II. UN POIDS CROISSANT DES FONDS VERTICAUX DONT LES CONTREPARTIES SONT PEU LISIBLES

Le nombre d'organisations internationales ou de fonds spécialisés éligibles à l'APD auxquels la France a contribué, soit par le versement de contributions obligatoires, de contributions volontaires, ou par la reconstitution de fonds concessionnels s'est accru ces dernières années : il s'établissait à une trentaine jusqu'en 2004, 38 en 2005, 56 en 2006, 60 en 2007, 61 en 2008, 66 en 2009 et 64 en 2010.

Cet accroissement du nombre de contributions doit toutefois être relativisé dans la mesure où six institutions perçoivent l'essentiel de l'aide multilatérale française 38 ( * ) .

Il n'en demeure pas moins un phénomène important qui s'explique en grande partie par le poids croissant des fonds verticaux. Ces fonds ont vocation à récolter des contributions de bailleurs de fonds nationaux et multilatéraux pour un secteur donné à l'image du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

L'avantage de ces dispositifs est d'agréger les efforts de nombreux acteurs dans un domaine spécialisé de façon à mutualiser les actions et à offrir une forte visibilité à la mobilisation internationale ainsi obtenue.

Il présente en revanche l'inconvénient de sanctuariser des sommes pour des secteurs très spécialisés avec le risque de laisser certains besoins de côté et de fragmenter l'effort de la communauté internationale en autant de fonds spécialisés.

A. LE POIDS CROISSANT DES FONDS VERTICAUX

Pour se rendre compte de la multiplication des fonds verticaux et de leur poids croissant dans la programmation budgétaire française, il suffit de consulter le projet annuel de performance annexé à la loi de finances pour 2013 pour le programme 110.

On trouve dans la partie consacrée à la justification au premier euro du programme 110 un inventaire de l'ensemble des fonds auxquels la France contribue.

Cet inventaire à la Prévert illustre le dynamisme avec lequel la communauté internationale suscite la création de fonds verticaux et avec lequel la France y adhère.

On trouve ainsi, dans ce document, notamment, les fonds suivants avec les crédits correspondants demandés pour le projet de loi de finances pour 2013:

- Fonds fiduciaires au profit de pays sortant de crise : la France apporte son soutien au processus de reconstruction des pays sortant de crise (Afghanistan, Palestine, etc.). Cette assistance passe notamment par des fonds fiduciaires gérés par des institutions multilatérales. Il est demandé, à ce titre, pour le PLF 2012, 4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

- Fonds fiduciaire LAB/LAT : 0,067 million d'euros en crédits de paiement. La France a décidé, en 2008, de participer au financement d'un fonds fiduciaire dédié à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LAB/LAT), créé par le Fonds Monétaire International (FMI). Ce fonds finance :

- Initiative StAR : 0,10 million en autorisations d'engagement et crédits de paiement. L'initiative StAR (« Stolen Assets Recovery Initiative ») a été créée en 2007 par la Banque mondiale et l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) pour aider au recouvrement des avoirs détournés par leurs dirigeants. StAR agit dans trois domaines : 1°) assistance technique pour aider les États dans les procédures engagées à l'étranger pour le recouvrement d'actifs ; 2°) mise en oeuvre d'actions de sensibilisation et de formation (guides pratiques etc.) ; 3°) contribution aux réflexions et aux travaux des différentes enceintes (ONU, G20).

- METAC : Dans le cadre du PLF 2012, il est demandé 0,36 million en crédits de paiement pour ce fonds. Créé à Beyrouth (Liban) en 2004, le METAC dessert dix pays du Moyen-Orient (Afghanistan, Égypte, Irak, Jordanie, Liban, Libye, Soudan, Syrie, Cisjordanie et bande de Gaza, Yémen). Après avoir contribué au financement de ce centre à hauteur de 1 million sur la période 2008-2010 (autorisations d'engagement engagées en 2008), la France s'est engagée à apporter une contribution au titre de la nouvelle phase (2011-2015) du METAC, d'un montant global de 1,8 million d'euros décaissé sur cinq ans.

