Avis n° 76 (2013-2014) de M. Jean-Pierre CAFFET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 16 octobre 2013

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N° 76

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , garantissant l' avenir et la justice du système de retraites ,

Par M. Jean-Pierre CAFFET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1376 , 1397 , 1400 et T.A. 223

Sénat :

71 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

Réunie le mercredi 16 octobre 2013 sous la présidence d'Yvon Collin, vice-président, la commission des finances du Sénat a procédé à l'examen du rapport pour avis de Jean-Pierre Caffet sur le projet de loi n° 71 (2013-2014) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites .

La commission a relevé que :

1° la dégradation de la conjoncture économique a rendu urgente l'adoption de nouvelles mesures de financement du système de retraites, afin de faire face aux déficits estimés à 19,1 milliards d'euros en 2014 et 26,6 milliards d'euros à l'horizon 2014 ;

2° le présent projet de loi associe des mesures de redressement des comptes à court et moyen termes des régimes de retraite de base et une mesure structurelle de long terme (l'allongement de la durée d'assurance) tenant compte des prévisions démographiques et économiques ;

3° les mesures proposées dans le cadre de la réforme du système de retraites représentent une part substantielle de l'effort structurel prévu au titre de l'exercice 2014 et permettent de renforcer la soutenabilité des finances publiques à long terme.

La commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites traduit les trois objectifs que s'est fixé le Gouvernement : assurer la pérennité des régimes de retraite, rendre le système plus juste et enfin le simplifier et renforcer sa gouvernance. Ainsi, la présente réforme se distingue des réformes précédentes : aux indispensables mesures de rééquilibrage financier, elle associe des mesures de justice sociale en faveur des assurés qui peinent à se constituer des droits à la retraite.

Le présent projet de loi marque l'aboutissement de plus d'un an de travaux et de concertation avec les partenaires sociaux. En janvier 2013, le Conseil d'orientation des retraites a présenté un état des lieux du système de retraites français, venant compléter les projections de besoins de financement pour 2020, 2040 et 2060 établies en décembre 2012. La commission pour l'avenir des retraites , installée par le Premier ministre en février 2013 et présidée par Yannick Moreau, a ensuite identifié différentes pistes de réforme permettant d'assurer l'équilibre des régimes de retraite à court, moyen et long terme, et d'en renforcer la justice, l'équité et la lisibilité pour les assurés. Enfin, le Gouvernement a consulté, durant l'été, les organisations syndicales et patronales.

Votre commission des finances a choisi de se saisir pour avis sur ce texte en raison de l'enjeu financier que représente le système de retraites et de son poids croissant dans l'économie nationale, correspondant à 13,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2011. En plus de rééquilibrer les comptes du régime général et des autres régimes de base non subventionnés par l'Etat en 2020, la réforme portée par le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites participe pleinement à la consolidation des finances publiques.

Afin d'appréhender la réforme proposée par le Gouvernement dans sa globalité, votre rapporteur pour avis a mené une analyse en trois temps :

- la première partie rappelle l'urgence financière de la réforme . Après un rapide état des lieux des dépenses et des ressources du système de retraites, il tire le bilan financier de la loi de 2010 portant réforme des retraites et présente les besoins de financement futurs : 19,1 milliards d'euros en 2014 et 26,6 milliards d'euros à l'horizon 2040 pour l'ensemble du système de retraites. En outre, il analyse la contribution de la réforme au respect de la trajectoire des finances publiques ;

- la deuxième partie présente le schéma de financement de la réforme , en tenant compte à la fois des mesures inscrites dans le présent projet de loi, des mesures réglementaires à venir, en particulier concernant les cotisations, ainsi que des mesures inscrites dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014 ;

- la troisième partie dresse le bilan financier des diverses mesures de justice sociale prévues par le projet de loi.

Le Sénat a été saisi en première lecture du présent projet de loi, après l'Assemblée nationale. Les principales modifications introduites par la Premières chambre sont mentionnées dans le rapport.

PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE RÉFORME

I. LE POIDS DU SYSTÈME DE RETRAITES DANS L'ÉCONOMIE

Les développements suivants ont pour objet de mettre en perspective les besoins de financement du système de retraite avec les masses de prestations vieillesse servies, ainsi que la structure de leur financement. C'est notamment à l'aune de ces éléments que votre rapporteur pour avis analysera les mesures du présent projet de loi.

A. ETAT DES LIEUX DES DÉPENSES ET DES RESSOURCES

1. Les dépenses du système de retraites
a) Les pensions de retraite, première dépense du système de protection sociale

En 2011, 271,5 milliards d'euros de pensions de retraite ont été versées à 16,4 millions de retraités 1 ( * ) , ce qui correspond à 13,6 % du produit intérieur brut ( PIB ). Ainsi, les pensions de retraite et les pensions de survie versées aux conjoints et orphelins au titre de droits dérivés constituent la première des dépenses de prestation de la sécurité sociale (56 % tous régimes confondus) et de la protection sociale dans son ensemble (45 %).

Les trois quarts des pensions de retraite sont versées par les régimes de base , le quart restant relevant des régimes complémentaires. Les pensions de retraite supplémentaire versées par les mutuelles et les institutions de prévoyance demeurent quant à elles marginales en France : en 2011, celles-ci représentaient 2,2 % des prestations d'assurance vieillesse et survie 2 ( * ) .

Tableau n° 1 : Dépenses de pensions en 2011

(en milliards d'euros)

Type de régime de retraite

Montant

Part

Retraites de base

119,5

44 %

Salariés du privé et non-titulaires du public

103,1

38 %

Non salariés

16,4

6 %

Retraites complémentaires

74,3

27 %

Salariés du privé et non-titulaires du public

70,4

26 %

Non salariés

3,9

1 %

Régimes spéciaux

77,7

29 %

Fonction publique d'Etat

46,4

17 %

Collectivités territoriales et hospitalières

14,6

5 %

Autres régimes spéciaux

16,6

7 %

Total

271,5

100 %

Source : Conseil d'orientation des retraites, d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale

Au total, les dépenses du système de retraites , incluant outre les pensions de retraite les dépenses d'action sociale ainsi que les charges financières et de gestion, se sont élevées à 282 milliards d'euros en 2011.

b) La part croissante des dépenses d'assurance vieillesse dans le PIB

La part des dépenses de prestations de retraite dans le produit intérieur brut (PIB), qui permet de mesurer le prélèvement que le financement des retraites exerce sur la richesse nationale, n'a cessé de progresser depuis 2000. Celle-ci est passée de 11,7 % du PIB en 2000 à 13,6 % en 2011 , soit une augmentation moyenne de 0,19 point de PIB par an.

Graphique n° 2 : Evolution de la part des dépenses de retraite dans le PIB

(en % du PIB)

Source : annexe 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, d'après les données de la DREES

Au niveau de l'Union européenne (UE) , la France est le troisième pays en termes de parts des dépenses de pensions de retraite dans le PIB 3 ( * ) , derrière l'Italie et l'Autriche. La tendance observée dans la plupart des pays européens ces dix dernières années est celle d'une augmentation du poids des dépenses de retraite dans le PIB, à l'exception du Royaume-Uni où le niveau de dépenses est stabilisé autour de 12 % du PIB et de l'Allemagne où, selon les données provisoires, la part de PIB consacrée aux dépenses d'assurance vieillesse aurait reculé en 2010.

Graphique n° 3 : Part des dépenses de pensions de retraite par rapport au PIB

dans une sélection de pays de l'Union européenne en 2010

(en % du PIB)

Source : commission des finances, d'après les données d'Eurostat

c) Les déterminants des dépenses de retraite

A long terme, l'évolution des dépenses de prestation d'assurance vieillesse est déterminée par deux principaux facteurs :

- le nombre de retraités , qui augmente tendanciellement avec le vieillissement de la population. Depuis le début des années 2000, la tendance à l'augmentation du nombre de retraités en raison de l'allongement de l'espérance de vie est amplifiée par l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du « baby-boom », nées entre 1946 et le milieu des années 1970. Ainsi, entre 2003 et 2011 , le nombre de retraités tous droits confondus 4 ( * ) est passé de 13,2 millions à 16,4 millions, soit une augmentation de près de 25 % ;

- le niveau de la pension moyenne , dont l'évolution dépend d'une part de la revalorisation annuelle selon le taux d'évolution des prix à la consommation (hors tabac) et d'autre part du renouvellement de la population de retraités. Selon l'« effet de noria », les nouveaux retraités entrant dans le système perçoivent, en moyenne, des pensions plus élevées que les sortants. Depuis 2004, la pension moyenne de droit direct augmente de 3 % par an en moyenne en euros courants, soit une croissance supérieure à l'inflation annuelle moyenne d'environ 1,3 point. Fin 2011, la pension moyenne de droit direct, tous régimes de retraite confondus, s'élevait à 1 256 euros par mois.

L'effet conjugué de ces deux facteurs, hausse du nombre de retraités et du niveau de la pension moyenne, a entraîné la progression rapide des dépenses publiques en matière de retraite. Pour y faire face, outre la mobilisation du levier des cotisations, les réformes successives ont entrepris de diversifier les sources de financement du système de retraites.

2. Les ressources du système de retraites
a) La diversification des ressources

Les ressources du système de retraites proviennent pour les deux tiers de cotisations sociales . Ainsi, 179 milliards d'euros de cotisations d'assurance vieillesse ont été prélevés sur les revenus d'activité de 25,8 millions de personnes en emploi en 2011.

Tableau n° 4 : Ressources du système de retraites en 2011

(en milliards d'euros)

Type de ressource

Montant

Cotisations sociales

179

Contributions d'équilibre de l'Etat

42

Impôts et taxes

31

Transfert

12

Produits de gestion

7

Total

271

Source : Conseil d'orientation des retraites, d'après des données de la commission des comptes de la sécurité sociale

Les réformes successives ont cependant diversifié les ressources des régimes de retraite. Outre les cotisations, ces dernières sont également constituées par :

- les contributions d'équilibre, versées principalement par l'Etat en faveur de certains régimes spéciaux (42 milliards d'euros en 2011) dont la situation démographique est particulièrement dégradée (principalement les régimes spéciaux de retraite des personnels de la SNCF, de la RATP, le régime spécial des mines et le régime spécial des marins) ;

- des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale (31 milliards d'euros en 2011) tels que la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) ou encore la taxe sur les salaires. Le recours à ce type de ressource résulte à la fois des mesures de compensation des politiques d'allègements de charges sociales et de la recherche de ressources assises sur des assiettes autres que la masse salariale (revenus de patrimoine et de placement) ;

- des transferts (12 milliards d'euros en 2011) en provenance de l'assurance chômage et de la branche « famille » du régime général de sécurité sociale, qui financent les droits à retraite attribués au titre de la solidarité ;

- des produits de gestion (7 milliards d'euros en 2011).

Graphique n° 5 : Part des différents types de ressources dans le financement du

système de retraites en 2011

Source : commission des finances, d'après des données de la commission des comptes de la sécurité sociale (2012)

b) Des structures de financement différentes selon les régimes de retraite

Le régime général de retraite de la sécurité sociale reflète dans l'ensemble le mouvement général de diversification des ressources du système de retraites. Son financement repose à 63 % sur des cotisations sociales, à 10 % sur des impôts et taxes et à près de 25 % sur des transferts provenant principalement du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Néanmoins, tous les régimes de retraite n'ont pas la même structure de financement. Celle-ci peut fortement varier en fonction de leur situation démographique. Il convient ainsi de distinguer :

- les régimes intégralement financés par des cotisations sociales , comme par exemple le régime des professions libérales (CNAVPL) et les régimes complémentaires obligatoires de salariés du privé (AGIRC et ARRCO) ;

- les régimes dépendant en grande partie de transferts de compensation démographique entre régimes de retraite, tel que le régime des non-salariés agricoles (MSA) ;

- les régimes équilibrés en dernier ressort par une subvention de l'Etat (principalement les régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP et des marins) ou par l'affectation d'impôts et taxes comme le régime des artisans et commerçants (RSI).

Le graphique ci-après illustre la part de cotisations sociales finançant les charges de chaque régime. Plus le taux de couverture des prestations par les cotisations est faible, plus la situation démographique du régime en question est dégradée.

Tableau n° 6 : Taux de couverture par des cotisations des prestations des principaux régimes de base

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale (2012)

Pour le régime des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, il convient toutefois de souligner que ce taux n'est pas significatif : une convention comptable assimile les cotisations de l'Etat employeur à une subvention d'équilibre, biaisant à la baisse l'évaluation des cotisations pour ce régime.

B. LE POIDS DE LA « DETTE VIEILLESSE »

L'augmentation et la diversification des ressources du système de retraites n'ont pas empêché l'apparition de déficits récurrents ces six dernières années. Les soldes des régimes de retraite obligatoire de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) 5 ( * ) , se sont particulièrement dégradés au cours des exercices 2009 et 2010.

Tableau n° 7 : Evolution des déficits des régimes de retraite de base et du FSV

(en milliards d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Régime général (CNAV)

- 1,9

- 4,6

- 5,6

- 7,2

- 8,9

- 6,0

- 4,8

Tous régimes obligatoires de base (y compris CNAV)

- 1,0

- 3,9

- 5,6

- 8,9

- 10,8

- 7,9

- 6,1

FSV

- 1,3

+ 0,2

+ 0,8

- 3,2

- 4,1

- 3,4

- 4,1

Sources : annexes B à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et 2014

Malgré un début d'amélioration, le déficit de la branche vieillesse du régime général représente les trois quarts du déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base (soit 4,8 milliards d'euros sur 6,1 milliards d'euros en 2012).

Si l'on considère l'ensemble des branches de la sécurité sociale, le déficit des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse représente quant à lui plus du tiers du déficit consolidé des branches maladie, accidents du travail-maladie professionnelle (AT-MP), famille et vieillesse (soit 6,1 milliards d'euros sur 15,1 milliards en 2012).

Le poids des déficits de l'assurance vieillesse au sein de la dette sociale est donc particulièrement élevé. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 6 ( * ) a organisé le transfert à la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) des déficits 2011 à 2018 de la CNAV et du FSV, dans la limite de 10 milliards d'euros par an et de 62 milliards d'euros au total.

Ainsi, la somme totale reprise par la CADES au titre des déficits de la CNAV et du FSV depuis 2011 atteint 14,3 milliards d'euros en 2013 .

II. BILAN DE LA DERNIÈRE RÉFORME ET IMPACT DE LA CRISE

A. LA RÉFORME DE 2010 : UN BILAN FINANCIER INSATISFAISANT

1. L'échec du déficit « zéro » à l'horizon 2018

Les réformes successives du système de retraites ont eu un impact significatif sur les dépenses de pensions. D'après une simulation de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l'ensemble des mesures prises entre 2009 et 2012 a permis de réduire d'environ deux points le poids des pensions dans le PIB . A l'horizon 2040, ces mesures auront diminué d'environ six points la masse des pensions servies par rapport au PIB 7 ( * ) .

Néanmoins, ces réformes successives ne sont pas parvenues à rétablir durablement l'équilibre financier du système . Il en est de même pour la dernière réforme en date, adoptée par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites 8 ( * ) .

Le gouvernement précédent proposait un retour à l'équilibre du système de retraites en 2018 . Le besoin de financement cumulé du système, estimé alors à 310 milliards d'euros entre 2011 et 2018, était censé être couvert à 82 %.

Pourtant, dès juin 2011, la Cour des comptes soulignait que l'impact de la réforme des retraites de 2010 sur le solde de l'ensemble des régimes avait été surévalué 9 ( * ) . La présentation de la réforme incluait en effet deux composantes qui pouvaient difficilement être retenues pour apprécier son impact sur les finances publiques :

- l'« effort de l'Etat en faveur de ses fonctionnaires », pour environ 15 milliards d'euros. Cet « effort » correspond à l'augmentation de la contribution du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions » de 2000 à 2010 ;

- le basculement de cotisations versées à l'UNEDIC vers des cotisations de retraite de l'ordre de 400 millions d'euros en 2015, puis d'un milliard d'euros en 2018. Un accord des partenaires sociaux sur ce basculement était encore hypothétique au moment de la réforme. De plus, cette mesure faisait le pari d'une baisse significative du chômage (7,7 % en 2015 et 5,7 % en 2020).

Selon les calculs de la Cour des comptes, sans tenir compte des deux composantes précitées et en reprenant les prévisions du gouvernement de l'époque, il apparaissait toujours un déficit, de l'ordre de 2,5 milliards d'euros en 2018 .

Tableau n° 8 : Impact attendu de la réforme des retraites de 2010 sur l'ensemble du système de retraites

(en milliards d'euros 2008)

2012

2014

2016

2018

Solde avant réforme

- 20,1

- 23,8

- 26,0

- 28,8

Solde après réforme (hors effort de l'Etat et basculement de l'Unedic)

- 10,6

- 10,5

- 5,2

- 2,5

Solde prévisionnel COR mars 2013

- 15,8

- 17,7

- 20,8

- 21,0

Sources : Cour des comptes, juin 2011 ; COR, mars 2013

Bien que présentant sa réforme comme entièrement financée, on peut rappeler que le gouvernement précédent a proposé dès l'automne 2011 des mesures nouvelles à destination de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ( CNAV ) à hauteur de 949 millions d'euros 10 ( * ) .

2. Une réforme qui a eu un impact limité sur le régime général

Si la réforme des retraites de 2010 visait un objectif d'équilibre à l'horizon 2018, le projet de loi ne réglait pas la question du déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ( CNAV ).

Même après réforme, les chiffres présentés par le gouvernement indiquaient un déficit de 4,4 milliards d'euros pour le régime général en 2018 .

Tableau n° 9 : Solde de la CNAV avant et après la réforme des retraites de 2010

(en milliards d'euros 2010)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Solde CNAV avant réforme

- 9,7

-11,2

- 12,4

- 13,7

- 14,9

- 16,2

- 17,4

- 18,6

- 19,7

- 21,0

Impact âge

0,2

1,1

1,9

3,5

4,3

5,1

6,1

7,8

8,2

8,6

Impact autres mesures

3,1

3,1

3,2

3,2

3,4

3,6

3,9

4,0

4,1

4,2

Basculement UNEDIC

0,0

0,0

0,0

0,0

0,6

1,2

1,8

2,4

3,1

3,3

Solde après réforme

- 6,5

- 6,9

- 7,3

- 6,9

- 6,6

- 6,2

- 5,5

- 4,4

- 4,2

- 5,0

Source : commission des finances du Sénat, rapport pour avis n° 727 (2009-2010) sur le projet de loi portant réforme des retraites, septembre 2010

Seuls des transferts en provenance d'autres régimes de sécurité sociale ont permis de véritablement limiter le déficit du régime général d'assurance vieillesse. La branche vieillesse demeure la première bénéficiaire des transferts entre branches de la sécurité sociale : en 2012, elle a reçu deux tiers du total des transferts, soit environ 35 milliards d'euros, tandis qu'elle en a versé seulement un quart.

B. LES EFFETS DE LA CRISE ÉCONOMIQUE

La réforme des retraites de 2010 est intervenue dans un contexte de crise économique . L'évolution du PIB a été négative en 2008 (- 0,1 %) et en 2009 (- 3,1 %). La perspective d'un rebond de la croissance en 2010 (+ 1,7 %) avait conforté le gouvernement de l'époque dans la définition d'hypothèses économiques conformes à un scénario de reprise, soit une croissance du PIB de 2 % en 2011 et de 2,5 % à partir de 2012. Ce scénario a toutefois été infirmé par la dégradation de la conjoncture économique en 2012, avec une croissance économique nulle.

Ainsi, la baisse du niveau d'emploi d'environ 5,5 % constatée en 2012 a eu pour conséquence une perte de recettes importante pour l'ensemble des régimes. En outre, la forte dégradation de la situation de l'emploi consécutive à la crise a entraîné une hausse importante des dépenses du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au titre de la prise en charge des cotisations vieillesse des chômeurs. Entre 2011 et 2012, les prises en charge au titre du chômage ont ainsi augmenté de 9 %, pour s'élever à 10 milliards d'euros.

A long terme, les effets de la crise sur les ressources du système de retraites devraient s'atténuer. Mais l'impact négatif est d'autant plus important que le système de retraites dans son ensemble est devenu plus sensible à la croissance du PIB . L'économiste Didier Blanchet estime ainsi qu'un recul de 0,3 point du rythme de croissance se traduit par une hausse d'un point du ratio de dépenses de retraites par rapport au PIB 11 ( * ) . Il explique cette plus forte dépendance aux hypothèses de croissance par la façon dont la réforme des retraites de 1993 a cherché à réduire la progression des dépenses de retraites. En indexant les pensions sur le niveau des prix et non plus sur les salaires, les dépenses de pensions sont devenues plus élastiques à la croissance. Cette élasticité est d'autant plus forte que la croissance est rapide.

