Avis n° 428 (2015-2016) de M. Michel LE SCOUARNEC , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 2 mars 2016

Disponible au format PDF (448 Koctets)


N° 428

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 mars 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , pour l' économie bleue ,

Par M. Michel LE SCOUARNEC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2964 , 3170 , 3178 et T.A. 672

Sénat :

370 , 430 et 431 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 3 février dernier, la proposition de loi pour l'économie bleue, déposée en juillet 2015 par les députés socialistes Bruno Le Roux, Arnaud Leroy et Jean-Paul Chanteguet, a plutôt l'ampleur d'un projet de loi dédié à la mer et aux activités maritimes .

Elle s'inscrit dans le prolongement du rapport « Osons la mer » du député Arnaud Leroy, remis au Gouvernement en octobre 2013, et centré sur les questions de compétitivité des transports et services maritimes français . Le coeur de la proposition de loi concerne en effet le transport maritime, la gouvernance des ports, le statut des gens de mer, les règles applicables au pavillon français ou encore l'allègement et la simplification du droit maritime.

Toutefois, certaines dispositions visant plus spécifiquement les pêches maritimes et l'aquaculture, leur examen a été renvoyé à notre commission des affaires économiques. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a en effet délégué au fond à notre commission l'examen des articles 13 à 18 bis constituant le Titre II du texte, des articles 18 ter et 18 quater constituant son titre II bis , ainsi que des articles 20 et 22.

Il n'est pas fréquent que le Parlement ait à se pencher sur les dispositions législatives relatives aux pêches maritimes ou à l'aquaculture. Le dernier texte intervenant en ce domaine avait été la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) de 2010, qui, déjà, avait affirmé une ambition nouvelle pour l'aquaculture marine, mais sans grand résultat.

L'ambition de la présente proposition de loi est plus modeste : il s'agit surtout de donner quelques outils supplémentaires pour moderniser et développer la pêche et l'aquaculture .

L'objectif de soutien au renouvellement des flottes de pêche et de développement de l'aquaculture vient d'être réaffirmé par le Comité interministériel de la mer d'octobre 2015. La refonte du permis de mise en exploitation (PME) des navires ainsi que la réforme de la gestion de la capacité de pêche ont été annoncées. L'identification de nouveaux sites aquacoles constitue également l'un des axes majeurs pour le développement de l'aquaculture.

Si les mesures proposées font l'objet d'un large consensus des acteurs institutionnels et économiques de la pêche et de l'aquaculture , on peut toujours s'interroger sur la réussite d'une stratégie qui peine à décoller.

Pourtant, la France dispose de réels atouts : la pêche traverse une période favorable, avec des prix de vente des poissons relativement élevés, combinés à un prix du pétrole bas qui allège les charges d'exploitation des navires. La demande croissante de produits de la mer constitue également une opportunité nouvelle pour les aquaculteurs.

Il convient donc rapidement de mettre les pêcheurs comme les aquaculteurs en mesure de développer leurs activités, tout en maîtrisant les enjeux environnementaux majeurs pour la mer et le milieu marin dont ils sont les premières sentinelles.

Les dispositions de la présente proposition de loi concernant la pêche et l'aquaculture allant en ce sens, votre rapporteur a proposé de les adopter avec de très légères modifications par rapport au texte voté par les députés.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. RETROUVER UNE DYNAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT DE LA PÊCHE ET DE L'AQUACULTURE.

A. LES PRODUITS DE LA MER DEMANDÉS PAR LES CONSOMMATEURS.

D'après la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), la consommation mondiale de poisson a doublé entre les années 1960 et les années 2010 . La production a atteint 160 millions de tonnes en 2014 et la tendance devrait se poursuivre dans les pays en développement. La Chine assure à elle seule un tiers de la production mondiale, essentiellement à cause de son aquaculture.

En France, la consommation totale de poissons, coquillages, crustacés et céphalopodes s'élève environ à 34 kg par personne et par an , dont 24 kg de poisson proprement dit. Ce niveau est stable depuis le début des années 2000, après des années de forte hausse.

La restauration hors foyer représente environ 20 % du marché des produits de la mer et de l'aquaculture, loin derrière la consommation à domicile. Qu'ils soient consommés hors domicile ou à domicile, les produits de la mer bénéficient d'une bonne image auprès des consommateurs . Ainsi, d'après FranceAgrimer, les ventes en criées en 2015 ont reculé de 3 % en volume mais ont progressé de 5 % en valeur, pour atteindre 660 millions d'euros. Les prix des poissons blancs (églefin, lieu jaune, tacaud), en particulier, ont progressé fortement.

La démarche de valorisation du « pavillon France », portée par France filière pêche, a sans aucun doute permis une meilleure valorisation des pêches françaises.

La France est le troisième producteur de l'Union européenne en matière de pêche et d'aquaculture après l'Espagne et le Royaume-Uni. Pour autant, la production française reste très insuffisante pour répondre à la demande intérieure. Ainsi, notre pays importe chaque année 1,1 million de tonnes de produits aquatiques, pour une valeur d'environ 5 milliards d'euros, contribuant négativement à notre balance extérieure, déficitaire de près de 4 milliards d'euros. Parmi les produits les plus importés figurent le saumon, la crevette, mais aussi le cabillaud. Ces importations proviennent notamment de Norvège, du Royaume-Uni et d'Espagne, et elles ne sont pas compensées ni en volume ni en valeur par les exportations.

La filière pêche et aquaculture doit donc faire face au défi d'une reconquête du marché intérieur.

Enfin, à côté des produits alimentaires, la mer peut être source de développement de nouvelles cultures végétales : l'algoculture, encore balbutiante en France, dispose de nombreux débouchés : alimentation, pharmacie, cosmétique, biomatériaux.... Il s'agit là d'une branche de l'aquaculture tout à fait prometteuse.

B. LA PÊCHE MARITIME DOIT RELEVER LE DÉFI DE SA MODERNISATION DANS UN CONTEXTE CONTRAINT.

La pêche maritime en France repose sur une flotte de moins en moins nombreuse : 7 121 navires, dont 4 472 en métropole, contre 5 883 en l'an 2 000. En 2014, seuls 188 navires étaient de plus de 24 mètres. Moins de 1 000 navires font plus de 12 mètres.

La flotte française de pêche est donc surtout une flotte artisanale , qui emploie 16 777 pêcheurs, dont 13 309 en métropole. Près de la moitié de ces pêcheurs est employée en petite pêche, c'est-à-dire pour des sorties de moins de 24 heures 1 ( * ) .

Surtout, la flotte est vieillissante et le renouvellement des générations de patrons-pêcheurs constitue un défi majeur pour la pérennité de notre pêche. Votre rapporteur soulignait ce défi du renouvellement des hommes et des navires dans son rapport pour avis sur les crédits en faveur de la pêche figurant au projet de loi de finances pour 2016.

L'âge moyen des navires de pêche en métropole est de 26 ans. Seulement 35 nouveaux navires de pêche ont été mis à l'eau en 2013.

Or, disposer d'une flotte moderne est la condition pour améliorer les performances des armements de pêche, mais aussi pour mieux assurer la sécurité des équipages et attirer des matelots .

Cette modernisation se heurte cependant aux difficultés de financement de l'installation de nouveaux patrons-pêcheurs. S'il existe des mécanismes de financement permettant une acquisition progressive des navires sur dix ans, dans le cadre notamment des armements coopératifs, le capital à mobiliser reste considérable, car les navires coûtent plusieurs millions d'euros, alors même que la gestion annuelle des quotas de pêche fait toujours peser un risque de moyen terme sur la pérennité de l'activité de pêche.