- AFRITAC : 1,04 million d'euros en crédits de paiement. Cinq centres régionaux d'assistance technique (AFRITAC) ont été créés en Afrique. La France cible son action sur deux d'entre eux, qu'elle finance depuis leur création : l'un en Afrique de l'ouest (couvrant le champ des huit États membres de l'Union économique et monétaire ouest africaine ainsi que la Guinée, la Mauritanie et le Ghana), l'autre en Afrique Centrale. Pour la période 2010-2014, la contribution de la France s'élève à 5,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, engagées en 2009 et 2010, dont 3,6 millions pour AFRITAC ouest et 1,6 million pour AFRITAC centre. Les crédits de paiements demandés pour 2012 (1,04 million d'euros) correspondent au paiement respectif des deuxième et troisième annuités.

- Facilité financière internationale pour la vaccination (IFFIm) : 27,65 millions d'euros en crédits de paiement. La Facilité financière internationale pour la vaccination est une initiative lancée conjointement par le Royaume-Uni et la France. Elle doit permettre de lever 4 milliards de dollars sur dix ans, à travers 9 émissions obligataires, afin de financer des programmes de vaccination et de renforcement des capacités des systèmes sanitaires dans 72 pays pauvres.

- Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural en Afrique : 4,5 millions d'euros en crédits de paiement. Cette initiative de la Banque africaine de développement, mise en place en 2005, a pour objectif premier de mobiliser les gouvernements africains et les bailleurs internationaux pour accélérer l'accès à des structures durables d'alimentation en eau potable et d'assainissement des populations vivant en zones rurales.

- Le Fonds du sarcophage de Tchernobyl (« Chernobyl Shelter Fund » -CSF) et le Compte pour la Sûreté Nucléaire (NSA, « Nuclear Safety Account ») : 10 millions d'euros de crédits de paiement. Le Fonds du sarcophage de Tchernobyl, géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), avait été reconstitué en mai 2005 afin de pouvoir conclure le contrat pour la construction du nouveau sarcophage.

- Le Fonds pour l'Environnement Mondial a été créé en 1991 à l'initiative de la France et de l'Allemagne, afin d'apporter des ressources financières aux pays en développement et en transition, dans le but de financer les coûts additionnels induits par la mise en oeuvre de programmes, de projets et d'activités de protection de l'environnement mondial. Le FEM est un fonds multilatéral hébergé à la Banque mondiale alimenté par des contributions volontaires ; il réunit plus de 180 membres. Il est demandé pour ce fonds, par le PLF 2012, 64 millions d'euros en crédits de paiement.

- Participation au FIAS, programme d'appui à l'amélioration du secteur privé en Afrique : 2 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 1 million de crédits de paiement. S'inscrivant dans le cadre de l'initiative pour le secteur privé en Afrique approuvée par le CICID de juin 2006, la contribution française au FIAS (« Foreign Investment Advisory Services ») a pour objectif d'améliorer l'environnement des affaires en Afrique, notamment en Afrique francophone.

- Fonds fiduciaire de la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP ) : 1,5 million de crédits de paiement. Lancée en 2002, la FEMIP est le bras financier de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) dans le bassin méditerranéen. Dans le cadre de la politique européenne de voisinage et de l'Union pour la Méditerranée, elle a pour mission de promouvoir le développement économique et financier des pays partenaires méditerranéens.

- La facilité pour le partenariat oriental, créée par décision unanime du Conseil d'administration de la BEI en 2009, propose la création d'un fonds fiduciaire (« Eastern Partnership Technical Assistance Trust Fund », EPTATF) dont l'objectif serait d'encourager le développement du secteur privé en fournissant une assistance technique pour améliorer la qualité et l'impact sur le développement des opérations de la BEI dans les pays suivants : Ukraine, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie et Biélorussie.

- Fonds Doha - Fonds Cadre intégré renforcé pour les PMA : 6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2 millions de crédits de paiement. Convaincue du rôle favorable du commerce mondial à la croissance et au développement, la France s'est engagée à soutenir l'intégration des pays en développement dans le système commercial mondial.

Cette liste est loin d'être exhaustive, la France participe à de nombreux autres fonds spécialisés à travers le programme 209.

