Avis n° 435 (2011-2012) de M. René VANDIERENDONCK , fait au nom de la commission des lois, déposé le 28 février 2012

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N° 435

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 février 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relatif à la majoration des droits à construire ,

Par M. René VANDIERENDONCK,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Corinne Bouchoux, MM. François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Roger Madec, Jean Louis Masson, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

4335 , 4351 et T.A. 863

Sénat :

422 (2011-2012)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 28 février 2012 sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président , la commission des lois a examiné, sur le rapport de M. René Vandierendonck , le projet de loi n° 422 (2011-2012) relatif à la majoration des droits à construire , adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, et dont elle s'est saisie pour avis.

Ayant rappelé que le Parlement était soumis à un calendrier contraint pour l'adoption de ce texte, déposé le 8 février 2012 sur le bureau de l'Assemblée nationale et dont le gouvernement souhaite l'adoption définitive avant le 6 mars, M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis , a noté que les associations d'élus locaux n'avaient pas été consultées avant l'élaboration du présent texte, qui a pourtant des conséquences importantes pour les communes et leurs groupements : elle tend en effet à imposer, après présentation au public d'une « note d'information », une majoration de 30 % des droits à construire résultant du document local d'urbanisme ; cette majoration serait applicable dans environ 17 000 communes et entrerait en vigueur automatiquement, dans un délai de neuf mois à compter la promulgation de la loi, sauf délibération contraire de l'organe délibérant compétent en matière d'urbanisme.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis , a ensuite souligné que le projet de loi avait vocation à apporter une réponse à la pénurie de logements qui caractérise, en particulier, les grandes agglomérations françaises. Toutefois, il a estimé que la réforme non seulement ne permettrait pas de résoudre ce problème, mais surtout serait génératrice de lourds effets pervers :

- elle entraînera un fort renchérissement des prix du foncier et, partant, du prix des logements ;

- elle ne répond ni aux attentes, ni aux besoins des élus locaux, qui jugent le projet de loi « recentralisateur » et y voient une source de lourdeurs inutiles, notamment parce qu'il rend obligatoire l'organisation d'une consultation du public et ne tient aucun compte des spécificités locales ;

- enfin, elle mettra en danger les planifications urbaines préexistantes issues des plans locaux d'urbanisme et des schémas de cohérence territoriale et ce, d'autant plus qu'elle permet aux communes membres d'une intercommunalité compétente en matière d'urbanisme de se désolidariser de l'intercommunalité en prenant une décision autonome sur l'application (ou non) de la majoration.

Pour ces raisons, votre commission a donné un avis défavorable à l'adoption du projet de loi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le logement est, aujourd'hui, un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens. Alors que la Fondation Abbé Pierre estime, dans un rapport rendu public il y a quelques semaines, que le phénomène de « mal-logement » est désormais endémique et concerne 3,6 millions de personnes en France, la rénovation de notre politique du logement est devenue plus nécessaire et plus urgente que jamais.

Prétendant répondre, au moins partiellement, à ce constat et à cette ambition, le projet de loi résulte d'une annonce de M. Nicolas Sarkozy qui a jugé nécessaire, lors d'une intervention télévisée du 29 janvier dernier, d'opérer une réforme pour densifier l'habitat ; le Président de la République avait alors estimé que la résolution de la crise du logement passait par l'assouplissement du droit des sols et il avait, dans cette optique, annoncé que « tout terrain, toute maison, tout immeuble [allait voir] ses possibilités de construction augmenter de 30 % ».

Le présent texte vise, ainsi, à appliquer cette préconisation, dont le Président de la République a annoncé qu'elle serait mise en oeuvre avant la fin de la session parlementaire -laissant à peine plus d'un mois au Parlement pour délibérer- : renvoyé à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, le projet de loi sera ainsi soumis à la Haute Assemblée à partir du 29 février prochain (c'est-à-dire sept jours seulement après son adoption par les députés). Pour répondre aux exigences calendaires fixées par le chef de l'État, il a été soumis à la procédure accélérée et devra avoir été définitivement adopté avant le 6 mars.

Ce rappel chronologique n'est pas sans importance, car la rapidité de rédaction du projet de loi a indéniablement eu un impact sur sa qualité non seulement d'un point de vue formel (de nombreuses malfaçons rédactionnelles et légistiques affectent le texte, et l'étude d'impact qui y est jointe présente des éléments statistiques et d'analyse peu précis et peu pertinents), mais aussi sur le fond : inadapté aux enjeux de la crise du logement, le texte est en effet porteur de graves effets pervers, tant sur un plan économique que d'un point de vue juridique.

En outre, bien que le projet de loi ait été renvoyé à la commission de l'Économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, votre commission des lois a souhaité s'en saisir pour avis -comme elle le fait, dans toute la mesure du possible, pour l'ensemble des textes qui concernent l'urbanisme et le droit des sols et qui ne lui sont pas renvoyés au fond- au vu notamment de ses conséquences lourdes sur l'exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales. À cet égard, votre rapporteur se félicite d'avoir pu travailler en bonne intelligence et en étroit partenariat avec notre collègue Thierry Repentin, rapporteur de la commission de l'Économie, avec lequel il a pu nouer un dialogue particulièrement ouvert et riche. Ce travail partenarial s'est traduit par l'organisation de nombreuses auditions communes aux deux rapporteurs et par l'adoption de deux approches complémentaires qui permettront au Sénat d'apprécier pleinement l'impact du projet de loi sur le logement, mais aussi sur le droit des sols et le droit des collectivités locales.

I. LA MODULATION DES DROITS À CONSTRUIRE, UN OUTIL AU CoeUR DE LA PLANIFICATION URBAINE

La réforme du gouvernement s'inscrit dans un double contexte :

- contexte juridique, tout d'abord : la faculté de majorer les droits à construire a en effet été utilisée à plusieurs reprises par le législateur pour favoriser la réalisation d'objectifs prioritaires de la politique du logement ;

- contexte économique et social, ensuite, qui est celui de la pénurie de logements, notamment dans les grandes agglomérations.

A. LE CONTEXTE JURIDIQUE : DES DISPOSITIFS D'AUGMENTATION DES DROITS À CONSTRUIRE AUX OBJECTIFS DIVERS

Le code de l'urbanisme prévoit trois mécanismes de majoration des droits à construire, qui répondent à des objectifs divers :

- les droits à construire peuvent être majorés dans des secteurs situés en zone urbaine pour la construction ou l'agrandissement ; le taux maximal de majoration est alors de 20 % (sixième alinéa de l'article L. 123-1-11) ;

- ils peuvent être augmentés de 50 % au maximum pour la réalisation de logements locatifs sociaux (article L. 127-1) ;

- enfin, la loi portant engagement national pour l'environnement du 12 juillet 2010 (ou « Grenelle 2 ») a autorisé l'application d'une majoration des droits à construire de 30 %, au maximum, pour la réalisation de logements à basse consommation en énergie (articles L. 128-1 et L. 128-2).

Le cumul de ces deux deniers outils est encadré par le code, qui précise que leur application combinée ne peut mener à un dépassement des droits à construire initiaux de plus de 50 % (article L. 128-3).

Ces différents mécanismes présentent plusieurs similitudes :

- leur mise en oeuvre est décidée par l'autorité locale compétente en matière d'urbanisme (commune ou EPCI -établissement public de coopération intercommunale-) : elle est donc facultative ;

- le pourcentage de majoration peut être modulé par la commune ou par l'EPCI ;

- enfin, le projet de délibération relatif à la majoration des droits à construire doit être porté à la connaissance du public pendant un mois pour lui permettre de formuler des observations.

B. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL : UNE GRAVE PÉNURIE DE LOGEMENTS EN ZONE URBAINE

D'un point de vue économique et social, la France se caractérise aujourd'hui par une pénurie croissante de logements dans les zones urbaines. Lors de son audition par notre commission de l'Économie, M. Benoist Apparu, alors secrétaire d'État au logement, estimait ainsi que l'économie du logement était une économie de la rente, et non de la production (ce que démontraient les statistiques comparées de l'évolution de l'encours de crédit immobilier, passé de 300 milliards en 2000 à 900 milliards en 2010, alors que la production de logements n'augmentait que de 30 % sur la même période) 1 ( * ) .

Bien que le logement ne fasse pas partie du champ de compétences traditionnel de la commission des lois, votre rapporteur estime nécessaire, au vu de l'objectif affiché par le présent projet de loi, de faire brièvement le point sur cette question.

Ainsi, comme le rappelle le plus récent rapport de la Fondation Abbé Pierre, rendu public en février 2012 2 ( * ) , notre pays compte 3,6 millions de « mal logés » et 700 000 personnes sont privées de logement personnel. Selon le même rapport, entre 2000 et 2011, la hausse des prix du logement a été très nettement supérieure à celle des revenus des Français : à titre d'illustration, le prix des logements anciens a cru de 117 % (et jusqu'à 138 % en Île-de-France) tandis que le niveau de ressources moyen des ménages connaissait une hausse bien plus faible (+ 26 %). Plus généralement, la Fondation observe l'existence d'un double mouvement dans lequel « les plus vulnérables [voient] leurs difficultés s'approfondir alors que le périmètre du mal-logement [s'élargit] aux salariés modestes et aux couches intermédiaires ».

Cette situation s'explique notamment (mais pas exclusivement) par une production insuffisante de logements qui crée un déséquilibre entre l'offre et la demande : l'étude d'impact jointe au présent projet de loi indique ainsi que le nombre de logements réalisés a diminué depuis 2008 et que, alors que l'on estime que les besoins en logements nouveaux en France s'établissent entre 400 000 et 500 000 logements par an, moins de 400 000 logements ont été produits en 2009 (330 000) et 2010 (360 000).

