LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Campus France

M. Antoine GRASSIN, directeur général, et Mme Béatrice KHAIAT, directrice générale adjointe

Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

Mmes Marie-Hélène FARNAUD-DEFROMONT, directrice, et Mme Raphaëlle DUTERTRE, chargée des relations avec le Parlement

Institut Français

M. Xavier DARCOS, président, Mme Anne TALLINEAU, directrice générale adjointe et M. Nicolas GOMEZ, secrétaire général

Fondation Alliance française

M. Jean-Claude JACQ, secrétaire général

Contributions écrites

Agence universitaire de la Francophonie (AUF)

Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (FAPEE)

Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP)

Annexe

Compte rendu de l'audition de Mme Anne-Marie DESCÔTES, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et du développement international

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MERCREDI 22 OCTOBRE 2014

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'entendre aujourd'hui Mme Anne Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et du développement international, sur le projet de loi de finances pour 2015. Cette audition sera l'occasion de faire le point sur la politique culturelle extérieure de la France et les moyens qui lui seront consentis en 2015 dans le cadre du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

Notre commission s'est traditionnellement montrée très attentive à l'avenir de notre réseau culturel à l'étranger, le plus vaste au monde, et à la préservation de son universalité dans un contexte budgétaire chaque année plus contraint. Nous avons également à coeur de veiller à ce que les principaux opérateurs de notre action culturelle extérieure, l'Institut français, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et Campus France, disposent des moyens nécessaires pour servir à l'étranger notre ambition stratégique de rayonnement culturel, linguistique et intellectuel.

Qu'il s'agisse du bilan de l'expérimentation de rattachement du réseau culturel à l'Institut français ou de la mise en oeuvre du plan d'orientation stratégique de l'AEFE pour les années 2014-2017, les questions ne manquent pas.

Je vous laisse sans plus tarder la parole, avant que notre rapporteur, Louis Duvernois, puisse vous interroger puis que le débat s'engage avec l'ensemble de nos collègues.

Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) . - Je vous remercie de votre invitation à présenter un état des lieux de notre diplomatie culturelle et d'influence dont les crédits sont inscrits au programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». Elle s'inscrit dans la perspective de diplomatie globale et de développement international promue par le ministre. Notre réseau de coopération et d'action culturelle, nos opérations comme l'AEFE, Campus France, l'Institut français ou Atout France, nos instruments d'intervention, notamment en matière d'attractivité universitaire, sont pleinement mobilisés en vue de contribuer au redressement économique de notre pays. Comme l'a rappelé le ministre lors de la dernière Conférence des ambassadeurs, il s'agit pour nous d'une priorité.

Pour entrer dans le vif du sujet du projet de loi de finances (PLF) pour 2015, je commencerai par un point sur l'évolution de nos moyens. La principal innovation du programme 185 tient au transfert de la subvention pour charge de service public d'Atout France vers le programme avec la création d'un action dédiée au « développement du tourisme » dotée de 30 millions d'euros auxquels s'ajoutent 3,8 millions pour financer la mise à disposition de 38 agents. Cette subvention représente la moitié du budget d'Atout France, l'autre moitié venant des collectivités locales en vue de réaliser des opérations de promotion touristique. Atout France est un groupement d'intérêt économique (GIE) de 400 agents avec un réseau de bureaux présents dans 32 pays qui doit trouver à s'articuler avec notre réseau diplomatique.

Les moyens alloués à l'attractivité et à la recherche (106 millions d'euros) ainsi qu'à la coopération culturelle et au français (67 millions) sont stabilisés en PLF 2015 après d'importantes baisses en 2013 et 2014.

Au titre de la contribution à la réduction des déficits publics, les subventions aux opérateurs sont réduites de 2 % selon la norme interministérielle définie par la direction du budget. Le ministre étudie d'ores et déjà les mesures de mise en oeuvre de ces économies avec les trois établissements concernés (AEFE, Institut français et Campus France). Cette baisse apparaît supportable et doit permettre à ces opérateurs de disposer du temps nécessaire à la recherche de cofinancements.

Au total, le programme 185 est arrêté à 668 millions d'euros soit une augmentation de 3,5 % par rapport à 2014. Cette évolution recouvre le transfert de la subvention à Atout France. Hors ce transfert, le programme est en diminution de 1,8 % seulement par rapport à 2014.

