C. UNE MESURE CONSENSUELLE ET ATTENDUE DE LONGUE DATE : LA DÉPÉNALISATION DU STATIONNEMENT

Afin de moderniser le régime d'exercice des compétences des autorités compétentes en matière de transports urbains, votre commission a adopté deux amendements visant à créer deux articles additionnels après l'article 3.

Ils proposent la dépénalisation du stationnement et sa transformation en service public décentralisé . Ils visent également à faciliter l'harmonisation des politiques de stationnement dans le périmètre des autorités compétentes en matière de transport urbain.

L'adoption de ces amendements lèverait ainsi plusieurs obstacles à la mise en place de politiques ambitieuses de mobilité durable , répondant à une demande exprimée de longue date par nombre d'élus locaux, de tous bords politiques confondus.

Le caractère pénal de la sanction prévue en cas de défaut de paiement de la redevance de stationnement entraîne plusieurs conséquences négatives, notamment relevées par le rapport de Louis Nègre sur la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant de novembre 2011, ou celui de Christian Philip sur le financement des déplacements urbains de 2003.

Tout d'abord, il implique un montant de l'amende uniforme sur l'ensemble du territoire, aujourd'hui à hauteur de 17 euros pour l'amende forfaitaire de première classe. Or, la diversité des barèmes des tarifs de stationnement en France rend ce montant peu dissuasif dans certains territoires, comme les grandes villes où les tarifs de stationnement sont élevés, alors qu'il peut paraître excessif dans certaines petites communes . D'après le rapport des inspections générales de juin 2005 sur l'évolution du stationnement payant 4 ( * ) , le taux de paiement spontané des redevances de stationnement est de 35 % en moyenne. Il est encore plus faible à Paris.

Ensuite, le défaut ou l'insuffisance de paiement ne peuvent être sanctionnés que par des agents de la police nationale ou municipale assermentés à cet effet . Or, leur nombre, leurs moyens, mais aussi les missions qu'ils assument par ailleurs - de façon prioritaire, à juste titre - comme la préservation de la sécurité des citoyens, ne leur permettent pas de mener cette tâche de façon satisfaisante. Il en résulte un sentiment d'impunité pour nombre de conducteurs. D'après le rapport des inspections générales de juin 2005 sur l'évolution du stationnement payant, à Paris, les agents dressent en moyenne 23 procès-verbaux par place et par an, ce qui représente un procès-verbal par place tous les dix jours environ. En 2007, les services de l'Etat étaient à l'origine d'environ 62 % des amendes, et les polices municipales 38 % 5 ( * ) .

Le circuit de recouvrement des amendes , organisé par l'Etat, est de plus très coûteux et complexe , comme l'a démontré la Cour des comptes dans son rapport public annuel de février 2010, qui évoque un coût de gestion de 25 euros par amende. La Cour explique également que les recettes de ces amendes sont reversées aux collectivités territoriales au prorata des infractions constatées mais non nécessairement payées, ce qui entraîne des « effets pernicieux » .

Outre ces dysfonctionnements liés au caractère pénal du dispositif, les autorités organisatrices de transport rencontrent de réelles difficultés à mettre en oeuvre des politiques harmonisées de tarification du stationnement .

En effet, en vertu de l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales , c'est le maire qui détermine les voies soumises à stationnement payant. Cet article dispose en effet que « le maire peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce. »

C'est en revanche le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'EPCI ou du syndicat mixte compétents pour l'organisation des transports urbains qui établit la redevance de stationnement, lorsqu'il y est autorisé par ses statuts, en vertu de l'article L. 2333-87 . Cette redevance doit être compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains s'il existe.

Cet article prévoit néanmoins que lorsque le domaine public concerné relève d'une autre collectivité, l'avis conforme de cette dernière est requis hors agglomération. Ce dispositif peut engendrer de fortes disparités au sein des territoires entre des communes proches et appartenant pourtant au même EPCI ou syndicat mixte.

C'est dans le but de remédier à ces difficultés que votre commission a décidé de proposer un dispositif, qui fait l'objet du premier amendement, souhaité de longue date par nombre d'élus locaux, toutes tendances confondues. Le second amendement vise à préserver le niveau de recettes du STIF, qui serait affecté par la disparition des amendes de stationnement.

