Avis n° 150 (2012-2013) de MM. Alain NÉRI et Raymond COUDERC , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 22 novembre 2012

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N° 150

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IX

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION :

IMMIGRATION ET ASILE

Par MM. Alain NÉRI et Raymond COUDERC,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat , Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner, vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger , André Trillard, secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38

Sénat : 147 et 148 (annexe n° 16 ) (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et comprend deux programmes : le programme 303 porte sur « l'immigration et l'asile », le programme 104 sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ».

L'action de la mission s'inscrit dans le cadre de la politique d'harmonisation des politiques d'immigration et d'asile de l'Union européenne et des engagements souscrits dans le Pacte européen pour l'immigration et l'asile d'octobre 2008, repris dans le nouveau programme pluriannuel (2010-2014) de Stockholm.

Depuis cette création, votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées se saisit pour avis sur le programme 303. Ce programme est composé de 4 actions qui sont la circulation des étrangers et la politique des visas (action 1), la garantie de l'exercice du droit d'asile (action 2), la lutte contre l'immigration irrégulière (action 3), et le soutien (action 4). Seule l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » fait l'objet d'un examen par la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées.

Cette action a pour objectif de garantir aux demandeurs d'asile un traitement optimal de leur demande, ainsi qu'une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles d'accueil et d'accès aux soins pendant la durée d'instruction de leur demande.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui relève du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », instruisent les demandes d'asile.

I. LA GARANTIE DU DROIT D'ASILE

A. PANORAMA DE LA DEMANDE D'ASILE EN FRANCE

1. Une hausse continue de la demande depuis 4 ans

La France est le premier pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe. En 2011, la demande d'asile a connu sa quatrième année de hausse consécutive, avec 57 337 demandes enregistrées (mineurs accompagnants et demandes de réexamen inclus), soit +8,7 % par rapport à 2010.

A l'issue du second trimestre 2012, la demande d'asile s'inscrit en légère baisse par rapport au premier semestre 2011 (- 4,2 %) avec près de 28 500 demandes enregistrées depuis le début de l'année. On ne peut néanmoins présumer un renversement de tendance par rapport aux quatre années précédentes, les variations mensuelles restant fortes. La demande globale a pu ainsi repartir à la hausse en juin et en juillet, ramenant la baisse de 2012 de - 4,2 % (six premiers mois de 2012 par rapport à la même période de 2011) à - 1,3 % (sept premiers mois de 2012 par rapport à la même période de 2011).

En outre, si les premières demandes continuent effectivement de marquer une baisse par rapport à 2011 (- 4,8 % sur les six premiers mois et 2,3 % sur les sept premiers mois), les demandes de réexamen connaissent en revanche une forte augmentation (+ 19,9 % sur les six premiers mois et + 22 % sur les sept premiers mois).

Mineurs A = mineurs accompagnants ; reex = demandes de réexamen ; CR = accord ; RJ = rejet ; AN = accord suite à annulation de la Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA) ; taux accord OFPRA depuis 2001 % = CR / total décisions OFPRA (CR + RJ). Les données sur les décisions sont hors mineurs accompagnants - Les admissions à la protection subsidiaire (PS) sont incluses.

Depuis 2003, les deux principaux continents de provenance des demandeurs d'asile sont l'Europe et l'Afrique. Ces deux continents représentent ainsi, sur la période 2003-2011, entre 70 % et 76 % des demandes.

En 2011, les dix principaux pays de provenance des demandeurs d'asile étaient : le Bangladesh (3 462 demandes), la République démocratique du Congo (2 827 demandes), l'Arménie (2 651 demandes), le Sri Lanka (2 544 demandes), la Russie (2 205 demandes), la Chine (1 991 demandes), Haïti (1 831 demandes), le Kosovo (1 822 demandes), la Guinée (1 598 demandes) et la Turquie (1 488 demandes). Certaines nationalités connaissent en 2011 une hausse conséquente de la demande : Haïti (+ 22 %), Turquie (+ 20 %), Somalie (+ 70 %), Érythrée (32 %), et surtout Arménie (+107 %). A l'inverse, on observe une baisse importante de la demande en provenance de certains pays, principalement européens (- 44 % pour le Kosovo et - 9 % pour la Russie).

Pour les six premiers mois de 2012, la République démocratique du Congo est devenue le premier pays de provenance des demandeurs d'asile, avec une augmentation de plus de 50 %, passant devant le Sri Lanka et la Russie. Trois pays connaissent également une hausse significative de leur flux : la Géorgie (+ 69 %), le Pakistan (+ 50 %) et la Turquie (+ 31 %).

Le taux d'acceptation est de 10,8 % des demandes d'asile en 2011 contre 13,5 % en 2010 (décisions OFPRA). Si l'on ajoute les recours déposés ensuite devant la CNDA et accordés, le taux d'accord global est d'environ 25 %.

