur les prélèvements obligatoires est évidemment un exercice très utile car il permet un débat d'ensemble, mais il ne concerne qu'un aspect du sujet, celui des recettes, la réflexion sur les dépenses étant renvoyée aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale. En outre, que ce soit pour le débat d'orientation ou le débat sur les prélèvements obligatoires, seule l'année suivante est concernée.

Tous ces éléments militent clairement en faveur de l'approche retenue par ces nouvelles lois de programmation.

En matière sociale toutefois, la démarche n'est pas entièrement nouvelle puisque, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être accompagné d'une annexe B qui comporte une projection pour les quatre années à venir, tant pour les recettes que pour les dépenses, à la fois pour le régime général et l'ensemble des régimes obligatoires de base.

Votre commission a souvent critiqué cette annexe au cours des derniers exercices, même si d'année en année, son contenu s'est amélioré. S'il faut en faire un bilan, il apparaît que malgré ses limites, notamment en termes de fiabilité et de durabilité des projections, elle a le mérite incontestable de proposer une trajectoire et de faire apparaître des tendances qui montrent avec beaucoup de clarté les difficultés du chemin du redressement des comptes et du retour à l'équilibre.

Le présent projet de loi de programmation est un outil plus complet et plus cohérent car il permet d'éclairer de façon plus lisible et transparente le débat public sur l'ensemble de nos finances publiques, c'est-à-dire sur un ensemble qui représente environ la moitié de la richesse nationale.

Ce projet de loi n'est toutefois qu'une programmation. Cela signifie que les prérogatives du législateur financier, comme celles du législateur financier social, sont préservées, de même que les domaines respectifs des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Cette situation pourrait toutefois évoluer si le Gouvernement retenait la proposition récemment avancée par le groupe de travail, présidé par Michel Camdessus, sur la règle d'équilibre des finances publiques, de créer une nouvelle catégorie de loi, les lois-cadre de programmation des finances publiques  qui s'imposeraient juridiquement aux lois de finances et aux lois de financement, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

Le Premier ministre a engagé une large consultation sur les conclusions de ce groupe de travail ainsi que sur une éventuelle réforme en profondeur du pilotage des finances publiques, qui pourrait aller jusqu'à l'introduction, dans la constitution, d'une règle d'équilibre des finances publiques. Ce débat nécessite à l'évidence une réflexion approfondie. Pour votre commission, l'expérience des deux dernières années - et singulièrement du premier projet de loi de programmation des finances publiques - doit rendre particulièrement prudents en la matière.

La loi de programmation votée il y a deux ans est de fait intervenue dans un contexte très particulier : la crise financière venait de se déclarer et ses conséquences sur l'économie « réelle » étaient encore très incertaines. Aussi, la pertinence de l'exercice a été très vite remise en question.

Comme l'indique le Gouvernement dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, « la trajectoire des comptes publics inscrite dans la loi de programmation du 9 février 2009 a été rendue caduque par la crise économique et financière qui a conduit à une dégradation rapide et marquée des finances publiques ». Le Gouvernement ayant fait le choix, d'une part, de laisser jouer le libre jeu des stabilisateurs automatiques, d'autre part, de mettre en place un plan de relance significatif, les déficits et la dette publics se sont envolés vers des montants encore jamais atteints.

Il importe désormais de remédier aux déséquilibres budgétaires et financiers considérables que connait notre pays et de remettre nos comptes publics sur une trajectoire de désendettement, à la fois crédible et efficace. L'exercice est naturellement bien plus complexe qu'il ne l'était il y a deux ans.

L'objectif clairement affiché par le Président de la République lors des conférences nationales des finances publiques du printemps dernier, et repris dans le dernier programme de stabilité présenté à nos partenaires européens, est de ramener le déficit public à 3 % du Pib en 2013.

Pour 2011, l'objectif considéré comme « majeur et intangible » est de parvenir à un déficit public de 6 % du Pib.

Le présent projet de loi de programmation a pour but d'associer pleinement le Parlement à la définition des moyens de parvenir à ces objectifs.

La situation actuelle des comptes publics, la vigueur de la compétitivité internationale, les attentes de nos concitoyens sont autant d'éléments qui justifient pleinement qu'une telle démarche soit aujourd'hui adoptée.

I. UNE NOUVELLE APPROCHE, DE NOUVEAUX OUTILS

Le présent projet de loi a plusieurs mérites : il officialise une approche globale et pluriannuelle des finances publiques, il propose un contenu clair et lisible pour traduire cette démarche et il met en place des outils pour la mettre en oeuvre.

A. UNE APPROCHE GLOBALE ET PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

En instituant une programmation des finances publiques, le Gouvernement retient plusieurs principes, au premier rang desquels l'affirmation que l'effort de redressement doit engager l'ensemble des administrations publiques , c'est-à-dire l'Etat et les diverses administrations centrales, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.

1. Une vision d'ensemble des comptes

La loi de programmation s'inscrit dans le cadre d'un processus, engagé il y a plusieurs années, pour développer une approche plus générale des comptes publics afin d'éviter les problèmes de frontières et les interactions entre les différentes catégories d'administrations.

La récurrence des problèmes liés aux relations financières entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale en était, par exemple, l'une des principales manifestations.

Cette approche générale, déjà rendue nécessaire par les obligations européennes de présentation chaque année à la Commission d'un programme de stabilité , s'est, pendant plusieurs années, limitée au débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires , que seul le Sénat mettait en oeuvre dans les tout premiers jours de novembre, avant la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et de finances, l'Assemblée nationale n'ayant jamais pu intégrer ce débat dans son ordre du jour chargé du début de la session ordinaire. Cette année, ce débat au Sénat est couplé au débat portant sur le présent projet de loi.

Les débats d'avant l'été sur les orientations budgétaires et des finances sociales, transformés en un débat unique depuis le mois de juin 2008 dénommé débat sur l'orientation des finances publiques , ont également contribué à favoriser l'approche globale des comptes.

Plusieurs structures, enfin, ont été mises en place pour favoriser cette approche d'ensemble :

- les conférences des finances publiques , réunies à plusieurs reprises, notamment en janvier et mai derniers sous la présidence du Président de la République, qui rassemblent, outre le Gouvernement et les parlementaires, l'ensemble des parties prenantes aux finances publiques : Etat, collectivités territoriales, régimes de sécurité sociale ;

- le ministère des comptes publics, créé au printemps 2007 dans le cadre de la nouvelle structure gouvernementale. Ce ministère, en charge à la fois des finances de l'Etat et de celles de la sécurité sociale, a ouvert la possibilité d'une appréciation gouvernementale réellement globale sur les finances publiques, qui a longtemps fait défaut et trop souvent permis des défausses d'un ensemble financier sur l'autre, ce que votre commission ne manquait pas de dénoncer et qui aboutissait généralement à ce que la sécurité sociale soit une variable d'ajustement du budget de l'Etat. La création d'un ministère des comptes publics a très largement remédié à ces difficultés, au nom d'une approche enfin globale des comptes publics.

2. Une perspective pluriannuelle

Le présent projet de loi définit pour la période 2011 à 2014 une « trajectoire en dépenses et en recettes » pour les finances publiques dans leur ensemble et une programmation triennale plus précise par mission pour les dépenses de l'Etat.

Il retient donc, comme la première loi de programmation du 9 février 2009 et comme l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une perspective quadriennale , tandis qu'il maintient parallèlement la présentation de budget de l'Etat sous une forme glissante et triennale.

Conformément au nouvel objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques, inscrit à l'article 34 de la constitution, il propose une stratégie de redressement des comptes qui vise une baisse progressive mais substantielle des déficits publics à 6 % en 2011 , objectif considéré comme « majeur et intangible », puis 4,6 % en 2012, 3 % en 2013 et 2 % en 2014.

Pour parvenir au respect de cet objectif de la programmation, le projet de loi qui se place explicitement dans le cadre des engagements européens de la France, propose un certain nombre de lignes directrices, tant en matière de dépenses que de recettes. Il comporte également quelques autres modalités destinées à contribuer au respect de l'objectif.

Le texte comporte cinq chapitres :

- le chapitre I er fixe les objectifs généraux des finances publiques et contient la programmation du redressement des comptes sur la période 2011-2014, avec l'évolution du besoin de financement par catégorie d'administrations et une évolution de la dette publique, année après année ;

- le chapitre II porte sur l'évolution des dépenses de l'ensemble des administrations publiques, ainsi que, plus précisément, sur celles de l'État et de la sécurité sociale ;

- le chapitre I est relatif aux recettes de l'Etat et de la sécurité sociale ;

- le chapitre IV vise à limiter le recours à l'endettement pour certains organismes publics ;

- le chapitre V prévoit de renforcer l'information du Parlement et organise le suivi de la mise en oeuvre de la programmation, avec en particulier la réalisation d'un bilan annuel de la loi.

Il convient de noter que les articles relatifs aux dépenses et aux recettes prévoient des objectifs chiffrés en milliards d'euros pour chaque année de la programmation.

3. Une information encore incomplète

Si le rapport annexé comporte plus d'éléments que celui présenté avec la loi de 2009, il n'en reste pas moins encore incomplet sur un certain nombre de points.

Comme dans la plupart des documents remis au Parlement à l'occasion des débats annuels sur les prélèvements obligatoires ou sur l'orientation des finances publiques, il fournit des informations dont le degré de précision et de détail est bien plus développé pour les prévisions sur le budget de l'Etat que sur celles des finances de la sécurité sociale.

Votre commission l'a maintes fois dénoncé. Elle ne peut, par exemple, se satisfaire des propos extrêmement généraux et flous qui figurent dans le rapport annexé au présent projet de loi sur l'évolution des dépenses de la branche famille, alors que celles-ci représentent un montant très substantiel, soit environ 55 milliards d'euros. Il y est en effet simplement mentionné « l'impératif d'adapter la politique familiale aux évolutions économiques et sociales ».

De la même façon le rapport sur les prélèvements obligatoires transmis cette année au Parlement est particulièrement succinct en ce qui concerne les prélèvements sociaux.

Votre commission regrette une nouvelle fois que les informations et analyses soient aussi déséquilibrées entre les différents secteurs. Sur les dépenses d'assurance maladie, en particulier, les éléments disponibles sont clairement insuffisants. Il est impératif de progresser dans ce domaine.

B. DES OUTILS POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE

Comme dans la première loi de programmation du 9 février 2009, le présent projet de loi comporte un volet de mesures destiné à favoriser la mise en oeuvre des objectifs de la programmation.

1. Des règles d'encadrement des niches fiscales et sociales

Afin de respecter les principes énoncés, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a édicté des règles destinées à encadrer les dispositifs dérogatoires, tant en matière fiscale que sociale.

L'article 10 de cette loi a fixé le principe de l'interdiction de l'adoption de mesures nouvelles qui auraient pour conséquence la diminution des ressources affectées au budget de l'Etat ou à la sécurité sociale.

Cette contrainte doit s'apprécier par rapport à un montant défini pour chaque année de la période de programmation.

L'article 11 a posé une règle de gage : toute création ou extension d'une niche fiscale ou sociale devra être compensée par la suppression ou la diminution d'une autre de ces niches pour un montant équivalent.

Cette règle s'apprécie pour l'ensemble des changements législatifs intervenus en cours d'année, dans le domaine fiscal, d'une part, dans le champ social, d'autre part.

Par ailleurs, les dispositifs institués pendant la période de programmation ne seront valables que pendant les quatre années qui suivront leur entrée en vigueur.

L'article 12 a prévu que, chaque année, avant le 15 octobre, le Gouvernement présente au Parlement un objectif annuel de coût des niches fiscales et sociales, ainsi qu'un bilan des dispositifs créés, modifiés ou supprimés au cours de l'année qui précède. Par ailleurs, dans les trois années suivant l'entrée en vigueur d'une nouvelle mesure, le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport d'évaluation de l'efficacité et du coût de la mesure considérée. Enfin, avant le 30 juin 2011, tous les dispositifs actuellement en vigueur devront avoir été évalués.

2. Un dispositif renforcé et adapté pour l'après-crise

Le présent projet de loi de programmation, dont l'article 14 abroge explicitement la loi de 2009, reprend les règles de bonne gouvernance alors fixées, tout en essayant d'en renforcer la portée.

