Avis n° 113 (2014-2015) de M. Pierre MÉDEVIELLE , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 20 novembre 2014

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N° 113

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

PRÉVENTION DES RISQUES - MÉTÉOROLOGIE

Par M. Pierre MÉDEVIELLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Jacques Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. François Aubey, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mmes Geneviève Jean, Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent avis porte sur les crédits de trois programmes au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » :

- le programme 181 « Prévention des risques » ;

- le programme 170 « Météorologie » ;

- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ».

Ces trois programmes représentent environ 2,9 milliards d'euros, soit 43 % des 6,65 milliards ouverts au titre de la mission. Le ministère de l'écologie n'étant pas un des ministères identifiés comme prioritaires dans ce projet de loi de finances, les crédits sont en baisse cette année.

Votre rapporteur, convaincu que l'écologie et la prévention des risques constituent aujourd'hui, au titre de la sûreté des personnes et des biens, une mission régalienne de l'État, considère que les crédits ouverts dans le cadre de ce projet de loi de finances sont largement insuffisants.

Face aux dérèglements climatiques et à la hausse des risques naturels et technologiques, l'enjeu à l'avenir est non seulement de conserver les capacités d'expertise et d'intervention de l'État, mais aussi d'augmenter les moyens alloués à la prévention et à la gestion des crises.

*

* *

Lors de sa réunion du 26 novembre 2014, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181 « Prévention des risques », 170 « Météorologie » et 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2015.

I. LE PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES »

A. PÉRIMÈTRE ET CRÉDITS POUR 2015

1. Un programme marqué par quatre priorités

Le programme 181 rassemble les crédits budgétaires attribués aux politiques de prévention des risques naturels, des risques technologiques et des risques pour la santé d'origine environnementale. Il comporte quatre actions :

- la prévention des risques technologiques et des pollutions industrielles (55,2 % des crédits) : il s'agit des crédits dédiés à la lutte contre les pollutions générées par les installations industrielles et agricoles ainsi qu'à la phase opérationnelle de déploiement des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Cette action comprend des mesures sur l'évaluation du plan national santé environnement, sur la prévention et la réduction du bruit, ou encore sur la gestion et la valorisation des déchets ;

- la sûreté nucléaire et la radioprotection (17,8 %) : cette action vise à assurer un contrôle des installations et des activités mettant en oeuvre ou utilisant des rayonnements ionisants (installations nucléaires de base, transport des matières radioactives, gestion des déchets radioactifs, installations médicales ou de recherche). Cette action comprend en particulier les crédits alloués à l'Autorité de sûreté nucléaire ;

- la prévention des risques naturels et hydrauliques (13,2 %) : les crédits de cette action visent à améliorer la connaissance des risques naturels sur le territoire, mettre en place les moyens de suivi des phénomènes dangereux, assurer l'information du public, appliquer les plans de prévention des risques naturels (PPRN), réduire la vulnérabilité des territoires, et consolider les ouvrages hydrauliques.

- la gestion de l'après-mines et la prévention des risques liés aux anciens sites miniers (13,7 %) : l'action de l'État en ce domaine s'appuie sur l'évaluation des risques présentés par les anciennes exploitations minières et sur la réalisation de travaux de mise en sécurité.

2. Une baisse significative des autorisations d'engagement en 2015

Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement connaissent une évolution contrastée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.

En 2015, le programme 181 sera doté de 304,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 248,8 en crédits de paiement , soit une baisse respective de 20,4 % et 0,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS OUVERTS PAR ACTION

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

Variation

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Action 1 : Prévention des risques technologiques et des pollutions

248,2

167,9

-32%

110,4

107,8

-2,4 %

Action 9 : Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

54,1

54,2

-0,2%

59,1

59,1

-

Action 10 : Prévention des risques naturels et hydrauliques

37,8

40,2

+6,3%

37,8

40,1

+6,1 %

Action 11 : Gestion de l'après-mine et travaux de mise en sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites

41,8

41,8

-

41,8

41,8

-

Total

381,9

304,1

-20,4%

249,1

248,8

-0,1%

(en millions d'euros)

La réduction massive des autorisations d'engagement s'explique essentiellement par le réajustement des besoins de crédits consacrés aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

B. LA PRÉVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES

1. La réduction des crédits alloués aux risques technologiques

La prévention des risques technologiques connaît une forte baisse de dotation, environ 80 millions d'euros en moins dans le projet de loi de finances pour 2015 par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Interrogés par votre rapporteur pour avis, les services du ministère ont toutefois indiqué que cette évolution était essentiellement liée au réajustement des dotations consacrées aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Un nouveau recensement des besoins, effectué lors de la préparation du triennal 2015-2017, a en effet mis en évidence un décalage. Cette évolution des crédits ne traduit donc qu'une prise en compte des exécutions passées.

Les crédits de paiement alloués à la prévention des risques technologiques sont en revanche quasiment constants.

2. État des lieux du déploiement des PPRT en France
a) Les obligations légales

La loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a un nouvel outil de maîtrise des risques et de l'urbanisation autour des établissements soumis à autorisation avec servitudes : les plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

Après une phase de réduction des risques à la source chez les exploitants à l'origine du risque, les PPRT imposent la mise en oeuvre de diverses mesures :

- des mesures « foncières » : expropriations et droits de délaissement à proximité de l'installation à l'origine du risque ;

- des mesures supplémentaires de réduction du risque à la source sur les sites industriels, dans le cas où leur mise en oeuvre est moins coûteuse que les mesures foncières. Cela comprend le déménagement d'un site ou d'un atelier sur une plate-forme, ou encore la refonte du process industriel ;

- des restrictions sur l'urbanisme futur ;

- des travaux pour réduire la vulnérabilité des constructions existantes au voisinage du site industriel. Leur montant ne peut excéder 10 % de la valeur vénale du bien et 20 000 euros pour un particulier, 5 % du chiffre d'affaires pour une entreprise et 1 % du budget pour une collectivité.

b) Etat d'avancement du déploiement des PPRT

Au 1 er août 2014, sur les 407 PPRT à réaliser, la quasi-totalité des PPRT, 406 au total, ont été prescrits et 76 % d'entre eux, soit 311 plans, ont été approuvés . L'objectif fixé par le gouvernement est d'approuver 90 % des PPRT fin 2014 et 95 % fin 2015.

Depuis plusieurs années, la consommation des crédits dédiés aux PPRT a été inférieure aux prévisions, du fait du retard pris dans l'approbation des PPRT. Ce retard est dû à plusieurs causes.

La première étape dans la mise en place d'un PPRT est la réduction du risque à la source , au sein de l'entreprise. La réduction du risque a impliqué un long travail de révision des études de dangers avec les industriels concernés, avec un long délai de concertation et d'instruction des dossiers. Cette phase a permis de réduire l'emprise des PPRT sur les territoires. D'après les chiffres fournis par le ministère de l'écologie, les mesures prescrites aux exploitants ont réduit d'environ 350 kilomètres carrés la superficie des zones urbanisées soumises à mesures foncières dans les PPRT.

Par ailleurs, les difficultés liées au financement des mesures foncières et des travaux prescrits ont retardé l'approbation des plans. Plusieurs dispositifs ont été créés pour faciliter et accélérer l'instauration des PPRT :

- la mise en place d'un dispositif de financement par défaut des mesures foncières en cas d'absence d'accord entre les parties ;

- la prise en charge des travaux prescrits aux riverains via un crédit d'impôt de 40 % et depuis la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, une contribution des industriels et des collectivités au financement des travaux à hauteur de 25 % chacun en complément du crédit d'impôts. Au total, cela porte à 90 % l'aide apportée aux particuliers pour la réalisation des travaux de mise en sécurité de leur logement.

Selon le ministère, l'ensemble de ces mesures visant à faciliter la mise en oeuvre des PPRT devrait permettre d'augmenter le rythme de consommation des crédits dédiés aux PPRT. En 2015, 105 millions d'euros en autorisations d'engagement et 44,9 millions d'euros en crédits de paiement seront dédiés à cette action.

3. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail : des missions croissantes dans un cadre budgétaire contraint
a) Une agence récente

L'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est née le 1 er juillet 2010 de la fusion entre l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset).