Répartition des demandeurs d'asile sur le territoire

68 % des demandes déposées sont concentrées dans 5 régions. La part de l'Île-de-France, première région d'accueil, est prépondérante (45 %) ; elle est suivie, en ordre décroissant, par la région Rhône-Alpes, les départements d'outre-mer, et les régions Pays-de-Loire et PACA. Toutefois, il semble s'opérer un début de rééquilibrage entre les régions, et les variations les plus importantes de flux entre 2010 et 2011 concernent la Bourgogne (+60 %), le Centre (+43 %), le Languedoc- Roussillon (+36 %), Champagne-Ardenne (+30 %) et Basse-Normandie (+29 %)

Source : rapport annuel de l'OFPRA

2. La liste des pays sûrs

C'est la loi du 10 décembre 2003 qui a introduit en droit français cette notion. Dans son article L.741-4,2, le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile considère un pays comme sûr « s'il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Les conséquences sur les demandeurs sont surtout en termes de procédure : les ressortissants des États figurant sur cette liste ne peuvent bénéficier d'une admission au séjour au titre de l'asile.

Certes leur demande est instruite par l'OFPRA, mais dans le cadre de la procédure prioritaire dans un délai de 15 jours. En cas de refus de la demande, un recours peut être déposé devant la Cour nationale du droit d'asile, néanmoins il n'a pas de caractère suspensif.

La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine n'exclut pas le principe de l'examen individuel de la demande d'asile. L'instruction porte sur le fond de la demande, peut donner lieu à un entretien, et dans certains cas aboutir à une décision d'admission. Une demande ne peut être rejetée au seul motif que le demandeur est ressortissant d'un pays figurant sur cette liste.

La liste des pays d'origine sûrs est établie par le Conseil d'administration de l'OFPRA, elle est régulièrement actualisée, soit volontairement par l'ajout ou le retrait de certains pays suite à des changements internes, soit par décision du Conseil d'État qui peut demander le retrait de pays inscrits sur la liste.

Ainsi, suite à l'annulation par le Conseil d'État, le 23 juillet 2010, de l'inscription de l'Arménie sur la liste des pays d'origine sûrs, la demande arménienne a augmenté de 107 %. Cette demande avait connu en 2010 une diminution de 44 %, qui faisait suite à l'inscription du pays sur cette liste par le conseil d'administration de l'OFPRA le 13 novembre 2009.

Le 26 mars 2012, le Conseil d'État a également annulé la décision du 18 mars 2011 du Conseil d'administration de l'OFPRA inscrivant sur la liste des pays d'origine sûrs l'Albanie et le Kosovo.

La liste des pays d'origine sûrs comporte aujourd'hui 18 pays 1 ( * ) , les derniers ajouts datent du Conseil d'administration du 06 décembre 2011 et concernent l'Arménie, le Bangladesh, la Moldavie et le Monténégro.

B. UNE RÉPONSE QUI DOIT AUSSI ETRE APPORTÉE AU NIVEAU EUROPÉEN

1. Les principes européens du droit d'asile

L'action de la mission s'inscrit dans le cadre de la politique d'harmonisation des politiques d'immigration et d'asile de l'Union européenne et répond aux engagements souscrits dans le Pacte européen pour l'immigration et l'asile d'octobre 2008.

Repris dans le programme pluriannuel (2010-2014) de Stockholm, ces engagements s'articulent autour de 5 objectifs : organiser l'immigration légale ; lutter contre l'immigration irrégulière ; renforcer l'efficacité des contrôles aux frontières ; bâtir une Europe de l'asile ; créer un partenariat global avec les pays d'origine et de transit.

Dans la ligne du Pacte européen, la Commission européenne a déposé un ensemble d'instruments modifiant les directives et règlements en vigueur afin d'achever, fin 2012, la mise en place du régime d'asile européen commun (RAEC). Des avancées ont d'ores et déjà été accomplies :

- l'adoption du règlement portant création du Bureau d'appui européen (BAE) en matière d'asile, le 19 mai 2010. Ce texte a bénéficié d'un soutien politique fort de l'ensemble des acteurs institutionnels européens. Le bureau est pleinement opérationnel depuis le 1 er juin 2011 ;

- l'adoption de la directive 2011/51/UE du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 2003/109/CE du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, afin d'étendre son champ d'application aux bénéficiaires d'une protection internationale. Elle devra être transposée avant le 20 mai 2013 ;

- l'adoption de la directive 2011/95/UE, dite directive « qualification », du Parlement européen et du Conseil concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et au contenu de cette protection, refonte de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004. Cette directive devra être transposée d'ici le 21 décembre 2013 ;

- enfin, le projet de décision modifiant le Fonds Européen pour les Réfugiés (FER) relatif à la mise en oeuvre du programme européen de réinstallation a été adopté le 29 mars 2012. Ce programme européen commun de réinstallation, fondé sur le volontariat, concerne la réinstallation dans un État membre de réfugiés se trouvant dans des pays tiers. Le projet européen de réinstallation pourra ainsi être mis en oeuvre dès 2013.

2. Une harmonisation nécessaire mais complexe

Si des progrès ont déjà été accomplis grâce à l'adoption de ces normes minimales communes, les conditions d'octroi d'une protection internationale ainsi que la forme qu'elle doit revêtir restent à harmoniser. Les négociations se poursuivent sur plusieurs points :

- la directive « accueil » établit les normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres. Un pas a été franchi le 25 octobre 2012, puisqu'un accord politique sur la refonte de la directive a été trouvé. Une fois cet accord formalisé, les États auront 2 ans pour le transposer en droit interne. La directive modifiée permettra d'améliorer et de mieux harmoniser les conditions de vie des demandeurs de protection internationale dans l'ensemble de l'Union européenne, quel que soit l'État dans lequel la demande est déposée, par de nouvelles dispositions sur le placement en rétention et les meilleures conditions d'accueil des personnes vulnérables.