L'article 9 fixe un montant minimum de hausse des prélèvements obligatoires à réaliser chaque année, ce qui est une nouveauté. Cela signifie en particulier que le redressement des comptes au cours des prochaines années ne pourra passer par la simple maîtrise rigoureuse des dépenses mais que les recettes devront aussi y contribuer, pour une part, certes modeste, mais réelle néanmoins.

Il indique aussi que le coût des niches fiscales et sociales devra être stabilisé en valeur pendant toute la période de la programmation.

Cette règle, différente de la règle de gage adoptée il y a deux ans - pas de création de dispositif dérogatoire sans suppression de mesure équivalente - est sans doute mieux adaptée à une période probable de hausse du produit des recettes, liée aux circonstances de l'après-crise. Il conviendra surtout qu'elle soit mieux appliquée que la précédente règle de gage, très insuffisamment respectée, comme l'a déploré à plusieurs reprises la Cour des comptes au cours des derniers mois.

L'article 9 bis définit une durée limitée à quatre ans pour chaque nouvelle création ou extension de dispositifs dérogatoire. Là encore il s'agit d'une mesure de bonne gestion qui doit conduire à mieux évaluer les dispositifs dérogatoires ou incitatifs votés. Comme le souligne le Conseil des prélèvements obligatoires dans son dernier rapport sur les niches fiscales et sociales des entreprises, le recours à ces mécanismes est fréquent mais, une fois mis en place, ils sont difficiles à supprimer.

L'article 10 pose le principe de l'affectation au désendettement de tout surplus de recettes constaté par rapport aux évaluations des lois de finances et de financement.

Cette règle a déjà figuré dans d'autres projets de loi. Votre commission elle-même l'a proposée, sous la forme d'une clause de retour à meilleure fortune, lorsqu'elle examinait le projet de loi organique sur la gestion de la dette sociale récemment adopté par le Parlement.

Les articles 12 et 13 prévoient que, chaque année, au début du mois d'octobre, dans les délais impartis aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement présente au Parlement une prévision annuelle de coût des niches fiscales et sociales, ainsi qu'un bilan des dispositifs créés, modifiés ou supprimés au cours de l'année qui précède. Par ailleurs, dans les trois années suivant l'entrée en vigueur d'une nouvelle mesure, le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport d'évaluation de son efficacité et de son coût. Avant le 30 juin 2011, tous les dispositifs en vigueur au 1 er janvier 2009 devront avoir été évalués. Enfin, comme pour toute loi de programmation, un bilan annuel de la mise en oeuvre de la loi devra être présenté au Parlement.

Malgré la loi de 2009, trop peu de dispositifs ont à ce jour fait l'objet d'une évaluation approfondie , mettant en regard, d'une part, les résultats obtenus par rapport à ceux qui étaient escomptés, d'autre part, leur coût par rapport aux avancées réalisées.

De ce point de vue, l'annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, même si son contenu s'est indéniablement enrichi depuis deux ans, ne fournit pas encore les éléments d'évaluation nécessaires pour remettre en question les dispositifs les moins performants.

Votre commission sera donc très vigilante sur le respect du délai du 30 juin 2011 pour la remise du rapport d'évaluation de l'ensemble des niches fiscales et sociales en vigueur à la date de la précédente loi.

II. UNE TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DES DÉFICITS AMBITIEUSE

La situation profondément dégradée des comptes budgétaires et sociaux et l'envolée de la dette publique exigent à l'évidence des mesures fortes pour engager le redressement des finances publiques. Le projet de loi de programmation définit la trajectoire et décrit les moyens que le Gouvernement se donne pour y parvenir.

A. DES OBJECTIFS PRÉCIS DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE INCERTAIN

Le projet de loi est accompagné d'un rapport qui précise le contexte macro-économique, avec notamment les hypothèses retenues, ainsi que les objectifs poursuivis pour, respectivement, les finances de l'Etat, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales.

1. Des hypothèses volontaristes

Pour ce qui est des finances sociales, les principales hypothèses macro-économiques pertinentes, qui sont d'ailleurs identiques avec celles que l'on trouve dans l'annexe B du PLFSS pour 2011 figurent dans le tableau ci-après.

Hypothèses d'évolution en moyenne annuelle sur la période 2010-2014

2010

2011

2012-2014

Pib (en volume)

1,5 %

2,0 %

2,5 %

Masse salariale du secteur privé

2,0 %

2,9 %

4,5 %

Inflation hors tabac

1,5 %

1,5 %

1,75 %

Elles tablent sur :

- un redressement progressif de la croissance en 2010 et 2011 avec des taux respectifs de 1,5 % et 2 %, puis plus dynamique, avec un taux moyen de 2,5 % par an à partir de 2012 ;

- une augmentation de la masse salariale - élément qui détermine les trois quarts des recettes de la sécurité sociale - estimée à 2 % en 2010, à 2,9 % en 2011 et à 4,5 % par an les trois années suivantes ;

- une inflation hors tabac de 1,5 % en 2010 et 2011, puis de 1,75 % les années suivantes.

Le Gouvernement justifie le rebond de croissance par le dynamisme de l'investissement et la bonne tenue de la consommation, notamment grâce aux créations d'emplois, dans un contexte de croissance mondiale qui avance au rythme d'avant crise, et cela en dépit du ralentissement de la demande publique. Au total, le scénario présente une hypothèse de croissance un peu supérieure à la croissance potentielle, soit 2 %, ce que le Gouvernement estime normal en sortie de crise afin de réduire progressivement le déficit d'activité.

Pour la masse salariale , la prévision arrête une augmentation annuelle de 4,5 % à partir de 2012. Ce taux est moins ambitieux que celui inscrit dans l'annexe B d'il y a un an, qui retenait 5 % par an en moyenne de 2011 à 2013, mais il reste au-delà des montants enregistrés précédemment : ainsi, au cours des dix années qui ont précédé la crise, c'est-à-dire de 1998 à 2007, la progression moyenne de la masse salariale était de 4,1 % par an. Là encore, la prévision est justifiée par un effet de rattrapage des pertes considérables de croissance enregistrées en 2009 et au cours de la première partie de 2010.

2. Des prévisions aléatoires

L'art de la prévision est difficile, comme en témoignent les importants écarts constatés entre la réalité et les projections effectuées ces dernières années.

Ainsi, il y a deux ans, le Gouvernement promettait, dans ses différents scénarios, un retour à l'équilibre de la sécurité sociale en 2012. Il y a un an, crise oblige, les prévisions quadriennales de l'annexe B envisageaient une toute autre réalité avec un déficit difficilement stabilisé aux alentours de 30 milliards jusqu'en 2013 au moins. La prévision de cette année modifie à nouveau sensiblement cette projection avec un déficit du régime général d'environ 20 milliards aujourd'hui, destiné à revenir vers 15 milliards en 2014, soit la moitié de ce qui était annoncé il y a un an !

Il en ressort clairement que tout exercice de programmation comporte de réelles limites. Néanmoins, il contraint à inscrire les débats financiers dans une perspective pluriannuelle , ce qui est une très bonne chose. Il permet aussi de mieux mesurer l'ampleur des efforts à accomplir pour réduire les déficits, ce qui est aussi très souhaitable.

C'est en effet sans doute grâce à une meilleure prise de connaissance dans l'opinion de l'ampleur des déficits des régimes de retraite à moyen et long termes - 45 milliards en 2018, 100 milliards en 2050 - que la nécessité d'une réforme est devenue une réalité acceptée.

3. Une grande sensibilité des comptes sociaux aux principales hypothèses

L'analyse montre que les écarts constatés entre les prévisions et les réalisations s'expliquent principalement par les révisions intervenant sur un petit nombre de variables, dont les deux principales sont la masse salariale du secteur privé et les dépenses d'assurance maladie.

Le tableau ci-dessous, établi par la commission des comptes de la sécurité sociale, montre l'incidence sur le solde du régime général des écarts possibles des principales hypothèses par rapport à ce qui a été retenu pour les comptes de 2010.

Sensibilité des résultats du régime général aux hypothèses de prévision
(valeur 2010)

(en millions d'euros)

CNAM
maladie

CNAM
AT-MP

CNAF

CNAV

Régime
général

Masse salariale du secteur privé : impact d'une hausse de 1 % du taux de croissance

890

100

300

650

1 940

Dépenses maladie : impact d'une hausse de 1 % dans le champ de l'Ondam

1 250

1 620 tous régimes

30

1 280

Inflation : impact d'une hausse de 1 % de la revalorisation des prestations retraite et famille

270

840

1 110

B. DEUX LEVIERS PRIORITAIRES

L'objectif de réduction du déficit public à 2 % du Pib en 2014 et, pour les seules administrations de sécurité sociale, à 0,5 % du Pib à la même date, soit un solde d'environ 15 à 16 milliards d'euros, repose sur deux éléments essentiels : une maîtrise accrue des dépenses et la sécurisation des recettes.

1. Accroître la maîtrise des dépenses

Le présent projet de loi fixe un objectif chiffré de dépenses pour l'ensemble des régimes obligatoires, soit une croissance annuelle moyenne de 3,3 %, inférieure en volume d'environ un point à celle du Pib.

Pour réaliser cet objectif, le rapport annexé indique que la réforme des retraites permettra d'améliorer le solde de la branche vieillesse d'environ 10 milliards à l'horizon 2014.

Il comporte peu d'indications pour les branches AT-MP et famille, sinon la nécessité d'assainir les finances de la branche AT-MP, pour lui permettre d'élargir ses missions, et « l'impératif d'adapter la politique familiale aux évolutions économiques et sociales ».

Pour la branche maladie, la nécessité d'un meilleur pilotage des dépenses est affirmée.

Une indispensable maîtrise des dépenses de santé

Pour la branche maladie, le taux d'évolution annuel de l'Ondam est fixé, de manière ambitieuse par rapport aux réalisations passées, à 3 % en 2010, 2,9 % en 2011 puis 2,8 % en 2012 et les années suivantes. Cet objectif est exigeant mais pas inatteignable, comme le montrent les résultats de 2010. L'objectif de 3 % devrait en effet être atteint, soit le plus bas niveau depuis des années et surtout le premier Ondam réellement respecté depuis 1997.

Ces taux de progression signifient, que, chaque année, il faudra trouver au moins 2,3 milliards d'euros d'économies pour contenir la progression des dépenses de santé, dont l'évolution tendancielle est actuellement supérieure à 4 % par an.

Pour parvenir au respect de cette norme, le rapport annexé au projet de loi fait état de la nécessité d'engager des réformes structurelles pluriannuelles , en améliorant les synergies entre les différents types de prise en charge (ambulatoire, hospitalier, médico-social), en modernisant les modes d'exercice des professionnels (nouveaux modes de rémunération, promotion du Capi) ou encore en améliorant l'efficience de l'hôpital.

Votre commission est depuis longtemps convaincue que l'on peut réaliser des économies sur ces différents volets de l'assurance maladie. Elle regrette en particulier que lorsque les décisions sont prises, les délais d'application soient ensuite excessivement lents.

Des dépassements réguliers

Depuis la création de l'Ondam, celui-ci a chaque année été dépassé, à l'exception du premier, celui de 1997, et vraisemblablement aussi celui de 2010, grâce aux mesures de régulation prises en cours d'année.

En effet, dans son avis du 28 mai 2010, le comité d'alerte a fait état d'un dépassement de l'Ondam de 600 millions pour 2010.

Pour la première fois, le Gouvernement s'est engagé, le même jour, à prendre un certain nombre de mesures correctrices d'un montant équivalent. Ces mesures concernent les médicaments, les indemnités journalières et un gel des délégations de crédits hospitaliers et médico-sociaux.

Avis du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie
du 28 mai 2010

Se fondant sur les informations disponibles et sur les auditions qu'il a organisées, le comité d'alerte estime que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé pour 2010 à 162,4 milliards d'euros pourrait être dépassé d'environ 600 millions d'euros en l'absence de mesures nouvelles. Le strict respect de l'objectif nécessiterait donc un montant d'économies de cet ordre de grandeur.

Les risques identifiés portent principalement sur la réalisation des économies intégrées dans la construction de l'Ondam pour 2010 et sur l'activité des établissements de santé.

Le dépassement prévisible restant en deçà du seuil de 0,75 % du montant de l'objectif (soit 1,2 milliard en 2010), il n'y a pas lieu de mettre en oeuvre la procédure d'alerte définie par l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale.

