N° 315

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 janvier 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , visant à reconquérir l' économie réelle ,

Par M. Jean-Marc TODESCHINI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1037 , 1270 , 1283 et T.A. 214

Sénat :

7 , 314 , 316 , 328 et 329 (2013-2014)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

La proposition de loi (PPL) visant à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel 1 ( * ) a été déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale, le 15 mai 2013, par Bruno Le Roux, François Brottes et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen ainsi que par plusieurs députés du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Elle a été examinée par l'Assemblée nationale, d'abord par la commission des affaires économiques le 17 juillet 2013, puis en séance publique le 18 septembre 2013.

Dans la version transmise au Sénat, elle comprend 13 articles répartis en quatre titres :

- Titre I er : Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement ;

- Titre II : Mesure en faveur de la reprise d'activité par les salariés ;

- Titre III : Mesures en faveur de l'actionnariat de long terme ;

- Titre IV : Mesures en faveur du maintien des activités industrielles sur les sites qu'elles occupent.

La commission des finances, lors de sa réunion du 16 octobre 2013, a décidé de se saisir pour avis de la présente PPL, s'agissant en particulier du Titre III qui porte principalement sur les règles applicables en cas d'offres publiques d'acquisition (OPA) .

I. LA REPRISE DES SITES RENTABLES : LA TRADUCTION D'UN ENGAGEMENT DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Le titre I er est le plus emblématique de la présente proposition de loi. Il vise à éviter la fermeture de sites rentables au détriment de l'emploi et de l'activité économique.

Il reprend, pour partie, des dispositions de la proposition de loi, déposée, le 28 février 2012, par François Hollande et Jean-Marc Ayrault , alors députés, tendant à garantir la poursuite de l'activité des établissements viables notamment lorsqu'ils sont laissés à l'abandon par leur exploitant .

L'engagement n° 35 du candidat François Hollande indiquait également que « pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions, nous donnerons aux ouvriers et aux employés qui en sont victimes la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l'intérêt de l'entreprise ».

L'exposé des motifs de la présente PPL rappelle un constat alarmant : « l'industrie française a perdu 2 millions d'emplois en trente ans, dont 750 000 sur les dix dernières années. Depuis 2009, ce sont plus de 1 000 usines qui ont fermé leurs portes, pour seulement 700 ouvertures. Nous sommes parmi les pays d'Europe ayant connu le plus fort mouvement de désindustrialisation ».

Il souligne également que « sous la pression des marchés, certains en sont venus à adopter la politique de la terre brûlée : mieux vaut payer le prix d'un plan social que de ?s'encombrer? avec un site dont les performances économiques, bien que positives, font tâche dans le bilan présenté à l'assemblée générale des actionnaires . Pourtant, dans de nombreux cas, d'autres entreprises seraient prêtes à reprendre le flambeau et à garantir la pérennité des emplois locaux ». Il en résulte des situations particulièrement préjudiciables à l'emploi et, parfois même, à tout un bassin d'emplois .

L'article 1 er de la présente PPL vise à lutter contre ce fléau. Il s'articule autour d'un volet préventif et d'un volet contraignant.

Le volet préventif consiste à informer les salariés lorsqu'un employeur envisage la fermeture d'un établissement et à leur en indiquer les raisons. L'employeur est tenu de s'engager à rechercher un repreneur, y compris parmi les salariés de l'établissement.

À cette fin, il doit informer tout repreneur potentiel, examiner les offres de reprise qu'il reçoit et leur apporter une réponse motivée. En parallèle, le comité d'entreprise est informé des offres de reprise et peut formuler des propositions sur celle-ci.

L'employeur doit justifier devant le comité d'entreprise les raisons pour lesquelles il a choisi de retenir ou bien de refuser une offre.

C'est à ce stade que le comité d'entreprise peut enclencher le volet contraignant. S'il estime que l'employeur n'a pas respecté ses obligations, en particulier en cas de refus de donner suite à une offre qu'il considère comme sérieuse, il peut saisir le tribunal de commerce.

Si le tribunal constate effectivement que l'employeur n'a pas rempli ses obligations, il peut « imposer le versement d'une pénalité , qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l'établissement , dans la limite de 2 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. Le montant de la pénalité tient compte de la situation de l'entreprise et des efforts engagés pour la recherche d'un repreneur. [...]

« Le tribunal de commerce peut enjoindre à l'entreprise de rembourser tout ou partie des aides financières publiques en matière d'installation, de développement économique ou d'emploi qui lui ont été versées au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture au cours des deux années précédant le jugement ».

La pénalité versée par l'entreprise est affectée à la Banque publique d'investissement pour financer des projets créateurs d'activité et d'emplois sur le territoire où est situé l'établissement ou de promotion des filières industrielles.

Dans la proposition de loi déposée en février 2012, il était prévu que le tribunal de commerce puisse forcer l'entreprise à céder l'établissement à un repreneur. Il est apparu que cette disposition pourrait être déclarée contraire à la Constitution et, en particulier, à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur le droit de propriété 2 ( * ) . Par ailleurs, elle pourrait aussi être contraire aux traités européens qui consacrent la liberté d'établissement.

C'est pourquoi la présente PPL repose sur un schéma différent. Le poids des pénalités doit conduire l'employeur à préférer la cession à la fermeture pure et simple .

La phase judiciaire n'est qu'un ultime recours évidemment indispensable pour les entreprises mettant en oeuvre les stratégies les plus délétères .

Dans les autres cas, l'essentiel de la proposition de loi tient à la création d'une phase préventive visant à associer étroitement employeur, salariés et pouvoirs publics, de sorte qu'un dialogue social puisse être maintenu en permanence sur le devenir de l'établissement .

Ce premier volet de la proposition de loi est donc un complément indispensable à la politique en faveur de l'industrie mise en oeuvre par le Gouvernement depuis son arrivée aux responsabilités.


* 1 À l'initiative de François Brottes et de Clotilde Valter, respectivement président et rapporteure de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, celle-ci a modifié le titre de la présente PPL, qui s'intitule désormais « Proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle ».

* 2 Article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

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