La suppression, dans le cadre de la politique commune de la pêche (PCP) des aides publiques à la construction de navires neufs à compter du 31 décembre 2004, a obligé à repenser le modèle de renouvellement de la flotte. Force est de constater que, depuis, le rythme de construction de nouveaux navires a singulièrement ralenti.

La bonne tenue des prix des poissons, combinée à de bons niveaux de quotas ainsi qu'à une forte baisse du coût du carburant, ont permis à la pêche française de connaître une meilleure conjoncture. Il convient de profiter de cette période relativement favorable pour investir dans les navires et accélérer la modernisation de notre flotte.

La pêche à pied professionnelle

La pêche à pied se définit comme l'activité « dont l'action, en vue de la vente des animaux marins pêchés, s'exerce sur le domaine public maritime ainsi que dans la partie des fleuves, rivières, étangs ou canaux où les eaux sont salées telles que délimitées par la réglementation en vigueur. L'action de pêche proprement dite s'exerce sans que le pêcheur cesse d'avoir un appui au sol et sans équipement respiratoire permettant de rester immergé ».

La profession de pêcheur à pied est fortement réglementée à la fois au niveau national et au niveau local : chaque pêcheur doit détenir un permis national de pêche à pied, délivré par l'autorité administrative. L'accès aux gisements de pêche à pied est limité à travers la délivrance de licences de pêche par les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins. Les captures réalisées font l'objet d'une déclaration obligatoire comme pour la pêche embarquée. Bien que pratiquée à pied, la pêche à pied peut nécessiter parfois l'utilisation de navires, pour l'accès aux sites ou pour le transport des produits.

En 2014, on recensait 1 405 personnes exerçant la profession de pêcheur à pied, principalement en qualité de travailleurs indépendants. Au titre de leur couverture sociale, 721 relevaient du régime des marins géré par l'établissement national des invalides de la marine (ENIM) et 684 de la mutualité sociale agricole (MSA).

C. METTRE ENFIN EN PLACE UNE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT DE L'AQUACULTURE.

La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) de 2010 avait porté une ambition de développement de l'aquaculture marine, notamment en mettant en place une planification à travers les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine (SRDAM) . Si la plupart des régions ont adopté de tels schémas, ceux-ci sont loin d'avoir produit leurs effets puisqu'on ne constate pas de progression du nombre des installations d'aquaculture marine, qui se heurtent à des obstacles financiers, techniques mais aussi administratifs .

Pourtant, l'aquaculture occupe une place importante dans l'économie bleue : la France est le deuxième producteur européen de produits aquacoles, avec une production de 160 000 tonnes et presque 550 millions d'euros de chiffre d'affaires dans la conchyliculture et un peu plus de 40 000 tonnes pour 125 à 150 millions d'euros de chiffre d'affaires pour la pisciculture.

La conchyliculture, et en particulier l'ostréiculture, domine donc la production aquacole française.

Pionnière en Europe dans les élevages marins, la France n'a cependant pas développé fortement cette activité, avec seulement 4 500 tonnes de poissons marins produits par an (bar, daurade, turbots), mais avec certaines productions à forte valeur ajoutée : ainsi, la France est devenue un important producteur de caviar avec ses élevages d'esturgeons du Sud-Ouest. En réalité, c'est la pisciculture d'eau douce qui assure l'essentiel de la production aquacole hors conchyliculture, avec 30 000 à 35 000 tonnes par an de truites et environ 500 entreprises.

Or, compte tenu des contraintes qui pèsent sur la ressource halieutique, ne laissant pas espérer de remontée des quotas de pêche à court terme, il ne semble possible de faire face à la demande croissante de produits aquatiques que par l'aquaculture. Selon le sous-comité de l'aquaculture du comité des pêches de la FAO, la production aquacole devra doubler d'ici à 2030 pour pouvoir satisfaire la demande et les besoins croissants à l'échelon planétaire.

Il est donc souhaitable de mettre en place une réelle stratégie pour l'aquaculture. Lors du comité interministériel de la mer du 24 octobre 2015, le Gouvernement a annoncé qu'il réserverait 15 % de l'enveloppe au sein du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) au soutien à l'aquaculture. Encore faut-il que des projets soient lancés par des professionnels pour pouvoir utiliser une telle enveloppe.

La conchyliculture en France

D'après le Comité national de la conchyliculture, on comptait en France en 2013 4 508 concessionnaires détenant des surfaces dédiées à la conchyliculture et aux cultures marines, et un total de 48 674 concessions en incluant des surfaces dédiées aux prises d'eau. Près de 17 000 hectares sont exploités sur le domaine public maritime auxquels s'ajoutent 3 000 hectares sur des domaines privés. En outre, la conchyliculture et les cultures marines exploitent plus de 1 600 km dédiés à des cultures en ligne ou sur bouchots.

Plus de 18 000 personnes travaillent directement dans le secteur des productions conchylicoles, représentant ainsi plus de 9 300 emplois en équivalents temps plein, au sein de plus de 4 000 entreprises .

Les deux grandes branches de la conchyliculture sont l'ostréiculture (huîtres) et la mytiliculture (moules) :

- La production ostréicole avoisine 101 000 tonnes pour un chiffre d'affaires supérieur à 500 millions d'euros par an. Elle assure l'essentiel du chiffre d'affaires de la conchyliculture en France, qui assure 85 % de la production européenne.

- La production mytilicole française est quant à elle de 65 000 tonnes, dont 55 000 tonnes élevées sur bouchots, mode d'élevage spécifique à la France. Le chiffre d'affaires associé à la mytiliculture est de l'ordre de 150 millions d'euros par an.

L'activité conchylicole est soumise à autorisation administrative et fait l'objet de contrôles administratifs, notamment sur la qualité des productions et sur la maîtrise des effluents et rejets.

II. LA PROPOSITION DE LOI POUR L'ÉCONOMIE BLEUE : UNE RÉPONSE PARTIELLE ET MODESTE SUR LES QUESTIONS DE PÊCHE ET D'AQUACULTURE.

A. LES DISPOSITIONS EN FAVEUR DE LA PÊCHE ET DE L'AQUACULTURE NE SONT PAS AU CoeUR DU TEXTE.

La proposition de loi pour l'économie bleue concerne d'abord et avant tout les transports maritimes et les services portuaires. Pour autant, la pêche et l'aquaculture ne sont pas absentes du texte , qui y consacre son titre II, son titre II bis et quelques articles du titre III. En outre, certaines dispositions du titre I er , comme celles relatives au pavillon français, à la simplification du rôle d'équipage ou à la protection sociale des pêcheurs à pied professionnels, auront un impact sur les pêcheurs et les aquaculteurs.

Les députés ont peu modifié les dispositions relatives à la pêche et à l'aquaculture :

- L'article 13 précise les objectifs de la politique en faveur de la pêche et de l'aquaculture afin de donner une plus grande reconnaissance à l'activité aquacole.

- L'article 14 donne de nouvelles bases juridiques pour réguler la reproduction et l'amélioration génétique des ressources conchylicoles. Il demande aussi que la conchyliculture soit mieux prise en compte au titre des signes de qualité, telles les indications géographiques protégées.

- L'article 15 précise la définition de l'aquaculture, encourage le renouvellement des dirigeants des comités des pêches en fixant leur limite d'âge à 65 ans. Il donne une mission supplémentaire aux SRDAM : recenser les possibilités d'implantation de fermes aquacoles à terre fonctionnant en milieu fermé. Il élargit la définition de la société de pêche artisanale pour encourager des apporteurs de capitaux minoritaires, et pour allonger de 10 à 15 ans la durée de l'acquisition progressive de leur outil de travail par les patrons-pêcheurs. Enfin, il conforte les pouvoirs de sanction des organisations de producteurs, afin d'assurer le respect des objectifs de la PCP.

