CHAPITRE IV - LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA POSTE ET AUX COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

Ce chapitre, qui analyse le volet « Poste et communications électroniques » de la mission « Économie », est présenté par M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis. Après avoir retracé l'évolution budgétaire des crédits correspondants pour 2014, il analyse l'état de déploiement du réseau très haut débit dans le cadre du plan France très haut débit présenté par le Gouvernement en 2013.

I. LES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES

Les crédits d'État relatifs au secteur des communications électroniques et à l'économie numérique proviennent essentiellement de deux sources :

- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », à travers les financements alloués à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), à l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et à certaines associations ;

- le nouveau programme 343 « Plan France très haut débit », dédié au financement du très haut débit.

A. LE PROGRAMME 134 « DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES ET DU TOURISME »

Deux actions sur les douze que compte le programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » ont trait au secteur des communications électroniques. Il s'agit de l'action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société d'information » , qui concentre la grande majorité des crédits, et de l'action 13 « Régulation des communications électroniques et des postes » .

1. L'action 4 « Développement des communications, des postes et de la société de l'information »

Mise en oeuvre par la direction générale des entreprises (DGE) et ses services déconcentrés (DIRECCTE), cette action a pour objet d'une part de favoriser le développement des services de communications électroniques par une politique d'ouverture à la concurrence et à l'innovation, ainsi que par le maintien d'un service public de qualité, et d'autre part, de permettre l'essor des technologies de l'information qui sont au coeur de la croissance et de la compétitivité.

Ses crédits s'élèvent pour 2015 à 173,08 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), contre 194,56 millions d'euros en 2014, soit une baisse de 11,04 % . Ils se partagent entre 33,99 millions d'euros de dépenses de fonctionnement et 139,01 millions d'euros de dépenses d'intervention.

La principale dépense de fonctionnement correspond à la dotation allouée à l'Agence nationale des fréquences (ANFR), qui gère le spectre hertzien. Le reste est affecté aux dépenses de fonctionnement autres que de personnel 6 ( * ) .

Quant aux dépenses d'intervention , elles se divisent entre les dépenses de transferts aux entreprises (130 millions d'euros), qui correspondent à la compensation par l'État des surcoûts de la mission de service public de transport postal de la Poste 7 ( * ) , et les actions en faveur du numérique et des télécommunications (9,1 millions d'euros). Ces dernières recouvrent :

- les dotations versées aux organismes internationaux (8,5 millions d'euros) ;

- les subventions annuelles versées à des associations qui accompagnent le développement des télécommunications et de la société de l'information (55 000 euros) ;

- et la subvention correspondant aux dépenses d'intervention de la Délégation aux usages de l'internet (DUI), dans la perspective de la création d'une Agence nationale du numérique dont la mission sera d'assurer le suivi, l'animation et la mise en oeuvre du plan France très haut débit (54 000 euros).

• Un budget de l'ANFR sous tension

D'un montant de 33,49 millions d'euros , en AE comme en CP (contre 33,77 millions d'euros en 2014), la subvention pour charges de service public versée à l'ANFR est en recul de 0,82 % . Cette dotation avait déjà diminué de 2,8 % l'an passé, et de 3 % l'année précédente.

La subvention pour charges de service public reste la ressource principale de l'Agence. Elle couvre plus de 90 % de ses dépenses prévisionnelles. À côté de cette subvention, l'Agence se finance sur ses ressources propres 8 ( * ) .

La répartition des dépenses par enveloppes, qui évolue peu d'une année à l'autre, illustre toutefois les contraintes de gestion de l'Agence. Elle se partage ainsi entre :

- des dépenses de personnel (72 % du budget 2014). Le schéma d'emploi de l'Agence sera, dans les prochaines années, moins favorable à la diminution des dépenses du fait du tarissement des départs en retraite ;

- des dépenses de fonctionnement (hors amortissement) (21 % du budget). Des économies sur les dépenses immobilières ont été obtenues par la réduction du nombre de sites en 2013, en application du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2011-2015 ;

- des dépenses d'investissement (7 % du budget). La diminution des ressources a un impact direct sur les achats d'équipements de mesure (camions laboratoires, analyseurs, stations mobiles), qui sont restés cette année au niveau de 2013.