C. DES PREMIÈRES MESURES DE REDRESSEMENT DÈS JUILLET 2012

Le Gouvernement a entrepris, dès juillet 2012, de consolider la branche vieillesse du régime général en lui affectant l'essentiel des mesures de recettes adoptées dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 . Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, l'amélioration du solde de la CNAV en 2012 tient principalement à l'affectation de recettes supplémentaires, notamment une fraction du forfait social et du produit généré par la majoration du taux de prélèvement social sur les revenus du capital.

En 2013, ces prélèvements contribuent à nouveau fortement à la progression des recettes du régime général avec 3,3 milliards d'euros de recettes supplémentaires.

Tableau n° 10 : Rendement des mesures de recettes supplémentaires affectées à la branche vieillesse et au FSV adoptées depuis juillet 2012

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

Fraction du forfait social

0,20

1,10

1,20

Hausse du taux de prélèvement sur les revenus du capital

1,20

2,20

2,10

Harmonisation de l'assiette de la C3S

-

0,06

0,06

Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie

-

0,35

0,65

Total

1,4

3,71

4 ,01

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2013

De plus, de nouvelles mesures de recettes ont été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 12 ( * ) au bénéfice de la branche vieillesse : le produit issu de l'harmonisation de l'assiette de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) et, temporairement, le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie ont notamment été affectés au FSV.

Enfin, le Gouvernement a suivi avec attention les négociations des partenaires sociaux gestionnaires des régimes de retraite complémentaires des salariés ( ARRCO ) et des cadres du secteur privé ( AGIRC ). L'accord conclu le 13 mars 2013 devrait permettre d'engager le retour à l'équilibre de ces régimes.

L'accord du 13 mars 2013 des régimes de retraite complémentaire obligatoires AGIRC et ARRCO

La situation financière dégradée des régimes de retraite complémentaire obligatoires des salariés (ARRCO) et des cadres du secteur privé (AGIRC) a conduit les partenaires sociaux à entamer, en novembre 2012, les négociations d'un accord modifiant les paramètres des régimes.

En effet, les déficits enregistrés par ces deux régimes en 2011 sont d'une ampleur jamais rencontrée jusqu'alors (- 1,69 milliard d'euros pour l'ARRCO et - 1,77 milliard d'euros pour l'AGIRC). Dans ce contexte, les réserves financières des régimes diminuent plus vite que prévu. Selon les estimations réalisées par les régimes*, les réserves financières des régimes devraient s'épuiser en 2017 pour l'AGIRC et en 2022 pour l'ARRCO.

Situation financière des régimes AGIRC et ARRCO fin 2011

(en milliards d'euros)

Afin de redresser rapidement les comptes des régimes, l'accord du 13 mars 2013 prévoit notamment trois mesures « conservatoires » :

- une moindre revalorisation des pensions sur une période de trois ans : au 1 er avril 2013, la revalorisation a été de 0,5 % à l'AGIRC et de 0,8 % à l'ARRCO, au lieu de 1,8 % prévu avant la réforme. En 2014 et 2015, le niveau de revalorisation devrait correspondre à l'évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabacs, moins un point, sans que cela puisse aboutir à une baisse des pensions versées ;

- une moindre revalorisation du salaire de référence , afin de maintenir le niveau de rendement des régimes sur la période 2013-2015 ;

- une augmentation du taux de cotisation de 0,1 point en 2014 et de 0,1 point supplémentaire en 2015 .

Impact financier de l'accord du 13 mars 2013 sur les régimes AGIRC et ARRCO à l'horizon 2017

(en milliards d'euros)

Ces mesures, ajoutées aux mesures de trésorerie, devraient permettre aux régimes d'économiser environ 3 milliards d'euros d'ici 2017 et de reconstituer en partie leurs réserves.

* Sur le fondement du scénario B du COR.

Source : Les cahiers de la retraite complémentaire n° 11, premier trimestre 2013

III. LES BESOINS DE FINANCEMENT FUTURS, ENJEU MAJEUR DES FINANCES PUBLIQUES

Comme cela était indiqué précédemment, les réformes successives du système de retraites ne sont pas parvenues à rétablir son équilibre financier. Aussi les projections actuellement disponibles - et notamment celles réalisées dans le cadre des travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR) - ont-elles permis de mettre en évidence l'importance des besoins de financement à court, moyen et long termes du système de retraites .

En effet, en l'absence de réforme, le déficit des régimes de retraite continuerait de se creuser. Cette situation est préoccupante à deux égards. Tout d'abord, elle vient menacer la pérennité du système de retraites. Ensuite, elle est susceptible de contrarier le respect de la trajectoire des finances publiques sur laquelle la France s'est engagée auprès de ses partenaires européens, voire de peser sur la soutenabilité des finances publiques à long terme. C'est pourquoi la présente réforme du système de retraites s'attache à rétablir l'équilibre financier des régimes tout au long de la trajectoire, actionnant des leviers différents selon l'horizon considéré .

A. UNE PROJECTION DES BESOINS DE FINANCEMENT

Conformément à la feuille de route de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le Conseil d'orientation des retraites (COR) s'est attaché - dans le cadre de la phase de diagnostic, préalable à la réforme - à établir des projections touchant aux évolutions de la situation financière des régimes de retraite .

1. Les hypothèses retenues pour les projections

Dans son onzième rapport, publié en décembre 2012 13 ( * ) , le COR a retenu trois principaux scénarii (A, B et C) qui s'appuient sur des hypothèses macroéconomiques de long terme distinctes ( cf. tableau ci-après). Ces derniers retiennent, toutefois, les mêmes hypothèses démographiques ainsi que des hypothèses réglementaires identiques ; sur ce dernier point, il est nécessaire de souligner que les projections ont été réalisées « à législation inchangée », c'est-à-dire que seules les évolutions d'ores et déjà actées de la réglementation ont été prises en compte.

Tableau n° 11 : Synthèse des principales hypothèses retenues pour les projections

Hypothèses démographiques

Fécondité

1,95 enfant par femme à partir de 2015

Espérance de vie

Allongement de l'espérance de vie à 60 ans entre 2010 et 2060 : de 22,2 à 28,0 ans pour les hommes, de 27,2 à 32,3 ans pour les femmes

Migrations

Solde migratoire de +100 000 personnes par an

Hypothèses économiques

Croissance annuelle de la productivité du travail

Taux de chômage à long terme

Scénario A

1,8 %

4,5 %

Scénario B

1,5 %

4,5 %

Scénario C

1,3 %

7,0 %

Variante A'

2,0 %

4,5 %

Variante C'

1,0 %

7,0 %

Hypothèses réglementaires

Durée d'assurance

(taux plein)

Passage de 41 ans en 2012 à 41,75 ans en 2020 selon le principe de la loi du 21 août 2003, puis maintien à 41,75 ans jusqu'en 2060

Revalorisation des pensions

Sur les prix

Source : Conseil d'orientation des retraites (2012)

a) Des hypothèses démographiques favorables à la France

Les travaux du COR se sont fondés sur les dernières projections de population réalisées en 2010 par l'INSEE à partir des données du recensement de 2007 14 ( * ) . Le scénario dit « central » suppose que les tendances démographiques constatées en 2007 se maintiennent : un nombre d'enfant par femme de 1,95, un solde migratoire de 100 000 habitants en plus par an et une espérance de vie qui évolue selon le rythme observé par le passé.

Tableau n° 12 : Evolution de la population de la France métropolitaine
de 2007 à 2060

Année

Population au 1 er janvier
(en milliers)

Proportion (%) des

Solde naturel
(en milliers)

Solde migratoire

(en milliers)

0-19 ans

20-59 ans

60-64 ans

65-74 ans

75 ans et +

2007

61 795

24,8

53,8

4,9

8,1

8,5

263,9

100

2015

64 514

24,2

51,0

6,2

9,3

9,3

201,5

100

2020

65 962

23,9

49,6

6,0

11,0

9,4

173,2

100

2025

67 285

23,5

48,4

6,1

11,1

10,9

154,1

100

2030

68 532

23,0

47,5

6,0

11,1

12,3

142,1

100

2035

69 705

22,6

46,7

5,9

11,1

13,6

120,0

100

2040

70 734

22,4

46,6

5,3

11,1

14,7

82,4

100

2050

72 275

22,3

45,9

5,6

10,2

16,0

31,9

100

2060

73 557

22,1

45,8

5,4

10,5

16,2

30,6

100

Source : INSEE (2010)

Aussi, conformément à ces projections, la population active continuerait-elle de croître fortement jusqu'en 2015 , pour ensuite se stabiliser, avant de repartir à la hausse à partir de 2035 sous l'effet de la fécondité de ces dernières années 15 ( * ) . En France métropolitaine, le nombre d'actifs serait de 30,1 millions en 2030 et de 31,2 millions en 2060 (soit un nombre d'actifs supérieur de 2,85 millions à celui constaté en 2010) 16 ( * ) ; le scénario « central » de l'INSEE retient la chronique suivante :

- à l'horizon 2025, la population active pourrait croître de 1,7 million de personnes - pour atteindre 30 millions d'actifs - ce qui correspond à une croissance moyenne de 110 000 personnes par an ;

- entre 2025 et 2035, la population active serait stabilisée à un niveau proche de 30 millions de personnes ;

- à partir de 2035, la population active progresserait à un rythme plus lent, à raison de 45 000 actifs supplémentaires par an en moyenne, et atteindrait 31,2 millions d'actifs en 2060.

Graphique n° 13 : Projections du nombre d'actifs et d'inactifs (2014-2060)

Source : commission des finances (données de l'INSEE)

Ainsi, la progression des dépenses de retraite s'infléchirait vers le milieu des années 2030 du fait de la fin du « papy-boom » et de la hausse plus faible des effectifs de retraités. Ceci expliquerait l'infléchissement de la croissance des besoins de financement à cet horizon ( cf. infra ).

Malgré tout, du fait de la croissance de la population âgée, il n'y aurait plus que 1,5 actif pour un inactif de plus de 60 ans en 2060 , contre 2,1 en 2010.

Tableau n° 14 : Projection de la population active

(en %)

Observé

Projeté

1995

2005

2010

2015

2020

2030

2040

2060

Nombre d'actifs (en milliers)

25 392

27 381

28 364

28 940

29 568

30 143

30 427

31 238

Part des femmes

45,4

47,0

47,7

48,0

48,1

47,7

47,3

46,9

Part des 15-24 ans

11,4

10,6

10,4

10,0

9,9

10,2

10,1

10,1

Part des 25-54 ans

80,9

79,1

77,2

75,6

73,3

71,2

72,2

72,0

Part des 55 ans et +

7,7

10,3

12,4

14,4

16,8

18,6

17,7

17,9

Taux d'activité des 15-69 ans

63,6

65,8

66,6

66,3

67,7

68,7

69,4

69,7

Actifs/inactifs de 60 ans et plus

2,3

2,3

2,1

2,0

1,9

1,7

1,6

1,5

Source : INSEE (2011)

b) Les évolutions de l'emploi total

Sur la base des projections portant sur les évolutions de la population active, le COR s'est ensuite attaché à déterminer le niveau d'emploi total à long terme, c'est-à-dire l'effectif des cotisants . Pour ce faire, le profil d'évolution de la population active a été couplé à des hypothèses de taux de chômage à long terme - soit 4,5 % ou 7 % selon les scénarii considérés. Ainsi, il est supposé que l'économie retournerait progressivement vers son équilibre - qui correspond à la pleine utilisation des facteurs de production, approchée à travers la notion de PIB potentiel - permettant au chômage d'atteindre son équilibre de long terme.

Tableau n° 15 : Emploi total et taux de chômage de long terme

2030

2040

2060

Nombre d'actifs (en milliers)

30 143

30 427

31 238

Emploi total (en milliers)

4,5 %

28 787

29 058

29 832

7 %

28 033

28 297

29 051

Sources : calculs de la commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE (2010) et des hypothèses du Conseil d'orientation des retraites (2012)

Toutefois, il est important de souligner que le niveau de chômage de long terme doit être interprété comme une valeur moyenne sur trente ou quarante ans et non comme le niveau minimum auquel il faudrait parvenir . En effet, sur des projections de si long terme - qui sont nécessairement entourées d'importantes incertitudes - les scénarii élaborés ne sauraient prendre en compte les cycles conjoncturels futurs. A cet égard, il est possible de rappeler qu'en 2001, la direction de la prévision du ministère de l'économie retenait une hypothèse de chômage structurel de 4,5 % 17 ( * ) et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) de 5 % 18 ( * ) .

Le graphique ci-après permet d'illustrer la démarche suivie afin de déterminer, à partir des projections démographiques, les évolutions possibles de l'emploi total et, par conséquent, du nombre de cotisants du système de retraites.

Graphique n° 16 : Les populations dans les projections du COR

Projections démographiques
(fécondité, mortalité, migrations)

Population totale

Population active tendancielle

Nombre de retraités

Equilibre économique*

Emploi total

Equilibre des régimes de retraite

* Par « équilibre économique » sont désignées les hypothèses rattachées au retour de l'économie à son équilibre, à savoir le taux de chômage de long terme et le taux de croissance de la productivité apparente du travail à l'équilibre.

Source : Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (2003) 19 ( * )

c) La productivité du travail et évolutions des salaires

Enfin, l'évolution des ressources des régimes de retraite dépend également de celle du salaire moyen des cotisants. Sur le long terme, il est supposé que le salaire réel par tête évolue avec la productivité apparente du travail par tête 20 ( * ) - ce qui explique l'importance des hypothèses relatives à la progression de la productivité. Les trois scénarii principaux du COR retiennent donc des hypothèses de croissance de la productivité très différentes - comprises entre 1,3 % et 1,8 %, prenant en compte notamment les effets induits par la crise économique :

- dans le scénario A, le taux de croissance annuel de la productivité est supposé égal 1,8 % sur le long terme, ce qui correspond à l'évolution moyenne observée entre le début des années 1990 et l'immédiat avant-crise ;

- dans le scénario B, l'hypothèse de croissance de la productivité retenue est de 1,5 % à long terme, soit l'évolution moyenne observée depuis le début des années 2000 jusqu'au déclenchement de la crise ;

- dans le scénario C, il est tenu compte d' effets négatifs durables de la dégradation de la conjoncture depuis 2010 en raison de la crise . Par conséquent, les gains de productivité seraient alors durablement amoindris et se stabiliseraient à 1,3 % par an.

A titre indicatif, les taux d'évolution de la productivité horaire apparente du travail constatés au cours des trois décennies passées sont repris dans le tableau ci-après.

Tableau n° 17 : Evolution de la productivité horaire apparente du travail
en France (1980-2012)

(évolution, en %)

1980-1989

1990-1999

2000-2007

2008

2009

2010

2011

2012

2,6

1,9

1,4*

-0,8

-0,4

1,0

1,4

0,4

* Sur la période 2001-2007, l'évolution moyenne de la productivité apparente du travail a été de 1,6 % par an.

Sources : calculs de la commission des finances du Sénat (donnée de l'INSEE, 2011 21 ( * ) et 2013)

2. Les perspectives financières du système de retraites

Les perspectives financières du système de retraite présentées dans le rapport précité du COR ont été construites à partir des projections réalisées par 33 des principaux régimes de base et complémentaires ainsi que de celles du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) . Les projections des différents régimes ont été réalisées avec leurs modèles respectifs, sur la base des hypothèses qui viennent d'être présentées. Aussi ces données permettent-elles d' approcher les besoins de financement à court, moyen et long termes du système de retraites .

C'est à partir des projections du COR qu'a été pensé et élaboré le présent projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites . Toutefois, celles-ci ont dû, à cet effet, être actualisées afin de prendre en compte les prévisions macroéconomiques les plus récentes, mais également l'accord AGIRC-ARRCO intervenu en mars 2013.

Tableau n° 18 : Régimes de retraite participant à l'exercice de projections du COR en 2012

Régimes de salariés du secteur privé et de contractuels du secteur public

Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Régime des salariés agricoles (MSA salariés)

ARRCO, AGIRC, IRCANTEC

Régimes de fonctionnaires

Fonction publique d'Etat : service des Retraites de l'Etat (SRE)

Fonction publique hospitalière et territoriale (CNRACL)

Régime additionnel de la fonction publique (RAFP)*

Régimes de non-salariés

Artisans et commerçants : régime social des indépendants (RSI) et complémentaires des indépendants (RCI)

Non-salariés agricoles : régime de base de complémentaire (RSA non-salariés)

Professions libérales : régime de base (CNAVPL) et régimes complémentaires (CIPAV, CARPIMKO, CARMF, CARCDSF, CAVP - partie en répartition -, CAVEC, CAVAMAC, CARPV, CRN, CAVOM)

Avocats : Caisse nationale du barreau français (CNBF), base et complémentaire

Régimes spéciaux

Banque de France, CNIEG (industries électriques et gazières), CRPCEN (clercs et employés de notaire), ENIM (marins), FSPOEIE (ouvriers de l'Etat), Retraite des mines, SNCF, RATP

* Les projections du RAFP, qui est un régime en capitalisation, sont considérées à part et non prises en compte notamment dans les projections du solde financier de l'ensemble du système de retraite.

Source : Conseil d'orientation des retraites (2012)

a) Les besoins de financement à court et moyen termes

Le COR estime que la « situation financière des régimes de retraite serait marquée par le contexte macroéconomique dégradé lié à la poursuite de la crise jusqu'en 2013, puis par l'amélioration progressive escomptée pendant tout le reste de la décennie jusqu'en 2020 ». Aussi tous les scénarii, sur la période 2012-2017, retiennent-ils une trajectoire commune, correspondant aux prévisions pluriannuelles du PLFSS pour 2013 - qui sont les mêmes que celles retenues dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2013.

Tableau n° 19 : Hypothèses retenues dans les prévisions pluriannuelles
du PLFSS pour 2013

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PIB en volume

0,3 %

0,8 %

2,0 %

2,0 %

2,0 %

2,0 %

Masse salariale privée en valeur

2,5 %

2,3 %

4,0 %

4,0 %

4,0 %

4,0 %

Inflation

2,0 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Source : RESF annexé au PLF pour 2013

Dans ces conditions, le besoin de financement croîtrait régulièrement au cours des premières années de la projection, passant de 13,2 milliards d'euros en 2011 à 20,2 milliards d'euros en 2017 22 ( * ) - soit respectivement 0,7 et 0,9 point de PIB.

Tableau n° 20 : Solde financier du système de retraites
(hors produits et charges financières)

En % du PIB

2011

2014

2017

2020

Tous régimes

(rendements AGRIC-ARRCO constants)

Scénario A

-0,7 %

-0,9 %

-0,9 %

-0,9

Scénario B

-0,9

Scénario C

-0,9

Scénario A'

-0,9

Scénario C'

-1,0

En milliards d'euros 2011

2011

2014

2017

2020

Tous régimes

(rendements AGRIC-ARRCO constants)

Scénario A

-13,2

-17,7

-20,2

-20,2

Scénario B

-20,9

Scénario C

-21,3

Scénario A'

-19,8

Scénario C'

-21,9

Source : Conseil d'orientation des retraites (2012)

Ainsi, il apparaît que, même à court et moyen termes, les besoins en financement du système de retraites sont importants, justifiant l'économie globale de la réforme proposée par le présent projet de loi qui prévoit des mesures de court terme - visant à rétablir l'équilibre en 2020 - ainsi que des mesures assurant l'équilibre du système sur le long terme.

b) Les besoins de financement à long terme

A long terme, les scénarii du COR prévoient que les effets directs de la crise économique sur ressources du système de retraites seraient atténués. Par conséquent, les projections réalisées dépendent essentiellement des hypothèses macroéconomiques retenues - soit celles portant sur la croissance de la productivité du travail et le chômage de long terme 23 ( * ) .

Il faut également préciser que, pour les dépenses de retraite, les hypothèses relatives au rendement des régimes AGIRC-ARRCO présentent une grande importance. Selon que ce rendement est constant ou croissant, l'évolution de la masse des prestations est plus ou moins dynamique 24 ( * ) .

Tableau n° 21 : Solde financier du système de retraites
(hors produits et charges financières)

En % du PIB

2011

2020

2030

2040

2050

2060

Tous régimes

(rendements AGRIC-ARRCO constants)

Scénario A

-0,7 %

-0,9

-0,7

-0,5

-0,1

0,1

Scénario B

-0,9

-0,9

-0,9

-0,9

-0,7

Scénario C

-0,9

-1,4

-1,6

-1,5

-1,5

Scénario A'

-0,9

-0,6

-0,2

0,3

0,5

Scénario C'

-1,0

-1,8

-2,4

-2,6

-2,7

Tous régimes

(rendements AGRIC-ARRCO décroissants)

Scénario A

-0,7 %

-0,8

-0,5

-0,0

0,6

1,2

Scénario B

-0,9

-0,9

-0,7

-0,2

0,2

Scénario C

-0,9

-1,4

-1,4

-1,1

-0,7

Scénario A'

-0,8

-0,4

0,3

1,1

1,8

Scénario C'

-0,9

-1,8

-2,2

-2,2

-2,1

En milliards d'euros 2011

2011

2020

2030

2040

2050

2060

Tous régimes

(rendements AGRIC-ARRCO constants)

Scénario A

-13,2

-20,2

-20,2

-15,5

-2,9

6,3

Scénario B

-20,9

-26,1

-28,9

-25,9

-26,0

Scénario C

-21,3

-38,1

-48,9

-53,5

-60,7

Scénario A'

-19,8

-16,7

-6,5

12,7

28,6

Scénario C'

-21,9

-47,7

-69,0

-83,5

-99,5

Tous régimes

(rendements AGRIC-ARRCO décroissants)

Scénario A

-13,2

-19,5

-15,5

-1,7

26,6

61,2

Scénario B

-20,5

-23,7

-21,5

-8,0

10,0

Scénario C

-20,8

-36,2

-42,9

-38,6

-30,4

Scénario A'

-19,3

-10,7

11,6

50,4

97,4

Scénario C'

-21,6

-46,2

-64,0

-71,3

-74,9

Source : Conseil d'orientation des retraites (2012)

Selon les projections réalisées, le solde du système de retraites en 2060 serait compris, en fonction du scénario retenu, entre 97,4 milliards d'euros et -99,5 milliards d'euros 25 ( * ) . La diversité de ces résultats montre bien la grande sensibilité de la situation financière de long terme des régimes de retraite aux évolutions économiques .

