Avis n° 113 (2014-2015) de Mme Geneviève JEAN , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 20 novembre 2014

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N° 113

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VIII

RECHERCHE

RECHERCHE DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Par Mme Geneviève JEAN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Jacques Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. François Aubey, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mmes Geneviève Jean, Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits du programme 190 relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, inscrits dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2015 alimentent les budgets de six organismes de recherche et d'expertise, opérateurs de ce programme.

Le financement public de ces opérateurs, dont l'excellence n'est plus à démontrer, est essentiel pour permettre à la France de réussir le défi de la transition écologique et énergétique.

Les projets transversaux menés par ces opérateurs, aussi bien en faveur de transports innovants, de la conception d'une ville durable ou encore d'énergies nouvelles, revêtent un caractère stratégique.

En ces temps difficiles, votre rapporteure pour avis salue le maintien global du niveau des crédits qui leur sont alloués. Elle a donc proposé à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

*

* *

Lors de sa réunion du 19 novembre 2014, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015.

I. LA RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE, VÉRITABLE LEVIER DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

A. UN NIVEAU DE DOTATION BUDGÉTAIRE QUI TRADUIT LA PRIORITÉ POLITIQUE DONNÉE À LA RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

1. Une hausse globale de crédits au soutien d'une recherche transversale

Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances (PLF) pour 2015 couvre la recherche dans les domaines du développement durable, de l'énergie, des risques, des transports, de la construction et de l'aménagemen t.

Du fait de son caractère transversal, ce programme constitue un levier important de mise en oeuvre de la transition écologique et énergétique . Il oeuvre en faveur des politiques d'adaptation au changement climatique et contribue, en soutenant la production des connaissances scientifiques, à l' éclairage des politiques sectorielles intégrant les objectifs de développement durable (amélioration énergétique des bâtiments, transports plus respectueux de l'environnement, réduction des consommations d'énergie, développement des énergies renouvelables, préservation de la biodiversité, traitement des déchets, enjeux de ville durable...).

a) Des crédits en hausse

Les crédits que le PLF pour 2015 alloue à ce programme s'élèvent à 1,396 milliard d'euros en autorisations d'engagement ( AE) et à 1,404 milliard d'euros en crédits de paiement (CP).

Ces crédits sont en légère hausse par rapport à ceux ouverts par la loi de finances pour 2014 (+ 1,13 % en AE et + 0,97 % en CP).

b) Le financement de cinq actions

Le programme 190 comprend six actions :

- la recherche dans le domaine de l'énergie (action n° 10 ; 46,8 % des crédits en AE et 46,5 % en CP) : cette action comprend les crédits dédiés au financement des activités de recherche du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et de l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN), dans quatre secteurs d'activités principaux :

• le nucléaire civil ;

• l'efficacité énergétique et environnementale, la compétitivité de l'industrie et le développement d'éco filières, le support aux petites et moyennes entreprises (PME) innovantes et la formation ;

• les nouvelles technologies de l'énergie ;

• la reprise des sources radioactives usagées.

- la recherche dans le domaine des risques (action n° 11 ; 13,3 % des crédits en AE et 13,2 % en CP) : cette action vise à développer la connaissance des risques industriels tels que le rayonnement ionisant ou les substances toxiques, par les travaux de l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN) et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) ;

- la recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l'aménagement (action n° 12 ; 7,5 % des crédits en AE et 7,4 % en CP) : les crédits de cette action correspondent au soutien financier de l'État aux activités de recherche appliquée menés par l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) en matière, notamment, de prévention du changement climatique, d'adaptation à ses effets, et de mise en oeuvre des objectifs du Grenelle de l'environnement et de la transition écologique ;

- la recherche partenariale dans les domaines du développement et de l'aménagement durables (action n° 13 ; 0,1 % des crédits en AE et 0,7 % en CP) : les crédits de cette action ont pour objet de soutenir la recherche dans le développement et la mobilité durables par les actions incitatives de recherche menées par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Ils financent également l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qui lance des appels à projet dans le cadre du programme environnement-santé-travail (PNREST) :

- la recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile (action n° 14 ; 6 % des crédits en AE et 5,9 % en CP) : les crédits de cette action visent à soutenir la recherche technologique et les programmes aéronautiques favorables au développement durable du transport aérien ;

- les charges nucléaires de long terme des installations du CEA (action n° 15 ; 26,4 % des crédits en AE et 26,3 % en CP) : cette action retrace les crédits du programme concourant à la couverture des charges nucléaires de long terme du CEA pour les installations en exploitation ou à l'arrêt au 31 décembre 2009 et au financement des opérations de démantèlement et assainissement en cours.

2. Un programme mis en oeuvre par six opérateurs stratégiques

Les crédits du programme 190 financent six opérateurs de l'État :

- l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ;

- l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) ;

- l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN) ;

- l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ;

- le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ;

- l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

Le programme 190 verse également une subvention au centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).

La débudgétisation des ressources de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)

Le périmètre du programme est marqué cette année par la suppression de la subvention versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), du fait de la mobilisation par l'agence de ses autres ressources pour ses activités de recherche.

L'Ademe recevait jusqu'ici une subvention pour charges de service public au titre du programme 181 « Prévention des risques » et du programme 190. La subvention accordée au titre du programme 181 a été supprimée en 2014. Celle du programme 190 l'est cette année.

L'Ademe, qui est depuis 2010 opérateur des investissements d'avenir, est désormais principalement financée par une fraction des produits de la taxe générale sur les activités polluantes qui s'élèvera à 449 millions d'euros en 2015.

B. UN PROGRAMME FONDAMENTAL POUR RELEVER LE DÉFI DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET ÉNERGÉTIQUE

Le programme 190 contribue au financement de nombreux projets accompagnant le défi de la transition écologique et énergétique.

Votre rapporteure pour avis souhaiterait particulièrement insister sur l'importance de plusieurs d'entre eux, au regard de ces enjeux.

1. La poursuite du développement de projets innovants en faveur de transports durables
a) Rouler à 2 litres aux 100 kilomètres

Les transports sont à l'origine de 27 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Si la voiture électrique est une réponse essentielle à la question de la mobilité durable, votre rapporteure pour avis estime qu'il ne faut pas pour autant négliger d'autres pistes de recherche et souligne à ce titre l'intérêt du projet mené par l'IFPEN pour mettre au point un « véhicule pour tous » ne consommant que 2 litres de carburant aux 100 kilomètres.

Les véhicules particuliers commercialisés en Europe ont d'ores et déjà vu leurs émissions de gaz à effet de serre diminuer de 25 % entre 1997 et 2010.

Pour l'IFPEN, la poursuite de la réduction de consommation pour atteindre 2 litres aux 100 kilomètres passe par la combinaison de différentes technologies visant à :

- l'optimisation énergétique des motorisations diesel et essence ;

- l'intégration progressive des technologies d'électrification du véhicule ;

- le développement des motorisations dédiées à des carburants bas carbone (biocarburants, gaz naturel, etc.) ;

- la réduction des pertes mécaniques et thermiques, au travers notamment de la récupération de l'énergie perdue à l'échappement ;

- l'amélioration de la consommation d'usage via le développement d'outils d'aide à la conduite et d'exploitation de flottes ;

- l'allègement de la masse du véhicule ;

- l'amélioration de l'aérodynamisme ;

- la réduction des frottements.

Source : IFPEN

L'IFPEN espère que cette technologie pourra être commercialisée d'ici 2022.

Ces avancées pourront être appliquées à terme aux poids-lourds afin de réduire également leur consommation et leurs émissions de polluants. L'enjeu est d'autant plus important que les transports routiers représentent 75 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports.