Les membres du comité ont reçu ce vendredi 28 mai une lettre ministérielle (annexée à cet avis) les informant de mesures nouvelles. Si les mesures annoncées sont effectivement mises en oeuvre avec le rendement indiqué, l'objectif pourrait être strictement respecté.

Lettre ministérielle annexée

Dans le cadre du suivi de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, nous avons présidé, le 19 avril dernier, un comité de suivi de l'Ondam au cours duquel ont été présentés, en l'état des données disponibles, l'exécution de l'Ondam 2009 et les premières prévisions d'exécution de l'Ondam 2010.

La prévision de dépassement de l'Ondam 2010 pourrait être de l'ordre de 600 millions d'euros.

Afin d'assurer le respect de l'Ondam voté par le Parlement, nous avons donc décidé un certain nombre de mesures correctrices dont le rendement 2010, estimé à 600 millions, viendra compenser la prévision de dépassement.

Ainsi, nous avons décidé les mesures suivantes :

- un gel des provisions non engagées sur la liste en sus à l'hôpital, pour un montant de 135 millions ;

- un gel en partie rectificative du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 des crédits issus de la déchéance quadriennale du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp), pour un montant de 105 millions ;

- des baisses de prix des médicaments supplémentaires, pour un rendement 2010 d'un montant de 100 millions ;

- une baisse du prix de l'anesthésie de la chirurgie de la cataracte, pour un rendement 2010 d'un montant de 10 millions.

Par ailleurs, s'agissant des indemnités journalières, nous avons pris l'engagement de mettre en oeuvre la mesure de calcul des indemnités journalières prévue en annexe 9 du PLFSS 2010, pour un rendement 2010 de 70 millions.

Enfin, conformément au rapport de Raoul Briet, dont les conclusions ont été adoptées lors de la conférence sur le déficit du 20 mai dernier, un montant de 180 millions de crédits sera délégué ultérieurement en fonction de l'évolution de l'Ondam 2010, afin d'en garantir le respect.

Ces mesures correctrices, qui devraient permettre de compenser la prévision de dépassement de l'Ondam, doivent donc être prises en compte dans votre évaluation du respect de l'Ondam 2010.

Le Gouvernement a ainsi clairement affiché son souhait de respecter strictement l'Ondam voté en loi de financement pour 2010, conformément à ce que préconise le rapport Briet.

Les préconisations du rapport Briet

Dans le cadre de la première conférence sur les déficits publics du 28 janvier 2010, un groupe de travail, présidé par Raoul Briet, s'est vu confier une double mission : d'une part, réfléchir à de nouveaux outils de suivi de la dépense permettant de disposer le plus tôt possible en cours d'année d'informations fiables sur les risques de dépassement de l'Ondam, d'autre part, proposer des mécanismes capables de corriger l'évolution de la dépense en cours d'année de façon efficace, lorsque celle-ci est plus dynamique que prévu.

Dans son rapport final, le groupe de travail a d'abord rappelé que si les dépassements de l'Ondam sont apparemment faibles, 0,7% en moyenne par an, les masses financières en jeu sont considérables . La somme des dépassements constatés depuis 1997 a en effet atteint 19,4 milliards en euros constants, soit, par exemple, un montant sensiblement supérieur au déficit prévu pour la branche maladie en 2010.

Or, en dépit d'améliorations des outils et procédures liés au vote et au suivi de l'Ondam, en particulier grâce à l'instauration d'un dispositif d'alerte et de mesures correctives par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, des faiblesses structurelles demeurent.

Le groupe de travail a fait trois constats :

- la construction de l'Ondam n'est pas suffisamment transparente, notamment par manque d'informations sur le tendanciel ;

- le suivi infra-annuel et la gestion du risque de dépassement sont insuffisants ; en particulier, le cadre institutionnel n'est pas assez formalisé et les données hospitalières sont disponibles trop tardivement ;

- la procédure d'alerte n'apparaît pas suffisamment dissuasive : si elle a permis de limiter les dépassements de l'Ondam, elle n'a pas permis d'en assurer le respect.

Les propositions formulées par le groupe de travail visent donc à corriger les faiblesses ainsi mises en évidence.

Sur la construction et le vote de l'Ondam , trois propositions visent à accroître la crédibilité de l'Ondam vis-à-vis de l'ensemble des acteurs concernés :

- la première consiste à organiser, via le comité d'alerte, une expertise externe , avant le vote de la loi de financement, sur les hypothèses techniques sous-tendant sa construction. Le comité ne serait tenu de formuler un avis que s'il relève une erreur manifeste entachant ces hypothèses ;

- la deuxième a pour objet d' enrichir l'information du Parlement . Elle consiste à renforcer, dans les documents annexés au projet de loi de financement, les informations détaillées sur l'exécution de l'Ondam de l'année en cours, ainsi que les hypothèses techniques retenues pour la construction de l'Ondam de l'année à venir (décomposition du tendanciel et présentation détaillée des mesures correctrices et de leur impact) ;

- la troisième vise à renforcer le caractère pluriannuel de la régulation . Le groupe de travail a proposé d'insérer davantage le vote de l'Ondam dans une perspective pluriannuelle : dans un premier temps, cette mesure pourrait consister en la mention, à titre informatif, mais précisément justifiée, des niveaux de l'Ondam n+2 et n+3 ; mais, à moyen terme, le débat doit être ouvert sur des formes plus contraignantes de pluriannualité.

Sur la rénovation de la gouvernance de l'Ondam , quatre propositions poursuivent cet objectif :

- en premier lieu, un comité de pilotage de l'Ondam serait chargé du pilotage intégré de l'ensemble des secteurs de l'Ondam. Le groupe de travail a préconisé de lui donner un fondement réglementaire ;

- en deuxième lieu, le suivi statistique et comptable de l'Ondam serait renforcé : une nouvelle structure aurait pour mission de préparer une note mensuelle de suivi statistique (données infra-annuelles) et comptable (données annuelles sur les réalisations en année n-1 de l'Ondam), qui indiquerait notamment l'écart potentiel à l'objectif de fin d'année. Le groupe de suivi statistique aurait également pour rôle de proposer des mesures de renforcement de la qualité et de la fréquence des remontées d'informations, dans le but notamment de disposer de prévisions d'exécution plus tôt dans l'année ;

- en troisième lieu, le groupe de travail a préconisé d' augmenter la fréquence des avis obligatoires du comité d'alerte en prévoyant un premier avis dès mi-avril. A cette date, lors de la parution des résultats de l'année n-1, le comité se prononcerait sur les risques de dépassement éventuels lié à une éventuelle sous-estimation de l'Ondam réalisé n-1 dans la loi de financement. Le comité rendrait ensuite un avis sur le respect de l'Ondam avant le 1 er juin, comme actuellement, puis un autre pendant la phase de préparation du projet de loi de financement de l'année suivante, celui-ci devant être déposé avant le 15 octobre ;

- en quatrième et dernier lieu, le groupe de travail a suggéré d' abaisser progressivement le seuil d'alerte à 0,5 % de l'Ondam, soit dans les conditions actuelles environ 800 millions d'euros. Cette mesure a pour but d'inciter l'ensemble des acteurs à une gestion préventive et continue des risques de dépassement.

Sur les outils destinés à faire respecter l'Ondam , trois propositions visent à doter cette gouvernance renouvelée d'outils complémentaires destinés à prévenir les dépassements et, dans les cas exceptionnels d'alerte, à assurer la mise en oeuvre la plus rapide possible des mesures décidées :

- tout d'abord, il est proposé de conditionner la mise en oeuvre de tout ou partie des mesures nouvelles à leur compatibilité avec l'Ondam voté , qu'il s'agisse des mesures nouvelles incluses dans la loi de financement ou décidées en cours d'année. La liste des mesures nouvelles faisant l'objet d'une mise en oeuvre conditionnelle ferait l'objet d'une identification précise par le comité de pilotage de l'Ondam, en début d'année, et d'une information aux commissions parlementaires concernées. Le dégel de ces mesures interviendrait sur la base d'une décision du comité de pilotage de l'Ondam. Toute mesure nouvelle prise en cours d'année et ayant un impact financier sur l'Ondam devrait par ailleurs faire l'objet d'un examen de compatibilité avec le respect de l'Ondam voté ;

- le groupe de travail a ensuite préconisé d' instaurer des mécanismes systématiques de mise en réserve en début d'année sur les dotations s'apparentant à des crédits budgétaires, les décisions de dégel, total ou partiel, ou d'annulation étant prises en cours d'année par le comité de pilotage. Sur la base du périmètre actuel de l'Ondam, l'assiette susceptible d'être soumise à régulation est d'environ 22 milliards d'euros, fortement concentrée sur les secteurs hospitalier et médico-social ;

- enfin, le groupe de travail a jugé nécessaire de prévoir des mécanismes de décision adaptés et des procédures de consultation simplifiées afin d'assurer la mise en oeuvre effective et rapide des mesures correctrices. Des travaux complémentaires de nature juridique doivent être engagés pour identifier précisément les adaptations et simplifications pouvant être apportées aux dispositifs actuels.

Lors de la deuxième session de la conférence sur le déficit, le Président de la République a annoncé que toutes les mesures d'économies nécessaires, suggérées par ce rapport, seront mises en place pour respecter l'Ondam de manière systématique, y compris en 2010.

Communiqué de la Présidence de la République sur les conclusions
de la deuxième conférence sur le déficit - 20 mai 2010

Le rapport du groupe de travail présidé par Raoul Briet fournit une panoplie d'outils pour respecter l'objectif de dépenses d'assurance maladie (Ondam).

Les conclusions du rapport Briet sont validées. En particulier :

- le rôle du comité d'alerte, aujourd'hui chargé de signaler a posteriori les risques de dépassement, est étendu. Il se prononcera désormais ex ante sur la construction de l'Ondam. Il assurera en outre un rôle de veille en continu et remettra dès le 15 avril aux ministres un premier avis sur l'exécution de l'Ondam de l'année précédente ;

- le seuil de l'alerte, fixé aujourd'hui à 0,75 %, sera progressivement abaissé à 0,5 % d'ici 2012-2013 ;

- la bonne exécution de l'Ondam sera renforcée par l'institution d'un comité de pilotage réunissant l'ensemble des directeurs concernés. Ce comité sera régulièrement co-présidé par les ministres chargés de la santé et des comptes.

Les commissions des affaires sociales des deux Assemblées seront informées de ses travaux après chaque réunion co-présidée par les ministres.

La qualité du suivi statistique et comptable de l'Ondam sera renforcée afin de donner au comité de pilotage la possibilité de réagir dans les meilleurs délais face au risque de dépassement ;

- la mise en oeuvre de tout ou partie des mesures nouvelles votées dans l'Ondam sera conditionnée au respect de cet objectif et une fraction des dotations sera mise en réserve, d'une manière qui répartisse équitablement l'effort entre les différents secteurs du système de santé.

Le taux d'augmentation de l'Ondam continuera en outre d'être progressivement abaissé pour passer de 3 % en 2010 à 2,9 % en 2011 et 2,8 % en 2012. Pour dégager des économies tout en maintenant une qualité de soins élevée, plusieurs leviers nouveaux devront être mobilisés, en particulier les agences régionales de santé, créées en avril 2010, qui vont permettre d'améliorer le lien entre ville, hôpital et médico-social. Les 150 projets de performance des hôpitaux participeront également à l'atteinte de ces objectifs dans le secteur hospitalier.

Le Président de la République a indiqué qu'au-delà des recommandations du rapport Briet, toutes les mesures d'économies nécessaires seront mises en place pour respecter l'Ondam de manière systématique à compter de 2010.

2. Sécuriser les recettes

Le deuxième pilier de la trajectoire à respecter pour réduire les déficits est la sécurisation des recettes. Il exige à la fois une dynamique suffisante des ressources du régime général et la poursuite de la stratégie de réduction des dispositifs d'exonération et d'exemption, c'est-à-dire des « niches sociales ».

Une progression dynamique des recettes

Le projet de loi de programmation table, compte tenu des hypothèses macro-économiques, sur une progression annuelle de 4,1 % des produits du régime général. C'est là encore un but exigeant, un peu supérieur à ce qui a été enregistré dans les années ayant précédé la crise. Il est directement lié à la croissance de la masse salariale. Or, un point en moins pour celle-ci représente environ 2 milliards de ressources en moins pour la sécurité sociale.