• Des missions croissantes difficiles à financer

L'ANFR est un établissement public administratif créé par la loi du 26 juillet 1996 portant réglementation des télécommunications qui a pour mission de gérer les ressources domaniales rares que constituent les fréquences radioélectriques. Ses missions sont donc principalement régaliennes (planification du spectre et négociations internationales, contrôle et police sur les fréquences, ordonnancement des redevances au profit du budget général...). Elle est placée auprès du ministre en charge des communications électroniques.

Les contraintes budgétaires dont elle fait l'objet sont particulièrement dirimantes au regard du nombre et de l'importance de ses missions . Celles-ci sont définies par la loi et précisées - ainsi que son organisation par plusieurs - décrets 9 ( * ) .

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Le précédent rapport pour avis avait été l'occasion d'attirer l'attention sur les risques d'une telle réduction renouvelée des moyens de l'Agence. Le constat vaut d'autant plus cette année, alors que l'ANFR, depuis le 1 er janvier 2014, a intégré la mission très haut débit, chargée de l'organisation du déploiement des réseaux à très haut débit, et a ainsi encore vu s'accroître son périmètre d'intervention.

2. L'action 13 « Régulation des communications électroniques et des postes »

L'action 13 est entièrement destinée au financement de l'ARCEP. À 22,7 millions d'euros , en AE comme en CP, contre 22,85 millions d'euros l'an passé, sa dotation de fonctionnement est en léger recul de 0,66 % cette année.

• Des efforts de gestion non récompensés depuis 2009

La baisse de dotation de l'ARCEP s'inscrit dans la trajectoire budgétaire triennale 2015-2017 envisagée pour l'Autorité, qui prévoit notamment une réduction drastique de ses effectifs et une diminution de ses moyens matériels . Ce faisant, elle méconnaît les efforts de gestion déjà réalisés par l'Autorité depuis six ans, salués chaque année dans le présent rapport pour avis.

Ainsi, et selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès de l'administration centrale, l'ARCEP est parvenue, sur la période 2009-2013, à absorber par un redéploiement de ses effectifs la baisse de son plafond d'emplois autorisés (de 174 à 171 équivalents temps plein - ETP). Elle a, pour ce faire, procédé à plusieurs réorganisations des services, accompagnées d'un effort notable en termes de formations internes, de manière à redéployer le plus efficacement possible ses effectifs, tout en restant en capacité de recruter les nouveaux profils adaptés à l'évolution des métiers du régulateur.

Sur le plan des moyens matériels, l'ARCEP a mené à bien une réduction de près de 40 % de ses coûts de fonctionnement hors loyer (lui-même renégocié en 2010, en cohérence avec les instructions du Premier ministre) ; tous les postes de coûts ont été passés en revue sur la période 10 ( * ) . Le diagramme suivant restitue la réalité de cette gestion responsable et constante depuis six ans 11 ( * ) .

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Selon les termes mêmes des réponses au questionnaire budgétaire, qui évoquent les remarques en ce sens du rapport pour avis de votre commission - et de son homologue de l'Assemblée nationale - du précédent exercice, l'année passée a constitué pour l'ARCEP « un « point bas » dans la gestion de ses moyens humains et matériels - sauf à accepter un fonctionnement durablement dégradé qui aurait des répercussions sur l'exercice des missions qui lui sont confiées par le législateur (...), mais aussi des conséquences sur les finances publiques (...) ».

• Une situation extrêmement délicate pour une autorité dont les missions s'étendent

L'insuffisance de la dotation accordée à l'Autorité dans la précédente loi de finances initiale (LFI), notablement aggravée par l'annulation de crédits intervenue fin mai 2014, a ramené le budget de fonctionnement disponible pour l'ARCEP en 2014 à 5,7 millions d'euros, soit un niveau bien inférieur au « point bas » atteint en 2013. Cette situation fait apparaître une impasse de fin de gestion d'environ 385 000 euros , qui donnera lieu à une demande de déblocage partiel de la réserve de précaution. Ce sera la première du genre depuis la mise en place de la loi organique sur les lois de finances (LOLF), indispensable pour permettre à l'Autorité de préserver la qualité et la crédibilité de son travail de régulation.