- L'article 15 bis permet la création de fonds de mutualisation pour indemniser les pêcheurs en cas de phénomène sanitaire ou climatique.

- L'article 16 demande au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur le développement du pescatourisme et sur la diversification de l'activité des pêcheurs et aquaculteurs.

- L'article 17 concerne la flotte stratégique : il a été supprimé, car les dispositions correspondantes ont été reclassées à l'article 12 ter .

- L'article 18 crée de nouveaux outils pour la protection des eaux conchylicoles. En effet, la qualité de l'eau est la condition indispensable au développement de l'aquaculture.

- L'article 18 bis renforce l'opposabilité des SRDAM aux documents d'urbanisme et autres projets de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements.

- L'article 18 ter permet l'association des collectivités d'outre-mer à l'évaluation et la gestion de la ressource halieutique qui les concerne, dans les organes internationaux où la France est partie.

- L'article 18 quater précise la nécessité de prendre en compte l'éloignement dans la définition des objectifs de la politique des pêches maritimes et de l'aquaculture dans les outre-mer.

- L'article 20 visait à permettre aux entreprises ayant une activité internationale d'établir une comptabilité en devises et visait aussi à empêcher le report vers des tiers de la charge des contributions professionnelles obligatoires dues par les entreprises intervenant dans le domaine de la pêche maritime. Il a été supprimé à l'issue des travaux de l'Assemblée nationale.

- L'article 22 , enfin, proposait dans sa version initiale d'introduire une obligation d'informer le consommateur de produits aquatiques sur le « pays d'origine » de ces produits, en restauration hors domicile. En cours de discussion, cette obligation a été transformée en simple faculté.

B. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION : DES MODIFICATIONS À LA MARGE.

Votre rapporteur propose peu de modifications du texte voté par l'Assemblée nationale. S'il est réservé sur les autres dispositions de la proposition de loi, hors du champ de saisine de votre commission, les dispositions concernant la pêche et l'aquaculture font assez largement consensus , peut-être du fait de leur faible portée.


• Trois amendements ont été adoptés par votre commission :

- Un amendement à l'article 14 supprime l'objectif consistant à favoriser la reprise d'exploitations par de nouveaux exploitants au sein de la politique de qualité.

Le renouvellement des générations constitue certes un enjeu majeur tant en agriculture qu'en aquaculture ou dans le secteur de la pêche maritime, mais tel n'est pas l'objet de la politique de qualité, qui vise à préserver des filières d'excellence.

Votre rapporteur craint que l'ajout d'un tel objectif rende confuse la politique de qualité et conduise à des effets pervers non souhaitables, comme par exemple la mise en place de cahiers des charges allégés pour de nouveaux installés, ce qui ne pourrait que saper la confiance des consommateurs dans des filières qui ont fait leurs preuves.

- Un amendement à l'article 15 précise que si la politique de développement de l'aquaculture peut encourager l'installation de fermes aquacoles à terre, avec des dispositifs de pompage de l'eau de mer, elle doit aussi viser l'installation de fermes aquacoles en mer. Ne pas rappeler un tel objectif pourrait laisser penser que la France abandonne toute ambition en matière de fermes marines, ce qui est contraire aux objectifs des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine (SRDAM).

- Enfin, un amendement à l'article 22 rétablit l'obligation d'indiquer la zone de capture ou de production des produits alimentaires aquatiques proposés en restauration hors foyer, pour favoriser la traçabilité de ces produits dans les restaurants.


• En revanche, votre commission n'est pas intervenue sur trois sujets de préoccupations dont votre rapporteur a été saisi durant ses auditions, mais qui ne relèvent pas de son champ de saisine :

- L'article L. 5521-4 du code des transports, créé par la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, prévoit que « nul ne peut exercer les fonctions de capitaine, d'officier chargé de sa suppléance, de chef mécanicien ou d'agent chargé de la sûreté du navire s'il ne satisfait à des conditions de moralité et si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice de ces fonctions ». Or, tous les capitaines ou seconds de navires de pêche ne sont pas forcément dans une telle situation. D'après les informations fournies à votre rapporteur, l'application stricte de cette disposition pourrait contraindre 15 % des navires de pêche à rester à quai. L'article 5 quater ouvre une exception pour les navires de petite pêche, qui partent pour moins d'une journée de mer. Les capitaines pour ces navires ne sont pas considérés comme exerçant des prérogatives de puissance publique, ce qui conduit à les exempter des conditions de l'article L. 5521-4. Il conviendrait d'étendre cette exception, car elle ne règle même pas la moitié des cas . On peut comprendre que des conditions strictes soient exigées pour les capitaines de navires susceptibles de partir longtemps en mer et d'avoir à effectuer la police à bord de ces navires, mais l'application à la pêche côtière paraît excessive.

- La deuxième question est celle de l'inclusion des navires de pêche dans la flotte stratégique , la rédaction des dispositions sur la flotte stratégique limitant celle-ci aux seuls pétroliers. Or, des navires plus petits peuvent être très utiles pour assurer le ravitaillement du territoire national.

- La dernière question est celle du statut des dirigeants de coopératives maritimes et des élus au sein des comités des pêches . Ces activités sont très prenantes et mal valorisées. Il n'est pas possible de présenter des amendements par voie parlementaire sur de tels sujets, car ils se heurteraient à coup sûr aux irrecevabilités financières de l'article 40 de la Constitution. Il n'en reste pas moins nécessaire de progresser sur la voie d'un véritable statut des représentants professionnels du monde de la pêche et de l'aquaculture, qui peuvent passer plusieurs centaines d'heures chaque année dans des réunions à Paris ou Bruxelles, faute de quoi la gouvernance professionnelle de la pêche et de l'aquaculture sera en danger, faute de candidats.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE II - SOUTENIR LES PÊCHES MARITIMES ET LES CULTURES MARINES

La commission des affaires économiques a été saisie de l'ensemble des dispositions du titre II sur la pêche et les cultures marines.

Article 13 (article L. 2 du code rural et de la pêche maritime) - Compléter les finalités de la politique des pêches et de l'aquaculture

Objet : cet article a pour but de conforter la place des aquaculteurs dans les politiques alimentaires.

I. Le droit en vigueur.

Créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, le Livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime définit les objectifs de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche maritime.

Les deux articles L. 1 et L. 2 contenus dans ce Livre préliminaire fixent ainsi le cadre des politiques agricoles et alimentaires, même si ces dispositions ont plus un caractère déclaratoire qu'une portée pratique.

En ce qui concerne la politique des pêches maritimes, l'article L. 911-2 du même code décline ses objectifs spécifiques.

II. La proposition de loi initiale.

La proposition de loi visait à mettre en avant le rôle des aquaculteurs dans la politique alimentaire en complétant l'article L. 1 précité de trois manières :

- D'abord en rappelant que la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation devait « soutenir le revenu, [...] développer l'emploi et [...] améliorer la qualité de vie » des agriculteurs, mais aussi des aquaculteurs.

- Ensuite, en demandant que cette politique soutienne la recherche, l'innovation et le développement pas seulement dans le domaine agricole mais aussi dans le domaine aquacole.