- la directive « procédure » définit les normes minimales en matière de procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. La négociation est toujours en cours, mais est entrée dans sa phase finale suite au Conseil JAI du 25 octobre 2012.

- le règlement « Dublin II » établit les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers.

Pays des Balkans et libéralisation des visas

Des accords de facilitation de délivrance de visas ont été conclus entre l'Union européenne (UE) et les pays des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, ancienne République yougoslave de Macédoine et Serbie) afin de simplifier et d'accélérer les procédures de délivrance de visas de courte durée aux ressortissants de ces pays.

La conséquence a été un afflux de demandes d'asile en provenance des ressortissants de certains de ces pays. Or, ces demandes sont pour la plupart infondées, car basées sur des motifs économiques, et ont des répercussions sur le dispositif d'asile, en les surchargeant alors que leur situation est déjà tendue, puisque les demandes doivent être traitées par la procédure d'asile.

La France, la Belgique, l'Allemagne, le Luxembourg, l'Autriche et les Pays-Bas ont d'ailleurs été cosignataires d'une lettre à la Commission européennes, afin de l'alerter sur cette situation et de demander des mesures d'urgence. Globalement, la demande est celle de l'introduction d'une clause de sauvegarde en matière de libéralisation des visas.

Interrogé sur cette question lors de son audition devant la commission, le ministre de l'Intérieur, M. Manuel Valls, a répondu que la réponse devait être apportée de deux côtés. D'abord, les pays d'origine doivent réagir en prenant des mesures visant à éviter ces mouvements. Ensuite, il faut autoriser, dans de telles circonstances, les États à suspendre la libéralisation.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013 : UNE AUGMENTATION SUBSTANTIELLE DES DOTATIONS ALLOUÉES A L'ASILE

A. UN EFFORT DE SINCÉRITE ET DES AMBITIONS MAINTENUES

1. Présentation générale du budget pour 2013

Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission Immigration, asile et intégration, soit 90 % des crédits totaux.

Les autorisations d'engagement (596 millions d'euros en 2013 contre 553 millions en 2012, soit + 7,9 %) ainsi que les crédits de paiement (604 millions d'euros en 2013 contre 560 millions en 2012, soit + 8 %), sont en progression.

Au sein du programme 303, c'est l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » qui concentre l'essentiel des dotations, puisqu'elle représente 84 % des autorisations d'engagement demandées pour 2012.

Présentation des actions par crédits demandés

Programme 303

Action

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2013/2012 en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Circulation des étrangers et politique des visas

1 550 000

1 550 000

1 500 000

1 500 000

-3,2 %

-3,2 %

Action 02 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

408 910 000

408 910 000

501 130 000

501 130 000

22,6 %

22,6 %

Action 03 - Lutte contre l'immigration irrégulière

80 708 700

85 408 700

69 560 000

76 054 000

-13,8 %

-11,0 %

Action 04 - Soutien

62 284 704

64 284 704

24 720 000

26 026 000

- 60,3 %

- 59,5 %

Total Programme 303

553 453 404

560 153 404

596 910 000

604 710 000

7,9 %

8,0 %

(Source : ministère de l'intérieur)

Votre commission ne se saisit pour avis que sur les dotations de l'action 2 du programme 303 « garantie de l'exercice du droit d'asile ». Cette action a pour objet d'assurer l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure qui le demandent. Cette prise en charge intervient sous la forme soit d'un hébergement accompagné en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) pour les demandeurs d'asile remplissant les conditions d'accès à ce dispositif, soit du versement d'une prestation financière, l'allocation temporaire d'attente (ATA), qui peut être associée à un hébergement d'urgence.

Action 02 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Dépenses de fonctionnement :

37 100 000

37 100 000

- Subventions pour charges de service public

37 100 000

37 100 000

Dépenses d'intervention :

464 030 000

464 030 000

- Transferts aux ménages

140 000 000

140 000 000

- Transferts aux entreprises

80 950 000

80 950 000

- Transferts aux autres collectivités

243 080 000

243 080 000

TOTAL

501 130 000

501 130 000

Les dépenses de fonctionnement regroupent les dotations versées à l'OFPRA. Elles sont cette année en augmentation de 2,75 millions d'euros par rapport à la LFI 2012 afin de permettre à l'OFPRA d'améliorer le délai de traitement des demandes enregistrées. Le plafond des emplois est également relevé de 10 ETP.

Les dépenses d'intervention sont relatives à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile pendant toute la durée d'instruction de leur dossier. Elles regroupent :

- les dotations liées aux CADA. L'État finance un dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile, pérenne, et qui comporte 270 CADA, deux centres de transit et un centre d'accueil et d'orientation des mineurs isolés demandeurs d'asile. Le montant alloué au titre du PLF 2013 est de 198 800 000 € (AE=CP), les dépenses constituent un transfert aux entreprises pour 42 600 000 € et un transfert aux autres collectivités pour 156 200 000 € ;

- les dispositifs d'hébergement d'urgence, qui complètent le parc des places en CADA, insuffisant. La prévision de crédits au titre du PLF 2013 est de 125 000 000 € (AE=CP), ces dépenses constituent un transfert aux entreprises pour 35 900 000 € et un transfert aux autres collectivités pour 89 100 000 € ;

- l'allocation temporaire d'attente, ATA, qui est versée aux demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur dossier, y compris en cas de recours devant la CNDA, s'ils ne sont pas hébergés en CADA. La prévision de crédits pour 2013 s'élève à 140 000 000 € (AE=CP), et cette dépense constitue un transfert aux ménages à hauteur de 100 % ;

- l'accompagnement social spécifique des demandeurs d'asile, qui permet de financer la prise en charge sociale et médico-psychologique, et dont la prévision de crédits est de 230 000 € pour 2013.