II. UNE MAJORATION DES DROITS À CONSTRUIRE SOUMISE À UNE PROCÉDURE COMPLEXE ET INÉDITE

Le projet de loi vise, selon son exposé des motifs, à libérer le potentiel de constructibilité des terrains et bâtiments actuels. Par un assouplissement du droit de sols, le gouvernement souhaite stimuler et faciliter l'offre privée de logements. Ce faisant, il tire les conclusions de ce qu'il considère être une insuffisante mise en oeuvre des outils à la disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements pour assurer la densification des espaces urbains.

L'article unique du projet de loi permet une nouvelle majoration des droits à construire en introduisant un nouvel article L. 123-1-11-1 au sein du code de l'urbanisme. Cette mesure permettrait de dépasser de 30 % les règles limitatives d'occupation des sols (coefficient de sols, gabarit, hauteur, emprise au sol) qui sont fixées par le règlement du plan local d'urbanisme (PLU).

Le projet de loi prévoit deux mesures principales qui poursuivent par des moyens différents une même finalité de densification de l'habitat.

En premier lieu, le projet de loi augmenterait de 20 % à 30 % la majoration existante pour les bâtiments à usage d'habitation prévue par l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme lorsque cette majoration a été adoptée par l'organe délibérant, conseil municipal ou assemblée de l'EPCI, compétente en matière de PLU.

En second lieu, il prévoit de créer une majoration de 30 % des droits à construire pour les bâtiments à usage d'habitation, introduite dans un nouvel article L. 123-1-11-1 du code de l'urbanisme. Cette majoration s'appliquerait, contrairement à l'ensemble des mécanismes existants, sur l'ensemble du territoire national sauf délibération contraire de l'assemblée délibérante compétente en matière de PLU. Pour ces communes, le projet de loi renverse donc le principe d'application de la majoration en l'imposant d'office, obligeant ainsi les communes ou EPCI concernés à écarter, dans un délai maximum de neuf mois, l'application de cette majoration s'ils le souhaitent. Cette obligation ne s'appliquerait toutefois pas aux territoires communaux ou intercommunaux où les organes compétents ont déjà fait application de la majoration prévue à l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme.

La nouvelle majoration obligatoire serait cependant prise en compte dans le calcul du plafond de l'ensemble des majorations cumulées et utilisables pour un même terrain ou bâtiment.

Pour ce faire, le projet de loi précise la procédure de consultation du public que devront organiser les communes ou les EPCI compétents en matière de PLU, dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, ainsi qu'en cas de suspension de l'application du mécanisme à l'initiative de ces mêmes organes. Il répond ainsi à l'exigence constitutionnelle de participation de la population aux décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, prévue par l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004.

En outre, cette mesure se distingue des majorations préexistantes par trois éléments :

- premièrement, elle a un caractère temporaire , puisque ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux demandes d'autorisation d'occupation des sols déposées avant le 1 er janvier 2016. Durant cette période, l'autorité locale compétente peut mettre fin à son application à tout moment, par simple délibération de l'assemblée délibérante, après consultation préalable du public ;

- deuxièmement, en cas de transfert de la compétence du PLU à l'échelon intercommunal, chaque commune reste libre dans son périmètre communal d'adopter une position contraire à celle retenue par l'EPCI , soit en écartant l'application du dispositif, soit en prévoyant son application ;

- troisièmement, le taux de majoration n'est pas modulable par les autorités locales.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : UN TEXTE INEFFICACE ET PORTEUR D'EFFETS PERVERS

Votre commission juge ce projet de loi, dans son ensemble, parfaitement inutile voire inopportun et, ce d'autant plus qu'il entre en contradiction avec les objectifs affichés par le gouvernement (notamment lors de la traduction législative du Grenelle de l'environnement). Au-delà de son manque de pertinence économique, le projet de loi constitue une mesure uniforme et autoritaire qui ne manquera pas d'engendrer des difficultés pour les élus locaux.

A. UNE MESURE CONTRE-PRODUCTIVE

Votre commission constate, en premier lieu, que le postulat de départ sur lequel est fondé l'argumentation du projet de loi est contestable. L'idée que les droits à construire seraient globalement consommés sur l'ensemble du territoire national est erronée. Le présent texte n'est donc pas une réponse convaincante à la pénurie de logements. La principale limite à l'acquisition d'un logement est, en cette période de crise économique, la faible solvabilité et la capacité financière réduite des ménages. De surcroît, le projet de loi induit des effets pervers par rapport à l'objectif poursuivi puisque :

- la majoration des droits à construire favoriserait une hausse des prix du foncier qui se répercuterait sur le prix de vente des logements ;

- la création de cette majoration inconditionnelle concurrencerait, par un effet de substitution, le dispositif existant en faveur du logement social.

Il apparaît donc peu probable que la mesure avancée par le gouvernement permette de maîtriser, pour les promoteurs, les coûts de construction des logements et, pour les particuliers, les prix des logements à la vente.

B. UN PROJET DE LOI RECENTRALISATEUR

Votre commission s'oppose au caractère général et autoritaire de la majoration prévue par le projet de loi dans la rédaction du nouvel article L. 123-1-11-1 du code de l'urbanisme. À rebours de la logique des autres mécanismes de majoration et notamment celui quasi-similaire de l'article L. 123-1-11, l'initiative d'appliquer ou non la majoration n'est pas laissée aux communes ou aux EPCI compétents en matière de PLU. La disposition introduit, au contraire, une majoration qui s'applique d'office aux autorités locales, à charge pour elle de contrer son application par l'adoption d'une délibération contraire. Cette logique heurte profondément le principe de subsidiarité, qui est une composante essentielle du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

De surcroît, le caractère indifférencié de cette mesure va à l'encontre d'une préoccupation, partagée par les acteurs du secteur, de contextualisation de l'action de planification urbaine. En effet, cette majoration part d'un postulat général de densification sans intégrer la situation particulière de certains centre-villes, d'ores et déjà hyperdenses, ou à l'inverse de communes rurales où le besoin de densification est inexistant. A cet égard, le projet de loi ne prend absolument pas en compte le fait que la saturation des droits à construire est une situation rare. De même, le projet de loi imposera à des communes rurales d'organiser une consultation du public sur ce thème alors même que la question n'apparaît absolument pas pertinente au regard de la configuration de l'habitat local.

Le présent texte relève en conséquence d'une conception centralisée de l'aménagement urbain et entre en totale contradiction avec la volonté, continûment soutenue par notre commission des lois, d'adaptation des normes aux spécificités territoriales.

C. UN TEXTE QUI NE RÉPOND PAS AUX ATTENTES DES ÉLUS LOCAUX

Enfin, le projet de loi génère, au stade de son application, de nouvelles difficultés pour les élus locaux et conduit à bouleverser les équilibres territoriaux. Il heurte ainsi la construction d'une stratégie urbaine à l'échelon des agglomérations. Sur ce point, le projet de loi entre en conflit avec les ambitions affichées dans le cadre de la loi « Grenelle 2 » 3 ( * ) qui a conforté l'échelon intercommunal dans l'élaboration et la révision des PLU.

Or, il apparaît incohérent qu'en matière de majoration des droits à construire, les communes aient la possibilité d'adopter une position contraire à celle retenue par l'EPCI compétent en la matière. Ce pouvoir de blocage accordé à l'échelon communal nuit à l'homogénéité des règles d'urbanisme voulue au niveau d'une agglomération.

Cette mesure est d'autant plus contestable qu'elle heurte ainsi des principes fondateurs et constants de la construction de l'intercommunalité française ; principes que sont celui de spécialité des EPCI et son corollaire, le principe d'exclusivité. En effet, la mesure envisagée par le projet de loi revient à recréer une compétence partagée entre les deux niveaux d'administration locale, au détriment de la rationalisation des compétences locales, pourtant défendue par le gouvernement lors de la réforme des collectivités territoriales.

Par ailleurs, le dépôt de ce projet de loi intervient dans un secteur, le droit de l'urbanisme, qui nécessite une vision de long terme que l'introduction de nouvelles mesures ne fait que perturber. Les professionnels du bâtiment et de l'aménagement, les professeurs de droit et les élus locaux ont pu, lors des auditions, exprimer leur attachement à un cadre juridique qui favorise , par une relative stabilisation et par sa cohérence, la confiance des investisseurs privés en matière de construction ou de réhabilitation du parc locatif. Or, l'adoption du projet de loi pourrait conduire à remettre en cause l'architecture globale de PLU ou de SCOT finalisés et en cours d'approbation.

En outre, le projet de loi serait une source de lourdeurs pour les élus du terrain, dans la mesure où il ajoute de nouvelles formalités procédurales de consultation du public, à accomplir obligatoirement dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, et ce, quel que soit le sens final de la décision de l'autorité locale. La préparation d'une note d'information à soumettre au public avant toute décision de l'assemblée délibérante, le tout dans un délai fort court de six mois, ne manquera pas d'impliquer des frais d'études voire, pour les plus petites collectivités territoriales, le recours à des prestataires extérieurs. Le projet de loi impose ainsi une nouvelle charge financière aux collectivités territoriales.

Votre commission constate enfin que, par sa piètre qualité rédactionnelle, le projet de loi laisse planer de nombreuses incertitudes juridiques, notamment sur l'opposabilité et la valeur juridique de la « note d'information » prévue lors de la consultation.

Ces imprécisions formelles ne manqueront pas de générer des contentieux dans une matière qui, traditionnellement, en compte d'ores et déjà un nombre non négligeable et croissant.

