Avis n° 435 (2012-2013) de Mme Michelle MEUNIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 20 mars 2013

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N° 435

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ,

Par Mme Michelle MEUNIER,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

344 , 581 , 628 et T.A. 84

Sénat :

349 (2012-2013)

Les amendements adoptés par la commission des affaires sociales

Sur proposition de sa rappporteure, la commission des affaires sociales a adopté quatre amendements :

- le premier, portant sur l'article 4 ter inséré par l'Assemblée nationale, permet aux couples pacsés sans enfant , au même titre que les couples mariés sans enfant, d'adhérer à une association familiale reconnue ;

- les deuxième et troisième amendements rétablissent, respectivement aux articles 11 et 14, des mesures de coordination dans les codes sociaux ayant été malencontreusement supprimées à l'Assemblée nationale ;

- le quatrième amendement étend à l'ensemble des salarié-e-s homosexuel-le-s , indépendamment de leur situation familiale, la mesure de protection , introduite à l'article 16 bis par l'Assemblée nationale, au bénéfice des salarié-e-s marié-e-s ou pacsé-e-s à une personne du même sexe, en cas de refus de mutation géographique dans un Etat incriminant l'homosexualité.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi apporte une réponse républicaine aux attentes des couples de même sexe, en leur offrant la liberté de choisir la nature juridique du lien les unissant et en reconnaissant qu'ils « font famille », sans réduire en quoi que ce soit les droits des couples de sexe différent.

En ouvrant le mariage aux couples de même sexe dans les mêmes conditions que pour les couples de sexe différent, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs qui s'imposent à chacun des conjoints, ce texte constitue une étape historique dans la longue marche vers l'égalité de cette institution qui, enfin, devient universelle . Il ne crée pas un mariage « gay », mais fait entrer les couples de même sexe dans l'universalité de la loi de la République et leur accorde ainsi la citoyenneté pleine et entière qui leur revient de droit.

En permettant à ces couples d'accéder à l'adoption dans les conditions de droit commun, ce projet de loi consacre l'égalité et la protection juridique de tous les enfants, de toutes les familles . Il ne signe pas la disparition de la famille mais, au contraire, la renforce en faisant sortir de la pénombre des familles aujourd'hui connues de tous.

En garantissant aux couples de même sexe et aux familles homoparentales les mêmes droits, il s'inscrit dans la lignée des grandes lois qui ont marqué l'histoire de la lutte contre les discriminations . Il contribuera à combattre les stéréotypes et à changer le regard de la société sur l'homosexualité ; la lutte contre les préjugés liés à l'orientation sexuelle ne saurait en effet connaître d'avancée significative tant que des inégalités de droit perdureront à l'encontre des personnes homosexuelles.

Cette réforme n'ôte rien aux hétérosexuels, elle oblige simplement - citoyens, responsables politiques, décideurs publics - à en finir avec les préjugés et à penser l'égale dignité des êtres humains.

Votre rapporteure se félicite que cette grande avancée sociale, engagement du Président de la République devant les Français pendant la campagne présidentielle, voit enfin le jour et qu'avec elle, la société renoue avec la tolérance et le respect des différences.

Elle remercie la commission des lois et son rapporteur, Jean-Pierre Michel, pour la très grande qualité des auditions qu'elle a organisées et le climat serein dans lequel celles-ci se sont déroulées. Au-delà des éclairages qu'elles ont apportés sur ce texte, ces auditions ont permis de soulever plusieurs questions qui nécessiteront d'être traitées dans le cadre d'autres projets de loi, en particulier celui sur la famille dont le dépôt a été annoncé par le Gouvernement pour la fin de l'année. Une réforme semble particulièrement urgente et faire l'unanimité ; celle de l'adoption que votre rapporteure appelle de ses voeux.

I. UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS LA LONGUE MARCHE VERS L'ÉGALITÉ DES DROITS

A. L'ÉVOLUTION JURIDIQUE ET SOCIOLOGIQUE DU MARIAGE ET DE LA FAMILLE

1. Le mariage : une institution qui a évolué vers plus d'égalité

Institution sociale présente dès l'Antiquité, le mariage a accompagné toutes les mutations de la civilisation occidentale .

Dans le monde romain, il est longtemps resté une affaire profane, réglée par les familles, destinée à transmettre le patrimoine et à garantir la filiation.

Avec l'avènement du christianisme, le mariage devient un sacrement. Dans l'objectif de lutter contre les mariages clandestins, le concile de Latran de 1215 le règlemente en prévoyant la publication des bans, en exigeant le consentement libre et public des époux, et en le rendant indissoluble sauf par la mort.

Prérogative exclusive de l'Eglise durant l'Ancien Régime, la sécularisation du mariage est consacrée par l'article 7 de la Constitution de 1791 au terme duquel « la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil » . La loi du 20 septembre 1792 parachève cette évolution en prévoyant que le mariage est contracté devant l'officier municipal, chargé désormais de tenir l'état civil. C'est cette même loi qui rend le mariage révocable par le divorce.

La conception civile et laïque du mariage , héritée de la Révolution, est reprise pour l'essentiel par les rédacteurs du code civil de 1804 . Sans le définir, ils en posent les conditions dont la plus emblématique, qui figure toujours à l'article 146 du code civil, est la liberté du consentement.

Depuis le code Napoléon, le mariage civil - qui précède obligatoirement le mariage religieux, rétabli par le Concordat de 1801 - n'a varié que sur des détails, le plus souvent pour en simplifier la procédure. Supprimé par la Restauration, le divorce est rétabli en 1884 par la loi Naquet.

Au cours du XX e siècle, l'évolution du mariage va de pair avec l'émancipation féminine et le combat des mouvements féministes en faveur de la reconnaissance de l'égalité des droits entre les femmes et les hommes. Le mariage se détache alors d'un ordre social fondé sur une conception patriarcale de la société , qui fait du mari et du père le propriétaire du patrimoine, mais aussi le possesseur de l'épouse et des enfants.

La pleine égalité des conjoints est reconnue par la loi du 4 juin 1970 qui supprime la référence au « chef de famille » et introduit l'autorité parentale conjointe. Le divorce par consentement mutuel est rétabli par la loi du 11 juillet 1975.

La reconnaissance de la femme comme sujet de droit marque ainsi une étape fondamentale dans la modernisation de l'institution du mariage, dont l'évolution vers l'égalité concerne aussi les droits des enfants.

2. La « révolution de velours »1 ( * ) de la filiation

Alors que, traditionnellement, seul le mariage avait pour effet de rendre légitime la filiation ( via la présomption de paternité) et de conférer aux enfants les droits qui en découlent, le XX e siècle voit progressivement s'opérer une dissociation entre mariage et filiation .

Cette évolution sociétale conduit le législateur à procéder, par étapes, à une refonte du droit de la filiation , de façon à reconnaître une égalité des droits pour les enfants , qu'ils soient nés dans ou hors mariage :

- la loi du 16 décembre 1912 met fin à l'interdiction de recherche en paternité pour les enfants nés hors mariage ;

- la loi du 3 janvier 1972 pose le principe de l'égalité des droits entre enfants légitimes et enfants naturels ;

- la loi du 3 décembre 2001 et la loi du 4 mars 2002 font disparaître les discriminations qui frappaient encore les enfants naturels en matière de succession et de nom de famille ;

- enfin, l'ordonnance du 4 juillet 2005, ratifiée par la loi du 16 janvier 2009, supprime toute référence, dans le code civil, aux notions de filiation légitime et de filiation naturelle.

Si la présomption de paternité dans le mariage existe toujours, elle n'en est plus « le coeur » 2 ( * ) parce qu'elle ne distingue plus les « vraies » familles des autres. De cette évolution, la sociologue Irène Théry en déduit que « le coeur du mariage, ce n'est plus la présomption de paternité, mais le couple » .

3. De la famille aux familles

Depuis les années 1970, la famille en France, comme dans les autres pays développés, a connu de profondes mutations. Le modèle familial traditionnel , fondé sur un couple composé d'une femme et d'un homme unis par les liens du mariage et ayant des enfants en commun, ne constitue plus dans les faits le seul mode d'organisation de la vie familiale .

Principale illustration de cette révolution sociétale, le mariage n'a, au fil des décennies, cessé de décliner : alors qu'en 1970, 400 000 mariages étaient célébrés, 240 000 l'ont été en 2011, ce qui représente une baisse de 40 %.

Le divorce a, quant lui, progressé dans le sens inverse, enregistrant une augmentation de 12 % ces dernières années. On compte aujourd'hui en moyenne un divorce pour 2,5 mariages.

Ce recul du mariage s'est accompagné d' un développement de l'union libre : celle-ci est plus fréquente et dure beaucoup plus longtemps qu'auparavant. Aujourd'hui, neuf couples sur dix débutent leur « vie à deux » par une phase d'union libre, contre un sur six au début des années 1970.

Parallèlement, le pacte civil de solidarité (Pacs) s'est peu à peu imposé comme une forme de conjugalité à part entière . De 22 271 en 2000, le nombre de partenariats conclus a atteint 205 558 en 2010. Sur la même période, la part des Pacs conclus entre partenaires de même sexe est passée de 42 % à 4,7 %. Il ressort de cette évolution que si l'instauration du Pacs a été un instrument essentiel pour la reconnaissance des couples de même sexe, il est désormais très majoritairement conclu par les couples de sexes différents.

Le mariage a également cessé de s'imposer comme un préalable nécessaire à la procréation. Aujourd'hui, plus de 56 % des premiers enfants des couples naissent hors mariage, alors qu'ils n'étaient que 8,5 % en 1974 . L'acte fondateur d'une famille n'est donc, le plus souvent, plus le mariage mais la naissance d'un enfant.

Moins stables qu'autrefois, les couples, mariés ou non, sont affectés par des séparations de plus en plus fréquentes. Il en résulte un accroissement du nombre de familles monoparentales et de familles recomposées . Aujourd'hui, un enfant mineur sur quatre ne vit pas avec ses deux parents, un sur cinq vit dans une famille monoparentale et un sur neuf dans une famille recomposée.

Reflet de la diversité du paysage familial, les familles homoparentales sont une réalité , même s'il est très difficile d'en évaluer le nombre puisque l'Insee ne fournit pas de statistiques officielles. On estime néanmoins entre 40 000 et 300 000 le nombre d'enfants vivant dans des familles homoparentales.

Comme le montrent les travaux de la sociologue Martine Gross, l'homoparentalité recouvre une grande diversité de situations familiales. Les enfants peuvent avoir été conçus ou adoptés dans le cadre d'une union hétérosexuelle aujourd'hui défaite, dont l'un des parents a recomposé un foyer avec une personne du même sexe. Ils peuvent aussi être nés ou être accueillis dans un contexte homoparental (avec recours à l'adoption, à l'assistance médicale à la procréation ou à la gestation pour autrui). Tout comme la famille hétéroparentale, la famille homoparentale se conjugue donc au pluriel.

B. UN PROJET DE LOI D'ÉGALITÉ DES DROITS ET DE PROTECTION JURIDIQUE

1. Une avancée égalitaire pour tous les couples et toutes les familles
a) L'égalité de tous les couples dans le mariage

Comme l'a très justement souligné la garde des Sceaux, Christiane Taubira, dans son discours d'ouverture à l'Assemblée nationale, « le mariage civil porte l'empreinte de l'égalité. Il s'agit d'une conquête fondatrice de la République. »

C'est à l'aune de ce rappel historique que doit s'analyser le présent projet de loi, qui propose de poursuivre l'évolution vers l'égalité du mariage .

La création du Pacs par la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 a permis une première reconnaissance juridique des couples de personnes de même sexe. Il n'en demeure pas moins que ce contrat, qui fait l'objet d'un simple enregistrement auprès du greffe du tribunal d'instance ou du notaire, ne leur permet pas d'accéder à la reconnaissance sociale et à la parentalité conjointe que seul le mariage apporte.

En effet, le mariage est plus qu'un simple contrat, il est aussi une institution : il offre à deux personnes la possibilité de voir officialiser leur union au cours d'une cérémonie publique en mairie, avec toute la solennité républicaine qui s'y rattache.

Le désir d'un couple homosexuel de s'unir juridiquement et symboliquement est tout aussi légitime que celui d'un couple hétérosexuel. Dès lors, pour quelle raison ne pourrait-il pas s'exprimer dans le même cadre juridique et bénéficier de la même reconnaissance sociale ? Au nom de quel principe la République peut-elle continuer de fermer les portes de l'une de ses institutions à certains de ses citoyennes et citoyens qui - s'ils ont les mêmes devoirs - ne seraient pas dotés des mêmes droits que les autres ?

Ces questions se posent avec d'autant plus d'acuité que le mariage n'est plus, on l'a vu, le cadre privilégié de la filiation. Comme l'explique le professeur de droit Françoise Dekeuwer-Défossez, « il est passé du statut de contrat-institution organisant la filiation au sein du couple à celui d'union de deux individus amoureux » 3 ( * ) . Dans ce contexte, rien n'interdit de le concevoir de façon tant homosexuée qu'hétérosexuée.

En s'ouvrant aux couples de personnes de même sexe dans les mêmes conditions que pour les couples de sexes différents, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs qui s'imposent à chacun des conjoints, le mariage devient une institution universelle , qui illustre bien - comme l'a montré la garde des Sceaux en séance publique à l'Assemblée nationale -, la devise de la République :

- la liberté pour ces couples de choisir le régime juridique de leur union : l'union libre, le contrat ou le mariage ;

- l'égalité de tous les couples dans l'accès à la norme juridique ;

- la fraternité entre tous les citoyens quelle que soit leur orientation sexuelle.

A ce titre, le choix d'inclure les couples de même sexe dans l'institution du mariage, c'est-à-dire dans une institution connue et reconnue de tous, est plus fort que ne l'aurait été le renforcement du Pacs ou l'instauration d'un nouveau contrat d'union civile réservé aux couples de même sexe .

b) L'égalité de tous les couples dans l'accès à une parentalité conjointe par l'adoption

La possibilité pour les couples de même sexe de se marier a pour conséquence automatique de leur ouvrir le droit à l'adoption dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels mariés, avec les mêmes droits et les mêmes procédures administratives et juridictionnelles garantes de l'évaluation du sérieux du projet parental et d'un environnement éducatif, familial et psychologique correspondant aux besoins et à l'intérêt de l'enfant.

A cet égard, seront possibles, tant l'adoption simple que l'adoption plénière, tant l'adoption conjointe que l'adoption de l'enfant du conjoint ou de la conjointe (cf. II. A).

Aujourd'hui, les couples de même sexe ne peuvent adopter conjointement un enfant puisque l'adoption n'est ouverte qu'aux personnes mariées et aux célibataires. Les homosexuel-le-s ne peuvent donc engager une démarche d'adoption qu'en tant que personnes seules.

Or, force est de constater que lorsqu'une personne homosexuelle vivant en couple souhaite adopter, elle est aujourd'hui contrainte de dissimuler sa vie de couple pour que sa demande d'agrément aboutisse. Cette situation que beaucoup qualifient, à juste titre, d'« hypocrite » n'est satisfaisante ni pour l'adoptant, qui est obligé de taire une partie de sa vie privée, ni pour l'enfant, puisque la réalité du projet parental qui sous-tend la démarche d'adoption est tronquée. Dans l'intérêt de l'enfant, il est pourtant fondamental que le ou la partenaire du parent, avec lequel ou laquelle il va vivre, soit entièrement partie prenante du projet d'adoption.

En ouvrant l'adoption conjointe aux couples homosexuels, le présent projet de loi met fin à cette hypocrisie et consacre l'égalité de traitement des projets parentaux, quelle que soit l'orientation sexuelle des candidats à l'adoption.

Cependant, l'adoption conjointe d'un enfant par deux personnes de même sexe pourrait voir sa portée limitée dans les faits en raison du faible nombre d'enfants actuellement adoptables en France et à l'étranger (cf. III. A.).

Il est donc probable que l'adoption de l'enfant du ou de la conjoint(e) sera le cas le plus fréquent . Cette possibilité permettra de répondre aux situations d'insécurité juridique dans lesquelles se trouvent actuellement de nombreuses familles homoparentales, que le législateur ne saurait laisser plus longtemps dans une marginalité subie (cf. infra ).

En définitive, par l'ouverture du droit à l'adoption aux couples de même sexe, ce texte reconnaît la pluralité des modèles familiaux actuels, fait entrer les familles homoparentales dans le droit commun et garantit par là même l'égalité de tous les enfants, de toutes les familles . Comme l'a déclaré, à l'Assemblée nationale, la ministre chargée de la famille, Dominique Bertinotti, « assurément, cette loi répond à une vision généreuse de la famille, une vision qui inclut et non qui exclut » .

c) L'égalité de tous les citoyennes et citoyens quelle que soit leur orientation sexuelle

Au-delà de l'enjeu d'égalité dans l'institution du mariage et dans l'accès à l'adoption, ce projet de loi s'inscrit dans la longue marche pour l'égalité des droits et pour la lutte contre les discriminations, en l'occurrence celles fondées sur l'orientation sexuelle .