- Enfin, en réclamant que cette politique ne se contente pas de développer la valeur ajoutée et de renforcer la capacité exportatrice de la France dans le domaine agricole, mais soit aussi capable de le faire dans le domaine aquacole. La rédaction proposée faisait aussi référence à l'amélioration de la place de ces filières sur le marché national, dans la mesure où la France est largement déficitaire en produits de la mer, la production ne couvrant qu'une faible part de notre consommation. La reconquête du marché intérieur constitue donc un enjeu économique majeur.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Les députés ont conservé l'idée des auteurs de la proposition de loi consistant à conforter la place de l'aquaculture dans les politiques agricoles et alimentaires. Mais ils ont intégré ces dispositions au sein de l'article L. 2 du code rural et de la pêche maritime consacré plus spécifiquement à la politique des pêches maritimes, de l'aquaculture et des activités halio-alimentaires.

Plusieurs amendements adoptés en séance ont par ailleurs apporté des modifications rédactionnelles afin de distinguer la filière des pêches maritimes de la filière aquacole, qui répondent à des logiques économiques différentes.

IV. La position de votre commission.

Votre rapporteur est en accord parfait avec l'objectif consistant à mieux reconnaître, dans notre code rural et de la pêche maritime, le rôle et la place spécifiques des aquaculteurs et de l'aquaculture .

Pour autant, faire figurer l'aquaculture au sein de l'article L. 1, qui est davantage consacré à l'agriculture, aurait pu contribuer à obscurcir cet article, déjà assez long. Un reclassement au sein de l'article L. 2 des mêmes dispositions paraît donc préférable, dans un but d'intelligibilité de la loi.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 14 (articles L. 653-2 et L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime) - Renforcer les mesures en direction du secteur aquacole

Objet : cet article renforce la place de l'aquaculture dans le dispositif de sélection génétique et au sein de la politique des signes de qualité.

I. Le droit en vigueur.

L'article 14 modifie trois dispositions du code rural et de la pêche maritime qui relèvent de trois domaines très différents :

- Le premier domaine concerne la reproduction et l'amélioration génétique des ressources conchylicoles . Ce domaine est couvert par le chapitre III du titre V du Livre VI du code rural et de la pêche maritime, qui fixe de manière très succincte le cadre législatif applicable à la reproduction et à l'amélioration génétique des animaux d'élevage, dans la mesure où l'article L. 653-2 dudit code renvoie à des décrets en Conseil d'État ou à des décrets simples la fixation des règles en matière de monte publique ou privée, d'essais, de garantie de mise sur le marché de matériel de reproduction, de certification de parenté ou encore de tenues des livres de race. Les plans de sélection sont renvoyés à des organismes de sélection agréés par l'État.

- Le deuxième domaine concerne la politique de qualité et de l'origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer . L'article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime en définit les objectifs généraux. Cette politique est déclinée sous la forme des signes d'identification de la qualité et de l'origine comme les appellations d'origine ou les indications géographiques, des mentions valorisantes comme la mention montagne, ou encore de la certification de qualité des produits, définis aux articles L. 640-2 et suivants dudit code.

- Le troisième domaine concerne la protection sociale des pêcheurs à pied professionnels : l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime soumet au régime de protection sociale des exploitants agricoles géré par la mutualité sociale agricole (MSA) les conchyliculteurs et les pisciculteurs, ainsi que les pêcheurs à pied professionnels non couverts par le régime social des marins géré par l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM).

II. La proposition de loi initiale.

Deux des trois dispositions de l'article 14 de la proposition de loi s'inscrivent dans le prolongement de l'article 13, visant à conforter la place de l'aquaculture et de la conchyliculture dans le code rural et de la pêche maritime :

- La modification proposée à l'article L. 653-2 dudit code vise à exiger qu'un décret soit pris spécifiquement pour fixer les règles applicables à la reproduction et à l'amélioration génétique des ressources conchylicoles.

- La modification proposée à l'article L. 640-1 dudit code enrichit les objectifs de la politique de la qualité et de l'origine en visant spécifiquement l'aquaculture : la politique de la qualité et de l'origine doit viser à renforcer aussi le secteur aquacole, mais également à répartir de façon équitable les fruits de la valorisation des produits aquacoles. Enfin, un objectif transversal d'encouragement à la reprise d'exploitation par de nouveaux exploitants est intégré à la politique de la qualité et de l'origine.

- La dernière disposition de l'article 14 supprime le rattachement des pêcheurs à pied professionnels à la mutualité sociale agricole (MSA), la proposition de loi prévoyant par ailleurs que l'ensemble des pêcheurs à pied professionnels devrait être rattaché au régime de protection sociale des marins géré par l'ENIM. Il s'agit donc là d'une coordination.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Un amendement rédactionnel a été adopté en commission sur cet article.

Par ailleurs, les députés ont supprimé la disposition relative à la suppression du rattachement des pêcheurs à pied professionnels à la MSA, dans la mesure où la disposition rassemblant l'ensemble de ces professionnels au sein du régime de l'ENIM a été jugée irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Il s'agissait donc, par coordination, d'éviter qu'ils ne se retrouvent sans protection sociale, et de revenir à l'état actuel du droit.

IV. La position de votre commission.

Votre rapporteur ne voit d'objection ni à l'exigence d'une base juridique spécifique à la génétique dans le domaine conchylicole ni à la reconnaissance de la place de l'aquaculture dans la politique de qualité.

Votre rapporteur s'interroge toutefois sur l'intérêt d'intégrer l'encouragement à la reprise d'exploitation par de nouveaux exploitants dans les objectifs de la politique de qualité.

En effet, la politique d'installation en agriculture fait déjà l'objet de dispositions législatives au titre III du Livre III du code rural et de la pêche maritime.

Le risque, en mélangeant les objectifs et instruments des politiques agricoles et alimentaires, serait de rendre la loi illisible pour les acteurs économiques. C'est pourquoi votre rapporteur a proposé un amendement de suppression de l'alinéa 7 (Amendement n° COM-46).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15 (articles L. 911-1, L. 911-2, L. 912-4, L. 931-2, L. 942-2 et L. 946-8 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Conforter la place de l'aquaculture dans la définition de la politique des pêches et de l'aquaculture et élargir la définition de la société de pêche artisanale

Objet : cet article vise à mieux prendre en compte l'aquaculture dans les politiques publiques. Il fixe à 65 ans la limite d'âge des membres des comités des pêches, assouplit le régime de la société de pêche artisanale et renforce les pouvoirs de sanction des organisations de producteurs sur leurs membres. Il prévoit également d'encourager l'aquaculture à terre et en circuit fermé.

I. Le droit en vigueur.

Comme l'article 14, l'article 15 modifie plusieurs dispositions du Livre IX du code rural et de la pêche maritime, consacré à la pêche maritime et à l'aquaculture marine.


L'article L. 911-1 définit le champ d'application de ces dispositions. Elles s'appliquent d'une part à la pêche maritime, définie comme « la capture des animaux et la récolte des végétaux marins, en mer et dans la partie des fleuves, rivières, étangs et canaux où les eaux sont salées » et d'autre part à l'aquaculture marine, définie comme étant « l'élevage des animaux et la culture des végétaux marins ».


L'article L. 911-2 précise les sept objectifs de la politique des pêches maritimes, de l'aquaculture marine et des activités halio-alimentaires :

- permettre d'exploiter durablement et de valoriser le patrimoine collectif que constituent les ressources halieutiques auxquelles la France accède, tant dans ses eaux sous juridiction ou souveraineté que dans les autres eaux où elle dispose de droits de pêche en vertu d'accords internationaux ou dans les zones de haute mer ;

- favoriser le développement de la recherche dans la filière ;

- faciliter l'adaptation aux marchés intérieurs et extérieurs de la filière des pêches maritimes et de l'aquaculture marine, qui comprend les activités de production, de transformation et de commercialisation ;

- promouvoir une politique de qualité et d'identification des produits ;

- créer les conditions assurant le maintien et le renouvellement d'une flotte adaptée à ces objectifs ainsi que le développement et la modernisation des entreprises de l'aval de la filière ;

- développer les activités d'aquaculture marine, notamment en veillant à la qualité du milieu ;

- assurer la modernisation et le développement d'activités diversifiées au bénéfice de l'économie des régions littorales.