Sous la quintuple tutelle des ministres chargés de l'agriculture, de la consommation, de l'environnement, de la santé et du travail, l'Anses est chargée des missions de veille, de recherche, d'expertise et de référence sur la sécurité sanitaire des aliments, de l'environnement et du travail, ainsi que sur la protection de la santé, sur le bien-être des animaux et sur la santé des végétaux.

Elle développe l'appui scientifique et technique nécessaires à l'élaboration des politiques de protection de la santé, liées aux expositions alimentaires, environnementales ou professionnelles, et à la mise en oeuvre des mesures de gestion des risques dans ses domaines de compétence.

L'Anses s'appuie sur un réseau de onze laboratoires de référence et de recherche implantés sur tout le territoire.

b) Une dotation budgétaire stable pour 2015

L'Anses reçoit à titre principal des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », à hauteur de 67 % du montant total de ces crédits.

Les crédits versés au titre du programme 181 « Prévention des risques » ne représentent que 7,4 % de sa dotation budgétaire totale. Des subventions lui sont également versées au titre du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » (14,5 %), du programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » (9,4 %) et du programme 190 (1,7 %).

Au total, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit de lui allouer 94 millions d'euros de subventions pour charges de service public, dont 7 millions d'euros au titre du programme 181. Sa dotation budgétaire est quasiment stable par rapport à celle attribuée par la loi de finances initiale pour 2014.

Le plafond d'emplois de l'agence est fixé à 1 281 ETPT en 2015, ce qui correspond à un schéma d'emplois de 10 ETP supplémentaires. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit 70 ETPT hors plafond.

c) La prise en charge de nouvelles missions

L'exercice 2015 sera marqué pour l'Anses par la prise en charge de nouvelles missions, issues en particulier de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Cette loi a opéré le transfert à l'Anses de la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques et matières fertilisantes . L'agence dispose aujourd'hui d'une solide expérience en matière d'évaluation scientifique des dossiers de demande d'AMM, reconnue en France et en Europe. Elle sera demain en charge de délivrer, retirer et modifier elle-même ces AMM.

Ce transfert de mission et de responsabilité, opéré par le Gouvernement et le Parlement dans une optique d'indépendance et d'efficacité, va modifier sensiblement le positionnement de l'Anses. La prise en charge de cette mission requerra une nouvelle organisation interne et de nouveaux processus afin que l'évaluation et la gestion du risque pesticides se fasse de manière transparente et performante.

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a également confié à l'Anses le pilotage d'un nouveau réseau de phytopharmacovigilance à l'échelle de tout le territoire.

Au vu de ces nouvelles missions, la hausse du plafond d'emplois de l'agence de 10 ETPT est une nouvelle satisfaisante. Cependant, sur le triennal 2015-2017, les années 2016 et 2017 seront marquées par une baisse chaque année de 5 ETPT, ce qui signifie que la prise en charge de ces nouvelles missions devra se faire essentiellement par réorganisation interne.

Selon les données fournies à votre rapporteur pour avis, manqueraient à ce jour 4 millions d'euros à l'agence pour boucler le financement du dispositif. Une des pistes de financement à l'étude serait la création d'une taxe additionnelle à la taxe sur le chiffre d'affaires pour les metteurs sur le marché de produits phytopharmaceutiques, proportionnelle au volume des ventes et avec un taux très faible, sur le modèle de ce qui existe en matière de médicament vétérinaire.

Parallèlement à ces missions nouvelles, les prochains exercices seront marqués par la nécessité de résorber les retards dans le traitement des dossiers . Par exemple, dans le cadre du processus en cours de réévaluation des substances au niveau européen, l'Anses a aujourd'hui un an et demi de retard dans le traitement des dossiers. Il est nécessaire de retrouver un rythme d'instruction des demandes plus conforme à la réglementation. À ce titre, la souplesse prévue par le projet de loi de finances pour 2015 au niveau des emplois hors plafond (+ 70 ETP) doit permettre d'améliorer la gestion de la charge de travail pour l'évaluation des produits phytopharmaceutiques et des biocides.

Sur l'avenir du financement de l'agence, votre rapporteur pour avis rappelle que l'année 2013 avait été marquée par un effort budgétaire considérable, avec une diminution de 50 ETP dans l'année qui avait nécessité un important travail de restructuration des laboratoires de recherche et de référence. Or, le lien est fort entre recherche dans les domaines de la santé et expertise sanitaire. Votre rapporteur pour avis estime que des contraintes budgétaires supplémentaires pourraient conduire à perdre de vue certains risques sanitaires et menacer à terme la capacité de réaction de la France en cas de crise .

C. LA PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

1. Une légère hausse des crédits

L'action 10 consacrée à la prévention des risques naturels, qui représente 10,2 % des crédits du programme 181, disposera en 2015 d'environ 40 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement , soit une progression de l'ordre de 6 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2014.

En 2015, les crédits ouverts doivent permettre de poursuivre les actions engagées dans le domaine de la prévention des risques naturels et des inondations, avec en particulier la mise en oeuvre du plan national submersions rapides et de l'appel à projets des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), la mise en oeuvre de la directive sur les inondations et de l'élaboration de la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI).

2. État des lieux de la mise en place des PPRN

Les plans de prévention des risques naturels (PPRN), créés par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, ont aujourd'hui vocation à prévoir et mettre en oeuvre les règles de prévention, d'urbanisme et de construction selon la nature et l'intensité des risques. Le PPRN a valeur de servitude d'utilité publique et doit être annexé au plan local d'urbanisme.

Selon les chiffres fournis par le ministère de l'écologie, au 1 er août 2014, 10 284 communes sont couvertes par un PPRN approuvé, et un PPRN prescrit est en cours d'élaboration sur le territoire de 3 060 communes. Il faut noter que 387 communes sans PPRN approuvé sont dotées d'un plan de surfaces submersibles. Le nombre de communes couvertes par un PPRN approuvé a rapidement augmenté à partir de 2000.

EVOLUTION DU NOMBRE DE PPRN PRESCRITS ET APPROUVÉS

Source : base de données GASPAR du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, août 2014

RÉPARTITION DES PPRN PAR TYPE D'ALÉA

Source : ibid

3. La prévention des inondations

Concernant la prévention du risque inondations, les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) et les opérations de confortement des digues du plan submersions rapides sont les deux outils opérationnels mis en place par l'Etat depuis 2011.

Conformément à la directive inondations 2007/60/CE du 23 octobre 2007, ce dispositif sera complété par la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI) après 2015. La stratégie se déclinera en plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) et en stratégies locales de gestion des inondations sur les territoires à risques importants (TRI). Les programmes d'action de prévention des inondations et les travaux de confortement des digues pourront bénéficier d'un accompagnement financier en 2015 dans la limite des possibilités offertes par la loi de finances ou par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM).

Mi-2014, au total, 95 PAPI et PSR ont été labellisés pour un montant global d'environ un milliard d'euros contractualisés et une participation de l'État de près de 400 millions d'euros issus en quasi-totalité du FPRNM.

La nouvelle compétence de gestion de l'eau et des milieux aquatiques et de prévention des inondations

La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPAM) a créé une nouvelle compétence en matière de prévention des inondations.

Avant cette loi, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations étaient une compétence facultative partagée entre toutes les collectivités et leurs groupements. Les collectivités ne pouvaient intervenir pour l'entretien des milieux aquatiques que pour motif d'intérêt général ou de défaillance du propriétaire riverain, de même qu'elles ne pouvaient intervenir dans la mise en place des ouvrages de prévention des inondations des propriétés privés.

La loi MAPAM attribue aux communes une compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Elle sera exercée par les communes ou par leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. La compétence comprend l'aménagement des bassins hydrographiques, l'entretien des cours d'eau, canaux, lacs ou plans d'eau, la défense contre les inondations et contre la mer (gestion des ouvrages de protection hydraulique), et enfin, la restauration des milieux aquatiques.

Les communes et EPCI pourront le cas échéant déléguer leur compétence à un EPAGE, établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau à l'échelle du bassin versant, ou à un EPTB, établissement public territorial de bassin, en charge de missions de coordination à l'échelle des groupements de bassins versants.

La loi a prévu un financement par la création d'une taxe affectée. Auparavant, lorsqu'une collectivité prenait en charge des travaux de gestion des milieux aquatiques ou de prévention des inondations, le financement se faisait par l'intervention des agences de l'eau et par le budget général des communes. Les frais pouvaient le cas échéant être compensés par l'instauration d'une redevance pour service rendu, redevance difficile à mettre en place et recouvrer pour les petites structures, sans compter la difficulté à évaluer le service rendu pour chaque propriétaire.