Une limitation des niches sociales

Limiter le développement des exemptions d'assiettes, des exonérations de charges et de contributions sociales, c'est-à-dire à contenir la progression des niches sociales est également une nécessité pour préserver les recettes de la sécurité sociale.

Votre commission considère cette question prioritaire depuis plusieurs années. Elle a ainsi proposé, successivement, avant que le Gouvernement et l'Assemblée nationale ne s'emparent de ces idées, la taxation des stock-options ou l'instauration d'une « flat tax », dénommée aujourd'hui forfait social. Elle a également cherché à limiter le poids des exonérations de charges, en proposant, il y a un an, l'annualisation du calcul de ces allégements, demande à laquelle le Gouvernement a opposé une fin de non recevoir, avant de reprendre lui-même cette proposition pour financer la réforme des retraites.

Dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement pour 2011, votre commission fera de nouvelles propositions. La recherche de nouvelles recettes reste indispensable aujourd'hui pour assurer l'équilibre des comptes sociaux, tout particulièrement de la branche maladie qui accuse un déficit structurel, que la seule maîtrise des dépenses, fut-elle extrêmement rigoureuse, ne suffira pas à combler. Le défi du vieillissement de la population, mais aussi de l'amélioration des prises en charge, nécessite une telle approche.

Sur le plan des recettes, en effet, il est important de constater qu'aucun expert avisé n'exclut aujourd'hui une hausse des prélèvements pour faire face aux dépenses supplémentaires, tout en distinguant dans l'analyse les prélèvements fiscaux et les prélèvements sociaux pour lesquels la problématique ne peut être posée de la même façon.

En effet, les prélèvements sociaux donnent lieu à une contrepartie . Or cette contrepartie répond à des besoins en évolution : pour la santé, la possibilité d'être mieux pris en charge et de bénéficier plus longtemps de soins toujours plus sophistiqués ; pour la vieillesse, la disposition d'un revenu de remplacement de bon niveau pendant une durée accrue du fait de l'allongement de l'espérance de vie.

Il est donc naturel que la progression des dépenses liée à la couverture de ces besoins soit financée, ce qui signifie une augmentation des prélèvements, sauf à modifier les équilibres du système de protection sociale actuel et à positionner autrement les curseurs entre les différents acteurs et financeurs.

Plusieurs pistes peuvent être explorées dans le cadre de la mobilisation de nouvelles ressources en faveur de la sécurité sociale. Elles doivent cependant s'efforcer de concilier une exigence de rendement, permettant de couvrir les dépenses, avec un principe de soutenabilité économique, au regard notamment de la compétitivité de notre pays, et d'équité entre les ménages et les autres contributeurs, afin de préserver la légitimité et l'acceptabilité des prélèvements.

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi, sous réserve que le Gouvernement s'engage :

- à suivre le plus exactement possible les perspectives tracées par le projet de loi, en cherchant à corriger les écarts dès qu'ils apparaissent ;

- à rendre compte fidèlement au Parlement de l'évolution des recettes et des dépenses, notamment en matière sociale car il existe incontestablement de vraies marges de progrès, par exemple pour les dépenses hospitalières ;

- à poursuivre la tâche ardue de la maîtrise des dépenses - qui doit rester une priorité - et de l'évaluation et de la révision systématiques des niches, tant fiscales que sociales.

*

Votre commission a examiné les seuls articles qui la concernent directement, à savoir les articles 1 er , 2, 3, 4, 8, 9, 9 bis , 10, 11, 12, 13 et 14 du projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Objet de la programmation pluriannuelle

Objet : Cet article distingue, au sein du projet de loi, les dispositions qui déterminent les objectifs de la programmation pluriannuelle pour la période 2011-2014 de celles qui prévoient la mise en oeuvre de cette programmation.

I - Le dispositif proposé

Cet article précise que les articles 2 à 10 fixent, en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, les objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014. Ils constituent le volet « programmatique » du projet de loi.

Il en découle que les articles 11 à 14 du texte, qui s'attachent notamment à la mise en oeuvre de la programmation, ne sont pas de même nature ; ils ont une portée normative « classique », semblable à celle de toute autre disposition législative.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 2 - Approbation du rapport annexé

Objet : Cet article vise à approuver le rapport annexé au présent projet de loi.

I - Le dispositif proposé

Comme dans les autres lois de programmation, un rapport, soumis à l'approbation du Parlement, est annexé au projet de loi.

Ce rapport a un triple objet :

- définir le contexte macro-économique, les hypothèses retenues et la stratégie d'ensemble, notamment en ce qui concerne le solde et la dette ;

- fixer les objectifs de dépenses et de recettes assignés respectivement aux administrations centrales, aux administrations de sécurité sociale et aux administrations publiques locales ; pour le budget de l'Etat, un budget pluriannuel sur la période 2011-2013 avec des plafonds de dépenses par mission est détaillé ;

- préciser les modalités d'application des règles de gouvernance, tant en matière de dépenses que de recettes.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Sous réserve des observations figurant dans l'exposé général du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 3 - Evolution du solde des administrations publiques et de la dette publique

Objet : Cet article définit la trajectoire de redressement des comptes publics en établissant l'évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique au cours de la période de programmation.

I - Le dispositif proposé

Cet article précise d'abord que la programmation des finances publiques s'inscrit dans le cadre des engagements européens de la France. Elle est donc en parfaite conformité avec les objectifs du programme de stabilité envoyé chaque année par la France aux instances européennes.

La trajectoire présentée comporte deux éléments :

- l'évolution du besoin de financement des administrations publiques , exprimé en points de Pib, qui, globalement, pour l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités locales devrait passer de 6 % en 2011 à 4,6 % en 2012, 3 % en 2013 et 2 % en 2014 ;

- l'évolution de la dette publique , également exprimée en points de Pib, qui devrait cesser de croître au même rythme que les années précédentes, se stabiliser, et peut-être même entamer un reflux en fin de période, passant de 86,2 % du Pib en 2011 à 87,4 % en 2012, puis 86,8 % en 2013 et 85,3 % en 2014.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié cet article de façon à faire apparaître la répartition du besoin de financement des administrations publiques entre les trois composantes que sont l'Etat, les administrations de sécurité sociale et les collectivités locales.

Ce faisant, elle a simplement inscrit dans la loi des données qui figurent dans le rapport annexé.

Le tableau ci-après présente cette décomposition.

Evolution du besoin de financement des administrations publiques

(en points de Pib)

2010

2011

2012

2013

2014

Administrations publiques

- 7,7

- 6,0

- 4,6

- 3,0

- 2,0

dont Etat et organismes divers d'administration centrale

- 5,6

- 4,0

- 3,1

- 2,1

- 1,5

dont administrations publiques locales

- 0,4

- 0,5

- 0,3

- 0,2

0

dont administrations de sécurité sociale

- 1,7

- 1,5

- 1,2

- 0,8

- 0,5

III - La position de votre commission

Tout en réservant ses observations sur les moyens de parvenir au respect des évolutions prévues par cet article aux commentaires figurant ci-après, votre commission approuve les objectifs définis par la trajectoire globale qui est présentée.

En conséquence, elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 4 - Evolution annuelle des dépenses publiques en volume

Objet : Cet article fixe un objectif de croissance en volume et en moyenne annuelle pour l'ensemble des dépenses des administrations publiques.

I - Le dispositif proposé

La présente programmation repose sur un objectif de croissance de l'ensemble des dépenses publiques fixé, par cet article, à 0,8 % en volume en moyenne annuelle .

Cet objectif est plus ambitieux que celui précédemment retenu par la loi de programmation pour 2009-2012. En effet, celle-ci définissait un objectif de progression de 1,1 % en volume et en moyenne annuelle pour un ensemble d'administrations moins large, constitué de l'Etat, des organismes divers d'administration centrale et des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

Le taux de 0,8 % s'applique à un champ plus vaste puisqu'il vise également les dépenses des collectivités territoriales et des autres administrations de sécurité sociale (régimes complémentaires, assurance chômage, etc.).

Cet objectif est non seulement ambitieux par rapport à la précédente programmation mais également au vu des réalisations des dernières années. Ainsi, de 2000 à 2008, le taux de croissance annuel moyen en volume de l'ensemble des dépenses des administrations publiques s'est élevé à 2,3 % .

Par catégorie d'administrations, les taux de croissance enregistrés au cours de cette période affichent des résultats contrastés, les dépenses de l'Etat ayant progressé de 0,5 % par an en moyenne, celles de la sécurité sociale de 2,6 % et celles des collectivités territoriales de 4,2 %.

Ces différents chiffres montrent l'ampleur de l'effort qu'il conviendra de réaliser pour respecter la norme globale de 0,8 % qui correspond à un tiers seulement de la progression tendancielle annuelle des dépenses publiques.

Si l'objectif est atteint, la part des dépenses publiques dans le Pib devrait être ramenée de 56 % en 2010 à 52,6 % en 2014.

Selon le rapport annexé, la progression des dépenses par sous-secteurs devra être répartie de la manière suivante pour atteindre le niveau global de 0,8 % :

Evolution des dépenses publiques en volume
(en moyenne annuelle)

2011-2014

Administrations publiques centrales

0,0 %

Administrations publiques locales

0,6 %

Administrations de sécurité sociale

1,2 %

Total administrations publiques

0,8 %

La réalisation de cet objectif de 1,2 % exigera, pour les administrations de sécurité sociale, un effort d'économies moyen d'environ 5,3 milliards par an , dont 3 à 4 milliards par le régime général.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

La norme d'évolution des dépenses fixée par cet article est extrêmement exigeante. Elle rend nécessaire une mobilisation accrue de tous les acteurs de la dépense. Pour le secteur de la sécurité sociale, elle signifie un redoublement des efforts accomplis au cours des derniers exercices.

Pour être respectée, il conviendra en outre qu'un suivi très étroit de l'évolution des dépenses soit mis en place et qu'une volonté ferme s'exprime lorsqu'il conviendra de corriger les écarts à la tendance.

Votre commission prend acte du niveau élevé d'exigence établi par cet article et vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 8 - Norme annuelle d'évolution des dépenses de sécurité sociale

Objet : Cet article, d'une part, détermine le niveau des dépenses des régimes obligatoires de base et de l'Ondam pour chaque année de la période couverte par la programmation, d'autre part, définit le principe de la mise en réserve d'une partie des dotations de l'Ondam au début de chaque exercice.

I - Le dispositif proposé

Dans le chapitre II du projet de loi, consacré à l'évolution des dépenses publiques, l'article 4 fixe une norme de progression générale pour l'ensemble des administrations publiques (cf. commentaire ci-dessus), les articles 5 et 6 concernent les dépenses du budget de l'Etat, l'article 7 est spécifique aux concours de l'Etat aux collectivités territoriales et l'article 8 traite des dépenses de la sécurité sociale.

Le paragraphe I de ce dernier article fixe en milliards d'euros l'objectif de dépenses du régime général de la sécurité sociale, toutes branches incluses, pour chaque année de la période de programmation.

Celles-ci passeraient de 316,5 milliards en 2010 à 360,5 milliards d'euros en 2014.

Le paragraphe II établit de la même manière le montant de l'Ondam au cours de cette période, en retenant l'hypothèse d'un périmètre constant.

Il passerait de 162,4 milliards en 2010 à 181,6 milliards en 2014, ce qui représente, comme cela a été annoncé par le Président de la République lors de la conférence des finances publiques du mois de mai dernier, une progression de l'Ondam de 2,9 % en 2011 puis de 2,8 % chacune des trois années suivantes.

Cette présentation, qui se rapproche de ce qui est prévu pour le budget de l'Etat à l'article 6, est plus détaillée que ce qui figurait dans la première loi de programmation des finances publiques. Celle-ci comportait seulement un taux d'évolution annuel en valeur de l'Ondam de 3,3 % et non la fixation de montants en valeur absolue.

Le paragraphe III est une nouveauté. Il met en oeuvre l'une des préconisations du groupe de travail sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie, présidé par Raoul Briet et aux travaux duquel votre rapporteur a participé. Il instaure un mécanisme destiné à permettre le respect de la trajectoire fixée au paragraphe II pour l'Ondam, en organisant la mise en réserve d'une partie des dotations incluses dans celui-ci au début de chaque exercice.