Au plan multilatéral, elle a par exemple joué un rôle moteur dans la conception et la mise en oeuvre de l'Initiative Fast-Track (FTI) depuis 2002 et la mise en place d'une expertise technique rénovée et reconnue dans le domaine de l'éducation en Afrique. La France fait partie des 18 donateurs du fonds catalytique de FTI, elle y a contribué à hauteur de 20 millions d'euros sur 3 ans (2005-2008) et s'est engagée à verser 47,5 millions d'euros pour 2011/2013 au nouveau fonds unifié (fonds de l'Education pour Tous).

Votre commission s'interroge sur la cohérence d'ensemble de cette politique de financement de fonds verticaux et sur leur évaluation.

Elle reste relativement sceptique devant la multiplication des initiatives très spécialisées. Elle se questionne sur la cohérence qu'il y a à, d'un côté, défendre, lors de la conférence de Busan sur l'efficacité de l'aide, des positions contre la fragmentation de la coopération internationale et, de l'autre côté, participer à autant d'initiatives sectorielles.

B. EN DÉPIT DU SUCCÈS DU FONDS MONDIAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA, FORCE EST DE CONSTATER QUE LE NIVEAU DE NOTRE CONTRIBUTION DÉSÉQUILLIBRE LE BUDGET DE LA COOPÉRATION

De par son ampleur, son succès et également le montant de la contribution française, le Fonds Mondial contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose constitue une figure phare des fonds verticaux.

1. Un succès financier et opérationnel

Depuis sa création en 2002, le Fonds mondial a mobilisé 29 milliards de dollars américains. 21,7 milliards ont été engagés à ce jour. Des conventions de subventions ont été signées pour 18 milliards de dollars et 14 milliards ont été effectivement décaissés.

Si l'on considère les accords de subventions, les programmes de lutte contre le VIH/Sida représentent 55 % du portefeuille, alors que le paludisme concerne 28 % des subventions et la tuberculose 17 %.

Grâce la mobilisation du Fonds, ce sont actuellement 3 millions de personnes qui sont sous traitement ARV contre le VIH/Sida ; 2,7 milliards de préservatifs ont été distribués depuis 2002 grâce aux financements du Fonds Mondial ; 150 millions de séances de dépistage/conseil ont été réalisées dans les 150 pays soutenus ; Plus de 5 millions d'enfants orphelins ou vulnérables en raison du VIH/Sida ont pu être suivis depuis la création du Fonds Mondial.

En ce qui concerne le paludisme, 160 millions de moustiquaires imprégnées de longue durée ont été distribuées à ce jour. Et plus de 170 millions de patients ont pu être traités contre le paludisme dans les pays endémiques.

7,7 millions de cas ont été traités et suivis pour la tuberculose, en particulier en Afrique sub-saharienne et en Europe du centre et de l'Est.

Au-delà de ces résultats très encourageants, l'impact des programmes du Fonds Mondial a des répercussions positives sur l'évolution de ces maladies : on constate en effet un déclin des nouveaux cas et de la mortalité liée à ces maladies, en particulier dans les pays qui reçoivent le plus de subventions de la part du Fonds Mondial.

A titre d'exemple, il est constaté une baisse de 25 % de la mortalité liée au VIH/Sida au sein des 20 premiers pays récipiendaires du Fonds.

2. Des cas de fraude qui illustrent une crise d'adaptation

Depuis 2005, le Bureau de l'Inspecteur général a mené des audits et enquêtes dans 33 des 145 pays où le Fonds Mondial intervient. Il ressort de ces travaux que le montant total des crédits détournés, ou pour lesquels il n'existe pas de pièce justificative satisfaisante, s'élève à 43 millions de dollars. Les sommes totales auditées s'élèvent à 3,5 milliards au total. Les fraudes portent donc, à ce stade, sur 1,23 % des montants audités.

Il convient de souligner que les sommes auditées ne concernent que 15 % des sommes approuvées en Conseil d'administration. Le taux de fraude constaté sur ces 15 %, à l'échelle de l'ensemble des sommes engagées, pourrait théoriquement concerner plus de 200 millions d'euros.