La loi MAPAM crée donc une taxe facultative, plafonnée et affectée, qui n'est levée qu'en cas d'exercice de la compétence par la commune ou l'EPCI, dans la limite d'un plafond fixé à 40 euros par habitant résidant dans leur périmètre.

Ces dispositions doivent entrer en vigueur le 1 er janvier 2016.

D. LE CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE

1. La stabilité des crédits alloués à la sûreté nucléaire

Depuis la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le contrôle de la sûreté nucléaire est la responsabilité de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Les missions de l'ASN s'exercent dans le cadre de la mise en oeuvre de l'action n° 9 du programme 181 : le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L'objectif de cette action est de garantir que les responsables d'activités civiles nucléaires ou à risques radiologiques assurent un haut niveau de protection des personnes et de l'environnement.

L'action n° 9 représente 17,8 % des crédits du programme 181 . Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, les crédits consacrés au contrôle de la sûreté nucléaire et à la radioprotection se maintiennent et connaissent même une très légère hausse de 0,04 % .

LFI 2014

PLF 2015

Variation

Autorisations d'engagement

54 145 071

54 170 170

+0,04 %

Crédits de paiement

59 160 343

59 185 442

+0,04 %

Le plafond d'emplois de l'ASN s'élevait, en loi de finances initiale pour 2014, à 363 ETPT. En 2015, le plafond va augmenter de 12 ETPT, pour atteindre un total de 375 emplois . Cette hausse des emplois répond entre autres au renforcement des effectifs de l'ASN pour faire face aux suites de la catastrophe de Fukushima.

Au total, en prenant en compte les agents mis à disposition de l'ASN (par l'IRSN, le CEA, l'AP-HP et l'ANDRA), au nombre de 105, l'effectif total de l'Autorité sera de 480 agents .

2. Des crédits insuffisants au vu des enjeux de sûreté nucléaire à court terme en France

Le coût du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est appelé à augmenter substantiellement dans les années à venir, sous l'effet combiné de plusieurs évolutions.

De manière globale, les exigences sociétales en matière de sûreté nucléaire sont en hausse, les citoyens exigeant en particulier de plus en plus de transparence. Le législateur a à cet égard eu tendance à alourdir les missions de l'Autorité de sûreté nucléaire sur le plan du contrôle des installations et des opérateurs.

Par ailleurs, le contexte actuel va conduire à une hausse sans précédent de l'activité de l'ASN :

- le renforcement de la sûreté nucléaire française à la suite de l'accident de Fukushima est toujours en cours ;

- de nombreuses centrales françaises, lancées dans les années 1970, arrivent au terme de leur cycle de vie. L'ASN va devoir instruire dans les années à venir les demandes de prolongation du fonctionnement de ces centrales au-delà du quatrième réexamen de sûreté ;

- le réacteur EPR sur le site de Flamanville est toujours en phase de mise en fonctionnement ;

- l'ASN réalise l'examen des options de sûreté du projet, mené par l'ANDRA, de centre de stockage profond de déchets radioactifs CIGEO ;

- le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, en cours de discussion parlementaire, pose de manière concrète la problématique du démantèlement de certaines installations ;

- enfin, la hausse continue des doses de rayonnements ionisants délivrées aux patients dans le milieu médical conduira également à une hausse d'activité pour l'ASN.

Dans un avis n° 2014-AV-0214 en date du 17 octobre 2014 relatif au budget alloué au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour les années 2015-2017, l'ASN indique rester « préoccupée par l'insuffisance des mesures budgétaires au regard des enjeux auxquels la France doit faire face dès maintenant en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Elle renouvelle donc sa demande de réforme du financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection afin de doter le dispositif dual composé de l'ASN et de l'IRSN d'un financement adopté et adaptable aux enjeux, reposant à la fois sur le budget de l'Etat et sur une contribution annuelle des exploitants nucléaires, fixée par le Parlement » .

Votre rapporteur pour avis insiste sur le fait que quels que soient les choix politiques opérés, s'agissant de la fermeture de certaines centrales ou la prolongation de la durée de vie de centrales existantes, l'activité de l'ASN va connaître un accroissement significatif dans les années à venir. L'enjeu consiste donc aujourd'hui à permette à l'Autorité de sûreté nucléaire d'y répondre, dans des délais acceptables pour les opérateurs, tout en maintenant une exigence maximale en termes de sûreté des populations. À ce titre, votre rapporteur juge impératif d'examiner dans les meilleurs délais une réforme du mode de financement de la sûreté nucléaire en France .

3. La nécessité de rénover le financement de la sûreté nucléaire
a) Historique du financement de la sûreté nucléaire

À la suite de la création du Service central de sûreté des installations nucléaires en 1973, l'article 17 de la loi du 27 décembre 1975 de finances rectificative pour 1975 a institué un système de redevances auquel étaient assujettis les exploitants des installations nucléaires de base. Le produit de ces redevances, dont le montant était fixé en loi de finances, était rattaché au budget de l'industrie par voie de fonds de concours et servait à assurer le financement du dispositif de sûreté nucléaire.

L'article 43 de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 a substitué à ce système de redevances une taxe sur les installations nucléaires de base, dite taxe INB, qui est affectée au budget général de l'État. A compter de cette date, les crédits correspondant à la mission de contrôle des installations nucléaires, qui relevait à ce moment-là de la direction de la sûreté des installations nucléaires, ont été budgétisés.

b) Le mode de financement actuel

Ces modalités de financement sont celles en vigueur actuellement. La taxe sur les installations nucléaires de base, dont le produit s'élevait à 576,66 millions d'euros en 2014, est affectée au budget général de l'État et l'Autorité de sûreté nucléaire est financée par des crédits budgétaires.

Ce financement est aujourd'hui difficilement lisible . Les ressources de l'ASN dépendent, directement ou indirectement, de plusieurs programmes distincts et d'une taxe affectée à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Le financement de l'ASN dépend à ce jour, en coûts directs, des programmes 181 « Prévention des risques » et 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière ». L'IRSN, qui met en oeuvre l'expertise technique pour le compte de l'ASN, reçoit une dotation au titre du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », à laquelle s'ajoute une part dédiée de la contribution due par les exploitants des installations nucléaires de base.

c) L'affectation d'une ressource fiscale pérenne pour répondre aux enjeux de demain

Votre rapporteur pour avis estime que le contexte actuel, marqué par une hausse significative des missions confiées à l'ASN, appelle une rénovation du financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le relèvement du financement de l'ASN bénéficierait aux entreprises exploitant les installations nucléaires, dans la mesure où le renforcement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection leur éviterait de subir les surcoûts liés à l'engorgement actuel de l'Autorité de sûreté nucléaire. A titre d'exemple, les dirigeants de l'ASN, entendus en audition par votre rapporteur, ont indiqué que l'arrêt d'un réacteur nucléaire, lors d'un contrôle de l'ASN, représentait un coût d'environ un million d'euros par jour pour EDF.

Votre rapporteur souscrit donc pleinement à la proposition mentionnée par l'ASN dans son avis en date du 17 octobre 2014, à savoir le maintien d'une dotation budgétaire, complétée par une taxe affectée acquittée par les exploitants d'installations nucléaires.

Ainsi que le relève le rapport d'information 1 ( * ) de Michel Berson publié le 18 juin dernier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, les budgets de nombreuses autorités en Europe sont abondés, partiellement ou en totalité, par des taxes ou des redevances supportées par les exploitants. Les autorités belge (Agence fédérale de contrôle nucléaire) et espagnole (Conseil de sécurité nucléaire) sont financées en totalité par des taxes. L' Office for nuclear regulation britannique tire quant à elle à 98 % ses ressources de taxes acquittées par les opérateurs.

Le financement de la sûreté nucléaire par une taxe sur les exploitants ne fait donc pas exception en Europe. Pour autant, le maintien d'une dotation budgétaire est de nature à garantir une plus grande indépendance de l'Autorité, ou tout au moins à éviter que celle-ci ne soit mise en cause.