Au-delà de l'indéniable bénéfice environnemental de ces recherches, votre rapporteure pour avis tient à souligner que les gains seraient majeurs en termes de compétitivité tant pour l'industrie automobile française que pour l'ensemble de nos entreprises, à l'heure où les hydrocarbures représentent un poste élevé de leurs charges.

b) Imaginer la route de 5e génération

Face à la demande des usagers de pouvoir circuler de façon continue sur un réseau routier sûr et disponible, les gestionnaires de réseaux sont aujourd'hui contraints d'entretenir des infrastructures soumises à des événements climatiques variés et parfois violents, risquant de s'accentuer dans les années à venir.

Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, ces gestionnaires ont de plus en plus de difficultés à assurer une exploitation optimale de leurs réseaux.

Pour relever ce défi majeur, l'IFSTTAR a lancé la démarche « route de 5 e génération ».

La route de 5 e génération propose de développer, au sein de démonstrateurs en vraie nature , une nouvelle génération d'infrastructure conçue, construite et préservée dans une approche « système » qui réunit des technologies capables d'entrer en synergie dans différents contextes.

Cette route répond à plusieurs enjeux :

- elle permet de gérer des informations pour les usagers et les gestionnaires grâce aux systèmes de transport intelligent ;

- elle favorise la gestion des différents modes routiers (véhicules deux roues motorisés, véhicules particuliers, fret, transport en commun) en rapprochant les acteurs de la décision publique et les maîtrises d'oeuvre ;

- elle diagnostique ses points de faiblesse ;

- elle est plus résistante aux effets du changement climatique ;

- elle contient de multiples micro ou nano-capteurs permettant d'informer sur son état de service, le trafic, les risques pour l'usager (gel, humidité, adhérence, accident, ralentissement...) ;

- elle est capable de récupérer de l'énergie pour alimenter ses propres équipements, voire les véhicules ;

- elle est en mesure d 'absorber du CO 2 ;

- elle est construite ou reconstruite avec un prélèvement minimal sur les ressources naturelles non renouvelables telles que les ressources énergétiques fossiles ;

- elle dispose d' interfaces souples avec les autres modes de transport.

Depuis le lancement du projet en 2009, plusieurs démonstrateurs impliquant l'IFSTTAR et ses différents partenaires ont été réalisés, ou sont en cours de développement (démonstrateurs de route qui s'auto-diagnostique, de route solaire, de route résiliente aux aléas climatiques ou encore de route coopérative). Après une première phase de test de ses composants , les premiers « échantillons » de la route de 5 e génération se matérialisent .

Le projet tend à passer d'une approche linéaire de l'innovation - où chaque filière innovait dans son domaine - à une approche plus intégrée visant une synergie entre les différents acteurs de la décision publique, du monde économique et académique. Le concept est d'ailleurs aujourd'hui bien identifié par les maîtres d'ouvrages routiers et la communauté routière.

Votre rapporteure pour avis se réjouit du fait que plusieurs territoires aient manifesté leur souhait d'être associés à ce projet en mettant à disposition de l'IFSTTAR des sites d'expérimentation.

2. L'exploration du concept de ville « intelligente »

En 2050, les villes devraient accueillir 75 % de la population mondiale. Cette urbanisation grandissante menace à la fois la population et l'environnement.

En effet, le cadre de vie des populations urbaines se dégrade sous l'effet de nuisances variées (pollution, bruit, saturation des réseaux...) tandis que les attentes en matière de qualité de vie et de services augmentent.

Il est en outre établi que les territoires urbains contribuent de manière déterminante à l'effet de serre et à la consommation d'énergie fossile.

Votre rapporteure pour avis estime donc que la reconception des villes correspond à un enjeu majeur dans la transition vers des sociétés bas carbone, aux côtés des actions menées dans d'autres domaines (production d'énergie, industrie, motorisation automobile, etc.).

Pour accompagner ces changements devenus nécessaires, l'IFSTTAR participe à l'appel à projets Équipements d'excellence (EQUIPEX) Sense-City qui se concrétise sous la forme d'une « mini-ville » climatique permettant de tester en milieu réaliste des micro et nano-capteurs inventés pour instrumenter et piloter une ville moderne, plus durable et plus humaine.

Le projet part du principe que les micro et nano-capteurs, organes sensoriels des systèmes d'information, peuvent jouer un rôle fondamental dans la connaissance et la maîtrise de l'environnement. Couplés à des modèles physiques et à des outils de représentation de données, ils doivent permettre le développement d'outils d'aide à la décision qui améliorent au quotidien le cadre de vie des populations urbaines (suivi en temps réel du trafic, alertes pollution, gestion de l'eau potable, compteurs électriques intelligents...), tout en offrant sensibilité, richesse des observables, autonomie énergétique et bas coût à grande échelle.

Néanmoins, la ville est un environnement complexe qui présente une multitude de paramètres variables et de facteurs de dégradation des capteurs. Le projet Sense-City fournira un espace de validation de ces micro et nano-capteurs en milieu réaliste , dans un vaste hall climatique mobile reconfigurable de 400 m² unique en Europe , capable d'accueillir des maquettes à échelle réelle ou réduite (au tiers) des principales composantes de la ville, telles que les bâtiments, les infrastructures, les réseaux de distribution et le sous-sol.

En outre, les aménagements de l'espace urbain et les scenarii météorologiques envisagés (canicule, vague de froid, pluie et air pollués) permettront à terme d' étudier la qualité environnementale (air, eaux et sols) des villes, la qualité sanitaire dans les bâtiments, l'efficacité énergétique des bâtiments et des quartiers, ainsi que la qualité et la durabilité des infrastructures et des réseaux urbains.

Cette mini-ville placée sous une cloche étanche, projet phare de l'IFSTTAR, sera localisée au coeur du cluster Descartes à Marne-la-Vallée et sa mise en service est prévue pour fin 2015.

3. La recherche de stratégies énergétiques durables
a) Développer les systèmes industriels nucléaires du futur

L'inscription du nucléaire dans une perspective de développement durable implique le développement d'une nouvelle génération de réacteurs : la « quatrième génération », capable d'utiliser directement l'uranium naturel ou appauvri et de produire 50 à 100 fois plus d'électricité avec la même quantité de minerai que les réacteurs nucléaires actuels, en ne produisant quasiment pas de gaz à effet de serre.

Le CEA, dont une partie des ressources provient du programme 190, est chargé de mener pour la France des recherches sur ces systèmes nucléaires innovants qui devront permettre un multirecyclage du plutonium, une optimisation de l'utilisation de la ressource uranium et une minimisation de la radiotoxicité des déchets .

Son effort se concentre principalement sur les technologies de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, au travers, notamment, du projet de développement du réacteur de démonstration ASTRID . Les options innovantes étudiées pour ce projet portent sur la mise au point d'un coeur performant à sûreté améliorée, sur une résistance renforcée aux accidents graves et sur une conversion d'énergie optimisée minimisant le risque apporté par le sodium. La première phase de l'avant-projet sommaire concernant ASTRID s'est terminée à la fin de l'année 2012. La deuxième phase devrait se terminer fin 2015 . Une phase d'avant-projet détaillé est prévue ensuite jusqu'à fin 2019 pour permettre, en fonction des décisions qui seront prises à ce moment-là, le début de la construction du démonstrateur industriel.

Parallèlement, parce que les recherches pour les systèmes nucléaires actuels et futurs nécessitent des outils de simulation spécifiques , le CEA développe un parc d'installations expérimentales.