Les effectifs de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats sont également relativement préservés à hauteur de 2 910 équivalents temps plein (ETP) pour ceux relevant du plafond d'emplois ministériels, en baisse de 73 ETP soit -2,5 % et à 3 489 ETP pour les agents de droit local des établissements à autonomie financière, avec une mesure d'abattement technique des emplois vacants de 75 ETP, sans impact sur les effectifs réels. Au total, le réseau de coopération et d'action culturelle comptera 6 399 agents en 2015, tous statuts confondus. Le programme 185 est un instrument essentiel de notre diplomatie globale : il nous permet de mener à bien et en synergie nos diplomaties économie et culturelle.

Notre diplomatie économique s'appuie sur tous les instruments du ministère (lobbying économique et politique, politique des visas, influence culturelle, bourses et stages, expertise internationale), mis au service des entreprises avec pour objectif de redresser le commerce extérieur et d'attirer les investisseurs internationaux en France.

Le ministère s'organise en conséquence avec en particulier la direction des entreprises et de l'économie internationale créée en mars 2013, qui vient d'être renforcée d'un pôle en charge du tourisme. Ce dispositif est aujourd'hui complété par la nomination d'un secrétaire général adjoint du ministère, en charge des affaires économiques, qui jouera un rôle d'impulsion de la diplomatie économique et mobilisera l'ensemble des acteurs concernés. Il s'appuiera sur des directeurs adjoints chargés plus particulièrement des questions économiques au sein des directions géographiques. Enfin, le ministère des affaires étrangères et du développement international exerce désormais avec le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique la cotutelle sur les deux opérateurs économiques Atout France et Ubifrance.

Notre diplomatie économique vise à promouvoir le territoire français auprès des investisseurs étrangers, en lien avec les outils des services économiques de l'agence française pour les investissements internationaux (AFII). Les ambassadeurs sont les relais au plus haut niveau des investisseurs et nouent des relations étroites avec ces derniers. La diplomatie économique doit également contribuer à attirer les touristes étrangers en France. Au niveau mondial, le secteur du tourisme représente un important gisement de croissance. La France doit rester la première destination touristique au monde avec pour objectif d'accroître les recettes liées au tourisme.

Notre diplomatie culturelle ou d'influence demeure un axe central de notre action : elle s'appuie sur un réseau culturel à l'étranger qui reste l'un des plus importants au monde, des opérateurs créés, pour certains d'entre eux, il y a quelques années seulement mais qui ont fait leur preuve ou encore des instruments financiers comme les bourses qui demeurent pertinents dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

S'agissant de notre réseau culturel à l'étranger, vous savez qu'il a fait l'objet en 2013 d'une étude approfondie menée par la Cour des Comptes et prolongée par un rapport d'information de l'Assemblée nationale. Les 17 propositions qui y figurent font l'objet d'un suivi attentif et d'échanges nourris, qu'il s'agisse d'une meilleure définition des priorités, de la modernisation des outils ou encore du pilotage. Ce réseau culturel étant au coeur des missions de notre diplomatie globale, sa cartographie continuera d'évoluer en 2015. Nous le réorganisons en fonction de zones et de thématiques (diplomatie économique, climat, gouvernance prioritaire). Il est allégé dans les postes de présence diplomatique à format resserré et certaines antennes, dont la plus-value restait à démontrer, sont fermées. Cette rationalisation connaît également une nouvelle étape dans les pays à grands réseaux. Dans un contexte budgétaire contraint, l'évolution de cette cartographie du réseau est indispensable afin de répondre de manière toujours plus efficace aux objectifs fixés par nos autorités politiques.

L'adaptation de notre réseau concerne également celui des 27 instituts français des recherches à l'étranger (IFRE), placé sous la double tutelle du ministère et du CNRS. Ce dispositif représente un budget consolidé de 25 millions d'euros et compte 146 personnels expatriés. Le rôle de ces instituts est important : ils contribuent à la production de connaissances sur des terrains de recherche jugés stratégiques ; ils forment par la recherche des spécialistes français de ces régions ; ils participent grâce aux partenariats qu'ils nouent à notre politique d'influence.