C'est pourquoi votre commission des lois a marqué son désaccord avec le dispositif prévu par le projet de loi.

*

* *

Au regard de ces observations, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption du projet de loi.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique (art. L. 123-1-11, L. 123-1-11-1 (nouveau) et L. 128-3 du code de l'urbanisme) - Majoration automatique de 30 % des droits à construire

Créant un nouvel article L. 123-1-11-1 dans le code de l'urbanisme, cet article vise à prévoir une augmentation des droits à construire de 30 % ; cette majoration serait applicable sur le territoire des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) couverts par un plan local d'urbanisme (PLU), un plan d'occupation des sols (POS) ou un plan d'aménagement de zone (PAZ), et en l'absence de délibération contraire de la collectivité ou du groupement concerné.

1. Les multiples dispositifs de majoration des droits à construire

En l'état du droit, de nombreux dispositifs de majoration des droits à construire sont prévus par le code de l'urbanisme pour permettre la réalisation d'objectifs ciblés comme étant prioritaires en matière de logement.

On recense ainsi trois mécanismes grâce auxquels l'organe compétent en matière d'urbanisme (la commune ou l'EPCI) peut augmenter les droits à construire résultant de son document de planification. Votre rapporteur note, à titre liminaire, que les mécanismes existants présentent deux caractéristiques qui contrastent avec les dispositions du présent projet de loi :

- le pourcentage de majoration qu'ils ouvrent n'est pas déterminé par la loi, mais modulable dans la limite d'un plafond ;

- les majorations prévues par le code sont facultatives : la possibilité d'appliquer la majoration est, en effet, subordonnée à une décision préalable de la commune ou de l'EPCI, qui doit prendre une délibération expresse en ce sens.

* Une majoration maximale de 20 % pour le logement en zone urbaine

En premier lieu, le sixième alinéa de l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme issu de la loi « MOLLE » 4 ( * ) ouvre la possibilité de majorer les droits à construire dans des secteurs situés en zone urbaine et pour la construction ou l'agrandissement de logements ; le montant exact de la majoration est fixé, pour chaque secteur, par une délibération de l'organe délibérant de la commune ou de l'EPCI et ne peut excéder 20 % 5 ( * ) .

Le projet de délibération, qui doit comprendre un exposé des motifs, est porté à la connaissance du public afin de lui permettre de formuler des observations ; le public doit disposer, pour ce faire, d'au moins un mois avant la convocation de l'assemblée délibérante.

* Une majoration maximale de 50 % pour le logement social

L'article L. 127-1 du code de l'urbanisme permet un dépassement de 50 % des droits à construire, au maximum, pour la réalisation de programmes de logement comprenant des logements locatifs sociaux.

Rappelons qu'une telle majoration ne peut être mise en oeuvre que si les critères suivants sont réunis :

- elle doit reposer sur une délibération motivée du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'EPCI ;

- elle ne doit pas porter atteinte à l'économie générale du POS ou du projet d'aménagement et de développement durables du PLU ;

- outre qu'elle est soumise au plafond de 50 %, la majoration « ne peut être supérieure au rapport entre le nombre de logements locatifs sociaux et le nombre total des logements de l'opération ».

Ici encore, une consultation préalable du public est prévue pendant un mois avant l'examen du projet de délibération ; cette consultation s'exerce dans les mêmes formes que pour la majoration de l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme (v. supra ).

* Une majoration maximale de 30 % pour le logement « vert »

Enfin, les articles L. 128-1 et L. 128-2 du code, issus de la loi portant engagement national pour l'environnement (dite « Grenelle 2 ») du 12 juillet 2010, permettent l'application d'une majoration des droits à construire, d'un pourcentage maximal de 30 %, pour la construction de logements « verts » (c'est-à-dire, plus précisément, de logements qui répondent « à des critères de performance énergétique élevée » ou sont « alimentés à partir d'équipements performants de production d'énergie renouvelable ou de récupération »).

Cette majoration est soumise à plusieurs contraintes :

- elle ne peut être mise en oeuvre que dans les zones urbaines ou à urbaniser ;

- elle est plafonnée à 20 % dans de nombreux secteurs (à savoir : secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager -ZPPAUP-, périmètres de protection d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, sites inscrits ou classés, etc.) ;

- elle ne peut permettre de déroger aux servitudes d'utilité publique ;

- d'un point de vue procédural, le projet de délibération du conseil municipal ou du conseil communautaire doit être mis à disposition du public pendant un mois afin de recueillir ses observations.

En outre, l'article L. 128-2 permet à l'organe délibérant de moduler la majoration sur tout ou partie du territoire de la commune ou de l'EPCI, mais aussi de la supprimer « dans des secteurs limités » et « sous réserve d'une justification spéciale motivée par la protection du patrimoine bâti, des paysages ou des perspectives monumentales et urbaines ». Lorsqu'il a été fait usage de cette possibilité de modulation, la délibération prise en ce sens ne peut pas être modifiée avant l'expiration d'un délai de deux ans.

* Le cumul des différents mécanismes

La diversité de ces mécanismes a poussé le législateur à poser des limites à leur cumul : ainsi, l'article L. 128-3 du code de l'urbanisme prévoit que l'application combinée de l'article L. 127-1 (majoration pour la réalisation de logements locatifs sociaux) et des articles L. 128-1 et L. 128-2 (majoration en vue de la construction de logements « verts ») ne peut conduire à autoriser « un dépassement de plus de 50 % de la densité autorisée par le coefficient d'occupation des sols ou du volume autorisé par le gabarit ».

2. L'efficacité limitée des majorations existantes

Ces différents dispositifs sont, toutefois, d'une efficacité limitée : selon l'étude d'impact jointe au présent projet de loi, une enquête menée par le gouvernement a montré que « moins de 30 délibérations au titre du L. 123-1-11 auraient été prises » et « pour les deux autres dispositifs [à savoir les majorations pour la construction de logements sociaux et « verts »], plus de 150 délibérations ont été recensées par cette enquête ». Ces chiffres sont, en effet, faibles, notamment si on les met en regard avec le nombre de communes auxquelles la loi ouvre la faculté de recourir à ces dispositifs : 17 000.

Le gouvernement estime, en outre, que le foncier français est marqué par un mouvement de « dé-densification » qui contraste avec des besoins en logement importants : l'étude d'impact précitée affirme ainsi que « la plupart des POS et un certain nombre de PLU ont des dispositions réglementaires qui ne permettent pas de densifier le tissu urbain du fait de deux éléments principaux : l'exigence de superficies minimales de parcelle trop élevées, et des densités maximales autorisées trop faibles » ; le même document assure également que « les règles de densité et de hauteur définies par le document d'urbanisme, et qui s'appliquent donc aux constructions nouvelles, sont inférieures aux caractéristiques des constructions existantes » et « empêchent la réalisation de certaines opérations dont, par exemple, la surélévation de bâtiments ».

Toujours selon l'étude d'impact, cette situation de « sous-densité » favoriserait l'étalement urbain et la périurbanisation, eux-mêmes générateurs de déplacements supplémentaires -déplacements qui sont, de leur côté, à l'origine d'une plus grande dépendance aux énergies fossiles et d'émissions de gaz à effet de serre plus importantes.

Ce constat justifie, selon le gouvernement, la mise en oeuvre d'une réforme pour « desserrer les contraintes qui pèsent sur l'offre » de logements.

Votre rapporteur considère que ces constats sont, pour le moins, peu précis (et donc discutables) : on ne peut, par exemple, que se demander quel est l'ordre de grandeur visé par l'expression « un certain nombre de PLU » et s'interroger sur la nature de l'appareil statistique qui a permis d'arriver à cette évaluation. Il estime, en conséquence, que les éléments figurant dans l'étude d'impact doivent être maniés avec prudence.

2. Le projet de loi : une majoration soumise à une procédure lourde et inédite

Le texte adopté par l'Assemblée nationale le 22 février dernier n'a subi que des modifications marginales par rapport au projet de loi déposé sur le bureau de celle-ci par le gouvernement le 8 février.

* Le champ et les modalités d'application de la majoration prévue par le projet de loi

Le projet de loi prévoit tout d'abord de modifier l'article L. 123-1-11 en portant à 30 % (contre 20 % en l'état du droit : v. supra ) le taux maximal de dépassement des droits à construire (règles de gabarit, de hauteur et d'emprise au sol, et coefficient d'occupation des sols) que l'organe délibérant de l'autorité compétente en matière d'urbanisme peut prononcer pour favoriser la construction de logements en zone urbaine. Il s'agit donc d'augmenter la portée d'un des mécanismes d'augmentation des droits à construire déjà prévu par le droit en vigueur.

La principale innovation contenue dans le projet de loi est la mise en place d'un nouvel outil de majoration des droits à construire , qui figurerait dans un nouvel article L. 123-1-11-1 du code de l'urbanisme.

Il s'agirait d'un régime transitoire, le projet de loi précisant que cette majoration ne sera valable que pour les demandes de permis et les déclarations d'urbanisme déposées avant le 1 er janvier 2016.

Ainsi, aux termes du nouvel article L. 123-1-11-1 dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, les droits à construire applicables dans toutes les communes et tous les EPCI couverts par un PLU, un POS ou un PAZ seront automatiquement augmentés de 30 % : selon les déclarations de M. Benoist Apparu, ministre délégué au logement, 17 000 communes et 80 % de la population française seraient concernés par la mesure.