Enfin, des fonds de concours européens sont attendus pour 2013 à hauteur de 6 866 442 €. Le fonds européen pour les réfugiés soutient et encourage les efforts consentis par les États pour accueillir les demandeurs d'asile.

2. Un accent mis sur l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure

C'est le domaine de l'accueil qui voit ses dotations augmenter. En effet, la très forte augmentation des crédits alloués au programme 303 porte essentiellement sur les dotations relatives aux dispositifs de prise en charge des demandeurs d'asile (+ 24 %).

Ainsi, le PLF 2013 prévoit la création de 1000 places supplémentaires en CADA, portant leur nombre à 22410 fin 2013. Indicateur de performance du programme 303, le taux d'hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure tend à s'améliorer.

Hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure remplissant les conditions d'accès à cet hébergement (en  %)

2010

réalisation

2011

réalisation

2012

prévision

2013

prévision

2015
cible

31

38

40

41

45

Il convient de pérenniser cet effort, car l'hébergement dans les CADA répond mieux que d'autres modes de prise en charge (accueil collectif, hôtels) aux normes minimales d'accueil prévues par la réglementation européenne. Aussi est-il nécessaire d'augmenter le taux d'hébergement dans ces centres en diminuant la durée moyenne de séjour, d'une part, par la réduction des délais d'instruction des demandes d'asile et, d'autre part, par des progrès en matière d'organisation de la sortie des centres des déboutés et des réfugiés (par le respect des délais réglementaires de sortie des centres).

Taux d'occupation des places en CADA par les demandeurs d'asile ou autres personnes autorisées

2010

réalisation

2011

réalisation

2012

prévision

2013
prévision

2015

cible

92,2

90,2

90

90

90

Outre les dispositions concernant les CADA, la dotation relative à l'hébergement d'urgence, déjà en augmentation de 51 millions d'euros en 2012 par rapport à 2011, sera de nouveau abondée de 34 millions en 2013. De même, les crédits relatifs au versement de l'ATA, relevés de 36 millions entre 2011 et 2012, seront de nouveau augmentés de 50 millions en 2013.

C'est donc un effort conséquent qui est engagé depuis 2 ans sur cette question de la prise en charge des demandeurs d'asile. C'est d'autant plus louable que le problème de l'insincérité budgétaire avait maintes fois été souligné lors des exercices précédents.

B. DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT NÉANMOINS

1. Le traitement des demandes : un stock de dossiers qui ne se résorbe pas malgré d'importants recrutements

A l'OFPRA, un important plan de recrutement, visant à résorber le stock de dossiers, a été mis en oeuvre depuis 2010. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait la poursuite de cet effort. Outre le maintien des emplois accordés précédemment pour les opérations de déstockage et le renfort des services d'appui à l'aide de 10 recrutements contractuels supplémentaires (8 A, 2 C), le contingent des officiers de protection est augmenté de 5 postes de titulaires (ces derniers ayant été pourvus temporairement par des agents sous contrat jusqu'à l'organisation d'un concours pour le recrutement de nouveaux titulaires en fin d'année). Toutefois, la réorganisation de l'établissement visant à l'allègement de la structure dirigeante pour une gestion plus adaptée a, dans le même temps, conduit à la suppression des postes de directeur général adjoint et de secrétaire général adjoint. L'effectif sous plafond a ainsi été porté à 455 ETP.

Emplois fonctionnels

ETP

1. Catégorie A

2. Catégorie B

3. Catégorie C

TOTAL

ETP

Titulaires

ETP

Contractuels

ETP

Titulaires

ETP

Contractuels

ETP

Titulaires

ETP

Contractuels

ETP

2010

6

164,9

82,6

34

0

119,5

5

412

2011

4

163,7

113,5

34,2

0

119,6

4

440

2012

4

170,2

121

34,2

0

119,6

6

455

(Source : ministère de l'intérieur)

Ainsi, face à la croissance de la demande, l'Office a amélioré sa productivité générale au moyen d'une concentration de ses moyens sur l'instruction, le maintien d'un haut niveau de productivité individuelle (1,8 décision par jour et par agent instructeur) et enfin à partir de 2011 par des recrutements d'effectifs supplémentaires.

Toutefois ces moyens n'ont jusqu'à présent pas permis de réduction du stock de dossiers en attente, ni du délai de traitement, du fait de l'augmentation parallèle et continue de la demande d'asile depuis 2008. Entre 2008 et 2011, celle-ci a augmenté de 34 % alors que la productivité de l'OFPRA ne s'est accrue que de 29 %. Dès lors, le nombre d'entrées étant supérieur à celui des sorties, les stocks observent une progression continue à compter de l'année 2008.