La construction, à Cadarache , du réacteur Jules Horowitz (RJH) en est une illustration fondamentale. Alors que les réacteurs de recherche en Europe datent des années 1960, le RJH constituera, à terme, une installation unique dédiée aux études, sous irradiation, des combustibles et des matériaux pour les différentes générations de réacteurs nucléaires. Il assurera également une part importante de la production européenne de radioéléments pour le secteur médical.

b) Expérimenter des biocarburants de 2e génération

La biomasse est la plus ancienne source d'énergie utilisée dans le monde. Elle exploite l'énergie dégagée par les plantes et les déchets des animaux. Bien utilisée, la biomasse permettrait de réduire la consommation de carburants pétroliers émetteurs de gaz à effet de serre et de réduire les importations d'énergies fossiles.

La première génération de biocarburants, produite à partir de matières premières agricoles, a l'inconvénient d'entrer en concurrence avec d'autres usages (alimentaires ou industriels). Aussi, une deuxième génération , produite à partir des parties non-alimentaires des plantes (rémanents forestiers, résidus agricoles, cultures à croissance rapide, déchets organiques) est en voie de développement.

Le CEA mène des recherches importantes sur la filière thermochimique qui vise à transformer les végétaux en un gaz qui est ensuite converti en carburant - biodiesel pour moteurs de véhicules routiers ou maritimes, biokérosène pour l'aviation (voie BtL - biomass to liquid ) -, dans le cadre notamment du projet Syndièse .

Ce projet a pour objectif de démontrer la faisabilité technique et économique d'une chaîne complète de production BtL, sur un site unique, depuis la collecte de la biomasse jusqu'à la synthèse de carburant, avec introduction d'hydrogène dans le procédé pour optimiser le rendement massique.

Votre rapporteure pour avis souligne tout l'intérêt que présente ce projet, susceptible de constituer une réponse aux défis énergétiques de la France à l'horizon 2020.

II. DES OPÉRATEURS RELATIVEMENT ÉPARGNÉS

A. L'IFP ÉNERGIES NOUVELLES (IFPEN)

1. Un développeur d'innovations technologiques nécessaires à la transition énergétique

Héritier de l'Institut français du pétrole (IFP), établissement professionnel créé en 1943 et transformé en EPIC par la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) doit sa dénomination actuelle à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

Établissement public national à caractère industriel et commercial (EPIC) de recherche, d'innovation et de formation intervenant dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement, l'IFPEN est sous tutelle du ministère chargé de l'énergie.

Son action tend à rendre possible la transition énergétique par le développement des innovations technologiques nécessaires, leur transfert à l'industrie et la création de nouvelles filières industrielles.

Ainsi, l'article L. 144-2 du code de l'énergie indique que l'IFPEN a pour objet, dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement, pour ce qui concerne le développement des technologies et matériaux du futur :

- la réalisation d'études et de recherches dans les domaines scientifique et technique et la valorisation sous toutes formes de leurs résultats ;

- la formation de personnes capables de participer au développement des connaissances, à leur diffusion et à leur application ;

- l'information des administrations, de l'industrie, des techniciens et des chercheurs sur les connaissances scientifiques et les techniques industrielles.

Pour valoriser le résultat de ses activités, l'IFPEN est autorisé à prendre des participations dans des sociétés industrielles ou commerciales , directement ou par le biais de structures de capital investissement.

Il accompagne le développement de petites et moyennes entreprises et de petites et moyennes industries (PME-PMI) dans le cadre d'accords de collaboration leur permettant de bénéficier de son savoir-faire technique et juridique.

L'IFPEN assure également, par le biais d'une école de 3 e cycle, l' IFP School , la formation de spécialistes capables de relever les défis de la transition énergétique. 98 % des élèves de cette école trouvent un emploi dans les trois mois suivant leur sortie.

Pour la quatrième année consécutive, l'IFPEN fait partie du Top 100 des entreprises les plus innovantes au monde (classement « Global innovators » de Thomson Reuters).

Il se classe parmi les 11 premiers déposants français de brevets.

L'IFPEN est lié à l'État par un contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2011-2015, qui confirme et amplifie son engagement dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie, tout en renforçant sa contribution au développement de la compétitivité technologique des industries pétrolière, parapétrolière et automobile.

Les crédits prévus pour 2015 sont destinés à financer des travaux de recherche autour des cinq priorités stratégiques définies par son COP :

- le développement des énergies renouvelables , au travers, notamment, de recherches sur les technologies de conversion de la biomasse en carburants et intermédiaires chimiques, de la mise en place de filières industrielles de production de biocarburants avancés, ou encore de travaux dans les secteurs des énergies marines (éoliennes offshore , énergie houlomotrice et énergie thermique des mers) ;

- la réduction de l'impact sur l'environnement de la production d'énergie , notamment par le développement de procédés de captage, de transport et de stockage du CO 2 , ou par la mise au point de technologies permettant d'optimiser l'utilisation de l'eau par l'industrie) ;

- le développement de transports économes et à faible incidence environnementale , notamment par la recherche sur les véhicules électriques , l'optimisation des moteurs thermiques et l'évaluation du potentiel de carburants alternatifs ;

- le développement de procédés et de produits éco-efficients permettant de produire, à partir de ressources fossiles variées (pétroles technologiques, charbon, gaz), des carburants et intermédiaires chimiques à faible impact environnemental ;

- le développement d'outils de simulation avancés contribuant à une meilleure connaissance du sous-sol et de technologies permettant de découvrir et de produire de nouveaux gisements d'hydrocarbures.

Interrogés par votre rapporteure sur la recherche en matière de gaz de schiste, les représentants de l'IFPEN ont confirmé qu'aucun projet spécifique de recherche et de développement n'est mené en France sur cette question. L'établissement exerce toutefois une mission de veille dans le domaine.

Votre rapporteure pour avis souscrit pleinement à l'interdiction actuelle des forages, y compris à des fins de recherche, en matière d'hydrocarbures non conventionnels, en particulier dans les espaces particulièrement sensibles que sont les parcs naturels régionaux.

Les forages d'hydrocarbures dans le parc naturel régional du Luberon

La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Ségolène Royal, a annoncé au cours de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte à l'Assemblée nationale, le 6 octobre 2014, que le permis de recherche « de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux » demandé par l'entreprise Thétys Oil AB dans le parc naturel régional du Luberon ne serait pas accordé. La demande de forage concernait une zone de 870 kilomètres carrés sur les départements du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, dont le périmètre couvrait pour partie celui du parc naturel.

Bien que la demande de permis de recherche ne porte pas directement sur les gaz de schiste, mais sur les « hydrocarbures liquides ou gazeux, et substances connexes », la crainte de nombre d'élus locaux et de riverains était que ce permis n'ouvre la voie à la recherche en matière de gaz et pétrole de schiste.

Or, ainsi que le souligne un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 59 forages de recherche pétrolière ont déjà été réalisés dans la région Provence-Alpes-Côte-D'azur entre 1949 et 1988, sans aucun résultat positif. Sept de ces forages ont eu lieu dans le Luberon, l'un d'entre eux allant jusqu'à 5 kilomètres de profondeur. L'absence avérée d'hydrocarbures conventionnels économiquement exploitables dans la région faisait donc légitimement craindre la poursuite d'autres objectifs.

De manière générale, votre rapporteure pour avis tient à souligner que quels que soient les types de permis considérés, le parc du Luberon est un espace naturel exceptionnel, dans lequel de telles activités de forage ne peuvent être envisagées. Au-delà de l'impact environnemental désastreux, ces forages sont incompatibles avec les autres activités économiques de la région et risqueraient de provoquer de nombreuses destructions d'emplois dans les domaines touristique, artisanal et agricole.