La nouvelle majoration serait assortie de plusieurs réserves (I du nouvel article L. 123-1-11-1) :

- elle viserait uniquement à « permettre l'agrandissement ou la construction de bâtiments à usage d'habitation » ;

- elle ne serait pas applicable dans les zones de bruit fort et de bruit modéré telles que définies par les plans d'exposition au bruit, ni dans les secteurs sauvegardés ;

- elle ne pourrait générer des dérogations aux servitudes d'utilité publique, ni faire obstacle à l'application des dispositions particulières pour les zones de montagne et le littoral ;

- elle ne s'appliquerait pas si la commune ou l'EPCI a déjà fait application de la majoration facultative prévue par l'article L. 123-1-11 (v. supra ) ;

- enfin, la combinaison de cette majoration et des autres types de majoration des droits à construire (i.e. pour le logement social et le logement à haute performance énergétique) ne pourrait pas mener à augmenter les droits à construire, tels qu'ils résultent des documents d'urbanisme, de plus de 50 % (III de l'article unique du projet de loi).

* La procédure préalable à l'application de la majoration

Du point de vue de la procédure, le nouvel article L. 123-1-11-1 prévoit que, dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi, l'autorité compétente en matière d'urbanisme devra assurer la mise à disposition du public, pendant un mois, d'une « note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration de 30 % ».

Votre rapporteur souligne que, dans la rédaction initiale, le projet de loi précisait qu'un « document » décrivant les conséquences de l'augmentation des droits à construire devrait être présenté au public ; la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a toutefois craint que ce terme ne soit interprété comme obligeant les collectivités publiques compétentes en matière d'urbanisme à présenter une véritable étude d'impact aux citoyens (ce qui aurait pu les obliger, pour l'élaboration de ce document, à faire appel à des bureaux d'études dont les services sont parfois coûteux) ; c'est pourquoi elle y a, à l'initiative de son rapporteur M. Bernard Gérard, substitué le terme (plus modeste) de « note d'information ».

Cette clarification permettra également, selon les députés, de lever toute ambiguïté sur la nature des documents qui doivent être présentés au public par la commune ou l'intercommunalité : comme le résumait M. Gérard, « il ne s'agit pas de réaliser des études d'impact qui entraîneraient ensuite des contentieux » 6 ( * ) .

La note devra également préciser l'impact de la majoration des droits à construire sur la réalisation des objectifs prévus par l'article L. 121-1 du code (c'est-à-dire sur les objectifs généraux du droit de l'urbanisme).

Article L. 121-1 du code de l'urbanisme

« Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable :

« 1° L'équilibre entre :

« a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ;

« b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;

« c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ;

« 1° bis La qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de ville ;

« 2° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements et de développement des transports collectifs ;

« 3° La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, et la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature. »

Le projet de loi prévoit également que les citoyens devront avoir été informés des modalités de leur consultation au moins huit jours avant le début de cette dernière.

Sur la base de cette note, le public serait ensuite amené à formuler des observations sur le projet de majoration, dont le maire ou le président de l'EPCI ferait la synthèse devant son assemblée délibérante. Cette synthèse serait, enfin, publiée « dans les conditions prévues pour la publication des documents modifiant les règles d'urbanisme ».

À compter de la présentation de la synthèse à l'assemblée délibérante, cette dernière disposerait d'un délai de huit jours pour prendre, si elle le souhaite, une délibération prévoyant la non application de la majoration sur tout ou partie du territoire concerné. Notons que cette possibilité d'opposition à la majoration est indispensable pour garantir le respect du principe de libre-administration des collectivités territoriales, affirmé par l'article 72 de la Constitution : l'État ne saurait en effet leur imposer sa volonté dans l'exercice de leurs compétences.

À défaut d'une telle délibération, la majoration entrerait en vigueur automatiquement (et au plus tard neuf mois après l'entrée en vigueur de la loi). Votre rapporteur souligne que, dans ce cas, le pourcentage de 30 % ne pourra pas être modulé par la commune ou l'EPCI : il ne s'agira donc pas d'un plafond, comme dans les mécanismes existants de majoration des droits à construire, mais d'un taux obligatoire.

Votre rapporteur rappelle que, selon le texte initial du gouvernement, la délibération faisant obstacle à l'application de la majoration devait être prise « au vu » des résultats de la consultation du public. Cette formule, qui pouvait être interprétée comme imposant aux communes ou aux EPCI de se plier aux observations de la majorité des citoyens (interprétation qui aurait été contraire à la Constitution), a été modifiée par les députés qui ont précisé, en adoptant en séance publique un amendement de M. Bernard Gérard, que la délibération interviendrait « à l'issue » de la consultation.

En outre, en l'absence de délibération (c'est-à-dire après l'entrée en application de la majoration de 30 %), le projet de loi prévoit que le conseil municipal ou le conseil communautaire pourra mettre fin « à tout moment » à l'application de cette même majoration en prenant une délibération en ce sens ; cette délibération devra toutefois être précédée d'une consultation du public dans les conditions exposées plus haut.

On notera enfin que, aux termes du dernier alinéa du III du nouvel article L. 123-1-11-1, les communes membres d'une intercommunalité compétente en matière d'urbanisme auraient la possibilité de prendre une décision différente de celle de l'EPCI par le biais d'une délibération simple (et sans consultation préalable du public) : les communes pourraient donc décider d'appliquer la majoration quand le groupement a décidé de s'y soustraire ou, au contraire, faire le choix d'écarter son application quand l'EPCI a décidé de la mettre en oeuvre.

* Les avantages putatifs de la réforme

Le gouvernement estime que cette nouvelle majoration des droits à construire présente les avantages suivants :

- d'un point de vue quantitatif, elle doit permettre d'augmenter, par le biais de diverses techniques (surélévations, réhabilitation avec augmentation des surfaces offertes), le nombre de logements disponibles dans les bâtiments collectifs existants, ainsi que l'agrandissement de logements individuels, mais aussi accroître la dimension des logements neufs ;

- d'un point de vue qualitatif, elle doit mener à une diversification des logements ; elle devra également, via la densification, « soutenir un urbanisme moins consommateur d'espaces naturels et moins générateur de charges pour les ménages » ;

- sur le plan économique et de l'emploi, elle doit stimuler l'activité du secteur du bâtiment.

2. L'avis de votre commission des lois : une mesure simpliste et génératrice d'effets pervers

Votre commission a jugé que le projet de loi risquait de produire de graves effets pervers et de remettre en cause l'action des autorités locales en matière d'urbanisme.

* Un texte peu susceptible d'être largement appliqué

En premier lieu, l'augmentation des droits à construire prévue par le projet de loi risque d'être fréquemment rejetée par les élus locaux dans la mesure où elle ne présente aucune « valeur ajoutée » par rapport aux outils de densification déjà prévus par le code de l'urbanisme. Comme l'ont rappelé l'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur, l'objectif poursuivi par le gouvernement pouvait être atteint sans créer un nouveau mécanisme de majoration des droits à construire et par la simple modification des dispositifs existants (qui auraient pu être rendus plus souples et plus attractifs).

À cet égard, votre rapporteur émet les plus grands doutes sur le fait que la majoration « autoritaire » prévue par le présent texte soit plus efficace et fasse l'objet d'une plus large application que les majorations facultatives ouvertes aux élus locaux depuis plusieurs années : en effet, on voit mal pourquoi l'organe délibérant d'une commune ou d'un EPCI qui aurait choisi, par le passé, de ne pas faire usage des possibilités de majoration des droits à construire offertes par le droit en vigueur changerait subitement de position et deviendrait favorable à une densification du logement sur son territoire (et ce, d'autant plus que la différence entre le nouvel article L. 123-1-11-1 et l'actuel article L. 123-1-11 serait essentiellement procédurale).

Les auditions menées par votre rapporteur ont ainsi révélé que la plupart des élus locaux ne voyaient pas l'intérêt de ce nouvel outil, qui est inadapté à de nombreux territoires (v. infra ). Les représentants de plusieurs associations d'élus lui ont ainsi déclaré que leur préoccupation principale était de déterminer comment se prononcer contre l'application de la majoration sur leur territoire sans être contraint de consulter préalablement le public...

Le gouvernement, en estimant que 33 à 66 % des 17 000 communes concernées ne vont pas faire obstacle à l'application de la majoration, semble donc excessivement optimiste : au vu des premières réactions des associations d'élus, il semble probable que le pourcentage de communes ou d'EPCI qui appliqueront effectivement la majoration sera nettement moins élevé, et que les résultats attendus en termes de constructions de logements nouveaux (entre 18 000 et 37 000 par an, selon l'étude d'impact) ne seront pas atteints.

* De nombreux effets pervers sur le plan économique

En outre, la majoration automatique de 30 % est porteuse de réels effets pervers sur le plan économique.

Selon le constat unanimement formulé par les personnes entendues par votre rapporteur, et contrairement à ce qu'affirme l'étude d'impact jointe au présent texte (selon laquelle « en augmentant la densité des logements constructibles sur un même terrain, la mesure accroît mécaniquement l'offre de foncier constructible et tend à faire baisser les prix du foncier ») 7 ( * ) , le projet de loi entraînera en effet un renchérissement mécanique des prix fonciers et ne saurait générer une meilleure maîtrise des coûts du logement.

Toutefois, entendu par notre commission de l'Économie, M. Benoist Apparu a déclaré que la hausse des prix du foncier serait sans impact sur l'équilibre financier global des opérations de construction de logement, car elle serait compensée par l'augmentation du nombre de logements pouvant être construits sur un même terrain : la réforme n'aura donc, selon lui, aucun impact sur les prix des logements au mètre carré.