Les quatre pays concernés par des fraudes avérées sont : Mali, Mauritanie, Djibouti et Zambie. Dans ces pays, des procédures judiciaires ont été engagées contre les auteurs présumés des fraudes. Des accords de remboursement ont également été trouvés entre le Fonds Mondial et les gouvernements concernés, lorsque les récipiendaires en dépendaient.

Même si des procédures de contrôle interne étaient déjà en place avant l'annonce de ces fraudes, le Fonds Mondial, en accord avec son Conseil d'administration, a pris différentes mesures pour améliorer la prévention, la détection et la gestion du risque fiduciaire.

Tout d'abord, des réorganisations internes au sein du Secrétariat sont en cours afin de réallouer des ressources et compétences sur la gestion des subventions et des risques afférents.

De plus, les contrôles mis en place dans les pays à travers les Local Fund Agents (LFA) -généralement des entreprises de conseil et d'audit - sont en passe d'être renforcés, en particulier dans les pays considérés comme les plus à risque au regard du fiduciaire.

Dans ses conclusions rendues publiques au mois de juillet, l'Inspecteur général révèle que globalement, 3% des crédits ayant fait l'objet d'une enquête n'ont pas été dépensés dans le respect de l'accord de subvention (soit environ 114 millions de dollars US), selon les proportions suivantes :

- 1,1% de dépenses n'étaient pas jugées admissibles (ou finançaient des activités non reprises dans l'accord de subvention) ;

- 1,1% des dépenses n'étaient pas motivées par des pièces justificatives satisfaisantes ;

- 0,5% des dépenses pouvaient être attribuées à des cas de fraude ;

- 0,3% des montants n'entraient pas dans le cadre de la comptabilisation obligatoire des crédits.

Les audits et enquêtes du Bureau de l'Inspecteur général se concentrant, d'une façon générale, sur les régions à risques et sur les subventions pour lesquelles des risques précis ont été identifiés, ces statistiques sont probablement plus élevées que les pourcentages globaux réels en matière de fraudes et de détournements. Les fonds détournés ou dépensés à mauvais escient sont recouvrés, autant qu'il en est possible.

Le Fonds mondial, en accord avec son Conseil d'Administration, a pris différentes mesures pour améliorer la prévention, la détection et la gestion du risque fiduciaire.

Tout d'abord, des réorganisations internes au sein du Secrétariat sont en cours afin de réallouer des ressources et compétences sur la gestion des subventions et des risques afférents.

De plus, les contrôles mis en place dans les pays à travers les Local Fund Agents (LFA) - généralement des entreprises de conseil et d'audit - sont en passe d'être renforcés, en particulier dans les pays considérés comme les plus à risque au regard du fiduciaire.

Enfin, un poste de Directeur de la gestion des risques a été créé cette année afin de mieux gérer ce type de risques et de réduire ces pourcentages. Dans ce contexte, ce dernier oeuvre actuellement au renforcement des mesures de prévention.

Ces cas de fraude sont, en effet, plus généralement, le signe qu'une réflexion doit s'engager sur l'adaptation des structures et des objectifs du fonds.

À l'origine, le fonds mondial devait être uniquement une agence de financement innovant, une agence opérationnelle. L'évolution du montant de ses ressources impose aujourd'hui de réaliser les procédures de surveillance financière et de renforcer ses capacités de suivi de la mise en oeuvre des projets qu'elle finance.

Enfin, il convient de réfléchir au pilotage du fonds pour que l'allocation des crédits alloués corresponde bien aux priorités sanitaires. Le fonds mondial ne doit pas, en effet, allouer ces crédits en fonction des demandes nationales. Il convient donc de mettre en place une régulation en fonction de la stratégie d'éradication des épidémies.

3. Une augmentation de la contribution française qui a été prélevée sur les financements de Unitaid

Le Président de la République a annoncé aux Nations unies, lors du sommet des OMD en septembre 2010, l'augmentation de 20 % de la contribution annuelle de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour la porter à un total de 1,4 milliard de dollars sur les trois prochaines années.

L'effort consenti depuis plusieurs années par notre pays au FMSTP est considérable puisque nous en sommes le deuxième contributeur en volume, derrière les Etats-Unis, et le premier en proportion de notre RNB.