2. Une dotation budgétaire stabilisée

Pour mener à bien les actions prévues par son COP, l'IFPEN bénéficie d'une dotation budgétaire de l'État, rattachée à l'action n° 10 « Recherche dans le domaine de l'énergie » du programme 190.

Le projet de loi de finances pour 2015 accorde 141,6 millions d'euros de subvention pour charges de service public à l'IFPEN, en AE comme en CP.

La dotation budgétaire de l'IFPEN est donc quasiment stable par rapport à celle qui lui avait été allouée par la loi de finances initiale pour 2014 (142,6 millions d'euros).

Votre rapporteure pour avis salue la décision de ne pas diminuer davantage le montant de la dotation budgétaire de cet établissement public, acteur clé de la transition énergétique.

La situation financière de cet opérateur méritait en effet de ne pas être aggravée après une constante diminution de sa subvention pour charges de service public depuis 2002. Son budget prévisionnel pour 2014 fait en outre état d'une perte estimée à 4,7 millions d'euros.

B. L'INSTITUT FRANÇAIS DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DES TRANSPORTS, DE L'AMÉNAGEMENT ET DES RÉSEAUX (IFSTTAR)

1. Un organisme d'études et de recherche fortement impliqué dans les transports et la ville durable

L'IFSTTAR, créé en janvier 2011, est issu de la fusion du laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC), spécialisé dans le génie civil, et de l'institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS), compétent principalement en matière de transport et sécurité routière.

Établissement public à caractère scientifique et technologique, il est placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés respectivement du développement durable et de la recherche.

Il est rattaché à l'action n° 12 (« Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables ») du programme 190.

Il contribue aux deux premiers objectifs de performance du programme : « Développer l'excellence des instituts de recherche au niveau européen et international et assurer l'efficience de la recherche » (objectif n° 1) et « Développer les recherches partenariales entre acteurs publics et entre acteurs publics et privés » (objectif n° 2).

L'IFSTTAR a pour mission de réaliser des recherches dans les domaines du génie urbain, du génie civil et des matériaux de construction, des risques naturels, de la mobilité des personnes et des biens, des systèmes et des moyens de transports (individuels et collectifs) et de leur sécurité, des infrastructures et, plus généralement, de leurs usages et de leurs impacts techniques, économiques, sociaux, sanitaires, énergétiques, environnementaux et humains.

Ces thématiques sont issues d'un contrat d'objectifs et de performance signé en 2013 avec l'État pour la période 2013-2016.

Pour ce faire, l'établissement conduit des recherches fondamentales et appliquées , des études méthodologiques et des développements d'essais, et prototypes ; il mène des travaux d' expertise et de conseil ; il met en oeuvre une politique d' information scientifique et technique et assure la diffusion des connaissances acquises ; il contribue à la formation et au rayonnement international par l'exportation de l'expertise et des techniques développées.

L'IFSTTAR développe par ailleurs des recherches partenariales en répondant à des appels d'offres de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et en participant aux pôles de compétitivité . Il est aussi impliqué dans le programme d'investissements d'avenir au travers de sa participation à des Instituts pour la transition énergétique (ITE), des Instituts de recherche technologiques (IRT), des appels à projets Laboratoire d'excellence (LABEX) et des appels à projets Équipements d'excellence (EQUIPEX).

2. Un niveau de subventions maintenu

La dotation budgétaire qui est allouée à l'IFSTTAR au titre du programme 190 (87,7 millions d'euros en CP et AE) est quasiment stable (- 0,7 million d'euros) par rapport à celle précédemment fixée par la loi de finances initiale pour 2014. Votre rapporteure pour avis se réjouit de ce maintien de niveau.

Autorisations d'engagement / Crédits de paiement

LFI pour 2014

(au titre du programme 190)

Autorisations d'engagement / Crédits de paiement

LFI pour 2015

(au titre du programme 190)

Évolution

2014-2015

88,4

87,7

- 0,7

(- 0,79 %)

(en millions d'euros)

L'établissement ne bénéficie plus, en 2015, de transferts au titre du programme 181 (Prévention des risques).

Les recettes totales de l'IFSTTAR (107,6 millions d'euros dans le budget prévisionnel 2014) proviennent à 80,3 % de la subvention pour charges de service public versée au titre du programme 190.

Cette subvention sert principalement à couvrir les dépenses de personnels de l'IFSTTAR pour les emplois sous plafond, alors que l'activité de recherche tend à être principalement financée par les ressources propres de l'établissement (lesquelles s'élèvent à 21,2 millions d'euros).

Ces ressources propres devraient augmenter (+ 3,9 millions d'euros entre 2013 et 2014), grâce notamment à une prévision de recettes en provenance de l'ANR pour l'EQUIPEX Sense-City, projet qui consiste en une chaine d'équipements de capteurs innovants intégrant des nanotechnologies et permettant de collecter des informations.

L'exercice 2014 a été marqué par une recette exceptionnelle de 2 millions d'euros correspondant au remboursement de surcoûts liés à des difficultés rencontrées par l'opérateur lors du déménagement de ses installations de Paris à Marne-la-Vallée. Les pertes de recettes engendrées par ce déménagement n'ont en revanche pas été compensées par le ministère du budget. L'IFSTTAR évalue ce manque à gagner à 3 millions d'euros.

LFI 2014

PLF 2015

Emplois (équivalent temps plein travaillé -ETPT) rémunérés par l'IFSTTAR

1 228

1 193

L'IFSTTAR participe à l'objectif général de réduction des dépenses publiques au travers d'une nouvelle baisse de 35 ETPT sollicitée pour 2015 (-2,85 %).

C. L'INSTITUT DE RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE (IRSN)

1. Un expert public en matière de sécurité nucléaire et radiologique

Créé par la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés respectivement de l'industrie, de la santé, de la défense, de l'écologie et de la recherche.

Expert public pour les risques nucléaires et radiologiques , l'IRSN contribue à la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la sûreté et à la sécurité nucléaires , ainsi qu'à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets des rayonnements ionisants .

À ce titre, l'IRSN définit et mène des programmes de recherche destinés à maintenir et développer les compétences nécessaires à l'expertise dans ses domaines d'activité. Il contribue à la formation et à l' enseignement en radioprotection. Il est chargé d'une mission de veille permanente en matière de radioprotection (surveillance radiologique de l'environnement, gestion et exploitation des données dosimétriques relatives aux travailleurs exposés aux rayonnements ionisants, gestion de l'inventaire des sources radioactives...).

L'IRSN apporte par ailleurs un appui technique en matière de risques nucléaires et radiologiques, concernant aussi bien les installations nucléaires civiles que de défense, les transports de substances radioactives, l'application des traités sur le contrôle des matières nucléaires et sensibles, la protection physique et la sécurité des applications industrielles ou médicales. En cas d'incident ou d'accident impliquant des sources de rayonnements ionisants, l'IRSN propose aux pouvoirs publics et aux autorités des mesures d'ordres technique, sanitaire et médical, propres à assurer la protection de la population, des travailleurs et de l'environnement, et à rétablir la sécurité des installations.

Enfin, l'IRSN réalise des prestations contractuelles d'expertises, de recherches et d'analyses, mesures ou dosages pour des organismes publics ou privés.

2. Une dotation budgétaire en baisse

L'IRSN bénéficie à titre principal de subventions pour charge de service public au titre du programme 190, mais aussi des programmes 212 « Soutien de la politique de la défense » et 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ».