3. La projection retenue retenu dans le cadre de la réforme

Dans le cadre du présent projet de loi, le Gouvernement a choisi de retenir le scénario B établi par le COR 26 ( * ) . Celui-ci repose sur une hypothèse de croissance annuelle de productivité du travail de 1,5 % , soit l'évolution moyenne observée depuis le début des années 2000 jusqu'au déclenchement de la crise, ainsi que sur une hypothèse de chômage de long terme de 4,5 % .

Tableau n° 22 : La révision des hypothèses macroéconomiques
pour la période 2013-2017

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Hypothèses retenues dans le cadre du PLFSS pour 2013*

PIB en volume

0,3 %

0,8 %

2,0 %

2,0 %

2,0 %

2,0 %

Masse salariale privée en valeur

2,5 %

2,3 %

4,0 %

4,0 %

4,0 %

4,0 %

Inflation

2,0 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Hypothèses retenues dans le cadre du PLF pour 2014

PIB en volume

0,0 %

0,1 %

0,9 %

1,7 %

2,0 %

2,0 %

Masse salariale privée en valeur

1,7 %

1,3 %

2,2 %

3,5 %

4,0 %

4,0 %

Inflation

1,9 %

0,8 %

1,3 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

* Il s'agit des hypothèses retenues par le COR dans ses projections à court terme ( cf. supra )

Source : RESF annexés aux PLF pour 2013 et 2014

Toutefois, le Gouvernement a été amené à réactualiser la projection de la trajectoire financière du système de retraites afin de prendre en compte les hypothèses macroéconomiques ( cf. tableau ci-avant) ainsi que l'accord AGIRC-ARRCO de mars 2013.

Tableau n° 23 : Trajectoire actualisée du solde du système de retraites

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Scénario B du COR

-17,7

-20,9

-26,1

-28,9

Trajectoire actualisée

-19,1

-20,7

-24,2

-26,6

dont régimes de base non équilibrés par une subvention (1)

-8,8

-7,6

-8,7

-13,0

dont régimes de base équilibrés par une subvention (2)

-5,9

-8,7

-7,7

-4,4

dont régimes complémentaires (3)

-4,3

-4,4

-7,8

-9,2

(1) CNAV, MSA, RSI, CNRACL, FSV, etc.

(2) régime des pensions de l'Etat, de la SNCF, de la RATP et des Mines.

(3) Pour l'essentiel, l'AGIRC et l'ARRCO

Source : étude d'impact du présent projet de loi

Il apparait donc qu' en l'absence de réforme, le besoin de financement du système de retraites atteindrait 19,1 milliards d'euros en 2014 et pèserait fortement à moyen et long termes sur les finances publiques, celui-ci devant s'élever à 26,6 milliards d'euros à l'horizon 2040 . Dans ces conditions, la réforme du système de retraites constitue un enjeu majeur pour les finances publiques.

B. LA RÉFORME DU SYSTÈME DE RETRAITES ET LA CONSOLIDATION DES FINANCES PUBLIQUES

En plus d'assurer la pérennité du système de retraites, la réforme portée par le projet de loi garantissant l'avenir du système de retraites participera pleinement à la consolidation des finances publiques . Par des mesures de court-moyen terme, elle contribuera au respect de la trajectoire des finances publiques sur la période de programmation 2012-2017. En outre, les mesures de long terme permettront une meilleure soutenabilité des finances publiques à long terme .

1. Une pleine participation au respect de la trajectoire des finances publiques
a) La trajectoire des finances publiques sur la période 2012-2017

La trajectoire des finances publiques est définie dans le cadre des engagements européens de la France : elle doit respecter tout à la fois les règles du pacte de stabilité et de croissance (PSC) et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

(1) Le retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2015

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC), dont les modalités sont précisées dans le protocole n° 12 annexé au traité sur l'Union européenne (TUE) relatif aux déficits excessifs, interdit aux Etats membres d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB et une dette publique excédant 60 % du PIB . A cet effet, il comporte un volet dit « préventif » - qui impose aux Etats membres de poursuivre un objectif de moyen terme (OMT) défini en termes de solde structurel - et un volet dit « correctif » 27 ( * ) .

Aussi est-ce dans le cadre du volet « correctif » que la France fait l'objet, sur décision du Conseil de l'Union européenne, d'une procédure de déficit excessif (PDE) depuis 2009 . Au titre de cette dernière, il était prévu que la France ramène son déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2013. Toutefois, compte tenu de la « forte détérioration de la position budgétaire due à une position globale de l'économie moins favorable que celle sur laquelle se fonde la recommandation du Conseil de 2009 », la Commission a proposé le 29 mai dernier d'accorder à la France une prolongation jusqu'à 2015 du délai pour corriger son déficit excessif 28 ( * ) . Cette position a été validée par le Conseil de l'Union européenne le 21 juin 2013.

Ce report de deux années de la procédure de déficit excessif s'est accompagné de recommandations du Conseil s'agissant de la trajectoire de solde public de la France jusqu'à 2015 . Elles comprennent des cibles de déficit effectif ainsi que des objectifs d'ajustement du solde structurel.

Tableau n° 24 : Recommandations du Conseil concernant la trajectoire des finances publiques dans le cadre de la procédure de déficit excessif

(en % du PIB)

2013

2014

2015

Cibles de déficit excessif

3,9

3,6

2,8

Objectifs d'ajustement structurel

1,3

0,8

0,8

Source : Conseil de l'Union européenne (2013)

Ainsi, la France devra s'attacher à respecter les cibles de déficit excessif préconisées par le Conseil de l'Union européenne . Si ces dernières n'étaient pas atteintes et que les objectifs d'ajustement structurel n'étaient pas remplis, la France s'exposerait à l'application de sanctions pouvant atteindre 0,2 % du PIB ; à cet égard, il faut rappeler que, depuis l'adoption du « six-pack », les sanctions sont généralement adoptées à la majorité qualifiée inversée (MQI) du Conseil de l'Union européenne 29 ( * ) .

(2) La trajectoire de solde structurel définie pour la période 2012-2017
(a) Le solde structurel, nouvelle « norme » des finances publiques

En dépit du maintien de la « règle des 3 % » concernant le déficit public effectif, les évolutions récentes du cadre budgétaire européen ont fait du solde structurel la nouvelle norme des politiques budgétaires . Ainsi, même dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance (PSC), un Etat faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif ne saurait être sanctionné dès lors qu'il a réalisé les ajustements du solde structurel recommandés par le Conseil de l'Union européenne.

Il s'agit de mieux concilier consolidation budgétaire et maintien de l'activité économique . En effet, les réductions de déficits publics sont susceptibles d'avoir des effets importants sur la croissance. A ce titre, il faut rappeler que la stagnation de l'activité économique constatée en 2012 avait résulté en grande partie d'une réduction rapide et simultanée des déficits publics des pays de la zone euro.

C'est pourquoi il a été jugé préférable de définir une règle d'équilibre définie en termes de solde structurel 30 ( * ) . Cette évolution a été consacrée avec l'adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire européenne, entré en vigueur le 1 er janvier 2013.

En application de ce traité, les Etats doivent se doter d'un objectif de moyen terme (OMT) de déficit structurel et, à cette fin, s' engager à suivre une trajectoire de solde structurel .

De manière à garantir le respect de cette trajectoire, le TSCG leur impose d'instituer un mécanisme de correction qui « est déclenché automatiquement si les écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation ». La notion d'« écart important » est définie par le volet préventif du pacte de stabilité comme correspondant à un écart d'au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée, ou d'au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives .

En France, le traité a été transposé par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 31 ( * ) qui précise le contenu des lois de programmation des finances publiques , celles-ci devant notamment définir la trajectoire de solde structurel ( cf . infra ), et les modalités d'application du mécanisme de correction .

Ainsi, l'article 23 de la loi organique précitée prévoit qu'en vue du dépôt du projet de loi de règlement , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants 32 ( * ) « que font apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques ». Lorsque de tels écarts sont identifiés, le Gouvernement doit en exposer les raisons dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement. Puis il doit présenter les mesures de correction envisagées dans le rapport remis dans la perspective du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) et tenir compte de l'écart important ainsi constaté au plus tard dans le prochain projet de loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale de l'année.

(b) La trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

La trajectoire de solde structurel retenue par la France a été précisée par la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 33 ( * ) .

L'objectif à moyen terme (OMT) retenu par la France est l'équilibre structurel ( cf . tableau ci-après).

Tableau n° 25 : Evolution du solde effectif et du solde structurel prévue par la LPFP 2012-2017

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde effectif

-4,5

-3,0

-2,2

-1,3

-0,6

-0,3

Solde structurel

-3,6

-1,6

-1,1

-0,5

0,0

0,0

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Toutefois, la forte dégradation de la conjoncture au cours de l'année 2012 a rendu nécessaire une révision des hypothèses macroéconomiques pour les années 2013 à 2015 . Ces hypothèses révisées ont été précisées dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2014.

Tableau n° 26 : Principales hypothèses du scénario macroéconomique du projet de loi de finances pour 2014

(évolution, en %)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PIB en volume

0,0

0,1

0,9

1,7

2,0

2,0

Déflateur du PIB

1,5

1,6

1,4

1,7

1,7

1,7

Inflation

1,9

0,8

1,3

1,75

1,75

1,75

Masse salariale privée

1,7

1,3

2,2

3,5

4,0

4,0

PIB potentiel

1,3

1,4

1,5

1,5

1,6

1,6

Source : RESF annexé au PLF pour 2014

En conséquence, les prévisions d'évolution du solde effectif et du solde structurel pour la période de programmation ont également été revues dans le cadre du PLF pour 2014.

Tableau n° 27 : Evolution du solde effectif et du solde structurel prévue dans le cadre du PLF pour 2014

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde effectif

-4,8

-4,1

-3,6

-2,8

-1,7

-1,2

Solde structurel

-3,9

-2,6

-1,7

-0,9

-0,2

0,0

Source : RESF annexé au PLF pour 2014

Force est donc de constater que la révision de la trajectoire des finances publiques - imposée par les évolutions de la conjoncture économique - n'a pas conduit à une remise en question de l'atteinte de l'objectif de moyen terme (OMT) de solde structurel sur laquelle la France s'est engagée , à savoir l'équilibre structurel à la fin de la période de programmation. Par ailleurs, la nouvelle trajectoire répond aux obligations découlant de la procédure de déficit excessif (PDE) et permet un retour du déficit public effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015.

b) La part de la réforme du système de retraites dans le respect de la trajectoire

Afin de respecter cette trajectoire vers l'équilibre structurel en 2017, le Gouvernement a prévu un ajustement structurel - soit une réduction du déficit structurel - à hauteur de 0,9 point de PIB en 2014 . Celui-ci repose sur un effort structurel 34 ( * ) de même niveau comprenant un effort en recettes de 0,2 point de PIB et un effort en dépenses de 0,7 point de PIB.

Il apparaît que les mesures prévues dans le cadre de la réforme du système de retraites représentent une part substantielle de l'effort structurel prévu au titre de l'exercice 2014 .

Ainsi l'effort en recettes de 2,7 milliards d'euros programmé en 2014 repose-t-il en grande partie sur les mesures nouvelles entrant dans le périmètre de la réforme 35 ( * ) - à savoir principalement les hausses des cotisations de retraite et la suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu des majorations de pensions - dont l'impact est évalué à 3,4 milliards d'euros ( cf. tableau ci-après).

Tableau n° 28 : Impact des dispositions en recettes pour l'année 2014

(en milliards d'euros)

Mesures en recettes prévues pour 2014

2,7

Pérenniser notre modèle social

5,9

Réformer les retraites

3,4

Hausse des cotisations de retraite (salariés)

1,05

Hausse des cotisations de retraite (employeurs)

1,05

Suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu des majorations de pensions

1,2

Mesures agricoles

0,1

Rénover la politique familiale et éducative

1,5

Financer la généralisation des complémentaires santé

1,0

Encourager la croissance, la compétitive et l'emploi

-3,4

Soutenir le pouvoir d'achat et l'accès au logement

-1,5

Réussir la transition écologique

0,5

Lutter contre la fraude et l'optimisation fiscale

1,8

Autres

-0,6

Source : RESF annexé au PLF pour 2014

De même, s'agissant de l'effort en dépenses, sur les 15 milliards d'euros d'économies prévus en 2014, 800 millions d'euros résulteront du report du 1 er avril au 1 er octobre de la date de revalorisation des pensions en fonction de l'inflation .

Au total, les mesures en recettes et en dépenses prévues dans le cadre de la réforme du système de retraites devraient contribuer à hauteur de 4,1 milliards d'euros environ à l'ajustement des finances publiques en 2014 . En outre, cette dernière continuerait à participer à l'effort de consolidation budgétaire au cours de la période de programmation ; à cet égard, l'impact des mesures de redressement atteindrait 8,1 milliards d'euros à l'horizon 2020 ( cf. tableau ci-après).

2. Une meilleure soutenabilité des finances publiques à long terme

Enfin, la réforme du système de retraites permettrait de renforcer la soutenabilité des finances publiques à long terme . L'impact du vieillissement de la population sur les finances publiques devrait être, sur le long terme, plus faible pour la France que pour la plupart des États membres de l'Union européenne - le coût actualisé du vieillissement devrait être de 0,9 point de PIB en France, contre une moyenne de 2,2 en moyenne dans l'Union européenne ( cf. graphique ci-après) -, en raison notamment d'une fécondité élevée et de la montée en charge progressive des réformes des retraites déjà engagées. Pour autant, les projections réalisées à partir des travaux du COR présentées précédemment mettent en évidence les besoins importants de financement à long terme du système de retraites 36 ( * ) .

Graphique n° 29 : Coût actualisé du vieillissement en Europe

(en % du PIB)

Source : RESF annexé au PLF pour 2014

C'est pourquoi le présent projet de loi comporte des mesures de long terme qui permettront de préserver l'équilibre financier du système de retraites à l'horizon 2040 ; il s'agit notamment de la mesure d'allongement de la durée d'assurance après 2020, qui viendra s'ajouter aux autres mesures de redressement déjà mentionnées dont les effets seraient croissants avec le temps ( cf. tableau ci-après).

Ainsi, à l'horizon 2040, la réforme du système des retraites prévoit des économies à hauteur de 13,3 milliards d'euros et des recettes supplémentaires de 8,4 milliards d'euros 37 ( * ) . S'il est tenu compte des mesures de justice - en particulier la prise en compte de la pénibilité et de la fragilité de certains assurés -, le gain net de la réforme est estimé à 18,6 milliards d'euros en 2040 . A cet égard, le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2014 indique qu'« au total, les volets dépenses et recettes de la réforme des retraites des régimes de base présentée par le Gouvernement conduisent à améliorer la soutenabilité de 0,5 point de PIB de manière actualisée, c'est-à-dire qu'elle est équivalente à une amélioration du solde structurel immédiate et pérenne de 0,5 point de PIB ».

Tableau n° 30 : Impact de la réforme sur l'ensemble des régimes de retraite

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Mesures de redressement à court-moyen terme

4,1

8,0

9,6

11,3


• Retraités

2,0

3,2

3,7

4,2

Report de l'indexation des pensions (1)

0,8

1,9

2,2

2,6

Fiscalisation des majorations de pension (2)

1,2

1,3

1,5

1,7


• Salariés : hausse de cotisations de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point de 2015 à 2017 (3)

1,1

2,3

2,8

3,4


• Entreprises : hausse de cotisations de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point de 2015 à 2017 (4)

1,1

2,3

2,8

3,4


• Economies de gestion (5)

0,2

0,3

0,3

Mesure d'allongement de la durée d'assurance après 2020 (6)

0,0

5,4

10,4

Total des mesures de redressement

4,1

8,1

15,0

21,6

dont économies (7)

0,8

2,1

7,9

13,3

dont recettes (8)

3,3

6,0

7,1

8,4

Mesures de justice et financement associé

0,0

0,0

-1,9

-3,0

Impact net des mesures

4,1

8,1

13,1

18,6

(7)=(1)+(5)+(6)

(8)=(2)+(3)+(4)

Source : calculs de la commission des finances (donnée du RESF annexé au PLF pour 2014)

DEUXIÈME PARTIE : LES MESURES GARANTISSANT L'AVENIR DU SYSTÈME DE RETRAITES PAR RÉPARTITION

Le présent projet de loi distingue un horizon temporel de court-moyen terme, jusqu'en 2020, et un horizon de long terme jusqu'en 2040. A court terme , le rééquilibrage des régimes de retraite de base devrait être assuré par des mesures de recettes et de moindres dépenses , tandis qu' à long terme l'allongement de la durée d'assurance doit permettre de corriger la trajectoire d'évolution des dépenses de l'ensemble du système de retraites. Mais la principale garantie d'un système de retraites par répartition pérenne réside dans la création d' un dispositif de pilotage crédible .

I. L'IMPACT FINANCIER GLOBAL DE LA RÉFORME

A. UN IMPACT FINANCIER SIGNIFICATIF SUR L'ENSEMBLE DU SYSTÈME DE RETRAITES

Le Gouvernement propose un retour à l'équilibre des comptes de l'ensemble des régimes de retraite de base d'ici 2020 . Le déficit du système de retraite pris dans son ensemble (y compris les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO) ne devrait pas disparaître mais serait divisé par quatre d'ici 2020, après prise en compte des subventions d'équilibre de l'Etat. Le tableau et le graphique ci-après retracent l'évolution du solde de l'ensemble des régimes de retraite avant et après la réforme.

Tableau n° 31 : Impact financier « tous régimes »* de la réforme

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Solde « tous régimes » avant réforme ** (1)

- 19,1

- 20,7

- 24,2

- 26,6

Solde « tous régimes » après réforme et avant équilibrage par l'Etat des régimes spéciaux (2)

- 15,0

- 12,7

- 11,2

- 7,9

Solde « tous régimes » (y compris AGIRC-ARRCO) après réforme et équilibrage par l'Etat des régimes spéciaux (3)

- 9,4

- 4,8

- 5,9

- 5,8

Solde « tous régimes » (hors AGIRC-ARRCO) après réforme et équilibrage par l'Etat des régimes spéciaux (4)

- 5,1

- 0,4

0,9

0,0

Impact net des mesures ***

4,1

8,1

13,1

18,6

* Régimes de base du privé, régimes spéciaux et régimes complémentaires obligatoires AGIRC et ARRCO.

** Après prise en compte de l'accord AGIRC-ARRCO du 13 mars 2013.

** Mesures du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, du projet de loi de finances pour 2014 et mesures réglementaires.

Source : étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Source : commission des finances, d'après les données de l'étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Le gain net de l'ensemble des mesures de la réforme , y compris les mesures réglementaires et les mesures prévues en projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014, devrait s'élever à 4,1 milliards d'euros en 2014, 8,1 milliards d'euros en 2020 et 18,6 milliards d'euros en 2040 . L'action combinée des mesures de court terme et de long terme proposées par le Gouvernement devrait permettre de combler les besoins de financement des régimes de retraite de base estimés à 7,6 milliards d'euros en 2020 et de 13 milliards d'euros en 2040.

B. UN IMPACT DIFFÉRENCIÉ SELON LES RÉGIMES DE RETRAITE

L' impact financier de la réforme proposée par le Gouvernement est différent selon les régimes de retraite . Les mesures de financement de court terme ont principalement pour but de résorber les déficits du régime général, du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et des autres régimes de retraite de base non équilibrés par une subvention de l'Etat 38 ( * ) .

Toutefois, les régimes spéciaux de retraite , qui couvrent pour l'essentiel les fonctionnaires de l'Etat et les salariés des entreprises publiques, ne sont pas exclus de la réforme . En particulier, les fonctionnaires civils et militaires de l'Etat sont concernés par la hausse des cotisations sociales ainsi que par l'allongement de la durée d'assurance.