Cette vision a été démentie par les auditions menées par votre rapporteur, qui ont mis en lumière l'importance du poids du foncier dans le prix des logements (30 % en moyenne, et jusqu'à 50 % en Île-de-France) : comme le soulignait M. Hugues Périnet-Marquet, professeur de droit de l'immobilier et de droit de l'urbanisme à l'université Panthéon-Assas (Paris II), la baisse des prix immobiliers ne pourrait être atteinte que si la majoration des droits à construire était assortie de contreparties (encadrement du prix de livraison des logements pour les promoteurs, par exemple). Tel n'a pas été le choix du gouvernement, qui n'a adossé la majoration à aucune condition sur la qualité ou le prix des logements.

De même, M. Marc Kasynski, président de l'Association des études foncières, a souligné que la majoration des droits à construire n'entraînerait une modération du prix des logements que dans le cas d'une construction sur terrain nu, acquis avant la majoration par un promoteur (ce dernier étant alors susceptible de répercuter l'augmentation de la constructibilité à la baisse sur les prix, mais aussi d'augmenter sa marge). Par ailleurs, il a fait valoir que la majoration des droits à construire pouvait renchérir non seulement le foncier, mais aussi la construction : ainsi, si la densité est déjà élevée (ce qui est le cas dans les zones « tendues » où la réalisation de logements supplémentaires est nécessaire), la construction de logements nouveaux devra prendre la forme d'une extension des bâtiments existants ; or, au-delà d'un certain seuil de gabarit et de hauteur, l'augmentation de la surface habitable implique de recourir à des techniques complexes, et donc coûteuses.

* Augmentation de la constructibilité ou de la construction ?

Votre rapporteur rappelle également que, si le projet de loi augmente de 30 % la constructibilité des terrains, il n'accroîtra pas pour autant de 30 % le nombre de logements effectivement construits.

En effet, comme le relevaient les professionnels entendus par votre rapporteur (à savoir la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment -CAPEB-, la Fédération française du bâtiment -FFB-, le Syndicat national des aménageurs lotisseurs -SNAL- et l'Union des maisons françaises -UMF-), les droits à construire ne sont pas le seul élément qui explique la densité de construction : il convient également de tenir compte des autres règles résultant des documents locaux d'urbanisme, et qui ne sont pas visées par le présent texte. Ainsi, la taille minimale des parcelles, la nécessité de construire des places de stationnement à proximité des logements, les règles de recul ou de prospect issues des POS ou des PLU, ou encore les règles de gabarit et de hauteur prévues par les règlements de lotissements 8 ( * ) peuvent faire obstacle, en pratique, à la surélévation des logements existants ou même à la construction de nouveaux logements.

Dès lors, pour reprendre l'expression utilisée par M. Dominique Duperret, secrétaire général de l'UMF, lors de son audition, le présent projet de loi constitue donc un « déverrouillage juridique » incomplet, qui ne suffit pas à garantir une augmentation ni de la constructibilité réelle, ni du nombre de constructions réalisées.

Votre rapporteur souligne, en outre, que les particuliers ne pourront tirer profit de l'augmentation des droits à construire que s'ils en ont les moyens financiers : comme le rappelait le secrétaire général de l'UMF, le dimensionnement d'un logement dépend moins des droits à construire attachés à un terrain que des capacités financières de celui qui l'occupe. Bref : droit à construire et capacités (financières et juridiques) de construction ne doivent pas être confondus, et l'augmentation du premier est souvent sans effet sur les secondes.

C'est pourquoi votre commission considère que la majoration prévue par le projet de loi n'aura que des effets limités sur le nombre de logements effectivement réalisés, et ne permettra ni de combler les besoins des citoyens, ni même de rééquilibrer l'offre et la demande dans les zones « tendues ».

Cette réflexion sur l'efficacité quantitative du projet de loi appelle à s'interroger sur ses conséquences qualitatives, et à s'interroger sur le type de logement qui sera construit grâce à la majoration de 30 %. Sur ce point, votre rapporteur ne peut que marquer son inquiétude : par son caractère automatique et parce qu'elle ne peut se cumuler avec d'autres majorations que si ce cumul ne conduit pas à un dépassement de plus de 50 % des droits à construire (v. supra ), il est en effet probable que la majoration vienne se substituer aux majorations facultatives déjà prévues par le code de l'urbanisme, et qui sont conditionnées à la réalisation d'un objectif précis. Le projet de loi risque donc de produire un « effet d'éviction » au détriment des majorations qui visaient à favoriser la réalisation de logements sociaux ou de logements « verts ».

* Un texte recentralisateur et qui ne répond pas aux attentes des élus locaux

Particulièrement attachée à la préservation des libertés locales et au plein exercice, par les collectivités territoriales, des compétences qui leur ont été confiées par le législateur, votre commission des lois n'a pu que constater que le présent texte était contraire à l'esprit de confiance mutuelle qui anime, depuis ses origines, le mouvement de décentralisation.

En effet, et comme le résumait M. Marc Kasynski, la priorité donnée à la politique du logement au niveau national, bien que parfaitement légitime, ne doit pas faire de celle-ci « le cheval de Troie de la recentralisation ». Il semble que le gouvernement n'ait pas su éviter cet écueil, puisque le projet de loi laisse à penser que le manque de logements est dû aux élus locaux, qui seraient frileux, malthusiens et incapables de répondre aux besoins exprimés par leur population. En témoigne l'usage fréquent, par M. Benoist Apparu, de l'expression « inversion de la charge de la preuve » pour définir la logique du présent texte : celle-ci a en effet des connotations peu laudatives pour celui qui est mis en demeure d'apporter une « preuve », et semble donc constituer une stigmatisation des élus locaux.

La méthode d'élaboration du présent projet de loi témoigne, elle aussi, du manque de considération du gouvernement pour les élus locaux. En effet, la majoration automatique de 30 % a été décidée unilatéralement : comme l'ont indiqué l'AMF et l'AdCF à votre rapporteur, aucune concertation en amont n'a été organisée avec les associations d'élus locaux, qui ont appris l'existence de cette mesure lors d'une intervention télévisée du Président de la République. Le gouvernement ne s'est donc pas assuré, avant le dépôt du projet de loi, que la mesure envisagée répondait aux besoins et aux contraintes des élus ; il a omis d'effectuer le travail d'explication, d'anticipation et de pédagogie qui aurait pu assurer la bonne réception de la réforme.

Cette précipitation et ce manque de concertation ne sont pas sans conséquence sur la manière dont la réforme est perçue par les élus municipaux et intercommunaux : ces derniers considèrent qu'ils ont été négligés, laissés de côté par le pouvoir exécutif, et qu'ils ont été mis devant le fait accompli.

Par ailleurs, votre rapporteur a pu constater que les élus locaux étaient critiques, sur le fond, vis-à-vis de la nouvelle majoration de 30 %, à laquelle ils font de multiples reproches :

- tout d'abord, ils soulignent que la majoration ne s'adapte pas aux spécificités locales : le taux est le même sur l'ensemble du territoire et ne peut pas être modulé pour tenir compte des particularités de chaque territoire 9 ( * ) . On ne peut, en effet, que déplorer que le projet de loi n'ait pas « ciblé » les zones tendues et déjà denses, qui sont les seules où le coefficient d'occupation des sols est potentiellement saturé 10 ( * ) ;

- la réforme peut également avoir pour effet de mettre les élus en porte-à-faux par rapport à leurs administrés : comme le soulignait notre collègue Pierre Jarlier, il n'est pas souhaitable qu'un dialogue s'engage entre les élus et leurs électeurs sans base concrète, sans projet précis, puisque ce dialogue « à vide » ouvre la voie à toutes les revendications (notamment en raison de la capacité laissée à la commune ou à l'EPCI de définir des secteurs dans lesquels la majoration ne s'appliquera pas, et qui incitera certains particuliers à solliciter leur maire pour réclamer d'être inclus dans la zone qui correspond le mieux à leur intérêt personnel). Le projet de loi créera ainsi une « logique de pression foncière » que les élus locaux ne pourront que difficilement gérer ;

- la procédure prévue pour la consultation du public sera une source de coûts pour les autorités locales : tel est notamment le cas pour l'élaboration de la « note d'information » qui devra, à tout le moins, étudier les effets de la majoration sur la densité d'habitation -et donc s'intéresser à ses conséquences en matière de transports et de développement durable- et évaluer son impact paysager et architectural. Au vu de la brièveté des délais prévus par le texte et malgré les déclarations de M. Benoist Apparu (qui a assuré que les services des communes ou des EPCI seraient à même de rédiger cette « note », si bien qu'il ne serait pas nécessaire de faire appel à des acteurs extérieurs), il est peu probable que la « note » puisse être élaborée en moins de six mois sans recourir aux services d'un bureau d'études ;

- comme le soulignait notre collègue Pierre Jarlier, la rédaction floue du projet de loi en fait un « nid à contentieux » pour les communes et les EPCI concernés. À titre d'illustration, la nature de la « note d'information » (notion qui est créée par le présent texte et ne connaît aucun précédent en droit de l'urbanisme) pose de réels problèmes : le gouvernement estime en effet que cette note constitue un « document préparatoire » au sens de la jurisprudence administrative, et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge ; il n'en reste pas moins qu'elle sera invocable devant lui lors d'un contentieux, et que la procédure à l'issue de laquelle une majoration des droits à construire aura été repoussée pourrait être déclarée illégale du fait de l'insuffisance du contenu de la « note ». Comme on le constate, le texte crée donc une forte insécurité juridique pour les communes et les EPCI et risque d'être générateur de nombreux contentieux dans un domaine -l'urbanisme- où le nombre de recours est déjà extrêmement important ;

- la consultation du public préalable à la décision d'appliquer, ou non, la majoration de 30 %, pourrait entrer en conflit avec des processus -parfois déjà engagés- d'élaboration, de modification ou de révision d'un PLU. De tels processus, qui concernent chaque année plus d'un millier de communes ou d'EPCI (entre 1 000 et 1 500 selon les estimations de l'AdCF), supposent en effet la réalisation d'une enquête publique : on imagine aisément combien il sera difficile pour une commune ou un EPCI de mener deux consultations du public similaires sur le fond, mais qui doivent rester distinctes sur la forme. Cette possible coexistence des deux processus soulève également le d'une contradiction entre leurs conclusions respectives : il est en effet envisageable que les citoyens qui se sont exprimés lors de l'enquête publique sur l'ensemble du document d'urbanisme expriment une opinion différente celle qui aura été formulée, par d'autres personnes, sur l'éventualité d'une majoration des droits à construire -d'autant plus que ces consultations auront lieu sur la base de documents (dossier d'enquête publique, d'une part, et « note d'information », d'autre part) qui n'auront pas le même contenu ;

- plus généralement, les associations d'élus entendues par votre rapporteur estiment que la majoration est incompatible avec la mise en place d'un véritable « urbanisme de projet » , car elle peut remettre en cause les réflexions collectives déjà menées, au niveau communal ou intercommunal, sur la planification urbaine de long terme, et traduites dans le PLU.