Pour autant, le comité d'orientation stratégique des IFRE a estimé cette année que leurs performances pouvaient encore être améliorées, dans le sens d'une meilleure capacité d'anticipation des événements politiques, économiques et sociaux et d'une plus grande visibilité de leur production scientifique. Nous avons également constaté que ce réseau devait évoluer pour optimiser des ressources scientifiques et humaines.

Ainsi, la réforme aujourd'hui envisagée par le ministère vise notamment à mieux cibler les missions de recherche de ces IFRE sur des thématiques pour lesquelles ils peuvent apporter une véritable expertise : cela implique en particulier de mener des actions stratégiques au sein des conseils scientifiques et un travail plus fin sur les profils des chercheurs à recruter. Il importe également d'ouvrir ce dispositif à d'autres partenariats, notamment avec les universités et de rationnaliser progressivement la cartographie de ces établissements.

Concernant le fonctionnement même du réseau, j'appelle en particulier votre attention sur l'actuelle remise en cause de l'autonomie financière des établissements à autonomie financière (EAF) créés par la loi de finances de 1974, qui dérogent aux principes d'unité et d'universalité budgétaires. Le procureur près la Cour des comptes a en effet demandé au ministère d'examiner les pistes d'une régulation de ce statut dérogatoire à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La solution technique proposée par le ministère de l'économie serait de créer un fonds de concours pour chaque EAF ce qui reviendrait à alourdir sensiblement la charge de travail. Le ministre a écrit en juillet dernier au secrétaire d'État au budget pour demander le maintien de ce dispositif. Cette autonomie financière est en effet essentielle au dynamisme du réseau culturel qui s'autofinance à hauteur de 66 % et sert à construire des partenariats dans les domaines de la culture, de la francophonie et de l'attractivité.

S'agissant de nos opérateurs d'influence, je souhaite m'arrêter un instant sur l'Institut français (IF), aujourd'hui dans une phase de transition après la décision d'octobre 2013 de ne pas lui rattacher le réseau de coopération et d'action culturelle et la perspective du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour les années 2015 à 2017. Durant cette phase, le président Xavier Darcos a accepté de voir son mandat prolongé jusqu'à la fin de l'année 2014.

Le bilan de ces premières années est tout à fait positif, notamment la création d'une marque « institut français » qui renforce la visibilité des actions du réseau, l'organisation des Saisons comme actuellement avec la Chine qui sont à chaque fois un véritable succès, le développement de partenariats culturels entre professionnels dans des champs nouveaux comme les arts visuels, le design, l'architecture ou encore le développement de programmes innovants destinés à des publics jeunes comme « SafirLab », qui vise à accueillir et former pendant quelques semaines les futurs acteurs du développement de la rive sud de la méditerranée dans le champ des médias du numérique ou de la société civile. L'institut français s'est imposé dans le paysage culturel international : nos services culturels à l'étranger s'appuient sur son expertise, ses programmes, ses innovations technologiques et les relations de l'IF avec les alliances françaises (AF) sont bonnes et complémentaires. Ces partenariats ont été consacrés par une convention MAEDI-IF-AF en juin 2012.

Le COM pour les années 2015 à 2017 devrait être l'occasion de conforter l'Institut français dans son rôle d'opérateur culturel pivot de notre action culturelle extérieure, au service de l'ensemble du réseau et de lui fixer des priorités géographiques (les pays prescripteurs et émergents, l'Afrique francophone et la rive sud de la méditerranée) et les thématiques (industries culturelles, débat d'idées, climat). S'agissant des industries culturelles, c'est aujourd'hui une priorité du ministre. Une cinquième famille à l'export va être lancée en ce domaine. C'est naturellement une priorité pour l'IF, qui doit intervenir en synergie avec les opérateurs professionnels en charge de l'exportation (Unifrance Films, TVFI, BUREX). Il s'agira également de faire évoluer cet établissement afin qu'il soit toujours mieux à même de pouvoir mobiliser des co-financements, étant entendu que la subvention de l'État est en diminution : il doit développer le mécénat, l'accès aux financements européens, les partenariats. Le projet de COM devrait être finalisé d'ici la fin de l'année 2014 et être approuvé par le conseil d'orientation stratégique, avant d'être soumis pour avis au parlement puis validé par le conseil d'administration.