Selon le rapport Briet, la mise en réserve devra affecter les seuls crédits de l'Ondam qui s'apparentent à des dotations budgétaires et non les dépenses de prestations, à caractère non limitatif. Par ailleurs, le comité de pilotage de l'Ondam sera chargé, en cours d'année, de prendre les décisions de dégel total ou partiel des sommes ainsi mises en réserve, en fonction des perspectives de réalisation de l'objectif.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié le paragraphe I de cet article de façon à faire référence aux dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base et non du seul régime général, constatant qu'il n'y avait pas lieu d'écarter une partie des dépenses de la sécurité sociale du respect des exigences instituées par la présente loi de programmation.

III - La position de votre commission

Par rapport à la précédente loi de programmation, cet article comporte trois avancées qu'il convient de souligner :

- il impose des objectifs de dépenses non plus pour la seule assurance maladie mais pour l'ensemble des branches de la sécurité sociale , ce qui imposera aux branches vieillesse, famille et AT-MP de respecter, pour leur part également, la norme de dépenses ;

- il fixe les objectifs en valeur absolue et non en taux de croissance, ce qui nécessitera plus de rigueur pour assurer le respect de l'Ondam. En effet, en cas de dérapage une année, des économies supplémentaires seront nécessaires dès l'année suivante afin de compenser le surplus de dépenses de l'année écoulée, ce qui va bien au-delà du simple respect de la progression de l'Ondam, qui pourra être réalisé même si l'année précédente celui-ci n'a pu être atteint ;

- il instaure un nouveau mode de pilotage des dépenses avec la mise en réserve d'une partie des dotations de l'Ondam, s'inspirant ce faisant de l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances. Ce gel ex ante de crédits constitue une réelle avancée car il conduit à distinguer, au sein de l'Ondam, des crédits à caractère limitatif sur lesquels une action régulatrice infra-annuelle est possible. Le rapport Briet a identifié quatre dotations sur lesquelles une telle régulation pourrait être mise en oeuvre, les deux principales étant la dotation allouée à la CNSA, soit 13,9 milliards d'euros, et l'enveloppe des Migac (missions d'intérêt général et l'aide à la contractualisation) destinée aux hôpitaux, soit 7,7 milliards d'euros.

Ces différents éléments ont été définis pour contribuer à favoriser autant que possible le respect de la trajectoire fixée par le projet de loi . Votre commission s'en félicite car ce n'est qu'avec des moyens de cette nature que le respect de l'Ondam prévu pourra être assuré.

Cela étant, les objectifs sont ambitieux et la mobilisation active de tous les moyens disponibles sera indispensable pour réellement permettre le redressement de nos comptes sociaux.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 9 - Encadrement des mesures nouvelles
afférentes aux prélèvements obligatoires

Objet : Cet article a pour objet de fixer un montant minimum de hausse des prélèvements obligatoires à réaliser chaque année de la période de programmation.

I - Le dispositif proposé

Comme à l'article 8 pour les dépenses, cet article va un peu plus loin que la précédente loi de programmation pour le pilotage des recettes.

Il fixe un montant minimum de mesures nouvelles à réaliser chaque année en matière de prélèvements obligatoires, qu'elles soient votées par le Parlement ou prises par voie réglementaire. Le tableau ci-dessous retrace les montants jugés nécessaires en milliards d'euros.

2011

2012

2013

2014

10

3

3

3

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a ajouté deux paragraphes :

- le premier précise que le coût des dépenses fiscales est stabilisé en valeur à périmètre constant ;

- le second indique que le coût des réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale est également stabilisé en valeur à périmètre constant.

Selon le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, il s'agit, par ces ajouts, de « stabiliser le stock » des dépenses fiscales et sociales et, ce faisant, de compléter la norme d'évolution des recettes.

III - La position de votre commission

La mesure proposée par cet article répond, ainsi que le souligne le rapport annexé au projet de loi, au souci de gérer les comptes publics de l'après-crise, en utilisant non seulement le levier de la maîtrise des dépenses mais également celui des recettes .

Votre commission estime en effet que l'engagement de nouvelles recettes est une nécessité, en particulier pour assurer le redressement des comptes sociaux et, au premier chef, de la branche maladie.

Les mesures nouvelles prévues pour 2011 s'élèvent effectivement, à ce stade, à un peu plus de 10 milliards d'euros. Le tableau ci-dessous en présente la répartition.

(en milliards d'euros)

Mesures « retraites »

3,7

Mesures « Cades »

3,2

Autres mesures prévues dans le PLF

2,8

Autres mesures prévues dans le PLFSS

0,8

Total

10,6

Pour les années suivantes, seuls 3 milliards de mesures nouvelles sont rendus obligatoires. Il est sans doute un peu tôt pour juger si ce montant n'est pas excessivement limité. Il conviendra en tout cas de bien prendre en compte le fait qu'il ne s'agit que d'un montant minimum lors de la présentation des lois de finances et de financement de la sécurité sociale des prochaines années.

Néanmoins, l'examen du projet de loi de financement pour 2011 sera déjà l'occasion de détailler les positions de votre commission sur la nécessité, pour chacune des branches de la sécurité sociale, de disposer de recettes à la fois dynamiques et pérennes pour faire face à des dépenses dont la progression peut certes être contenue, mais pas évitée.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 9 bis - Encadrement de l'application des créations ou extensions de dépenses fiscales et de réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à limiter à quatre ans la durée d'application des dispositifs dérogatoires qui pourraient être créés ou étendus au cours des années 2011 à 2014.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

En écho à une mesure de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009 que le présent projet de loi n'a pas reprise, cet article prévoit que les créations ou extensions de niches fiscales ou sociales qui seront instaurées pendant la période de la programmation auront une durée d'application limitée à quatre ans .

II - La position de votre commission

Comme elle l'était il y a deux ans, votre commission est très favorable à cette mesure. En effet, il n'est pas raisonnable de maintenir de manière illimitée des dispositifs dérogatoires qui ont un coût aussi bien pour les dépenses du budget de l'Etat que pour les régimes de sécurité sociale. Il est impératif que chaque niche fiscale ou sociale soit évaluée afin de mesurer si elle remplit l'objectif qui lui avait été assigné au moment de sa création et si son coût est acceptable au regard des résultats qu'elle a permis.

Or, trop peu de dispositifs sont précisément évalués et encore moins remis en cause. Une durée d'application limitée rendra systématique la question de leur utilité et cela ne pourra qu'aider à la prise de décision sur le maintien ou non de ces mesures dérogatoires.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 10 - Affectation des surplus des prélèvements obligatoires à la réduction du déficit public

Objet : Cet article pose le principe selon lequel les surplus de recettes qui pourraient être constatés au cours de la période de programmation seront intégralement consacrés à la réduction du déficit public.

I - Le dispositif proposé

L'article 9 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009-2012 a posé le principe de l'affectation des excédents d'impositions affectées à l'Etat, éventuellement constatés une année, à la réduction du déficit budgétaire.

Le présent article reprend cet engagement tout en l'étendant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base et aux organismes concourant à leur financement. Tout écart de recettes positif par rapport aux évaluations de la loi de financement de la sécurité sociale devra donc être affecté à la réduction du déficit des régimes.

Pour le budget de l'Etat, cette disposition se combine avec l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances qui prévoit que, chaque année, le législateur financier peut arrêter les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus du produit des impôts, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année. Depuis 1996, chaque loi de finances a comporté une clause d'affectation des surplus.

Pour l'application de cette règle, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il est fait une appréciation globale des recettes, à législation constante.

Il pourrait donc en être de même pour les recettes de la sécurité sociale : les surplus seraient calculés par rapport aux évaluations de la loi de financement de la sécurité sociale en appréciant le montant consolidé des cotisations et contributions sociales, bien entendu à législation constante.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission est tout à fait favorable à l'adoption d'un tel principe qu'elle estime être une obligation pour les gestionnaires et responsables vis-à-vis des assurés et des contribuables .

En témoigne son souhait de faire figurer dans la loi organique relative à la gestion de la dette sociale une règle de même nature. Suivie par le Sénat, puis l'Assemblée nationale et la commission mixte paritaire, elle y a inscrit le principe selon lequel « si au cours de deux exercices consécutifs, les conditions économiques permettent d'enregistrer un accroissement des impositions de toute nature affectées à la caisse d'amortissement de la dette sociale supérieur à 10 % des prévisions initiales, la loi de financement de la sécurité sociale pour l'exercice suivant contribue à ramener la fin de la durée de cet organisme à l'horizon prévu avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ».

En conséquence, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 11 - Interdiction d'emprunter pour une durée supérieure à douze mois

Objet : Cet article vise, d'une part, à interdire aux organismes divers d'administration centrale le recours à l'emprunt pour une durée supérieure à douze mois, d'autre part, à mieux encadrer les capacités d'emprunt des établissements publics de santé.

I - Le dispositif proposé

Partant du constat de l'augmentation significative de l'endettement d'un certain nombre d'opérateurs de l'Etat et de nombreux établissements publics de santé, le Gouvernement a souhaité qu'une mesure limite le recours à l'emprunt de ces organismes.

Le paragraphe I dispose que pendant les quatre années de la programmation, les organismes d'administration centrale autres que l'Etat, la Cades, la caisse de la dette publique et la société de prises de participation de l'Etat ne pourront contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt d'une durée supérieure à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme serait supérieur à cette durée. La liste précise des organismes auxquels s'applique cette interdiction sera fixée par arrêté des ministres chargés de l'économie et du budget.

Le paragraphe II complète l'article L. 6141-2-1 du code de la santé publique qui définit les ressources des établissements de santé, au nombre desquelles les emprunts et avances, afin d'encadrer ceux-ci. Désormais, les établissements de santé pourront recourir à des emprunts ou des avances « dans des limites et sous les réserves fixées par décret » .

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

La situation financière des hôpitaux s'est de fait sensiblement dégradée depuis quelques années et votre rapporteur général s'en est régulièrement alarmé auprès de la ministre de la santé.

Entre 2001 et 2008, l'endettement hospitalier a plus que doublé, passant de 8,8 milliards à 18,9 milliards d'euros. En outre, la durée de la dette s'est allongée, particulièrement pour les CHU, certains établissements se trouvant même dans une situation critique. La Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2010 sur la sécurité sociale, a dénoncé avec force certaines dérives et déploré que, parfois, « l'emprunt sert non seulement au financement des investissements, mais aussi à faire face aux déficits d'exploitation ».

Un mécanisme de contractualisation pour le retour à l'équilibre de ces hôpitaux a été mis en place afin de permettre le redressement durable de leurs comptes et de leur situation financière au regard de leur activité. Il commence à produire ses effets mais il ne règle le problème de l'endettement qu'une fois les difficultés enregistrées.

L'intérêt de la disposition proposée par cet article est d'intervenir en amont et donc de chercher à prévenir et éviter un endettement excessif des hôpitaux .

Votre commission y est favorable mais elle souligne que sa mise en oeuvre ne pourra intervenir qu'une fois le décret d'application prévu effectivement pris et publié. Or, dans le domaine de la sécurité sociale et de la santé, certains décrets mettent de longs mois, voire des années, avant d'être publiés. Elle insiste donc pour que le décret prévu à cet article soit pris dans les meilleurs délais .

Sous réserve de cette observation, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 12 - Information du Parlement sur les dépenses fiscales et les réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales

Objet : Cet article institue une obligation d'évaluation du coût et de l'efficacité des niches fiscales et sociales.

I - Le dispositif proposé

Cet article reprend les mêmes obligations que celles prévues par l'article 12 de la loi de programmation pour les années 2009-2012 en matière de niches fiscales et sociales. Il contient trois dispositifs.

Le paragraphe I prévoit un suivi du coût des niches fiscales et sociales grâce à la présentation chaque année au Parlement, en même temps que le dépôt des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, de deux séries d'informations :

- une prévision annuelle de coût des dépenses fiscales, tant pour celles de l'exercice à venir que celles de l'exercice en cours, ainsi que le montant de dépenses fiscales constaté pour le dernier exercice clos ;

- une prévision annuelle de coût des réductions, exonérations et abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions sociales affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, tant pour l'exercice à venir que pour l'exercice en cours, ainsi que le montant du coût constaté de ces dispositifs pour le dernier exercice clos.