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit d'allouer 178,4 millions d'euros à l'IRSN au titre du programme 190.

Ces crédits sont en baisse de 4 % par rapport à 2014.

Dans un contexte général de redressement des comptes publics, l'IRSN est invité à reporter ou étaler certains de ses programmes de recherche . Tel pourrait être le cas des travaux liés au développement de la base de données CRIHOM, qui doit permettre, en situation de crise nucléaire ou radiologique, d'enregistrer les niveaux d'exposition au niveau individuel en vue d'un suivi sanitaire et épidémiologique des personnes ayant fait l'objet d'une contamination interne.

L'IRSN a par ailleurs d'ores et déjà lancé une démarche stratégique destinée à adapter ses programmes et son fonctionnement à son nouvel environnement dans une perspective à long terme. Il a mené une réflexion en faveur d'une optimisation de ses processus d'expertise, et d'un accroissement de la mutualisation des moyens de certains de ses laboratoires, en particulier en matière de métrologie et de mécanique. Il a aussi engagé une évaluation interne fondée sur une méthodologie de type « Atouts/attraits » pour identifier les inflexions nécessaires de sa programmation scientifique. Il s'est également attaché à prolonger les actions menées entre 2008 et 2011 pour améliorer et simplifier ses fonctions support et renforcer l'efficience de son pilotage. Ainsi, par exemple, cette démarche a permis d'atteindre, en 2013, l'objectif de 2 % de gain sur le périmètre des achats de l'Institut.

Votre rapporteure déplore la baisse significative des crédits alloués à l'IRSN. Elle souligne en effet que les demandes d'expertises de l'institut devraient croître ces prochaines années , avec par exemple la mise en service du réacteur de recherche Jules Horowitz, la préparation du démantèlement de la centrale de Fessenheim et l'analyse des demandes de prolongation d'exploitation d'autres réacteurs.

Votre rapporteure pour avis espère toutefois que la réduction des moyens budgétaires alloués à l'IRSN sera compensée par un accroissement du produit de la contribution acquittée par les exploitants d'installations nucléaires de base afin d'assurer à l'institut un maintien global de ses moyens.

D. LE COMMISSARIAT À L'ÉNERGIE ATOMIQUE ET AUX ÉNERGIES ALTERNATIVES (CEA)

1. Un acteur majeur de la recherche, au-delà du seul domaine nucléaire

Initialement dénommé Commissariat à l'énergie atomique, le CEA est devenu le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives depuis la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

Créé en octobre 1945, le CEA est un établissement public industriel et commercial à la fois impliqué dans le domaine du nucléaire et dans celui des nouvelles technologies de l'énergie . Il est placé sous la tutelle des ministres chargés de la recherche, de l'énergie, de la défense, de l'industrie et des finances.

Le CEA intervient dans trois grands secteurs :

- les énergies bas carbone : à ce titre, le CEA contribue à optimiser le fonctionnement du parc actuel de réacteurs nucléaires et à renforcer sa sûreté. Il participe aux programmes internationaux de recherches sur les réacteurs et combustibles de 4 e génération et poursuit des études sur la fusion thermonucléaire ; le CEA mène également des recherches sur les énergies renouvelables (énergie solaire thermique et photovoltaïque, batteries pour véhicules électriques, hydrogène, biocarburants de 2 e et 3 e générations...) et des recherches transversales en matière de stratégie énergétique durable (compréhension des mécanismes d'évolution du climat, maîtrise des ressources naturelles en matériaux, maîtrise des impacts sur l'environnement des technologies de l'énergie, analyse des coûts de l'énergie, bilan carbone, adaptation des réseaux...) ;

- les technologies pour l'information et les technologies pour la santé : le CEA mène des recherches technologiques sur les micro et nanotechnologies dont les applications industrielles concernent par exemple les télécommunications et les objets communicants. Il est également un acteur de la recherche médicale puisqu'il développe des compétences autour des biotechnologies et des technologies nucléaires pour la santé (marquage biomoléculaire, imagerie médicale...) ;

- la défense et la sécurité globale : le CEA a pour mission de concevoir, fabriquer, maintenir en condition opérationnelle puis démanteler les têtes nucléaires qui équipent les bâtiments de la Marine nationale, sous-marins et porte-avions.

Positionné principalement sur la recherche technologique, le CEA s'appuie sur une recherche fondamentale qui représente environ un tiers de ses activités et contribue à l'ensemble de ses thématiques : défense, énergie et technologies pour l'information et la santé.

Le CEA est un acteur reconnu dans le domaine de l'innovation et du soutien industriel par la recherche technologique. Il est le premier déposant public de brevets en France (701 brevets déposés en 2012 et un portefeuille de 4 200 brevets prioritaires).

Il contribue au renforcement de la compétitivité industrielle de la France au moyen de plus de 500 partenariats de recherche et développement avec des industriels , mais aussi par une politique favorisant la création d'entreprises et de technologies innovantes (plus de 150 start-ups créées depuis 1984).

2. Une hausse substantielle de crédits au titre du programme 190

Les crédits du CEA sont rattachés à titre principal au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

Les subventions pour charges de service public que le projet de loi de finances pour 2015 lui attribue au titre de ce programme 190 (880,55 millions d'euros) sont en hausse par rapport à celles allouées par la loi de finances initiale pour 2014 (+7,3 %).

Ces subventions ont pour objet de financer, au titre de l'action n° 10 « Recherche dans le domaine de l'énergie », les activités de recherche technologique du CEA dans le domaine du nucléaire civil (à hauteur de 438 millions d'euros) et des nouvelles technologies de l'énergie (à hauteur de 73,6 millions d'euros), mais aussi, au titre de l'action n° 15 « Charges nucléaires de long terme des installations du CEA », les opérations de démantèlement et d'assainissement des installations nucléaires en exploitation ou à l'arrêt au 31 décembre 2009 (369 millions d'euros).

La hausse de crédits du CEA attribués sur le fondement du programme 190 est à relativiser au regard de la quasi-stabilité du montant total des financements civils de l'État, issus de différents programmes, que le projet de loi de finances envisage au final de lui accorder.

E. L'INSTITUT NATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ET DES RISQUES (INERIS)

1. Un établissement public oeuvrant au développement de la croissance verte

L' Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) a été créé par le décret n° 90-1089 du 7 décembre 1990.

Né d'une restructuration du Centre de recherche des charbonnages de France (CERCHAR) et de l' Institut de recherche chimique appliquée (IRCHA), cet institut a le statut d' établissement public national à caractère industriel et commercial (EPIC) et se trouve placé sous la tutelle du ministère chargé de l'environnement.

L'INERIS a pour mission de réaliser ou de faire réaliser des études et des recherches permettant de prévenir les risques que les activités économiques font peser sur la santé , la sécurité des personnes et des biens, ainsi que sur l'environnement, et de fournir toute prestation destinée à faciliter l'adaptation des entreprises à cet objectif.

Il exerce à ce titre quatre grands types d'activités :

- activités de veille scientifique et de recherche appliquée ;

- appui aux pouvoirs publics , notamment sous la forme de développements méthodologiques et d'assistance à l'élaboration, l'évaluation ou la mise en oeuvre de politiques publiques ;

- expertise réglementaire pour évaluer la conformité de produits, équipements ou systèmes à différents référentiels prescriptifs (certification) ou non (certification volontaire) et la conformité de dossiers réglementaires (tierce expertise) ;

- expertise-conseil et formation , à destination des industriels et des collectivités, activités visant principalement à apporter des réponses opérationnelles à des situations à risques.