La France a contribué au Fonds mondial entre 2008 et 2010 à hauteur de 300 millions d'euros par an. Cette contribution est imputée sur le programme budgétaire 209.

En septembre 2010, une augmentation de 20% de la contribution française a été décidée, soit 60 millions additionnels par an, pour la période 2011-2013.

Depuis 2011, la base de la contribution (300 millions) est payée sur le programme budgétaire 209, comme les années précédentes et l'augmentation de la contribution au Fonds mondial (60 millions) est financée par les recettes de la taxe sur les billets d'avion.

Les produits de la taxe servent à financer le remboursement de l'IFFIm (Facilité Financière Internationale pour l'Immunisation), l'augmentation de la contribution au Fonds mondial et UNITAID.

Cette nouvelle modalité, validée en réunion interministérielle en mai 2011, a été confirmée par décret (modification du décret 2006-1139 du 12 septembre 2006 concernant l'affectation des recettes de la taxe sur les billets d'avion par le décret 2011-1237 du 4 octobre 2011).

Dans sa nouvelle rédaction, le décret étend la liste des institutions ayant vocation à bénéficier du produit de cette taxe au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et supprime la mention explicite de pourcentages réservés à chaque bénéficiaire.

Cette taxe, dite de contribution de solidarité sur les billets d'avion (CSV), destinée à financer l'accès des populations des pays les plus pauvres aux médicaments et aux moyens de diagnostic, est entrée en vigueur sur le territoire français le 1 r juillet 2006. Le montant de cette contribution s'élève en France de 1 à 10 € par billet sur les vols intérieurs et de 4 à 40 € sur les vols internationaux, selon la classe du billet.

Elle a rapporté 823 millions depuis 2006 (chiffre au 16 septembre 2011), dont 163 millions € en 2010, sans aucun impact visible, ni sur le trafic aérien, ni sur le tourisme. L'AFD est en charge de gérer ces contributions qui alimentent le Fonds de Solidarité pour le Développement (FSD).

Depuis 2008, le produit de la CSV est notifié au CAD de l'OCDE comme aide publique au développement (APD) française.

La contribution de solidarité sur les billets d'avion a rapporté entre 162 et 175 millions d'euro par an (soit près de 951 millions d'euros entre août 2006 et juin 2012) : 45M€ en 2006 (sur 4 mois), 164M€ en 2007, 173M€ en 2008, 162M€ en 2009, 163M€ en 2010 et 175M€ en 2011. Les facteurs ayant des conséquences sur le trafic aérien et les revenus de la taxe sont nombreux (contexte économique, grèves, climat, prix du pétrole) et rendent périlleuses toutes tentatives de prévision de revenus à la hausse. La Direction générale de l'Aviation civile a établi en juillet 2012 les estimations suivantes :

- entre 175M€ et 179M€ en 2012

- entre 178M€ et 187 M€ pour 2013.

La crise financière internationale a engendré une baisse des revenus dès la fin 2008. C'est moins la légère diminution du trafic aérien (de l'ordre de 2%) qui explique ces chiffres, que le report des billets de « classe affaires » sur les classes économiques. En 2010, en dépit des incertitudes économiques et de l'interruption du trafic aérien suite à l'éruption du volcan islandais, les revenus ont été conformes à la prévision initiale de revenus de la Direction générale de l'Aviation civile. En 2011, malgré un contexte économique peu favorable, aucun événement additionnel n'a perturbé négativement le trafic aérien et les recettes ont pu atteindre un record annuel (175M€) depuis la création de la taxe.

Le décret n°2006-1139 du 12 septembre 2006 fixait dans son premier article l'affectation du produit de la contribution de solidarité sur les billets d'avion, selon les modalités suivantes : à hauteur d'au moins 90 % à la facilité d'achat de médicaments (UNITAID) et dans la limite de 10 % pour le remboursement de la première émission de la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFIm).

UNITAID a pour mission de contribuer à l'extension de l'accès au traitement pour le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose, essentiellement pour les populations des pays à faible revenu, en obtenant une baisse des prix de produits diagnostiques et médicaments de qualité.