• Le code rural et de la pêche maritime prévoit aussi l'obligation pour les professionnels du secteur des pêches maritimes et des élevages marins de se regrouper au sein d'organisations professionnelles : comité national, comités régionaux et comités locaux (départementaux ou interdépartementaux) des pêches maritimes et des élevages marins. Les articles L. 912-4 et L. 912-5 précisent que ces comités sont administrés par des représentants élus par ces professionnels.


Les articles L. 921-1 et suivants du même code prévoient que l'activité de pêche maritime peut être soumise à un régime d'autorisation administrative. Ces autorisations, valables pour une durée maximale de 12 mois, sont non cessibles. En outre, l'article L. 921-7 ne permet de donner la qualité de navire de pêche professionnelle qu'aux navires dotés d'un permis de mise en exploitation (PME). La détention de ce permis conditionne la délivrance du rôle d'équipage, titre de navigation obligatoire en vertu du code des transports. Les navires de pêche professionnelle doivent en outre figurer au sein d'un registre qui alimente le fichier européen dénommé : fichier flotte de pêche communautaire (FPC).

Outre l'autorité administrative, les organisations de producteurs (OP), dont le régime juridique est déterminé par les articles L. 912-11 et suivants, jouent un rôle important dans la régulation de l'accès à la ressource, notamment en répartissant entre leurs membres les quotas alloués par l'autorité administrative sur les espèces qui y sont soumises, en application de la politique commune de la pêche (PCP). Ainsi, l'article L. 912-12-1 dispose que les OP « prévoient dans leurs statuts les sanctions applicables à leurs adhérents en cas de manquement aux règles de gestion durable des sous-quotas définies dans les plans de gestion des efforts de pêche ».


• Si l'activité de pêche professionnelle peut être pratiquée selon de nombreuses modalités, le code rural et de la pêche maritime définit aux articles L. 931-2 et suivants un statut particulier pour les sociétés de pêche artisanale (SPA) . Ce statut donne accès à certains avantages fiscaux spécifiques. La société de pêche artisanale est soit une société de personnes dont l'activité est soumise à l'impôt sur le revenu, soit une société à responsabilité limitée dont 100 % des droits sociaux sont détenus par le pêcheur embarqué. Plusieurs pêcheurs peuvent se regrouper pour détenir une SPA, à condition qu'ils soient embarqués sur les navires, que la société ne détienne pas plus de deux navires, et qu'ils restent propriétaires ou copropriétaires majoritaires, ou aient vocation à le devenir à une échéance ne dépassant pas 10 ans, lorsque la propriété est partagée avec un armement coopératif ou une société de financement de la pêche (Sofipêche), dont le régime fiscal est défini à l'article 238 bis HP du code général des impôts. Cette dernière solution n'est plus d'actualité, le régime en question ayant été supprimé.


• Outre les fonctionnaires dont c'est la mission (agents des affaires maritimes, des douanes, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), la recherche et la constatation des infractions en matière de pêche maritime et d'aquaculture peuvent être effectuées par des gardes-jurés et des prud'hommes pêcheurs assermentés. L'article L. 942-2 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit leur intervention, limite toutefois leurs pouvoirs par rapport aux fonctionnaires . Ainsi, s'ils peuvent intervenir à toute heure à bord des navires ou dans les criées, ils ne peuvent pas accéder aux locaux de stockage ou aux navires de transport, ni aux locaux d'habitation attenants, où les agents publics chargés du contrôle peuvent accéder pour leur part entre 8 heures et 20 heures.

II. La proposition de loi initiale.

L'article 15 comprend plusieurs dispositions modernisant le droit de la pêche maritime et de l'aquaculture.


Le I. modifie l'article L. 911-1 du code rural et de la pêche maritime, en précisant le champ d'application des dispositions relatives à la pêche et à l'aquaculture :

- L'exercice de la pêche maritime est toujours défini comme « la capture des animaux et la récolte des végétaux marins », mais une précision supplémentaire est apportée concernant le domaine d'exercice de la pêche maritime. Cette activité peut en effet s'exercer « en mer », mais aussi « dans la partie des fleuves, rivières, étangs et canaux où les eaux sont salées ». La modification proposée consiste à ajouter que cette activité peut aussi s'exercer « sur l'estran », c'est-à-dire sur la partie du littoral pouvant être recouverte par la marée.

- La définition de l'aquaculture est également précisée. Là où l'actuel article L. 911-1 définit cette activité comme « l'élevage des animaux et ... la culture des végétaux marins », l'article 15 subdivise cette activité en plusieurs sous-catégories : l'aquaculture, la pisciculture, les élevages marins et les autres cultures marines, toutes ces activités étant caractérisées par l'exploitation d'un « cycle biologique d'espèces aquatiques, végétales ou animales ». Il est précisé que ces activités consistent notamment dans « le captage, l'élevage, la finition, la purification, l'entreposage, le conditionnement, l'expédition ou la première mise en marché ». Cette énumération reprend en réalité les dispositions règlementaires applicables aux concessions de cultures marines, en particulier l'article R. 923-9 du code rural et de la pêche maritime.

- Enfin, un sort particulier est réservé à la conchyliculture, qui est définie comme « l'activité d'exploitation du cycle biologique des mollusques bivalves ».


Le II. enrichit les objectifs de la politique des pêches maritimes, de l'aquaculture marine et des activités halio-alimentaires, en faisant référence au rôle des écosystèmes marins, en précisant que la recherche doit concerner autant la filière des pêches maritimes que la filière aquacole, et en demandant que l'implantation de nouveaux sites aquacoles soit favorisée.


Le III. fixe à 65 ans la limite d'âge pour siéger au sein de tous les comités des pêches maritimes et de l'aquaculture : le comité national, les comités régionaux, ou les comités départementaux ou interdépartementaux. Cette disposition vise à favoriser la prise de responsabilité par des jeunes patrons-pêcheurs dans les organismes de représentation professionnelle de la pêche. Les comités ayant vocation à représenter les professionnels en activité, il n'y a théoriquement pas de patrons-pêcheurs au-delà de cette limite d'âge, leur régime de protection sociale prévoyant un départ à la retraite entre 50 et 55 ans.


Le IV. procède à une réécriture de l'article L. 921-1 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que la pêche maritime peut être soumise à un régime d'autorisation : celle-ci concerne la pêche embarquée, la pêche à pied, la pêche sous-marine ou encore la récolte de végétaux marins. La nouvelle rédaction consiste à préciser que la pêche scientifique est également concernée par le régime d'autorisation. Une telle rédaction répond à l'impératif de conformité du droit français au règlement sur le contrôle des pêches, qui prévoit une telle autorisation pour la pêche à but scientifique 2 ( * ) . Le principe de telles autorisations figure déjà dans la partie règlementaire du code rural et de la pêche maritime, à l'article R. 921-77, et se voit remonter au niveau législatif.


Le V. crée un nouvel article L. 921-7-1 du code rural et de la pêche maritime, pour donner une base juridique à la licence européenne de pêche, obligatoire pour tout pêcheur intervenant dans les eaux européennes ou extra-européennes en vertu d'accords de pêche négociés par l'Union européenne. Cette licence est non cessible. La licence européenne, prévue par la réglementation de la PCP, est déjà régie par la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime (articles R. 921-15 et suivants) : le nouvel article lui donne une base juridique plus solide en prévoyant son existence au niveau législatif, les conditions d'attribution de cette licence étant renvoyées à un décret en Conseil d'État.