Ces deux prévisions devront être présentées au plus tard le premier mardi d'octobre, date limite pour le dépôt du projet de loi de finances, pour les dépenses fiscales, au plus tard le 15 octobre, date limite de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour les niches sociales.

Ces dispositions sont d'ores et déjà en partie appliquées puisque l'objectif de coût des dépenses fiscales pour l'année en cours et l'année suivante figure dans l'exposé des motifs de l'article 1 er du projet de loi de finances, où il est présenté globalement et par catégorie d'impôt. Le coût des niches sociales figure dans l'annexe 5, plus détaillée depuis deux ans, du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le paragraphe II prévoit la présentation, également chaque année, d'un bilan des créations, modifications et suppressions de « niches » adoptées au cours des douze derniers mois.

Comme pour les objectifs de coût, cette disposition est appliquée à travers l'exposé des motifs de l'article 1 er du projet de loi de finances et l'annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, le paragraphe III crée une obligation d'évaluation des niches fiscales et sociales qui, dans les trois ans suivant leur création, devront avoir été évaluées, au regard de leur coût et de leur efficacité.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve l'ensemble de ce dispositif qu'elle a toujours appelé de ses voeux pour les niches sociales.

Elle observe que la précédente loi de programmation avait notamment prévu un rapport avant le 30 juin 2011 pour une évaluation de l'ensemble des mesures en vigueur à la date du 9 février 2009 .

Elle estime indispensable que ce rapport soit bien élaboré et remis au Parlement dans les délais prévus ; c'est pourquoi elle se félicite que la commission des finances, saisie au fond, ait adopté un amendement pour le rappeler explicitement.

Le bilan que fera le Gouvernement de ces diverses mesures devra en tout état de cause être le plus précis possible afin de faire apparaître clairement le lien entre le coût et l'efficacité de chaque dispositif et de mettre celui-ci en regard de l'objectif initialement assigné à la mesure.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 13 - Bilan de la mise en oeuvre de la programmation

Objet : Cet article organise les modalités de suivi de la mise en oeuvre de la programmation.

I - Le dispositif proposé

Comme dans toute loi de programmation, il est prévu un bilan de la mise en oeuvre de la loi. Dans ce cadre, trois obligations sont mises à la charge du Gouvernement par cet article :

- le paragraphe I prévoit que, chaque année, avant le débat d'orientation des finances publiques, le Gouvernement établit et transmet un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi de programmation. Cette obligation figurait déjà dans la loi de programmation de 2009 mais n'a été respectée ni en 2009, ni en 2010. Le Gouvernement a en effet considéré que le rapport sur l'économie française et les orientations des finances publiques, déposé en vue du débat d'orientation, en tenait lieu ;

- le paragraphe II dispose que chaque année, avant le 15 octobre, le Gouvernement présente au Parlement les modalités de mise en oeuvre des II et III de l'article 8, c'est-à-dire du respect de l'objectif de progression de l'Ondam et de la gestion des sommes mises en réserve au sein de celui-ci ;

- le paragraphe III prévoit de la même manière que, chaque année, avant le premier mardi d'octobre, le Gouvernement présente au Parlement l'évaluation des mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires afin de la comparer avec les montants inscrits à l'article 9.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision sur le contenu du bilan prévu au paragraphe I. Ainsi, celui-ci devra justifier les éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne et la mise en oeuvre de la loi de programmation.

III - La position de votre commission

Les trois principaux rendez-vous financiers de l'année devront donc désormais être l'occasion de faire un point sur l'application de la loi de programmation.

Le débat d'orientation des finances publiques , qui se tient juste avant l'été et les derniers arbitrages financiers du Gouvernement, devra ainsi être éclairé par une analyse précise du suivi de la trajectoire de la programmation 2011-2014. Votre commission souhaite vivement que ce travail ne soit pas dissous dans le rapport sur les orientations des finances publiques mais clairement identifié dans le corps de ce rapport ou, mieux encore, dissocié et présenté dans un document séparé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale devra être accompagné d'une annexe supplémentaire sur le taux de progression de l'Ondam et la gestion des dotations mises en réserve au sein de celui-ci. Si le support retenu pour cette analyse est l'annexe 7 consacrée à l'Ondam, il conviendra de bien séparer les informations qu'elle contient déjà du suivi du respect des objectifs de la loi de programmation.

Au projet de loi de finances , enfin, devra être annexée une évaluation des mesures nouvelles en matière de prélèvements obligatoires. Là encore, si le Gouvernement choisit de se servir du rapport préalable au débat sur les prélèvements obligatoires pour présenter cette analyse, il faudra qu'elle soit parfaitement identifiable au sein de ce document.

En souhaitant vivement que ces règles de suivi soient parfaitement respectées, et cela dès le débat d'orientation des finances publiques de l'été 2011, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 14 - Abrogation de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Objet : Cet article vise à abroger la loi de programmation du 9 février 2009 qui couvrait la période 2009-2012.

I - Le dispositif proposé

Il s'agit d'abroger la totalité de la première loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et donc aussi bien les dispositions à caractère « programmatique » de cette loi que les mesures normatives qui avaient défini un certain nombre de règles de conduite, notamment en matière de niches fiscales et sociales.

Cela traduit le choix du Gouvernement de présenter une programmation quadriennale, soumise au vote du Parlement tous les deux ans. Autrement dit, chaque nouvelle loi de programmation efface la précédente, dans sa totalité, et ne s'y substitue pas.

II - La position de votre commission

Prenant acte des modalités de programmation retenues par le Gouvernement, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine le rapport pour avis d'Alain Vasselle, rapporteur général , sur le projet de loi n° 66 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et entend sa communication en vue de la tenue du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution .

Muguette Dini, présidente . - Au nom de la commission, je souhaite la bienvenue à Mme Catherine Deroche, devenue sénateur de Maine-et-Loire en remplacement de Christian Gaudin et affectée dans notre commission à la place de René Vestri. Elle a fait ses premières armes parmi nous lors de l'examen du projet de loi portant réforme des retraites, c'était un bon galop d'essai !

Avant de laisser la parole à Alain Vasselle, je rappelle que le projet de loi de programmation des finances publiques qu'il va vous présenter sera discuté en séance publique mercredi 3 novembre à 14 heures 30.

Alain Vasselle, rapporteur général . - Pour la deuxième fois, nous examinons, ce matin, un projet de loi de programmation des finances publiques. La création de cette catégorie de lois, instituée lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, s'inscrit « dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques », peut-on lire au nouvel alinéa de l'article 34 de la Constitution. Désormais, la stratégie en matière de finances publiques élaborée par le Gouvernement, à l'occasion de la transmission du programme de stabilité à la Commission européenne début décembre, est soumise au vote du Parlement, ce qui constitue un réel progrès.

De même, avec cette catégorie de lois, nous disposons enfin d'une approche globale des comptes publics, qui intègre les finances de l'Etat, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités territoriales dans une perspective pluriannuelle. Auparavant, le débat général se limitait à l'évolution des prélèvements obligatoires, et donc aux seules recettes, la réflexion sur les dépenses étant renvoyée aux projets de loi de finances et de financement. Toutefois, en matière sociale, nous disposions, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, d'une annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Celle-ci comportait une projection des recettes et des dépenses pour les quatre années à venir, tant pour le régime général que pour l'ensemble des régimes obligatoires de base. Malgré ses limites, que nous avions soulignées ces dernières années, cette annexe a pour mérite incontestable de faire apparaître des tendances, et donc le difficile chemin de retour à l'équilibre.

Avec ce projet de loi, nous disposons d'un outil de bonne gouvernance qui apportera un éclairage complet sur l'ensemble de nos finances publiques, soit environ la moitié de la richesse nationale. Toutefois, il ne constitue qu'une programmation : les prérogatives du législateur financier et celles du législateur financier social sont préservées. Cette situation évoluera si le Gouvernement retient la proposition du rapport Camdessus de créer une nouvelle catégorie de loi, les « lois-cadre de programmation des finances publiques » qui s'imposeraient juridiquement aux lois de finances et aux lois de financement, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Nous n'en sommes pas là. A ce stade, le Premier ministre a seulement lancé une consultation sur le pilotage des finances publiques et l'introduction dans la Constitution d'une règle d'équilibre des finances publiques, chère au groupe centriste. En la matière, l'expérience des deux dernières années, et singulièrement du premier projet de loi de programmation, incite à la prudence. De fait, la crise, qui venait de se déclarer, a eu tôt fait d'amoindrir la pertinence de l'exercice. Comme l'indique le Gouvernement dans l'exposé des motifs de ce texte, « la trajectoire des comptes publics inscrite dans la loi de programmation du 9 février 2009 a été rendue caduque par la crise économique et financière qui a conduit à une dégradation rapide et marquée des finances publiques ». Le Gouvernement ayant fait le choix, d'une part, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, d'autre part, de mettre en place un plan de relance significatif, nous devons désormais remettre nos comptes publics sur une trajectoire de désendettement, crédible et efficace.

La tâche sera plus complexe qu'elle ne l'était il y a deux ans. L'objectif clairement affiché par le Président de la République, repris dans le dernier programme de stabilité présenté à nos partenaires européens, est de ramener le déficit public à 3 % du Pib en 2013. Un objectif ambitieux ! A l'horizon 2011, il est prévu de le contenir à 6 % du Pib. Pour ce faire, le Gouvernement retient plusieurs principes : l'effort de redressement doit engager Etat, sécurité sociale et collectivités locales ; la maîtrise des dépenses est au coeur de la stratégie de consolidation des comptes publics ; enfin, le développement d'instruments de gouvernance des finances publiques, qui ont fait la preuve chez nos voisins, est essentiel pour infléchir les tendances.

Comment se présente le projet de loi ? Il définit pour la période 2011 à 2014 une « trajectoire en dépenses et en recettes » pour les finances publiques et une programmation triennale plus précise par mission pour les dépenses de l'Etat.

Guy Fischer . - Bref, de la super-austérité !

Alain Vasselle, rapporteur général . - Conformément au nouvel objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques, inscrit à l'article 34 de la Constitution, il propose une stratégie de redressement dans la perspective d'une réduction du déficit à 2 % du Pib en 2014. Celle-ci, outre qu'elle s'appuie sur la définition de règles de comportement, repose sur une maîtrise ambitieuse des dépenses et une sécurisation des recettes. Le chapitre Ier du texte, qui fixe les objectifs généraux des finances publiques, contient la programmation du redressement des comptes sur la période 2011-2014 avec l'évolution du solde par catégorie d'administrations et une évolution de la dette publique, année après année. Le II porte sur l'évolution des dépenses de l'ensemble des administrations publiques, de l'Etat et de la sécurité sociale. Après le chapitre III relatif aux recettes de l'Etat et de la sécurité sociale, le IV vise à limiter le recours à l'endettement pour certains organismes publics. Enfin, le chapitre V tend à renforcer l'information du Parlement en organisant le suivi de la mise en oeuvre de la programmation, avec la réalisation d'un bilan annuel de la loi.

En outre, le projet de loi s'accompagne d'un rapport qu'il est proposé d'approuver à l'article 2. Ce rapport, assez détaillé, précise le contexte macro-économique et les hypothèses retenues, les objectifs poursuivis pour les finances de l'Etat, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales, ainsi que les conditions de réalisation de la loi de programmation. S'agissant des finances sociales, les principales hypothèses macro-économiques, identiques à celles figurant à l'annexe B du projet de loi de financement pour 2011 que nous examinerons mercredi prochain en commission, sont : un redressement progressif de la croissance en 2010 et 2011 avec des taux respectifs de 1,5 % en 2010, 2 % en 2011, puis plus dynamique, avec un taux moyen de 2,5 % par an, à partir de 2012 ; une augmentation de la masse salariale estimée à 2 % en 2010, à 2,9 % en 20l1 et à 4,5 % par an les trois années suivantes ; une inflation hors tabac de 1,5 % en 2010 et 2011, puis de 1,75 % les années suivantes. Je rappelle que nous devons nous fixer des objectifs ambitieux, sans quoi nous nous ferons taper sur les doigts par l'Europe !