S'agissant de notre politique d'attractivité à l'attention des élites étrangères, c'est aujourd'hui notre priorité réaffirmée par le ministre : la défense des intérêts académiques et scientifiques est inséparable de nos intérêts économiques et participe de notre diplomatie d'influence.

Dans un contexte budgétaire durablement contraint et de concurrence internationale accrue, une réflexion stratégique interministérielle, notamment entre le ministère des affaires étrangères et du développement international et le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, a été engagée en 2013 en vue de renforcer l'articulation entre la diplomatie scientifique et la stratégie nationale de recherche et d'enseignement supérieur.

En outre, la présence du ministère s'est accrue dans les instances de définition des stratégies internationales de l'Agence nationale de recherche (ANR), du CNRS, des alliances thématiques de recherche ou dans les réunions des points de contacts nationaux (PCN) du programme européen de recherche « Horizon2020 ».

Par ailleurs, le dialogue entre les services des deux ministères est aujourd'hui renforcé comme l'a montré l'organisation récente à Paris du forum franco-brésilien sur la coopération scientifique et universitaire et du dialogue franco-chinois de haut niveau sur les échanges humains.

Campus France est aujourd'hui un opérateur reconnu de la mobilité étudiante : pour tous les étudiants et chercheurs bénéficiaires d'une bourse du gouvernement français, Campus France est le point de contact pour leur accueil, leur logement, le versement de l'allocation d'entretien, leur couverture sociale... Les boursiers ne parlent plus de « bourse du gouvernement français » mais de « bourse Campus France ». Les « espaces Campus France » au sein des instituts français à l'étranger assurent la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger et sont les interlocuteurs privilégiés des futurs boursiers, avant leur départ vers la France. Nous construisons, depuis quelques années, une chaîne de l'accueil étudiant en France au sein de laquelle, de nos ambassades aux universités en passant par Campus France, chacun doit articuler son action. Ainsi, depuis la rentrée 2014, l'établissement propose sur son site Internet une nouvelle page web qui recense les dispositifs de « guichet unique » d'accueil en région et présente les actions spécifiques des collectivités territoriales en matière d'accueil et de logement étudiants. Pour la rentrée 2015, Campus France prévoit de mettre en place, en partenariat avec le réseau ESN ( Erasmus Student Network ) France, un parrainage international afin d'offrir aux étudiants étrangers primo-arrivants un accueil et un accompagnement par des étudiants locaux (nationaux ou étrangers déjà en France).

Un autre chantier prioritaire aux yeux du ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, concerne la création d'un réseau d'anciens étudiants étrangers en France qui pourraient constituer autant de relais de notre influence et de partenaires potentiels de notre diplomatie économique. Campus France a reçu la mission de développer et d'animer une plateforme numérique « alumni » en lien avec les postes diplomatiques. Ces anciens étudiants pourraient notamment se voir proposer sur cette plateforme des offres de stages, des programmes linguistiques, des séjours touristiques. Cette plateforme sera lancée d'ici la fin de l'année à titre expérimental dans dix pays avant un déploiement progressif à partir de janvier 2015. C'est un projet ambitieux dont chacun a souvent ressenti le manque.

Je souhaite rappeler toute l'importance que nous accordons à notre offre d'éducation française dans le monde, ainsi qu'à la promotion de notre langue. L'année 2015 sera ainsi rythmée par plusieurs échéances importantes concernant le réseau de l'AEFE : une concertation interministérielle sur l'enseignement français, le contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2015 à 2017 ainsi que l'anniversaire des 25 ans de l'AEFE.

S'agissant de la langue française, le rapport de Jacques Attali intitulé « La francophonie et la francophilie, moteur de la croissance durable » nous conforte dans l'idée que le monde francophone doit rester une priorité de notre diplomatie. Il comporte un certain nombre de propositions qui devraient inspirer le travail engagé sous l'autorité du ministre et de la secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie.