Alors que depuis la Révolution, la France ne réprimait pas juridiquement l'homosexualité, la loi n° 744 du 6 août 1942, promulguée sous le Régime de Vichy, porte la majorité sexuelle à vingt et un ans pour les homosexuel-le-s et à quinze ans pour les hétérosexuel-le-s, sanctionnant ainsi insidieusement l'homosexualité. Est alors « puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 2 000 francs à 6 000 francs quiconque aura [...] commis un ou plusieurs actes impudiques ou contre nature avec un mineur de son sexe âgé de moins de vingt-et-un ans. » (article 331-3 devenu 331-2 du code pénal).

Il faut attendre les années 1980 pour que soit mis fin à l'incrimination juridique de l'homosexualité :

- en juin 1981, le ministère de la santé retire l'homosexualité de la liste des maladies mentales ;

- la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie concerne à la fois les outrages publics à la pudeur, qui étaient jusqu'alors aggravés pour homosexualité, et les actes dits « contre nature » avec un mineur de dix-huit ans ;

- la loi n° 82-683 du 4 août 1982, en abrogeant l'alinéa 2 de l'article 331 du code pénal, dépénalise l'homosexualité ;

- la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social complète le code pénal en introduisant des dispositions protégeant les personnes contre les discriminations liées à leurs moeurs.

La loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 instituant le Pacs constitue une première reconnaissance juridique des couples homosexuels dans le droit français.

Dans les années 2000, plusieurs lois introduisent des mesures condamnant explicitement les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle :

- la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, modifie les articles 225-1 et 225-2 du code pénal sur les discriminations punissables, ainsi que l'article L. 122-45 du code du travail, lequel définit les discriminations interdites dans le cadre professionnel ;

- la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, dont l'article 158 combat les discriminations pratiquées par les bailleurs de logement ;

- la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui fait des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle une circonstance aggravante.

C'est dans la lignée de cet arsenal juridique que s'inscrit le présent projet de loi. En reconnaissant aux couples homosexuels les mêmes droits que les couples hétérosexuels, il contribuera, comme le Pacs en son temps, à faire évoluer les mentalités, à combattre les stéréotypes, à changer le regard que la société porte sur l'homosexualité .

La lutte contre les préjugés liés à l'orientation sexuelle ne saurait connaître d'avancée significative tant qu'une inégalité de droit perdurera à l'encontre des personnes homosexuelles. L'accès de ces dernières au droit commun est un préalable indispensable à leur intégration pleine et entière dans la société .

2. La sécurité et la protection juridiques de tous les couples et de toutes les familles

Au-delà de l'avancée égalitaire dont il est porteur, le projet de loi assure la protection juridique de tous les couples et de toutes les familles.

a) Offrir aux personnes de même sexe un cadre juridique plus protecteur que le Pacs

Le Pacs est une convention conclue entre deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, souhaitant organiser leur vie commune. Conçu lors de sa création en 1999 comme un contrat original, destiné à organiser la vie patrimoniale d'un couple, son régime a très largement été rapproché de celui du mariage par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, tant sur le plan civil (aide matérielle entre partenaires proportionnelle à leurs facultés respectives, solidarité des dettes ménagères, compétence du juge aux affaires familiales) que sur le plan fiscal (établissement d'une déclaration commune pour l'impôt sur le revenu, exonération totale des frais de succession entre partenaires comme entre conjoints).

Malgré l'avancée indéniable qu'il a constituée pour tous les couples, le Pacs ne répond pas suffisamment à la demande des couples homosexuels, qui souhaitent légitimement pouvoir choisir de se marier ou non, et ainsi de bénéficier, comme les couples hétérosexuels, d'un cadre juridique plus protecteur et sécurisant.

S'agissant des formalités du contrat , tandis que le mariage suppose une publication préalable des bans, dix jours au moins avant la cérémonie, le Pacs n'est précédé d'aucune formalité.

La convention de Pacs fait l'objet d'un simple enregistrement au greffe du tribunal d'instance ou, depuis la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, d'un enregistrement direct par le notaire. A l'inverse, le mariage est célébré en mairie par l'officier d'état civil qui reçoit le libre échange des consentements des époux au cours d'une cérémonie publique.

Concernant les droits des partenaires , le Pacs ne permet pas à un membre du couple de donner son nom à l'autre, il ne rend pas un partenaire héritier de l'autre (un testament est nécessaire pour désigner son partenaire comme héritier), il n'entraîne aucun effet sur la nationalité.

Le partenaire survivant n'est pas éligible au versement de la pension de réversion, alors que le mariage ouvre automatiquement droit à la réversion pour le conjoint survivant.

En matière de conséquences sur la vie familiale , à la différence du mariage, le Pacs ne donne pas lieu à l'établissement d'un livret de famille. Seul le mariage entraîne l'obligation de nourrir, entretenir et élever les enfants du couple et d'assurer la direction morale et matérielle de la famille.

Le Pacs n'induit pas de présomption de paternité et ne permet pas aux partenaires d'adopter conjointement. Ceux-ci ne peuvent adopter qu'à titre individuel.

Enfin, les modalités de dissolution divergent également : à la procédure encadrée et protectrice du divorce, s'oppose un droit de dissolution unilatérale du Pacs par signification faite par huissier de justice et notification au greffe du tribunal d'instance.

En ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe, le projet de loi met donc fin au « privilège » de protection juridique dont seuls bénéficiaient jusqu'à présent les couples hétérosexuels. Faut-il le rappeler, la République a pour mission d'assurer le même niveau de sécurité juridique à tous ses citoyens, sans distinction liée au sexe ou à l'orientation sexuelle.

b) Mettre fin à l'insécurité juridique des familles homoparentales

Les familles homoparentales vivent aujourd'hui dans une situation que certains juristes qualifient « d'apesanteur juridique » 4 ( * ) : elles existent sans que les droits du parent dit « social », c'est-à-dire le parent qui est dépourvu de lien de filiation avec l'enfant mais qui participe à son éducation au même titre que le parent légal, ne soient reconnus.

Le droit français n'admet en effet l'établissement de la filiation qu'à l'égard d'une seule mère (par la désignation de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant, sauf dans le cas d'un accouchement sous X) et d'un seul père (par application du principe de présomption de paternité dans le mariage ou, hors mariage, par reconnaissance ou possession d'état). Les filiations établies à l'égard de deux personnes de même sexe sont considérées comme un « conflit de filiation » au sens de l'article 320 du code civil. Les enfants élevés par deux personnes de même sexe n'ont donc, au sens légal, qu'un seul parent.

Or la filiation emporte un certain nombre de droits et de devoirs réciproques entre le parent et l'enfant en matière d'exercice de l'autorité parentale, de transmission du nom, de droits successoraux ou de nationalité.

N'étant pas reconnu dans son lien de filiation avec l'enfant, le parent social n'est rien vis-à-vis de la loi :

- il ne peut lui donner son nom ;

- la transmission de son patrimoine en cas de décès est soumise aux droits de succession applicables au tiers, ce qui est très défavorable pour l'enfant ;

- l'adoption de l'enfant de son compagnon ou de sa compagne est, en l'état actuel du droit, impossible puisque cette modalité d'adoption n'est prévue que dans le cadre du mariage ;

- en cas de séparation du couple homoparental, l'autorité parentale à l'égard de l'enfant revient au parent légal, à moins qu'une délégation-partage de l'autorité parentale n'ait été établie (cf. infra ) : nombreux sont les cas de parents sociaux qui ne peuvent plus, après séparation du couple, voir les enfants qu'ils ont pourtant élevés (notons qu'il en est de même pour le parent social - « beau-parent » notamment - dans un couples hétérosexuel) ;

- en cas de décès du parent légal, il n'existe aucun droit au maintien des liens de l'enfant avec le parent social et sa parentèle (grands-parents, oncles et tantes, cousins et cousines...), ce qui peut donner lieu à des situations dramatiques.

L'absence de liens juridiques du parent social avec l'enfant a également des conséquences sur la vie quotidienne : il ne peut, sans autorisation préalable, aller le chercher à l'école, prendre une décision médicale importante, l'emmener à l'étranger.

Ce défaut de reconnaissance juridique est une source non seulement d'insécurité pour le parent social et l'enfant, mais aussi de très grande souffrance car elle s'apparente à une forme de négation, par la société, du lien familial, affectif et éducatif qui les unit .

Certes, il existe, en l'état actuel du droit, des possibilités pour reconnaître, en dehors de l'établissement de tout lien de filiation, des droits au parent social, mais celles-ci demeurent très restreintes :

- la procédure de délégation dite « classique » de l'autorité parentale, qui doit être consentie par chacun des titulaires de l'autorité parentale. Dans ce cas, les parents demeurent titulaires de cette autorité et ne sont dépossédés, au profit du tiers, que de son exercice. La délégation peut être totale ou partielle : il revient aux intéressés d'en déterminer les modalités au regard de leur situation familiale ;

- la procédure de délégation-partage de l'autorité parentale, qui permet un partage égal et concomitant des attributs de l'autorité parentale. Dans ce cas, les parents (ou l'un deux) partagent tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale avec le tiers délégataire, sans en être dépossédés.

En permettant aux couples de même sexe de se marier, le projet de loi leur ouvre de facto le droit à l'adoption - simple comme plénière - de l'enfant du conjoint. Il met ainsi fin à la situation de précarité juridique dans laquelle se trouvent les familles homoparentales déjà existantes. Au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, il est temps que le législateur apporte un cadre juridique protecteur à ces familles, qui en sont aujourd'hui dépourvues. Tous les enfants de la République doivent avoir droit au même niveau de sécurité juridique .

3. Des contre-vérités à combattre
a) L'argument de la « vérité anthropologique » ne tient pas

Parmi les opposants au projet de loi, nombre sont ceux qui évoquent à son sujet une « vérité anthropologique » pour refuser l'ouverture du mariage aux couples de même sexe et du droit à l'adoption qui en découle.

Or, ainsi que l'a expliqué l'anthropologue et ethnologue Françoise Héritier lors de son audition, « rien de ce qui nous paraît marqué du sceau de l'évidence n'est naturel : tout procède de créations de l'esprit ». Chaque société a sa propre histoire, sa propre organisation, ses propres règles. Il n'existe donc pas de définition universelle du mariage .

Dans les sociétés occidentales, le mariage est historiquement hétérosexué et monogame. Il a pour fonction traditionnelle de légitimer la filiation, laquelle repose sur une branche maternelle et une branche paternelle.

Dans d'autres sociétés, « on vit avec le même sentiment d'évidence naturelle une filiation unilinéaire : seule la ligne maternelle donne la filiation. On s'y marie avec une cousine, on appelle père tous les frères du père et mère toutes les soeurs de la mère » .

Le mariage tel que nous l'entendons dans nos sociétés est donc une construction sociale, « une réalité parmi d'autres » qui n'a, par ailleurs, « cessé d'évoluer » au cours des siècles. Il n'est pas cette institution « naturelle », immuable, imperméable aux évolutions de la société dont certains se prévalent . Rien ne s'oppose donc à l'évolution de son cadre juridique.

b) L'expression « mariage pour tous » est inexacte

Dans le débat public, l'expression « mariage pour tous » est fréquemment utilisée pour désigner le projet de loi. Il s'agit, certes, d'une commodité de langage, mais qui peut créer des confusions voire contribuer à la diffusion de contre-vérités sur le contenu de celui-ci.

En effet, l'objectif de la réforme est exclusivement de donner le droit de se marier aux couples composés de personnes de même sexe et non pas à toute personne le souhaitant . Les interdits, tels l'inceste et la polygamie, demeurent. Laisser entendre le contraire n'a finalement pour but que de tenter de décrédibiliser ou délégitimer le projet de loi aux yeux de l'opinion.

c) Un projet de loi républicain et non communautariste

Un argument régulièrement brandi par les opposants au texte est celui du communautarisme qu'il serait censé renforcer.

Or il n'est nullement question de créer un droit spécifique, mais d'intégrer les personnes homosexuelles dans le droit commun en leur permettant d'accéder au mariage et à l'adoption dans les mêmes conditions que les personnes hétérosexuelles. En ce sens, le projet de loi s'inscrit bien dans la tradition républicaine de transcendance des différences dans une société égalitaire. C'est un projet qui inclut et qui rassemble. C'est un projet qui offre aux citoyennes et citoyens, indépendamment de leur orientation sexuelle, les mêmes droits et les mêmes devoirs.

d) Oui, les enfants issus des familles homoparentales sont des enfants comme les autres

De même qu'il n'a jamais été question, pour les homosexuel-le-s, de remettre en cause la réalité selon laquelle un enfant naît d'un homme et d'une femme, de même ce projet de loi n'entend pas contester cet état de fait .

La différence sexuelle des parents et leur capacité reproductrice n'ont jamais été des garanties de stabilité et d'épanouissement de l'enfant. Dans toutes les familles, qu'elles soient hétéroparentales, homoparentales, monoparentales, recomposées, on peut rencontrer des enfants qui vont bien et d'autres en souffrance ou qui traversent des périodes de crise. Ce qui compte, c'est que les parents offrent à la fois des liens affectifs et des figures d'autorité. Il est de l'intérêt de l'enfant d'être élevé, autant que possible, par deux parents qui l'aiment, quel que soit leur sexe .

Les études scientifiques menées sur le sujet de l'homoparentalité 5 ( * ) tendent d'ailleurs à montrer que les enfants élevés dans des familles homoparentales ne vont ni mieux, ni moins bien que les enfants élevés dans des familles hétéroparentales .

La seule fragilité particulière, lorsqu'il y en a une, relève du regard négatif, si ce n'est discriminant voire homophobe, que la société peut porter sur cette situation familiale qui, jusqu'à présent, n'était pas juridiquement reconnue . C'est justement tout l'objet de ce texte d'y remédier en faisant entrer les familles homoparentales dans le droit commun et ainsi les mettre sur le même pied d'égalité que les autres familles.

e) Il n'est aucunement porté atteinte aux droits des couples hétérosexuels

Enfin, ce projet de loi n'entraîne en rien une modification des droits des couples hétérosexuels puisque son objectif est uniquement d'étendre l'application des dispositions relatives au mariage et à l'adoption aux personnes de même sexe .

Rien n'est enlevé aux couples hétérosexuels, bien au contraire. Comme l'a montré la garde des Sceaux lors de son audition, certaines dispositions introduites à l'Assemblée nationale leur seront même profitables (cf. II) :

- l'élargissement du lieu de célébration du mariage à la résidence des parents des futurs conjoints ;

- la possibilité d'adopter sous la forme plénière un enfant déjà adopté sous cette forme et celle d'adopter sous la forme simple un enfant déjà adopté sous cette forme ou sous la forme plénière.

En définitive, le projet de loi ne retire rien au mariage tel que nous le connaissons aujourd'hui. Il l'élargit et le renforce .

C. L'ÉVOLUTION DES LÉGISLATIONS ÉTRANGÈRES

Depuis une dizaine d'années, la demande de reconnaissance des couples homosexuels, la volonté politique d'avancer sur le chemin de l'égalité des droits, et les évolutions sociétales ont conduit un nombre croissant de pays à faire évoluer leur législation en matière de mariage et d'adoption.

1. La reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe

A ce jour, les pays européens ayant légalisé le mariage entre personnes de même sexe sont les suivants : les Pays-Bas (en 2001), la Belgique (en 2003), l'Espagne (en 2005), la Norvège (en 2008), la Suède (en 2009), le Portugal (en 2010), l'Islande (en 2010) et le Danemark (en 2012).

En dehors de l'Europe , d'autre pays ont suivi la même voie : le Canada (2005), l'Afrique du Sud (en 2006), l'Argentine (en 2010), dix états ou villes des Etats-Unis (le Massachussetts en 2004, le Connecticut en 2008, le Vermont et l'Iowa en 2009, le New Hampshire en 2010, New York en 2011, l'Etat de Washington, le Maryland, le Maine et le district de Columbia en 2012), et deux entités du Mexique (le district fédéral de Mexico et l'Etat du Quintana Roo en 2012).

Certains pays, qui n'ont pas légiféré en faveur du mariage des couples de personnes de même sexe, leur ont néanmoins reconnu le droit de conclure un partenariat civil : l'Allemagne (en 2001), le Royaume-Uni (en 2004), l'Irlande (en 2010), l'Etat du Rio Grande do Sul au Brésil (2011).

Notons que le Royaume-Uni s'apprête à légaliser le mariage des couples de personnes de même sexe.

2. La possibilité pour les couples de même sexe d'adopter

Parmi les pays ayant légalisé le mariage des couples de même sexe, plusieurs leur ont également ouvert le droit à l'adoption : le Danemark (en1999), les Pays-Bas (en 2001), la Suède (en 2002), la Norvège (en 2002), le Québec 6 ( * ) (en 2002), l'Espagne (en 2005), la Belgique (en 2006), et certains états américains.

Bien qu'il n'ait pas autorisé le mariage entre personnes de même sexe, le Royaume-Uni permet à ces couples d'adopter, qu'ils soient en concubinage ou en union civile (en 2002).

En Allemagne, seule l'adoption de l'enfant biologique du partenaire est permise (en 2004).

En Irlande, les partenaires de même sexe ne peuvent pas recourir à l'adoption conjointe, ni adopter l'enfant du partenaire.