En revanche, les régimes de retraite complémentaire obligatoires tels que l'association pour le régime de retraite des salariés (ARRCO), et l'association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) n'entrent pas dans le champ de la réforme . Bien que les résultats de ces régimes, financés par des prélèvements obligatoires, soient inclus dans le déficit et la dette des administrations publiques (APU) au sens de Maastricht, il s'agit de régimes conventionnels dont la gestion a un caractère paritaire et privé. A ce titre, il appartient en premier lieu aux partenaires sociaux de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur équilibre. Néanmoins, l'allongement de la durée d'assurance à compter de 2020 aura un impact indirect sur ces régimes.

1. L'impact financier de la réforme sur les régimes de retraite de base non subventionnés par l'Etat

Tandis que la réforme de 2010 tendait à négliger le régime général d'assurance vieillesse, la présente réforme concentre son action sur les régimes de base non subventionnés par l'Etat, dont le régime général.

Grâce aux mesures de financement de court terme prévues par la réforme 39 ( * ) , le déficit global de la CNAV, du FSV et des autres régimes de base devrait être presque intégralement comblé, passant de 8,8 milliards d'euros en 2014 à 300 millions d'euros en 2020 .

Tableau n° 32 : Impact financier de la réforme sur l'ensemble des régimes de base non subventionnés par l'Etat

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Solde avant réforme

- 8,8

- 7,6

- 8,7

- 13,0

Solde après réforme

- 5,0

- 0,3

0,9

0,0

Source : étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

L'impact financier de la réforme est particulièrement important pour le régime général : les mesures de financement de court et moyen terme devraient permettre de ramener le déficit de la CNAV de 3,3 milliards d'euros en 2013 à 1,2 milliards d'euros en 2014 et de rétablir l'équilibre de ses comptes en 2016.

Tableau n° 33 : Solde du régime général et du FSV

(en milliards d'euros 2011)

2012

2013

2014

avant réforme

2014

après réforme

2015

2016

2017

CNAV

- 4,8

- 3,3

- 3,7

- 1,2

- 0,6

0,0

0,6

FSV

- 4,1

- 2,7

- 3,7

- 3,2

- 3,0

- 2,6

- 1,9

Total

- 8,9

- 6

- 7,4

- 4,4

- 3,6

- 2,6

- 1,3

Source : dossier de presse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014

Le choix de réduire en priorité le déficit du régime général d'assurance vieillesse présente l'avantage de dégager des marges de manoeuvre pour réduire le déficit global de la sécurité sociale . L'amélioration des soldes de la CNAV et du FSV à partir de 2014 devrait en effet permettre d'intégrer les déficits de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs (CNAMTS) et de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) dans le champ de la reprise annuelle de dette de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) 40 ( * ) . Cette mesure sera examinée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

2. L'impact financier de la réforme sur les régimes spéciaux de retraite

Les principaux régimes spéciaux de retraite correspondent au régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat (FPE) et aux régimes spéciaux subventionnés par l'Etat - principalement les régimes de retraite de la RATP, de la SNCF, des mines et des marins. La réforme devrait permettre de réduire le déficit global de ces régimes de 300 millions d'euros dès 2014 et de 800 millions d'euros en 2020 , grâce à la hausse des cotisations et à l'allongement de la durée d'assurance.

Il convient de noter une spécificité importante des régimes de retraite des fonctionnaires de l'Etat, de la SNCF et de la RATP : l'Etat est dans l'obligation d'assurer l'équilibre financier de ces régimes 41 ( * ) . La constitution de déficit étant impossible, il convient de raisonner à partir du solde « apparent », c'est-à-dire avant équilibrage par l'Etat, soit par l'ajustement de sa contribution en tant qu'employeur pour les fonctionnaires, soit par le versement de subventions d'équilibre.

Tableau n° 34 : Impact financier de la réforme sur les régimes spéciaux *

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Solde « apparent » avant réforme

- 5,9

- 8,7

- 7,7

- 4,4

Solde « apparent » après réforme

- 5,6

- 7,9

- 6,3

- 2,1

Equilibrage par contributions et subventions de l'Etat

+ 5,6

+ 7,9

+ 6,3

+ 2,1

* Régimes de la fonction publique d'Etat, de la RATP, de la SNCF et des mines.

Source : étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Le présent projet de loi ne contient pas de mesure visant spécifiquement les régimes spéciaux de retraite . S'agissant du régime de la fonction publique d'Etat, la réforme de 2010 a confirmé le mouvement de convergence avec le régime général des salariés du privé, en prévoyant un alignement progressif des taux de cotisation 42 ( * ) et en supprimant plusieurs dispositifs, telle que la possibilité de départ anticipé pour les parents de trois enfants ayant effectué quinze ans de service. Ces mesures de convergence commencent seulement à produire leurs effets 43 ( * ) ; il apparaît donc prématuré de prévoir de nouvelles mesures spécifiques pour ces régimes.

Il en est de même pour les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP : les mesures d'âge prévues par la réforme de 2010 ne s'appliqueront qu'à partir du 1 er janvier 2017 afin de respecter le rythme initial de montée en charge de la réforme de 2008, qui a déjà permis une diminution notable du nombre de départs à la retraite.

3. Un impact seulement indirect sur les régimes de retraite complémentaire obligatoires

La réforme proposée par le Gouvernement aura un effet indirect, à moyen terme, sur les régimes de retraite complémentaire obligatoires . L'allongement de la durée d'assurance, à partir de 2020, pour les salariés affiliés au régime général entraînera mécaniquement un allongement de la durée d'assurance aux régimes complémentaires obligatoires et donc une progression de leurs recettes.

Tableau n° 35 : Impact financier de la réforme sur les régimes complémentaires obligatoires

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Solde avant réforme

- 4,3

- 4,4

- 7,8

- 9,1

Solde après réforme

- 4,3

- 4,4

- 5,8

- 5,8

Source : étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Si des mesures courageuses ont été prises par les partenaires sociaux pour limiter les déficits des régimes complémentaires AGIRC et ARRCO 44 ( * ) d'ici 2017, votre rapporteur pour avis considère que la situation de ces régimes doit continuer de faire l'objet d'un suivi attentif par les pouvoirs publics .

II. CONSOLIDER LA SITUATION FINANCIÈRE DES RÉGIMES DE BASE À L'HORIZON 2020 SANS OBÉRER LA REPRISE

A. LA PARTICIPATION DES ACTIFS ET DES EMPLOYEURS AU REDRESSEMENT DES COMPTES DU SYSTÈME DE RETRAITES

1. Une hausse mesurée des cotisations vieillesse déplafonnées

Le Gouvernement a annoncé, dans le cadre de la présente réforme, une hausse progressive des cotisations vieillesse déplafonnées à partir de 2014 . Les modalités de cette hausse seront fixées par décret, selon les principes suivants pour les salariés du secteur privé :

- une hausse de 0,15 % en 2014 des parts salariales et patronales de cotisation déplafonnée, soit 0,30 % d'augmentation globale de cotisation;

- une hausse de 0,05 % des parts salariales et patronales de cotisation déplafonnée les trois années suivantes , soit 0,30 % d'augmentation globale de cotisation vieillesse entre 2015 et 2017.

Au total, d'ici 2017, les taux de cotisation déplafonnées des actifs et des employeurs seront augmentés de 0,30 % chacun .

La hausse prévue ne s'applique pas aux cotisations vieillesse plafonnées , calculées sur la base du salaire brut dans la limite du plafond annuel fixé par la sécurité sociale 45 ( * ) , mais aux cotisations déplafonnées, qui portent sur la totalité du salaire . Ainsi, les salariés qui perçoivent des rémunérations supérieures au plafond de la sécurité sociale contribueront pleinement à l'effort de redressement des comptes.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu'une hausse des cotisations vieillesse plafonnées est intervenue en 2012 (+ 0,20 % répartis à part égale entre le salarié et l'employeur) pour financer l'élargissement des possibilités de départ à la retraite à 60 ans pour carrière longue 46 ( * ) , conformément à l'engagement du Président de la République. Afin de financer l'intégralité de cette mesure, dont le coût est estimé à 3 milliards d'euros à l'horizon 2017, les cotisations vieillesse plafonnées augmenteront de 0,05 % par an entre 2013 et 2016, pour la part salariale comme pour la part patronale. Au total, les taux de cotisation vieillesse plafonnés des actifs et des employeurs auront été augmentés de 0,25 % chacun entre 2012 et 2016 .

Tableau n° 36 : Evolution des taux de cotisation vieillesse du régime général de base

(en % des rémunérations brutes)

Cotisation plafonnée

(rémunération sous le PASS)

Cotisation déplafonnée

(sur la totalité des rémunérations)

Salariale

Patronale

Salariale

Patronale

2012

6,65

8,30

0,10

1,60

2013

6,75

8,40

0,10

1,60

2014

6,80

8,45

0,25

1,75

2015

6,85

8,50

0,30

1,80

2016

6,90

8,55

0,35

1,85

2017

6,90

8,55

0,40

1,90

Source : commission des finances, d'après les données de la CNAV

L'ampleur de la hausse de cotisations annoncée par le Gouvernement est à la fois mesurée pour les actifs et proportionnée aux besoins de financement . L'augmentation de 0,15 % en 2014 ne représentera que 2,15 euros par mois pour une personne rémunérée au SMIC et 3,75 euros pour un salarié gagnant 2 500 euros par mois.

L'application de la hausse de cotisation salariale dans la fonction publique

Comme les salariés du secteur privé, les fonctionnaires et les assurés des régimes spéciaux verront leurs cotisations vieillesse augmenter de 0,3 % d'ici 2017 mais selon des modalités différentes.

S'agissant des fonctionnaires, la hausse de cotisation salariale sera échelonnée différemment dans le temps. En application de la loi portant réforme des retraites de 2010, il est prévu que les taux de cotisation vieillesse des fonctionnaires augmentent en effet chaque année de 0,27 % par an jusqu'en 2020. De plus, les fonctionnaires sont concernés par l'augmentation de 0,25 % entre 2012 et 2016, prévue par le décret du 2 juillet 2012 instaurant la retraite à 60 ans au titre des carrières longues.

Afin de lisser l'impact cumulé de ces augmentations de cotisation sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires, le Gouvernement a indiqué que la hausse de 0,3 % entre 2014 et 2017 se décomposerait de la façon suivante pour les fonctionnaires :

- une hausse de 0,06 % en 2014 ;

- des hausses de 0,08 % les trois années suivantes .

Ainsi, le taux de cotisation salariale des fonctionnaires sera de 9,08 % en 2014 et atteindra 10,80 % en 2020 , soit un niveau équivalent à celui des salariés du secteur privé (en tenant compte des cotisations au régime de base et au régime complémentaire obligatoire).

S'agissant de l'Etat employeur , celui-ci ne versant pas de cotisation mais une contribution visant à équilibrer le régime de la fonction publique d'Etat, il n'est pas concerné par la hausse de 0,3 %. Selon le projet de loi de finances pour 2014, son taux de contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » s'élèvera à 74,28 % en 2014, soit un taux identique à celui de 2013.

Tout en ayant un impact limité sur le pouvoir d'achat des actifs et sur les charges des entreprises, cette mesure se traduira par une recette supplémentaire de 2,2 milliards d'euros dès 2014 et de 4,6 milliards d'euros en 2020 pour les régimes de retraite concernés.

Tableau n° 37 : Rendement attendu de la hausse des cotisations vieillesse déplafonnées

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Salariés

1,1

2,3

2,8

3,4

Entreprises

1,1

2,3

2,8

3,4

Total

2,2

4,6

5,6

6,8

Source : étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Enfin, le recours aux cotisations présente l'avantage d'être lisible pour les actifs et cohérent avec la logique assurantielle du régime de retraite . Partant de ce constat, la commission pour l'avenir des retraites avait proposé une hausse de 0,1 à 0,2 point par an des cotisations vieillesse déplafonnées pendant quatre ans, répartie à parts égales entre salariés et employeurs.

2. Une hausse de cotisations qui ne dégradera pas la compétitivité des entreprises

Le Premier ministre a annoncé, le 27 août 2013, que la hausse des cotisations vieillesse prévue en 2014 serait compensée afin de ne pas augmenter le coût du travail pour les entreprises. Cette compensation prendra la forme d'une diminution du taux de cotisation patronale versée à la branche famille de la sécurité sociale . Actuellement de 5,40 %, le taux de la cotisation famille devrait être ramené à 5,25 % en 2014, soit une baisse de 0,15 point.

L'article 39 du projet de loi de finances pour 2014 prévoit que la perte de recettes qu'entraîne cette baisse du taux de cotisation pour la branche famille de la sécurité sociale, estimée à 1 050 millions d'euros, sera intégralement compensée par le budget de l'Etat .

Le dispositif proposé par le Gouvernement apparaît doublement pertinent :

- du point de vue économique. L'économie française a enregistré un regain de croissance du PIB au deuxième trimestre 2013 (+ 0,5 %) mais la reprise est encore fragile. Selon l'INSEE, la croissance devrait rester nulle au troisième trimestre puis à nouveau progresser. Dans ce contexte, la neutralisation de la hausse des cotisations vieillesse en 2014 permettra de ne pas peser sur le coût du travail et donc sur l'emploi ;

- du point de vue de l'objectif de clarification du financement de la protection sociale . Dans son rapport d'étape publié en juin 2013, le Haut conseil du financement de la protection sociale a mis en exergue la question du financement de la branche famille. Celui-ci relève la « dissymétrie » existant entre des prestations familiales aujourd'hui ouvertes à toutes les familles résidant en France et une structure de financement reposant à 65 % sur les cotisations sociales des employeurs 47 ( * ) . Le choix de baisser le taux de cotisation famille pour compenser la hausse des cotisations vieillesse apparaît cohérent avec la volonté du Gouvernement de clarifier le financement de la protection sociale dans son ensemble.

Les travaux du Haut conseil du financement de la protection sociale

Créé par le décret n° 2012-428 du 29 mars 2012 et placé directement auprès du Premier ministre, le Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS) est chargé de mener « des travaux sur les moyens d'assurer, pour la protection sociale, en cohérence avec les prestations qu'elle couvre, un financement pérenne, favorable au développement et à la compétitivité de l'économie française, compatible avec les impératifs de solidarité et d'équilibre des finances sociales, dans le respect de la trajectoire des finances publiques ».

Dans le cadre de son rapport d'étape, publié en juin 2013, le Haut conseil du financement de la protection sociale a présenté trois scénarios de clarification du financement des branches famille et vieillesse de la sécurité sociale :

- un premier scénario consistant à procéder à une réduction des cotisations sociales à la charge des employeurs au titre du financement de la branche famille, en contrepartie d'une hausse de ces cotisations aux régimes de retraite de base. Parallèlement, des impôts et taxes aujourd'hui affectés à la CNAV seraient transférés à la CNAF ;

- un deuxième scénario consistant à clarifier l'affectation des recettes fiscales entre les branches famille et maladie, mais sans accroître le poids des cotisations sociales dans le financement de cette dernière. Cela pourrait être obtenu en transférant comme dans le scénario précédent des cotisations sociales patronales de la branche famille vers la branche vieillesse, puis des impôts et taxes de la branche vieillesse vers la branche maladie, et en restituant enfin à la CNAF des prélèvements à assiette large et sans visée comportementale aujourd'hui affectés à la branche maladie (CSG et TVA) ;

- un troisième scénario consistant à substituer de la CSG aux cotisations sociales à la charge des employeurs dans le financement de la branche famille, sans perte de rémunération nette pour les salariés.

Le HCFi-PS remettra son rapport définitif à l'automne 2013.

Source : Haut conseil du financement de la protection sociale, « Rapport d'étape sur la clarification et la diversification du financement des régimes de protection sociale », juin 2013

B. LA PARTICIPATION DES RETRAITÉS : PRÉSERVER LE LIEN INTERGÉNÉRATIONNEL

Les précédentes réformes des retraites ont principalement mis à contribution les actifs pour redresser les comptes des régimes. Ce choix est conforme à la logique d'un système de retraites par répartition. Toutefois, l'afflux du nombre de départs à la retraite des générations issues du « baby-boom » représente un choc démographique majeur, que l'accroissement des cotisations des personnes en emploi ne permet pas de combler.

La participation des retraités à la consolidation du système de retraites est aujourd'hui indispensable pour préserver le lien intergénérationnel et la confiance de l'ensemble des générations dans le système par répartition. Elle apparaît d'autant plus justifiée que le niveau de vie des retraités est aujourd'hui équivalent, voire supérieur, à celui des actifs . La montée en charge des régimes de retraite et l' « effet de noria » ont permis au niveau de pension moyen d'augmenter plus vite que l'inflation. En 2011, le montant moyen de la pension de droit propre s'élevait à 1 256 euros par mois contre 1 029 euros en 2004. En outre, les retraités possèdent un patrimoine, immobilier et financier, plus élevé que le reste de la population . Selon l'INSEE, 72 % des plus de 60 ans sont propriétaires de leur résidence principale, contre 58 % en moyenne pour l'ensemble de la population. Le patrimoine 48 ( * ) moyen des personnes âgées de 70 ans et plus est deux fois supérieur à celui des ménages âgés de 30 à 39 ans.

Tableau n° 38 : Patrimoine net des ménages selon leur âge en 2010

(en euros)

Moyen

Médian

D9

D1

Moins de 30 ans

32 700

7 200

91 500

300

De 30 à 39 ans

127 100

48 600

312 700

800

De 40 à 49 ans

243 700

132 500

510 700

1 300

De 50 à 59 ans

303 500

203 700

648 500

2 000

De 60 à 69 ans

345 500

211 500

693 300

3 300

70 ans et plus

259 800

148 600

524 600

3 800

Source : INSEE

En assimilant à un revenu le loyer « fictif » associé à la propriété de la résidence principale, le niveau de vie moyen des retraités est supérieur de 4 % à celui des actifs .

Tableau n° 39 : Comparaison des niveaux de vie moyens des retraités, des actifs et des non retraités en 2006

(en euros)

Niveau de vie + loyers imputés nets d'intérêt d'emprunt

Actifs

(en emploi et chômeurs)

23 060

Retraités

23 970

Ratio retraités / actifs

1,04

Non retraités (actifs, adultes inactifs, enfants)

20 764

Ratio retraités / non retraités

1,15

Source : Cour des comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2012

Par ailleurs, les retraités bénéficient de différents avantages sociaux et fiscaux afin de tenir compte de l'utilisation progressive de leurs actifs au cours de la période de retraite. En particulier, un taux réduit de contribution sociale généralisée (CSG) de 6,6 % s'applique aux pensions de retraite, contre 7,5 % pour les actifs. De plus, les retraités les plus modestes peuvent bénéficier d'une exonération de CSG et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ou d'un taux réduit de 3,8 %, si leur revenu ne dépasse pas un certain seuil.

Dans le cadre de la présente réforme des retraites, la contribution des retraités proposée par le Gouvernement repose sur deux mesures :

- l'inclusion des majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus dans l'assiette de l'impôt sur le revenu 49 ( * ) ;

- le décalage de six mois de la revalorisation des pensions .

Toutefois, la réforme proposée par le Gouvernement prend en considération les disparités de revenus qui subsistent entre retraités d'une même génération. Ces mesures n'auront pas d'impact négatif sur le pouvoir d'achat des retraités les plus modestes . Le report de la revalorisation au 1 er octobre ne concernera pas les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), tandis que la fiscalisation des majorations de pensions de retraite pour charges de famille touchera principalement les retraités dont le niveau de pension est élevé.

1. Le report de la revalorisation des pensions de six mois (article 4)

L' article 4 du projet de loi prévoit de décaler, du 1 er avril au 1 er octobre de chaque année, la date de revalorisation des pensions en fonction de l'évolution des prix à la consommation hors tabac. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 50 ( * ) avait déjà reporté, du 1 er janvier au 1 er avril, la date de revalorisation des pensions.

Sans baisser le niveau des pensions, ni remettre en cause le principe d'indexation en fonction de l'inflation 51 ( * ) , cette mesure permettra de réaliser des économies significatives pour les régimes de retraite, de l'ordre de 800 millions d'euros en 2014 et de 1,9 milliard d'euros en 2020 .

Tableau n° 40 : Impact financier du report de la revalorisation de pensions

(en millions d'euros constants 2011)

2014

2020

2030

2040

Tous régimes de base (hors ASPA)

+ 800

+ 1 900

+ 2 200

+ 2 600

Tous régimes de base non équilibrés par l'Etat (hors ASPA)

+ 600

+ 1 400

+ 1 700

+ 2 000

Source : étude d'impact annexée au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Seront concernés par le report de la revalorisation, l'ensemble des retraités du régime général, des régimes de base alignés ainsi que les retraités des trois fonctions publiques et des régimes spéciaux, à l'exception des quelques 600 000 bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA ) 52 ( * ) , ainsi que les bénéficiaires de pensions d'invalidité et de rentes accidents du travail-maladie professionnelle (AT-MP).