L'INERIS possède une cellule d'appui aux situations d'urgence , mobilisable en cas d'accident industriel majeur.

L'établissement est lié à l'État par un contrat d'objectifs et de performance pour la période 2011-2015 .

Ce contrat lui donne notamment pour mission prioritaire d'accompagner le développement des filières de la croissance verte qui tend à utiliser moins ou mieux la ressource énergétique et les matières premières non renouvelables (stockage de l'énergie, véhicules décarbonés, énergie de la biomasse, captage et stockage du CO 2 , filière hydrogène, chimie verte, etc.). Il vise également à faire de l'INERIS un acteur clé, au niveau européen, de la maîtrise des risques liés aux nanoparticules et lui confère un rôle d'animation d'un pôle applicatif en toxicologie et éco-toxicologie .

2. Une dotation budgétaire amoindrie

L'INERIS est sollicité pour réduire ses effectifs de 11 ETPT sous plafond.

La dotation budgétaire qui lui est affectée dans le projet de loi de finances pour 2015 (39,6 millions d'euros au total) provient à 72 % du programme 181 « Prévention des risques ». Les crédits ouverts au titre des programmes 174 « Énergie, climat et après-mines » et 190 représentent respectivement 11 % et 17 % du montant total des subventions pour charges de service public qu'il est prévu de lui allouer.

Les crédits ouverts dans le cadre du programme 190, d'un montant de 6,7 millions d'euros, sont plus particulièrement destinés à permettre à l'INERIS de réaliser des recherches sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions causés par les substances et produits chimiques, l'après-mine, les stockages souterrains et les risques naturels.

Alors que son budget prévisionnel 2014 fait apparaître un bénéfice en forte baisse par rapport au compte financier 2013, l'INERIS devra faire face en 2015 à une réduction de 1,8 % du montant de sa dotation budgétaire globale par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cette diminution est plus marquée s'agissant des crédits alloués au titre du programme 190, en baisse de 3 % .

Néanmoins, votre rapporteure pour avis accueille avec bienveillance le fait que le niveau de baisse des crédits alloués à l'INERIS au titre du programme 190 n'atteint pas celui opéré entre 2013 et 2014 (-17 %).

F. L'AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL (ANSES)

1. Un opérateur né de la fusion récente de plusieurs organismes de sécurité sanitaire

L' Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est née le 1 er juillet 2010 de la fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Le laboratoire national de protection des végétaux (LSV) lui a été rattaché le 1 er janvier 2011.

Établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés de l'agriculture, de la consommation, de l'environnement, de la santé et du travail, l'Anses assure des missions de veille, de recherche, d'expertise et de référence sur la sécurité sanitaire des aliments , de l'environnement et du travail, ainsi que sur la protection de la santé , sur le bien-être des animaux et sur la santé des végétaux .

Cette agence développe l'appui scientifique et technique nécessaires à l'élaboration des politiques de protection de la santé, liées à des expositions alimentaires, environnementales ou professionnelles, et à la mise en oeuvre des mesures de gestion des risques dans ses domaines de compétence.

Ses avis et recommandations sont transmis aux pouvoirs publics et ses travaux sont systématiquement publiés .

Pour accomplir ses missions, l'Anses s'appuie sur un réseau de 11 laboratoires de référence et de recherche implantés sur tout le territoire. Les 600 scientifiques et techniciens de ce réseau de laboratoires se consacrent à des travaux sur l'identification des pathogènes majeurs en santé animale et en santé végétale, ainsi qu'au développement de méthodes d'identification des contaminants biologiques, physiques ou chimiques des aliments et de l'eau.

2. Une dotation budgétaire adaptée à de nouvelles missions

L'Anses reçoit à titre principal des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », à hauteur de 67 % du montant total de ces crédits.

Les crédits versés au titre du programme 190 ne représentent que 1,7 % de sa dotation budgétaire totale, des subventions lui étant également versées au titre des crédits des programmes 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » (14,5 % du montant total de ses crédits), 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » (9,4 %) et 181 « Prévention des risques » (7,4 %).

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit de lui allouer 94 millions d'euros de subventions pour charges de service public, dont 1,6 million d'euros au titre du programme 190. Sa dotation budgétaire est quasiment stable par rapport à celle attribuée par la loi de finances initiale pour 2014.

Le plafond d'emplois de l'agence est fixé à 1 281 ETPT en 2015, ce qui correspond à un schéma d'emplois de 10 ETP supplémentaires. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit 70 ETPT hors plafond.

Votre rapporteure pour avis se félicite de ces éléments, qui doivent permettre à l'agence de faire face à la nouvelle mission relative à la gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes, qui lui a été confiée par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Seconde délibération à l'Assemblée nationale

Le Gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale de procéder à une seconde délibération sur l'article 32 et l'état B, sur l'article 34 et l'État D, sur l'article additionnel après l'article 44 et, pour coordination, sur l'article 31 et l'état A du projet de loi de finances pour 2015.

Les autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », étudiés dans le cadre du présent rapport, ont été réduits de 16,35 millions d'euros par un amendement adopté à cette occasion.

Le Gouvernement a précisé que cette diminution était permise par « des économies d'efficience sur les budgets de fonctionnement de certains opérateurs du programme », et par une « priorisation des interventions discrétionnaires ».

TRAVAUX EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 novembre 2014, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la recherche en matière de développement durable.

M. Rémy Pointereau, président . - Nous avons désigné notre collègue Geneviève Jean rapporteure pour avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 relatifs à la recherche en matière de développement durable. Ma chère collègue, il s'agit de votre premier rapport en tant que nouvelle sénatrice. Aussi, je voudrais saluer le travail que vous avez dû effectuer pour, dans un temps record, vous plonger dans un sujet aussi foisonnant.

Mme Geneviève Jean . - Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient effectivement de vous présenter, pour la première fois, les crédits du programme 190 relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, inscrits dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2015.

Ce programme 190 comprend six actions : la recherche dans le domaine de l'énergie ; la recherche dans le domaine des risques ; la recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l'aménagement ; la recherche partenariale dans les domaines du développement et de l'aménagement durables ; la recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile ; enfin, les charges nucléaires de long terme des installations du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Les crédits que le projet de loi de finances pour 2015 envisage d'allouer à ce programme, soit 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, sont en légère hausse par rapport à ceux ouverts par la loi de finances pour 2014.

Ces crédits ont vocation à financer six opérateurs de l'État : l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ; l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) ; l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN) ; l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ; le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

Le périmètre du programme est marqué cette année par la suppression de la subvention versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

L'Ademe recevait jusqu'ici une subvention pour charges de service public au titre du programme 181 « Prévention des risques » et du programme 190. La subvention accordée au titre du programme 181 a été supprimée en 2014. Celle du programme 190 l'est cette année. L'agence, qui est depuis 2010 opérateur des investissements d'avenir, ne bénéficiera donc plus d'aucune subvention budgétaire et sera, pour l'essentiel, financée par une fraction des produits de la taxe générale sur les activités polluantes - TGAP.

Les six opérateurs qui perçoivent toujours des crédits au titre du programme 190 sont, dans l'ensemble, relativement épargnés dans le projet de loi de finances pour 2015 par les contraintes liées au contexte budgétaire. Si deux d'entre eux voient leur dotation budgétaire diminuer, trois ont une dotation quasiment stable par rapport à l'année 2014, et l'un d'eux - le CEA - profite même d'une augmentation de la subvention pour charges de service public qui lui est versée au titre du programme 190.

Je m'intéresserai tout d'abord aux deux opérateurs dont les crédits alloués au titre du programme 190 sont en baisse : l'IRSN et l'INERIS.