3. Des législations qui n'ont pas entraîné de bouleversement de la société

De l'avis général, aucun des pays qui ont ouvert le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe n'a connu de bouleversement majeur de la société.

En mettant fin aux différences de traitement dont les personnes homosexuelles et les familles homoparentales faisaient l'objet, ces réformes ont partout contribué à un processus de « normalisation » de leur situation .

Le nombre de mariages n'a pas connu d'évolution exponentielle . Ainsi, en Belgique, les mariages entre personnes de même sexe représentent environ 5 % de l'ensemble des mariages. En Espagne, le taux de mariage homosexuel est légèrement supérieur à 2 %. Aux Pays-Bas, le nombre de mariages entre personnes de même sexe s'est stabilisé autour de 1 200 par an. Au Portugal, ce sont moins de 1 000 mariages entre personnes homosexuelles qui ont été contractés depuis l'entrée en vigueur de la loi en 2010.

Compte tenu du fait que le taux de nuptialité en France est relativement proche de celui des pays cités précédemment, il y a tout lieu de penser que le nombre de mariage entre personnes du même sexe y suivra globalement la même tendance.

S'agissant de l'adoption , les exemples étrangers montrent que le droit des couples homosexuels à y recourir est peu mis en application .

Depuis que l'adoption nationale est possible pour ces couples en Suède, seulement deux adoptions de ce type ont eu lieu. Concernant l'adoption internationale, il n'y a, à ce jour, aucun couple de même sexe figurant sur les listes d'attentes gérées par les organisations suédoises agréées pour l'adoption. En Norvège, le nombre d'adoptions intervenues à la demande de couples de même sexe était de trente en 2006, de soixante-dix en 2007, de soixante-quatre en 2008, de vingt-cinq en 2009, de quatorze en 2010 et de huit en 2011. En Belgique, sur 638 enfants adoptés entre 2006 et 2010, seuls quatre l'ont été par un couple homosexuel, et ils étaient tous de nationalité belge. En quatre ans, aucun enfant étranger n'a été adopté par un couple homosexuel.

Cette situation s'explique en grande partie par le faible nombre d'enfants adoptables à l'international et le refus de certains pays d'autoriser l'adoption par des couples homosexuels (cf. III. A.).

Ainsi, ces quelques éléments de comparaison internationale mettent à bas l'idée selon laquelle l'ouverture du mariage et de l'adoption aux personnes de même sexe engendrerait une quelconque révolution sociétale ou mettrait à mal un équilibre que d'aucuns qualifient de « naturel » .

II. UN PROJET DE LOI RELEVANT ESSENTIELLEMENT DU DROIT CIVIL MAIS IMPACTANT AUSSI LES DROITS SOCIAUX

Dans sa version initiale, le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe comportait vingt-trois articles . Après son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, quinze d'entre eux ont été supprimés et douze nouveaux articles ont été introduits .

La disposition essentielle figure à l'article 1 er qui modifie le code civil pour légaliser le mariage entre personnes de même sexe.

Les articles 1 er bis A à 1 er bis D , insérés par l'Assemblée nationale, ont trait à la célébration républicaine du mariage.

Les articles 1 er bis à 1 er quinquies , également introduits par l'Assemblée nationale, étendent les possibilités d'adoption intrafamiliale et facilitent l'exercice en commun de l'autorité parentale.

Les articles 2 et 3 adaptent les règles de dévolution du nom de famille en cas de désaccord ou d'absence de choix des parents.

L'article 4 opère des coordinations dans le code civil, principalement pour remplacer les mots « père » et « mère » par « parents » .

L'article 4 bis , inséré par l'Assemblée nationale, rend expressément applicables aux couples de personne de même sexe les dispositions législatives autres que celles du code civil faisant référence aux « mari » et « femme », « père » et « mère », « veufs » et « veuves ».

L'article 4 ter , introduit par l'Assemblée nationale, complète la définition des associations familiales.

Par cohérence avec l'insertion de l'article 4 bis , les articles 5 à 13 de coordination ont été supprimés.

L'article 13 bis , nouvellement introduit, apporte des coordinations dans le code rural et de la pêche maritime.

L'article 14 procède à des coordinations au sein du code de la sécurité sociale.

Par cohérence avec l'insertion de l'article 4 bis , les articles 15 et 16 ont été supprimés.

L'article 16 bis , inséré par l'Assemblée nationale, porte sur la protection des salariés homosexuels en cas de mutation géographique.

Par cohérence avec l'insertion de l'article 4 bis , les articles 17 à 20 de coordination ont été supprimés.

L'article 21 adapte certaines dispositions applicables au département de Mayotte.

Enfin, les articles 22 et 23 concernent des dispositions transitoires et l'application outre-mer du projet de loi.

A. UNE ÉVOLUTION MAJEURE DU CODE CIVIL

1. L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe
a) Garantir l'égal accès de tous les couples au mariage

En l'état actuel du droit, le code civil ne contient aucune disposition définissant le mariage . Il n'affirme qu'incidemment, en ses articles 75 et 144 7 ( * ) , que le mariage suppose l'union d'un homme et d'une femme.

De fait, jusqu'à une époque récente, l'évidence de la nécessité d'altérité sexuelle était telle que ni les rédacteurs du code de 1804, ni leurs successeurs, n'éprouvèrent le besoin de l'énoncer expressément. Seuls sont énoncés les éléments essentiels de l'existence et de la validité du mariage, ainsi que les droits et les devoirs de chacun des époux.

L'article 1 er du projet de loi ne propose pas de définition du mariage, mais insère un article 143 dans le code civil , qui met explicitement fin à l'exigence de la différence des sexes comme condition sine qua non du droit au mariage en disposant que : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».

Il ne s'agit pas d'instaurer un mariage homosexuel, mais uniquement de faire entrer les couples homosexuels dans le droit commun en leur permettant de choisir librement le régime juridique de leur union au même titre que les couples hétérosexuels.

Cette ouverture du mariage aux couples de même sexe se fait à droit constant , c'est-à-dire dans les mêmes conditions de consentement et d'âge, et avec les mêmes prohibitions (inceste, polygamie).

b) Poser une règle de conflit de lois

Pour assurer une efficacité pleine et entière à cette réforme, il est également proposé d'insérer dans la loi des dispositions spécifiques afin de régir la situation des mariages entre personnes de nationalités différentes .

En effet, en l'état actuel du droit, les conditions de validité du mariage s'apprécient au regard de la loi personnelle de chacun des époux.

Il a donc paru opportun d'introduire dans le code civil une règle de conflit de lois garantissant aux Français la possibilité de se marier avec un ressortissant étranger de même sexe, ou à deux ressortissants étrangers de se marier en France, quand bien même la loi personnelle du ou des futurs conjoints étrangers n'autoriserait pas de telles unions.

Cette règle, définie à l'article 1 er , consiste à écarter la loi personnelle quand celle-ci ne permet pas le mariage entre personnes de même sexe.

Lors de l'examen du texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale, une nouvelle rédaction de cette règle a été adoptée, puis confirmée en séance publique. S'inspirant du droit belge, celle-ci fonde la règle dérogatoire sur deux critères de rattachement : non seulement la loi personnelle des époux, mais aussi la résidence ou le domicile d'un époux. Autrement dit, dès lors que, pour au moins un des époux, soit la loi personnelle, soit la loi de l'Etat sur le territoire duquel il a son domicile ou sa résidence le permet, le mariage de deux personnes de même sexe sera possible.

c) Renforcer le caractère républicain de la cérémonie du mariage

Les députés ont, en séance publique, introduit quatre nouveaux articles relatifs à la cérémonie du mariage :

- l'article 1 er bis A insère un nouvel article 34-1 dans le code civil précisant que les actes de l'état civil sont établis par les officiers de l'état civil et que ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République ;

- l'article 1 er bis B complète l'article 74 du code civil relatif au lieu de célébration du mariage pour permettre que celui-ci puisse avoir lieu, à la demande des époux, dans le lieu de résidence de leurs parents ;

- l'article 1 er bis C modifie l'article 165 du code civil pour rappeler que l'institution du mariage est une cérémonie républicaine et que c'est en cette qualité que les officiers d'état civil la célèbrent en mairie ;

- l'article 1 er bis D rétablit l'article 167 du code civil, abrogé par une ordonnance de 1958, pour permettre à deux personnes françaises homosexuelles ou à une personne française et à une personne étrangère homosexuelles résidant dans un pays n'autorisant pas le mariage entre personnes de même sexe et dans lequel les autorités diplomatiques françaises ne peuvent procéder à sa célébration, de se marier dans la commune de naissance ou de dernière résidence de l'un d'entre eux, de l'un de leurs parents ou grands-parents ou, à défaut, dans la commune de leur choix.

Ces dispositions ont une portée symbolique très forte puisque elles rappellent, à juste titre, que le mariage est avant tout une institution de la République et, qu'en conséquence, celle-ci doit être accessible à tous les citoyennes et citoyens, sans considération de leur orientation sexuelle ou de leur origine.

2. L'accès à l'adoption pour les conjoints de même sexe


L'adoption en la forme plénière et en la forme simple

La loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 a institué deux formes d'adoption : simple et plénière . L'adoption simple organise la coexistence de la filiation d'origine et de la filiation adoptive, tandis que l'adoption plénière rompt les liens avec la famille d'origine en donnant à l'enfant un nouvel état civil et une nouvelle filiation.

Les conditions requises des personnes souhaitant adopter s'appliquent à l'adoption plénière comme à l'adoption simple.

Depuis la loi de 1966, l'adoption peut être demandée par un couple marié ou une personne seule .

Les conditions posées pour l'adoption d'un enfant

En la forme plénière

L'enfant doit être âgé de moins de quinze ans. La condition d'âge est repoussée à vingt ans dans deux cas : si l'enfant a été accueilli avant ses quinze ans par des personnes qui ne remplissaient pas les conditions légales pour adopter à ce moment ou s'il a fait l'objet d'une adoption simple avant d'avoir atteint 15 ans.

L'autre condition pour être adopté de façon plénière est la rupture avec la famille d'origine . Ainsi, l'article 347 du code civil dispose que peuvent être adoptés :

« 1° Les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l'adoption ;

« 2° Les pupilles de l'Etat ;

« 3° Les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues par l'article 350. »

Les conditions sont différentes pour l'adoption plénière de l'enfant du conjoint sont posées à l'article 345-1 du code civil :

« 1° Lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint ;

« 2° Lorsque l'autre parent que le conjoint s'est vu retirer totalement l'autorité parentale ;

« 3° Lorsque l'autre parent que le conjoint est décédé et n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant. »

En la forme simple

L'article 360 du code civil ne prévoit aucune condition d'âge. Un majeur peut être adopté en la forme simple. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir personnellement à l'adoption.

Les personnes adoptables en la forme simple sont les enfants mentionnés à l'article 347 du code civil en rupture avec la famille d'origine. Un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière peut , « s'il est justifié de motifs graves » (par exemple, désintérêt manifeste de l'adoptant), bénéficier d'une adoption simple (article 360 du code civil).

L'adoption simple de l'enfant du conjoint est autorisée même lorsque l'enfant a une filiation établie à l'égard de ses deux parents biologiques, sous réserve de l'accord de ces deux parents .

Les effets de l'adoption

En la forme plénière

La filiation adoptive se substitue à la filiation d'origine : l'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang (article 356 du code civil). Le seul lien qui demeure est celui des prohibitions du mariage. L'autorité parentale est exclusivement et intégralement dévolue aux parents adoptifs.

L'enfant est intégré dans la famille adoptive : « L'adopté a, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre » (article 358 du code civil).

En application de l'article 357 du code civil, l'adoption plénière confère à l'enfant le nom de l'adoptant. Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant.

L'adoption plénière est irrévocable (article 359 du code civil).

En la forme simple

La filiation adoptive s'ajoute à la filiation d'origine . « L'adopté reste dans sa famille d'origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires » (article 364). Les prohibitions au mariage avec les membres de la famille d'origine demeurent ; elles s'appliquent aussi dans la famille adoptive.

L'autorité parentale est exclusivement et intégralement dévolue aux parents adoptifs, sauf en cas d'adoption simple d'un enfant du conjoint (dans ce cas, celui-ci conserve seul l'exercice de l'autorité parentale sauf déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance).

Le nom de l'adoptant s'ajoute au nom de l'adopté. A la demande de l'adoptant, le tribunal peut décider qu'il y aura substitution. En revanche, l'acquisition de la nationalité des parents adoptifs est soumise à une requête spécifique.

L'adopté est l'héritier réservataire de l'adoptant au même titre qu'un enfant légitime ou naturel. Il n'est, en revanche, pas héritier réservataire à l'égard des ascendants de l'adoptant.

L'adoption simple est révocable , s'il est justifié de motifs graves, à la demande de l'adoptant ou de l'adopté ou, lorsque ce dernier est mineur, à celle du ministère public.

a) La possibilité pour un couple de personnes de même sexe d'adopter conjointement

En matière d'adoption conjointe , les dispositions actuelles du code civil relatives à l'adoption plénière et l'adoption simple (articles 343 et 361) précisent que « l'adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans » . L'ouverture du mariage aux couples de même sexe a pour conséquence automatique de rendre ces dispositions applicables aux conjoints homosexuels mariés . Ceux-ci pourront adopter conjointement un pupille de l'Etat ou un enfant étranger via la procédure de droit commun.


La procédure d'adoption

La procédure d'adoption se décline en deux phases :

- la phase administrative : la délivrance de l'agrément

Pour adopter un enfant, l'obtention d'un agrément est nécessaire , tant pour l'adoption simple que l'adoption plénière. La procédure est identique que ce soit pour l'adoption d'un pupille de l'Etat ou pour celle d'un enfant étranger. En revanche, aucun agrément n'est requis pour l'adoption de l'enfant du conjoint.

La loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l'adoption a unifié les pratiques de délivrance de l'agrément, auparavant très variables selon les départements.

La demande d'agrément doit être adressée au président du conseil général du département de résidence. Celui-ci est tenu d'informer les candidat-e-s, dans un délai de deux mois, de la réalité de l'adoption, de ses aspects psychologiques et éducatifs, ainsi que des procédures administratives et judiciaires. Les candidat-e-s sont également sensibilisé-e-s sur la situation des enfants adoptables.

Les candidat-e-s doivent ensuite confirmer leur demande, laquelle est alors examinée par le président du conseil général et la commission d'agrément du département qui est consultée pour avis .

Le président du conseil général doit s'assurer que les conditions d'accueil offertes par les candidat-e-s sur les plans familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l'intérêt d'un enfant à adopter. A cet effet, il fait procéder à des investigations comportant notamment :

- une évaluation de la situation familiale, des capacités éducatives ainsi que des possibilités d'accueil en vue d'adoption ; cette évaluation est confiée à des assistants de service social, à des éducateurs spécialisés ou à des éducateurs de jeunes enfant, diplômés d'Etat ;

- une évaluation, confiée à des psychologues territoriaux ou habilités ou à des médecins psychiatres, du contexte psychologique dans lequel est formé le projet d'adoption.

L'agrément est accordé pour cinq ans , dans un délai de neuf mois, par le président du conseil général après avis de la commission d'agrément.

Tout refus d'agrément doit être motivé par une analyse in concreto des conditions d'accueil de l'enfant et peut être attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir.

- la phase judiciaire : le prononcé de l'adoption

Après l'arrivée de l'enfant dans sa famille adoptive, la demande aux fins d'adoption est adressée au procureur de la République ou au tribunal de grande instance. Le tribunal vérifie si les conditions légales de l'adoption sont remplies, dans un délai de six mois à compter soit du dépôt de la requête, soit de sa transmission. S'il y a lieu, il fait procéder à une enquête par toute personne qualifiée.

L'affaire est ensuite instruite et débattue en chambre du conseil, après avis du ministère public.

L'adoption est prononcée par le tribunal de grande instance , en audience publique. Sa décision intervient dans un délai minimal de six mois après l'accueil de l'enfant.

En faisant entrer dans le droit français la possibilité pour un enfant d'avoir deux branches de filiation de même sexe, le présent projet de loi s'inscrit dans la logique , déjà présente dans notre droit civil à travers l'adoption et l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, que la filiation n'a plus la procréation pour unique fondement (cf. III).

Les possibilités d'adoption conjointe resteront toutefois limitées compte tenu du faible nombre d'enfants adoptables en France comme à l'étranger (cf. III. A.) et du refus d'un grand nombre de pays de confier des enfants à des couples homosexuels (actuellement, très peu de pays autorisent formellement l'adoption par des couples homosexuels : deux Etats du Brésil, plusieurs Etats des Etats-Unis, l'Afrique du Sud, et éventuellement l'Etat de Mexico au Mexique).

La longue marche vers l'égalité entre personnes hétérosexuelles et homosexuelles suivant son cours à travers le monde, il est probable que de nouveaux pays ouvriront les portes de l'adoption aux couples homosexuels dans les années à venir.

Dans l'attente de ces évolutions, c'est vraisemblablement l'adoption de l'enfant du conjoint qui sera la plus fréquente .

b) La possibilité d'adopter l'enfant du conjoint de même sexe

L'ouverture du mariage aux couples de même sexe a également pour conséquence directe de permettre à une personne homosexuelle mariée d'adopter l'enfant de son conjoint , sous la forme plénière ou la forme simple, dans les conditions de droit commun .