L'impact financier élevé de cette mesure s'explique par l'assiette très large sur laquelle elle repose : la quasi-totalité des pensions de retraite de base, soit environ 200 milliards d'euros de dépenses annuelles. Les effets financiers de long terme du report sont liés, quant à eux, au « rebasage » qu'entraîne la mesure : le total des pensions servies en 2014 sera légèrement moins important que ce qu'il aurait été sans ce report, décalant ainsi la courbe du montant des pensions légèrement vers le bas.

Pour les retraités, le coût de cette mesure sera à la fois :

- réduit : sur la base d'une hypothèse de revalorisation des pensions de 0,9 % en 2014, l'impact du décalage de six mois de la date de revalorisation sera de 10,80 euros par mois pour une pension de retraite de 1 200 euros. De plus, l'effort consenti par chaque retraité sera proportionnel au niveau de sa pension ;

- limité dans le temps : le report interviendra seulement en 2014, les années suivantes, les pensions continueront d'être revalorisées tous les douze mois, au 1 er octobre.

Enfin, l'étude d'impact souligne que cette mesure permettra de renforcer la cohérence macro-économique du mécanisme de revalorisation des pensions de retraite . Dans le système actuel, les pensions sont indexées en fonction d'une prévision spécifique d'inflation, réalisée en mars par la Commission économique de la Nation. Or la prévision d'inflation, réalisée assez tôt dans l'année, correspond rarement à l'inflation effectivement constatée par l'INSEE. Des ajustements au titre de l'année n-1 interviennent donc chaque année. Le report de la date de revalorisation au 1 er octobre permettra d'éviter les sur- ou sous-évaluations de la revalorisation au titre de l'année n , ce qui limitera les rattrapages d'une année sur l'autre pour les retraités.

Tableau n° 41 : Historique des revalorisations de pensions depuis 2010

Revalorisation au titre de l'année n

Rattrapage au titre de l'année n-1

1 er avril 2010

+ 1,2 %

- 0,3 %

1 er avril 2011

+ 1,8 %

+ 0,3 %

1 er avril 2012

+ 1,8 %

+ 0,3 %

1 er avril 2013

+ 1,2 %

+ 0,1 %

Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'économie

2. La fiscalisation des majorations de pension des retraités ayant élevé trois enfants ou plus

La seconde mesure sur laquelle repose la participation des retraités est l' assujettissement des majorations de pension pour charges de famille à l'impôt sur le revenu . Cette mesure sera examinée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 53 ( * ) .

La majoration du montant de pension pour les assurés (hommes et femmes) ayant eu ou élevé trois enfants ou plus correspond à l'un des trois grands types d'avantage familiaux de retraite , avec la majoration de durée d'assurance pour chaque enfant (MDA) et l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Elle s'applique à la fois aux pensions de droit propre et aux pensions de réversion et est proportionnelle au niveau de pension (en règle générale 10 % de la pension versée). Toutefois, certains régimes, comme le régime des professions libérales (CNAVPL) ou le régime complémentaire des artisans et commerçants, ne prévoient pas cet avantage, ce qui accentue les inégalités entre régimes de retraite.

Tableau n° 42 : Les majorations de montant de pension pour charges de famille dans les principaux régimes de retraite

Majoration pour trois enfants

Majoration par enfant supplémentaire au-delà du troisième

Majoration maximale

Régimes de base

Régime général

10 %

-

-

Fonctions publiques (FPE et CNRACL)

10 %

5 %

Traitement *

RATP - SNCF

10 %

5 %

Traitement *

Régime des artisans et commerçants (RSI)

10 %

-

-

Régime des professions libérales (CNAVPL)

-

-

-

Régime des exploitants agricoles (MSA)

10 %

-

-

Régimes complémentaires obligatoires

Régime complémentaire des salariés et cadres du privé

(AGIRC-ARRCO)**

10 %

-

1 000 euros par an

Régime des artisans et commerçants (RSI)

-

-

-

Régime des professions libérales (CNAVPL)

10 %

-

-

Régime des exploitants agricoles (MSA)

-

-

-

* Dans les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux, le montant de la pension après majorations ne saurait excéder le traitement ayant servi de base pour le calcul de la pension.

** Selon l'accord du 18 mars 2011, les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO ont aligné les règles de majoration des deux régimes.

Source : commission des finances, d'après les données du Conseil d'orientation des retraites, Sixième rapport « Retraites : droits familiaux et conjugaux », décembre 2008

Le montant total des majorations de pension pour enfants versées en 2012 est estimé à 8,9 milliards d'euros , pour environ 8,1 millions de bénéficiaires du régime général et des régimes alignés. Selon le rapport établi par Bertrand Fragonard sur les aides aux familles 54 ( * ) , le nombre de bénéficiaires de majorations a progressé de 0,7 % entre 2010 et 2011.

La suppression de la dépense fiscale que constitue l'exclusion de ces majorations de l'assiette de l'impôt sur le revenu devrait permettre d' accroître les recettes de l'impôt sur le revenu de 1,2 milliard d'euros dès 2014 . Elle s'appliquera en effet à compter de l'imposition des revenus de l'année 2013. Le rendement de cette mesure contribuera à partir de 2015 au rétablissement des comptes du régime général d'assurance vieillesse.

Tableau n° 43 : Rendement attendu de la fiscalisation des majorations de pensions

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Fiscalisation des majorations de pensions

1,2

1,3

1,5

1,7

Source : étude d'impact annexée au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Selon l'évaluation préalable à l'article 6 du projet de loi de finances pour 2014, 3,8 millions de personnes seront concernées par la suppression de cette exonération, pour un montant annuel moyen de 320 euros d'impôts sur le revenu supplémentaire. Les 20 % de retraités dont le niveau de pension est le plus faible ne devraient pas être touchés par cette mesure, tandis que les 20 % de retraités dont le niveau de pension est le plus élevé en supporteront la moitié des effets.

La suppression de cette exonération , préconisée à plusieurs reprises par la Cour des comptes 55 ( * ) et la commission pour l'avenir des retraites , est justifiée d'un double point de vue :

- il s'agit d' une dépense fiscale inéquitable . En raison du caractère proportionnel de la majoration et compte tenu de la progressivité de l'impôt sur le revenu, les retraités percevant les pensions les plus élevées sont ceux qui bénéficient le plus de cet avantage fiscal. Cet avantage est d'autant plus inéquitable que les droits familiaux ne sont pas identiques dans tous les régimes de retraite ;

- il s'agit d' une dépense fiscale inefficace . Les femmes percevant, en moyenne, une pension de retraite 30 % inférieure à celle des hommes, l'exonération de la majoration profite davantage aux hommes. Or les aléas de carrière liés à la charge d'enfant sont principalement subis par les femmes. Dès lors, ce dispositif s'est vu attribuer le score de « 0 » par le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales 56 ( * ) .

Dans l'attente d'une réforme globale des avantages familiaux de retraite, annoncée par le Premier ministre le 27 août 2013, la fiscalisation de majorations de pension pour enfants constitue une première étape vers un système d'avantages familiaux de retraite plus juste et plus efficace .

Votre rapporteur pour avis a pris note des difficultés techniques, soulignées par la commission Moreau, que pose une refonte totale des majorations à court terme et de la nécessité de mener des travaux complémentaires. L'article 13 du présent projet de loi prévoit la remise, par le Gouvernement, d'un rapport sur l'évaluation des droits familiaux , dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la loi. Il conviendra de suivre attentivement ce sujet, compte tenu des enjeux financiers importants qui y sont associés, à la fois pour la branche vieillesse et pour la branche famille de la sécurité sociale.

C. LA PARTICIPATION DES RÉGIMES : DE NÉCESSAIRES ECONOMIES DE GESTION

Selon l'étude d'impact du présent projet de loi, des économies sur les coûts de gestion des régimes sont prévues, à hauteur de 200 millions d'euros dès 2016 .

Les négociations des prochaines conventions d'objectifs et de gestion (COG) de la CNAV et de la CNRACL pour la période 2014-2017 permettront de formaliser les objectifs de réduction des dépenses de fonctionnement assignés à ces organismes.

De façon générale, l'ensemble des organismes gestionnaires des régimes de retraite devront participer à l'effort de redressement des comptes du système de retraites. Les coûts de gestion du système, évalués à environ 6 milliards d'euros , sont en effet particulièrement élevés en France par rapport à d'autres pays européens. Cet écart s'explique principalement par la fragmentation du système de retraites français, en trente-cinq régimes, gérés par des organismes différents.

La proposition, à l' article 27 du projet de loi, de créer une nouvelle « union des institutions et services de retraite » devrait donner une nouvelle impulsion à la mutualisation entre régimes . Regroupant l'ensemble des organismes de retraite de base et complémentaire, cette nouvelle union sera chargée de piloter les principaux projets inter-régimes. A terme, cette initiative devrait être source d'économies, tout en offrant un meilleur service aux assurés. Le projet de loi prévoit également la création de nouveaux projets de coordination entre régimes , comme la création d'un compte retraite en ligne ( article 26 ), la mise en place d'une procédure unifiée de calcul de la retraite pour les polypensionnés ( article 28 ) et la mutualisation du service des petites pensions ( article 29 ).

Votre rapporteur pour avis souligne néanmoins que les objectifs d'économies de gestion devront tenir compte des nouvelles missions, confiées dans le cadre de ce projet de loi, à la CNAV et au réseau des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) , en particulier la gestion des comptes personnalisés de prévention de la pénibilité.

III. GARANTIR LA PÉRENNITÉ FINANCIÈRE DU SYSTÈME DE RETRAITES

A. UN ALLONGEMENT PROGRESSIF ET MESURÉ DE LA DURÉE D'ASSURANCE (ARTICLE 2)

1. L'adaptation du système de retraites à l'allongement de l'espérance de vie

L' article 2 du présent projet de loi prévoit, pour l'ensemble des assurés des régimes de base, y compris ceux de la fonction publique et des régimes spéciaux, l'allongement de la durée d'assurance pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein à partir de 2020. La durée d'assurance requise sera portée progressivement de 41,75 annuités en 2020 à 43 annuités en 2035 . A titre d'exemple, pour un assuré né en 1961, atteignant l'âge légal de départ à la retraite en 2023, la durée de cotisation requise pour obtenir une retraite à taux plein sera de 42 ans, tandis qu'un assuré né à partir de 1973 devra avoir cotisé 43 ans.

Cette mesure se justifie en premier lieu par l'allongement de l'espérance de vie. Selon l'INSEE, entre 1994 et 2009, les hommes ont gagné deux ans et demi d'espérance de vie à 60 ans et les femmes deux ans. Ainsi, à l'âge de 60 ans, les hommes ont en moyenne une espérance de vie de 22,2 ans et les femmes de 27 ans . En outre, l'espérance de vie à 60 ans devrait continuer de progresser au rythme d' une année tous les dix ans jusqu'en 2060 .

Par ailleurs, une récente étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) indique que la France est l'un des seuls pays de l'Union européenne où l'espérance de vie en bonne santé , c'est-à-dire l'espérance de vie sans incapacités et limitations d'activités majeures, a progressé ces dernières années (+ 0,3 ans pour les femmes et + 1,2 an pour les hommes entre 2005 et 2011).

Graphique n° 44 : Evolution de l'espérance de vie en bonne santé

Source : Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), action européenne conjointe sur les années de vie en bonne santé

L'article 2 du projet de loi propose de modifier, à compter de 2020 la procédure de détermination de la durée d'assurance requise pour le taux plein, définie par la loi du 21 août 2003 57 ( * ) . Selon la procédure établie en 2003, la durée d'assurance requise par génération est fixée de manière à maintenir constant, jusqu'en 2020, le rapport constaté en 2003 entre la durée d'assurance pour le taux plein et la durée moyenne de retraite. En vertu de ce principe, la durée d'assurance requise est fixée par décret lorsqu'une génération atteint l'âge de 56 ans.

Le projet de loi prévoit d'inscrire dans la loi l'évolution de la durée d'assurance requise pour le taux plein, et ce en répartissant de façon équilibrée les gains d'espérance de vie entre activité et retraite . L'étude d'impact du projet de loi indique, qu'entre 2013 et 2035, l'espérance de vie à soixante ans aura augmenté de plus de deux ans, quand la durée d'assurance sera passée de 41,5 ans à 43 ans.

Graphique n° 45 : Evolution de la durée d'assurance requise pour le taux plein par génération

Source : commission des finances, d'après l'étude d'impact annexée au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Enfin, le choix d'inscrire l'évolution de la durée d'assurance dans la loi renforce la prévisibilité du système de retraites pour les assurés, sans occasionner de changement brutal pour les générations proches de la retraite.

2. Une mesure proportionnée aux enjeux financiers de long terme

La réforme des retraites de 2010 présentait le défaut de limiter son horizon aux huit années suivantes. Le présent projet de loi entend traiter à la fois le court terme, par des mesures de financement ciblant le régime général, et le long terme grâce à l'augmentation de la durée d'assurance à partir de 2020.

Cette mesure aura un impact financier significatif sur l'ensemble des régimes, y compris sur les régimes complémentaires : elle permettra de réaliser 5,4 milliards d'euros d'économies à l'horizon 2030 et 10,4 milliards d'euros d'ici 2040 .

Tableau n° 46 : Impact financier de l'allongement de la durée d'assurance

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Tous régimes de base et complémentaires

-

-

+ 5,4

+ 10,4

Tous régimes de base non équilibrés par l'Etat

-

-

+ 2,7

+ 5,6

Source : étude d'impact au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Le rythme et l'ampleur de l'allongement de la durée d'assurance proposés sont proportionnés aux besoins de financement à l'horizon 2040. Le COR prévoit en effet que l'augmentation des dépenses de retraite devrait s'infléchir vers le milieu des années 2030, en raison du ralentissement de la progression des effectifs de retraités avec la fin du « papy-boom ». Sur le fondement de ces prévisions, le Gouvernement a écarté des mesures paramétriques plus exigeantes telles que :

- un allongement de la durée d'assurance au-delà de 2035 ;

- une augmentation plus rapide de la durée d'assurance. La commission Moreau avait notamment proposé un allongement au rythme d'un trimestre toutes les deux générations, jusqu'à atteindre le plafond de 44 annuités pour la génération née en 1975. Cette mesure est apparue aller au-delà des besoins de financements requis ;

- un relèvement des bornes d'âge de départ à la retraite au-delà de 62 ans, pour l'âge légal de départ, et de 67 ans pour l'âge de départ à taux plein. Une telle mesure réduirait de façon significative les masses de pensions versées 58 ( * ) . Toutefois, elle aurait pénalisé les assurés ayant commencé à travailler jeunes et disposant d'une durée d'assurance importante. En cohérence avec le décret adopté en juillet 2012 59 ( * ) rétablissant le départ anticipé à 60 ans pour les assurés ayant la durée d'assurance requise et ayant commencé à travailler avant 20 ans, le Gouvernement a décidé d'écarter l'option du relèvement des bornes d'âge.

B. LA CRÉATION D'UN VÉRITABLE DISPOSITIF DE PILOTAGE : UNE AVANCÉE MAJEURE

1. Les écueils du comité de pilotage des régimes de retraite

A la suite de la commission de garantie des retraités, créée par la loi du 21 août 2003 60 ( * ) , la loi du 9 novembre 2010 a mis en place un comité de pilotage des régimes de retraite ( COPILOR ). Selon l'article L. 114-4-2 du code de la sécurité sociale, ce comité « veille au respect des objectifs du système de retraite par répartition » et rend chaque année au Gouvernement « un avis sur la situation financière des régimes de retraite, sur les conditions dans lesquelles s'effectue le retour à l'équilibre du système de retraite à l'horizon 2018 et sur les perspectives financières au-delà de cette date ».

Toutefois, ce comité ne s'est réuni qu'une seule fois en formation plénière 61 ( * ) et n'a jamais rendu d'avis. L'échec du COPILOR s'explique par différents facteurs :

- sa composition, trop large et diversifiée pour être véritablement opérationnelle. Le comité réunit à la fois des représentants de l'Etat, des députés et des sénateurs membres du Conseil d'orientation des retraites (COR), des représentants des régimes de retraite, des organisations d'employeurs, des syndicats et des personnalités qualifiées. De plus, cette composition est quasiment identique à celle du COR ;

- son rôle et son fonctionnement, trop proches de celui du COR. Créé en 2000, le COR est à la fois un lieu d'étude et une instance de concertation entre les principaux acteurs du système de retraites. Il a pour principale mission de décrire les évolutions et les perspectives du système de retraites à moyen et long terme, mais également « de mener une réflexion sur le financement des régimes » 62 ( * ) ;

- sa dimension presque exclusivement financière , qui a entraîné une forte conflictualité. Certains membres du comité demeurant opposés au relèvement des bornes d'âge prévu par la réforme de 2010 et à l'objectif d'atteindre l'équilibre du système de retraites en 2018, il n'a pas été possible d'adopter un avis consensuel.

Ainsi, le III de l'article 3 propose d'abroger la section relative au Comité de pilotage des retraites.

2. Le fonctionnement du nouveau dispositif de pilotage (article 3)

Le rapport de la commission pour l'avenir des retraites préconise la création d'un véritable système de pilotage de la trajectoire des régimes et des objectifs de la politique nationale des retraites. Selon la commission présidée par Yannick Moreau, « l'originalité française de la diversité des régimes rend encore plus nécessaire la mise en place de ces outils » 63 ( * ) de pilotage .

Conformément à cette recommandation, l' article 3 du projet de loi instaure un mécanisme de pilotage, dont le nouveau comité de surveillance des retraites constitue le pivot. En première délibération, l' Assemblée nationale a modifié le nom de ce comité , devenu comité de suivi des retraites .

Le COR définit le pilotage du système de retraite comme « l'ajustement au fil du temps des paramètres du régime en vue d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés » 64 ( * ) . Afin de réaliser cet ajustement au fil du temps, l'article 3 prévoit une procédure en cinq étapes :

1°) le COR doit transmettre chaque année, avant le 15 juin, au comité de suivi des retraites un état des lieux du système de retraite ; par ailleurs, le COR, les administrations de l'Etat et les organismes gestionnaires des régimes sont tenus de transmettre au comité de suivi des retraites les informations et études nécessaires pour l'exercice de ses missions ;

2°) le comité de suivi des retraites rend chaque année, avant le 15 juillet, un avis public sur le respect des objectifs du système de retraite 65 ( * ) : équité, solidarité entre les générations, réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes, maintien d'un niveau de vie satisfaisant des retraités, pérennité financière et niveau élevé d'emploi des salariés âgés. L'avis doit également analyser de façon spécifique la situation comparée des hommes et des femmes au regard de l'assurance vieillesse ainsi que l'évolution du pouvoir d'achat des retraités, conformément à un amendement adopté par l'Assemblée nationale. Le pilotage assuré par le comité de suivi des retraites n'est donc pas seulement financier mais aussi social ;

3°) le comité de suivi des retraites adresse des recommandations au Parlement, au Gouvernement, aux caisses nationales et aux institutions de retraite complémentaire, s'il estime que le système s'éloigne des objectifs fixés ;

4°) le Gouvernement présente au Parlement , après consultation des partenaires sociaux, les suites qu'il entend donner aux recommandations du comité de suivi des retraites ;

5°) enfin, le comité de suivi des retraites remet , au plus tard un an après avoir formulé ses recommandations, un avis sur les suites données à ces dernières par le Gouvernement.

Graphique n° 47 : Schéma du nouveau circuit de pilotage du système de retraite

Avis du Comité de suivi des retraites

avant le 15 juillet

Conseil d'orientation des retraites

Examen annuel du système de retraites

au plus tard le 15 juin

Source : commission des finances du Sénat

Recommandations au Parlement, Gouvernement, caisses nationales régimes obligatoires, Etat, institutions de retraite complémentaire

Avis du Comité de suivi des retraites relatif au suivi des recommandations

15 juillet n + 1

Présentation par le Gouvernement des suites données aux recommandations

éventuellement

Par ailleurs, l'article 3 prévoit que le comité de suivi des retraites est composé de cinq personnalités qualifiées, nommées pour cinq ans par décret en conseil des ministres. Le choix d'une enceinte resserrée, réunissant des experts du système de retraites devrait permettre à cette nouvelle structure de remplir pleinement son rôle technique et de réflexion , tout en la distinguant du COR.

S'agissant des recommandations que sera amené à formuler le comité de suivi, votre rapporteur pour avis souligne la pertinence des précisions apportées par le projet de loi, en particulier sur les points suivants :

- la définition préalable des principaux leviers que le comité de suivi peut recommander au Gouvernement d'utiliser, en l'occurrence la durée d'assurance requise pour une retraite à taux plein, le recours au Fonds de réserve pour les retraites ( FRR ) et le taux de cotisation d'assurance vieillesse. En première lecture, l'Assemblée nationale a ajouté un champ de recommandation supplémentaire : l'affectation d'autres ressources au système de retraites afin de financer les prestations non contributives ;

- la fixation de limites, concernant l'augmentation du taux de cotisation d'assurance vieillesse et la réduction du taux de remplacement , au-delà desquelles les recommandations du comité de suivi ne peuvent aller. Ces plafonds seront fixés par décret ; ils permettront de garantir la confiance des assurés dans le système et ses évolutions futures ;

- l'absence de caractère juridiquement contraignant des recommandations du comité de suivi des retraites. A juste titre, il est proposé de laisser au Gouvernement et au Parlement une marge d'appréciation du bien-fondé des mesures proposées. Le caractère public et annuel des avis du comité permettra d'alimenter le débat de façon régulière. De par sa composition, le comité devrait disposer d'un pouvoir d'influence conséquent.