Concernant la forme de la nouvelle taxe affectée à l'ASN, le rapport de Michel Berson propose la création d'une contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN), qui serait conçue sur le modèle de la contribution additionnelle actuellement due par les exploitations des installations nucléaires de base au profit de l'IRSN. Le montant de la contribution serait déterminé pour chaque catégorie d'installation par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire. Toutefois, à la différence de la contribution dont bénéficie l'IRSN, les coefficients appliqués dans le cadre de la CSTN seraient fixés par le Parlement, et non par arrêté ministériel. De cette manière, le Parlement aurait une réelle marge de manoeuvre dans le pilotage des ressources dédiées à la sûreté nucléaire et à la radioprotection. Pour éviter une augmentation non contrôlée de la dépense publique, le produit de la contribution affectée à l'ASN pourrait être plafonné et l'excédent reversé au budget général de l'État.

Cette piste de réforme du financement de l'ASN permettrait, dans un contexte budgétaire très contraint, de doter l'Autorité de moyens supplémentaires pérennes et de répondre aux grands enjeux de la sûreté nucléaire de demain .

E. LA GESTION DE L'APRÈS-MINES

L'action 11 du programme 181 consacrée à la gestion de l'après-mines, qui représente 13,7 % des crédits du programme, connaît pour 2015 une reconduction à l'identique des crédits . Cette action bénéficiera de 41,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, soit un montant identique aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014.

Les crédits de l'action 11 sont consacrés aux subventions pour charges de service public de plusieurs opérateurs, dont le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le groupement d'intérêt public GEODERIS. Cette action finance les mesures nécessaires pour que la sécurité des personnes et des biens et la protection de l'environnement soient assurées après la disparition des exploitants miniers.

II. LE PROGRAMME 170 « MÉTÉOROLOGIE »

A. UN PROGRAMME CENTRÉ SUR DEUX PRIORITÉS DIRECTEMENT LIÉES À LA PRÉVENTION DES RISQUES

L'action de l'État en matière météorologique s'organise autour de deux priorités :

- garantir la sécurité des biens et des personnes : dans ce domaine, compte tenu de la survenue régulière d'événements climatiques extrêmes et dangereux, qu'ils soient directement météorologiques (tempêtes, submersions marines, inondations) ou dus à des phénomènes météorologiques (dispersion de polluants après Fukushima, sécurité aéronautique à la suite de la dispersion des cendres du volcan islandais), l'État a confié à Météo-France une mission de prévision et d'intégration des prévisions à la chaîne opérationnelle d'alerte et de prévention ;

- mieux connaître le climat : Météo-France est au coeur de la politique menée par l'État en termes de connaissance du climat, dans une optique à la fois de développement durable et d'adaptation aux effets du dérèglement climatique. Météo-France a ici un rôle d'appui dans la conception de politiques publiques, nationales et internationales, adaptées aux enjeux climatiques.

Le programme 170 comprend la subvention pour charges de service public de l'établissement public administratif Météo-France . Le programme s'organise autour de deux actions, destinées à mettre en oeuvre ces deux priorités.

1. L'observation et la prévision météorologiques

L'action n° 1 « observation et prévision météorologiques » correspond à la mission principale de Météo-France, et mobilise l'ensemble des infrastructures et moyens techniques de cet opérateur (systèmes d'observation, supercalculateur, systèmes de production et de diffusion de données, réseau territorial, etc.). L'observation est la base et le prérequis de la prévision météorologique et du suivi climatique.

Cette action comprend :

- l'observation de l'atmosphère, de l'océan superficiel et du manteau neigeux, avec l'acquisition, la mise en place et la maintenance des outils dédiés à cette observation, et leur exploitation opérationnelle ;

- la prévision des évolutions météorologiques et l'avertissement des autorités en charge de la sécurité (sécurité civile, transports, prévention des risques naturels majeurs, défense nationale, sécurité nucléaire, santé) et du grand public sur les risques ;

- la conservation de la mémoire du climat et l'analyse des évolutions constatées, avec la constitution de bases de données sur le climat ;

- la diffusion des informations produites, généralement en temps réel par un système de communication et de diffusion complet (satellite, Internet, transmissions spécialisées, etc.).

2. La recherche dans le domaine météorologique

L'action n° 2 « recherche dans le domaine météorologique » comprend les activités de Météo-France destinées à améliorer les techniques d'observation, la connaissance et la modélisation de l'atmosphère à des fins de prévision météorologique, d'étude et de production de scenarii climatiques.

Les principaux axes de recherche de Météo-France sont :

- le développement et l'amélioration continue des modèles numériques de prévision ;

- en matière climatique, l'amélioration de la prévision saisonnière et interannuelle, et l'analyse du changement climatique et de ses impacts. À ce titre, Météo-France contribue, dans le cadre des travaux du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC), à la production de scenarii climatiques régionalisés pour mieux analyser les impacts à l'échelle des territoires.

Les missions de recherche sont étroitement imbriquées avec l'activité opérationnelle de Météo-France, dans la mesure où les progrès de la chaîne opérationnelle dépendent largement des progrès continus de la recherche.

B. DES CRÉDITS À NOUVEAU EN DIMINUTION

1. Une diminution de la dotation de l'État

En 2015, le programme 170 sera doté de 205,7 millions d'euros, soit une baisse de 1,2 % par rapport à 2014 . Les crédits du programme avaient fortement augmenté, de 12 millions d'euros, en 2013, afin de financer un nouveau supercalculateur. Ils étaient déjà en baisse l'année dernière, de 3 % par rapport à 2013. C'est la troisième année consécutive de baisse de la dotation de l'État.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS OUVERTS PAR ACTION

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

Variation (%)

LFI 2014

PLF 2015

Variation (%)

Action 1 : Observation et prévision météorologiques

185,3

183,1

-1,2

185,3

183,1

-1,2

Action 2 : Recherche dans le domaine météorologique

22,9

22,6

-1,3

22,9

22,6

-1,3

Total

208,2

205,7

-1,2

208,2

205,7

-1,2

(en millions d'euros)

Le plafond des autorisations d'emploi de Météo-France est de 3 158 ETPT (équivalents temps plein) en 2015, ce qui représente une baisse de 85 ETPT par rapport au plafond de 2014. Cette diminution fait suite à une baisse de 70 ETPT entre 2013 et 2014. Le plafond d'emplois est donc en diminution constante depuis plusieurs années .

2. Une baisse des ressources propres de Météo-France

Au-delà de la dotation budgétaire versée par l'État, Météo-France dispose de ressources propres issues de son activité en tant que prestataire à la navigation aérienne dans l'espace aérien français et des recettes de son activité commerciale. Ces ressources propres ont elles aussi connu une contraction ces dernières années.

La direction générale de l'aviation civile reverse 85,5 millions d'euros à Météo-France au titre de ses prestations à la navigation aérienne (navigation en vol et accès aux pistes). Cette somme provient de redevances versées par les compagnies aériennes. Au niveau européen, des discussions sont en cours pour ouvrir ce secteur à la concurrence. La France se bat contre cette option. Il s'agit toutefois d'un réel point de vigilance à moyen terme pour les ressources de Météo-France.

En 2014, les recettes commerciales étaient évaluées à 35 millions d'euros, mais risquent dans les faits de ne pas atteindre ce niveau. Selon les estimations fournies par le ministère de l'écologie, les recettes commerciales devraient en outre diminuer en 2015.

La baisse de la dotation de l'État, conjuguée à cette baisse des ressources, va sérieusement peser sur le fonctionnement de l'opérateur.

3. Des efforts conséquents de maîtrise des dépenses

Face à la diminution de ses ressources, Météo-France a engagé depuis plusieurs années une politique de maîtrise des dépenses.

a) Une baisse continue des effectifs

En 2014, les charges de personnel représentaient 266 millions d'euros pour Météo-France, soit 67 % du budget de l'opérateur. Pour 2015, les prévisions se situent autour de 260 millions d'euros, soit une part de 65 % du budget. Cette diminution est le fruit d'une baisse des effectifs de 85 ETPT entre 2014 et 2015, qui fait suite à une baisse de 89 ETPT entre 2013 et 2014. Sur le triennal 2015-2017, les baisses d'effectifs devraient se poursuivre, de 77 ETPT en 2016 et de 76 ETPT en 2017.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE MÉTÉO-FRANCE

Effectifs

Dépenses totales (en millions d'euros)

Charges de personnel (en millions d'euros

Part (%)

Budget initial 2013

3 332

387,4

268,8

69

Budget initial 2014

3 243

398,5

266,1

67

Prévisions pour 2015

3 158

401,2

260,3

65

b) La rationalisation du réseau territorial

Météo-France disposait avant 2008 de 108 centres départementaux. Dans les années 1980, la présence territoriale avait en effet été fortement encouragée. Le coût de cette présence très fine sur le territoire était toutefois élevé. En outre, l'évolution constante des outils d'observation a permis d'améliorer la prévision à distance. La Cour des comptes a demandé une réduction du nombre de centres. Une réflexion a été engagée à Météo-France dès 2008, qui a mené à la mise en place en 2012 d'un plan de réduction prévoyant de passer de 108 à 55 centres locaux.