Ainsi, l'adoption de l'enfant du conjoint de même sexe sera possible :

- dans la forme plénière, si l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, ou si l'autre parent s'est vu retirer l'autorité parentale ou est décédé ;

- dans la forme simple, si l'enfant a déjà une double filiation parentale, et à la condition que ses deux parents donnent leur accord.

La possibilité d'adopter l'enfant du conjoint de même sexe va permettre de mettre fin à la situation d'insécurité juridique dans laquelle se trouvent aujourd'hui les familles homoparentales, les parents comme leurs enfants, puisqu'en l'état actuel du droit, un seul des membres du couple est reconnu comme le parent légal de l'enfant.

c) L'élargissement des règles d'adoption intrafamiliale

A l'initiative des rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a enrichi les règles relatives à l'adoption intrafamiliale sous la forme de trois nouveaux articles intégrés au projet de loi.

L'article 1 er bis modifie l'article 345-1 du code civil pour autoriser expressément l'époux-se à adopter en la forme plénière l'enfant que son conjoint ou sa conjointe a antérieurement adopté seul-e en la forme plénière 8 ( * ) .

L'article 1 er ter modifie l'article 360 du code civil pour autoriser expressément l'époux-se à adopter en la forme simple l'enfant que son conjoint ou sa conjointe a antérieurement adopté en la forme simple ou plénière 9 ( * ) .

L'article 1 er quater modifie l'article 365 du code civil pour faciliter l'exercice en commun de l'autorité parentale en cas d'adoption simple de l'enfant du ou de la conjoint-e 10 ( * ) .

L'Assemblée nationale a également introduit un nouvel article 1 er quinquies qui modifie l'article 373-3 du code civil afin de préciser que le juge peut, dans l'intérêt de l'enfant, prendre les mesure permettant de garantir le maintien des relations personnelles de l'enfant avec le tiers qui a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents.

d) L'adaptation des règles de dévolution du nom de famille en cas de désaccord ou d'absence de choix des parents

Si l'ouverture du mariage aux couples de même sexe emporte automatiquement la possibilité pour ces couples d'adopter, il convient cependant de procéder à quelques adaptations des dispositions relatives à la détermination du nom de l'enfant adopté . En effet, en l'état actuel du droit, il est prévu, qu'en cas de désaccord ou d'absence de choix des adoptants , l'adopté portera le nom du père ; il s'agit de la règle subsidiaire patronymique .


Les règles actuelles de dévolution du nom de famille

Les règles de dévolution du nom de famille en cas de filiation par le sang

La loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille, modifiée par le loi n° 2003-516 relative à la dévolution du nom de famille, a ouvert, à l'article 311-21 du code civil, la possibilité pour les parents de choisir par déclaration conjointe le nom de leurs enfants : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.

En l'absence de choix ou en cas de désaccord entre eux, le même article prévoit une règle subsidiaire patronymique aux termes de laquelle l'enfant porte :

- le nom du père , si la filiation est établie simultanément à l'égard des deux parents. C'est le cas lorsque la présomption de paternité s'applique ou lorsque l'enfant né hors mariage fait l'objet d'une reconnaissance conjointe ;

- le nom du parent à l'égard duquel la filiation est établie en premier, si la filiation n'est pas établie simultanément à l'égard des deux parents.

La loi du 4 mars 2002 a également consacré le principe d'unité du nom de la fratrie , puisque le nom précédemment choisi pour l'enfant commun du couple s'impose ensuite à ses autres enfants.

Les règles de dévolution du nom de famille en cas d'adoption

En cas d'adoption plénière , l'article 357 du code civil dispose que « l'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant ».

En cas d'adoption conjointe par deux époux , le nom conféré à l'enfant est déterminé suivant les règles définies à l'article 311-21 précité. Ainsi, l'enfant adopté en la forme plénière prend soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.

En l'absence de choix ou en cas de désaccord de la part des parents adoptant conjointement, c'est le nom du père qui prévaut, conformément à la règle subsidiaire patronymique .

En cas d'adoption simple , l'article 363 du code civil prévoit que le nom de l'adoptant s'ajoute au nom de l'adopté .

En cas d'adoption simple par une personne seule , si l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'entre eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux.

En cas d'adoption simple conjointe par deux époux , le nom ajouté au nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux . En l'absence de choix ou de désaccord de la part des parents adoptant conjointement, c'est le premier nom du mari adoptant qui prévaut , conformément à la règle subsidiaire patronymique.

Par dérogation au principe d'adjonction du nom de l'adoptant au nom d'origine de l'adopté, l'article 363 du code civil permet de substituer le nom de l'adoptant au nom de l'adopté, à la demande de l'adoptant et avec le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans.

Dans sa version initiale, le projet de loi modifiait la règle subsidiaire patronymique seulement pour la filiation adoptive :

- l'article 2 relatif à l'adoption plénière prévoyait qu'en cas de désaccord ou d'absence de choix des adoptants , l'adopté porte le premier nom de chacun des deux parents adoptant accolés dans l'ordre alphabétique ;

- l'article 3 relatif à l'adoption simple posait le principe qu'en cas de désaccord ou d'absence de choix des adoptants , l'enfant se voit adjoindre à son nom de famille d'origine le premier nom des parents adoptants selon l'ordre alphabétique .

La règle subsidiaire patronymique était, en revanche, maintenue pour la filiation par le sang.

Considérant que ce maintien était susceptible d'introduire une rupture d'égalité entre les couples , suivant qu'il s'agisse d'une filiation par le sang ou d'une filiation adoptive, l'Assemblée nationale a, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, aligné les règles subsidiaires de dévolution du nom de famille entre les deux modalités de filiation .

Ainsi, la nouvelle rédaction de l'article 2 modifie l'article 311-21 du code civil pour prévoir qu' en cas de désaccord ou d'absence de choix de la part des parents par le sang, les enfants porteront désormais le premier nom de chacun d'entre eux accolés dans l'ordre alphabétique .

Les dispositions initiales des articles 2 et 3 relatives aux règles de dévolution du nom de famille en cas d'adoption demeurent inchangées.

La commission des lois du Sénat a retenu, pour sa part, une solution intermédiaire , consistant à :

- maintenir la règle prévue par le texte initial pour la filiation adoptive ;

- distinguer, pour la filiation biologique, le cas de désaccord entre les parents du cas d'absence de choix de leur part : dans le premier, l'enfant portera le nom de chacun de ses parents accolés dans l'ordre alphabétique ; dans le second, le nom du père s'appliquera automatiquement.

3. Les dispositions de coordination

Dans sa rédaction initiale , l'article 4 du projet de loi tirait les conséquences de l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de personnes de même sexe en procédant au remplacement, à chaque fois que nécessaire, des termes sexués par des termes généraux (« père » et « mère » par « parents », mari » et « femme » par « époux », « aïeul » et « aïeule » par « aïeuls », « beau-père » et « belle-mère » par « beaux-parents », etc.).

Le Gouvernement avait choisi de n'opérer ces coordinations que lorsqu'elles étaient indispensables. Ainsi, les mots « père » et « mère » ne disparaissaient pas de la législation , contrairement à certaines affirmations des opposants à la réforme.

Toutefois, constatant que ce choix légistique ne résolvait pas toutes les difficultés en matière de coordination, l'Assemblée nationale a, à l'initiative des rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, adopté une nouvelle rédaction de l'article 4 introduisant dans le code civil, en tête des livres I er et III, deux articles généraux (articles 6-1 et 718) dont l'objectif est de rendre les dispositions sexuées de ces livres expressément applicables aux couples de personnes de même sexe , à l'exception des dispositions ayant vocation à ne s'appliquer qu'à une catégorie de personnes à raison de leur sexe (titre VII du livre I er sur la filiation).

L'Assemblée nationale a également introduit un nouvel article 4 bis ayant pour objet de rendre expressément applicables aux couples de personne de même sexe les dispositions législatives autres que celles du code civil faisant référence aux « mari » et « femme », « père » et « mère », « veuf » et « veuve » .

Cet article se substitue aux articles de coordination du projet de loi initial qui ont été, par cohérence, supprimés (articles 5 à 13, 3° à 7° et 11° de l'article 14, articles 15 à 20).

Devant le risque d'insécurité juridique que pourrait présenter ce dispositif, la commission des lois du Sénat a proposé une troisième voie , consistant à énoncer un principe général, dans le code civil, selon lequel le mariage et la filiation produisent les mêmes effets de droit, que les époux ou les parents soient de même sexe ou pas.

Cette disposition générale est adossée à une habilitation donnée au Gouvernement pour réaliser les coordinations nécessaires dans l'ensemble de notre législation.

B. LES CONSÉQUENCES DU PROJET DE LOI EN MATIÈRE DE DROITS SOCIAUX

Le projet de loi a plusieurs incidences en termes de droits sociaux :

- d'une part, certains droits liés au mariage (comme la pension de réversion) se trouvent automatiquement ouverts aux couples de personnes de même sexe ;

- d'autre part, certains droits liés à la qualité de père ou de mère (comme le congé d'adoption ou la majoration de durée d'assurance pour enfant) doivent être adaptés aux parents de même sexe.

1. En matière de droits à la retraite
a) L'extension du droit à la réversion

Au régime général de la sécurité sociale, dans les régimes alignés et dans les régimes de la fonction publique, le mariage est l'une des conditions sine qua non pour le bénéfice d'une pension de réversion . En effet, la pension de réversion est exclusivement réservée au ou à la conjoint-e survivant qui a été marié-e à l'assuré-e décédé-e ; les couples pacsés ou en concubinage ne peuvent pas prétendre automatiquement à la réversion.

Ainsi, l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe a pour conséquence directe de leur ouvrir un droit à la réversion dans des conditions identiques à celles des couples hétérosexuels .

Aucune disposition d'adaptation ou de coordination n'est cependant nécessaire car les articles L. 351-1 et suivants du code de la sécurité sociale relatifs à la réversion s'appliquent à tou-te-s les conjoint-e-s des couples mariés indépendamment de leur sexe. En effet, la notion de « conjoint » au sens du code de la sécurité sociale est entendue strictement au sens de « conjoint marié ».

Selon le Gouvernement, l'ouverture du mariage aux couples de même sexe pourrait avoir, à l'horizon 2030, une incidence de l'ordre de 0,4 % sur les dépenses de réversion, qui représentent environ 30 milliards d'euros tous régimes confondus.

b) L'extension du bénéfice de la pension de veuf ou de veuve invalide

L'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe étend également le bénéfice de la pension de veuf ou de veuve invalide à l'ensemble des couples mariés , indépendamment de leur sexe.

En l'état actuel du droit, le ou la conjoint-e survivant d'un-e assuré-e titulaire d'une pension d'invalidité, qui est lui-elle-même invalide, bénéficie d'une pension de veuf ou de veuve cumulable avec ses propres avantages (sous plafond). Cette pension, à l'instar de ce qui existe en matière de réversion, est exclusivement réservée au ou à la conjoint-e survivant qui a été marié-e à l'assuré-e décédé-e.

Elle sera dorénavant attribuée à tous les conjoints mariés qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Une telle évolution ne nécessite aucune adaptation législative.

c) L'extension du droit à l'assurance veuvage

L'assurance veuvage garantit une allocation temporaire au ou à la conjoint-e survivant d'un-e assuré-e au régime général ou au régime des salariés agricoles, qui est décédé-e alors qu'il ou elle était en activité, en retraite, en arrêt de travail indemnisé, au chômage ou bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). L'allocation veuvage est versée au ou à la conjoint-e survivant de moins de cinquante-cinq ans sous condition de ressources.

L'accès des couples de même sexe au mariage leur donne automatiquement droit à l'assurance veuvage , sans qu'il soit nécessaire de procéder à des adaptations législatives.

d) L'adaptation des règles de majoration de durée d'assurance pour enfant

Le dispositif actuel de la majoration de durée d'assurance pour enfant, défini à l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, comprend deux majorations distinctes :

- une majoration au titre de l'accouchement ou de l'adoption : cette première majoration de la durée d'assurance de quatre trimestres est accordée à la mère à raison de l'incidence sur sa carrière de la maternité, de la grossesse et de l'accouchement ; en cas d'adoption, cette majoration est accordée à l'un des parents à raison des démarches liées à l'adoption et à l'accueil de l'enfant ;

- une majoration au titre de l'éducation : cette seconde majoration de la durée d'assurance de quatre trimestres est accordée au couple, à raison de l'incidence sur la carrière de l'éducation de l'enfant pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption.

Pour les majorations au titre de l'adoption et de l'éducation , l'article L. 351-4 dispose que les parents désignent d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définissent la répartition entre eux de cet avantage. Par conséquent, la règle de libre partage au sein du couple ne soulève pas de difficulté au regard de l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

En cas de désaccord, la majoration est attribuée par la caisse de retraite à celui des parents qui établit avoir assumé à titre principal l'éducation de l'enfant pendant la période la plus longue. A défaut, la majoration est partagée en parts égales. Ces dispositions s'appliqueront aux parents de même sexe.

En revanche, en l'état actuel du droit, si le couple n'exprime aucun choix et en l'absence de désaccord d'un de ses membres, il est réputé avoir décidé implicitement d'attribuer la totalité des trimestres à la mère . Cette disposition nécessite une adaptation afin de tenir compte des couples de personnes de même sexe.

Le 2° de l'article 14 introduit ainsi une nouvelle règle de partage des majorations de durée d'assurance au titre de l'adoption et de l'éducation, en cas de silence sur leur attribution au sein d'un couple de même sexe : pour ces couples, à défaut de choix des parents et en l'absence de désaccord d'un de ses membres, il est proposé un partage égal de la majoration .

Le principe de l'attribution par défaut à la mère est, en revanche, maintenu pour les couples hétérosexuels.

En définitive, l'économie générale du dispositif de majoration de durée d'assurance reste inchangée, en limitant à huit le nombre maximal de trimestres majorés par couple, lequel conserve la faculté de les répartir librement en son sein. Seule l'attribution des majorations au titre de l'adoption et de l'éducation, dans le seul cas où le couple n'a pas décidé de cette répartition, sera spécifique aux couples de même sexe.

2. En matière de congés d'adoption et de paternité
a) L'adaptation des règles de répartition du congé d'adoption

En droit du travail, l'adoption ouvre droit à un congé au bénéfice du ou de la salarié-e adoptant-e (article L. 1225-37 du code du travail). Ce congé est de dix semaines dans le cas général, dix-huit semaines lorsque l'adoption porte à trois ou plus le nombre d'enfants au foyer et vingt-deux semaines en cas d'adoptions multiples.

Le congé d'adoption peut être pris par l'un des parents adoptifs seulement ou partagé entre les parents adoptifs . Lorsque la durée du congé est répartie entre les deux parents, le congé est prolongé de onze jours et de dix-huit jours en cas d'adoptions multiples (article L. 1225-40 du même code). Les parents ont alors la possibilité de prendre leur congé d'adoption de façon séparée ou simultanée, sous réserve que l'addition de la durée de leurs deux congés respectifs ne dépasse pas la durée légale du congé d'adoption.

Au sens de la législation sociale, le congé d'adoption appartient en propre à la mère adoptante qui a la possibilité de céder tout ou partie de son droit à indemnisation au père . Le premier alinéa de l'article L. 331-7 du code de la sécurité sociale dispose en effet que l'indemnisation du congé d'adoption est accordée à « la femme assurée » à qui est confié un enfant en vue de son adoption. L'indemnité 11 ( * ) est due pendant dix semaines au plus (dix-huit semaines lorsque le nombre d'enfants à charge est égal ou supérieur à trois, vingt-deux semaines en cas d'adoptions multiples), à condition que « l'intéressée » cesse tout travail salarié durant la période qui débute soit à l'arrivée de l'enfant au foyer, soit dans les sept jours qui la précèdent.

Le cinquième alinéa de l'article L. 331-7 prévoit toutefois que lorsque les deux conjoints assurés travaillent et ont, à ce titre, vocation à bénéficier du congé d'adoption, la période d'indemnisation peut faire l'objet d'une répartition entre le père et la mère adoptifs . Dans ce cas, la durée de l'indemnisation est augmentée de onze jours (dix-huit en cas d'adoption multiples) et ne peut être fractionnée en plus de deux parties, dont la plus courte ne peut être inférieure à onze jours.

Dans la mesure où le bénéfice du congé d'adoption sera désormais ouvert à tous les adoptants sans considération de leur sexe, il convient d'adapter les règles de répartition de ce congé afin que l'ensemble des parents adoptifs, qu'ils soient ou non de même sexe, puissent en bénéficier.

Ainsi, le 1° de l'article 14 du projet de loi remplace, au premier alinéa de l'article L. 331-7 du code de la sécurité sociale, les termes « la femme assurée » par « l'assuré » et, au cinquième alinéa du même article, ceux de « mère et père adoptifs » par « parents adoptifs ». Le congé d'adoption n'appartiendra donc plus en propre à la mère adoptante, mais à tout assuré, quel que soit son sexe . Il sera donc accordé à l'un ou l'autre des parents assurés ou réparti entre les deux s'ils en décident ainsi . Les règles de prolongation du congé d'adoption en cas de partage entre les parents adoptifs restent en revanche inchangées : la durée de l'indemnisation est augmentée de onze jours (dix-huit en cas d'adoptions multiples) et ne peut être fractionnée en plus de deux parties, dont la plus courte ne peut être inférieure à onze jours.