Ainsi, le dispositif proposé dans le présent projet de loi constitue une amélioration notable de notre système de retraites, sans pour autant le mettre « sur pilote automatique ». Dans le cadre d'une étude des mécanismes d'ajustement automatique des systèmes de retraites 66 ( * ) , l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souligne la complexité et la difficulté de compréhension pour les assurés de tels systèmes. De plus, ces mécanismes ont généralement pour effet de dégrader le taux de remplacement par les pensions, ce qui peut avoir des conséquences négatives pour les retraités les plus modestes en l'absence de prestations de solidarité adéquates.

C. QUEL RÔLE POUR LE FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES ?

Aux termes de l' article 3 du présent projet de loi, les recommandations du Conseil de surveillance des retraites peuvent porter sur l'utilisation des réserves du Fonds de réserve pour les retraites ( FRR ).

Le IV de l'article 3 précise que le FRR pourra servir d' instrument de stabilisation en cas de déséquilibre financiers conjoncturels du régime général, des régimes de base alignés ou du fonds de solidarité vieillesse (FSV). Le Gouvernement entend ainsi redonner au FRR sa fonction originelle de lissage. Lors de sa création en 1999, l'objectif du fonds était en effet « de mettre en réserve et de faire fructifier d'ici 2020 un volume significatif de ressources, afin de permettre aux régimes bénéficiaires et en tout premier lieu au régime de base des salariés du secteur privé [...] d'en bénéficier progressivement à compter de 2020 » 67 ( * ) .

Les objectifs des fonds de réserve des retraites

Les fonds de réserve des retraites sont des institutions particulières qui ont pour mission d'instiller une dose de capitalisation dans un système fonctionnant en répartition. Autrement dit, au lieu que la totalité des cotisations prélevées chaque année servent à financer la totalité des pensions chaque année, une partie des cotisations est mise en réserve et capitalisée. Les premiers fonds de réserve des retraites ont été créés aux Etats-Unis, au Canada, en Suède et au Japon dans les années 1950.

Trois séries d'objectifs peuvent être assignés aux fonds de réserve :

- un objectif structurel ; les fonds structurels visent à accumuler des provisions de manière durable afin que les revenus financiers capitalisés complètent les cotisations prélevées pour financer les pensions. En général, le montant du provisionnement ciblé est de l'ordre de quelques années de prestations ;

- un objectif conjoncturel ; les fonds conjoncturels ont pour mission d'accumuler des réserves pérennes, mais de moindre ampleur, pour pallier les fluctuations temporaires de cotisations liées au cycle d'activité. Les fonds de réserve s'apparentent alors à une épargne de précaution, et le fonds de trésorerie ciblé se monte à quelques mois de prestations ;

- un objectif de lissage ; l'accumulation temporaire de réserves, suivie d'une désaccumulation, entend lisser les fluctuations des taux de cotisation nécessaires à l'équilibre financier d'un régime en répartition, lorsqu'un aléa démographique de grande ampleur se produit.

Source : Anne Lavigne, « Economie des retraites », 2013

Cette mesure soulève néanmoins une question délicate : celle du montant des réserves disponibles du FRR . En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 68 ( * ) a brutalement changé la nature du fonds en avançant sa date de décaissement, initialement prévue en 2020. A compter du 1 er janvier 2011 et jusqu'en 2024, le FRR verse chaque année à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) une somme de 2,1 milliards d'euros . En outre, depuis cette date, le FRR ne se voit affecter aucune recette. Ses ressources ont été transférées de façon permanente à la CADES, pour le prélèvement social sur les produits de placement, et au FSV, pour les autres ressources résiduelles 69 ( * ) .

Le FRR dispose aujourd'hui de réserves relativement modestes, de l'ordre de 36,6 milliards d'euros au 31 décembre 2012 . Le texte du projet de loi précise que seules « les réserves qui excèdent la couverture des engagements » vis-à-vis de la CADES pourront être affectées par la loi de financement de la sécurité sociale au financement des déficits de l'assurance vieillesse. Si l'on retranche les transferts prévus à la CADES (25,2 milliards d'euros au total jusqu'en 2024) et la soulte des industries électriques et gazières (de l'ordre de 3,5 milliards d'euros), qui devra être rétrocédée à la CNAV en 2020, les réserves disponibles du fonds représentent moins de 10 milliards d'euros . Même en supposant un maintien de la performance financière annuelle du fonds aux alentours de 10 %, comme en 2012, il est très peu probable que les réserves disponibles du FRR dépassent les 20 milliards d'euros en 2024.

Graphique n° 48 : Performance annuelle du FRR

Source : Fonds de réserve pour les retraites, rapport d'activité 2012

Depuis la crise financière de 2008, la performance financière du FRR s'est redressée. Néanmoins, la Cour des comptes considère que la transformation du FRR en « pourvoyeur annuel de ressources pour la CADES » et le fait qu'il ne soit plus alimenté risquent d'hypothéquer la possibilité, pour l'établissement, d'atteindre une rentabilité satisfaisante 70 ( * ) .

Au final, son horizon temporel et ses réserves étant limitées, le FRR ne peut constituer un instrument pérenne de stabilisation des régimes de retraite . Un choix de court terme a été opéré en 2010. L'ampleur des déficits du système de retraites semblait militer en faveur de l'utilisation immédiate de ses actifs. Toutefois, le ratio démographique du système de retraites français ne devrait s'améliorer qu'à partir de 2035. Sans abondements supplémentaires, le FRR ne pourra pas véritablement remplir sa fonction de lissage des effets du « papy-boom ».

TROISIÈME PARTIE : RENFORCER LA JUSTICE DU SYSTÈME DE RETRAITES SANS FRAGILISER SA SITUATION FINANCIÈRE

L'objectif de votre rapporteur pour avis, au travers de ce chapitre relatif aux mesures de justice du titre II du projet de loi , n'est pas d'apprécier la qualité technique des dispositifs proposés. Ceci relève des compétences de fond de notre collègue Christiane Demontès, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales. Il est en revanche d'appréhender les conditions de financement de ces dispositifs et leur pertinence par rapport à la situation économique et sociale.

I. PRÉVENIR ET COMPENSER LA PÉNIBILITÉ GRÂCE À UN FINANCEMENT PÉRENNE

A. L'OUVERTURE DE NOUVEAUX DROITS AUX SALARIÉS DU SECTEUR PRIVÉ EXPOSÉS À DES FACTEURS DE PÉNIBILITÉ

1. Un nouveau dispositif venant pallier les insuffisances de la réforme de 2010

L' article 6 du présent projet de loi crée, à compter du 1 er janvier 2015, un dispositif ouvrant des droits à tous les salariés du secteur privé exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, appelé compte personnel de prévention de la pénibilité .

Cette mesure s'inspire de la proposition de la commission pour l'avenir des retraites de créer un « compte individuel pénibilité ». Le rapport de la commission Moreau souligne que « l'allongement de la durée d'activité ne peut se poursuivre qu'à condition d'une amélioration globale des conditions de travail qui permette aux salariés de travailler plus longtemps et donc notamment d'une limitation, autant que possible, des situations de travail soumises à des facteurs de pénibilité ». Une politique publique en matière de pénibilité doit donc poursuivre à la fois un objectif de prévention et un objectif de compensation des inégalités d'espérance de vie liées aux conditions de travail.

Contrairement à ce qu'indique le nom du dispositif, ce sont ces deux objectifs que le Gouvernement entend atteindre en proposant la création d'un compte personnel de prévention de la pénibilité. En effet, en ouvrant de nouveaux droits aux salariés exposés, ce compte est un moyen d'internaliser les externalités négatives du travail salarié .

Il s'agit d'un progrès social significatif pour les travailleurs salariés du secteur privé . Certes, la loi portant réforme des retraites de 2010 a mis en place des dispositifs de prévention de la pénibilité, mais ces derniers ne sont pas à la hauteur des enjeux . Un dispositif spécifique de départ à la retraite anticipé a notamment été créé. Toutefois, celui-ci est ouvert uniquement aux assurés justifiant d'un taux d'incapacité permanente au moins égal à 10 %, reconnu au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail. Ainsi, deux ans après l'entrée en vigueur du dispositif seules 9 238 demandes ont été formulées, dont 6 359 ont été acceptées 71 ( * ) .

La loi de 2010 a également introduit une obligation pour les entreprises d'au moins cinquante salariés de négocier sur la prévention de la pénibilité au travail à compter du 1 er janvier 2012. Cette obligation a entraîné la signature de 4 800 accords d'entreprise ou plans d'action et de seulement quinze accords de branche.

2. Le fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité

Reposant sur un mécanisme d'attribution de points, le compte personnel de prévention de la pénibilité fonctionnera de la façon suivante :

- pour chaque salarié exposé à au moins un facteur de pénibilité 72 ( * ) , un compte personnel de prévention de la pénibilité sera ouvert ;

- chaque trimestre d'exposition ouvrira droit à un point si le salarié est exposé à un seul facteur de pénibilité ou à deux points si le salarié est exposé à plusieurs facteurs ;

- à partir de dix points , le salarié pourra utiliser ses points selon trois modalités : pour des actions de formation, un passage à temps partiel ou une majoration de durée d'assurance ;

- les points inscrits sur le compte pourront être utilisés à tout moment de la carrière et seront portables dans le secteur privé.

Afin d' empêcher les comportements dommageables d'accumulation de points, qui pourraient créer des « trappes à pénibilité », les décrets d'application de l'article 6 devraient :

- plafonner à cent le nombre de points utilisables ;

- rendre obligatoire l'utilisation des vingt premiers points pour des actions de formation professionnelle.

Par ailleurs, le projet de loi, tel que modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, prévoit que les salariés ne pourront utiliser leurs points pour financer une majoration de durée d'assurance qu'à partir de 55 ans.

Les dépenses liées au compte personnel de prévention de la pénibilité seront donc différentes selon les modes de consommation du compte et l'âge du détenteur . Elles prendront la forme soit d'une prise en charge de tout ou partie des frais de formation, soit du financement du complément de rémunération et des cotisations sociales en cas de réduction de durée de travail, soit du financement d'une majoration de durée d'assurance. La mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité entraînera également des dépenses liées aux frais d'expertise nécessaires pour traiter les réclamations des salariés, ainsi que le remboursement des frais de gestion à la CNAV et au réseau des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT).

La montée en charge du dispositif sera progressive. Selon l'étude d'impact du présent projet de loi, 300 000 personnes utiliseraient chaque année des points accumulés sur leurs comptes en 2025 . La direction de la sécurité sociale indique qu' à terme, le dispositif concernerait 18 % des salariés du secteur privé, soit environ 3,3 millions de personnes .

Tableau n° 49 : Evaluation du coût du compte personnel de prévention de la pénibilité

(en milliards d'euros 2011)

2014*

2020

2030

2040

Coût du compte personnel de prévention de la pénibilité

0,0

0,5

2,0

2,5

* Le compte personnel de prévention de la pénibilité ne sera mis en place qu'à compter de 2015.

Source : étude d'impact au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

Compte tenu des estimations du nombre de bénéficiaires, le coût du dispositif est évalué à 500 millions d'euros en 2020 et 2,5 milliards en 2040 .

B. UN FINANCEMENT REPOSANT SUR LES EMPLOYEURS VIA UN FONDS SPÉCIFIQUE

1. Un système de double cotisation à la charge des employeurs

Le projet de loi prévoit un financement pérenne pour le compte personnel de prévention de la pénibilité. Celui-ci reposera sur des cotisations employeur, dont le niveau variera en fonction du nombre de facteurs de pénibilité auxquels les salariés sont exposés. Les employeurs devraient donc être incités financièrement à réduire l'exposition de leurs salariés .

Plus précisément, il est prévu de créer une cotisation pénibilité de base versée par l'ensemble des employeurs , au titre des salariés entrant dans le champ du compte personnel de prévention de la pénibilité. Le taux de cette cotisation de base sera fixé par décret, dans la limite de 0,2 %.

Une cotisation additionnelle devra être acquittée par l'employeur dont au moins un des salariés est exposé à un facteur de pénibilité . Le taux de cette cotisation additionnelle sera fixé par décret et dépendra du nombre de facteurs de pénibilité auxquels le salarié est exposé. Ce taux sera compris entre 0,3 % et 0,8 % pour un seul facteur de pénibilité et entre 0,6 % et 1,6 % pour deux facteurs de pénibilité et plus .

Tableau n° 50 : Taux des cotisations pénibilité de base et additionnelles

Hausse minimale de cotisation patronale

Hausse maximale de cotisation patronale

Cotisation pénibilité de base

+ 0,2 %

+ 0,2 %

Cotisation pénibilité additionnelle pour un facteur

+ 0,3 %

+ 0,8 %

Cotisation pénibilité additionnelle pour deux facteurs et plus

+0,6 %

+ 1,6 %

Source : étude d'impact au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

L'assiette des cotisations de base et additionnelles de pénibilité correspond à celle des cotisations de sécurisation sociale, c'est-à-dire à l'ensemble des rémunérations salariales ou des gains au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Le recouvrement et le contrôle du versement des cotisations pénibilité s'effectueront selon les mêmes modalités que les cotisations sociales.

Le rendement attendu des cotisations pénibilité est estimé à environ 500 millions d'euros en 2020 , ce qui correspond au coût du dispositif à cette date. Ces cotisations viendront alimenter le fonds chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité, que le projet de loi propose d'instituer.

2. La création d'un fonds spécifique

Outre les modalités d'ouverture, d'abondement, d'utilisation et de gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité, l'article 6 du présent projet de loi prévoit d'instituer un fonds chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité .

Ce fonds aura la qualité d' établissement public de l'Etat , dirigé par un conseil d'administration composé de représentants de l'Etat, de représentants des salariés et des employeurs, ainsi que de personnalités qualifiées désignées par arrêté ministériel.

Il bénéficiera de recettes pérennes puisque lui seront affectées la cotisation pénibilité de base , versée par l'ensemble des employeurs du secteur privé, et la cotisation additionnelle , également acquittée par les employeurs mais variant selon le nombre de facteurs de pénibilité auxquels les salariés sont exposés. De plus, le projet de loi précise que le fonds pourra être abondé par « toute autre recette autorisée par les lois et règlements en vigueur ».

Tableau n° 51 : Catégories de dépenses et de recettes du fonds « pénibilité »

Dépenses

Recettes

1) Actions de formation professionnelle continue (remboursement aux financeurs des actions de formation)

1) Cotisation pénibilité de base

2) Compléments de rémunération et des cotisations et contributions sociales en cas de temps partiel (prise en charge directe)

2) Cotisation pénibilité additionnelle

3) Majorations de durée d'assurance (remboursement aux caisses des régimes)

3) Toute autre recette autorisée

4) Frais d'expertise en cas de recours

5) Frais de gestion du dispositif (remboursement à la CNAV et aux CARSAT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article 6 du projet de loi

De 2015 à 2020, les ressources issues des cotisations pénibilité de base et additionnelles devraient être suffisantes pour couvrir les dépenses du fonds ( environ 500 millions d'euros ). De surcroît, le projet de loi précise que les taux des cotisations pénibilité seront fixés en tenant « compte des prévisions financières du fonds pour les cinq prochaines années », c'est-à-dire de telle manière à équilibrer les comptes du fonds.

Néanmoins, la question du financement de ce dispositif après 2020 mérite d'être soulevée . Avec la montée en charge du compte pénibilité, les dépenses liées à l'utilisation des droits accumulés devraient être multipliées par quatre entre 2020 et 2030.

Afin de garantir la pérennité de ce nouveau dispositif, il convient de réfléchir aux types de ressources à affecter au fonds « pénibilité » à partir de 2020 . A cet égard, il serait utile que le Haut conseil du financement de la protection sociale formule des recommandations relatives au financement à moyen et long terme des droits de retraite liés à la pénibilité.

II. ADAPTER LE SYSTÈME DE RETRAITES À UNE RÉALITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE PROTÉIFORME

A. AMÉLIORER LA TRANSITION ENTRE L'EMPLOI ET LA RETRAITE

Le chapitre II du présent projet de loi contient deux mesures relatives à l'emploi des seniors :

- l' article 11 vise à étendre le dispositif de la retraite progressive , en abaissant la condition d'âge de 62 ans à 60 ans. La retraite progressive consiste à cumuler une fraction de sa pension de vieillesse avec une activité à temps partiel, tout en continuant à cotiser pour ses droits à retraite futurs. Bien qu'avantageux pour les seniors, ce dispositif a été peu utilisé 73 ( * ) jusqu'ici en raison de sa complexité et de ses conditions d'accès restrictives ;

- l' article 12 prévoit d' harmoniser les règles du cumul emploi-retraite entre les différents régimes de retraite , afin de rétablir l'équité entre les assurés. Ainsi, pour tous les types de cumul (inter-régimes ou intra-régime 74 ( * ) ), la reprise d'activité ne génèrera pas de droits nouveaux à la retraite, comme ceci est déjà le cas pour les assurés cumulant emploi et retraite au sein du même régime. Cette règle est conforme à la logique d'un système de retraites par répartition : à partir du moment où une personne a choisi de liquider sa pension, elle ne peut plus cumuler de droits à la retraite.

Le choix de promouvoir la retraite progressive apparaît pertinent au regard de l'objectif d'augmentation du taux d'emploi des seniors. En encourageant la prolongation d'activité rémunérée, ce dispositif devrait permettre de faire reculer l'âge effectif de départ à la retraite. En France, la faiblesse du taux d'emploi des seniors demeure « une faiblesse structurelle du système et une source de défiance vis-à-vis des mesures d'âge ou de durée » 75 ( * ) . Malgré une augmentation importante entre 2000 et 2010, où le taux d'emploi des 55-64 ans est passé de 28,9 % à 39,7 %, celui-ci demeure inférieur au taux moyen dans l'Union européenne.

Tableau n° 52 : Taux d'emploi des seniors en France et dans l'Union européenne en 2011

(en %)

Hommes

55-59 ans

Femmes
55-59 ans

Hommes
60-64 ans

Femmes
60-64 ans

France

67,6

60,6

20,4

17,4

UE 27

70,3

55,2

39

24,5

Source : Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle

Au total, l'impact financier net de ces deux mesures devrait être positif . L'extension de la retraite progressive entraîne un coût pour les régimes de retraite, estimé à 50 millions d'euros en 2017, sur la base de 70 000 bénéficiaires potentiels. A l'inverse, l'harmonisation des règles de cumul emploi-retraite, en particulier l'encadrement du cumul entre régimes de catégories différentes, permettra de réaliser de l'ordre de 31 millions d'euros d'économies en 2015 et 161 millions d'euros en 2020.

Tableau n° 53 : Impact financier des mesures relatives à l'emploi des seniors

(en millions d'euros constants 2011)

2015

2017

2020

2030

2040

Extension de la retraite progressive ( article 11 )

nd

- 50

nd

nd

nd

Harmonisation des règles du cumul emploi-retraite ( article 12 )

+ 31

nd

+ 161

+ 360

+ 453

nd : chiffrage non disponible

Source : étude d'impact au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

B. AIDER LES ASSURÉS LES PLUS FRAGILES À SE CONSTITUER DES DROITS À LA RETRAITE

L'allongement de la durée d'assurance ne peut s'appliquer uniformément à toute la population, sans tenir compte de la réalité des trajectoires professionnelles et des inégalités sur le marché du travail. Même si le système de retraites assure aujourd'hui un niveau de solidarité important, le rapport de la commission pour l'avenir des retraites souligne qu' « il fait l'objet d'une demande accrue d'équité ».

Les chapitre III, IV et V du titre II du projet de loi proposent des mesures visant à répondre aux situations spécifiques de certaines catégories d'assurés. Elles visent en particulier les assurés qui éprouvent des difficultés à se constituer une carrière complète ou à atteindre un niveau de pension décent , en raison de la précarité du marché du travail .

Globalement, ces mesures auront un impact financier minime sur les régimes de retraite de base et devraient même s'équilibrer à court terme . Toutefois, le financement de certains dispositifs, tels que la validation des périodes de formation des chômeurs ou l'aide au rachat d'années d'études, nécessitera de faire appel à la solidarité nationale, soit au travers du fonds de solidarité vieillesse (FSV), soit au travers du budget de l'Etat.