Le VI. assouplit considérablement la définition de la société de pêche artisanale (SPA), en jouant sur plusieurs paramètres :

- L'exigence de détention à terme de 100 % des parts de la société par les marins-pêcheurs embarqués est revue à la baisse : il est proposé qu'ils ne possèdent plus que 50 % des parts, afin de ne pas faire perdre le statut de SPA à des sociétés de pêche qui feraient entrer d'autres acteurs que les marins-pêcheurs dans leur capital. Il s'agit de disposer de ressources financières extérieures au secteur de la pêche pour financer l'acquisition de nouveaux navires.

- Il est également proposé que les SPA puissent détenir plus de deux navires.

- Enfin, l'acquisition progressive des navires par le patron-pêcheur est permise sur une durée plus longue : 15 ans au lieu de 10 ans. Dans l'intervalle, les parts pourront rester propriété d'un armement coopératif agréé.

- Par ailleurs, la SPA pourra être simplement exploitante des navires, à condition que des marins-pêcheurs embarqués restent propriétaires de 50 % des parts.


Le VII. élargit les pouvoirs des gardes-jurés et des prud'hommes pêcheurs assermentés, en leur permettant d'intervenir dans les locaux de stockage ou encore dans les locaux d'habitation attenants à leurs zones de contrôle, en journée. Il s'agit de renforcer le contrôle à terre des pêches maritimes et de l'aquaculture.


Le VIII. , enfin, conforte le pouvoir de sanction des organisations de producteurs (OP) vis-à-vis de leurs membres, en leur attribuant directement des pouvoirs de sanction de leurs membres à travers des sanctions pécuniaires ou des retraits d'autorisations. L'article L. 912-12-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les statuts des OP doivent prévoir de telles sanctions, mais aucune disposition législative ne mentionnait spécifiquement le droit des OP d'infliger de telles sanctions à leurs membres. Le nouvel article L. 946-7-1 vient donc conforter le pouvoir de sanction des OP, en l'encadrant dans les mêmes termes que ceux prévus à l'article L. 912-12-1 précité.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

L'article 15 a été substantiellement modifié lors de la discussion à l'Assemblée nationale, avec pas moins de 15 amendements adoptés en commission et 11 autres amendements adoptés en séance.


La nouvelle définition, plus précise, de l'aquaculture, ainsi que l'enrichissement des objectifs de la politique des pêches maritimes, de l'aquaculture marine et des activités halio-alimentaires, prévus par les I. et II. (devenus 1° et 2°), n'ont fait l'objet que de rectifications rédactionnelles . De même, la limitation prévue au III. (devenu 3°) à 65 ans de l'âge des élus au sein des comités des pêches maritimes et des élevages marins n'a pas été remise en cause.


• À l'initiative de Jean-Luc Bleunven, les députés ont adopté en séance un amendement visant à donner plus d'ambition à l'objectif de développement de l'aquaculture marine, prévu par l'article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime. Considérant que l'octroi de concessions de cultures marines en pleine mer se heurtait à de fréquentes et systématiques oppositions, les députés ont souhaité que la politique des pêches maritimes, de l'aquaculture marine et des activités halio-alimentaires encourage l'installation de sites aquacoles à terre, à proximité de la bande littorale, et vers lesquels l'eau de mer serait acheminée par pompage.


Les IV. et V. (devenus 4° et 5°) ont été supprimés par coordination, dans la mesure où les mesures qu'ils proposaient sont déjà mises en oeuvre par l'ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne, qui est intervenue :

- D'une part, pour modifier l'article L. 921-1 du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir expressément dans la loi que les opérations de pêche à des fins scientifiques puissent être soumises, elles aussi, à un régime d'autorisation ;

- D'autre part, pour compléter l'article L. 921-7 du même code, afin de donner un cadre juridique à la licence européenne de pêche. Le maintien du nouvel article L. 921-7-1, créé par l'article 15, n'était donc plus nécessaire.


• À l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, Annick Le Loch, et de Jean-Luc Bleunven, les députés, en séance, ont également adopté deux amendements identiques créant un 5° bis au sein de l'article pour réclamer que les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine (SRDAM) comprennent un volet recensant les possibilités d'installation de fermes aquacoles en milieu fermé , considérant que l'aquaculture en milieu fermé permet de mieux gérer les effluents et limiter les risques de pollutions.


• À l'initiative conjointe des deux rapporteurs de la commission du développement durable et de la commission des affaires économiques, les députés, en commission, ont resserré la définition de la société de pêche artisanale (SPA) . S'ils ont accepté que le capital des SPA ne soit plus détenu à 100 % par des patrons-pêcheurs embarqués, ils ont verrouillé l'exigence que la SPA reste majoritairement détenue par eux, en faisant passer le seuil de détention du capital de 50 à 51 %. Les apporteurs de capitaux extérieurs ne pourront être que minoritaires.

Par ailleurs, pour éviter que de grosses sociétés puissent encore être qualifiées de SPA, les députés ont rétabli le plafond à deux navires : les sociétés détenant plus de deux navires ne pourront pas être qualifiées de SPA et bénéficier des avantages qui y sont attachés. Il s'agit de ne pas dénaturer la notion de pêche artisanale.


• Enfin, les députés ont adopté en séance un amendement du Gouvernement revenant sur l'extension des pouvoirs des gardes-jurés et des prud'hommes pêcheurs assermentés , estimant qu'ils ne devaient pas se voir dotés de pouvoirs de police judiciaire, cette mission relevant des seuls agents publics.

IV. La position de votre commission.

Après avoir entendu les professionnels, la nouvelle définition de l'aquaculture prévue par cet article semble faire consensus . Votre rapporteur ne suggère donc pas de la modifier.

Les précisions apportées à l'article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime, tendant à renforcer les objectifs des politiques publiques en matière de développement de l'aquaculture, vont à l'évidence dans le bon sens. Il convient de ne pas opposer les différentes formes d'aquaculture : en mer, à terre, en circuit fermé ou en circuit ouvert. La faiblesse du développement de l'aquaculture ces dernières années doit inciter à encourager tous les types de projets. Votre rapporteur a simplement proposé à votre commission, qui l'a accepté, un amendement modifiant le 2° de cet article afin de ne pas omettre l'objectif de développement de l'aquaculture en mer au sein de l'article précité du code rural et de la pêche maritime (Amendement n° COM-47).

La limitation à 65 ans de l'âge des élus aux comités des pêches maritimes et des élevages marins a été approuvée par les organismes auditionnés par votre rapporteur et correspond globalement à la pratique observée actuellement. Cette disposition ne doit donc pas être modifiée.

L'élargissement de la notion de société de pêche artisanale est nécessaire, mais doit être maîtrisée . Aller au-delà de deux navires risquerait de favoriser la création de sociétés d'une taille importante, qui profiteraient d'un statut avantageux tout en n'étant plus réellement « artisanales ». Votre rapporteur souligne cependant qu'il ne faut pas attendre monts et merveilles de l'apport de capitaux extérieurs vers la pêche . Les capitaux vont vers les rendements les plus rémunérateurs et la pêche constitue un investissement encore incertain. Il conviendrait, dans le cadre juridique déjà existant, de travailler à des solutions originales de financement participatif, dans un but d'abord de maintien de l'activité locale des pêcheurs plutôt que dans une logique de spéculation. C'est pourquoi votre commission a accepté un amendement de notre collègue Michel Canevet précisant que les patrons-pêcheurs pourraient recourir au financement participatif pour réunir les sommes nécessaires afin d'atteindre le niveau de 51 % de parts détenues dans les SPA (Amendement n° COM-12).