L'ensemble de ces dispositions du code du travail et du code de la sécurité sociale concernent les travailleurs-euses salarié-e-s. Les assuré-e-s des régimes spéciaux et de la fonction publique ainsi que les salarié-e-s agricoles sont régis, par renvois législatifs, par les mêmes règles.

En revanche, les travailleurs-euses non salarié-e-s relevant soit du régime social des indépendants, soit du régime des praticiens et auxiliaires médicaux, ainsi que les conjoint-e-s collaborateurs-trices de ces assuré-e-s relèvent de règles différentes. Les 8°, 9° et 10° de l'article 14 du projet de loi procèderont donc aux adaptations nécessaires pour que, dans ces régimes également, le congé d'adoption bénéficie à tout assuré, quel que soit son sexe.

Par ailleurs, à l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a introduit un nouvel article 13 bis relatif à l'indemnisation du congé d'adoption dans le régime des travailleurs-euses non salarié-e-s agricoles .

Actuellement, le congé d'adoption du régime des exploitants agricoles appartient en propre à la mère adoptante, qui bénéficie d'une allocation de remplacement due pendant dix semaines au plus (vingt-deux semaines en cas d'adoptions multiples). Le père adoptif ainsi que, le cas échéant, le conjoint de la mère, la personne liée à elle par un Pacs ou vivant maritalement avec elle, peuvent prétendre, en cas d'adoption au versement d'une allocation de remplacement pendant une durée équivalente à celle du congé de paternité et d'accueil de l'enfant, à savoir onze jours en cas d'adoption simple et dix-huit jours en cas d'adoptions multiples.

Par cohérence avec l'article 14 du projet de loi, l'article 13 bis permet l'indemnisation du congé d'adoption du régime des exploitant-e-s agricoles sans considération du sexe des bénéficiaires , conformément à l'intention du Gouvernement, lequel souhaitait initialement procéder aux modifications nécessaires par décret.

Ainsi, pour les travailleurs-euses non salarié-e-s agricoles, l'allocation de remplacement perçue en cas d'adoption ne bénéficiera plus à la seule mère assurée, mais à tout assuré, sans considération de son sexe, ni de celui de son conjoint. Cette indemnisation pourra faire l'objet d'une répartition entre les parents adoptifs et d'une prolongation dans les mêmes conditions que celles prévues pour le régime général. Ces nouvelles règles rendent dès lors inutile le maintien au bénéfice du père ainsi que, le cas échéant, le conjoint de la mère, la personne liée à elle par un Pacs ou vivant maritalement avec elle, du versement d'une allocation de remplacement.

b) L'adaptation des règles du congé de paternité effectuée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

S'agissant du congé de paternité, les adaptations nécessaires ont été effectuées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 , dont l'article 94 a institué un « congé de paternité et d'accueil de l'enfant » , qui est accordé au père ainsi que, le cas échéant, au conjoint de la mère, à son ou sa partenaire de Pacs ou à la personne vivant maritalement avec elle.

Cet élargissement du congé de paternité est conforme à la préconisation de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) formulée en 2007 12 ( * ) à la suite de la saisine, par un couple de femmes pacsées, d'une réclamation relative à un refus du bénéfice du congé de paternité opposé à l'une d'entre elles au motif qu'elle n'était pas le père de l'enfant de sa partenaire.

Le président de la Halde avait alors adressé un courrier au Premier ministre appelant à une évolution du congé de paternité :

« Au regard de l'objet du congé de paternité, favoriser dès le plus jeune âge un lien entre l'enfant et la personne l'élevant, le Collège constate l'absence de prise en considération de la diversité de la composition des foyers dans lesquels les enfants sont élevés. Dès lors, le Collège estime qu'il serait utile de substituer à la notion de congé de paternité, fondée exclusivement sur le lien de filiation, un congé d'accueil du jeune enfant ouvert au partenaire du parent , contribuant à l'éducation de l'enfant. »

Comme l'a rappelé la ministre déléguée à la famille en séance publique à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, certaines entreprises (SFR, Eaux de Paris) et collectivités (conseils généraux de Seine-et-Marne et de l'Essonne) ont d'ores et déjà mis en place, de manière volontaire, un congé d'accueil de l'enfant pour leurs personnels.

3. En matière de prestations familiales

En l'état actuel de la législation, le droit aux prestations familiales est ouvert à toute personne assumant la charge effective et permanente d'un enfant , qu'elle soit isolée ou vive en couple. Lorsque l'allocataire vit en couple, l'autre membre du couple est identifié comme le ou la conjoint-e, le ou la concubin-e ou le ou la partenaire de Pacs. Le code de la sécurité sociale ne fait donc aucune discrimination selon l'orientation sexuelle des membres du couple au sein duquel vit l'allocataire.

Toutefois, il convient de modifier certaines dispositions faisant explicitement référence à la notion de « père » ou de « mère » pour les adapter aux couples de même sexe. Tel est l'objet des 5°, 6° et 7° de l'article 14 du projet de loi.

4. Les autres dispositions dans le domaine social
a) Les mesures de coordination

Dans la version initiale du projet de loi , les mesures de coordination relatives aux codes sociaux figuraient principalement aux articles 5 (code de l'action sociale et des familles), 14 (code de la sécurité sociale) et 16 (code du travail). Il s'agissait, lorsque cela était nécessaire, de remplacer les termes « père » et « mère » par le mot « parents ».

Compte tenu de l'adoption de la disposition interprétative générale à l'article 4 bis (cf. supra ), les articles 5 et 16, ainsi que certaines dispositions de l'article 14 ont, par cohérence, été supprimés.

A l'initiative de votre rapporteure, votre commission a toutefois adopté deux amendements rétablissant des dispositions de coordination ayant été malencontreusement supprimées par l'Assemblée nationale, à la suite de l'adoption de l'article 4 bis :

- le premier supprime la référence aux notions de parents « légitimes » et « naturels » à l'article L. 88 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatif au cumul de pensions de réversions par les orphelins. Cette disposition figurait initialement au 2° de l'article 11 ;

- le second procède à des substitutions de termes (« veuves » par « veuves et veufs » ; « mari » par « époux ») à l'article L. 713-6 du code de la sécurité sociale relatif aux pensions de réversion versées aux veuves de guerre. Cette disposition figurait initialement au 11° de l'article 14.

b) L'élargissement des critères permettant d'accéder à la qualité d'association familiale

Lors de l'examen du texte en séance publique, l'Assemblée nationale, à l'initiative des députés communistes, a adopté un nouvel article 4 ter qui complète l'article L. 211-1 du code de l'action sociale et des familles relatif à la qualité « d'association familiale » .

A la base du mouvement familial peuvent se constituer des associations, dans le cadre de la loi du 1 er juillet 1901. Pour que leur soit reconnue la qualité « d'association familiale », deux conditions sont requises :

- d'une part, elles doivent, regrouper, à titre de membres, « des familles constituées par le mariage et la filiation, des couples mariés sans enfant ou toute personne physique qui a la charge d'un enfant soit par filiation, soit par adoption, soit qui exerce l'autorité parentale ou la tutelle sur un ou plusieurs enfants dont elle a la charge effective et permanente » ;

- d'autre part, elles doivent avoir pour but essentiel la défense de l'ensemble des intérêts matériels et moraux, soit de toutes les familles, soit de certaines catégories d'entre elles.

L'article 4 ter permet tout d'abord aux associations regroupant des « familles constituées par le Pacs » de se voir reconnaître la qualité d'associations familiales.

Le Pacs s'étant imposé comme une modalité à part entière de « faire famille », rien ne justifie en effet que les familles dont les parents sont pacsés soient exclues de la possibilité de se constituer en association familiale reconnue.

Par cohérence, votre commission a, à l'initiative de votre rapporteure, adopté un amendement permettant aux couples pacsés sans enfant , au même titre que les couples mariés sans enfant, d'adhérer à une association familiale reconnue .

L'article 4 ter précise ensuite que les associations familiales pourront regrouper toute personne physique « sans distinction de sexe ou liée à l'orientation ou identité sexuelle » qui a la charge d'un enfant.

Cette rédaction pose une difficulté en ce qu'elle interdirait de reconnaître la qualité d'association familiale aux associations qui ne regrouperaient qu'une catégorie spécifique de famille (par exemple, des pères célibataires, des familles homoparentales...).

Or tel n'est pas l'objectif visé par les auteurs de l'amendement à l'origine de cet article. Ceux-ci souhaitent au contraire permettre aux associations de familles homoparentales d'être reconnues comme associations familiales à part entière et de pouvoir adhérer aux unions départementales des associations familiales (Udaf) . Il apparaît, en effet, que certaines associations de familles homoparentales voient aujourd'hui leurs demandes d'affiliation aux Udaf contestées.

A ce sujet, votre rapporteure rappelle qu'en l'état actuel du droit, une association formée de parents homosexuels ne peut normalement pas se voir refuser l'adhésion à une Udaf pour ce seul motif puisqu'elle regroupe bien « des personnes physiques ayant la charge légale d'enfants par filiation ou adoption » .

Qui plus est, comme l'a expliqué la ministre en charge de la famille en séance publique à l'Assemblée nationale, le présent projet de loi lèvera ces difficultés pour l'avenir puisqu'en ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, il permettra de facto aux couples homosexuels mariés avec ou sans enfants de se constituer en association familiale reconnue.

Votre rapporteure estime que la véritable difficulté réside dans la transmission des listes d'adhérents par les associations homoparentales. Pour des raisons évidentes de confidentialité, celles-ci ne souhaitent pas toujours diffuser la liste de leurs membres. Or les Udaf ont besoin de cette liste non seulement pour vérifier que la composition de l'association remplit les conditions définies à l'article L. 211-1 du code de l'action sociale et des familles, mais aussi pour organiser le système de vote en leur sein. Celui-ci repose en effet sur la composition de chaque association familiale adhérente.

Aussi, la disposition introduite à l'Assemblée nationale - dont la rédaction nécessite d'être clarifiée - invite à trouver un équilibre entre le souhait de confidentialité de certaines associations familiales à l'égard de leurs listes d'adhérents et l'organisation du système de vote au sein des Udaf. Votre rapporteure demande au ministère de la famille de se saisir de ce dossier.

c) La protection des salarié-e-s homosexuel-le-s en cas de refus de mutation géographique dans un pays incriminant l'homosexualité

A l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a adopté un nouvel article 16 bis , qui introduit un nouvel article L. 1132-3-2 dans le code du travail, dont l'objet est de protéger contre toute mesure de sanction, de licenciement ou de discrimination, les salarié-e-s marié-e-s ou pacsé-e-s à une personne de même sexe qui refuseraient une mutation géographique dans un Etat incriminant l'homosexualité .

Cette mesure revêt toute son importance au regard de la situation internationale puisque l'homosexualité est encore passible de la peine de mort dans sept pays et est toujours pénalement sanctionnée dans une soixantaine d'autres. Rappelons que la France a récemment, par la voix du Président de la République et de la ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement, fait part devant l'ONU de sa volonté d'agir en faveur de la dépénalisation universelle de l'homosexualité.

Ce nouvel article conduit votre rapporteure à formuler deux remarques :

- la jurisprudence de la Cour de Cassation reconnaît d'ores et déjà la possibilité pour un-e salarié-e de refuser, sans encourir de sanction, de licenciement ou de discrimination, une mutation qui porterait une atteinte injustifiée ou disproportionnée à son droit à une vie familiale et personnelle.

Si on peut légitimement penser que la Cour appliquerait cette jurisprudence à l'occasion d'une procédure contentieuse relative à une mutation dans un pays incriminant l'homosexualité, il est préférable d' en affirmer le principe dans le code du travail ;

- toutefois, la rédaction pose une difficulté en ce qu'elle vise uniquement les salarié-e-s marié-e-s ou pacsé-e-s à une personne de même sexe. Certains employeurs pourraient alors alléguer du fait qu'un-e salarié-e n'est ni marié-e, ni pacsé-e pour le sanctionner en raison de son refus de mutation. Ainsi, les salarié-e-s homosexuel-le-s célibataires ou vivant en union libre ne seraient pas couverts par cette disposition, ce qui reviendrait à introduire une nouvelle discrimination en fonction de la situation familiale et par là-même, un risque de recul éventuel par rapport à la jurisprudence.

C'est pourquoi votre commission, à l'initiative de votre rapporteure, a adopté un amendement étendant la mesure de protection à l'ensemble des salarié-e-s homosexuel-les, quelle que soit leur situation familiale .

III. PLUSIEURS SUJETS QUI DEVRONT ÊTRE TRAITÉS DANS LE CADRE D'AUTRES TEXTES LÉGISLATIFS

Les nombreuses auditions menées par les rapporteurs ont permis de soulever plusieurs sujets qui dépassent le champ du présent projet de loi car ils n'ont pas directement trait au mariage ou ne concernent pas uniquement les couples de même sexe. C'est le cas notamment des questions liées à l'adoption, à la filiation et à l'assistance médicale à la procréation.

Certains d'entre eux seront traités dans le cadre du prochain projet de loi sur la famille, d'autres nécessiteront sans doute un véhicule législatif spécifique.

A. L'INDISPENSABLE RÉFORME DE L'ADOPTION

Votre rapporteure souhaite tout d'abord insister sur l'urgence d'une réforme globale du système de l'adoption , que tous les acteurs du secteur appellent de leurs voeux. Cette réforme devra s'inscrire dans le cadre de l'indispensable évaluation de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Car, rappelons-le, l'adoption est avant tout une mesure de protection de l'enfance qui offre une nouvelle filiation à un enfant - né en France ou à l'étranger - durablement privé de famille.

1. La crise de l'adoption internationale

Malgré la réforme engagée par la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l'adoption, l'organisation de l'adoption internationale en France manque d'efficacité et de lisibilité dans un contexte international de plus en plus défavorable.

a) Un contexte international très tendu

A l'échelle mondiale, le nombre d'adoptions internationales n'a cessé de croître depuis les années 1980 : selon les estimations, environ 17 000 enfants étaient adoptés à l'international chaque année dans la décennie 1980, près de 24 000 dans les années 1990, et plus de 40 000 aujourd'hui.

La France a bénéficié de ce mouvement général, les adoptions à l'international ayant été multipliées par quatre en vingt-cinq ans.

Cependant, depuis 2005, l'ensemble des pays d'accueil enregistre une diminution continue des adoptions internationales . En France, alors que le nombre de ces adoptions avait atteint le chiffre record de 4 136 en 2005, il n'était plus que de 1 569 en 2012.

Deux raisons principales expliquent cette baisse générale.

Tout d'abord, l'environnement socio-économique de nombreux pays d'origine, combiné à une meilleure maîtrise de la natalité, a évolué favorablement, conduisant logiquement à la diminution du nombre d'enfants délaissés et au développement de l'adoption à l'échelle nationale par les classes moyennes émergentes.

Ensuite, la ratification progressive par de nombreux Etats de la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale a eu pour conséquences :

- la fermeture temporaire aux adoptions internationales de pays d'origine, le temps de leur mise en conformité avec la convention (Madagascar, par exemple) ;

- l'application du principe de subsidiarité, en vertu duquel l'adoption internationale vient après l'adoption nationale et, par voie de conséquence, la fixation par les pays d'origine de critères plus restrictifs pour la première (Brésil, Inde, Bulgarie) ;

- la recommandation voire l'imposition aux pays d'accueil de passer par des organismes autorisés par l'adoption (OAA) et de supprimer la voie individuelle, qui représentait les deux tiers des adoptions jusqu'en 2006 ;

- la plus grande attention portée par les pays d'accueil aux pays d'origine n'ayant pas ratifié la convention, voire l'interruption des adoptions dans les pays où les règles éthiques ne sont pas respectées.

Ces évolutions constituent, bien sûr, une avancée majeure pour la protection des enfants. Toutefois, on peut craindre que le nombre d'enfants adoptables soit sous-évalué du fait de la mauvaise tenue voire l'absence d'état civil dans certains pays très pauvres.

Par ailleurs, même si le nombre d'enfants à adopter à l'international demeure important, force est de constater que leur profil a évolué. Il est de plus en plus difficile d'adopter des nouveau-nés ; ce sont le plus souvent des enfants âgés d'au moins six ou sept ans, des fratries, des enfants à besoins spécifiques, atteints de maladies parfois bénignes (bec de lièvre, par exemple) ou d'affections plus lourdes (cardiopathie, par exemple) , qui n'ont pas été adoptés dans leur pays d'origine.