Or, ce problème a des conséquences autant en termes humains que sur le plan financier. Sur le plan humain, il est impensable de laisser un demandeur d'asile dans l'incertitude pendant aussi longtemps, délai d'autant plus allongé si la réponse s'avère négative et est suivie par un recours auprès de la CNDA. Sur le plan financier, un tel délai a un coût et des conséquences non négligeables sur les finances publiques.

En 2012, la stabilisation de la demande d'asile au cours du premier semestre et la poursuite de l'amélioration de la productivité ont permis de stabiliser les stocks à 14 200 demandes. A demande constante, un début de résorption des stocks est envisageable avant la fin de l'année 2012, qui en cas de reprise de la demande d'asile, serait compromise.

2007

2008

2009

2010

2011

2012 (2)

Délai moyen

105

100

118

145

174

179

stock global

8 248

10 900

14 672

18 800

22 474

22 700

stock réel (1)

3 300

5 300

7 672

11 000

14 000

14 200

(1) au-delà du stock incompressible estimé à 2,5 mois de flux (2) 1er semestre

(Source : ministère de l'intérieur)

Afin de poursuivre les efforts entrepris, il est prévu le recrutement de 10 officiers de protection contractuels supplémentaires dès le 1 er janvier 2013, dans le respect du plafond d'emplois sollicité.

La problématique est la même à la CNDA. Lorsqu'un demandeur d'asile voit sa demande refusée par l'OFPRA, il peut déposer un recours devant la CNDA. Depuis 2009 le nombre de recours déposés est à la hausse, ainsi en 2011 ce sont 31 983 recours qui ont été enregistrés, soit + 16,5 % par rapport à 2010.

2009

2010

2011

Prév. fin 2012

Prév.

2013

Recours

25 044

27 445

31 983

35 900

38 900

Décisions

20 240

23 934

34 595

37 700

39 400

Stock

25 845

29 776

26 613

25 200

23 000

(source : ministère de l'intérieur)

La reprise du contentieux de l'asile au début de l'année 2009 a conduit le Conseil d'État à adopter au printemps 2010 un plan de recrutement très vigoureux afin de permettre à la Cour d'accroître significativement sa capacité de jugement. Ce plan d'action pour la CNDA, fortement accentué par les pouvoirs publics en 2011, s'est traduit par la création de 50 emplois en 2011, dont 40 de rapporteurs, qui sont venus renforcer la capacité d'instruction et de jugement de la juridiction. Ainsi, les effectifs de la Cour ont été portés à 299 ETP au 31 décembre 2011.

2 898 audiences ont été organisées en 2011, soit une moyenne, sur 11 mois, compte tenu des vacances judiciaires, de 264 audiences. Au cours du premier semestre 2012, la CNDA a tenu 1 819 audiences, en hausse de 21,3 % par rapport à la même période de l'année précédente. En moyenne, les présidents permanents et vacataires président chaque mois près de 2,5 audiences. Cette moyenne masque cependant des situations très hétérogènes. Ainsi, les présidents permanents président chacun en moyenne 8 audiences chaque mois.

Globalement, le plan d'action mis en oeuvre en 2010 a permis une progression très importante de la capacité de jugement de la Cour, dans un contexte d'augmentation importante du nombre des recours. En effet, le délai prévisionnel moyen de jugement, qui avoisinait 15 mois en 2010 a été réduit à 9 mois et 5 jours en 2011, soit six mois de moins en l'espace d'une année. Le délai prévisionnel moyen de jugement devrait être d'environ 8 mois fin 2012. Vos rapporteurs se réjouissent de ces résultats et de l'effort mis en place afin de se rapprocher du seuil sans affecter l'examen des dossiers.

2. L'épineuse question de l'hébergement des demandeurs d'asile

L'hébergement en centre d'accueil a été multiplié par 4 ces 10 dernières années, portant à 21 410 le nombre de places fin 2011. Or, ce nombre est toujours insuffisant. Dans son rapport d'évaluation relatif à la politique publique de l'hébergement des personnes sans domicile, remis en novembre 2011, la Cour des comptes souligne que seuls 31,4 % des demandeurs d'asile éligibles à une entrée en CADA y étaient effectivement hébergés au 31 décembre 2010. Le PLF pour 2013 prévoit la création de 1 000 places supplémentaires, portant la capacité totale à 22 410 places, néanmoins au 08/08/2012 on comptait encore 33 000 personnes en attente d'une admission en CADA.

Or, ce manque de place a des répercussions sur les finances publiques, puisque les demandeurs non bénéficiaires d'une place en CADA, perçoivent l'allocation temporaire d'attente (ATA), dont les crédits associés sont en progression, et qui coûte plus cher que l'hébergement en CADA, et un hébergement d'urgence.

Vos rapporteurs souhaitent en particulier souligner plusieurs limites :

- 90 % des places en CADA sont occupées par des demandeurs d'asile en cours de procédure, les 10 % restants sont des présences indues de réfugiés ou de déboutés.

Les bénéficiaires d'une protection internationale peuvent rester en CADA pour une durée de 3 mois, renouvelable une fois, après notification de la décision. Au-delà, leur présence est considérée comme indue. Quant aux déboutés, leur présence en CADA est considérée comme indue après un délai d'un mois suivant la notification de la décision.