Pour 2015, Météo-France va poursuivre les efforts de rationalisation de son réseau territorial afin de fermer les 53 centres locaux identifiés. D'ici à fin 2014, ce seront 37 centres sur 53 qui auront fermé. Cette réorganisation du réseau doit permettre d'atteindre un mode d'organisation plus efficace, concentrant les ressources au sein d'entités dotées d'une taille adéquate. C'est aujourd'hui essentiellement cet effort qui permet à Météo-France de faire face à la réduction constante de ses dotations.

c) Un prélèvement sur le fonds de roulement pour assurer l'équilibre financier

Météo-France prévoit d'opérer fin 2014 un prélèvement de 5,7 millions d'euros sur son fonds de roulement, ce qui le porterait à environ 38 millions d'euros, afin d'assurer son équilibre financier. En août 2014, Météo-France a en effet subi une lourde coupe, de l'ordre de 8 millions d'euros, à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative.

Un prélèvement du même type sera nécessaire en 2015 pour équilibrer le budget de l'opérateur.

Météo-France est contraint d'opérer ces prélèvements pour maintenir le niveau des investissements jugés essentiels à la réalisation des missions, notamment en matière de prévention des risques. Les investissements représentent environ 20 millions d'euros par an, et portent en particulier sur le réseau de radars et sur les logiciels de modélisation et de prévision.

Votre rapporteur pour avis souligne le fait que ces prélèvements sur le fonds de roulement ne peuvent en aucun cas constituer un mode de financement et de fonctionnement durable et risquent à court terme de menacer la capacité d'investissement de Météo-France .

C. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE NON SOUTENABLE

1. La prévision météorologique : des enjeux croissants dans les années à venir

L'accentuation des effets du changement climatique dans les années à venir va rendre plus que jamais indispensable de disposer de systèmes d'observation et de prévision météorologiques précis et fiables. Les politiques de prévention des risques naturels et technologiques, et les systèmes d'alerte en particulier, dépendent en effet largement des données fournies par Météo-France.

L'activité de calcul et de prévision repose aujourd'hui sur des technologies de plus en plus puissantes et de plus en plus coûteuses. À titre d'exemple, le Royaume-Uni s'est récemment doté d'un supercalculateur quinze fois plus puissant que celui actuellement utilisé par Météo-France, pour une somme de 120 millions d'euros.

L'investissement devra être au coeur des politiques menées par l'opérateur dans les années à venir si la France souhaite maintenir la qualité de sa prévision météorologique.

Au regard de ces enjeux en termes d'investissement, votre rapporteur pour avis juge inquiétante la trajectoire budgétaire récente de Météo-France .

2. La consolidation des ressources propres de l'opérateur

Au vu de la dégradation constante de la subvention versée par l'État, il est urgent pour Météo-France de consolider ses ressources propres.

Sur le plan des recettes commerciales, l'opérateur est confronté à une concurrence importante. Une partie des données brutes produites par Météo-France est mise en ligne gratuitement, conformément aux règles qui s'appliquent à certaines données publiques. Ces données peuvent être ensuite réutilisées par les concurrents de Météo-France, qui n'en supportent donc pas les coûts de production.

Concernant les services actuellement proposés par Météo-France, les recettes du kiosque téléphonique sont en baisse constante depuis plusieurs années (les appelants ont diminué de 19 % en un an). L'offre commerciale en ligne est désormais au coeur de la stratégie commerciale, avec une refonte du site internet et de l'application mobile en 2013. Les recettes publicitaires sont en légère augmentation.

Sur les 35 millions d'euros environ de recettes commerciales, environ 20 millions d'euros proviennent de recettes de secteurs professionnels (médias, agriculture, énergie, transport, bâtiment, etc.). Or, Météo-France estime que 40 % de l'activité économique est météo-sensible. Les marges de progression sont donc encore importantes pour l'opérateur.

Au vu de l'ensemble de ces éléments financiers et du contexte global, et partageant les propos du président de Météo-France entendu en audition, votre rapporteur pour avis estime que la situation n'est encore soutenable que pour quelques années. Au-delà, Météo-France risque de se trouver dans l'incapacité de remplir les missions qui lui sont assignées par l'État . Les conséquences pourraient être désastreuses en termes de prévention des risques naturels et technologiques.

III. LE PROGRAMME 217 « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MOBILITÉ DURABLES »

A. LE PÉRIMÈTRE DU PROGRAMME 217

Le programme 217 sert de support à la mise en oeuvre des politiques publiques des ministères de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) et du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité (MLETR). Il porte les effectifs et la masse salariale du MEDDE.

Il comporte 22 actions, dont 6 actions principales, et 16 actions dites miroirs, qui portent les moyens de personnel dédiés aux différentes politiques publiques et fonctions support du ministère.

B. UN BUDGET EN BAISSE CONSTANTE DEPUIS TROIS ANS

1. Une baisse constante des crédits

Pour respecter le plan triennal d'économies de 50 milliards d'euros annoncé par le gouvernement, les ministères subissent à nouveau des réductions budgétaires. Les crédits aux ministères baisseront par rapport à 2014 de 1,8 milliard d'euros en 2015, puis de 2,1 milliards en 2016 et 2,3 milliards en 2017.

Le MEDDE figure cette année encore parmi les perdants, aux côtés du ministère de la culture et du ministère de la défense.

Le budget du ministère de l'écologie est en recul constant depuis trois ans. A périmètre d'action inchangé, il reculera en 2015 de 410 millions d'euros, soit une baisse de 5,81 % par rapport au budget 2014. Les crédits de paiement de la mission écologie (hors programme d'investissements d'avenir et contribution de l'Etat aux pensions notamment), passeront de 7,1 milliards d'euros en 2014 à 6,65 milliards d'euros en 2015.

Le budget 2014 était déjà en baisse de 500 millions d'euros par rapport à 2013, soit de 7 %. De la même manière, le budget 2013 était en baisse de 740 millions d'euros, soit de 8,8 % par rapport au budget alloué à l'écologie en 2012.

Au total, c'est une baisse de crédits de 1,65 milliard d'euros depuis 2012.

2. Une baisse constante des effectifs

Parallèlement aux baisses de crédits, le MEDDE a connu la suppression cumulée de 1 641 emplois en trois ans.

Pour 2015, le plafond autorisé d'emplois du MEDDE s'élève à 33 763 ETP, soit une baisse de 723 emplois par rapport à 2014.

Les baisses constantes d'effectifs ont un impact direct en termes de maintien des compétences et d'expertise au sein du ministère et remettent en cause à moyen terme la réalisation des missions du MEDDE.

C. L'ÉMERGENCE D'UNE NOUVELLE MISSION RÉGALIENNE

Votre rapporteur pour avis est convaincu que l'écologie et la prévention des risques constituent aujourd'hui, au titre, en particulier, de la sûreté des populations, une nouvelle mission régalienne de l'Etat , appelée à prendre une importance croissante du fait notamment du dérèglement climatique. À l'aune de cette mission régalienne, les crédits alloués à la prévention des risques, à la météorologie, et plus largement au ministère de l'écologie sont largement insuffisants.

Sur la prévention des risques, la stabilité relative des crédits de paiement ouverts au titre de la prévention des risques reflète une prise en compte insuffisante des enjeux budgétaires liés à ces questions à moyen terme.

Concernant la météorologie, votre rapporteur pour avis insiste sur le fait que le modèle économique sur lequel fonctionne Météo-France ne pourra être maintenu plus de quelques années. Or, cet opérateur exerce un rôle décisif en matière de sécurité civile, mais également d'étude et d'analyse du changement climatique.