Je souhaite enfin remercier les membres de la commission de la culture pour le soutien constant qu'ils apportent aux actions du ministère.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je rappelle que notre commission entendra Jacques Attali le 25 novembre prochain à l'occasion d'une audition conjointe avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » . - Je souhaite commencer par une observation générale pour rappeler les difficultés qui ont présidé à l'adoption de la loi de 2010 créant l'Institut français, compte tenu en particulier des résistances des postes diplomatiques. Il y avait une nécessité à réformer la diplomatie française culturelle et d'influence en mettant en place un réseau décentralisé, mais cette mise en place a été laborieuse. Il a fallu attendre trois ans pour que soit réalisé le rapport d'expérimentation prévu par la loi. Par ailleurs, des problèmes budgétaires sont apparus qui ont brouillé l'esprit de la loi. Je constate que les difficultés budgétaires ont donc dominé cette phase de transition et créé une situation nouvelle qui s'apparente à un rétrécissement du périmètre des actions à mener.

Ma première question consistera donc à vous demander comment se traduiront ces rétrécissements en termes de cibles géographiques privilégiées. Je souhaiterai ensuite savoir comment l'Institut français pourra mettre en oeuvre un pilotage stratégique si moins de 15 % des crédits de son budget sont distribués au réseau. Je m'interroge également sur le fait de savoir si cet établissement public est consulté sur le recrutement et le déroulement des carrières des agents du réseau. Concernant Campus France enfin, dont le budget connaît une baisse de 2 %, je me demande si cet opérateur s'est pleinement imposé aux yeux des étudiants étrangers comme l'interlocuteur concernant l'attribution des bourses compte tenu de sa mise en place difficile.

Mme Anne-Marie Descôtes . - Concernant Campus France, les difficultés liées à sa naissance ne sont pas propres à cette institution. La fusion de deux entités de statut différent, de culture différente n'est jamais chose facile. Aujourd'hui, Campus France est bien en place avec un nouvel organigramme. La situation a été clarifiée. Des rivalités existent toujours mais ont été surmontées. La présidente du Conseil d'administration a su gagner la confiance des universités, pourtant toujours très jalouses de leur autonomie. Mais cette structure fédératrice d'opérateur unique était nécessaire pour être lisible et comprise à l'étranger. Nous avons su accompagner les équipes de Campus France au quotidien. L'accueil des boursiers étrangers dits « Excellence-major » qui viennent de lycées français à l'étranger, est totalement confié à Campus France, signe que les choses avancent vite et dans le bon sens. Et si Campus France réussit l'opération de la plateforme Alumni, son image sera définitivement installée.

Concernant l'Institut français, le sujet est sensible. Notre analyse n'était pas celle d'une forte résistance dans les postes diplomatiques. L'expérimentation s'est déroulée de façon satisfaisante et a fait l'objet de plusieurs rapports. La décision a été prise de ne pas rattacher. Nous n'étions pas en mesure de porter le surcoût et il n'y avait pas d'avantages comparatifs manifestes. Aujourd'hui, le réseau culturel et les conseillers de coopération et d'action culturelle sont porteurs de la diplomatie globale et de la diplomatie d'influence dans toutes ses composantes. Il aurait été étonnant de privilégier un opérateur plutôt qu'un autre.

Concernant la question des publics, un travail de rationalisation a été entrepris. Et lorsque nous demandons à l'Institut français de bien identifier les publics, c'est parce que l'on ne peut pas tout faire partout et que l'action culturelle doit être efficace et avoir des retombées mesurables en termes d'influence et en termes économiques. Les publics sont différents d'un pays à l'autre, il faut trouver les publics qui ont un intérêt, et les cibler en fonction des orientations que nous définissons. Nous essayons de mutualiser certaines actions dans certaines zones, toujours en fonction des spécificités des publics, des situations politiques, sociologiques et économiques.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » . - Donc c'est une réflexion qui est toujours en cours.

Mme Anne-Marie Descôtes . - Bien sûr !