Sans augmentation de la taxe, il faut comprendre que l'augmentation de la contribution au Fonds sida sera prélevée sur les ressources à destination d'Unitaid. L'effort présenté comme additionnel sera donc prélevé sur des fonds à destination de la lutte contre le Sida.

4. La mise en oeuvre de la procédure par laquelle 5 % de la contribution française devrait transiter par des ONG françaises semble satisfaisante.

Comme annoncé lors de la Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), en octobre 2010, la contribution de la France au financement du Fonds Mondial pour les années 2011-2013 prendra deux formes :

- une contribution directe versée au Trust Fund « FM » et gérée par la Banque Mondiale ;

- une contribution indirecte, gérée par le ministère des affaires étrangères, pouvant représenter jusqu'à 5 % de la contribution globale française au FM chaque année (soit 18 millions par an).

En 2011, la France a versé 342 M€ de contribution directe au Fonds mondial et 18 M€ via le dispositif de contribution indirecte d'appui à l'expertise technique.

Cette deuxième modalité de contribution, intitulée « Initiative 5% », vise à répondre au diagnostic partagé par divers acteurs dans les pays francophones concernant les difficultés récurrentes rencontrées par ces derniers pour assurer la mise en oeuvre des financements reçus. Les procédures et les exigences techniques du Fonds mondial sont en effet complexes et évolutives, et les ressources humaines des pays bénéficiaires sont souvent dépassées (en termes de disponibilité ou de compétences spécifiques). Elle répond également à une volonté de valoriser la contribution française au FM et l'expertise française et francophone dans le secteur (ONG, instituts de recherche, organisations privées et publiques ou experts individuels).

L'Initiative 5% a donc pour objectif central de répondre aux demandes émanant des pays francophones en expertise technique de haut niveau pour les aider à la conception, la mise en oeuvre, le suivi-évaluation et la mesure de l'impact des subventions allouées par le FM, et de consolider ainsi l'impact sanitaire de ces subventions, par la mobilisation de l'expertise française et francophone.

Pour mettre en place ce dispositif, le ministère des affaires étrangères a conduit des consultations élargies, tant en France que dans les pays bénéficiaires avec les acteurs concernés, en concertation étroite avec l'ambassadeur chargé de la lutte contre le sida et les maladies transmissibles. En Afrique et en Asie du sud-est, les conseillers régionaux de coopération en santé dans les postes diplomatiques ont organisé des rencontres avec les autorités nationales et le secteur associatif. A Paris, les opérateurs potentiels (du monde hospitalier et universitaire, du secteur associatif, du secteur de la recherche et des bureaux d'études spécialisés) ont également été consultés, y compris lors d'une rencontre au Cabinet du Ministre d'Etat.

L'Initiative 5% est gérée sur le plan technique et financier par l'établissement public France Expertise Internationale (FEI), sous la supervision d'un Comité de pilotage présidé par le ministère des affaires étrangères et auquel participent l'ambassadeur chargé de la lutte contre le sida et les maladies transmissibles ainsi que des représentants du ministère de la santé, de l'agence française de développement et de la société civile (la Croix rouge française possède un siège, et quatre ONG se partagent deux sièges : Solthis, Sidaction, AIDES et Solidarité Sida).

La cible principale de l'Initiative 5% sont les pays prioritaires pour l'aide française au développement : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République Démocratique du Congo, République Centrafricaine, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo ainsi que l'Afghanistan, Haïti, les Territoires palestiniens et le Myanmar. Sont également éligibles les pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ainsi que les pays observateurs à l'OIF et bénéficiaires de l'aide publique au développement (APD).

L'Initiative a démarré en décembre 2011. Elle a fait l'objet d'une lettre d'intention signée entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le Fonds Mondial. France Expertise Internationale, fort de son expérience dans le domaine des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), a mis en place une équipe et des procédures spécifiques pour gérer ce projet.

L'Initiative 5% se décline selon deux modalités complémentaires :


• Canal 1 - missions d'expertise : mobilisation d'expertise court terme pour répondre à des besoins ponctuels exprimés par les pays.