Enfin, concernant les crédits du ministère de l'écologie, Bercy explique dans le document d'orientation accompagnant le budget que les crédits alloués au ministère seront complétés par le programme d'investissements d'avenir et par les ressources engagées dans le cadre du projet de loi de transition énergétique, et que le ministère de l'écologie verra ses crédits se maintenir en 2016 et 2017 à hauteur de 6,6 milliards d'euros. Le fait est cependant que ce ministère connaît chaque année, depuis 2012, une érosion conséquente de ses crédits et de ses personnels.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis, s'il comprend l'objectif poursuivi de maintien de l'équilibre budgétaire, regrette l'adoption par l'Assemblée nationale en seconde délibération, le 14 novembre dernier, d'une série d'amendements du Gouvernement grevant encore davantage le budget alloué à la prévention des risques et à l'écologie.

SECONDE DÉLIBÉRATION DU 14 NOVEMBRE 2014

Lors de la deuxième séance du 14 novembre 2014, le Gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale de procéder à une seconde délibération sur l'article 32 et l'état B, sur l'article 34 et l'État D, sur l'article additionnel après l'article 44 et, pour coordination, sur l'article 31 et l'état A du projet de loi de finances pour 2015.

Les autorisations d'engagement et crédits de paiement de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », étudiés dans le cadre du présent rapport, ont été réduits au total de près de 33 millions d'euros par un amendement adopté à cette occasion.

Dans le détail, pour les programmes examinés dans le présent avis, la diminution se répartit comme suit :

- 1,79 millions d'euros sur le programme 170 « Météorologie ». Selon le Gouvernement, cette diminution est permise grâce à des économies sur les dépenses de Météo France ;

- 3,5 millions d'euros sur le programme 181 « Prévention des risques ». Selon le Gouvernement, cette diminution est permise grâce à des économies sur les dépenses non obligatoires du programme ;

- 3,5 millions d'euros, enfin, sur le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ». Cette diminution serait permise « grâce à des économies sur les dépenses de fonctionnement du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et de ses opérateurs ».

La problématique est aujourd'hui simple : face aux enjeux du dérèglement climatique et à la hausse des risques naturels et technologiques, le ministère de l'écologie doit devenir un ministère régalien. Il s'agit à l'avenir non seulement de conserver les capacités d'expertise et d'intervention de l'État, mais aussi d'augmenter les moyens alloués à la prévention et à la gestion des crises.

Au vu de ces enjeux, votre rapporteur pour avis propose un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181, 170 et 217. Les coupes opérées cette année, et pour la troisième année consécutive, dans ces budgets traduisent une gestion purement financière et court-termiste, sans vision des politiques publiques à mener.

Sans nier la nécessité de poursuivre les efforts budgétaires au niveau national, il convient de s'interroger sur les conséquences des coupes effectuées dans l'écologie. A l'heure où les dérèglements climatiques se manifestent de plus en plus fréquemment et avec toujours plus de violence, une poursuite de la politique budgétaire actuelle pourrait avoir des conséquences désastreuses.

TRAVAUX EN COMMISSION

M. Hervé Maurey , président . - Le délai limite pour le dépôt des amendements sur la proposition de résolution européenne n° 80 sur le paquet déchet est fixé au lundi 1 er décembre à 12 heures. Je vous rappelle que Mme Billon est notre rapporteure sur ce texte.

Je cède à présent la parole à notre nouveau rapporteur pour avis sur les crédits de la prévention des risques et de la météorologie.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - J'ai l'honneur de vous présenter, pour la première fois, l'avis budgétaire relatif au programme 181 « Prévention des risques », au programme 170 « Météorologie » et au programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ». Ils sont dotés au total de 2,9 milliards d'euros, soit 43 % des 6,65 milliards ouverts au titre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Sans surprise, ces crédits diminuent, le ministère de l'écologie n'étant pas prioritaire dans ce projet de loi de finances.

Le programme 181 rassemble les crédits attribués aux politiques de prévention des risques naturels, des risques technologiques, des risques pour la santé d'origine environnementale et du devenir des sites miniers. En 2015, ce programme sera doté de 304 millions d'euros en autorisations d'engagement et 249 millions en crédits de paiement, en baisse respectivement de 20,4 % et 0,1 %. Les autorisations d'engagement diminuent fortement car les fonds affectés aux plans de préventions des risques technologiques (PPRT) après la loi de 2003 faisant suite à la catastrophe d'AZF à Toulouse ont été diminués : les besoins avaient été initialement surévalués. La première action du programme, 55 % des crédits, comprend les mesures destinées à prévenir les risques technologiques et finance les PPRT. Les crédits étaient supérieurs aux besoins, sans doute, mais le retard pris dans la mise en place des PPRT du fait des coûts d'expropriation et des travaux de consolidation du bâti explique aussi l'évolution du montant des crédits.

Réduire le risque à la source a impliqué de revoir les études de dangers avec les industriels. Cette phase a permis de réduire l'emprise des PPRT sur les territoires - de 350 kilomètres carrés dans les zones urbanisées. Au 1 er août 2014, sur les 407 PPRT à réaliser, la quasi-totalité a été prescrite et 76 %, soit 311 plans, ont été approuvés. L'objectif est d'avoir approuvé 90 % des PPRT fin 2014 et 95 % fin 2015.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, (Anses) est financée à hauteur de 7,4 % par le programme 181. Cette agence est née de la fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Le projet de budget prévoit d'allouer à l'Anses 94 millions d'euros, comme en 2014. Le plafond d'emplois de l'agence sera de 1 281 ETP. En revanche, les missions vont s'élargir en 2015, puisque la loi d'avenir pour l'agriculture du 13 octobre 2014 a prévu le transfert à l'Anses des délivrances des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les produits phytopharmaceutiques et matières fertilisantes. Avec ses onze laboratoires, l'agence dispose en effet d'une solide expérience en matière d'évaluation scientifique des dossiers de demande d'AMM, reconnue en France et en Europe. Elle sera demain en charge de délivrer, retirer et modifier ces AMM. L'agence ne risque-t-elle pas d'être à la fois juge et partie ? Ce transfert de missions et de responsabilités va modifier son positionnement : l'organisation interne devra être revue afin que l'évaluation et la gestion du risque pesticides se fassent de manière transparente et performante.

La loi d'avenir pour l'agriculture a également confié à l'Anses le pilotage d'un nouveau réseau de phyto-pharmacovigilance à l'échelle du territoire, qui fonctionnera sur le modèle des réseaux de pharmacovigilance en médecine humaine. Le réseau devra faire remonter les signaux, même faibles, comme cela se pratique pour le médicament.

En raison de ces nouvelles missions, le plafond d'emplois de l'agence augmente de 10 ETP pour deux ans. C'est encourageant. Mais 2016 et 2017 seront marquées par deux baisses successives de 5 ETP, ce qui signifie que la prise en charge des nouvelles missions de l'Anses devra se faire par réorganisation interne sur l'effectif existant. Le directeur général adjoint chargé des ressources a indiqué qu'il manquait 4 millions d'euros pour boucler le financement du dispositif. Pourquoi ne pas envisager une taxe additionnelle à la taxe sur le chiffre d'affaires pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, proportionnelle au volume des ventes et à très faible taux, à l'image de ce qui se fait pour les médicaments vétérinaires ? L'Anses le propose et cette mesure pourrait être opportunément votée dans la loi de finances rectificative.

L'année 2013 a été marquée pour l'Anses par un effort budgétaire considérable, avec une diminution brutale de 50 ETP, ce qui avait entraîné la restructuration des laboratoires de recherche. Or, le lien entre recherche et expertise est important dans le domaine de la santé publique. Nous devons donc être prudents : de nouvelles contraintes budgétaires feraient perdre de vue certains risques sanitaires et affaibliraient la réaction de la France en cas de crise. Les responsables de l'agence estiment leur retard sur des dossiers d'évaluation de pesticides - dont certains extrêmement toxiques - à un an et demi.

La prévention des risques naturels est dotée de 40 millions d'euros, en progression de 6 %, afin de poursuivre les actions menées dans la prévention des inondations : mise en oeuvre du plan national submersions rapides, appel à projets des programmes d'actions de prévention des inondations (Papi), mise en oeuvre de la directive sur les inondations et l'élaboration de la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI). La loi métropoles a créé une nouvelle compétence de gestion de l'eau et des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), confiée aux communes et leurs groupements. Les premières dispositions entreront en vigueur au 1 er janvier 2016. L'année qui vient sera mise à profit pour organiser l'exercice de la nouvelle compétence et préparer l'instauration de la taxe prévue. Nous en reparlerons l'année prochaine. En juin 2013, les Pyrénées ont subi de graves inondations et certaines communes et EPCI n'ont plus aucun moyen propre pour financer des travaux, reconstruire des murs de rétention par exemple, malgré l'aide de l'État à 80 %. J'ai demandé au sous-préfet et au préfet de région d'accepter que les chantiers commencent avec la part apportée par l'État.