Enfin, les élus locaux sont vivement opposés à la faculté donnée par le texte aux communes membres des EPCI, qui pourront se désolidariser de la décision prise par l'intercommunalité sur l'application -ou la non-application-, de la majoration des droits à construire sur son territoire. Cette mesure mettra à mal la cohérence du territoire intercommunal, rendra ingérable la gouvernance locale de l'habitat et remettra en cause toutes les initiatives prises au niveau de l'EPCI ; elle équivaut ainsi, comme le soulignait notre collègue Pierre Jarlier, à la « mort du PLU intercommunal ». Selon votre rapporteur, cette liberté laissée aux communes pose aussi de réels problèmes juridiques, puisqu'elle crée une discontinuité dans l'exercice d'une compétence pourtant transférée par les communes à l'EPCI.

Votre commission s'associe pleinement aux réserves exprimées par les élus locaux et juge que le dispositif du projet de loi n'est ni adapté aux réalités du terrain, ni conforme à l'esprit de la décentralisation.

D'un point de vue juridique, elle s'interroge en outre sur la pertinence de la procédure de consultation prévue par le projet de loi : comment justifier qu'une même décision (à savoir une majoration des droits à construire de 30 % sur l'ensemble du territoire d'une commune ou d'un EPCI) ne fasse l'objet que d'une simple consultation du public lorsqu'elle est impulsée par l'État, alors qu'elle impose une modification du PLU (et donc une enquête publique) lorsqu'elle est décidée par les élus locaux ?

Enfin, votre commission constate que, non content de peu tenir compte des élus locaux, le présent texte ne garantit pas la pleine information des citoyens.

En effet, aux termes du projet de loi, la majoration entrera en vigueur huit jours après la présentation de la synthèse des observations du public devant le conseil municipal ou communautaire, et « au plus tard à l'expiration d'un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi ». En l'absence de précision contraire, il se déduit de cette rédaction que la majoration pourrait entrer automatiquement en vigueur même si la commune ou l'EPCI n'a pas mis une « note d'information » à la disposition du public, c'est-à-dire même s'il n'a été procédé à aucune information du public 11 ( * ) : une telle situation serait contraire à l'article 7 de la Charte de l'environnement -qui précise que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement »-, et donc à la Constitution.

Ainsi, votre commission déplore que ni le gouvernement, ni les députés n'aient introduit un mécanisme garantissant, en cas de carence de la commune ou de l'EPCI, la bonne information du public. Plus largement, elle regrette que le présent texte n'assure pas l'association systématique des habitants à la définition d'un projet urbain qui aura des conséquences fortes et directes sur leur vie quotidienne et sur l'avenir de leur territoire.

* La question de la préemption

Le renchérissement des prix du foncier déjà évoqué par votre rapporteur peut poser problème non seulement aux acteurs privés, mais aussi aux collectivités publiques titulaires du droit de préemption . Confrontées à une hausse du prix des terrains, celles-ci seront en effet en difficulté pour la réalisation de leurs projets d'aménagement à venir, dont le coût se trouvera automatiquement accru.

De même, le projet de loi ne prend pas en compte les effets indirects qu'il ne manquera pas de produire dans les secteurs de la planification urbaine et de la construction. Il reste, en effet, muet sur la question du renchérissement du coût pour les collectivités territoriales de la construction des équipements publics (réseaux collectifs d'assainissement, de transport, etc.) que la densification improvisée pourrait engendrer. Aucun dispositif financier ne permet de compenser cette charge supplémentaire qui n'aura pas été anticipée par les autorités locales. Cette situation sera particulièrement aiguë au sein des zones d'aménagement concerté (ZAC) où les équipements publics initialement projetés se trouveront sous-calibrés en cas de densification urbaine subie.

Votre rapporteur déplore vivement que le projet de loi n'ait pas tenu compte de ce problème, et que les dispositions relatives aux conditions d'exercice du droit de préemption (et notamment du droit de préemption urbain, pour lequel les prix sont souvent déterminés par le biais de la méthode du « compte à rebours », c'est-à-dire en tenant compte non pas de la valeur réelle du bien au moment de la préemption, mais de la valeur virtuelle à terme des terrains) n'aient pas été ajustées en conséquence. Le projet de loi pourrait ainsi avoir des conséquences graves sur les projets urbains déjà planifiés et budgétés par les communes ou les EPCI sur la base des prix fonciers du marché avant la réforme : de tels projets pourraient devenir impossibles à financer du fait de l'augmentation des prix.

Plus largement, et à titre personnel, votre rapporteur souhaite que des réflexions soient menées pour qu'advienne une réforme du droit de la préemption qui, tout en garantissant les droits des propriétaires, interdise que les collectivités publiques ne se heurtent à des comportements spéculatifs. Une telle réforme de la préemption permettrait d'améliorer sensiblement les capacités de planification urbaine des acteurs locaux (notamment parce qu'elle faciliterait la constitution de réserves foncières) et pourrait, dès lors, jouer un rôle essentiel dans la rénovation de la politique du logement.

* L'avis de votre commission des lois

Votre commission a estimé que l'article unique était dépourvu de pertinence économique et présentait de nombreuses incohérences juridiques. Elle a, en outre, considéré qu'il mettait à mal la compétence des collectivités territoriales en matière d'urbanisme.

En conséquence, votre commission a donné un avis défavorable à l'adoption de l'article unique .

*

* *

Votre commission a donné un avis défavorable à l'adoption du projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Mardi 28 février 2012

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Nous avons décidé de présenter un rapport pour avis sur le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, qui touche directement nos compétences.

M. René Vandierendonck , rapporteur pour avis . - Comme elle le fait pour tous les textes touchant au droit de l'urbanisme et renvoyés au fond à la commission de l'économie, notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, transmis au Sénat après son adoption en première lecture le 23 février par l'Assemblée nationale. Le gouvernement ayant décidé la procédure accélérée, nous devons examiner dans des délais réduits l'article unique et emblématique, qui traduit sur le plan législatif l'annonce faite le 2 février par le président de la République dans son discours de Longjumeau. Le chef de l'État souhaitant « faire sauter les verrous de la construction par le relèvement de 30 % de toutes les contraintes des plans d'urbanisme fixés par les collectivités locales pour trois ans et sur tout le territoire national », l'objectif affiché est de « libérer le potentiel de constructibilité des terrains et bâtiments existants pour favoriser l'offre privée de logements ».

Le constat de pénurie de logements en France est amplement partagé, mais la réponse de circonstance apportée par le gouvernement n'est pas à la hauteur des enjeux. Pire, des auditions menées avec notre collègue M. Repentin, rapporteur pour la commission des affaires économiques, il ressort qu'aucun acteur de la construction ou de l'urbanisme ne considère ce dispositif comme efficace, adapté ou suffisant. Quant aux élus locaux, leurs associations n'ont même pas été consultées avant l'annonce du chef de l'État ! Les élus de terrain ne souhaitent pas la mise en oeuvre d'une réforme élaborée par le seul gouvernement. Tous soulignent l'improvisation de la mesure, l'absence de concertation et sa complète déconnexion par rapport aux réalités locales.

La principale mesure du texte consiste en une majoration de 30 % des droits à construire fixés par les plans locaux d'urbanisme (PLU), à savoir le gabarit, l'emprise au sol, la hauteur et le coefficient d'occupation des sols. Cette hausse généralisée prend deux voies : modifier l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme, introduit par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009, pour porter la majoration maximale de 20 à 30 %, et introduire un nouvel article L. 123-1-11-1 majorant automatiquement de 30 % les droits à construire sur l'ensemble du territoire national pendant trois ans, sauf délibération contraire de l'autorité locale compétente.

Cette majoration ne s'appliquerait ni aux zones A, B et C couvertes par un plan d'exposition au bruit, ni aux secteurs sauvegardés ; elles ne pourraient contredire ni les servitudes d'utilité publique, ni les règles issues des lois littoral et montagne. Enfin, les deux majorations ne pourraient pas se cumuler entre elles, les majorations existantes et à venir restant en tout état de cause limitées à 50 %.

Pour respecter la Charte de l'environnement de 2004, notamment son article 7 qui exige la participation de la population aux décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, le texte prévoit une consultation destinée à recueillir les observations de la population pendant un mois. Les députés ont tenté d'atténuer le coût de cette procédure pour les collectivités territoriales, en précisant que le public disposerait d'une simple « note d'information », non d'une étude d'impact. L'Assemblée nationale a en outre voté un amendement rédactionnel disposant que l'organe délibérant se prononcerait « à l'issue de la consultation » et non « au vu des résultats », rédaction pouvant suggérer que l'organe délibérant devrait se conformer à l'avis de la population.