Enfin, votre rapporteur n'a pas souhaité revenir sur la limitation des pouvoirs des gardes-jurés et prud'hommes pêcheurs assermentés. Le maintien d'une discipline forte en matière de pêche passe certes par des contrôles stricts. Par ailleurs, les gardes-jurés et prud'hommes pêcheurs assermentés sont soumis à des conditions sévères pour exercer leur activité et doivent présenter des garanties de probité personnelle et de compétences professionnelles. Il convient donc de n'attribuer qu'à des agents publics les pouvoirs de contrôle les plus intrusifs dans la vie privée des professionnels de la pêche et de l'aquaculture.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15 bis (article L. 931-31 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Possibilité de créer des fonds de mutualisation en matière de pêches maritimes

Objet : cet article donne une base juridique à la création de fonds de mutualisation agréés par l'autorité administrative, permettant aux pêcheurs de faire face à des aléas climatiques, à des incidents environnementaux ou à des frais de sauvetage en mer.

I. Le droit en vigueur.

L'article 35 du règlement (UE) n° 508/2014 du Parlement Européen et du Conseil du 15 mai 2014 relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) permet la mise en place de fonds de mutualisation permettant d'indemniser les pertes économiques des pêcheurs en cas de phénomènes climatiques défavorables et d'incidents environnementaux. Les pertes couvertes doivent être de plus de 30 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise concernée, par rapport à la moyenne du chiffre d'affaires des trois années précédentes. Le seuil de déclenchement de l'aide est donc fixé à un niveau élevé.

Ces fonds de mutualisation peuvent faire l'objet de subventions par le FEAMP, en plus des contributions des pêcheurs eux-mêmes .

Une enveloppe d'1,75 million d'euros sur l'ensemble de la période d'exécution du FEAMP, soit jusqu'en 2020, a été réservée dans le programme opérationnel approuvé pour la France. 1,3 million d'euros proviendrait des crédits européens, des contreparties nationales étant apportées à hauteur de 25 % des crédits européens mobilisés.

De tels dispositifs de fonds de mutualisation existent dans le secteur agricole pour faire face aux crises sanitaires, notamment dans le secteur de l'élevage, mais aussi dans le secteur végétal : ainsi, le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) a été mis en place en 2013. Agréé par l'État, il reçoit des contributions en provenance du budget de la politique agricole commune (PAC), ainsi que des contreparties budgétaires nationales. Les subventions représentent 65 % des ressources du FMSE, 35 % étant apportées par les agriculteurs eux-mêmes.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

L'article 15 bis est issu d'un amendement du Gouvernement adopté par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, et non modifié en séance publique.

Cet amendement crée une nouvelle section au sein du chapitre I er du titre III du Livre IX du code rural et de la pêche maritime, pour donner avec le nouvel article L. 931-31 une base juridique solide à la création de fonds de mutualisation bénéficiant de subventions européennes.

Ces fonds de mutualisation ont vocation à prendre en charge les pertes économiques résultant pour les pêcheurs de trois catégories d'évènements :

- des phénomènes climatiques défavorables ;

- des incidents environnementaux ;

- des coûts de sauvetage en mer des équipages ou des navires.

Ils doivent être agréés par l'État pour pouvoir recevoir des subventions de l'Union européenne, de l'État, et des contributions des pêcheurs eux-mêmes.

L'article L. 931-31 renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de définir les modalités de fonctionnement du fonds de mutualisation, et permet également par décret de rendre obligatoire l'affiliation des entreprises de pêche.

Lors de la présentation de l'amendement, le ministre a indiqué que les professionnels de la pêche à pied, ainsi, dans un second temps, que les professionnels de la pêche embarquée de coquillages, pourraient être intéressés par le dispositif du fonds de mutualisation .

III. La position de votre commission.

Votre rapporteur partage la volonté de donner aux professionnels de la pêche les outils pour maîtriser les risques économiques qu'ils prennent. Les fonds de mutualisation permettent d'organiser, avec l'appui de crédits publics, une réelle solidarité économique des acteurs de la pêche.

Votre rapporteur regrette que ces fonds de mutualisation ne puissent pas bénéficier à l'aquaculture . Cette situation résulte du choix fait dans la rédaction du règlement européen relatif au FEAMP : l'aquaculture est exclue du bénéfice des fonds de mutualisation prévus à l'article 35 de ce règlement.

L'article 56 du même règlement met en place un instrument spécifique pour l'aquaculture : le FEAMP peut apporter une subvention afin de compenser pour les conchyliculteurs les effets de « la suspension temporaire de leurs activités en raison d'une mortalité de masse exceptionnelle, lorsque le taux de mortalité dépasse 20 % ou que les pertes résultant de la suspension de l'activité s'élèvent à plus de 35 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise concernée, calculé sur la base du chiffre d'affaires moyen de cette entreprise durant les trois années civiles précédant l'année au cours de laquelle les activités ont été suspendues ». Une enveloppe de 6,5 millions d'euros, dont près de 5 millions eu provenance du FEAMP, est prévue au sein du programme opérationnel français pour la période 2014-2020.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 16 - Rapports au Parlement sur le pescatourisme et la pêche récréative

Objet : cet article demande au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur le pescatourisme et la diversification de l'activité des pêcheurs professionnels.

I. Le droit en vigueur.

Les pêcheurs professionnels ne sont pas les seuls à exercer l'activité de pêche en mer. Des bateaux de pêche de loisir sont aussi présents et contribuent à prélever les ressources halieutiques, dans des proportions sans doute moindres, mais qui peuvent ne pas être négligeables, même si votre rapporteur ne dispose pas de statistiques fiables en la matière.

La concurrence entre pêche professionnelle et pêche de loisir peut prendre un tour acrimonieux pour certaines espèces peu abondantes : il en va ainsi du bar de ligne pêché sur les côtes bretonnes. Si les pêches récréatives ne doivent pas donner lieu à commercialisation du poisson obtenu, de nombreux témoignages mettent en évidence des pratiques contraires, pénalisant les pêcheurs professionnels.

Les navires des pêcheurs professionnels peuvent aussi être utilisés hors période de pêche pour développer une activité d'accueil touristique. La diversification de l'activité des pêcheurs professionnels constitue une voie pour améliorer leur situation économique et rentabiliser les équipements. Le pescatourisme est au demeurant en plein essor.

Mais plusieurs obstacles peuvent se dresser sur la route de la diversification . En particulier, alors que les captures effectuées dans le cadre d'une pêche de loisir par des pêcheurs non professionnels ne rentrent pas dans le calcul des quotas, les pêcheurs professionnels initiant des non-professionnels risquent de devoir appliquer leurs normes professionnelles et décompter les captures de leurs quotas. Le statut des poissons pêchés dans le cadre d'une activité de pescatourisme doit donc faire l'objet d'une clarification.

Enfin, la pratique des ventes directes aux consommateurs permet, sur le littoral, d'alimenter les circuits courts, et constitue une modalité intéressante de valorisation des produits de la pêche artisanale.

II. La proposition de loi initiale.

L'article 16 de la proposition de loi prévoyait de demander au Gouvernement de présenter deux rapports au Parlement dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi pour l'économie bleue :

- Un rapport sur les « possibilités et les conditions de diversification d'activité des marins-pêcheurs par le tourisme, notamment : pescatourisme et commercialisation directe des produits de la pêche transformés ou non ».

- Un rapport sur les « conséquences sur l'environnement, la biodiversité et la ressource exploitée par les pêcheurs professionnels de la pêche récréative en mer et sur l'estran » et les « résultats d'une consultation des organisations concernées sur ce sujet ».