Le contrôle de la sûreté nucléaire, confié à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), représente 18 % des crédits du programme. Les crédits consacrés au contrôle de la sûreté nucléaire et à la radioprotection sont en très légère hausse de 0,04 %. Je suis très inquiet, après l'audition de M. Chevet, responsable de l'ASN. Le coût du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection augmentera dans les années à venir. Les exigences sociétales s'accroissent : nos concitoyens exigent de plus en plus de transparence. L'activité de l'ASN va se développer. L'accident de Fukushima rehausse les normes de sûreté. De nombreuses centrales françaises arrivent en fin de vie et la question se posera de savoir s'il faut les prolonger de dix ans ou plutôt financer des équipements de type EPR, alors que celui de Flamanville est arrêté depuis un an. L'Autorité devra examiner le projet mené par l'Andra de stockage profond de déchets radioactifs, Cigeo. Enfin, le projet de loi relatif à la transition énergétique, en cours de discussion, pose le problème du démantèlement de certaines installations.

L'activité de l'ASN va s'accroître dans les années à venir, que l'on ferme certaines centrales ou que l'on prolonge leur durée de vie. L'Autorité devra y faire face, tout en maintenant une exigence maximale pour la sécurité des populations. C'est pourquoi il est impératif de réformer le financement de la sûreté nucléaire. Depuis la loi de finances pour 2000, la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) est affectée au budget général. Les crédits correspondant à la mission de contrôle des installations nucléaires, financés par cette taxe, ont été inscrits au budget. Pour autant, quand la taxe collecte 576 millions d'euros, l'ASN n'en reçoit qu'un peu plus de 300. Nous connaissons les numéros de jonglage de Bercy, mais il est regrettable que le nucléaire en soit victime : le produit de cette taxe doit revenir à l'ASN.

Dans son rapport d'information de juin dernier sur la sûreté nucléaire, notre collègue de la commission des finances, Michel Berson, relevait que les budgets des autorités belge, espagnole et anglaise sont abondés, partiellement ou en totalité, par des taxes ou des redevances supportées par les exploitants. Une contribution versée par chaque exploitant pourrait être déterminée par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire. Ces coefficients seraient fixés par le Parlement, qui piloterait ainsi les ressources consacrées à la sûreté nucléaire. Un plafonnement éviterait toute augmentation non contrôlée de la dépense publique - l'excédent serait reversé au budget général. L'Autorité serait ainsi dotée de moyens pérennes.

M. Chevet a évoqué, lors de notre entretien, le survol des drones, problème évoqué lundi par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), comme par l'état-major de l'air, par deux généraux de la gendarmerie et par Areva, dont le discours m'évoque irrésistiblement celui de la scientologie, quand l'entreprise cherche à démontrer que les bassins de refroidissement sont d'une sûreté exceptionnelle. Le survol par ces drones est inoffensif, nous dit-on. Et en cas d'attentat terroriste par les airs ? Les responsables de l'ASN, eux, considèrent que ces bassins sont extrêmement vulnérables. Ils ont également évoqué les appareils à rayon gamma qui servent à vérifier l'étanchéité des tuyaux dans les bâtiments : ce sont des machines de guerre redoutables, capables de tuer tous les occupants d'un wagon de train, trois mois après une exposition. Or, il n'est prévu aucune traçabilité de ces appareils.

Le programme 170 « Météorologie » porte sur les crédits alloués à Météo-France. Cet opérateur a pour priorité la sécurité des biens et des personnes : les prévisions météorologiques s'intègrent dans une chaîne d'alerte et participent à la politique de prévention des risques. Il améliore également notre connaissance du climat, rôle crucial au regard des enjeux climatiques. En 2015, Météo-France sera doté de 205 millions d'euros, en baisse de 1,2 % par rapport à 2014. Il s'agit de la troisième année consécutive de baisse des dotations. Météo-France dispose aussi de ressources propres issues de son activité en tant que prestataire de services pour la navigation aérienne. Or, ces ressources propres ont elles aussi connu une contraction ces dernières années. Météo-France se trouve aujourd'hui dans une situation financière extrêmement difficile. Malgré la maîtrise de sa masse salariale et la fermeture programmée de 53 des 108 centres locaux, son président m'a indiqué pouvoir, dans ces conditions, poursuivre sa mission pendant encore deux ou trois ans, guère plus. Or, face au changement climatique, nous devons disposer de systèmes d'observation et de prévision météorologiques précis et fiables. Les politiques de prévention des risques naturels et technologiques - les systèmes d'alerte en particulier - dépendent des données fournies par Météo-France. L'activité de calcul et de prévision repose sur des technologies de plus en plus puissantes et donc coûteuses. Le Royaume-Uni s'est récemment doté d'un supercalculateur quinze fois plus puissant que celui, pourtant récent, utilisé par Météo-France, pour une somme de 120 millions. L'investissement doit être relancé si la France veut maintenir la qualité de sa prévision météorologique. La trajectoire budgétaire de Météo-France est donc préoccupante.

J'en arrive au programme 217 : le budget du ministère de l'écologie est en recul constant depuis trois ans. À périmètre inchangé, il va diminuer de 410 millions d'euros, soit 5,8 %. Au total, l'écologie a perdu 1,65 milliard de crédits depuis 2012, ainsi que 1 641 emplois en trois ans, auxquels s'ajouteront les 723 emplois qui seront supprimés en 2015. Comment maintenir les compétences et l'expertise au sein du ministère ? À moyen terme, ses missions sont remises en cause. Cette évolution a été encore aggravée le 14 novembre dernier par le vote à l'Assemblée d'un amendement qui opère une coupe supplémentaire de 9 millions. J'ai échangé sur le sujet avec Delphine Batho, ancienne ministre de l'écologie, qui partage mes préoccupations.

Pour moi, l'écologie et la prévention des risques constituent une nouvelle mission régalienne de l'État, mission malheureusement appelée à croître du fait du dérèglement climatique. À l'aune de ces enjeux, les crédits alloués à la prévention des risques, à la météorologie, et plus largement au ministère de l'écologie sont largement insuffisants. L'industrie et l'agriculture continuent de s'intensifier : nous devons conserver les capacités d'expertise et d'intervention de l'État, mais aussi augmenter les moyens alloués à la prévention et à la gestion des crises.

Je ne peux donc que proposer un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181, 170 et 217. Les coupes opérées cette année traduisent une gestion purement financière, une vision uniquement à court terme et irresponsable des politiques publiques. À l'heure où les dérèglements climatiques se manifestent de plus en plus fréquemment et avec toujours plus de violence, la poursuite de cette politique pourrait avoir des conséquences désastreuses !

M. Hervé Maurey , président . - Ce baptême du feu est tout à fait réussi, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Ronan Dantec . - Je félicite notre rapporteur pour la vigueur de ses propos. Je ne sais si j'aurais osé, pour ma part, comparer le discours d'Areva à celui de la scientologie !

La sécurité nucléaire est en question : on nous affirme que l'on peut éviter qu'un Boeing ou un Airbus soit précipité sur une centrale, mais des drones survolent ces sites en toute impunité depuis plusieurs semaines...

Jusqu'à Fukushima, on prétendait que toutes les défaillances techniques avaient été prévues, en dépit des accidents survenus aux États-Unis et en Ukraine. Depuis Fukushima, on s'est rendu compte que face à un évènement imprévu considérable, comme une rupture de barrage ou une action terroriste d'ampleur, aucune centrale ne résiste. Les crash tests n'ont pas pris en compte toutes les hypothèses. Logiquement, il faudrait sortir du nucléaire, tranquillement, pour éviter une crise industrielle, d'autant qu'Areva est dans une situation très difficile. Il est de mauvais calcul de repousser la fermeture de la centrale de Fessenheim : plus tôt elle fermera, plus vite nous aborderons l'activité de démantèlement, créneau sur lequel la France pourrait très bien prendre le leadership mondial. Hélas, aujourd'hui, on ne songe qu'à mégoter sur les moyens affectés à la sécurité et à l'ASN. Des risques apparaissent, qui n'avaient pas été pris en compte auparavant, mais les dotations diminuent... Le rapporteur le dénonce, mais la majorité sénatoriale réclame année après année toujours plus d'économies budgétaires : il y a là une certaine contradiction. Je m'abstiendrai donc.