Cette situation d'impasse intervient dans un contexte d' évolution à la hausse des missions imparties à l'ARCEP :

- attribution des fréquences 4G dans les départements d'outre-mer (DOM) et de la bande « 700 MHz ». Ce sont là deux enjeux stratégiques en termes de déploiement du très haut débit mobile et de couverture des territoires, mais également de ressources financières pour le budget de l'État ;

- déploiement du très haut débit en fibre optique sur l'ensemble du territoire. Cela suppose, en appui et en complément du pilotage dévolu aux pouvoirs publics, et notamment à la mission très haut débit, d'une part, la mise en oeuvre effective d'un cadre performant de régulation du haut et du très haut débit et, d'autre part, l'accompagnement et la régulation symétrique d'un nombre croissant d'opérateurs, notamment publics, sur le marché du très haut débit fixe ;

- réponse à de nombreuses sollicitations émanant du Parlement, confirmées à l'occasion des auditions du président de l'Autorité par les commissions des affaires économiques des deux assemblées le 18 et 25 juin dernier, qui préconisent le renforcement des contrôles en matière de couverture et de qualité des services mobiles.

A ce stade, extrêmement préoccupant pour l'avenir de la régulation du secteur, l'ARCEP a fait savoir au ministre et au responsable de programme qu'elle ne sera pas en mesure de mettre en oeuvre les réductions envisagées , tant sur les emplois que sur les moyens de fonctionnement. L'Autorité n'est notamment plus en mesure de financer trois de ses fonctions :

- les travaux de prospective, pourtant indispensables dans un secteur où le progrès technique est aussi important ;

- les actions de formation permanente de ses agents fonctionnaires ou contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI), qui sont nécessaires compte tenue de l'évolution constante des technologies et des problématiques de la régulation ;

- la modernisation et la sécurisation des systèmes d'information, nécessaires à la mise en oeuvre de gains de productivité pour pallier la baisse des effectifs au cours des dernières années.

Comme lors des deux précédents exercices, le présent rapport pour avis est à nouveau l'occasion de souligner le caractère particulièrement vertueux de la gestion par l'ARCEP de son budget , notamment au regard de ses homologues européennes, mais aussi sur les limites d'une telle évolution, qui en vient à remettre en cause l'exercice par l'Autorité de ses missions institutionnelles et, partant, la qualité de la régulation des marchés sur lesquels elle intervient.

Cependant, au-delà de ces enjeux budgétaires, il convient de s'interroger sur la logique d'une délégation à l'ARCEP d'un nombre croissant de missions, dont l'État devrait - pour certaines du moins - demeurer seul garant. Votre rapporteur pour avis juge ainsi que l'action de l'Autorité excède largement aujourd'hui le champ de la régulation , sans qu'elle en ait les moyens financiers. Il y a là un problème de cohérence et de principe sur lequel il faudrait débattre au fond. Le futur projet de loi numérique, dont l'examen est prévu l'année prochaine, en serait le cadre idéal.


* 6 Voir infra.

* 7 Laquelle est réduite de 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, conformément aux prévisions du protocole signé entre l'État, La Poste et la presse en 2008.

* 8 À savoir : 338 000 euros de recettes de prestations de contrôles des fréquences, à la demande d'administrations affectataires ou de tiers privés ; 100 000 euros de produits exceptionnels constitués essentiellement de refacturations de coûts aux éditeurs numériques ; 130 000 euros de frais de gestion pour couvrir les coûts complets de la gestion du dispositif Mesures ; 10 000 euros de produits financiers et 58 000 euros de produits de cession et divers.

* 9 Codifiés aux articles R. 20-44-10 à R. 20-44-30 du code des postes et communications électroniques (CPCE).

* 10 Frais de représentation/réception (-35%), frais de missions (-48%), marchés d'expertises externes (-40%), dépenses de communication (-55%), parc automobile (-94%) et informatique-bureautique (-25%).

* 11 Budget exécuté 2009-2013 et prévisions 2014.

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