Il convient d'essayer de travailler sur cet indicateur pour que le taux d'occupation légitime augmente encore et tende vers les 100 %. Il est nécessaire d'aiguiller les demandeurs en fin de procédure vers des dispositifs correspondant à leur situation et laisser les places en CADA, déjà trop peu nombreuses !, à leurs occupants légitimes : les demandeurs d'asile en cours de procédure.

- 45 % des demandeurs d'asile sont en Île-de-France mais seulement 16 % des places en CADA ! Plus généralement, 68 % des demandes déposées sont concentrées dans 5 régions, ce qui crée un déséquilibre géographique considérable.

Certes la répartition s'est un peu homogénéisée cette année, il convient néanmoins de veiller à une meilleure cohérence de la répartition des demandeurs par rapport au nombre de places en centres d'hébergement.

- une différence de 2 € par jour et par personne est constatée entre un demandeur d'asile hébergé en CADA et un demandeur d'asile bénéficiant d'un hébergement d'urgence couplé au versement de l'ATA.

En effet, le coût unitaire moyen d'une place en CADA sera de 24 € par jour en 2013. En comparaison, le coût moyen journalier d'une place d'hébergement d'urgence s'élèvera à 15 € en 2013, auxquels il faudra ajouter le versement de l'ATA aux adultes lorsqu'ils sont éligibles à une entrée en CADA ou lorsqu'ils sont en procédure prioritaire, et dont le montant est d'un peu plus de 11 € par jour, soit au total plus de 26 €.

Interrogé lors de son audition à l'Assemblée nationale sur le manque de places et le comparatif coût unitaire d'une place en CADA/coût de la combinaison hébergement d'urgence et versement de l'ATA, M. Manuel Valls a répondu être prêt à examiner en cours d'année, en fonction de la situation en CADA et de l'hébergement d'urgence, en coopération avec Mme Cécile Duflot, « une éventuelle substitution de crédits entre les deux dispositifs, à coût constant, au bénéfice de création de places supplémentaires en CADA. Cette évolution devra être validée au niveau interministériel, en association avec le Parlement. »

Vos rapporteurs se félicitent de l'effort entrepris sur la question de l'hébergement des demandeurs en cours de procédure mais s'inquiètent du manque de places en CADA. Ils considèrent que cet hébergement répond mieux qu'un autre à l'accueil des demandeurs et souhaitent que l'effort fait sur la capacité d'hébergement en CADA soit maintenu voire augmenté.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance du mardi 20 novembre 2012.

M. Alain Néri, co-rapporteur - La mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et comprend deux programmes : le programme 303 porte sur « l'immigration et l'asile », le programme 104 sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ». Depuis cette création, votre commission se saisit pour avis sur le programme 303. Seule l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » fait l'objet d'un examen par la Commission.

Cette action a pour objectif de garantir aux demandeurs d'asile un traitement optimal de leur demande, ainsi qu'une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles d'accueil et d'accès aux soins pendant la durée d'instruction de leur demande. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui relève du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », instruisent les demandes d'asile.

Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission Immigration, asile et intégration, soit 90 % des crédits totaux. Les autorisations d'engagement (596 millions d'euros en 2013 contre 553 millions en 2012, soit + 7,9 %) ainsi que les crédits de paiement (604 millions d'euros en 2013 contre 560 millions en 2012, soit + 8 %), sont en progression.

Au sein du programme 303, c'est l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » qui concentre l'essentiel des dotations, puisqu'elle représente 84 % des autorisations d'engagement demandées pour 2013.

Les dépenses de fonctionnement regroupent les dotations versées à l'OFPRA. Elles sont cette année en augmentation de 2,75 millions d'euros par rapport à la LFI 2012 afin de permettre à l'OFPRA d'améliorer le délai de traitement des demandes enregistrées. Le plafond des emplois est également relevé de 10 ETP.

Les dépenses d'intervention sont relatives à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile pendant toute la durée d'instruction de leur dossier. Elles regroupent les dotations liées aux centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), les dispositifs d'hébergement d'urgence, l'allocation temporaire d'attente (ATA), et l'accompagnement social spécifique des demandeurs d'asile.

Cette année, l'accent est mis sur l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure. En effet, la très forte augmentation des crédits alloués au programme 303 porte essentiellement sur les dotations relatives aux dispositifs de prise en charge des demandeurs d'asile (+24 %). Ainsi, le PLF 2013 prévoit la création de 1 000 places supplémentaires en CADA, portant leur nombre à 22 410 fin 2013. Indicateur de performance du programme 303, le taux d'hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure tend à s'améliorer et à progresser régulièrement pour atteindre 40 % en prévision 2012 et 45 % en cible 2015.

Outre les dispositions concernant les CADA, la dotation relative à l'hébergement d'urgence sera abondée de 34 millions en 2013. De même, les crédits relatifs au versement de l'ATA seront augmentés de 50 millions en 2013. C'est donc un effort conséquent qui est engagé sur cette question de la prise en charge des demandeurs d'asile. C'est d'autant plus louable et remarquable que le problème de l'insincérité budgétaire avait maintes fois été souligné lors des exercices précédents.

Fidèle à ses valeurs de protection et de défense des droits de l'homme, la France est le premier pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe. En 2011, la demande d'asile a connu sa quatrième année de hausse consécutive, avec 57 337 demandes enregistrées (mineurs accompagnants et demandes de réexamen inclus), soit +8,7 % par rapport à 2010. Les dix principaux pays de provenance des demandeurs d'asile sont le Bangladesh, la République démocratique du Congo, l'Arménie, le Sri Lanka, la Russie, la Chine, Haïti, le Kosovo, la Guinée et la Turquie.