M. René Troccaz, directeur des programmes et du réseau . - La question des échanges entre les personnels de l'Institut français opérateur et le réseau animé par le ministère des affaires étrangères et du développement international figurait au titre des priorités. Elle est déjà mise en oeuvre et de manière assez substantielle. Pour l'année 2013-2014, sept agents de l'Institut français, des cadres supérieurs, sont partis dans le réseau culturel. Il y a deux éléments à avoir à l'esprit. Le premier est que ceci s'intègre dans une concertation interne à l'opérateur et le second est lié à une contrainte, à des considérations pratiques attachées notamment au retour après trois ans dans le réseau. Il faut que les agents puissent retrouver une place équivalente ou supérieure. Or, l'évolution de carrière dans une institution de 144 agents n'est pas chose facile. Cela suppose enfin, qu'en retour, l'échange des agents se fasse dans les deux sens. C'est une des voies de la professionnalisation mutuelle entre le réseau et l'Institut français et cela vaut aussi pour d'autres opérateurs comme, par exemple, Campus France.

Mme Corinne Bouchoux . - Ma remarque concerne votre enthousiasme pour qu'un maximum d'étudiants étrangers puisse s'insérer professionnellement par des stages et des premiers emplois. La difficulté n'est pas de trouver des lieux de stage, ni des emplois, mais d'obtenir un titre de séjour, car malgré la circulaire Valls, les étudiants n'obtiennent pas les titres dans des délais décents.

Je voudrais également attirer votre attention sur la question de la spoliation artistique qui peut avoir des conséquences en termes de réputation et d'attractivité. Des rapports, colloques, missions se sont succédé sur le sujet. 2 000 oeuvres d'art sont provisoirement gardiennées dans nos musées. 30 oeuvres sur 125 devraient pouvoir retrouver leur propriétaire. C'est très peu. Comment sensibiliser quelqu'un à ce dossier ? Le tourisme est un vecteur de développement économique important et cette situation porte préjudice à l'image de la France. En outre, elle pourrait avoir des conséquences financières, en termes de dommages-intérêts, si une suite judiciaire lui était donnée.

Mme Dominique Gillot . - J'ai l'honneur de représenter le Sénat au Conseil d'administration de Campus France. Je suis particulièrement sensible à l'accueil des étudiants étrangers originaires de zones en guerre, je m'interroge également quant à l'avenir de l'IFEAC (Institut français d'études sur l'Asie Centrale).

Concernant Campus France, je confirme que la stabilisation de l'établissement est en cours. La nouvelle gouvernance est tout à fait responsable. Des outils de contrôle budgétaire ont été mis en place, le contrat d'objectifs et de moyens (COM) est en passe d'être adopté. Des économies de gestion tout à fait probantes ont été réalisées. Aujourd'hui, je félicite les équipes en place pour les efforts qui ont été accomplis.

Le partenariat entre les deux ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et celui des affaires étrangères et du développement international est fluide dans l'intérêt du rayonnement de la France et pour l'accueil des étudiants étrangers. Reste cependant un programme à développer concernant la formation des agents en poste pour la bonne orientation des étudiants, afin de réaliser des gains d'efficacité et de productivité. Il faut aussi noter la très bonne coopération de Campus France avec le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) afin de développer des guichets uniques d'accueil.

Le réseau Campus France ne pourrait-il pas être utilisé pour accueillir des étudiants étrangers venant de territoires en guerre, ce qui constituerait un signal positif émis par le ministère des affaires étrangères et du développement international ? Évidemment, un système de bourse spécifique devrait alors être mis en place, la coopération et le partenariat n'étant pas possible avec certains gouvernements.

Je souhaitais enfin vous interroger, pour que vous me rassuriez, sur le devenir des Instituts Français des études en Asie centrale. Lors d'un récent déplacement au Kazakhstan, j'ai pu constater la vitalité de notre coopération, certes économique et commerciale, mais aussi culturelle et universitaire : il existe désormais un institut Sorbonne-Kazakhstan qui a accueilli à la rentrée une première promotion de 60 étudiants francophones. Un certain nombres d'universités kazakhes ont souhaité mettre en place des coopérations et nous sommes plusieurs à travailler sur cette question dans la perspective du voyage du Président de la République prévu en décembre prochain.

Mme Claudine Lepage . - Je trouve très intéressantes toutes les complémentarités et synergies qui se créent dans les domaines de l'économie, de la culture, de la coopération, de l'enseignement ou de la recherche.