M. Jean-Jacques Filleul . - Je félicite M. Médevielle pour son rapport musclé qui rappelle certaines vérités particulièrement inquiétantes. Ce n'est pas parce que nous soutenons le budget du Gouvernement que nous ne regrettons pas l'absence de moyens sur tel ou tel poste, notamment en matière nucléaire. N'oublions quand même pas que la fermeture de Fessenheim dépend des analyses de l'ASN, non du Gouvernement.

M. Ronan Dantec . - C'est EDF qui décidera !

M. Jean-Jacques Filleul . - Sur Areva, l'inquiétude est grande : nous aurions bien voulu que la technologie de l'EPR soit opérationnelle mais Areva ne semble pas la maîtriser entièrement. Nous en sommes à 8 milliards d'euros sur la centrale en cours de construction en Finlande. Mais je précise que nous voterons ce budget.

M. Hervé Maurey , président . - Le rapporteur a du punch, dites-vous. Cela démontre que l'on peut être au centre de l'échiquier politique sans être, pardonnez-moi le mot, ramollo !

Certes, tous les budgets ne peuvent augmenter, nous le disons depuis longtemps. Il faut cependant être capable de dégager des priorités, ce qui disqualifie la politique du rabot systématique.

M. Gérard Miquel . - Je ne suis pas surpris de la vivacité de notre rapporteur, qui est du pays du rugby. Néanmoins, je ne voterai pas son excellent rapport. Vous nous dites, président, que la politique du rabot n'est pas la bonne : n'était-ce pas, pourtant, ce que faisait systématiquement la précédente majorité, notamment en matière d'emplois ? Les choses ont changé avec, par exemple, la priorité à l'éducation nationale. De même la ministre de l'écologie a défini des priorités, mais des économies sont nécessaires. D'éminents responsables de l'opposition réclament des économies beaucoup plus importantes : sur quels budgets les imputeraient-ils ?

M. Charles Revet . - Pas dans ce secteur !

M. Gérard Miquel . - Et voilà !

S'il y avait moins d'emplois dans les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), bon nombre d'entre nous ne s'en plaindraient pas.

M. Charles Revet . - Nous sommes bien d'accord !

M. Gérard Miquel . - Il aurait fallu maintenir dans les préfectures les agents qui connaissaient bien le terrain : créer de nouveaux outils a été coûteux et les agents affectés à ces fonctions interprètent la règlementation de façon brutale et sans intelligence territoriale.

Ma génération a beaucoup pollué, privilégiant le profit immédiat, ignorant le long terme. À présent, nous sommes face à des dérèglements climatiques dramatiques que nous ne maîtrisons pas. Je regrette qu'il n'y ait pas davantage de crédits mais je voterai ce budget.

M. Charles Revet . - Je félicite notre nouveau rapporteur. Il décrit une situation préoccupante. Il ne faut pas diminuer les crédits de surveillance. On n'a pas dans le passé récent fait les choix les plus opérationnels... Mon groupe votera ce rapport.

Il y a quelques années, en matière d'inondations, affaissements de terrain et autres, nous avons créé une ligne budgétaire particulière pour financer le fonds Barnier de prévention des risques. Où en est-on ? Je ne pose pas la question pour proposer une ponction comme le fait si souvent le Gouvernement ; mais parce que son intervention serait décisive pour prévenir les risques de perte de vies humaines.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Le fonds Barnier ne figure pas dans ce budget.

M. Charles Revet . - Il est utilisé lorsqu'il y a un risque majeur, nous en avons fait l'expérience en Normandie.

M. Hervé Maurey , président . - Et dans l'Eure particulièrement ! Je vais intervenir en tant qu'élu normand : ce fonds a été créé à cause des marnières. Au XVIII ème et XIX ème siècles, des galeries étaient creusées pour exploiter la marne ou extraire des pierres. Depuis une vingtaine d'années, des affaissements souterrains causent des effondrements de maisons. Ces phénomènes ne sont pas considérés comme une catastrophe naturelle puisqu'ils résultent d'une activité humaine antérieure : le fonds Barnier, créé en 1995, permet dans certains cas d'indemniser les propriétaires.

M. Charles Revet . - À titre personnel, j'ai été l'une des victimes et j'ai dû raser ma maison. Pour que les assurances remboursent, il faut une déclaration de catastrophe naturelle et la maison doit être touchée - pas forcément démolie. Le fonds Barnier intervient dans les cas de risques d'affaissement : la maison, qui alors n'est pas (encore) touchée peut être achetée par l'État pour être rasée.

M. Hervé Maurey , président . - L'intervention de l'État n'est possible que si le comblement de la marnière coûte plus cher que le rachat de la maison.

M. Hervé Poher . - L'énergie de notre rapporteur est remarquable. La compétence Gemapi marque une avancée : élu depuis plus de vingt ans, je conserve toujours des bottes dans le coffre de ma voiture car les inondations sont fréquentes dans ma commune de Guînes, située dans les monts d'Artois. Auparavant, le maire ou le président d'EPCI s'adressait en vain au département ou à l'État. Désormais, la compétence sera du ressort de l'intercommunalité qui pourra créer une taxe. Président d'un EPCI, j'ai pris cette compétence, afin de mener les travaux qui s'imposent. Mais dans certaines zones, celles où il existe des wateringues, 400 000 habitants versent déjà des cotisations à des syndicats : ils vont donc payer deux fois. C'est intolérable ! Ils risquent de coiffer le bonnet rouge !

Mme Annick Billon . - Je m'associe aux félicitations adressées à notre rapporteur. La sûreté nucléaire a besoin d'argent et vous estimez qu'il y en a : j'aimerais comprendre.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - La taxe sur les opérateurs rapporte à l'État 573 millions d'euros, dont 300 reversés à l'ASN. Il faut mettre fin à cette mécanique budgétaire. Doit-on attendre les catastrophes pour prendre les mesures nécessaires ? Les survols de drones continuent et tout le monde est inquiet, armée, gendarmerie, Areva, EDF, malgré les propos rassurants des dirigeants d'Areva. On ne sait toujours pas qui est à l'origine de ces épisodes. L'ASN a insisté sur la vulnérabilité des bassins de refroidissement. La politique est l'art de rendre probable ce qui est nécessaire, a dit Victor Hugo : aujourd'hui, la catastrophe n'est pas loin. Nous devons donc nous protéger.

M. Hervé Poher . - La centrale de Gravelines est implantée dans une zone de wateringues. Après Xynthia, j'ai rencontré les responsables de la centrale pour leur faire part de mes inquiétudes si un tel évènement climatique survenait dans nos régions : ils m'ont ri au nez. Je trouve cette attitude un peu légère.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Lundi après-midi, lors de la réunion de l'Opecst, un officier de gendarmerie a parlé de la couverture des bassins par des charpentes métalliques : lorsqu'on l'a interrogé sur leur résistance, il nous a répondu « secret défense ». Il serait pourtant simple de dire : « nous ne savons pas ! »

La commission émet un avis défavorable à l'adoption crédits « Prévention des risques - Météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2015.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 4 novembre 2014

- Météo-France : MM. Jean-Marc Lacave , président-directeur général et Philippe Gonzales , directeur financier ;

- ASN : MM. Pierre-Franck Chevet , président, Jean-Christophe NIEL , directeur général, et Alain Demestre , directeur général adjoint.

Mercredi 5 novembre 2014

- Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie : M. Jean-Marie Durand , directeur adjoint.

Mercredi 12 novembre 2014

- Assemblée nationale : Mme Delphine Batho , députée.

Jeudi 13 novembre 2014

- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) : M. Martial Mettendorf , directeur général adjoint, et Mme Alima Marie , chargée des relations institutionnelles.


* 1 La sûreté nucléaire de demain : un enjeu financier et démocratique , rapport d'information de M. Michel Berson, fait au nom de la commission des finances, n° 634 (2013-2014) - 18 juin 2014

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