C. UNE INTERPRÉTATION LARGE DES CRITÈRES DE L'OCDE QUI FAUSSE LES COMPARAISONS INTERNATIONALES

France

Royaume-Uni

APD

12 601,55

11 282,61

Écolages

931,44

0

Annulations de dette

1 405,25

42,59

APD-annulation de dettes et écolage

10 264,86

11 240,02

Source OCDE en millions de dollars

Le recours à une interprétation large des critères de l'OCDE conduit à fausser les comparaisons internationales. Ainsi, si l'on considère la déclaration de la France et la Grande-Bretagne en 2009 on constate que sur la dizaine de milliards déclarés par les deux pays la France déclarait au titre des écolages et des annulations de dettes plus de 2 milliards là où la Grande-Bretagne ne déclarait que 42 millions.

Les deux pays pouvaient afficher un taux d'effort, c'est-à-dire une APD rapportée au revenu national brut de 0,51 %, mais en réalité, si l'on supprime les écolages que la Grande-Bretagne se refuse à déclarer et les annulations de dettes qui ne sont pas évaluées à leur juste valeur, le taux d'effort réel de la France n'est plus que de 0,38 %

D. AU REGARD DE L'AIDE PROGRAMMABLE, L'AIDE FRANÇAISE REPRÉSENTE 5 À 8 % DE L'AIDE MONDIALE

Vos rapporteurs ont pu l'observer lors de leurs auditions, la définition de l'aide publique au développement au sens de l'OCDE sert essentiellement à mesurer notre effort pour atteindre les 0,7 % et a perdu beaucoup de sa pertinence pour mesurer les moyens effectivement disponibles sur le terrain pour des projets de coopération.

Dès qu'un interlocuteur veut parler de l'effort réel en faveur d'un pays, ou bien de l'argent effectivement disponible pour financer des projets, il évoque d'autres critères dont l'aide programmable, autrement dit, l'aide dont on a enlevé les annulations de dette, les coûts d'écolage et de prise en charge des réfugiés, et autres éléments moins en rapport avec le développement.

Aide publique programmable en valeur absolue et en pourcentage

En millions $

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

France

2 316

2 040

2 580

2 079

2 331

2 423

3 166

3 595

4 301

4 171

Tous donneurs, Total

42 247

44 274

49 315

52 412

61 256

66 620

69 743

78 684

93 142

96 862

Part de la France / tous donneurs

5,48%

4,61%

5,23%

3,97%

3,81%

3,64%

4,54%

4,57%

4,62%

4,31%

Donneurs du CAD, Total

27 669

27 145

28 658

32 351

37 009

41 616

41 809

44 726

53 625

54 905

Part de la France/donneurs CAD

8,37%

7,52%

9,00%

6,43%

6,30%

5,82%

7,57%

8,04%

8,02%

7,60%

Agences multilateral, Total

13 257

15 683

18 525

18 385

22 928

22 486

23 830

28 501

31 386

37 199

Part de la France/donneurs CAD & agences multilatérales

5,66%

4,76%

5,47%

4,10%

3,89%

3,78%

4,82%

4,91%

5,06%

4,53%

Source : OCDE

« L'aide programmable pays » (APP) se calcule, selon la  définition de l'OCDE, à partir de l'APD bilatérale brute de laquelle on déduit un certain nombre de postes qui correspondent à des dépenses non programmables, soit parce qu'elles sont imprévisibles (aide humanitaire, annulation de dettes), soit parce qu'elles n'entraînent pas de flux transfrontaliers (écolage, réfugiés), soit parce qu'elles n'entrent pas dans des accords entre gouvernements (aide aux ONG, aide allouée par les collectivités locales), soit parce qu'elles ne peuvent pas être ventilées (PED non ventilés).

Au regard de l'aide programmable, l'aide française représente 5 à 8 % de l'aide mondiale. Sur dix ans la part relative de la France par rapport à l'ensemble des bailleurs de fonds a tendance à légèrement diminuer.

Source : OCDE/SENAT

Si on se situe au niveau des pays récipiendaires, les études de terrain montrent que les montants vraiment disponibles sont encore plus limités. Une enquête de l'OCDE sur 55 pays a établi que, sur les 8 milliards de dollars d'aide publique au développement brute française, seulement 1,7 milliard de dollars était effectivement disponible pour des projets bilatéraux d'aide au développement.

Ainsi, sur 8 milliards déclarés en 2008 par la France, seulement cinq sont programmables et un peu moins de deux ont été délivrés de façon bilatérale dans les pays récipiendaires.

On constate, par ailleurs, que la France est l'un des pays où la part relative de l'aide programmable par rapport à l'ensemble de l'APD est la plus faible.

Source : rapport annuel de l'ONG ONE

C'est dire que les batailles de chiffres auxquelles se livrent les pays désireux d'atteindre leur objectif d'aide publique au développement n'ont pas toujours de sens.

C'est souligner également combien la définition actuelle de l'aide publique au développement mesure mal la réalité qu'elle est supposée appréhender.

Les défauts de cet agrégat ont des conséquences sur la conduite de la politique d'aide au développement et introduisent un biais dans ses orientations.

La pression exercée afin que les Etats remplissent leur engagement en termes de pourcentage d'aide publique au développement dans le revenu national conduit, sur le long terme, les gouvernements à maximiser des dépenses qui rentrent dans l'agrégat, au détriment d'autres types d'interventions qui peuvent s'avérer tout aussi utiles sinon plus.

Il conviendrait d'améliorer et de diversifier les instruments de mesure dans le cadre de l'OCDE.

Le document-cadre prévoit de « promouvoir l'utilisation complémentaire d'un indicateur plus large permettant de mieux rendre compte de l'ensemble des efforts consentis en faveur du financement du développement ».

Votre commission estime qu'il faut également intégrer dans les documents budgétaires un indicateur plus proche de la réalité des montants vraiment disponibles tel que l'aide programmable, sans forcément reprendre la définition du CAD qui se situe du point de vue du récipiendaire.

Il convient, en effet, d'isoler dans les crédits notifiés ceux sur lesquels le gouvernement a une maîtrise réelle et peut exercer un pilotage, des arbitrages, une programmation.

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