Je ne partage pas l'enthousiasme du gouvernement sur l'utilité de cette mesure, bien que la situation du logement soit incontestablement préoccupante : la fondation Abbé Pierre estime à 3,6 millions de personnes le nombre de nos concitoyens mal-logés, soit 5 % de la population, et à 700 000 les personnes non logées. Pour satisfaire les besoins, il faudrait construire 400 000 à 500 000 logements par an pendant dix ans, notamment en Île-de-France.

Le projet repose sur des postulats erronés. Le premier est que l'offre privée de logements serait limitée par la contrainte réglementaire des PLU. Le gouvernement espère que la majoration des droits à construire libérera ce potentiel inexploité, ce qui relancera la construction sans dépense supplémentaire pour le budget de l'État. Aux objections sur l'incidence inflationniste pour le prix du foncier, qui se fait déjà sentir, le gouvernement répond que le coût accru des terrains sera absorbé par la hausse du nombre de logements, dont le prix de vente final ne serait donc pas augmenté. Ce raisonnement, ou plutôt cette présomption simple d'enchaînement vertueux, n'a aucun fondement car elle suppose qu'aucun intervenant ne conservera une part de la plus-value. Au contraire, plusieurs raisons incitent à la prudence. En effet, le foncier représente une part déterminante du prix de vente final, supérieur à 50 % en Île-de-France. En outre, quand les constructions sont denses, leur coût marginal augmente de manière exponentielle, notamment quand il s'agit d'ajouter un étage à un immeuble existant. Aussi les ménages n'ont-ils pas, le plus souvent, la capacité financière d'utiliser les nouveaux droits à construire. En réalité, la prétendue saturation de droits à construire ne se rencontre que très rarement, alors que le décalage entre les revenus et la flambée de l'immobilier est le lot commun des ménages.

Quelle sera donc l'utilité finale de cette mesure en dehors des cas marginaux comme la division de parcelles, la construction d'une pièce supplémentaire dans les maisons individuelles, ou la transformation de bureaux en habitations ? Rien qui puisse satisfaire les besoins croissants de logements à prix raisonnables.

Le second postulat qui rend ce dispositif largement inopérant tient à la recherche d'une solution unique pour l'ensemble du territoire national, imposée aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Les PLU étant adoptés au terme d'une enquête publique et reflétant un équilibre politique local et une contextualisation urbaine, pourquoi la solution devrait-elle faire fi de la libre administration des collectivités territoriales ? Le caractère automatique et autoritaire du dispositif de la majoration des droits à construire motive ce projet : la majoration existe déjà à trois reprises dans le code de l'urbanisme, mais sous forme de dispositifs ciblés pour le logement social ou les bâtiments à haute performance énergétique, et à l'initiative des pouvoirs locaux, alors que le nouveau dispositif ne permet même pas de moduler le taux de la majoration. Pourquoi ne pas se contenter de l'alinéa premier, qui relève à 30 % la majoration introduite par la loi de mobilisation pour le logement ? L'introduction d'un dispositif parallèle et contraignant marque la défiance du gouvernement envers les élus locaux, puisqu'une commune voulant délibérer négativement devra consulter la population. Voilà une vision centralisatrice de la politique urbaine.

En outre, ce projet de loi contredit les objectifs affichés par le gouvernement. Il contrevient tout d'abord frontalement aux principes du Grenelle II, puisque l'article unique neutralise les dispositifs ciblés sur les logements sociaux et les équipements « verts ». La majoration inconditionnelle de 30 %, éventuellement cumulable, risque de pénaliser le logement social, puisqu'on pourra atteindre le plafond de 50 % sans avoir de logements sociaux.

Il contredit également les orientations du gouvernement en créant en matière d'urbanisme une intercommunalité à deux vitesses. On nous a expliqué, lorsque nous étions étudiants, que le sacro-saint principe de spécialité des établissements publics allait de pair avec l'exclusivité de la compétence déléguée. C'est une véritable novation juridique que la création d'une compétence partagée. Les communes pourront adopter une position contraire à celle de l'EPCI, pourtant seul titulaire de la compétence d'urbanisme. La Fédération nationale des SCoT a exprimé une grande émotion.

S'il faut incontestablement simplifier le droit de l'urbanisme, la note d'information constitue-t-elle vraiment une simplification ? Le statut juridique de ce document préparatoire est incertain. Elle n'évitera pas les recours contre les délibérations des communes et, quand il faudra satisfaire aux conditions de délai, elle provoquera des coûts, car il faudra faire appel à des bureaux d'étude.

Enfin, le projet de loi pèche par ses lacunes, puisqu'il n'aborde nullement les conséquences de son application pour les collectivités territoriales. Il reste muet, par exemple, sur l'intensification des infrastructures publiques, donc sur les surcoûts pour les équipements. Pourquoi les autorités locales devraient-elles les payer, alors que des propriétaires privés auront réalisé des plus-values ? De même, le dispositif n'envisage rien quant au droit de préemption urbain, alors que le coût de la maîtrise foncière publique sera augmenté, d'autant plus que la valeur vénale est calculée selon la méthode du compte à rebours, en anticipant une valeur spéculative issue de la modification du document d'urbanisme.

A de forts risques de contentieux entre voisins s'ajouteront les recours motivés par les notes d'information, dont l'insuffisance du contenu pourra provoquer l'annulation de toute la procédure. Le texte provoquera une instabilité juridique en contredisant des processus en cours de révision ou d'élaboration des PLU et des SCoT.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de donner un avis défavorable à un projet qui constitue un véritable cheval de Troie contre la décentralisation de l'urbanisme.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Quelles que soient nos préférences politiques, nous sommes nombreux à avoir appris que ce projet de loi serait prochainement examiné sans y avoir été préparés.

Mme Virginie Klès . - Je partage l'avis de notre rapporteur. Un détail trivial : il n'y a pas de logements urbains sans stationnement, mais le texte n'en dit mot. Un professionnel de l'immobilier m'a dit que ce texte inutile et néfaste était typiquement l'idée venue le samedi matin en se rasant et reprise le dimanche sans que la nuit ait porté conseil...

M. Yves Détraigne . - En tant que maire d'une commune bourg-centre dans la première couronne d'une grande ville, je me retrouve complètement dans les propos du rapporteur.

M. Philippe Bas . - Le rapporteur ne m'a pas convaincu. Nous examinons en réalité une faculté d'accroître les droits à construire en zone urbaine. Ce n'est pas la première, il n'y a donc pas à avoir d'objection de principe.

Au départ, j'étais sensible à l'argument fondé sur le caractère excessif une disposition générale et unilatérale, mais la décision finale reste confiée aux conseils communautaires et aux conseils municipaux. Il n'y a pas d'obligation irrémédiable.

Ce texte est-il présenté comme une solution unique ? Non, puisque l'on construit actuellement plus de 100 000 logements sociaux par an, contre 43 000 avant 2002. Quant au prix des logements, dans une logique de marché, plus il y a de biens disponibles, moins la pression inflationniste est forte. Je ne suis pas convaincu que tous les indicateurs iront dans le mauvais sens. Sans être la panacée, le dispositif proposé offre une chance supplémentaire de construire davantage dans certaines zones.

M. Alain Richard . - Je suis frappé par le nombre de sujets renvoyés à une mesure postérieure. Le pouvoir négatif de restriction confié aux conseils municipaux consiste à décider que la majoration s'appliquera sur une partie du territoire : rien n'est réglé pour les autres règles fixées par la collectivité.

Les règles d'écart à la limite séparative entre logements individuels dans les quartiers pavillonnaires ne sont, par exemple, pas touchées par ce dispositif, ce qui est d'ailleurs logique, puisqu'elles ont un caractère civil. Lorsqu'une limite séparative est déjà saturée, la seule option pour agrandir le logement consiste à relever le niveau d'une maison individuelle, ce qui est difficile sauf dans les rares cas de combles encore aménageables.

Dans les structures collectives, l'assemblée générale des copropriétaires doit prendre une décision pour autoriser l'application d'une éventuelle majoration, sous réserve que la structure porteuse de l'immeuble l'autorise. Et je vous laisse imaginer les conditions divertissantes de vie faites aux habitants d'un immeuble que l'on rehausse !

En définitive, le texte s'appliquera principalement aux terrains nus, ceux dont nous manquons dans nos villes, et avec un effet certain de renchérissement. Or, le projet de loi ne comporte aucune disposition sur les prix des terrains, ni sur les plus-values. Il est muet quant à la charge d'équipement pesant sur la collectivité. Enfin, France Domaine anticipe de façon très prononcée le potentiel de construction, donc la préemption se fera au nouveau prix.

La note d'information sera un élément de la procédure préparatoire. Comme elle devra indiquer toutes les conséquences liées à l'augmentation des droits à construire, j'y vois un nid à contentieux.

La concertation avec les associations d'élus locaux aurait permis d'arriver à un tout autre résultat, mais pas pour la même échéance...

M. Jacques Mézard . - En majorité, nous ne voterons pas ce texte à usage médiatique caractérisé. Il arrive comme un cheveu sur la soupe dans des conditions qui ne trompent personne. Il faut certes conforter la densification urbaine et mieux utiliser l'espace, y compris, malgré les discours écologistes, dans les bourgs-centres en zone rurale, mais ce dispositif, bien cavalier envers les collectivités territoriales, aura des conséquences évidentes sur le prix de la ressource foncière, partant sur le coût final des logements dans les zones tendues. En définitive, ce texte peu prospectif est mal préparé. Il est inutile de créer une usine à gaz dans les circonstances actuelles ! Ce projet ne vient ni au bon moment, ni dans les bonnes conditions.