L'ensemble des parties prenantes des programmes financés par le Fonds Mondial dans les pays éligibles peut faire appel au Canal 1 de l'Initiative 5% (instances de coordination nationale, récipiendaires principaux, sous-récipiendaires, acteurs nationaux des plans de lutte contre les trois pandémies : gouvernement et institutions publiques, organisations de la société civile ou du secteur privé). Les demandes peuvent concerner un appui en matière de gouvernance des subventions, de gestion d'approvisionnement et de stocks de médicaments, de gestion financière ou programmatique, ou encore de renforcement de capacités techniques.

Les conseillers régionaux de coopération en santé analysent ces demandes et le Comité de pilotage décide de leur approbation. Les missions d'expertise sont ensuite mises en oeuvre par FEI qui s'appuie pour ce faire sur un réseau de partenaires associatifs, privés, publics, de la recherche, et d'experts individuels.

Fondé sur la demande des pays, le Canal 1 a rencontré un fort succès dans les pays cibles, grâce à la mobilisation des postes diplomatiques, des conseillers régionaux de coopération en santé, des ONG et autres acteurs de terrain. Depuis décembre 2011, 42 missions d'expertise court terme ont été approuvées, dans 21 pays différents, pour plus de 4 000 jours d'expertise. Le Canal 1 étant un dispositif axé sur des réponses rapides, plus de la moitié de ces missions ont été réalisées ou sont en cours.


• Canal 2 - financement de projets : financement de projets d'une durée de 2 à 3 ans.

La deuxième modalité de l'Initiative 5% vise à financer des projets de renforcement de capacités de plus longue durée. Un atelier de concertation réunissant les principaux acteurs français et des représentants de plus de 20 pays a été organisé en février 2012 pour définir les priorités de financement du Canal 2. Quatre thématiques ont été définies : la gouvernance, le renforcement des systèmes de santé, la recherche opérationnelle et la gestion des approvisionnements et des stocks de médicaments.

Les financements sont octroyés via un processus d'appel à projets. Les deux premiers appels à projets, portant sur la recherche opérationnelle et le renforcement des systèmes de santé (suivi-évaluation, et capacités des personnels de santé aux niveaux décentralisé, déconcentré et communautaire) sont clôturés. Ils ont fortement mobilisé les pays prioritaires, les ONG et les autres acteurs de lutte contre les 3 pandémies : 88 projets sont en cours d'évaluation. Suite à un processus d'évaluation externe et au sein de FEI, un Comité de sélection devrait attribuer environ 12 M€ de financement en octobre 2012. Les 18M€ annuels de l'Initiative 5% seront engagés d'ici la fin de l'année.

5. Une stratégie en matière de santé doit prendre en compte toutes les maladies

La nécessaire lutte contre le fléau du Sida ne doit pas faire oublier les autres maladies et en particulier les maladies qui sont à l'origine du niveau de mortalité infantile particulièrement élevé de nombreux pays en développement.

Le niveau de la contribution française au FMSTP peut susciter des critiques au regard de la stratégie santé dans son ensemble. Une stratégie d'aide au développement dans le domaine de la santé doit nécessairement être une stratégie globale.

Comme le soulignent les documents des Nations unies relatifs à la mortalité infantile, quatre maladies (la pneumonie, la diarrhée, le paludisme et le sida) expliquent 43 % de tous les décès des enfants de moins de cinq ans dans le monde survenus en 2008.

La majorité de ces vies auraient pu être sauvées avec des mesures de prévention et de traitement peu coûteuses, notamment des antibiotiques pour les infections respiratoires aiguës, la réhydratation orale pour la diarrhée, la vaccination, ainsi que l'utilisation de moustiquaires traitées à l'insecticide et de médicaments appropriés pour le paludisme.

Des progrès substantiels ont été faits pour réduire la mortalité infantile. E n dépit de tels succès, et bien que la plupart des décès infantiles soient évitables ou traitables, beaucoup de pays ont encore un taux scandaleusement élevé de mortalité infantile.

En 2008, un enfant sur sept mourait avant son cinquième anniversaire. L'Afrique centrale et de l'Ouest accusaient les niveaux les plus élevés, un enfant sur six y décédant avant l'âge de cinq ans (169 décès pour 1 000 naissances vivantes). Les 34 pays où le taux de mortalité des moins de cinq ans dépassait 100 pour 1 000 naissances vivantes, en 2008, se trouvent tous en Afrique subsaharienne.