Le dispositif de l'amendement adopté par votre commission

Au 1° du A, cet amendement précise, à l'article L. 2213-6 du CGCT , que les modalités de la tarification et la gestion matérielle du stationnement des véhicules sur la voie publique sont régies par l'article L. 2333-87, afin de clarifier la répartition des rôles entre le maire, d'une part, et l'organe délibérant de la collectivité compétente en matière de transports urbains, d'autre part.

Au 4° du A , il modifie l'article L. 2333-87 du CGCT . Il précise que l'établissement de la redevance de stationnement par le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'EPCI ou du syndicat mixte compétent s'exerce sans préjudice des pouvoirs dont dispose le maire en vertu de l'article L. 2213-2 du CGCT, notamment celui de réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains, ou de réserver sur la voie publique ou dans tout autre lieu de stationnement ouvert au public des emplacements de stationnement aménagés aux véhicules utilisés par les personnes titulaires de la carte de stationnement prévue à l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles et aux véhicules bénéficiant du label « autopartage » tel que défini par décret.

Il remplace l'avis conforme des collectivités incluses dans le périmètre de compétence de l'autorité compétente en matière de transports urbains par un avis simple, en précisant qu'il est réputé favorable si la collectivité ne s'est pas prononcée dans un délai d'un mois.

Il indique que la délibération établit :

- le barème tarifaire de la redevance pour service rendu applicable à chaque zone de stationnement réglée spontanément par l'usager dès le début du stationnement ;

- le tarif du forfait de post-stationnement applicable en cas d'absence ou d'insuffisance de paiement spontané de la redevance .

Le tarif de la redevance de stationnement est déterminé en vue de favoriser la fluidité de la circulation, la rotation du stationnement des véhicules sur voirie et l'utilisation des moyens de transports collectifs ou respectueux de l'environnement. Il peut être modulé en fonction de la durée du stationnement, de la surface occupée par le véhicule ou de sa contribution à la pollution atmosphérique. Il peut instaurer une tranche gratuite pour une durée déterminée, de même qu'une tarification spécifique pour certaines catégories d'usagers, notamment les résidents, comme cela est déjà prévu aujourd'hui.

L'établissement du barème tarifaire tient compte des coûts d'installation, de maintenance et de renouvellement des équipements nécessaires à la collecte du produit de la redevance de stationnement par la commune, le groupement de communes, l'établissement public de coopération intercommunale, le syndicat mixte ou le tiers contractant désigné pour exercer ces missions . Il tient également compte des coûts relatifs à la mise en oeuvre du forfait de post-stationnement.

Le tarif du forfait de post-stationnement ne peut excéder le montant maximal de la redevance de stationnement due pour une journée ou une durée plus courte selon les dispositions du barème en vigueur dans la zone considérée. Le montant du forfait de post-stationnement dû par l'usager, déduction faite le cas échéant du montant de la redevance de stationnement spontanément réglée, est notifié à l'usager par un avis de paiement apposé sur son véhicule par un agent de la commune, du groupement de communes, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant désigné pour exercer cette mission. Les informations portées sur l'avis de paiement du forfait de post-stationnement sont réputées exactes jusqu'à preuve du contraire.

Le produit issu des redevances de post-stationnement finance les opérations destinées à améliorer les transports en commun ou respectueux de l'environnement et la circulation.

Les modalités d'application de l'article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Le 3° du A inclut le produit de la redevance de stationnement dans la liste des recettes non fiscales de la section de fonctionnement des communes.

Le B précise, à l'article 261 D du code général des impôts, que le stationnement des véhicules soumis à TVA inclut le stationnement sur et hors voirie.

L'article L. 411-1 du code de la route cite et reprend le contenu intégral des articles L. 2213-1 à L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales. Le C de l'amendement préserve les références à ces articles mais supprime leur contenu, qu'il n'est pas nécessaire de reproduire.

Enfin, le D précise que cet article entre en vigueur à compter du premier jour du dix-huitième mois suivant la promulgation de la loi.

Votre commission a adopté ces deux amendements à l'unanimité.


* 4 Rapport de synthèse sur l'évolution du stationnement payant, Jacques Andrieu, Michel Mazard, Anne Bolliet, Claude Hossard, Werner Gagneron, Frédéric Desportes, Gilles Clavreul, Daniel Fedou, Juin 2005.

* 5 Cour des comptes, rapport public annuel 2010.

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