Ces mutations obligent les pays d'accueil à s'adapter à ce contexte international devenu très « concurrentiel » et très évolutif.

b) Une organisation institutionnelle inefficiente

Ainsi que l'a montré le rapport de la mission confiée à Jean-Marie Colombani sur l'adoption 13 ( * ) , le système français d'adoption internationale souffre de nombreuses lacunes, parmi lesquelles :

- le manque de lisibilité pour les pays d'origine du fait de la coexistence de trois « voies » d'accès à l'adoption internationale : l'adoption individuelle - devenue de plus en plus rare -, l'adoption accompagnée par les organismes autorisés et habilités pour l'adoption (OAA), l'adoption accompagnée par l'Agence française de l'adoption (AFA) ;

- le manque de lisibilité pour les familles adoptantes : le processus d'agrément par le département est perçu comme trop complexe et inégal d'un département à l'autre, l'information sur les circuits de l'adoption internationale est insuffisante, etc. ;

- l'absence de pilotage du système par une autorité centrale forte définissant une stratégie, des objectifs, un plan d'action : contrairement à tous les autres pays européens, l'autorité centrale française n'est ni une direction d'administration, ni une agence. C'est une instance non permanente, composée de représentants des ministères et des conseils généraux, et dont le secrétariat est assuré par une sous-direction du ministère des affaires étrangères. Sa nature et son action sont restées floues, si bien que certains pays d'origine ont pu croire que l'AFA était l'autorité centrale.

Pour votre rapporteure, la France manque cruellement d'un véritable service diplomatique dédié à la protection internationale de l'enfance ;

- l'insuffisante professionnalisation des OAA : les OAA français sont, sauf exception, de petite taille et peu professionnalisés, ce qui les empêche de déployer une véritable stratégie à l'international ;

- le défaut d'accompagnement des familles avant et après l'adoption.

Tous ces éléments ont été confirmés par les associations de parents adoptants et d'enfants adoptés auditionnées par les rapporteurs.

2. Le déclin de l'adoption nationale
a) La diminution continue des adoptions nationales

Les adoptions d'enfants nationaux, environ 800 par an, sont aujourd'hui dans la proportion de un pour cinq adoptions internationales , alors que les premières étaient sensiblement égales aux secondes en 1985.

Cette tendance s'explique par la baisse du nombre des pupilles de l'Etat et par celle des pupilles présentés à l'adoption .

La diminution du nombre de pupilles de l'Etat, constante depuis 1987, est due à la fois à une baisse du nombre des enfants pupilles sans filiation ou orphelins (enfants abandonnés, enfants remis à l'aide sociale à l'enfance à la naissance, enfants dont la mère a accouché sous le secret) et à une baisse des déclarations judiciaires d'abandon. Seuls les retraits d'autorité parentale demeurent stables.

Le nombre de pupilles présentés à l'adoption est également en diminution depuis 2007. Ce sont essentiellement l'âge des pupilles, leur état de santé, leur handicap ou leur situation en fratrie, qui expliquent aujourd'hui leur non-placement en vue de leur adoption.

b) La question de l'enfance délaissée en débat

Le rapport Colombani invite, à juste titre, à s'interroger sur le sens de ces évolutions : « la baisse du nombre des pupilles et celle des adoptions nationales traduisent-elles le succès des politiques de protection de l'enfance qui auraient réussi à prévenir les séparations des enfants de leurs familles ou, à l'inverse, témoignent-elles d'une incapacité ou d'une impuissance collectives à envisager l'adoption dans l'intérêt de l'enfant ? »

La réponse n'est sans doute pas univoque.

D'un côté, avec la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, la France a profondément amélioré son système de protection de l'enfance en plaçant au coeur du dispositif l'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux et le respect de ses droits . Trois objectifs ont alors été fixés : renforcer la prévention, mieux repérer les enfants en danger ou en risque de l'être, améliorer les interventions auprès des enfants et de leurs familles. Cette loi a également permis au dispositif de gagner en cohérence en renforçant le rôle de chef de file du département.

De l'autre, il est vrai que la protection de l'enfance en France accorde une place prépondérante à la famille naturelle et à la filiation biologique . Ainsi, le placement en famille d'accueil ou en établissement est considéré comme provisoire et a le plus souvent comme objectif le retour de l'enfant dans sa famille. Dans ce contexte, l'admission au titre de pupille de l'Etat signe l'impossible restauration des liens nécessaires entre un enfant et sa famille. Comme le note rapport Colombani, « en France, l'adoption peine à s'inscrire comme une modalité de protection de l'enfance parce qu'elle signifie d'abord son échec » . La diminution du recours, par les services sociaux départementaux, à l'article 350 du code civil relatif à la déclaration judiciaire d'abandon en est l'illustration.

Il existe pourtant des cas de maltraitance ou de délaissement pour lesquels le maintien des liens avec la famille est contraire à l'intérêt de l'enfant.

Aussi, votre rapporteure plaide pour une évaluation complète de la loi du 5 mars 2007 qui serait l'occasion d'étudier les différentes solutions permettant une meilleure prise en compte de l'enfance délaissée à l'échelle nationale. Un placement, même satisfaisant, ne remplacera jamais l'inscription d'un enfant dans une filiation pour la vie.

3. Vers une évolution du droit de l'adoption
a) Ouvrir l'adoption aux couples non mariés

Actuellement, la loi interdit à un couple non marié d'adopter. Cette exigence de vie maritale s'explique par le fait qu'historiquement, le mariage était la seule source de filiation légitime.

Cette conception paraît aujourd'hui anachronique, sachant que plus de la moitié des premières naissances ont lieu hors mariage.

Votre rapporteure est donc favorable à l'accès à l'adoption pour tous les couples, indépendamment du régime juridique de leur union . Ainsi, tous les couples, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, pourraient recourir à l'adoption, tout en ayant le choix entre le concubinage, le Pacs et le mariage.

b) Maintenir l'adoption plénière et l'adoption simple, mais réfléchir à de nouvelles modalités d'adoption pour les enfants relevant de la protection de l'enfance

Le droit français connaît, depuis la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 portant réforme de l'adoption, deux types d'adoption dont les effets diffèrent nettement (cf. supra ) : l'adoption plénière , qui substitue une filiation à une autre, et emporte rupture des liens du sang entre l'enfant et ses parents biologiques, et l'adoption simple , qui adjoint une nouvelle filiation à la précédente, et n'entraîne donc pas cette conséquence.

En 2007, les tribunaux de grande instance ont prononcé l'adoption de 13 400 personnes, 3 964 en adoption plénière et 9 412 en adoption simple. Ces deux procédures répondent chacune à des projets d'adoption très différents :

- l'adoption plénière est principalement employée dans le cadre des adoptions internationales : 71 % des adoptions plénières sont des adoptions internationales ;

- l'adoption simple concerne essentiellement des adoptions intrafamiliales : 95 % des adoptions simples sont des adoptions intrafamiliales, la personne adoptée étant le plus souvent l'enfant du conjoint de l'adoptant.

A l'occasion des débats sur le présent projet de loi, la question du maintien ou non de ces deux formes d'adoption a resurgi, certains plaidant pour la suppression de l'adoption plénière au motif qu'elle effacerait et interdirait l'accès des enfants adoptés à leurs origines.

Votre rapporteure tient à rappeler que l'adoption plénière est la forme la plus adaptée à l'adoption internationale : elle sécurise juridiquement l'enfant et l'installe définitivement dans sa nouvelle filiation. Ainsi que l'ont expliqué à la fois les représentants des parents adoptants et des enfants adoptés lors de leur audition, la rupture juridique avec la famille d'origine n'est pas synonyme de négation de l'histoire personnelle de ces enfants . Rien ne leur interdit d'entamer, s'ils le décident, des démarches pour retrouver leurs origines ; d'ailleurs, certains le font, y compris accompagnés de leurs parents.

La meilleure façon d'aborder la question de la recherche des origines n'est donc pas la remise en cause de l'adoption plénière, mais l'organisation et la facilitation de cette recherche. Ainsi, certaines associations entendues par les rapporteurs proposent :

- d'une part, que les missions du conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop), actuellement circonscrites aux enfants nés sous X en France, soient étendues à la centralisation et à la conservation des dossiers de tous les enfants adoptés, y compris de ceux nés à l'étranger ;

- d'autre part, que soit mis en place un véritable accompagnement de chaque adopté adulte qui souhaiterait remonter le fil de son histoire pré-adoptive.

S'agissant de l'adoption nationale, votre rapporteure estime que l'adoption simple est une bonne réponse aux cas d'adoption intrafamiliale . Elle permet en effet de transcrire juridiquement une situation familiale préexistante et d'offrir une reconnaissance du lien qui unit l'adoptant et l'adopté.

Elle s'interroge toutefois sur la possibilité d'envisager une nouvelle forme d'adoption pour les enfants relevant de la protection de l'enfance et se trouvant dans une situation d'errance éducative et affective et pour lesquels les adoptions simple et plénière ne sont pas adaptées.

En l'état actuel du droit, ces enfants ne sont pas adoptables, alors même que certaines familles seraient prêtes à leur apporter toute l'affection et toute l'éducation dont ils ont besoin pour se construire durablement.

Lors de son audition, la présidente du conseil supérieur l'adoption (CSA) a convenu qu'il était nécessaire de réfléchir à une évolution de la notion de délaissement parental et d'envisager d'autres formes d'adoption compte tenu de l'évolution du profil des enfants adoptables en France.

B. LA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DU DROIT DE LA FILIATION

1. La fin du primat de la filiation biologique...

En ouvrant l'adoption aux couples de même sexe, le présent projet de loi n'entend nullement laisser croire qu'il serait possible de naître de deux personnes de même sexe, comme cela a été trop souvent dit par ses opposants. Il part, à l'inverse, du constat selon lequel la filiation - c'est-à-dire le lien juridique unissant un enfant à ses parents - s'affranchit déjà très largement des lois naturelles de l'engendrement et de la vérité biologique .

C'est le cas pour les enfants nés de mères célibataires, dont les pères biologiques ne se sont pas déclarés auprès de l'état-civil.

Tel est également le cas de l'adoption . Si elle reposait à l'origine sur un modèle « pseudo-créatif », elle a progressivement pris ses distances avec ce schéma traditionnel :

- aujourd'hui, il n'est plus question de laisser croire à un enfant adopté qu'il est né de ses parents adoptifs ; le mensonge, qui a très longtemps prévalu au sein des familles adoptives du fait de la pression sociale, n'est plus de mise comme l'ont expliqué en audition les associations représentant ces familles. Notons que, sur cette question, l'adoption internationale a contribué à l'affirmation publique de la parentalité adoptive ;

- en outre, le code civil reconnaît à toute personne célibataire la possibilité d'adopter un enfant. Dans un tel cas, l'adoption est alors entièrement fondée sur la volonté de devenir le parent d'un enfant qu'il est, par définition, impossible d'avoir procréé seul.

De même, dans le cadre d' une procréation avec l'aide d'un tiers donneur , le lien de filiation ne correspond pas au lien biologique. Et pourtant, celui ou celle qui a recours à un don de gamète est, sans conteste, autant le parent de l'enfant que celui ou celle qui a procréé sans cette aide.

De ces évolutions, il ressort que la filiation ne repose plus uniquement sur la procréation, mais aussi sur la volonté de deux personnes de mener à bien un projet parental .

En fondant la filiation sur « l'engagement parental » selon l'expression employée par la sociologue Martine Gross 14 ( * ) , l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe s'inscrit bien dans le cadre des nouvelles modalités de « faire famille ».

A ce titre, votre rapporteure insiste sur le fait que l'intérêt de l'enfant ne se réduit pas à la réalité du lien biologique . On peut avoir biologiquement un enfant et ne pas assumer son rôle de parent. De même, comme la filiation adoptive le démontre chaque jour, on peut faire sien un enfant né d'autres parents ou géniteurs-trices, et on peut se sentir pleinement fille ou fils de ses parents adoptifs.

2. ... doit conduire à une évolution du droit de la filiation

Votre rapporteure est d'avis que le droit de la filiation doit s'affranchir du modèle biologique pour tenir compte de l'évolution des configurations familiales.

Dans cette perspective, plusieurs réformes pourraient intervenir, certaines dès le prochain projet de loi sur la famille :

- construire un statut du tiers, beau-parent ou coparent ;

- ouvrir l'adoption aux couples non mariés ;

- ouvrir l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes.

C. DEUX DÉBATS À LA FRONTIÈRE DES DOMAINES DE LA FAMILLE, DE LA SANTÉ ET DE LA BIOÉTHIQUE

1. L'accès à l'assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes

La France est l'un des pays qui, dans le monde, a adopté le plus précocement un cadre légal pour l'assistance médicale à la procréation (AMP). Alors que la plupart des pays ont légiféré sur cette question dans les années 2000, le législateur français s'en est emparé dès 1994 15 ( * ) . Ce cadre légal a ensuite été modifié à deux reprises, en 2004 et 2011 16 ( * ) .

Les conditions d'accès à l'AMP sont définies à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique , qui dispose, dans la rédaction issue de la loi n° 2011-914 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, que :

« L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué.

L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination. »

A ce jour, l'accès à l'AMP est donc réservé aux seuls couples composés d'un homme et d'une femme et qui, pour des raisons médicales, ne peuvent concevoir un enfant .

Avec l'ouverture, par le présent projet de loi, de la filiation adoptive aux couples de personnes de même sexe, la question de l'extension aux couples de femmes de l'accès à l'AMP se pose logiquement .

En procédant à des comparaisons internationales, on constate que tous les pays qui ont ouvert le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe permettent aussi le recours à l'AMP par les couples de femmes ; c'est le cas de la Belgique, du Canada, du Danemark, de l'Espagne, des Etats-Unis, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède. L'Angleterre n'a pas encore légalisé le mariage entre couples de personnes de même sexe, mais autorise l'adoption par les couples homosexuels ainsi que l'accès à l'AMP pour les couples de femmes.

Votre rapporteure est favorable à l'extension de l'AMP aux couples de femmes et ce, pour trois raisons.

Au nom, tout d'abord, de l'égalité des projets parentaux entre couples hétérosexuels et couples homosexuels . Aujourd'hui, un couple hétérosexuel infertile peut construire son projet parental sur l'accès à l'AMP. Pourquoi un couple de femmes, confrontées à la même situation d'infertilité - certes, d'origine différente -, ne pourrait-il pas recourir à la même technique pour voir aboutir son projet parental, si ce n'est à considérer que ce dernier est moins légitime que celui du couple hétérosexuel ?

Il y a ensuite une forme d'hypocrisie à valider par l'adoption intrafamiliale , permise par le présent projet de loi, les projets parentaux réalisés par AMP à l'étranger , sans permettre que ceux-ci puissent être réalisés en France. En d'autres termes, en permettant aux femmes d'adopter l'enfant de leur conjointe conçu à l'étranger via l'AMP, le projet de loi encourage le contournement de l'interdiction française.

Enfin, il est indispensable de mettre un terme aux risques sanitaires qu'induit la législation actuelle. Aujourd'hui, les femmes lesbiennes qui souhaitent avoir un enfant ont trois solutions : soit, si elles en ont les moyens financiers, elles recourent à une AMP à l'étranger, soit elles ont des relations sexuelles avec un homme, qu'il soit ou non de leur entourage, soit elles achètent du sperme sur internet et procèdent à une insémination « artisanale ». Dans tous les cas, des risques sanitaires existent, qui ne sont pas sans rappeler ceux qu'encouraient les femmes lorsque l'avortement était interdit en France.

Le Sénat s'est déjà prononcé pour l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes . Ainsi, lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à la bioéthique en avril 2011, le texte issu de ses travaux prévoyait une modification de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique consistant à remplacer les mots « l'homme et la femme formant le couple » par les mots « les personnes formant le couple » . Cette rédaction n'a toutefois pas été retenue dans la suite de la navette parlementaire.

Votre rapporteure tient à préciser que l'élargissement de l'accès à l'AMP aux couples de femmes supposera de répondre à trois questions :

- le mode d'établissement de la filiation entre l'enfant et la conjointe de la mère qui ne l'a pas porté (reconnaissance, présomption, adoption...) ;

- le degré de prise en charge d'un tel acte par l'assurance maladie. Actuellement, l'AMP est remboursée à 100 % en tant qu'elle constitue un traitement de la stérilité ;

- les conditions d'accès de l'enfant issu d'une AMP à ses origines, sans remettre en cause l'anonymat du don de gamètes.

2. L'accès à la gestation pour autrui

L'argument selon lequel l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes entraînerait inévitablement la légalisation de la gestation pour autrui (GPA) pour les couples d'hommes, au motif que le principe d'égalité l'imposerait, n'est pas fondé.

Premièrement, ce lien soit disant automatique entre ouverture de l'AMP aux couples de femmes et légalisation de la GPA ne s'observe pas à l'étranger . Ainsi, parmi les pays qui permettent aux couples de femmes d'accéder à l'AMP, seuls l'Angleterre et certains Etats des Etas-Unis ont légalisé GPA. La Belgique et les Pays-Bas ne l'autorisent pas expressément : elle y est tolérée, mais pas réglementée. En revanche, la GPA est formellement interdite au Danemark, en Espagne, en Norvège, au Canada et en Suède.

Deuxièmement, des raisons à la fois éthiques et juridiques font obstacle à la légalisation de la GPA.

Sur le plan éthique, la question de la GPA se pose différemment de celle de l'AMP, dans la mesure où la GPA présente un risque de porter atteinte à l'intégrité de la personne humaine.