Tableau n° 54 : Impact financier des mesures en faveur des femmes, des jeunes actifs, des assurés à carrière heurtée

(en millions d'euros 2011)

Régimes de retraite de base

- 2014

2020

Validation de trimestre à 150 heures SMIC ( article 14 )

- 10

- 30

Elargissement de la retraite anticipée pour carrière longue ( article 15 )

0

- 285

Aide au rachat d'années d'études ( article 16 )

+ 150*

+ 300*

Meilleure prise en compte des périodes d'apprentissage ( article 17 )

- 18**

- 18**

Validation des périodes de formation des chômeurs ( article 18 )

0

- 57**

Droits à pension des conjoints collaborateurs ( article 19 )

0

0

Elargissement de la retraite anticipée pour les travailleurs handicapés ( article 23 )

nd

- 20

Elargissement du champ de la retraite à taux plein à 50 % d'incapacité ( article 24 )

- 30

- 33

Majoration de durée d'assurance pour les aidants familiaux ( article 25 )

- 1,6

nd

Total

+ 90,4

- 143

nd : chiffrage non disponible

* L'impact du rachat d'années d'études sur les régimes de retraite ne tient pas compte du coût, pour l'Etat, de l'aide accordée, qui devrait s'élever à 1 000 euros par trimestre, dans la limite de quatre trimestres. Sur une année, sur la base d'une hypothèse de 30 000 bénéficiaires, le coût pour l'Etat devrait s'élever à 30 millions d'euros.

** Coût pris en charge par le fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Source : étude d'impact au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites

1. Les mesures en faveur des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée

Parmi les six mesures du projet de loi visant à améliorer les droits à retraite des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée, deux mesures ont un impact financier significatif à moyen terme :

- l'élargissement de la retraite anticipée pour carrières longues ( article 15 ). Grâce à la prise en compte dans la durée « réputée cotisée » de deux trimestres de chômage supplémentaires, de deux trimestres de perception d'une pension d'invalidité et de l'ensemble des trimestres de congé maternité, des assurés ayant commencé à travailler jeunes mais ayant connu des aléas de carrière pourront partir à la retraite à partir de l'âge de 60 ans. Selon les évaluations de la CNAV, 5 % des hommes et 2 % des femmes assurés au régime général avanceraient ainsi leur départ à la retraite d'environ six mois en 2030. Ce dispositif se traduira par une augmentation des masses de prestations versées par les caisses de retraite ; la CNAV évalue ce coût à environ 220 millions d'euros d'ici 2020 pour le régime général ;

- la validation des périodes de formation des chômeurs ( article 18 ). Afin d'encourager la formation professionnelle des demandeurs d'emploi qui ne relèvent plus du régime d'assurance chômage, cet article prévoit d'assimiler les périodes de formation professionnelle continue 76 ( * ) à des périodes d'assurance vieillesse. Le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à 300 000. Le coût de cette mesure pour les régimes de retraite sera pris en charge par le FSV ; la charge supplémentaire pour le fonds est évaluée à 57 millions d'euros en 2020 et 248 millions d'euros en 2030 .

Enfin, une mesure aura un impact important sur l'organisation et le travail des caisses de retraite : l'assouplissement des conditions d'acquisition de trimestres de « 200 heures SMIC » à « 150 heures SMIC » ( article 14 ). Ce dispositif, qui sera précisé par décret, vise les assurés à faible rémunération ou à temps partiel. Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DARES), 15 % des assurés de la génération 1982 bénéficieraient de cet assouplissement et gagneraient en moyenne cinq trimestres d'assurance vieillesse. Toutefois, l'article 14 introduit un système de plafonnement de la durée de cotisation afin de lutter contre les effets d'aubaine, qui compliquera le mode de calcul de la validation des trimestres pour la CNAV.

Enfin, en lien avec l'aide au rachat d'année d'études ( article 16 ), l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement relatif à la prise en compte des périodes de stage obligatoire . L' article 16 bis introduit la possibilité de valider deux trimestres de stage contre le paiement d'une cotisation forfaitaire, dont le barème sera défini par décret.

2. Les mesures de solidarité en faveur des personnes handicapées et de leurs aidants

Le chapitre V du présent projet de loi propose un ensemble de mesures en faveur des assurés handicapés et de leurs proches.

Les articles 23 et 24 prévoient de faciliter l'accès à deux dispositifs existants : d'une part la retraite anticipée des travailleurs handicapés, dont bénéficient aujourd'hui environ 1 000 pensionnés par an, d'autre part l'obtention de la retraite à taux plein pour les assurés justifiant de 50 % de taux d'incapacité permanente. Au total, à l'issue de leurs montées en charge, le coût de ces deux mesures est évalué à 50 millions d'euros .

S'agissant de l'impact financier de l' article 25 relatif aux aidants familiaux , celui-ci est modéré à court terme (environ - 1,6 million d'euros). Néanmoins, le coût à moyen terme de la généralisation du bénéfice de l'assurance vieillesse des parents au foyer ( AVPF ) à tous les aidants familiaux de personnes lourdement handicapées ou de personnes âgées dépendantes, sans condition de ressources, devrait être important. L'étude d'impact évalue ce coût à 100 millions d'euros à l'horizon 2040. Compte tenu de l'augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, il est probable que cette mesure entraîne un surcroît de dépenses significatif pour la branche famille de la sécurité sociale, qui est en charge du financement de l'AVPF. Bien qu'en accord avec cette mesure, votre rapporteur pour avis appelle au suivi attentif de la montée en charge de ce dispositif.

C. SOUTENIR LE NIVEAU DE PENSION DES EXPLOITANTS AGRICOLES ET DE LEURS CONJOINTS

La revalorisation du niveau des pensions des retraités non-salariés agricoles et de celles de leurs conjoints correspond à un engagement du Président de la République. Les pensions de droits direct des retraités exploitants agricoles , versées par la Mutualité sociale agricole (MSA), sont inférieures en moyenne de 40 % à celles des retraités du régime général et du Régime social des indépendants (RSI). Pour une carrière complète, la pension moyenne de droit direct s'élève en effet à 625 euros au régime des non-salariés agricoles, contre 1 105 euros au régime général. Cet écart s'explique notamment par la faiblesse des revenus agricoles.

Afin de soutenir les retraités anciens exploitants agricoles, l' article 22 du présent projet de loi prévoit l'attribution de points du régime complémentaire obligatoire agricole ( RCO ). Ce complément de points de retraite obligatoire vise à atteindre progressivement - entre 2015 et 2017 - un montant de retraite minimal égal à 75 % du SMIC net . Cette mesure représente un coût significatif pour la MSA, qui devrait se stabiliser aux environs de 160 millions d'euros à partir de 2017 .

L'attribution de points de retraite complémentaire aux aides familiaux et aux conjoints collaborateurs , proposée à l' article 21 , devrait quant à elle entraîner une dépense supplémentaire pour le régime de retraite des exploitants agricoles de l'ordre de 160 millions d'euros en 2014 . Ce coût est toutefois appelé à décroître progressivement en raison de l'érosion démographique du régime 77 ( * ) .

Tableau n° 55 : Impact financier des mesures concernant les exploitants agricoles

(en millions d'euros constants 2011)

2014

2020

Suppression de la condition de durée minimale d'assurance 17 ans ½ - régime des non-salariés agricoles ( article 20 )

- 0,15

- 0,30

Mesures relatives au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles ( article 21 )

- 160

- 142

Exploitants agricoles : mise en oeuvre de la garantie « 75 % du SMIC » ( article 22 )

0

- 161

Mesure de financement des retraites agricoles (PLFSS 2014*)

+ 168

+ 168

Total

+ 7,85

- 135,30

* Article 9 du PLFSS pour 2014

Source : étude d'impact au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraite ; évaluation préalable au PLFSS pour 2014

Compte tenu de la situation structurellement déficitaire de la MSA 78 ( * ) , votre rapporteur pour avis salue l'inscription en PLFSS pour 2014 d'une mesure de recette spécifique pour financer les retraites agricoles . Cette mesure consiste à augmenter le rendement des cotisations vieillesse en mettant fin à certaines pratiques d'optimisation des exploitants agricoles. Son rendement est estimé à 168 millions d'euros en 2014.

D. LE FINANCEMENT DE LA SOLIDARITÉ EN MATIÈRE DE RETRAITE

Le présent projet de loi renforce de façon significative les mesures de solidarité entre assurés du système de retraite, le faisant ainsi un peu plus s'écarter d'un système strictement contributif .

Compte tenu de leur caractère non contributif, certaines mesures comme la validation des périodes de stage de formation professionnelle pour les chômeurs ou la meilleure prise en compte des périodes d'apprentissage, seront financées par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Toutefois, un grand nombre de « mesures de justice », notamment celles prévoyant des majorations de durée d'assurance, seront financées directement par les régimes de retraite , voire par une nouvelle cotisation spécifique dans le cas des droits à majoration acquis dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Cette situation soulève la question de la lisibilité du financement des prestations de solidarité en matière de retraite . Depuis 1993, le financement des avantages vieillesse à caractère non contributif, relevant de la solidarité nationale, a vocation à être assuré par le FSV. Les besoins croissants liés à la solidarité ont eux-mêmes entraîné le recours à des impôts et taxes divers , affectés aux FSV : CSG, forfait social, prélèvement social sur les revenus du capital, contribution additionnelle à la C3S, taxe sur les salaires et bientôt impôt sur le revenu. Le FSV sera en effet affectataire, à partir de 2015, du rendement de la fiscalisation des majorations de pensions pour charge de famille.

Malgré ces affectations fréquentes de nouvelles recettes, le FSV demeure déficitaire depuis 2009, tandis que la CNAV continue de financer un quart des dispositifs de solidarité pour les assurés du régime général. Les mesures proposées par le Gouvernement dans le cadre de la présente réforme devraient améliorer le solde du FSV à compter de 2015.

Tableau n° 56 : Situation financière du Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Charges

21,9

23,3

24,3

25,1

25,4

25,5

25,4

Dont prises en charge de cotisations au titre du chômage

9,2

10,0

10,8

11,5

11,6

11,5

11,2

Produits

18,4

19,2

21,5

21,8

22,3

22,8

23,4

Solde

- 3,4

- 4,1

- 2,7

- 3,2

- 3,0

- 2,6

- 1,9

Source : annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014

Pour autant, le retour à l'équilibre du fonds apparaît encore lointain. L'amélioration de la situation financière du FSV est intrinsèquement liée à la situation du marché de l'emploi. En 2012, environ 44 % des charges du FSV étaient constituées par les prises en charge de cotisations au titre du chômage. Selon les prévisions de 2013 à 2017, les dépenses de prise en charge des cotisations devraient rester élevées jusqu'en 2017. Dès lors, au-delà des éventuelles réformes paramétriques ou systémiques, la lutte contre le chômage, constitue également un volet essentiel du retour à l'équilibre du système de retraites dans son ensemble .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 octobre 2013 sous la présidence de M. Yvon Collin, vice-président, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 71 (2013-2014) garantissant l'avenir et la justice du système de retraites .

M. Yvon Collin, président . - Le président Philippe Marini est retenu à Vilnius, avec notre collègue Marc Massion, où ils représentent le Sénat à la première conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière, instituée en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites est l'aboutissement de plus d'un an de travaux. Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a présenté ses projections en décembre 2012. La commission pour l'avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau, a rendu son rapport en juin 2013. Enfin, des consultations avec les partenaires sociaux ont été menées pendant l'été.

En 2009, le COR prévoyait un déficit des régimes de retraites de 28 milliards d'euros en 2018. La réforme de 2010 visait à rétablir l'équilibre à cette échéance. Dès 2011, la Cour des comptes avait déjà révisé les prévisions de solde à la baisse et anticipé un déficit de 2,5 milliards d'euros en 2018. Fin 2012, le COR a publié de nouvelles projections, avec un déficit de 21 milliards d'euros en 2018. Les objectifs de la réforme de 2010 ne seront pas atteints, essentiellement à cause de la dégradation de la conjoncture.

Le COR a dû d'abord estimer l'évolution de la masse salariale, donc de la population totale et du taux d'activité. Selon ses hypothèses, la proportion des plus de 75 ans passera de 9 % de la population en 2015 à 16 % en 2060 et le taux d'activité augmentera à 68,7 %. Jusqu'en 2035, le nombre de retraités augmentera fortement, en raison des effets différés du baby-boom, pour se stabiliser ensuite. Quant à la population active, elle augmentera jusqu'en 2025, restera constante entre 2025 et 2035, puis augmentera à nouveau après cette date. C'est la période 2025-2035 qui sera délicate car le nombre des retraités augmentera tandis que celui des actifs restera stable.

Le COR a élaboré plusieurs scénarios d'évolution des soldes financiers fondés sur différentes hypothèses concernant le niveau de la productivité du travail, qu'il fait varier dans une fourchette entre 1,3 % à 1,8 %, et le taux de chômage de long terme, entre 4,5 % et 7 %. Il a aussi présenté des versions alternatives, selon que les rendements des régimes complémentaires des salariés (ARRCO) et des cadres (AGIRC) sont constants ou décroissants. Le rendement est constant lorsque la valeur du point - qui détermine le montant de la pension - et le salaire de référence sont tous deux indexés sur les prix. Il est décroissant lorsque la valeur du point est indexée sur les prix et le salaire de référence sur l'évolution du salaire moyen AGIRC et ARRCO. Les salaires progressant plus vite que les prix, le salarié achète alors plus cher le point. Pour les régimes, un rendement décroissant est plus favorable qu'un rendement constant.

L'évolution des salaires est corrélée à la productivité du travail. Dans le scénario retenu par le Gouvernement, la productivité du travail augmentera de 1,5 % par an, avec un taux de chômage de long terme de 4,5 % et un rendement des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO constant. Dans ce cas, le solde s'établira à - 0,7 % du PIB en 2060, tandis qu'il serait équilibré avec un rendement des régimes AGIRC-ARRCO décroissant. Afin de prendre en compte l'accord AGIRC-ARRCO de mars 2013 ainsi que la révision à la baisse de la prévision de croissance, le Gouvernement a réactualisé la projection. En l'absence de réforme, le déficit s'établirait à 19,1 milliards d'euros en 2014 et atteindrait 26,6 milliards d'euros en 2040 en euros constants. Il est urgent d'agir.

Le projet de loi opère une distinction entre une période de court à moyen terme, 2014 à 2020, où primeront des mesures de recettes, et une période de long terme, où la hausse de la durée de cotisation produira ses effets. Première mesure de recette, le report du 1 er avril au 1 er octobre de chaque année de la revalorisation des pensions en fonction de l'évolution des prix. Cela représentera en 2014 une économie de 800 millions d'euros.

M. Aymeri de Montesquiou . - Ce n'est pas une mesure sociale !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Si, car l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), les pensions d'invalidité et les rentes liées aux accidents du travail ou aux maladies professionnelles continueront à être revalorisées au 1 er avril.

Autres mesures de recettes : la fiscalisation des majorations de pensions pour les retraités ayant élevé trois enfants ou plus ; la hausse des cotisations déplafonnées salariés et employeurs, de 0,15 % en 2014 puis de 0,05 % jusqu'en 2017 et enfin, l'allongement de la durée de cotisation à raison d'un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035, soit 43 ans de cotisation en 2035 contre 41,5 aujourd'hui. Cette mesure aura un impact financier positif pour les régimes de retraite, à hauteur d'environ 5 milliards d'euros en 2030 et 10 milliards d'euros en 2040. À cette date, les mesures de recettes auront un impact de près de 8 milliards d'euros et les mesures d'économies, de 13 milliards d'euros.

En tenant compte des mesures de justice, qui ont un coût, l'impact net de la réforme se traduira par une amélioration du solde de l'ensemble des régimes de 4 milliards d'euros en 2014, et de 19 milliards d'euros en 2040.

Grâce à ces mesures, les régimes de base seront à l'équilibre dès 2020 et excédentaires à l'horizon de 2030. Des déficits persisteront pour les régimes des fonctionnaires et les régimes spéciaux, principalement ceux de la SNCF, de la RATP et des mines, équilibrés par des subventions, ainsi que pour les régimes de retraite complémentaire obligatoires.

Parmi les mesures de justice sociale, la plus importante est la prise en compte de la pénibilité. La réforme de 2010 a introduit un dispositif spécifique mais qui concerne davantage l'invalidité que la pénibilité. En effet, le départ à la retraite anticipé est ouvert à partir d'un taux d'invalidité de 10 % et pour certains accidents du travail ou maladies professionnelles. Seuls 10 000 dossiers ont été déposés depuis 2011, dont environ 6 000 ont été acceptés. Le bilan est maigre. Le projet de loi crée un compte personnel de prévention de la pénibilité. Le besoin de financement, estimé à 500 millions d'euros en 2020, sera couvert par une hausse équivalente de cotisations employeurs. D'autres dispositions visent à aider les femmes, les jeunes ou les assurés ayant eu une carrière heurtée à se constituer des droits à la retraite.

Le comité de pilotage des régimes de retraite (COPILOR), censé suivre l'application de la réforme de 2010, s'est réuni une seule fois, sans donner le moindre avis. Le texte le remplace par un comité de surveillance des retraites, rebaptisé « comité de suivi » par l'Assemblée nationale. Le schéma de pilotage s'inspire de celui mis en place pour l'évolution du solde des finances publiques, avec le Haut Conseil des finances publiques. Le comité de suivi rendra chaque année un avis sur le respect des objectifs, fondé sur les données transmises par le COR, et il formulera des recommandations. Le Gouvernement indiquera au Parlement, après consultation des partenaires sociaux, les suites qu'il entend leur donner. Enfin le comité de suivi remettra un avis sur les suites données à ses recommandations.

La réforme contribue à l'effort de consolidation des finances publiques, à l'amélioration du solde public et au respect de l'objectif de moyen terme (OMT) de solde structurel. Le Gouvernement a prévu un ajustement structurel à hauteur de 0,9 % du PIB en 2014, grâce à un effort en recettes de 0,2 % et en dépenses de 0,7 %. La réforme des régimes de retraite participe à l'amélioration du solde pour 3,4 milliards d'euros en 2014. Ses effets s'accentueront avec le temps : l'économie réalisée représentera 0,5 % du PIB en 2040.

M. François Marc, rapporteur général . - Je partage la position de notre rapporteur pour avis. La situation du système de retraites exige une réaction immédiate pour rétablir l'équilibre. Le Gouvernement s'y est attelé. L'exigence de solidarité est respectée avec les mesures en faveur des carrières longues ou des métiers pénibles, conformément aux attentes du pays. Nous devons soutenir l'initiative du Gouvernement.

M. Albéric de Montgolfier . - Que penser des hypothèses macroéconomiques retenues par le COR ? Un taux de chômage à 4,5 % ou 7 %, est-ce vraiment réaliste ?

Certes, la réforme de 2008 aligne la durée de cotisation dans les régimes spéciaux sur celle des autres régimes. Mais l'âge effectif de départ à la retraite, autour de 54 ou 55 ans, demeure très inférieur à la moyenne nationale. Les subventions versées par l'État resteront importantes. Ne faudrait-il pas augmenter les décotes ? Quelle est la différence entre un chauffeur de car employé par un conseil général et un conducteur de train automatisé employé par la SNCF ? Les différences de traitement entre régimes de retraite sont-elles justifiées ?

M. Jean-Paul Emorine . - Les hypothèses retenues dans la loi sont très optimistes. De plus le COR, comme l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), ignore les évolutions dues au progrès technique. Au milieu du siècle dernier notre pays comptait 5 millions d'agriculteurs. Avec la modernisation, ce nombre est tombé à 900 000 et pourrait descendre à 600 000 dans quelques années. Il n'est pas improbable que le nombre d'exploitations, d'environ 500 000 aujourd'hui, chute à 300 000. De même les gains de productivité provoqués par la mécanisation dans les entreprises ne sont pas pris en compte.

Quel sera le montant des subventions versées par l'État aux régimes spéciaux ? Comment se répartissent-elle selon les régimes ?

M. Vincent Delahaye . - Je ne partage pas l'avis du rapporteur général. L'intitulé du projet de loi est trompeur. Il garantit plutôt le maintien des injustices ! Il est très simple de prévoir un rééquilibrage si l'on se fonde sur des hypothèses optimistes. Mais il s'agit d'une mauvaise méthode. Entre 2007 et 2012, les gains annuels de productivité se sont élevés à 0,18 % par an. Pourtant le COR envisage un scénario à 2 % par an. Pourrait-il nous fournir un scénario fondé sur une croissance de la productivité de 0,5 % par an et un taux de chômage de 10 %, comme aujourd'hui ?

Vous nous indiquez les besoins de financement des différents régimes. Serait-il possible de connaître le nombre de personnes concernées par chaque régime ? Comment expliquer la forte baisse du déficit des régimes spéciaux, de 7,7 milliards d'euros à 4,4 milliards d'euros, entre 2030 et 2040 ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - C'est l'effet de l'allongement de la durée de cotisation.

M. Éric Bocquet . - La question des retraites relève d'un choix de société. Elle ne se résume pas à une équation comptable. Il ne suffit pas d'entrer des données dans un logiciel pour obtenir la solution ! La retraite à 60 ans a été instaurée par la gauche, une gauche décomplexée dirions-nous aujourd'hui. Nous devons assumer ce choix. Nul ne sait quelle sera la démographie, la croissance ou le niveau des salaires à l'avenir. Qui sait, l'évasion fiscale sera peut-être jugulée, nous disposerons alors de 50 milliards d'euros de recettes supplémentaires. S'il faut consacrer plus de ressources au financement des régimes de retraite, allons chercher l'argent là où il est !