Avec maintenant 494 établissements, le réseau des écoles françaises à l'étranger ne cesse de s'étendre. Un tiers de ces établissements sont des établissements privés, ce qui pose la question de la maîtrise des coûts, l'enveloppe des bourses n'étant pas, par ailleurs, extensible à l'infini. Dans ces conditions, l'homologation de ces établissements ne devrait-elle pas prendre en compte, non seulement des critères pédagogiques et d'enseignement, mais aussi des critères de bonne gouvernance et de transparence ?

J'aimerais que vous nous donniez des précisions sur le nombre de demandes du label France éducation ainsi que sur les conditions de son obtention : quelle est la proportion exigée d'enseignement du français, d'enseignement en français ou encore d'enseignants français ? Y a-t-il un enseignant titulaire français par niveau ? Nous confirmez-vous que, ce label étant payant, ce paiement est pris en charge pour les établissements publics ?

Pour terminer, je voudrais regretter que le conseil d'orientation stratégique de l'Institut Français, dont je fais partie comme représentante du Sénat, ne se soit réuni que deux fois depuis sa mise en place en mars 2011.

M. Jacques Grosperrin . - Dans le contexte actuel de contrainte budgétaire, je souhaiterais connaître les articulations et les synergies que vous comptez mettre en oeuvre entre ces deux entités complémentaires que sont AEFE et l'Institut Français.

Lors d'une audition effectuée à l'Assemblée nationale en 2011 dernier, la dématérialisation des épreuves du baccalauréat, notamment en Asie, avait été évoquée comme une source d'économie budgétaire : où en est-on sur ce dossier ? Pouvez-vous nous donner des indications sur les économies réalisées ?

Enfin, l'autorisation d'emprunter auprès de France Trésor, qui concerne principalement l'AEFE mais aussi votre direction, est-elle toujours d'actualité ?

Mme Maryvonne Blondin . - Les collectivités territoriales, en particulier les Conseils généraux, sont parties prenantes dans l'action extérieure par les financements qu'ils apportent. Ces actions ne relevant pas de leurs compétences obligatoires, il est à craindre que dans le contexte budgétaire actuel, ce type de financement ne se réduise au cours des prochaines années.

Il a été indiqué que le tourisme constituait un phénomène par lequel pouvait s'effectuer la promotion de notre pays à l'étranger. Je pense que nous devrions encourager la mise en oeuvre d'un tourisme impliqué et responsable générant des effets bénéfiques pour l'ensemble de la population des pays visités.

Pour terminer, je souhaiterais insister sur la nécessité de maintenir tous les dispositifs d'enseignement du français à l'étranger. J'ai constaté avec regret, lors d'un tout récent déplacement à Madagascar effectué dans le cadre de la coopération décentralisée, que l'usage de la langue française régressait.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je reprendrais les propos de Mme Blondin, pour connaître vos réflexions sur la place à accorder aux collectivités territoriales en matière d'action extérieure en vue de maintenir une coopération décentralisée ambitieuse et pertinente.

Mme Anne-Marie Descôtes . - Comme l'a indiqué Mme Bouchoux, en dépit d'une augmentation de 6 % du nombre de visas accordés en 2013, les étudiants étrangers, qui sont actuellement au nombre de 300 000, ont moins de difficultés à trouver un cursus ou un stage qu'à obtenir un visa. C'est un vrai sujet, sur lequel nous travaillons en coopération avec le ministère de l'intérieur. Le projet de loi sur l'immigration actuellement en discussion comporte certaines dispositions telles que les visas étudiants valables pendant toute la durée des études, sans qu'il soit nécessaire de les renouveler chaque année ou les visas talents plus particulièrement destinés aux artistes et aux créateurs.

La question des oeuvres spoliées est une question sensible et très politique dont se sont saisis le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture. Il est vrai que les choses avancent lentement, car les dossiers sont traités au cas par cas, dans le respect du droit international et notamment du traité de 1970 relatif aux conditions de restitution.

Je voudrais remercier Mme Gillot des compliments qu'elle a adressés à Campus France. Le regroupement de cet opérateur sur un seul site a eu des effets très bénéfiques pour développer un fort esprit d'équipe en son sein, sans oublier qu'il a engendré des économies. Pour autant, comme vous l'avez souligné, il reste encore des choses à faire pour donner à Campus France toute sa dimension notamment en matière de formation des agents en poste.