Dans ce cadre, l'objectif de réduction du déficit public à 2 % du Pib en 2014 et, pour les seules administrations de sécurité sociale à 0,5 % du Pib en 2014, repose sur un premier élément : la maîtrise de la dépense. Un objectif chiffré de dépenses est fixé pour l'ensemble des régimes obligatoires. Il correspond à une croissance annuelle moyenne des dépenses de 3,3 %, inférieure en volume d'environ un point à celle du Pib. La réforme des retraites permettra d'améliorer le solde de la branche vieillesse d'environ 10 milliards à l'horizon 2014. Pour la branche maladie, le taux d'évolution annuel de l'Ondam a été fixé, de manière ambitieuse, à 3 % en 2010, 2,9 % en 2011 puis 2,8 % en 2012 et les années suivantes. Cet objectif est exigeant mais pas inatteignable, comme le montrent les résultats de 2010. Nous devrions terminer cette année avec une progression de l'Ondam à 3 %, soit le plus bas niveau atteint depuis des années. De surcroît, ce sera le premier Ondam réellement respecté depuis 1997. Pour contenir la progression des dépenses de santé, dont l'évolution tendancielle est supérieure à 4 % par an, il faudra trouver chaque année au moins 2,3 milliards d'économies. Le rapport annexé au projet de loi fait état de la nécessité d'engager des réformes structurelles pluriannuelles : l'amélioration des synergies entre les différents types de prise en charge - ambulatoire, hospitalier, médico-social -, la modernisation des modes d'exercice des professionnels - nouveaux modes de rémunération, promotion du contrat d'amélioration des pratiques individuelles -, ou encore le renforcement de l'efficacité de l'hôpital. Si des économies peuvent être réalisées, prenons garde : la mise en oeuvre des décisions est souvent beaucoup trop lente. Pour les autres branches, le rapport comporte peu d'indications, sinon la nécessité d'assainir les finances de la branche AT-MP, et « l'impératif d'adapter la politique familiale aux évolutions économiques et sociales », ce qui reste assez flou, vous en conviendrez.

Deuxième élément : la sécurisation des recettes, qui passe par une dynamique suffisante des ressources du régime général et la poursuite de la stratégie de réduction des niches sociales. Le projet de loi de programmation prévoit une progression annuelle de 4,1 % des produits du régime général. Cet objectif exigeant, un peu supérieur à ce qui a été enregistré dans les années précédant la crise, est directement lié à l'évolution de la masse salariale. Or un point en moins pour celle-ci représente environ 2 milliards de ressources en moins pour la sécurité sociale. Autre méthode : contenir la progression des niches sociales. Bien des années avant le Gouvernement et l'Assemblée nationale, notre commission défendait l'idée d'une taxation des stock-options et de l'instauration d'une flat tax, dénommée aujourd'hui forfait social. L'an dernier, nous avions également proposé une annualisation du calcul de ces allégements pour dégager plus de 2 milliards par an, demande à laquelle le Gouvernement a opposé une fin de non-recevoir avant de la reprendre pour financer la réforme des retraites ! Je ferai de nouvelles propositions lors de l'examen du projet de loi de financement la semaine prochaine. En effet, la recherche de nouvelles recettes est indispensable pour assurer l'équilibre des finances sociales face au défi du vieillissement de la population et de l'amélioration des prises en charge. Je pense particulièrement au déficit structurel de la branche maladie que la seule maîtrise des dépenses, fût-elle extrêmement rigoureuse, ne suffira pas à combler.

Troisième élément, les règles de bonne gouvernance et d'encadrement des dépenses fiscales et des niches sociales. Les nouveaux principes de fixation d'un montant minimum de hausse des prélèvements obligatoires chaque année et de stabilisation en valeur du coût des niches fiscales et sociales durant la programmation, prévus à l'article 9, seront plus efficaces, je l'espère, que la règle de gage adoptée il y a deux ans. Je suis également favorable à la définition d'une durée de quatre ans pour toute niche nouvelle ou extension de dispositif dérogatoire, à l'article 9 bis, ainsi qu'au principe de l'affectation au désendettement de tout surplus de recettes à l'article 10, qui reprend, en somme, l'idée d'une clause de retour à meilleure fortune que je vous ai proposée lors du projet de loi organique sur la gestion de la dette sociale. Les derniers articles prévoient un meilleur suivi des niches sociales et fiscales : présentation du coût annuel des niches chaque année avant le 15 octobre ainsi que d'un bilan des dispositifs créés, modifiés ou supprimés au cours de l'année passée ; présentation d'un rapport d'évaluation d'une mesure dans les trois années suivant son entrée en vigueur ; enfin, chaque année avant la fin juin, un bilan de la mise en oeuvre de la loi. Ces articles répondent aux souhaits régulièrement exprimés par notre commission. Tout, en effet, n'est pas parfait : les prévisions sur le budget de l'Etat sont, hélas !, toujours plus précises que celles portant sur les finances de la sécurité sociale.

Pour conclure, le Gouvernement promettait un retour à l'équilibre de la sécurité sociale en 2012 il y a deux ans, puis un déficit difficilement stabilisé à 30 milliards jusqu'en 2013 l'an passé, pour envisager cette année un déficit de 15 milliards en 2014. Si l'exercice de la programmation comporte de réelles limites, il nous oblige toutefois à inscrire nos débats financiers dans une perspective pluriannuelle et, partant, à mieux mesurer le chemin à parcourir pour réduire nos déficits. Cela est hautement souhaitable. De fait, c'est grâce à la prise de conscience de l'ampleur du déficit de l'assurance vieillesse que l'opinion publique a compris la nécessité de la réforme des retraites. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi tout en présentant plusieurs demandes au Gouvernement. Celui-ci doit s'engager à respecter les trajectoires et à corriger le tir au fil de l'année, comme le préconise le rapport Briet sur l'Ondam ; à rendre compte fidèlement au Parlement de l'évolution des recettes et des dépenses, notamment, en matière sociale, celle des dépenses hospitalières ; à poursuivre la tâche ardue de la maîtrise des dépenses et de la révision des niches, tant fiscales que sociales. A la commission de veiller à ce que le Gouvernement soit au rendez-vous de ses attentes en assumant pleinement ses missions de contrôle et d'évaluation. La tâche sera compliquée par la perspective des élections en 2012, mais nous devons donner au Gouvernement le sentiment que nous sommes vigilants.

Gilbert Barbier . - Le Conseil des prélèvements obligatoires a rendu un rapport sur les niches fiscales et sociales des entreprises, dont la performance n'est pas avérée. Afin qu'il ne reste pas une déclaration d'intentions, va-t-on s'efforcer cette année de traduire ses préconisations en propositions concrètes ?

Guy Fischer . - Cet intéressant rapport jette une lumière crue sur l'état de nos finances sociales... En vérité, ce projet de loi de programmation constitue le premier acte du plan de super-austérité que la majorité lance pour répondre aux impératifs du pacte de stabilité européen. Après la réforme des retraites, le ton est donné ! La question des niches fiscales et sociales reste taboue : celles-ci s'élèvent à 172 milliards quand la dette sociale est de 130 milliards. En 2002, en d'autres conditions économiques certes, les comptes étaient à l'équilibre, puis on a laissé filer... Les hypothèses de taux de croissance et de progression de la masse salariale, retenues dans ce projet de loi, sont largement surestimées. Et nous savons ce que signifie la maîtrise ambitieuse des dépenses publiques : bientôt, la France rejoindra l'Angleterre ! Votre GVT - glissement-vieillesse-technicité -, qui assurerait une progression des traitements de la fonction publique, s'assimile plutôt à une glaciation générale des salaires et des retraites, qui n'a jamais été aussi forte. Sans compter que les collectivités territoriales vont voir leurs dotations diminuer, elles qui sont aujourd'hui les seuls moteurs de la croissance. Quant à la progression de l'Ondam, vous avez oublié de mentionner, dans votre présentation, qu'elle a été fixée par le Président de la République lui-même dans un discours ! Il est inacceptable de démanteler, au nom de la lutte contre les déficits, nos services publics, à l'heure où la précarité et la pauvreté explosent.

Marc Laménie . - Quelles sont les économies envisagées pour assurer la maîtrise des dépenses de la branche maladie, sujet également évoqué par le Premier président de la Cour des comptes ? De même, en matière de sécurisation des recettes - le terme est particulièrement bien choisi car il est raisonnable de ne pas espérer d'augmentation -, quelles mesures prendre ?

Yves Daudigny . - L'économie, comme les gros paquebots, supporte mal les changements brutaux de cap. Or, en quelques semaines à peine, nous sommes passés d'un plan de relance qui, malgré ses défauts, a permis de maintenir l'économie à flot avec le concours des collectivités territoriales, à une cure d'austérité qui dit désormais son nom et aggravera la précarité, la pauvreté et le chômage.

Pour réduire les déficits publics, vous choisissez d'agir d'abord sur les dépenses. Peine perdue ! Si des gains de productivité sont possibles, les dépenses de santé, par exemple, vont nécessairement augmenter en raison de l'accroissement de la demande et du renchérissement du coût des techniques médicales. Certains Français, déjà, reportent tel ou tel soin, faute de moyens. Nous refusons de mettre en danger nos services publics. Quant à l'action sur les recettes, elle est toujours abordée de manière déguisée en raison du diktat qui pèse dans notre pays sur toute hausse des prélèvements obligatoires. Posons, de manière ouverte, la question des recettes et des niches sociales qui sont totalement inutiles à l'essor économique de notre pays, et arrêtons cette mise en cause constante des collectivités territoriales. Non seulement elles participent à la croissance, mais elles n'empruntent que pour investir. Aujourd'hui, on porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Que se passera-t-il, demain, lorsque leurs ressources seront asséchées et qu'elles ne pourront même plus être donneurs d'ordres ?

Marie-Thérèse Hermange . - L'image du paquebot est parlante : la difficile évolution des mentalités fait parfois obstacle aux réformes structurelles nécessaires au respect de l'Ondam mentionnées dans le rapport annexé au projet de loi. Il est question d'améliorer les synergies entre les différents types de prise en charge. Mais prenons l'exemple de l'accueil temporaire qui réduirait les prises en charge hospitalière et médico-sociale : un décret a été publié, et nous ne sommes toujours pas capables de prendre en charge les personnes les plus vulnérables. Cette situation pèse sur nos finances sociales. La commission ne pourrait-elle pas se pencher sur ce type novateur de prise en charge ? Autre sujet dont il est question dans le même rapport : l'adaptation de la politique familiale. Nous devons remettre à plat les prestations familiales, notamment la prestation d'accueil du jeune enfant, la Paje dont je suis l'une des promotrices, mais qui n'est plus adaptée.

François Autain . - La prévision est effectivement un art difficile... M. Douste-Blazy annonçait en 2004 un retour à l'équilibre en 2007 grâce au dossier médical personnalisé ; un peu plus tard, M. Bertrand avançait la date de 2009 et on nous parle aujourd'hui de 2012 ! Devant un réel problème de financement, le Gouvernement biaise en reportant la charge sur les générations futures - et je ne parle pas des retraites - via l'allongement de la durée de vie de la Cades. Quel manque de courage politique ! Même avec les hypothèses optimistes retenues dans le projet de loi, nous aurons un déficit.

En outre, pourquoi n'avoir rien dit la privatisation rampante de notre système de santé ? Les assurés, du fait de la politique de déremboursement et de l'augmentation du reste à charge, doivent nécessairement souscrire une mutuelle. Or de plus en nombreux sont ceux qui n'en ont pas les moyens. Résultat, les catégories les plus fragiles seront les premières victimes de ce refus d'augmenter les prélèvements obligatoires.

Enfin, l'hôpital ne doit pas être le bouc émissaire des problèmes de l'assurance maladie d'autant qu'il ne se résume pas à la prise en charge, dont l'efficacité, je le crains, risque de diminuer. On y utilise aussi des médicaments. Le renchérissement de 20 % du coût des médicaments hors T2A de la liste en sus par an posera un gros problème à long terme !

Sylvie Desmarescaux . - M. Vasselle, dans son rapport, a fait un excellent exercice de lucidité. De fait, les économies ne suffiront pas pour faire face à un allongement de la durée de vie. Les familles fragiles, j'y insiste, ne doivent pas subir ces moindres remboursements. Certains dossiers n'avancent pas assez vite, notamment celui de l'hospitalisation à domicile et des dialyses. L'hôpital de Dunkerque accueille jour et nuit des patients alors que cette intervention se pratique parfaitement à domicile.