L'IRSN, expert public pour les risques nucléaires et radiologiques, contribue à la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la sûreté et à la sécurité nucléaires, ainsi qu'à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets des rayonnements ionisants. Les crédits que le projet de loi de finances pour 2015 lui attribue, soit 178 millions d'euros, sont en baisse de 4 % par rapport à 2014. Cette baisse significative, alors que les demandes d'expertises de l'institut devraient croître ces prochaines années, avec par exemple la mise en service du réacteur de recherche Jules Horowitz, la préparation du démantèlement de la centrale de Fessenheim et l'analyse des demandes de prolongation d'exploitation d'autres réacteurs, devrait conduire l'IRSN à retarder ou étaler certains programmes de recherche.

Il est toutefois permis d'espérer que cette baisse de dotation sera compensée par un accroissement du produit de la contribution acquittée par les exploitants d'installations nucléaires de base, ce qui assurera à l'institut un maintien global de ses moyens.

L'INERIS, quant à lui, a pour mission de réaliser ou de faire réaliser des études et des recherches permettant de prévenir les risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes et des biens, et sur l'environnement. Les crédits ouverts dans le cadre du programme 190, d'un montant de 6,7 millions d'euros, sont plus particulièrement destinés à permettre à cet institut de réaliser des recherches sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions causés par les substances et produits chimiques, l'après-mine, les stockages souterrains et les risques naturels. L'INERIS devra faire face en 2015 à une réduction de 1,8 % du montant de sa dotation budgétaire globale par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cette diminution est plus marquée s'agissant des crédits alloués au titre du programme 190, en baisse de 3 %. Il faut toutefois souligner que ce niveau de baisse n'atteint pas celui opéré entre 2013 et 2014 (- 17 %).

Trois opérateurs ont, ensuite, un niveau de dotation budgétaire quasiment stable par rapport au projet de loi de finances pour 2014 : l'IFPEN, l'IFSTTAR et l'Anses.

Après avoir subi une diminution constante de sa dotation depuis 2002, l'IFPEN, établissement public industriel et commercial de recherche, d'innovation et de formation intervenant dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement, disposera en 2015 d'une subvention pour charges de service public de 141 millions d'euros.

L'IFSTTAR, établissement public à caractère scientifique et technologique, a pour mission de réaliser des recherches dans les domaines du génie et des matériaux de construction, des risques naturels, de la mobilité, des systèmes et des moyens de transports et des infrastructures. La dotation budgétaire qui lui est attribuée, soit 88 millions d'euros, est quasiment stable par rapport à celle fixée par la loi de finances initiale pour 2014.

L'Anses, établissement public à caractère administratif, est chargée de missions de veille, de recherche, d'expertise et de référence sur la sécurité sanitaire des aliments, de l'environnement et du travail, ainsi que sur la protection de la santé, sur le bien-être des animaux et sur la santé des végétaux. Cette agence voit, elle aussi, sa dotation se maintenir par rapport à 2014. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit de lui allouer 94 millions d'euros de subventions pour charges de service public, dont 1,6 million au titre du programme 190.

Enfin, le CEA, établissement public industriel et commercial à la fois impliqué dans le domaine du nucléaire et dans celui des nouvelles technologies de l'énergie, profite d'une hausse substantielle du montant de ses crédits au titre du programme 190 (+ 7,3 % pour atteindre environ 880 millions d'euros).

Je crois donc que nous pouvons nous féliciter de la stabilité générale du budget alloué à la recherche en matière de développement durable.

Ce maintien d'un niveau suffisant de crédits est d'autant plus important que le programme 190 contribue au financement de plusieurs projets accompagnant le défi de la transition écologique et énergétique.

Les auditions que j'ai réalisées m'ont permis de percevoir tout leur intérêt.

Je souhaiterais notamment évoquer le projet, actuellement mené par l'IFPEN, de développement d'un « véhicule pour tous » ne consommant que 2 litres de carburant aux 100 kilomètres. La technologie mise au point par cet institut devrait pouvoir être commercialisée dès 2022. Une véritable prouesse dont on comprend tout l'enjeu, alors que les transports sont à l'origine de 27 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

L'IFSTTAR oeuvre lui aussi à l'essor de transports durables. L'un de ses projets porte sur la conception d'une « route de 5 ème génération ». Plusieurs démonstrateurs ont été mis au point par l'institut, permettant d'ores et déjà de tester, sur certains territoires, des « échantillons » de routes devenues capables de gérer des informations grâce aux systèmes de transport intelligent, de diagnostiquer leurs points de faiblesse, de résister aux aléas climatiques, d'informer sur leur état de service, sur le trafic ou les risques pour l'usager... Cette route de 5 ème génération sera à terme capable de récupérer de l'énergie pour alimenter ses propres équipements, voire les véhicules ; elle pourrait même être en mesure d'absorber du CO 2 ! On comprend aisément tous les bénéfices que de telles infrastructures permettraient d'obtenir.

Je voudrais également évoquer un autre projet auquel participe l'IFSTTAR, en faveur cette fois du concept de ville intelligente.

En 2050, les villes devraient accueillir 75 % de la population mondiale. Cette urbanisation grandissante menace à la fois la population et l'environnement.

Or le cadre de vie des populations urbaines se dégrade sous l'effet de nuisances variées (pollution, bruit, saturation des réseaux...) tandis que les attentes en matière de qualité de vie et de services augmentent.

Il est en outre établi que les territoires urbains contribuent de manière déterminante à l'effet de serre et à la consommation d'énergie fossile.

Une reconception de la ville est donc nécessaire et souhaitable. L'IFSTTAR participe à cette réflexion au travers du projet « Sense City » qui se concrétise par la création d'une « mini-ville » climatique dans un vaste hall de 400 m² unique en Europe. Ce hall sera capable d'accueillir des maquettes à échelle réelle ou réduite des principales composantes de la ville, telles que les bâtiments, les infrastructures, les réseaux de distribution et le sous-sol. Il sera le moyen de tester des micro et nano-capteurs inventés pour instrumenter et piloter une ville moderne, plus durable et plus humaine. En outre, les aménagements de l'espace urbain et les scenarii météorologiques envisagés (canicule, vague de froid, pluie et air pollués) permettront d'étudier la qualité environnementale des villes, la qualité sanitaire et l'efficacité énergétique des bâtiments et des quartiers, ainsi que la qualité et la durabilité des infrastructures et des réseaux urbains.

La mise en service de cette mini-ville, située à Marne-la-Vallée, est prévue pour fin 2015.

Enfin, j'insisterai sur le fait que les crédits du programme 190 sont nécessaires au développement des systèmes industriels nucléaires du futur et à l'expérimentation de biocarburants - ou agrocarburants - de 2 ème génération.

Le CEA, dont une partie des ressources provient du programme 190, est ainsi chargé de mener pour la France des recherches sur les réacteurs nucléaires de 4 ème génération, capables d'utiliser directement l'uranium naturel ou appauvri et de produire 50 à 100 fois plus d'électricité avec la même quantité de minerai que les réacteurs nucléaires actuels, en ne produisant quasiment pas de gaz à effet de serre. Son effort se concentre principalement sur les technologies de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, au travers, notamment, du projet de développement du réacteur de démonstration ASTRID. Les options innovantes étudiées pour ce projet portent sur la mise au point d'un coeur performant à sûreté améliorée, sur une résistance renforcée aux accidents graves et sur une conversion d'énergie optimisée minimisant le risque apporté par le sodium. La première phase de l'avant-projet sommaire concernant ASTRID s'est terminée à la fin de l'année 2012. La deuxième phase devrait se terminer fin 2015. Une phase d'avant-projet détaillé est prévue ensuite jusqu'à fin 2019 pour permettre, en fonction des décisions qui seront prises à ce moment-là, le début de la construction du démonstrateur industriel.