Sur le plan juridique, le Conseil d'Etat a rappelé, dans son étude sur la révision des lois de bioéthique de 2009 17 ( * ) , que l'interdiction de la GPA reposait sur deux principes juridiques :

- l'indisponibilité de l'état des personnes , c'est-à-dire l'impossibilité pour un être humain de disposer de sa qualité d'homme, de femme ou d'enfant ;

- l'indisponibilité du corps humain , qui rend illicite toute convention sur le corps humain, que ce soit en vue d'un prêt, d'une location ou d'un don.

Face aux risques que représentent l'instrumentalisation du corps de la mère porteuse et de sa possible marchandisation, votre rapporteure était initialement opposée à la légalisation de la GPA .

Toutefois, au regard de ce que l'on peut observer dans les pays ayant strictement encadré le recours à la GPA - comme l'Angleterre - ainsi que du souhait, bien réel et généreux, de certaines femmes de porter un enfant pour d'autres dans une logique non pas financière mais de don, sa position n'est pas fermée à ce jour .

A ce titre, elle a pris connaissance avec intérêt de l'intervention de l'historienne de la psychanalyse Elisabeth Roudinesco sur cette question et de la prise de position publique de la philosophe Elisabeth Badinter en faveur d'une « GPA éthique » . Elle souhaite que la réflexion et le débat sur la GPA puissent se poursuivre de manière sereine, contradictoire et constructive.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 20 mars 2013, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission examine le rapport pour avis de Mme Michelle Meunier sur le projet de loi n° 349 ( 2012-2013) ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Ce projet de loi apporte une réponse républicaine aux attentes des couples de personnes de même sexe, en leur accordant la liberté de choisir la nature juridique du lien qui les unit. Il reconnaît qu'ils sont des citoyens comme les autres, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, sans réduire en quoi que ce soit les droits des couples de sexe différent.

Le droit de la famille, ou plutôt des familles, n'est pas une matière figée : il a évolué pour reconnaître et encadrer les évolutions de la société. Christiane Taubira, garde des Sceaux, l'a souligné dans son discours à l'Assemblée nationale, « le mariage civil porte l'empreinte de l'égalité. Il s'agit d'une conquête fondatrice de la République ».

Le mariage n'est plus cette institution inégalitaire où le masculin prime le féminin, l'égalité des droits a remplacé la hiérarchie des sexes. Chacune des réformes du mariage civil au XX e siècle a fait avancer l'égalité entre les femmes et les hommes, en dotant les femmes de libertés individuelles et collectives : suppression du régime matrimonial de la dot en 1966, remplacement de la puissance paternelle par l'autorité parentale en 1970, divorce par consentement mutuel en 1975, instauration d'une autorité parentale conjointe après la séparation des parents en 2002.

Cette évolution est allée de pair avec la dissociation progressive du lien entre mariage et filiation, traduite notamment par la reconnaissance, en 1972, du principe d'égalité des droits entre les enfants légitimes et naturels. Le mariage n'est plus aujourd'hui le cadre privilégié de la procréation, puisque 56 % des premiers enfants des couples naissent hors mariage, contre 8,5 % en 1974. D'institution organisant la filiation au sein du couple, le mariage est devenu union de deux personnes qui se sont choisies et qui souhaitent officialiser leur relation devant la société et la République.

Dans ce contexte, pourquoi l'union entre personnes du même sexe ne pourrait-elle s'exprimer dans le même cadre juridique et bénéficier de la même reconnaissance sociale ? En quoi serait-elle moins légitime que celle qui existe entre deux personnes de sexe différent ? Au nom de quel principe la République peut-elle continuer à fermer les portes de l'une de ses institutions les plus symboliques à certains de ses citoyens ? En ouvrant le mariage aux couples homosexuels dans les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels, ce projet de loi marque une étape historique dans la longue marche vers l'égalité d'une institution qui, enfin, devient universelle.

Le mariage ouvert à tous les couples illustre la devise de notre République : liberté pour tous les couples de choisir le régime juridique de leur union ; égalité de tous les couples dans l'accès à la norme juridique ; fraternité entre tous les membres de la société quelle que soit leur orientation sexuelle. Le choix d'inclure les couples de même sexe dans l'institution du mariage a une portée symbolique beaucoup plus forte que ne l'aurait eue une simple amélioration du pacte civil de solidarité (Pacs), ou l'instauration d'un nouveau contrat d'union civile réservé aux couples homosexuels.

L'ouverture du mariage aux couples de même sexe a pour corollaire, à défaut de disposition législative contraire, la possibilité d'adopter un enfant dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels. Les couples homoparentaux existent, mais sont privés d'une pleine responsabilité à l'égard de leurs enfants. Il s'agit donc de corriger, par la loi, une situation en décalage avec les réalités sociales. Les couples de même sexe ne peuvent adopter conjointement un enfant ; un seul de leurs membres peut être parent : celui ayant réussi en tant que personne célibataire une procédure d'adoption.

Or lorsqu'une personne homosexuelle vivant en couple souhaite adopter, elle est contrainte à dissimuler sa vie de couple. Cette situation n'est satisfaisante ni pour l'adoptant, obligé de taire une partie de sa vie privée, ni pour l'enfant, puisque la réalité du projet parental est tronquée. Dans l'intérêt de celui-ci, il est fondamental que le partenaire du parent avec lequel il va vivre soit partie prenante du projet d'adoption. En ouvrant l'adoption conjointe aux couples homosexuels, le projet met fin à une hypocrisie.

Ne soyons pas naïfs, l'adoption conjointe d'un enfant par deux personnes de même sexe risque de voir sa portée limitée en raison du faible nombre d'enfants adoptables en France et à l'étranger, ainsi que du refus de certains pays de confier des enfants à des couples homosexuels. Dans de nombreux pays en effet, 1'homosexualité est toujours considérée comme un crime, un délit, ou une déviance. Ce fut le cas en France jusqu'en 1982. Même si, pour les couples de même sexe, les chances d'accéder à l'adoption internationale seront objectivement faibles, parions sur l'évolution des mentalités et l'introduction d'une plus grande tolérance dans les législations nationales.

Le projet de loi veut simultanément sortir de la précarité juridique les familles homoparentales existantes. Bien qu'insérées socialement, celles-ci vivent dans une situation que certains juristes qualifient d'« apesanteur juridique » : elles existent sans que soient reconnus les droits du parent dépourvu de lien de filiation avec l'enfant mais participant à son éducation au même titre que le parent légal. Celui-ci ne peut sans autorisation préalable aller chercher l'enfant à l'école, prendre une décision médicale importante ou l'emmener à l'étranger. En cas de séparation du couple ou de décès du parent légal, les conséquences sont dramatiques et douloureuses.

Le projet de loi ouvre également le droit à l'adoption de l'enfant du conjoint du même sexe, une modalité qui sera probablement davantage utilisée par les couples homosexuels que l'adoption conjointe. L'égalité et la protection de tous les enfants, de toutes les familles, sont ainsi garanties. Comme l'a déclaré à l'Assemblée nationale la ministre chargée de la famille, Dominique Bertinotti, « cette loi répond à une vision généreuse de la famille, une vision qui inclut et non qui exclut ».

Ce texte s'inscrit dans la lignée des grandes lois qui ont marqué l'histoire de la lutte contre les discriminations, ici celles fondées sur l'orientation sexuelle : la loi de 1982 dépénalisant l'homosexualité et celle de 1985 interdisant les discriminations homophobes. En reconnaissant aux couples homosexuels les mêmes droits que les couples hétérosexuels, ce texte contribuera à combattre les stéréotypes et à changer le regard de la société sur 1'homosexualité, à l'instar de la loi de 1999 instituant le Pacs.

Que constate-t-on dans les pays qui ont ouvert le mariage et l'adoption aux couples de même sexe depuis plusieurs années, comme la Belgique, l'Espagne ou les Pays-Bas ? Les mariages de couples homosexuels y représentent entre 2 et 5 % de l'ensemble des mariages. Le taux de nuptialité en France étant relativement proche de celui de ces pays, il y a tout lieu de penser que le nombre de mariages entre personnes de même sexe y suivra globalement la même tendance. Le droit des couples homosexuels de recourir à l'adoption est relativement peu mis en application du fait de la crise que traverse l'adoption internationale.

Ces éléments de comparaison mettent à bas l'idée selon laquelle l'ouverture du mariage et de l'adoption aux personnes de même sexe provoquerait un bouleversement de la société ou mettrait à mal un équilibre supposément naturel. Les réformes intervenues dans ces pays ont simplement autorisé une normalisation de la situation des familles homoparentales.

Le texte initial comportait vingt-trois articles. Les députés en ont supprimé quinze et introduit douze.

L'article 1 er ne définit pas plus le mariage que ne le faisait le code civil, mais y insère un nouvel article qui met explicitement fin à l'exigence de la différence des sexes comme condition sine qua non du droit au mariage : il dispose que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Cette ouverture se fait à droit constant, c'est-à-dire dans les mêmes conditions de consentement et d'âge, et avec les mêmes prohibitions relatives à l'inceste et à la polygamie que pour le mariage entre personnes de sexe différent.

Les articles 1 er bis A à 1 er bis D contiennent des dispositions à forte portée symbolique : l'une précise que les officiers d'état civil exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République ; une autre rappelle que la célébration du mariage est une cérémonie républicaine.

Les articles 1 er bis à 1 er quinquies étendent les possibilités d'adoption intrafamiliale, facilitent l'exercice en commun de l'autorité parentale en cas d'adoption simple, et permettent au juge d'intervenir pour maintenir les liens entre l'enfant et le tiers ayant résidé avec lui et l'un de ses parents après séparation du couple.

Les articles 2 et 3 adaptent les règles de dévolution du nom de famille en cas de désaccord ou d'absence de choix des parents. Actuellement, en vertu de la règle subsidiaire patronymique, l'enfant porte automatiquement le nom du père. Initialement, le projet de loi ne modifiait cette règle que pour la filiation adoptive et prévoyait qu'en cas de désaccord ou d'absence de choix des parents adoptants, l'enfant porterait le premier nom de chacun d'entre eux accolés dans l'ordre alphabétique. Après de longs débats, les députés ont choisi d'étendre cette disposition à la filiation biologique. Le rapporteur de la commission des lois, Jean-Pierre Michel, proposera, pour sa part, une solution intermédiaire, consistant d'une part à maintenir la règle prévue par le texte initial pour la filiation adoptive, d'autre part à distinguer, pour la filiation biologique, le désaccord entre les parents de leur absence de choix : dans le premier cas, l'enfant portera le nom de chacun de ses parents accolés dans l'ordre alphabétique, tandis que dans le second, le nom du père s'appliquera automatiquement.

L'article 4, dans sa rédaction initiale, tirait les conséquences de l'article 1 er en remplaçant dans le code civil, à chaque fois que nécessaire, des termes sexués par des termes généraux : « père » et « mère » par « parents », « mari » et « femme » par « époux », « aïeul » et « aïeule » par « aïeuls » par exemple. Le Gouvernement a choisi de n'opérer ces coordinations que lorsqu'elles étaient indispensables. Ainsi, les mots « père » et « mère » ne disparaissaient pas de la législation, contrairement à ce que l'on a pu entendre ici ou là. A l'initiative des rapporteurs de ses commissions des lois et des affaires sociales, l'Assemblée nationale a retenu deux dispositions interprétatives générales : une nouvelle version de l'article 4 pour le code civil, et un article 4 bis pour le reste de la législation. Celles-ci rendent les dispositions sexuées des différents codes expressément applicables aux couples de personnes de même sexe.

Le nouvel article 4 bis se substituant aux articles 5 à 13 et 15 à 20 du projet de loi initial, ceux-ci ont, par cohérence, été supprimés. Devant le risque d'insécurité juridique, Jean-Pierre Michel proposera une troisième voie consistant à énoncer un principe général selon lequel le mariage et la filiation produisent les mêmes effets de droit, que les époux ou les parents soient de même sexe ou pas. Cette disposition générale sera adossée à une habilitation donnée au Gouvernement pour réaliser les coordinations nécessaires dans l'ensemble de la législation.

L'article 4 ter complète la définition des associations familiales. Les articles 13 bis et 14 procèdent à des coordinations dans certains codes sociaux, qui n'entrent pas dans le champ de l'article 4 bis. L'article 16 bis porte sur la protection des salariés homosexuels en cas de mutation géographique. Enfin, les articles 21, 22 et 23 concernent des dispositions transitoires et l'application du projet de loi en outre-mer.

Du fait de ces dispositions, certains droits sociaux liés au mariage se trouvent automatiquement ouverts aux couples de personnes de même sexe sans qu'il soit besoin de disposition législative d'adaptation ou de coordination. C'est le cas, par exemple, des droits à la réversion, à la pension de veuf ou de veuve invalide, ou à l'assurance veuvage.

Ensuite, certains droits liés à la qualité de père ou de mère doivent être adaptés aux parents de même sexe. En premier lieu, la majoration de durée d'assurance pour enfant, qui comprend en fait deux majorations distinctes : quatre trimestres au titre de l'accouchement ou de l'adoption, et quatre trimestres au titre de son éducation. La majoration au titre de l'accouchement n'est pas concernée par le projet de loi puisqu'elle revient de droit à la mère biologique. Les majorations au titre de l'adoption et de l'éducation peuvent faire l'objet d'une répartition entre les parents s'ils en décident ainsi. En l'état actuel du droit, si le couple n'exprime aucun choix, il est réputé les avoir implicitement attribuées à la mère. L'article 14 propose un partage égal de ces majorations. Pour les couples hétérosexuels, le principe de l'attribution par défaut à la mère est maintenu.

En deuxième lieu, le congé d'adoption appartient aujourd'hui en propre à la mère adoptante, qui a toutefois la possibilité d'en céder tout ou partie au père. Il convient d'en faire bénéficier tout assuré, quel que soit son sexe : l'article 14 y pourvoit, sans exclure une répartition entre les parents.

L'article 4 ter, introduit à l'initiative des députés communistes, complète l'article 211-1 du code de l'action sociale et des familles. Actuellement, peuvent se voir reconnaître la qualité d'associations familiales les associations regroupant « des familles constituées par le mariage et la filiation, des couples mariés sans enfant ou toutes personnes physiques, soit ayant la charge légale d'enfants par filiation ou adoption, soit exerçant l'autorité parentale ou la tutelle sur un ou plusieurs enfants dont elles ont la charge effective et permanente ».

L'article 4 ter ajoute à cette liste les familles constituées par le Pacs, qui s'est imposé comme une modalité à part entière de « faire famille ». Je vous proposerai un amendement afin que les couples pacsés sans enfant puissent également adhérer à une association familiale reconnue, au même titre que les couples mariés sans enfant.

L'article 16 bis, introduit à l'initiative de la commission des affaires sociales, protège contre toute sanction, licenciement ou discrimination, les salariés mariés ou pacsés à une personne de même sexe qui refuseraient une mutation dans un État incriminant l'homosexualité. Celle-ci est encore passible de la peine de mort dans sept pays et pénalement sanctionnée dans une soixantaine d'autres. La France, par la voix du Président de la République et de la ministre des droits des femmes, a récemment exprimé devant l'ONU sa volonté d'agir en faveur d'une dépénalisation universelle.

Certes, la jurisprudence de la Cour de Cassation reconnaît déjà la possibilité pour un salarié de refuser une mutation qui porterait une atteinte injustifiée ou disproportionnée à son droit à une vie familiale et personnelle. Toutefois, il paraît préférable d'en affirmer le principe dans le code du travail. Or, dans sa rédaction actuelle, l'article ne couvre pas les salariés homosexuels non pacsés ou mariés, ce qui introduit une discrimination en fonction de la situation familiale et, par là-même, un risque de recul par rapport à la jurisprudence. C'est pourquoi je vous présenterai un amendement pour exclure toute dérive de ce type.

Je vous soumettrai en outre deux amendements portant sur des mesures de coordination malencontreusement supprimées par l'Assemblée nationale.

Les nombreuses auditions ont mis en lumière plusieurs sujets qui dépassent le champ du présent projet de loi. Certains, comme les nouvelles formes de parentalité, relèveront du futur projet de loi sur la famille ; d'autres nécessiteront un véhicule spécifique.

Ainsi, plusieurs éléments plaident en faveur d'une réforme globale du système de l'adoption : le manque de lisibilité et de pilotage de notre organisation institutionnelle, tandis que l'adoption internationale se fait plus difficile ; le déclin de l'adoption nationale, quand certains enfants pris en charge par l'aide sociale à l'enfance n'ont presque pas de relations avec leurs parents, ce qui conduit à s'interroger sur la notion de délaissement parental ; la difficulté de l'accès aux origines des enfants adoptés, notamment pour ceux nés à l'étranger ; l'impossibilité pour les couples non mariés de recourir à l'adoption, pourtant ouverte aux célibataires ; l'éventualité d'une nouvelle forme d'adoption plus adaptée au profil des enfants, sans pour autant remettre en cause l'adoption simple et l'adoption plénière. Lors de leur audition, les ministres de la justice et de la famille ont convenu de la nécessité d'une telle réforme. D'autres évolutions du droit de la famille nous attendent ...

