II. LE REFUS D'UNE TVA SOCIALE AVEUGLE ET INJUSTE

L'article 1 er qui vise à mettre en place une « TVA sociale » est une mesure à plusieurs facettes :

- le premier volet est une baisse des cotisations sociales patronales affectées à la branche famille . Actuellement, celles-ci s'élèvent à 5,4 % de la totalité des salaires versés par les entreprises. Le dispositif proposé tend à les supprimer complètement jusqu'à 2,1 Smic, puis à prévoir leur diminution progressive jusqu'à 2,4 Smic. Ce faisant, la mesure étend le dispositif d'allégement général dit « Fillon » sur les bas salaires, jusqu'à 1,6 Smic. Elle vise en particulier l'emploi industriel. Au total, la baisse de cotisations envisagée atteindrait 13,2 milliards d'euros ;

- pour compenser cette perte de recettes pour la branche famille, deux ressources sont mobilisées : la TVA et la CSG . Le taux normal de la TVA serait ainsi relevé de 1,6 point, passant de 19,6 % à 21,2 %, ce qui rapporterait 10,6 milliards d'euros. Le taux de la CSG sur les revenus du capital serait relevé de deux points, passant de 8,2 % à 10,2 %, pour un produit attendu de 2,6 milliards d'euros ;

- un compte de concours financiers est créé pour permettre le suivi des versements de l'Etat aux caisses de sécurité sociale. En effet, outre l'affectation d'une fraction de 6,7 % de la TVA à la branche famille, il est prévu de supprimer les affectations de TVA particulières, sur les produits pharmaceutiques, le tabac ou l'alcool, qui alimentent aujourd'hui les comptes de la Cnam et de l'ensemble des caisses au titre des exonérations de charges sur les heures supplémentaires, et de les remplacer par deux nouvelles fractions de la TVA nette.

La mesure ainsi proposée, curieusement dénommée « TVA sociale », n'est pas acceptable pour votre commission et ce pour plusieurs raisons.

Malgré tous les démentis du Gouvernement, il est clair en effet que la hausse de la TVA aura un effet inflationniste , au moins partiel, - cela a toujours été le cas, en France comme dans les autres pays lorsqu'on a augmenté les taux - et donc un impact sur la consommation des ménages et, par voie de conséquence, sur la croissance. N'est-ce pas l'inverse de l'effet recherché ?

Par ailleurs, comme la majorité de votre commission l'a toujours dit, la TVA est un impôt injuste qui touche particulièrement les plus modestes dont la totalité du revenu est consommée. Tous ceux qui aujourd'hui ont des fins de mois difficiles auront, dès la rentrée, des fins de mois impossibles !

L'effet attendu en termes de compétitivité semble aussi devoir être relativisé . Devant votre commission, Thomas Piketty a par exemple indiqué que cet effet n'aurait qu'un temps limité car nos partenaires et voisins européens s'adapteront vite au nouveau contexte. Jean Arthuis, de son côté, a assimilé la mesure à une dévaluation ; or, chacun sait que les dévaluations n'ont qu'un effet à court terme. Le problème de compétitivité de notre pays qu'il n'est pas question de nier est d'une tout autre nature : il résulte d'un retard en termes de création, de recherche, d'innovation. C'est ainsi d'une vraie politique industrielle dont notre pays a besoin aujourd'hui.

Enfin, l'objectif affiché par le Gouvernement qui attend de la mesure 100 000 créations d'emplois est difficilement crédible. Même dans les rapports de 2007, rédigés par deux membres du Gouvernement de l'époque, Eric Besson et Christine Lagarde, on ne tablait pas sur plus de 30 000 à 40 000 emplois créés et cela dans un délai de plusieurs années.

Aussi, quel que soit l'angle sous lequel on examine la réforme proposée - qui, certes, peut avoir des aspects, en théorie, séduisants - on est conduit à douter fortement de son efficacité . Il paraît donc impossible à votre commission de l'adopter dès à présent en l'état et d'imposer à nos concitoyens une hausse aveugle de la TVA.

Dernier élément, aucune garantie réelle n'est apportée pour une compensation à l'euro près à la branche famille de la perte d'une partie de ses recettes. Certes un rapport au Parlement, faisant le bilan des comptes, est prévu. Mais votre commission a déjà connu de telles situations dans le passé. On en revient toujours au fait que la sécurité sociale est une variable d'ajustement commode pour le budget de l'Etat ! Dans la situation dégradée des comptes de la branche famille, il parait difficile de cautionner une telle légèreté.

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