Le taux d'acceptation est de 10,8 % des demandes d'asile en 2011 contre 13,5 % en 2010 (décisions OFPRA). Si l'on ajoute les recours déposés ensuite devant la CNDA et accordés, le taux d'accord global est d'environ 25 %.

M. Raymond Couderc, co-rapporteur . - J'en viens à la deuxième partie de notre présentation sur les limites de ce budget. On a une impression de tonneau des Danaïdes ! Tout d'abord, concernant le traitement des demandes par l'OFPRA et la CNDA : à l'OFPRA, un important plan de recrutement, visant à résorber le stock de dossiers, a été mis en oeuvre depuis 2010. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait la poursuite de cet effort, portant les effectifs à 455 ETP fin 2012. Toutefois ces moyens n'ont jusqu'à présent pas permis de réduction du stock de dossiers en attente, ni du délai de traitement, du fait de l'augmentation parallèle et continue de la demande d'asile depuis 2008. Ainsi, le délai moyen d'examen d'une demande à l'OFPRA est de 179 jours au premier semestre 2012 !

Or, ce problème a des conséquences autant sur le plan humain que financier. Sur le plan financier, un tel délai a un coût et des conséquences non négligeables sur les finances publiques. Sur le plan humain, il est impensable de laisser un demandeur d'asile dans l'incertitude aussi longtemps, délai d'autant plus allongé si la réponse s'avère négative et est suivie d'un recours auprès de la CNDA. Depuis 2009, ce nombre de recours est à la hausse. Ainsi, en 2011, ce sont 31 983 recours qui ont été enregistrés, soit + 16,5 % par rapport à 2010. Néanmoins, et nous nous en félicitons, le plan d'action mis en oeuvre en 2010 à la CNDA a permis une progression très importante de sa capacité de jugement. En effet, le délai prévisionnel moyen de jugement, qui avoisinait 15 mois en 2010 a été réduit à 9 mois et 5 jours en 2011, soit six mois de moins en l'espace d'une année. Le délai prévisionnel moyen de jugement devrait être d'environ 8 mois fin 2012.

La question la plus épineuse, concernant l'asile, est celle de l'hébergement des demandeurs en cours de procédure. L'hébergement en centre d'accueil a été multiplié par quatre ces dix dernières années, portant à 21 410 le nombre de places fin 2011. Or, ce nombre est toujours insuffisant. Le PLF pour 2013 prévoit la création de 1 000 places supplémentaires, portant la capacité totale à 22 410 places, néanmoins au 8 août 2012 on comptait encore 33 000 personnes en attente d'une admission en CADA !

Or, ce manque de place a des répercussions sur les finances publiques, puisque les demandeurs non bénéficiaires d'une place en CADA perçoivent l'allocation temporaire d'attente (ATA), dont les crédits associés sont en progression et qui coûte plus cher que l'hébergement en CADA ou qu'un hébergement d'urgence. En effet, le coût unitaire moyen d'une place en CADA sera de 24 € par jour en 2013. En comparaison, le coût moyen journalier d'une place d'hébergement d'urgence s'élèvera à 15 € en 2013, auxquels il faudra ajouter le versement de l'ATA, et dont le montant est d'un peu plus de 11 € par jour, soit au total plus de 26 €.

Outre ces limites, une autre difficulté concernant l'asile tient à l'harmonisation complexe des législations européennes existant en la matière. Alors que la mise en place d'un régime d'asile européen commun (RAEC) était prévue pour fin 2012, l'établissement de normes communes est loin d'être simple et les négociations se poursuivent à Bruxelles sur la refonte de la directive « procédure » et du règlement « Dublin II ». Point positif, la directive « accueil » a, semble-t-il, été l'objet d'un accord politique le 25 octobre dernier lors du Conseil justice et affaires intérieures.

En conclusion, il s'agit d'un programme ambitieux qui voit son budget augmenter régulièrement depuis des années faisant ainsi honneur à la France en respectant sa tradition d'accueil. Pour autant et malgré une augmentation de l'investissement de l'Etat, tant en budget qu'en personnel dédié, les stocks de dossiers en attente ne se réduisent pas, avec les conséquences humaines et financières que je vous précisais plus tôt.

Sans réduction de temps d'examen des dossiers et avec une augmentation du nombre de demandeurs d'asile, il y a un fort accroissement de demandeurs non bénéficiaires d'une place en CADA, mais qui perçoivent une allocation temporaire d'attente (ATA) dont le coût est beaucoup plus élevé que celui de l'hébergement en CADA.

Aussi, je ne pense pas que ce budget réponde parfaitement à la situation actuelle. Pour cette raison, je vous propose de vous abstenir, comme je vais le faire moi-même, d'adopter les crédits du programme 303.

M. Alain Néri , co-rapporteur . - Certes, le traitement des dossiers est encore trop long et le nombre des places d'accueil et d'hébergement reste insuffisant. Mais en dépit de la situation d'un budget plus que contraint et très difficile, il convient de prendre en compte l'augmentation des autorisations d'engagement de l'ordre de 43 millions d'euros, soit près de 8 %, la progression des crédits de paiement de 44 millions d'euros, soit 8 % également, et la création de 10 postes supplémentaires de contractuels à l'OFPRA et de 1 000 places d'hébergement en CADA.