Pour finir, je veux récuser quelques contre-vérités trop souvent entendues ces derniers mois. Ce projet de loi ne crée pas un mariage gay, il fait entrer les couples de même sexe dans l'universalité de la loi de la République et leur accorde enfin une citoyenneté pleine et entière. Ce projet ne signe pas la disparition de la famille, au contraire, il la renforce en faisant sortir de la pénombre des familles existantes. Il n'enlève rien aux hétérosexuels, il oblige simplement chacun à en finir avec les préjugés et à penser l'égale dignité des êtres humains.

Un dernier mot pour vous faire part du témoignage d'un jeune homosexuel qui nous a été rapporté par l'association « David et Jonathan » : « Si demain le mariage entre couples de même sexe est institué, imaginez ce que pourra se dire un adolescent homosexuel : un horizon social existe et je suis reconnu par la société dans laquelle je vis ». Je suis fière de contribuer, en tant que parlementaire, à rétablir la justice sociale, à ce que notre société renoue avec la tolérance et le respect des différences.

Mme Annie David , présidente . - Je remercie notre rapporteure pour avis. Je souhaite la bienvenue à Hervé Poher, devenu sénateur en remplacement d'Odette Duriez, et j'ouvre le débat.

Mme Isabelle Debré . - À titre personnel, je ne suis pas favorable à ce projet de loi. Sur l'adoption, j'attends les amendements de la commission des lois et notamment de Patrice Gélard, dont j'avais signé la proposition de loi instituant l'adoption simple pour le deuxième parent. Autant il n'est pas naturel qu'un enfant dise : « j'ai deux papas », autant il peut dire : « j'ai un papa, et le compagnon de mon papa ». Encore une fois, le droit de l'enfant doit primer sur le droit à l'enfant.

Que se passe-t-il dans ce cas qui m'a été soumis en direct à la radio ? Un couple hétérosexuel, ayant eu des enfants, divorce. Pour de pures raisons d'intérêt, de transmission de patrimoine, Monsieur, hétérosexuel, décide d'épouser un autre homme - rien ne l'en empêche, on ne demande pas de certificat d'homosexualité, ce qui est bien normal. Ce sont des questions que les Français se posent.

M. Alain Milon . - Je remercie mon groupe de m'autoriser à intervenir, à titre personnel, dans la discussion générale. Je suis très favorable à cette loi et regrette que nous ne l'ayons pas proposée par le passé. Les articles sur l'adoption, tels qu'issus de l'Assemblée nationale, posent certains problèmes. J'attends le texte de la commission des lois ; s'il n'améliore pas les choses, je déposerai moi-même des amendements sur l'adoption. Quoi qu'il en soit, en ce qui me concerne, je voterai ce projet de loi.

Mme Isabelle Pasquet . - Merci à Michelle Meunier pour son rapport, très clair et complet. Je me félicite que ce projet de loi vienne à l'ordre du jour. L'État ne peut que s'honorer de ce nouveau pas vers l'égalité des droits pour tous les citoyens. Cette avancée légitimera des situations existantes et sécurisera les enfants concernés. Quant au débat sur l'adoption, il est nécessaire d'ouvrir ce chantier.

Une question, enfin, sur le nom : en cas de désaccord entre les parents, l'enfant porte les deux noms accolés ; en cas d'accord, il porte le nom du père. Pourquoi ?

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - En cas d'absence de choix, l'enfant porte le nom du père. J'y reviendrai.

Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Je félicite Michelle Meunier pour son rapport mais je ne voterai pas ce projet de loi. Je l'aurais fait volontiers s'il s'était agi d'un pacte civil, et en tant que maire, j'étais toute disposée à célébrer des unions civiles. Mais le mariage, c'est entre un homme et une femme : toute autre définition est contre nature !

Je voudrais citer le cas, dans mon entourage, d'un couple de femmes ayant eu recours à une procréation médicalement assistée en Espagne. La grand-mère vient de téléphoner pour souhaiter un bon anniversaire à sa fille ; quand elle a demandé à son petit-fils de lui passer sa maman, il a demandé « Laquelle ? » : il ignore son lien de filiation avec sa grand-mère... Pour celle-ci, c'est très dur.

Mme Catherine Deroche . - Je ne voterai pas ce texte, et je m'en expliquerai en séance. Notre groupe a laissé à chacun une totale liberté de vote, c'est à son honneur.

Mme Catherine Procaccia . - Je ne souscris pas à ce texte. Pourquoi créer un mariage entre personnes de même sexe plutôt que de renforcer le Pacs, qui n'ouvre pas les mêmes droits que le mariage ? Ce texte est fait pour une minorité - 2 à 4% des personnes homosexuelles se marieront, nous dit-on - alors qu'on ne fait rien pour les personnes pacsées, majoritairement hétérosexuelles, qui n'ont toujours pas droit à une pension de réversion ! C'est regrettable, d'autant qu'à l'Assemblée nationale, tous les amendements visant à renforcer l'union civile ont été repoussés. Ce texte est inégalitaire.

Mme Catherine Génisson . - Mais les pacsés hétérosexuels ont le choix de se marier !

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Je ne suis pas certaine d'avoir bien saisi le cas particulier soulevé par Isabelle Debré. En tout état de cause, il ne change rien en matière de droits de filiation.

Mme Isabelle Debré . - C'est bien le problème !

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Un tel cas de figure me semble extrêmement hypothétique. Dans la réalité, le mariage demeure une institution républicaine ; on ne s'engage pas aussi légèrement, surtout quand il y a des enfants. N'agitons pas le chiffon rouge !

Catherine Procaccia, il ne s'agit pas de créer un mariage gay mais d'étendre aux couples de même sexe le droit au mariage républicain. Et je rappelle que les personnes pacsées de sexe différent ont le choix de se marier si elles le souhaitent.

Isabelle Pasquet, ce n'est qu'en cas de désaccord entre les parents ou d'absence de choix que l'enfant porte le nom du père, pas en cas d'accord.

Mme Muguette Dini . - Et lorsqu'il s'agit d'un couple d'homosexuels ?

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Les deux patronymes sont accolés, dans l'ordre alphabétique.

Mme Annie David , présidente . - Isabelle Debré évoque la possibilité de mariages motivés par des intérêts purement matériels, visant à priver les enfants ou la première épouse de succession. La situation sera identique si le père se remarie avec une autre femme qu'il n'aime pas : le texte proposé ne change rien.

Mme Isabelle Debré . - Evidemment, mais je pense aux enfants : si le père se remarie pour les déshériter, qui plus est avec un autre homme, c'est un double traumatisme ! J'attends les amendements de la commission des lois sur la question du patronyme. Si l'on accole les deux noms de famille, dans l'ordre alphabétique, où en sera-t-on au bout de trois ou quatre générations, avec toute une ribambelle de noms ?

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Il n'est pas question d'adopter le système espagnol : on aura deux noms au maximum.

Mme Isabelle Debré . - L'enfant grandira avec deux noms, puis devra en abandonner un ? Pour la construction de son identité, ce n'est pas une bonne chose.

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Souvent, quand une femme se marie, elle abandonne son nom de naissance...

Mme Isabelle Debré . - La transmission du nom pose un vrai problème juridique. Attendons les amendements de la commission des lois.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 4 ter

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Avec l'amendement n° 1, les couples pacsés sans enfant pourront adhérer à une association familiale reconnue, au même titre que les couples mariés sans enfant.

Mme Isabelle Debré . - Le groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) ne prendra pas part au vote sur les amendements.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 11

L'amendement de coordination n° 2 est adopté.

Article 14

L'amendement de coordination n° 3 est adopté.

Article 16 bis

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - L'amendement n° 4 étend la mesure de protection à l'ensemble des salariés homosexuels, indépendamment de leur situation familiale.

L'amendement n° 4 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'ensemble du texte.

LISTE DES AUDITIONS PUBLIQUES

MARDI 5 FÉVRIER 2013


Irène Théry , sociologue, directrice d'études à l'école des hautes études en sciences sociales


Françoise Héritier , anthropologue et ethnologue, professeur honoraire au collège de France


Stéphane Nadaud , pédopsychiatre


Pierre Lévy-Soussan , pédopsychiatre et psychanalyste

MERCREDI 6 FÉVRIER 2013


Nicolas Gougain , porte-parole et Mathieu Nocent , co-secrétaire de la commission politique de l'Interassociative inter-LGBT


Dominique Boren , co-président ; Marie-Claude Picardat , co-présiden et Fathira Acherchour , porte-parole, de l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL)


Martine Brousse , déléguée générale et Bertrand Colin , avocat, de l'Association de protection de l'enfance La voix de l'enfant


Isabelle Guillem , secrétaire générale, de l'Association de protection de l'enfance Enfance et Partage

JEUDI 7 FÉVRIER 2013


François Fondard , président ; François Edouard , vice-président, président du département « Droit de la Famille et protection de l'enfance » ; Guillemette Leneveu , directrice générale et Claire Ménard , chargée des relations parlementaires, de l'Union nationale des associations familiales (UNAF)


Jean-Marie Bonnemayre , président et Marie-Odile Pelle Printanier , vice-présidente, de la Confédération Nationale des Associations Familiales Laïques (CNAFAL)


Michel Canet , président et Charles Arambourou , administrateur, de l'Union des Familles Laïques (UFAL)


Marie-Françoise Martin , présidente et Aminata Koné , secrétaire générale, de la Confédération syndicale des Familles (CSF)


Patrick Chrétien , secrétaire général et Thierry Vidor , directeur général, de Familles de France


Antoine Renard , président ; Clotilde Brunetti , chargée du droit de la famille et de la protection de l'enfance et Bernard Mantienne , ancien sénateur-maire de Verrières-le-Buisson, de la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques (CNAFC)

MARDI 12 FÉVRIER 2013


Pasteur Claude Baty , président de la fédération protestante de France, du Culte protestant


Cardinal André Vingt-Trois , cardinal archevêque de Paris, président de la Conférence des Évêques de France, du Culte catholique


Grand Rabbin Gilles Bernheim , Grand Rabbin de France, du Culte juif


Mohammed Moussaoui , président du conseil français du culte musulman, du Culte musulman


Marie-Stella Boussemart , présidente de l'union bouddhiste de France, du Culte bouddhiste


le Métropolite Emmanuel , président de l'assemblée des évêques orthodoxes de France, du Culte orthodoxe

MERCREDI 13 FÉVRIER 2013


• Daniel Sibony
psychanalyste


• Jean-Pierre Winter
, psychanalyste


• Elisabeth Roudinesco
, historienne de la psychanalyse, directrice de recherche à l'Université de Paris VII

JEUDI 14 FÉVRIER 2013


• Marie-Claude Riot
, présidente de la Fédération française des organismes autorisés pour l'adoption (FFOAA)


• Marc Lasserre
, président du Mouvement pour l'adoption sans frontières (MASF)


• Nathalie Parent
, présidente d'Enfance et Familles d'Adoption


• Jean-Pierre Winter
, psychanalyste


• Jean-Pierre Winter
, psychanalyste


Cécile Février , présidente de La Voix des adoptés


Thibaud Collin
, philosophe


Sylviane Agacinski , philosophe


Claire Neirinck , professeur de droit à l'université de Toulouse I Capitole


Daniel Borillo , maître de conférences en droit privé à l'université Paris Ouest


Jean Hauser , professeur émérite de droit privé à l'université Montesquieu Bordeaux IV


Florence Millet , maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise

MARDI 19 FÉVRIER 2013


Jacques Pélissard
, président de l'Association des maires de France (AMF)


• Jérôme Guedj
, député, président du conseil général de l'Essonne, de l'Assemblée des départements de France (ADF)


• Christiane Taubira
, garde des sceaux, ministre de la justice


• Dominique Bertinotti
, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

MERCREDI 20 FÉVRIER 2013


• Isabelle Vasseur
, présidente ; Béatrice Biondi , directrice générale et Arnaud Del Moral , chef du service international, chargé de la stratégie et des procédures d'adoption, de l'Agence française de l'adoption


Dominique Baudis , Défenseur des droits


• Christine Lazerges
, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)

JEUDI 21 FÉVRIER 2013


• Jean Tarrade
, président et Jacques Combret , président de la section famille de l'institut d'études juridiques, du Conseil supérieur du notariat


• Hélène Poivey-Leclercq
, ancien membre du conseil national des barreaux, avocat à Paris et Carine Denoit-Benteux , avocate, membre du conseil de l'ordre de Paris, du Conseil national des barreaux


• André Nutte
, président et Raymond Chabrol , secrétaire général, du Conseil national d'accès aux origines personnelles


• Anne Bérard
, présidente de chambre au tribunal de grande instance de Paris, responsable du service « Affaires familiales » ; Marie-Pierre Hourcade , présidente de l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille et Daniel Pical , magistrat honoraire

MARDI 12 MARS 2013


• Marie-Anne Chapdelaine
, députée, présidente, du Conseil supérieur de l'adoption


Jacques-Alain Miller , psychanalyste

LISTE DES AUDITIONS COMPLÉMENTAIRES
DES RAPPORTEURS


Sandrine Zientara-Logeay , conseillère technique législation civile et pénale au cabinet de la ministre ; Laurent Vallée , directeur des affaires civiles et du Sceau ; François Ancel , sous-directeur du droit civil et Valérie Delnaud , cheffe du bureau du droit des personnes et de la famille, du ministère de la justice


• Alexandre Urwicz
, co-président et François Rico , responsable de la commission politique, de l'Association des familles homoparentales (ADFH)


• Franck Jaoui
, porte-parole de Beit Haverim


• Marina Zuccon
, présidente et Pasteur Stéphane Lavignotte, de Carrefour des chrétiens inclusifs


Patrick Sanguinetti
, président et co-porte-parole et Nicolas Neiertz , co-vice-président, de David et Jonathan


• Gwladys Pallas
, présidente ; David Auerbach Chiffrin , porte-parole ; Damien Trawale , administrateur ; Jean-Marc Saminadin , administrateur et David Mohit , administrateur, de Fédération Total respect


• Catherine Michaud
, présidente et Bertrand Cazenave , vice-président, de Gay Lib


• Denis Quinqueton
, président de Homosexualités et Socialisme


• Nabila Tribak
, présidente ; Marie Mandy , porte-parole ; Isabelle Charmoille , secrétaire et Mariam Nahavandy , adhérente, de « L'autre Maman »


• Charles Bernier
, avocat de l'association Le Refuge


• Louis Dusaussoy
, secrétaire général et porte-parole de l'association « Les adoptés »


* 1 Expression employée par Irène Théry, sociologue, directrice d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

* 2 Le doyen Carbonnier définissait ainsi le mariage : « Le coeur du mariage, ce n'est pas le couple mais la présomption de paternité ».

* 3 Françoise Dekeuwer-Défossez, « Le mariage et l'adoption par les couples homosexuels : la question juridique », Etudes, n° 4175, novembre 2012.

* 4 Serge Portelli et Clélia Richard, Désirs de famille - homosexualité et parentalité, Editions de l'atelier, 2012.

* 5 Olivier Vécho et Benoît Schneider, « Homoparentalité et développement de l'enfant : bilan de trente ans de publications », La psychiatrie de l'enfant, 2005.

* 6 Les règles de l'adoption sont régies par les provinces canadiennes, toutes n'acceptent pas l'adoption par les couples de personnes de même sexe.

* 7 L'article 75 du code civil dispose, entre autres, qu'au cours de la cérémonie du mariage, l'officier d'état civil reçoit « de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme ». L'article 144 du même code dispose que « l'homme et le femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».

* 8 Actuellement, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint n'est permise que dans trois cas seulement :

- lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint ;

- lorsque l'autre parent que le conjoint s'est vu retirer totalement l'autorité parentale ;

- lorsque l'autre parent que le conjoint est décédé et n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant.

* 9 Actuellement, l'adoption simple d'un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière est possible que s'il est justifié de motifs graves. Une telle adoption sera désormais également possible, en dehors de l'existence de motifs graves, si la demande est formulée par le conjoint de l'adoptant. Par ailleurs, l'adoption simple par l'époux de l'enfant de son conjoint n'est aujourd'hui pas expressément prévue par l'article 360 du code civil.

* 10 Dans sa rédaction actuelle, l'article 365 du code civil prévoit qu'en cas d'adoption simple de l'enfant du conjoint, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice. Afin de faciliter l'exercice en commun de cette autorité, le nouvel article prévoit qu'en cas d'adoption simple de l'enfant du conjoint, l'autorité parentale est exercée de plein droit en commun.

* 11 L'indemnité journalière versée pendant le congé d'adoption est calculée de la même façon que l'indemnité journalière versée pendant le congé de maternité. Elle est égale au gain journalier de base, calculé sur la moyenne des salaires des trois mois qui précèdent le congé d'adoption, ou des douze mois en cas d'activité saisonnière ou discontinue.

* 12 Délibération n° 2007-203 du 3 septembre 2007 relative au congé de paternité pour les couples de même sexe.

* 13 Rapport sur l'adoption, mission présidée par Jean-Marie Colombani, mars 2008.

* 14 Martine Gross, « Fonder la filiation sur l'engagement parental plutôt que sur la nature », Le Monde, 5 février 2013.

* 15 Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

* 16 Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique et loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

* 17 Conseil d'Etat, Etude sur la révision des lois de bioéthique, mai 2009.

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