Jacky Le Menn . - La programmation est un exercice intéressant à condition de le pratiquer de manière exhaustive. A considérer l'hypothèse retenue pour la progression de la masse salariale, la marge est parfois ténue entre le volontarisme et l'irréalisme. Prenons garde au risque de démobilisation. Il faut mener une réflexion plus globale : sur les prélèvements obligatoires et l'amélioration de leur progressivité - je pense à la TVA qui frappe pauvres et riches à égalité ou encore à la fiscalité du patrimoine - ; je pense aux dépenses - loin d'être laxiste en la matière, je suis partisan, comme en Allemagne, d'un meilleur positionnement des dépenses dans le cadre d'une programmation - je pense aussi au sens de la restructuration à mener dans un contexte de vieillissement de la population - quid des affections de longue durée et des difficultés dans les années à venir avec les nouveaux médicaments et les nouvelles thérapies ? Je pense, enfin, aux collectivités territoriales - quelles seront les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle en 2014 ? - elles qui sont déjà en difficulté tout en représentant pas moins de 70 % de l'investissement public. Le rapport, même s'il reste insuffisant, a le mérite de mettre le doigt sur les points sensibles.

Gisèle Printz . - A lire ce rapport, le vieillissement de la population apparaît comme une cause du déficit public évalué à 47 milliards en 2018 et à 100 milliards en 2050. Est-ce un reproche adressé aux personnes âgées ? A qui va-t-on demander de faire des efforts ? J'espère que l'on ne suivra pas le modèle de l'Angleterre, qui consiste à ne pas soigner certaines maladies à partir d'un certain âge.

René Teulade . - Je passe rapidement sur les compliments et les réserves d'usage : des travaux de qualité suscitent une réflexion collective.

Nous restons ici confrontés à un problème de fond, que nous n'avons pas su résoudre malgré toutes les tentatives. Comment concilier des prescriptions libérales et des prestations socialisées ? On sent qu'une réponse suppose une modification des comportements. On ne fera rien sans les professionnels de santé, et c'est pourquoi j'avais en 1993 défendu la loi sur la maîtrise médicalisée des dépenses de santé - au moment de me succéder, Mme Veil m'avait avoué que sa majorité l'empêcherait d'utiliser les outils que je lui laissais... Je m'inquiète en outre de l'évolution du concept de solidarité. Il y a eu le ticket modérateur qui a provoqué la plus grande pétition de l'histoire, sous forme de cartes postales adressées au président de la République, avant que le Premier ministre ne revienne sur son projet ; nous avons ensuite essayé les franchises, mais la dérive du concept de solidarité s'accélère, et des organismes complémentaires qui osent s'intituler mutuelles proposent maintenant un bonus malus pour la maladie ! Nous assistons à une remise en cause de la solidarité et des principes sur lesquels la sécurité sociale est fondée. Nous pouvions être fiers d'un système dans lequel les plus modestes pouvaient être soignés comme les plus riches, mais cela est remis en question.

Marie-Thérèse Hermange . - Allez à Tenon !

René Teulade . - En 1993, le déficit atteignait 17 milliards ... de francs. Combien aujourd'hui ? Informer et mettre un terme à la dérive du concept de solidarité représente un gros travail.

Annie David . - Je partage ce qui a été dit par mes collègues de gauche, mais je rejoins aussi Mme Desmarescaux sur la dialyse et Mme Hermange sur le manque de réactivité sur l'hospitalisation à domicile. S'agissant des recettes, s'il y a accord sur le diagnostic, nous divergeons sur l'ordonnance. Bien sûr, il ne faut pas jeter l'argent par les fenêtres, mais il ne faut pas non plus que les économies pèsent sur les plus démunis. De même, on ne peut pas approuver la révision générale des politiques publiques (RGPP) et voter la suppression de 100 000 emplois dans la fonction publique, tout en tablant sur une augmentation de la masse salariale, comme si les économies réalisées par l'Etat ne se répercutaient pas sur d'autres budgets. Cela s'apparente à de la schizophrénie.

Jean-Louis Lorrain . - Quand même !

Annie Jarraud-Vergnolle . - Oui, le Gouvernement va faire porter l'essentiel de l'effort sur les salariés. Quant aux niches fiscales, ce petit fascicule montre qu'on leur préfère des économies de bouts de chandelle. Certaines dispositions apparaissent redondantes. Les exonérations sur les heures supplémentaires coûtent 3 milliards, mais on préfère parler des exonérations des zones de revitalisation rurales. Les mesurettes ne servent à rien. La vraie question, je le vois bien quand je fais le budget de ma commune, c'est d'augmenter les recettes en s'adaptant à la réalité. Je suis d'accord avec Mme Hermange, on ne va pas dans le sens de l'innovation, qui a un coût mais qui en évite d'autres. Les réseaux médicalisés permettent, par exemple, d'éviter des hospitalisations.

Bernard Cazeau . - Soyons réalistes : ce texte programme la rigueur, que ses articles justifient très succinctement. On pose des principes, dont le premier est qu'il faut être en accord avec l'Europe, d'où les 3 %, d'où toute une série de mesures comme des fonctionnaires qu'on retire à l'Education nationale. L'on peut dégager des économies dans certains ministères, mais pas dans ce secteur ! On justifie aussi ce qui se passe au niveau des collectivités locales (la réforme, qui a du mal à passer en commission mixte paritaire, annonce la suppression de la région ou, plus probablement, du département). Quant à la santé, on justifie la régression que constitue un Ondam ramené à 2,8 %. On prend les choses par le mauvais bout. Si la santé a un coût, il ne faut pas oublier la demande de santé. Pour réaliser sur la dialyse les économies que souhaite M. Van Roeckeghem, il faut que les patients subissent des systèmes plus longs et plus douloureux. Puisque les coûts vont augmenter, l'Ondam doit l'être aussi. On préfère faire n'importe quoi et, dans deux ans, l'on changera de gouvernement... M. Vasselle arborait d'ailleurs, en présentant ce projet, le sourire qui lui est familier quand il ne croit pas à ce qu'il dit, tant les chiffres annoncés sont irréalistes. Mais ce document extrêmement important a failli passer inaperçu.

Marie-Thérèse Hermange . - Les mots ne sont pas équivalents, et rigueur n'est pas nécessairement synonyme de rentabilité. M. Teulade a évoqué la dérive du concept de solidarité, mais il y aurait aussi à dire sur les prestations socialisées : à force de décharger les familles, elles s'en remettent entièrement à la société, ce qui a un coût. Nous sommes des élus de terrain, nous avons tous visité les urgences. Je connais bien les hôpitaux parisiens - j'ai été à l'improviste à Lariboisière comme dans la maternité de Tenon, ou d'autres établissements - : on ne peut laisser dire que l'on n'est pas accueilli dans les hôpitaux publics.

René Teulade . - Des opérations sont retardées d'un an !

Marie-Thérèse Hermange . - On accueille même ceux qui sont en situation irrégulière.

François Autain . - On accueille même ceux qui devraient l'être en ambulatoire, ce qui est une partie du problème.

Alain Vasselle, rapporteur général . - Il y a eu plus de commentaires que de questions. M. Marini répondra sur l'impact des mesures budgétaires, je m'en tiendrai pour ma part aux lois de financement de la sécurité sociale. Le débat général nous permettra d'aborder tous les sujets.

L'un des objectifs du texte est l'examen des niches fiscales évoquées par M. Barbier. Si l'on ne dispose pas d'un bilan pour chacune, l'idée est bien de les évaluer et de les limiter dans le temps. Je formulerai des propositions la semaine prochaine. Les solutions ne sont toutefois pas faciles à trouver, parce que l'on manque d'une estimation de leur impact. L'an dernier, le Gouvernement s'était opposé à l'annualisation en expliquant que 80 000 emplois étaient en jeu, mais il met aujourd'hui cette mesure en oeuvre. Quant aux allègements de charges sur les heures supplémentaires, qui coûtent de 20 à 30 milliards, il évoque entre 800 000 et un million d'emplois qui seraient en jeu, ce que confirme le rapport Tavernier, d'ailleurs non publié. La commission des finances est-elle en mesure de procéder à une évaluation ? Je n'ai pas pour ma part l'expertise nécessaire. On voit en revanche que certaines niches pourraient disparaître, mais cela ne concerne pas le PLFSS.

M. Fischer a fait beaucoup de commentaires. J'ai bien compris ses préoccupations. Les chiffres 2010-2011 sont assez proches de la réalité, les objectifs 2013-2014 sont très ambitieux. Personne ne nie que la croissance des dépenses sera plus dynamique que celle des recettes. Les nouvelles molécules sont plus coûteuses et la population vieillit - Mme Desmarescaux y a d'ailleurs fait allusion, nous aurons 200 000 centenaires dans quelques dizaines d'années ! Je reste persuadé que l'on peut dégager des marges à l'hôpital sans compromettre l'efficacité des soins : on peut mieux utiliser le potentiel et optimiser nos moyens. Quant à l'impact sur les complémentaires, cela nous fait entrer dans le périmètre des finances publiques. La mutualité parle de 7 % à 8 % d'augmentation, le Gouvernement de 1 % à 1,5 %. J'ai demandé au cabinet de M. Baroin de me communiquer les éléments sur lesquels il s'appuie pour justifier ses estimations. On avait en effet d'abord prévu 3,2 milliards d'euros pour financer la Cades, prélevés sur les assureurs, mais l'on a ensuite décidé, par amendement à l'Assemblée nationale, de passer par la branche famille.

M. Laménie m'a interrogé sur les recettes retenues pour l'assurance maladie. Ce sont celles que l'on connaît, pour 2,5 milliards d'euros : tarifs, déremboursements, dépenses de transports, référentiels, ambulatoire... J'entends parler de la sécurisation des recettes depuis que je suis parlementaire. Le seul remède est de sécuriser celles de la Cnaf par une disposition organique. Quand je l'ai proposé, le Gouvernement n'y était pas favorable et il n'y avait pas de majorité pour cela. On se heurte en outre à l'écueil maastrichtien. Si l'on avait suivi M. Camdessus on aurait mis dans la loi de finances toutes les dispositions à caractère fiscal avant de les ventiler entre les branches, ce qui nous aurait ramenés à la situation antérieure à 1996.

Je partage la préoccupation de Mme Hermange sur la lenteur à laquelle nous évoluons. Nous prendrons des initiatives. La même réponse vaut pour les dialyses : pourquoi certains départements ou régions sont-ils très dynamiques et d'autres pas du tout ?

Fidèle à lui-même, M. Autain m'a appelé à beaucoup d'humilité et il est vrai que la réalité dément souvent les prévisions de la veille. Nous tablions l'an dernier sur un déficit de 30 milliards en 2010 ; il ne sera que de 20 milliards, grâce à la progression des recettes comme au respect de l'Ondam. L'on peut néanmoins identifier d'autres recettes, le Gouvernement s'y est efforcé et nous avons pris des initiatives, ainsi sur le forfait social. M. Fischer en a énoncé d'autres à l'occasion de la CMP sur les retraites. Encore faut-il qu'elles ne nuisent pas à notre compétitivité : il faut trouver un point d'équilibre. La réforme fiscale, souhaitée par M. Le Menn, s'engagera au printemps prochain dans la perspective d'une harmonisation avec l'Allemagne.

Le remède au vieillissement de la population évoqué par Mme Printz réside dans la réforme des retraites. On ne peut jamais faire un copier-coller de la politique des Américains et des Anglais. La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) a prévu d'aller en Angleterre ; si vous êtes intéressée, inscrivez-vous.

M. Teulade a opposé prescriptions libérales et prestations socialisées. Je préciserai juste à l'intention de Mme David que la masse salariale dont il s'agit n'inclut pas les fonctionnaires. Que M. Cazeau se rassure, je partage ses interrogations. La prévision est un exercice bien difficile. Un Ondam de 2,8 % marque-t-il une régression ? Nous verrons cela à la fin de l'année prochaine. Nous devons progresser vers une maîtrise médicalisée des dépenses. Nous avançons déjà d'année en année, mais il faut aller plus vite sur l'hôpital.

Les conclusions du rapport sont approuvées.

Acte est donné de cette communication.

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