S'agissant de l'accueil des étudiants originaires des zones de conflit, nous menons un travail en concertation avec le centre de crise. Notre action se déploie dans plusieurs directions : la délivrance des visas, l'accueil des étudiants puis leur prise en charge lorsqu'ils sont arrivés sur le sol français. Je me félicite par ailleurs de la mise en place d'un fonds d'aide d'urgence par les collectivités territoriales, qui apporte une vraie aide humanitaire. En matière scientifique, nous nous efforçons, conjointement avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de rationaliser le réseau lorsque la valeur ajoutée d'une implantation n'est pas flagrante. C'est pourquoi nous avons été conduits à fermer l'implantation de l'Institut français d'études sur l'Asie centrale (IFEAC) de Bishkek et à procéder à son redéploiement depuis Astana. Pour autant, cet Institut possède une vraie compétence en matière de sciences humaines et sociales ; nous y sommes très attachés surtout dans le contexte de la prochaine visite sur place du Président de la République.

En réponse à la question sur l'avenir des établissements d'enseignement français à l'étranger, je dirai que la réflexion dans ce domaine ne cesse jamais car ils doivent faire face à une demande croissante. Au sein du ministère de l'éducation nationale, la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) a engagé une réflexion sur l'homologation des établissements mais s'il est assez aisé de dégager une ligne de conduite en matière pédagogique, l'appréciation des critères de gestion et de gouvernance doit tenir compte des situations locales de chacun d'entre eux. Par ailleurs, il me semble urgent d'investir des outils numériques afin de toucher tous les publics à un coût moindre. Le Centre national d'enseignement à distance (CNED) le fait mais à petits pas.

Les conditions de délivrance du label France éducation ont évolué et les règles ont été assouplies. Pour autant, il ne s'agit pas d'un réseau parallèle, ni d'une « sous-homologation ».

Mme Lepage m'a interrogée sur la fréquence de réunion du conseil d'orientation stratégique de l'Institut français : il se réunira dès l'adoption du nouveau COM, sans doute début 2015.

S'agissant de la question posée par M. Grosperrin sur l'incidence de la dématérialisation du baccalauréat, sans vouloir me substituer à la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), je dirai que cette opération a évidemment engendré des économies ; il faut néanmoins tenir compte de la situation propre à chaque établissement afin d'éviter de mettre en danger les enfants, parfois confrontés à des troubles politiques ou à l'incidence de grèves des transports...

Je vous confirme par ailleurs que nous continuons d'emprunter auprès de l'Agence France Trésor et que le montant de ces emprunts s'élèvera à six millions d'euros en 2015.

L'action extérieure des collectivités territoriales constitue une des orientations fortes données par le ministre des affaires étrangères lui-même à Bertrand Faure qui prendra ses fonctions de délégué pour l'action extérieure des collectivités territoriales début novembre. Neuf millions d'euros seront déployés sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » au sein de la mission « Aide publique au développement ». Dans la droite ligne du rapport Laignel, nous menons une réflexion sur les moyens permettant de mieux capter les financements européens car au moment où tous les acteurs subissent une contrainte budgétaire forte, il importe qu'ils soient unis pour chasser en meute.

Quoi qu'il en soit, la France dispose d'un savoir-faire reconnu. Ainsi, une action en matière de tourisme responsable me paraît une bonne chose car le tourisme ne se réduit pas à l'hôtellerie de luxe. Nous pouvons en attendre des retombées. Toute l'action du ministère s'effectue dans le cadre de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), rénovée en 2013 et présidée par Mme Girardin. En son sein un comité dédié à la coopération économique a été mis en place.

Conformément aux orientations données par le ministre, Bertrand Faure devra s'attacher à développer les contacts avec les élus sur le terrain.

Par ailleurs il existe désormais une dizaine d'ambassadeurs pour les régions qui interviennent en appui des initiatives des collectivités territoriales qui le souhaitent. Celles-ci jouent un rôle très important pour faciliter le développement international des PME. Une vraie coopération peut s'engager dans ce domaine.

Enfin, vous comprendrez que je ne souhaite pas porter d'appréciation sur la réforme territoriale, qui ne relève pas de ma compétence.

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