Il est faux de croire que la société soutient la réforme. Qui ne dit mot consent ? Je crois plutôt que nos concitoyens sont rendus muets par la lassitude, la résignation, le renoncement. Mais ce qui ne s'exprime pas socialement s'exprimera politiquement dans les urnes. Enfin, à propos des régimes spéciaux, je suis partisan du plus grand dénominateur commun, non du plus petit.

M. Aymeri de Montesquiou . - Je suis surpris par les chiffres retenus. Un taux de chômage de 4,5 %, c'est le plein emploi. Une telle hypothèse paraît extravagante. Ensuite, la meilleure mesure de justice n'est-elle pas la convergence des régimes ? Comment justifier l'écart entre les conducteurs de la RATP et ceux des bus scolaires ? Il faut tenir compte de la pénibilité, mais à travail identique, il faut une durée de travail identique.

M. Francis Delattre . - Cette réforme a été exigée par l'Europe en contrepartie du report de deux ans des engagements de réduction des déficits.

M. François Marc, rapporteur général . - Voulez-vous dire que vous n'auriez pas fait de réforme ?

M. Francis Delattre . - Je ne vois là qu'un semblant de réforme, de simples ajustements sur la base d'hypothèses folkloriques. Les régimes AGIRC et ARRCO ont besoin à long terme de 8 à 9 milliards d'euros. L'effort prévu ici est insuffisant.

De plus, les régimes spéciaux ont été rapprochés du régime de la fonction publique, mais l'écart avec le régime général demeure important. Comment expliquer, alors que les règles ne changent pas, que leur déficit diminue de moitié ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Cette réforme oublie les régimes complémentaires, les régimes de la fonction publique d'État et les régimes spéciaux. Le titre de la loi n'est pas adapté. Où est l'avenir, où est la justice ?

M. Yann Gaillard . - Cet échafaudage de prévisions me laisse très sceptique. Les chiffres seront sans doute revus chaque année. Je ne crois pas que la vérité surgisse de ce genre d'exercice. Je m'abstiendrai.

M. Dominique de Legge . - Un régime par répartition doit par construction être équilibré. On ne redistribue que ce qui est collecté. Le rapport entre les actifs et les inactifs est fondamental. Il n'est pas sûr que les mesures de politique familiale aillent dans le bon sens. Le scénario retenu est très optimiste, donc peu réaliste - un taux de chômage de long terme de 4,5 % ! Le gain de la réforme en 2040 est estimé à 18,6 milliards d'euros, malgré cela il subsistera toujours un déficit de 28,9 milliards d'euros à cette date.

M. François Fortassin . - Cette analyse prospective a au moins le mérite d'exister. Il est toutefois difficile de connaître l'espérance de vie à l'avenir. Or son évolution influera sur les régimes de retraites.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Dans le scénario retenu, les gains de productivité du travail s'élèveront à 1,5 % par an tandis que le taux de chômage de long terme s'établira à 4,5 %, soit le taux de chômage que connait l'Allemagne aujourd'hui. De plus, lors de la réforme de 2010, le Gouvernement avait déjà retenu l'hypothèse d'un taux de chômage de 5 %.

La productivité apparente du travail a ralenti à cause de la crise de 2008. Entre 1990 et 2007, elle s'est établie à 1,8 % par an. Monsieur Delahaye, prendre pour base un taux de chômage de 10% et une progression de la productivité du travail de 0,5 %, n'est-ce pas reconnaître que l'économie française est condamnée ? Ce serait un mauvais signal ! Là aussi, l'hypothèse retenue est la même qu'en 2010.

M. Francis Delattre . - Vous prétendez que nous nous sommes trompés en 2010. Pourquoi persévérer dans l'erreur en ce cas ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Ce n'est pas ce que j'ai dit. La crise de 2008 a modifié la donne. Si vos hypothèses de productivité faible et de chômage élevé s'avéraient exactes, cela signifierait que nous ne vivrions plus dans le même monde. Doit-on avoir cette ambition dans un projet de loi ? De plus, elles ne correspondent pas au régime de long terme de la France.

M. Vincent Delahaye . - Depuis combien d'années le chômage est-il de 10 % ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Le taux de chômage avant la crise n'était pas de 10 %. Il faut parier sur le redressement de l'économie française. Nous avons des atouts. Ne soyons pas défaitiste en raisonnant avec des hypothèses catastrophistes !

En réponse à Jean-Paul Emorine, je précise que le progrès technique est pris en compte dans les projections de l'INSEE. Il constitue l'une des composantes de la productivité apparente du travail.

S'agissant des régimes spéciaux, certains bénéficient d'une compensation car leur démographie est très déséquilibrée. Je ne dispose pas ici même des tableaux que vous demandez, mais ce système de compensation inter-régimes participe de la solidarité nationale.

Monsieur Bocquet, l'espérance de vie augmentant, il n'est pas infondé que les gains soient partagés entre temps de travail et temps de retraite.

Il y a urgence : si nous ne faisons rien, les régimes seront déficitaires de 20 milliards d'euros à l'horizon 2014. Grâce aux mesures du Gouvernement, les régimes de base - Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), Fonds de solidarité vieillesse (FSV), régime des indépendants (RSI), mutualité sociale agricole (MSA), caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), etc. - seront équilibrés en 2020. Si l'on restait dans le cadre de la réforme de 2010, leur déficit serait de 4 à 5 milliards d'euros en 2018. J'ai distingué ces régimes, d'une part, de ceux équilibrés par une subvention (fonction publique, régimes spéciaux) et d'autre part des régimes complémentaires (AGIRC et ARRCO). Ces derniers ont pris en mars 2013 des mesures extrêmement courageuses pour réduire leur déficit prévisionnel sans tirer sur leurs réserves, déjà en baisse sensible.

M. Francis Delattre . - Leurs mesures représentent 3 milliards d'euros. Il manquerait donc 4 à 5 milliards d'euros d'ici 2020. Sans compter qu'ils empruntent.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Nous devons ces décisions courageuses aux partenaires sociaux. À court terme, ils ont des choix à faire : indexer la valeur du point et celle de l'achat du point sur les prix ou sur les salaires. Selon que le rendement est décroissant ou constant, les évolutions de soldes varient considérablement. Les prévisions de déficits résiduels du COR sont établies à partir d'une hypothèse de rendement constant. On imagine mal que la valeur du point ne soit pas indexée sur les prix, mais il revient aux partenaires sociaux de définir cette valeur ainsi que le salaire de référence. Il ne revient pas au législateur de prendre cette décision à la place des partenaires sociaux.

Enfin, pour revenir au projet de loi, tout le monde sera soumis aux mêmes mesures, qu'il s'agisse des agents de la fonction publique, des salariés du privé ou des assurés de régimes spéciaux : les taux et la durée de cotisation augmenteront.

M. Aymeri de Montesquiou . - Même la durée ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Oui. Si la durée de cotisation n'est pas suffisante, une décote sera appliquée au montant de la pension.

M. Francis Delattre . - Cela ne veut pas dire que les assurés des régimes spéciaux partiront à la retraite au même âge que les autres...

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Sur ce point, nous nous sommes calés sur les dispositions des réformes de 2008 et de 2010. Nous ne sommes pas revenus en arrière.

M. Francis Delattre . - Heureusement !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Les fonctionnaires, pour obtenir une retraite à taux plein, seront soumis aux mêmes augmentations de taux de cotisation et de durée de cotisation. On dit souvent qu'ils sont mieux lotis que les salariés du privé...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Vous n'allez pas dire qu'ils sont logés à la même enseigne !

M. Albéric de Montgolfier . - Le calcul de la pension se fonde sur les six derniers mois !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Il y a certes une différence entre la retraite moyenne d'un fonctionnaire et celle d'un salarié du privé.

M. Francis Delattre . - De combien ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - De l'ordre de 300 à 400 euros.

M. Francis Delattre . - De 350 euros, exactement.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Cet écart s'explique en grande partie par un effet de structure. Ce ne sont pas les mêmes populations. Les ouvriers et employés sont majoritaires dans le privé, tandis que dans la fonction publique d'État, le nombre des cadres de catégorie A a beaucoup augmenté ces dernières années. Comparer les pensions moyennes du public et du privé revient par conséquent à comparer des choux et des carottes. Si l'on regarde les taux de remplacement plutôt que les montants nominaux des pensions, on s'aperçoit que les chiffres sont quasiment identiques. De plus, les fonctionnaires ne cotisent pas sur leurs primes, or celles-ci représentent 10 % à 40 % de leur rémunération.

Mme Michèle André . - Exact !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - On peut toujours demander au COR d'étudier l'alignement des pensions nominales, mais alors le taux de remplacement diminuera significativement pour les fonctionnaires.

Le problème se situe entre 2025 et 2035, quand la population active se stabilisera tandis que le nombre de retraités augmentera significativement. Nous devons prendre des mesures rapides et équilibrées en recettes comme en dépenses. Si nous reportons à 2020 l'augmentation de la durée de cotisation, nous allons au-devant de déficits récurrents, de nature à compromettre le respect de nos engagements européens. Cette réforme n'est pas seulement équilibrée, elle rend notre système plus juste pour les jeunes, les femmes et les salariés exposés à des facteurs de pénibilité.

M. François Marc, rapporteur général . - Je partage les conclusions de notre rapporteur pour avis, qui démontre la nécessité d'agir dès aujourd'hui. Monsieur Delattre, les choses ont changé depuis 2010 : dans le cadre du semestre européen, nous avons inscrit nos discussions budgétaires avec Bruxelles dans des perspectives de moyen et long termes. Vous avez toute liberté de croire que nous obéissons à un ordre venu de « quelque part ailleurs » mais la réalité est que notre pays a choisi, avec d'autres au sein de l'Union européenne, ce modèle de cogestion budgétaire et financière.

M. Francis Delattre . - Je n'ai pas dit cela et je souscris bien sûr à vos propos en hommage du vice à la vertu.

M. Vincent Delahaye . - Le précédent gouvernement tablait sur 5 % de chômage, l'actuel sur 4,5 %... Je ne partage pas ces hypothèses optimistes. Depuis 1983, nous n'avons jamais connu un chômage inférieur à 7,5 %. Ce devrait être un minimum à retenir comme hypothèse de projection, même dans une perspective optimiste !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Le COR a fondé l'un de ses scenarios sur une hypothèse de 7 % de chômage à long terme : il est possible de vous y référer. Dans le scénario B, l'hypothèse de 4,5 % de chômage ne vaut qu'à partir de 2030. Il est supposé que le taux de chômage effectif convergera progressivement vers ce niveau. Ce n'est donc pas cette hypothèse qui est retenue pour les années 2014 et 2015.

M. Aymeri de Montesquiou . - Mais il faut bien une base de calcul. L'observation de ces trente dernières années, c'est tout de même un fondement solide : nous ne sommes jamais descendus sous les 7,5 % de chômage. Or à 4,5 %, nous sommes en-deçà même de la barre du plein emploi !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - Dans ce cas, l'hypothèse d'un taux de chômage à long terme de 5 % retenue dans la réforme de 2010 était déraisonnable.

M. Francis Delattre . - Voyez où cela nous a menés !

M. Aymeri de Montesquiou . - Tenons compte des erreurs passées...

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis . - À nouveau, c'est une hypothèse de long terme. Il y a urgence à agir. Les effets prévus dans le cadre de cette réforme sont équilibrés. Ainsi, je souhaite que la commission donne un avis favorable sur ce projet de loi.

La commission a émis un avis favorable à l'ensemble du projet de loi .


* 1 Pensionnés de droit direct et de droit indirect.

* 2 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), « La protection sociale en France et en Europe en 2011 », juin 2013.

* 3 Le champ des dépenses de pensions retenu par Eurostat est plus large que celui retenu au national : il comprend une partie des prestations en espèces des fonctions invalidité, vieillesse, survie et chômage.

* 4 Pensionnés de droit direct et de droit indirect.

* 5 Le FSV prend notamment en charge l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et les cotisations au titre des périodes de chômage.

* 6 Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale.

* 7 Commission pour l'avenir des retraites, « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013, d'après des données de l'INSEE.

* 8 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 9 Cour des comptes, « Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques », juin 2011.

* 10 Loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ; affectation de la moitié du produit de la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et réforme du régime d'imposition des plus-values immobilières.

* 11 Didier Blanchet, « Retraites : vers l'équilibre en longue période ? », Note n° 3 de l'Institut des politiques publiques, février 2013.

* 12 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale.

* 13 Conseil d'orientation des retraites (COR), « Retraites : perspectives 2020, 2040 et 2060 », décembre 2012.

* 14 Cf. Nathalie Blanpain et Olivier Chardron, « Projections de population à l'horizon 2060 », INSEE Première, n° 1320, octobre 2010.

* 15 Cf. Olivier Filatriau, « Projections à l'horizon 2060. Des actifs plus nombreux et plus âgés », INSEE Première, n° 1345, avril 2011.

* 16 Ces projections prennent notamment en compte l'impact des réformes des retraites de 1993 et de 2010.

* 17 Sandrine Duchêne, « Projections de croissance à l'horizon 2040 », note de la direction de la prévision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie remise au COR, 13 février 2001.

* 18 Valérie Chauvin, Gaël Dupont, Eric Heyer, Mathieu Plane eet Xavier Timbeau, « Projections macroéconomiques à moyen et long terme », note de l'OFCE remise au COR, 13 février 2001.

* 19 Catherine Bac, Carole Bonnet, Olivier Bontout et Gérard Cornilleau, « Exercices de simulation de l'évolution à long terme du système de retraite », Document de travail de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), octobre 2003.

* 20 Selon la définition qu'en donne l'INSEE, la productivité apparente du travail ne tient compte que du seul facteur travail comme ressource mise en oeuvre dans le processus de production. Le terme « apparente » rappelle que la productivité dépend de l'ensemble des facteurs de production. La productivité apparente du travail est mesurée en rapportant la richesse créée - soit la valeur ajoutée - au facteur travail - c'est-à-dire le volume de travail mis en oeuvre dans le processus de production.

* 21 Cf. Amandine Schreiber et Augustin Vicard, « La tertiarisation de l'économie française et le ralentissement de la productivité entre 1978 et 2008 », document de travail de la direction des études et synthèses économiques de l'INSEE, juin 2011.

* 22 Les montants sont exprimés en euros 2011.

* 23 Pour autant le rapport du COR précise que : « la crise, en pesant négativement sur les pensions futures des générations touchées, aurait pour conséquence de ralentir l'effet de noria sur la croissance de la pension moyenne des retraités, tant que toutes les générations touchées par la crise ne seront pas parties à la retraite, donc à un horizon assez lointain ».

* 24 Le montant des retraites servies par les régimes AGIRC-ARRCO est déterminé notamment par les ajustements de la valeur du point et le salaire de référence. Ainsi, le rendement est décroissant lorsque la valeur du point est fonction des prix et que le salaire de référence évolue comme le salaire moyen AGIRC et ARRCO. Le rendement est constant quand la valeur du point et du salaire de référence sont indexés sur les prix.

* 25 Ces montants sont exprimés en euros 2011.

* 26 En retenant également une hypothèse de rendement des régimes AGIRC-ARRCO constants.

* 27 Les volets « préventif » et « correctif » ont été profondément renforcés et complétés en novembre 2011 par trois règlements et une directive adoptés dans le cadre du « six-pack ».

* 28 Recommandation de la Commission du 29 mai 2013 de recommandation du Conseil pour qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, COM(2013) 384.

* 29 Cela signifie que les sanctions sont considérées comme adoptées sauf à ce qu'une majorité qualifiée de membres du Conseil de l'Union européenne s'y oppose.

* 30 Le solde public structurel correspond au solde public corrigé des effets du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le PIB était égal à son potentiel.

* 31 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 32 Au titre de l'article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, « un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives ».

* 33 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 34 L'effort structurel des administrations publiques représente ce qui, dans la variation du solde structurel, est imputable à l'action discrétionnaire des pouvoirs publics. Il est défini comme la somme d'un effort en dépenses et d'un effort en recettes.

* 35 Pour autant, ces différentes mesures ne sont pas inscrites dans le présent projet de loi mais seront adoptées par voie réglementaire, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2014, ou encore du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

* 36 A titre de rappel, selon le scénario retenu par le Gouvernement dans le présent projet de loi, le déficit du système de retraites atteindrait 26,6 milliards d'euros 2011 en 2040.

* 37 Les montants sont exprimés en euros 2011.

* 38 Principalement le régime de base des professions libérales (CNAVPL), les régimes de base des salariés et des non-salariés agricoles (MSA), le régime de base des indépendants (RSI) et le régime de base des agents des collectivités territoriales, des élus locaux et de la fonction publique hospitalière (CNRACL).

* 39 Cf . infra.

* 40 La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 autorise une reprise annuelle de 10 milliards d'euros par la CADES, dans la limite de 62 milliards d'euros entre 2011 et 2018.

* 41 Les pensions civiles et militaires des fonctionnaires de l'Etat sont retracées au sein du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». En vertu de la LOLF, en cours d'année, le total des dépenses du CAS « Pensions » ne peut excéder le total des recettes constatées. Les subventions aux caisses de retraite de la SNCF et de la RATP sont quant à elles inscrites dans le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » du budget de l'Etat.

* 42 Situé à 7,85 % en 2010, le taux de cotisation « vieillesse » des fonctionnaires de l'Etat doit être porté progressivement à 10,55 % d'ici 2020.

* 43 Cf . Rapport sur les pensions de retraite de la fonction de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2013.

* 44 Cf . supra.

* 45 En 2013, le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) s'élève à 3 086 euros bruts par mois.

* 46 Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension.

* 47 Il n'existe pas de part salariale pour la cotisation versée à la branche famille de la sécurité sociale.

* 48 Comprenant l'ensemble des actifs financiers, immobiliers et professionnels.

* 49 Cf. article 6 du projet de loi de finances pour 2014.

* 50 Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

* 51 Prévu par l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.

* 52 L'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) est versée en complément des ressources d'une personne âgée afin de garantir un revenu minimale de 787,27 euros par mois pour une personne seule et 1 222,27 euros pour un couple en 2013. Elle est perçue sur demande et recouvrable sur succession.

* 53 Article 6 du projet de loi de finances pour 2014.

* 54 Rapport établi par Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la Famille, « Les aides aux familles », avril 2013.

* 55 En 2007 et 2012 dans les « rapports sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale » et en 2011 dans le « rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques ».

* 56 Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, 2011.

* 57 Article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 58 Selon les simulations de la DREES, effectuées à partir du scénario B du COR, une augmentation de l'âge légal de départ d'un trimestre supplémentaire toutes les deux générations permettrait de réaliser 5,3 milliards d'euros d'économies sur les pensions servies en 2030 et 7,6 milliards d'euros en 2040.

* 59 Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension.

* 60 Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 61 Le 31 mai 2011.

* 62 Article L. 114-2 du code de la sécurité sociale.

* 63 Commission pour l'avenir des retraites présidée par Yannick Moreau, « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013.

* 64 Conseil d'orientation des retraites, XIIème rapport, « Retraites : un état des lieux du système français », janvier 2013.

* 65 Définis à l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale, modifié par l'article 1 du présent projet de loi.

* 66 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Pensions outlook 2012.

* 67 Fonds de réserve pour les retraites, Rapport annuel 2003.

* 68 Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

* 69 Une partie du produit des redevances dues pour les fréquences de téléphonie mobile, la contribution sur la part de l'abondement de l'employeur au plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco) et des sommes non réclamées au titre de la participation, de l'intéressement et de l'assurance vie, au terme du délai de prescription trentenaire.

* 70 Cour des comptes, rapport public annuel 2011.

* 71 Chiffres de la CNAVTS, au 31 août 2013.

* 72 Les dix facteurs de pénibilité, énumérés à l'article D. 4121-3-1 du code du travail, sont : les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux, les activités exercées en milieu hyperbare, les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail répétitif caractérisé par la répétition d'un geste à une cadence contrainte.

* 73 2 409 bénéficiaires au régime général fin 2012.

* 74 Pour le cumul emploi-retraite, les régimes de retraite sont rassemblés en sept groupes en fonction des règles communes qui s'y appliquent. Le cumul « intra-régime » désigne le cumul au sein de régimes d'un même groupe ; le cumul « inter-régimes » désigne le cumul entre régimes de groupes différents, par exemple entre le régime général et le régime social des indépendants.

* 75 Commission pour l'avenir des retraites, « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013, d'après des données de l'INSEE.

* 76 Sont compris les stages de formation professionnelle rémunérés et non rémunérés.

* 77 Le régime d'assurance vieillesse des exploitants agricoles enregistre environ 80 000 décès de retraités par an pour 30 000 nouveaux bénéficiaires.

* 78 Malgré des financements complémentaires en provenance d'autres régimes de retraite et de l'Etat, le déficit de la MSA devrait approcher 1 milliard d'euros en 2013.

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