M. Michel Delebarre . - Écoutant M. Vandierendonck, dans un premier temps, je me suis surpris à visualiser certains quartiers de Roubaix tels ces grandes villes américaines où l'on avait vu surgir des immeubles de grande hauteur. On se rend vite compte que la proposition a toutes les allures d'une fausse bonne idée, facile à présenter mais aux inconvénients nombreux. C'est une usine à contentieux.

Il faut incontestablement compléter notre législation pour accroître le nombre de terrains à construire, ainsi que la contribution de l'État, mais cette idée-là ne va pas dans le bon sens : ses effets pervers nourriront la spéculation.

Outre que ce texte s'assied sur la décentralisation, même si la commune peut dire non, je ne comprends pas l'innovation constituée par la « note d'information ». Qui sera son auteur ? Sera-t-elle adoptée par le conseil municipal avant la consultation ? Le délai d'un mois pour celle-ci est extraordinairement court, les seules réactions recueillies seront donc celle de lobbies. On se prépare bien des difficultés, alors que la loi ne pourra en pratique jouer que pour les nouveaux programmes, puisque l'on ne peut guère augmenter de 30 % le nombre de logements d'un bâtiment déjà construit.

M. Jean-Jacques Hyest . - On s'attache dans certaines zones à ne pas miter le territoire (2 000 hectares par an !). C'est un enjeu du schéma territorial de l'Île-de-France.

M. Michel Delebarre . - En Île de France, sûrement !

M. Jean-Jacques Hyest . - Cette loi s'appliquera peut-être surtout à l'Île-de-France, où le schéma territorial a besoin de terrains nouveaux. Contrairement à ce que pense M. Richard, on peut augmenter la hauteur d'un bâtiment collectif : je l'ai fait dans un HLM, sans gêne particulière pour les habitants.

Pourquoi l'EPCI et la commune entreraient-ils en conflit ? La compétence « urbanisme » est exercée par l'une ou l'autre, elle n'est pas conjointe !

M. Jean-René Lecerf . - J'avais compris le contraire, j'aimerais que le rapporteur réponde sur ce point. Les EPCI sont de plus en plus politiquement situés, la constructibilité supplémentaire risque de s'imposer dans une commune qui ne le voudrait pas.

M. René Vandierendonck , rapporteur pour avis . - L'alinéa 11 de l'article unique dispose : « Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peuvent décider d'appliquer la majoration prévue au I du présent article sur leur territoire, nonobstant toute délibération contraire de l'établissement public, ou d'écarter cette application. »

M. Jean-Jacques Hyest . - En effet.

M. René Vandierendonck , rapporteur pour avis . - C'est un précédent dans le partage des compétences.

L'excellent rapporteur de l'Assemblée nationale a proposé de créer un document sui generis : la note d'information, dont M. Apparu a dit qu'elle ne ferait pas grief. On peut néanmoins exciper de l'illégalité de cet acte préparatoire dans le cadre d'un recours dirigé contre une délibération. Je présume que les services des communes ou des EPCI élaboreront ces notes, en s'inspirant d'une circulaire interprétative...

M. Alain Richard . - Il y aura un modèle national...

M. René Vandierendonck , rapporteur pour avis . - M. Bas, les trois majorations figurant dans le code de l'urbanisme relèvent toutes de l'appréciation des autorités locales ; elles ne sont pas limitées dans le temps et leur taux est modulable. Aucune de ces caractéristiques n'est reprise dans ce dispositif, très différent donc de ceux qui existent déjà.

M. Hyest, je suis aussi attaché que vous à la ville dense. Nous mettons en place une communauté urbaine associant 85 communes en aidant les maires à réaliser les études nécessitées par la traduction urbaine du projet approuvé par les électeurs, que nous contextualisons dans un cadre coproduit entre l'EPCI et la commune. Ici, le dispositif tombe d'en haut, avec des effets répulsifs. Surtout, il s'appliquera en l'absence de délibération. La commune peut s'opposer à l'application du dispositif, mais après consultation ; et le texte prévoit une application automatique, en cas de silence de l'autorité locale, dans le délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi.

M. Jean-Pierre Sueur , président. - Il est temps de voter sur l'avis négatif proposé par le rapporteur.

M. René Vandierendonck , rapporteur pour avis . - Ce texte hors normes doit être voté selon un calendrier tout aussi original : la commission mixte paritaire se réunira le 5 mars, en cas de succès le lendemain ses conclusions seront discutées à l'Assemblée nationale et au Sénat, sinon il y aura nouvelle lecture du texte devant chaque assemblée, les députés devant avoir le dernier mot le jour même.

M. René Garrec . - Belle journée !

M. Jean-Jacques Hyest . - Du temps réel !

La commission émet un avis défavorable à l'adoption du projet de loi.

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

1) Auditions communes à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et à la commission des lois

Secrétariat d'État auprès du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

- M. Benoît APPARU, secrétaire d'État

Assemblée des communautés de France (AdCF)

- M. Michel PIRON, député, membre du bureau exécutif

- M. Philippe SCHMIT, responsable de l'action régionale Urbanisme

- M. Nicolas PORTIER, délégué général

Association des Maires de France (AMF)

- M. Pierre JARLIER, sénateur du Cantal et président de la commission « Urbanisme » de l'AMF

Association Nationale des Élus du Littoral (ANEL)

- M. Yvon BONNOT, président et maire de Perros-Guirec

Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB)

- M. Alain CHOUGUIAT, chef du service « Affaires économiques »

- M. Dominique METAYER, trésorier et vice-président

- M. Dominique PROUX, directeur des relations institutionnelles

Fédération Française du Bâtiment (FFB)

- M. Jacques CHANUT, vice-président

- M. Loïc CHAPEAUX, chef du service « Études économiques »

- M. Bernard COOLOS, directeur des affaires économiques

- Mme Klervi LE LEZ, chargée d'études

Fédération des SCoT

Contribution écrite

Personnalités qualifiées

- M. Hugues PERINET-MARQUET, professeur de droit à l'université Paris-II (Panthéon-Assas) et directeur du centre de recherches sur la construction et le logement (CERCOL)

Syndicat National des Aménageurs Lotisseurs (SNAL)

- M. Pascale POIROT, présidente

- M. Isabelle BAER, déléguée générale

Union des Maisons Françaises (UMF)

- M. Dominique DUPERRET, secrétaire général, directeur

2) Auditions de la commission des lois

Association des Études Foncières (ADEF)

- M. KASZYNSKI Marc, président

Agence Nationale Pour la Rénovation Urbaine (ANRU)

- M. Pierre SALLENAVE, directeur

- Mme Anne PEYRICOT, directrice des relations institutionnelles


* 1 Voir le compte-rendu de l'audition de M. Benoist Apparu sur le site du Sénat :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20120220/ceddat.html#toc4

* 2 Dix-septième rapport de la Fondation Abbé Pierre, « L'état du mal-logement en France », disponible sur Internet à l'adresse suivante :

http://www.fondation-abbe-pierre.fr/_pdf/rml-17.pdf

* 3 Loi n° n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

* 4 Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

* 5 En l'absence de coefficient d'occupation des sols, la majoration demeure possible ; la mise en oeuvre de celle-ci ne peut alors conduire à la création d'une surface habitable supérieure de plus de 20 % à la surface habitable préexistante.

* 6 Rapport n° 4351 (XIIIe législature) sur le présent texte, disponible sur Internet à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r4351.asp

* 7 L'étude d'impact a d'ailleurs été contredite par M. Benoist Apparu, alors secrétaire d'Etat au logement, lors de son audition par la commission de l'Économie.

* 8 En effet, bien que le règlement du lotissement ne prime pas sur le PLU, la jurisprudence administrative considère que ces deux documents se complètent et que, en cas de contradiction, la règle la plus sévère doit s'appliquer (Conseil d'État, 15 octobre 1937, « Ansel et Rivet »). Par ailleurs, on notera que les règles propres au lotissement deviennent caduques dans un délai de dix ans si, à cette date, le lotissement est couvert par un PLU ou un document en tenant lieu (article L. 442-9 du code de l'urbanisme).

* 9 De la même manière, M. Hugues Périnet-Marquet relevait que le manque de logements n'était pas un phénomène uniforme ; à l'inverse, la France se caractérise par un déficit de certains types de logements (pour les classes moyennes) et dans des zones clairement identifiées, si bien qu'il n'est pas pertinent de répondre à ce problème par une mesure générale et diffuse.

* 10 Cette absence de « ciblage » est d'autant plus incompréhensible qu'il aurait été simple d'isoler les zones où la majoration peut légitimement trouver à s'appliquer : le projet de loi ayant pour objectif de densifier des zones déjà urbanisées et d'éviter l'étalement urbain, il aurait fallu, à tout le moins, spécifier que la majoration de 30 % ne s'appliquait qu'aux zones urbaines ou à urbaniser telles que définies par le document local d'urbanisme.

* 11 Dans une note adressée aux deux rapporteurs, la Fédération nationale des SCoT juge d'ailleurs que « Le dispositif envisagé par le projet de loi selon lequel ce sont les communes ou leurs EPCI qui devraient réaliser (et financer) une étude des effets de la majoration des droits à construire se traduire immanquablement par des milliers de mises en application « automatiques » de la majoration des droits, dès lors que de très nombreuses communes n'auront pas les moyens de financer de telles études (à supposer d'ailleurs qu'il y ait suffisamment de bureaux d'études disponibles dans les six mois à venir pour réaliser ces études) ».

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