A l'évidence, cela marque la volonté d'améliorer la garantie de l'exercice du droit d'asile par un effort progressif et maintenu les prochaines années. C'est pourquoi je vous propose de donner un avis favorable au programme 303 et de l'adopter.

Par treize voix pour, zéro voix contre, et six abstentions, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

ANNEXE 1 : TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

TROISIÈME PARTIE

LES POLITIQUES ET ACTIONS INTERNES DE L'UNION

TITRE V

L'ESPACE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE

CHAPITRE 2

POLITIQUES RELATIVES AUX CONTRÔLES
AUX FRONTIÈRES, À L'ASILE ET À L'IMMIGRATION

Article 77

(ex-article 62 TCE)

1. L'Union développe une politique visant:

a) à assurer l'absence de tout contrôle des personnes, quelle que soit leur nationalité, lorsqu'elles franchissent les frontières intérieures;

b) à assurer le contrôle des personnes et la surveillance efficace du franchissement des frontières extérieures;

c) à mettre en place progressivement un système intégré de gestion des frontières extérieures.

2. Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures portant sur:

a) la politique commune de visas et d'autres titres de séjour de courte durée;

b) les contrôles auxquels sont soumises les personnes franchissant les frontières extérieures;

c) les conditions dans lesquelles les ressortissants des pays tiers peuvent circuler librement dans l'Union pendant une courte durée;

d) toute mesure nécessaire pour l'établissement progressif d'un système intégré de gestion des frontières extérieures;

e) l'absence de tout contrôle des personnes, quelle que soit leur nationalité, lorsqu'elles franchissent les frontières intérieures.

3. Si une action de l'Union apparaît nécessaire pour faciliter l'exercice du droit, visé à l'article 20, paragraphe 2, point a), et sauf si les traités ont prévu des pouvoirs d'action à cet effet, le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, peut arrêter des dispositions concernant les passeports, les cartes d'identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé. Le Conseil statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen.

4. Le présent article n'affecte pas la compétence des États membres concernant la délimitation géographique de leurs frontières, conformément au droit international.

Article 78

(ex-articles 63, points 1 et 2, et 64, paragraphe 2, TCE)

1. L'Union développe une politique commune en matière d'asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d'un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique doit être conforme à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés, ainsi qu'aux autres traités pertinents.

2. Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures relatives à un système européen commun d'asile comportant:

a) un statut uniforme d'asile en faveur de ressortissants de pays tiers, valable dans toute l'Union;

b) un statut uniforme de protection subsidiaire pour les ressortissants des pays tiers qui, sans obtenir l'asile européen, ont besoin d'une protection internationale;

c) un système commun visant, en cas d'afflux massif, une protection temporaire des personnes déplacées;

d) des procédures communes pour l'octroi et le retrait du statut uniforme d'asile ou de protection subsidiaire;

e) des critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile ou de protection subsidiaire;

f) des normes concernant les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ou de protection subsidiaire;

g) le partenariat et la coopération avec des pays tiers pour gérer les flux de personnes demandant l'asile ou une protection subsidiaire ou temporaire.

3. Au cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés. Il statue après consultation du Parlement européen.

Article 79

(ex-article 63, points 3 et 4, TCE)

1. L'Union développe une politique commune de l'immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu'une prévention de l'immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci.

2. Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures dans les domaines suivants:

a) les conditions d'entrée et de séjour, ainsi que les normes concernant la délivrance par les États membres de visas et de titres de séjour de longue durée, y compris aux fins du regroupement familial;

b) la définition des droits des ressortissants des pays tiers en séjour régulier dans un État membre, y compris les conditions régissant la liberté de circulation et de séjour dans les autres États membres;

c) l'immigration clandestine et le séjour irrégulier, y compris l'éloignement et le rapatriement des personnes en séjour irrégulier;

d) la lutte contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants.

3. L'Union peut conclure avec des pays tiers des accords visant la réadmission, dans les pays d'origine ou de provenance, de ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou qui ne remplissent plus les conditions d'entrée, de présence ou de séjour sur le territoire de l'un des États membres.

4. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent établir des mesures pour encourager et appuyer l'action des États membres en vue de favoriser l'intégration des ressortissants de pays tiers en séjour régulier sur leur territoire, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres.

5. Le présent article n'affecte pas le droit des États membres de fixer les volumes d'entrée des ressortissants de pays tiers, en provenance de pays tiers, sur leur territoire dans le but d'y rechercher un emploi salarié ou non salarié.

Article 80

Les politiques de l'Union visées au présent chapitre et leur mise en oeuvre sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, y compris sur le plan financier. Chaque fois que cela est nécessaire, les actes de l'Union adoptés en vertu du présent chapitre contiennent des mesures appropriées pour l'application de ce principe.

ANNEXE 2 : ORIGINE DES DEMANDEURS D'ASILE EN 2010, 2011 ET AU 1ER SEMESTRE 2012, PAR CONTINENT ET PAYS

2010

2011

6 mois 2012 (*)


* 1 Arménie, Bangladesh, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Croatie, Ghana, Inde, Macédoine (ARYM), Mali (pour les hommes uniquement), Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal, Serbie, Tanzanie, Ukraine

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