Parallèlement, parce que les recherches pour les systèmes nucléaires actuels et futurs nécessitent des outils de simulation spécifiques, le CEA développe un parc d'installations expérimentales.

La construction, dans ma région, à Cadarache, du réacteur Jules Horowitz (RJH) en est une illustration. Alors que les réacteurs de recherche en Europe datent des années 1960, le RJH constituera, à terme, une installation unique dédiée aux études, sous irradiation, des combustibles et des matériaux pour les différentes générations de réacteurs nucléaires.

Le CEA ne mène pas uniquement des recherches en matière nucléaire. Il participe par exemple au projet Syndièse qui vise à transformer des végétaux en un gaz, qui est ensuite converti en carburant : biodiesel pour moteurs de véhicules routiers ou maritimes, biokérosène pour l'aviation. Je souhaiterais une fois encore insister sur l'intérêt que présente ce projet, les biocarburants de 2 ème génération étant susceptibles de constituer une réponse aux défis énergétiques de la France à l'horizon 2020.

En conclusion, mes chers collègues, et vous l'aurez compris à travers ces quelques exemples, les crédits du programme 190 sont indispensables pour permettre aux opérateurs de l'État, dont l'excellence n'est plus à démontrer, de mener à bien des projets de recherche déterminants pour franchir le cap de la transition écologique et énergétique.

Ces crédits étant globalement préservés dans un contexte financier contraint, je vous proposerai de donner un avis favorable à leur adoption.

M. Rémy Pointereau, président . - Je vous remercie pour la présentation de ce rapport à la fois complet et intéressant. Je sais d'ailleurs que vous avez procédé à de multiples auditions et je vous en félicite.

Vous avez évoqué la suppression du montant de la subvention versée à l'Ademe. Quel était le montant de cette subvention ?

M. Jean-Jacques Filleul . - Je souhaite à mon tour féliciter notre collègue pour la qualité de son rapport, qui méritera d'être relu de manière attentive car il apporte de nombreuses informations en matière de recherche et d'innovation sur les questions écologiques et énergétiques. De nombreuses start-ups travaillent, sur tous nos territoires, dans ces domaines. Vous nous avez démontré que le Gouvernement accompagne l'ensemble de ces recherches, nous soutiendrons donc l'avis favorable que vous avez exprimé sur l'adoption des crédits du programme 190.

Mme Chantal Jouanno . - Je souhaiterais à mon tour revenir sur le financement de l'Ademe. Tantôt cette agence a bénéficié de subventions, tantôt de taxes affectées. Bien souvent, le recours à l'attribution d'une fraction de la TGAP a été un moyen de masquer une réduction du budget de l'Ademe. Quelles sont les garanties de maintien du niveau du budget de l'agence ? Par ailleurs, comment évolue le plafond d'emplois rémunérés par l'Ademe ?

M. Charles Revet . - Je félicite également notre collègue pour son rapport très complet. Vous avez évoqué le démantèlement de la centrale de Fessenheim, mais quel est l'état d'avancement de ce projet ? Avez-vous des informations ? Par ailleurs, comment évoluent globalement les crédits en matière de recherche ? Je comprends que certains sont en hausse et que d'autres en baisse... Vous avez même évoqué des suppressions. Y a-t-il des compensations ?

M. Jean-Claude Leroy . - Le Centre scientifique et technique du bâtiment - le CSTB - joue un rôle très important, mais ses moyens vont être diminués pratiquement d'un quart. J'aurais souhaité que l'effort accompli jusqu'à présent en faveur du financement de cet opérateur soit maintenu.

Mme Geneviève Jean . - En 2014, l'Ademe a perçu 26 millions d'euros au titre du programme 190, ainsi qu'une fraction de la TGAP égale à 448,7 millions d'euros et des transferts de crédits au titre du programme des investissements d'avenir. En 2015, l'agence ne sera plus financée qu'au travers d'une fraction de la TGAP, maintenue à 448,7 millions d'euros, et par les fonds issus du programme des investissements d'avenir. Les emplois sous plafond rémunérés par l'opérateur seront diminués de 19 ETP.

Mme Chantal Jouanno . - L'Ademe subit donc une perte !

Mme Geneviève Jean . - S'agissant de la centrale de Fessenheim, je n'ai pas d'éléments complémentaires à apporter ; les crédits sont ouverts pour financer des travaux de recherche en perspective d'opérations de démantèlement, sans qu'ils soient spécifiques à cette centrale.

Le CSTB n'est pas considéré comme un opérateur de l'État car plus de la moitié de ses ressources est d'origine privée. Il est prévu de lui verser, d'une part, des crédits d'intervention pour un montant de 15,4 millions d'euros, d'autre part, une dotation en capital d'un montant d'un million d'euros.

Je souhaiterais ajouter que tous les organismes que j'ai rencontrés sont disposés à recevoir les membres de notre commission pour présenter leurs travaux de recherche et leurs activités.

M. Rémy Pointereau, président . - Ce rapport est important car la recherche permettra le développement économique. Nous ne pouvons pas baisser la garde !

M. Charles Revet . - Ces précisions apportées, je partage votre point de vue, Monsieur le président : il reste beaucoup à faire pour permettre la transition écologique. Ce n'est pas le moment de diminuer les crédits de la recherche en matière de développement durable ! Je ne peux donc pas être favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

Mme Geneviève Jean . - Je tiens à rappeler que les crédits du programme 190 sont, globalement, en légère hausse par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances pour 2014, puisqu'ils augmentent de 1,13 % en autorisations d'engagement et de 0,97 % en crédits de paiement. Les crédits alloués à l'IRSN et à l'INERIS sont en baisse, certes, mais ceux alloués à l'IFPEN, à l'IFSTTAR et à l'Anses sont stables ; ceux attribués au CEA augmentent même de 7 % ! Ce dernier opérateur ne mène d'ailleurs pas uniquement des recherches sur le nucléaire. Il en effectue aussi sur les nouvelles technologies de l'énergie.

M. Gérard Miquel . - Je voudrais féliciter notre rapporteure pour avis. Je me réjouis que les crédits « Recherche en matière de développement durable » évoluent positivement. Nous avons la chance d'avoir en France des outils de recherche remarquables. Quelques efforts sont encore demandés : le nombre d'emplois de l'Ademe va diminuer quelque peu et son budget sera réduit, avec compensation par un prélèvement sur la TGAP. Nous sommes dans une période de difficultés et j'espère que les précisions apportées par notre rapporteure pour avis auront rassuré nos collègues.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Recherche en matière de développement durable » du projet de loi de finances pour 2015.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 5 novembre 2014

- IFP Énergies nouvelles (IFPEN) : M. Olivier Appert , président de l'IFPEN, et M. Marco de Michelis , directeur des relations institutionnelles et de la communication ;

- Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) : Mme Hélène Jacquot-Guimbal , directrice générale, et M. Vincent Motyka , directeur général adjoint ;

- Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : M. Jean-Bernard Cherié , directeur général adjoint, chargé de l'administration de l'IRSN, et Mme Audrey Lebeau-Live , chargée des relations parlementaires auprès du directeur général ;

- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : M. Bernard Bigot , administrateur général du CEA, et M. Jean-Pierre Vigouroux , chef du service des affaires publiques.

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