Comme le souligne le document stratégique des Nations unies relatif à l'objectif 4 des OMD (mortalité infantile) 39 ( * ) : « Il est urgent de recentrer l'attention sur la pneumonie et la diarrhée, deux des principaux facteurs de décès chez les enfants. Le recours à de nouveaux outils comme les vaccins contre la pneumonie à pneumocoques ou la diarrhée à rotavirus pourraient donner un nouvel élan à la lutte contre ces maladies très communes et fournir un point d'entrée pour la relance d'une programmation globale. Une nutrition correcte est un des aspects cruciaux de la prévention, car la malnutrition augmente les risques de décès. »

Après dix ans de concentration de l'aide internationale sur les grandes endémies, des problématiques nouvelles retiennent maintenant davantage l'attention comme le poids des maladies chroniques qui oblige à réfléchir à la prise en charge du financement de ces maladies (notamment au sein des pays à revenu intermédiaire), ou le renforcement des systèmes de santé et les mécanismes de protection sociale (l'initiative « socles de protection sociale » qui vise à assurer un minimum de sécurité aux plus pauvres a reçu un appui marqué du G20 de Cannes en 2011).

Par ailleurs, la prise en compte de la santé dans les enceintes internationales et la prise de conscience de l'impact de la non-réalisation des objectifs liés à la santé sur la stratégie globale croissent de manière constante.

Avec la mondialisation, des problématiques de type épidémique, communes à l'ensemble de la planète, se développent. Au-delà des principales maladies tueuses, d'autres maladies, parasitaires et bactériennes (choléra, maladies diarrhéiques endémiques, dengue et dengue hémorragique, etc.) se renforcent et touchent les groupes sociaux les plus marginalisés. Les maladies non transmissibles (maladies cardio-vasculaires, diabète, cancers et maladies respiratoires chroniques) prennent de plus en plus d'importance, avec le vieillissement des populations et la transformation des modes de vie et des régimes alimentaires.

6. Le niveau de la contribution au FMSTP déséquilibre le budget de la coopération

La contribution au FMSTP est ainsi une manifestation de la volonté française de s'engager en faveur des OMD, et la contribution de la France est allée crescendo (150 M€ en 2005, 225 M€ en 2006, 300 M€ par an pour 3 ans annoncés à Berlin en septembre 2007, 360 M€ par an sur 3 ans annoncés au sommet des OMD de New York en 2010). La France est actuellement le deuxième contributeur au Fonds Mondial.

En 2011, la contribution au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme a atteint 360 millions d'euros, celle à UNITAID 110 M€, celle à GAVI 26 M€ (en plus de la contribution via l'IFFIm).

Les engagements pris à Muskoka en faveur de la santé des mères et des enfants ont été tenus : 51 M€ aux actions multilatérales portées par l'OMS, l'UNICEF, le FNUAP et le GAVI, valorisation de la contribution au FMSTP (27 M€) et l'AFD a engagé pour plus de 72 M€ de projets contribuant à cet objectif.

La lutte contre le SIDA la tuberculose et le paludisme a été l'axe déterminant de l'engagement français, avec un rééquilibrage en direction de la mère et de l'enfant depuis 2010. Ce rééquilibrage est cependant très limité puisqu'on arrive ainsi à 50 millions d'euros par ans de subventions bilatérales de l'AFD pour la santé infantile et maternelle.

Aujourd'hui le FMSTP prend une part prépondérante des crédits consacrée à la santé alors que d'autres objectifs tout aussi important ne bénéficient de 6 fois moins de crédits, il s'agit notamment de : la maîtrise de la fécondité en Afrique subsaharienne, la montée en puissance des maladies non transmissibles et des maladies émergentes, la réduction des risques financiers liés à la maladie et à la vieillesse et la gouvernance des systèmes de santé.


* 38 L'Union Européenne, le FMI, la Banque mondiale, le Fonds Mondial pour la lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, la Banque africaine de développement et UNITAID.

* I. 39 OBJECTIF 4 : Réduire la mortalité infantile et post-infantile : http://www.un.org/fr/millenniumgoals/pdf/report2010_goal4.pdf

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