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

À l'initiative du rapporteur Arnaud Leroy, les députés ont adopté en commission un amendement :

- Supprimant le second rapport sur les conséquences environnementales de la pêche non professionnelle.

- Élargissant le champ du premier rapport sur la diversification de l'activité des pêcheurs : le rapport devra aussi examiner les possibilités de diversification de l'activité des aquaculteurs.

Cette modification a été justifiée par la nécessité de ne pas demander trop de rapports à la fois.

IV. La position de votre commission.

Si votre commission retient une position assez systématique d'hostilité à l'égard des rapports au Parlement réclamés au Gouvernement dans des projets ou propositions de loi, votre rapporteur a pu constater l'attachement des professionnels de la mer à une étude sérieuse et fouillée sur le pescatourisme et la diversification des activités des pêcheurs et aquaculteurs .

Les questions de vente directe et de dégustation de produits artisanaux, dans des conditions similaires à celles prévues pour les produits agricoles, sont importantes pour l'économie du littoral.

Aussi, votre rapporteur n'a pas proposé de supprimer l'article 16.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 17 (article L. 2213-9 [nouveau] du code de la défense) - Établir une flotte à caractère stratégique pour la sécurité des approvisionnements en temps de crise

Objet : cet article, créant une flotte stratégique pour l'approvisionnement en temps de crise, a été supprimé et ses dispositions ont été reclassées à l'article 12 ter.

Les dispositions de cet article ayant été déplacées à l'article 12 ter, soumis à l'examen de la commission saisie au fond, votre commission n'en a pas effectué de réexamen.

Votre commission a maintenu la suppression de cet article.

Article 18 (articles L. 211-1, L. 211-3, L. 213-1 et L. 321-1 du code de l'environnement) - Renforcer la prise en compte des problématiques conchylicoles en matière de police de l'eau et de réglementation territoriale

Objet : cet article vise à renforcer l'arsenal juridique à disposition des pouvoirs publics pour assurer la protection de la qualité des eaux aquacoles, et principalement conchylicoles, face aux pollutions et autres atteintes qui peuvent compromettre ces activités.

I. Le droit en vigueur.

La problématique de la qualité de l'eau est essentielle pour l'activité aquacole, et en particulier l'activité conchylicole.

Les articles L. 161-1 et suivants du code de l'environnement définissent de manière large les « dommages causés à l'environnement ». Le code de l'environnement donne aux pouvoirs publics des pouvoirs étendus pour mettre en place des mesures de prévention. Il instaure aussi le principe du « pollueur-payeur » imposant aux personnes qui portent atteinte à l'environnement le soin de réparer le préjudice causé, avec une priorité donnée au rétablissement des ressources naturelles et des services écologiques dans leur état initial.

Par ailleurs, le droit civil impose de réparer les dommages causés aux personnes victimes de dommages environnementaux, y compris des dommages subis dans leur activité économique.

Il est cependant parfois difficile d'établir un lien de causalité, certaines détériorations des milieux étant plurifactorielles, et le résultat de phénomènes de long terme . L'introduction d'une responsabilité civile du fait des atteintes à l'environnement, résultant directement du code civil, est encore en débat, et pourrait avoir un impact direct sur la possibilité pour les aquaculteurs de demander des comptes aux autres acteurs économiques générant des pollutions des milieux marins.

Les articles L. 211-1 et suivants du code de l'environnement fixent le cadre juridique en vue d'une « gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ». La politique de l'eau répond à des impératifs fixés par la loi nationale, mais aussi à des objectifs fixés au niveau européen :

- La directive du 23 octobre 2000 , dite directive cadre sur l'eau (DCE) , demande aux États-membres de l'Union européenne d'atteindre en 2015 un bon état général tant pour les eaux souterraines que pour les eaux superficielles, y compris les eaux estuariennes et côtières. Des plans d'action doivent être adoptés par bassin versant, et des zones protégées établies. Ces plans d'action prennent la forme de schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et de schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Le pilotage de ces schémas est assuré par un comité de bassin.

- La directive cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM) du 17 juin 2008 établit pour sa part un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. Ses exigences ont été transposées en droit national au sein des articles L. 219-9 à L 219-18 du code de l'environnement. La DCSMM vise à atteindre un bon état écologique du milieu marin au plus tard en 2020, grâce à la mise en oeuvre d'un plan d'action pour le milieu marin (PAMM) dans chaque sous-région marine, qui suppose une surveillance de la qualité des eaux.

- D'autres textes européens imposent également des objectifs en matière de qualité des eaux : la pollution par les nitrates doit être réduite et contrôlée au titre de la directive nitrates. Les directives habitat ou oiseaux imposent aussi de mettre en oeuvre des mesures adaptées pour préserver la faune et la flore sauvage et, ce faisant, lutter contre les pollutions liées aux activités humaines.

Le code de l'environnement renvoie le plus souvent la définition concrète des mesures à prendre au niveau réglementaire. L'article L. 211-2 du code de l'environnement renvoie ainsi à un décret en Conseil d'État la définition des règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales et l'article L. 211-3 permet l'adoption, toujours par décret en Conseil d'État, de prescriptions particulières à certaines parties du territoire.

Enfin, les articles L. 321-1 et suivants du code de l'environnement définissent des règles particulières destinées à protéger et aménager le littoral.

II. La proposition de loi initiale.

Les dispositions de l'article 18 visaient principalement à créer de nouveaux instruments juridiques au sein du code de l'environnement pour mieux protéger la qualité des eaux conchylicoles.


Le I. modifiait l'article L. 161-1 du code de l'environnement pour mieux prendre en compte la conchyliculture dans la définition des « dommages causés à l'environnement » :

- D'abord, la modification proposée prévoyait de faire directement référence aux directives européennes en matière de protection des eaux. Au titre de l'actuel article L. 161-1, constitue un dommage causé à l'environnement une « détérioration directe » qui « affecte gravement l'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux ». La proposition de loi ajoutait qu'un tel dommage serait constitué s'il affectait aussi les zones protégées au titre de la directive cadre sur l'eau (DCE), de la directive cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) ou de toute autre directive concernant la protection de l'environnement marin.

- Ensuite, la proposition de loi créait une nouvelle catégorie de dommage causé à l'environnement : le dommage causé aux zones de productions conchylicoles et aquacoles . Ce dommage serait constitué dès lors que ces zones auraient dû faire face à des restrictions d'activité, comme par exemple l'interdiction temporaire de mise en marché à des fins de protection de la santé humaine.


Le II. modifiait l'article L. 211-1 du même code , qui détermine quels sont les objectifs en matière de « gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ». Les objectifs des auteurs de la proposition de loi consistaient à mieux prendre en compte la conchyliculture au sein de ces objectifs d'une triple manière :

- En proposant que la politique de l'eau vise à prévenir les modifications des caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques des eaux, mais aussi de leurs caractéristiques micro-biologiques .

- En demandant que les « eaux et ressources de la conchyliculture ou des élevages marins » soient spécialement citées dans la liste des eaux devant faire l'objet de protection au titre de la politique de l'eau, l'article L. 211-1 énonçant en effet simplement « les eaux superficielles, souterraines » ou les « eaux de la mer », sans précisions supplémentaires.

- Enfin, en demandant un décret en Conseil d'État spécifique pour la protection des eaux conchylicoles.


Le III. modifiait l'article L. 211-3 du même code , qui prévoit qu'en complément des règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer définies par décret en Conseil d'État, d'autres décrets en Conseil d'État peuvent fixer des « prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire ». La liste des prescriptions pouvant être prises est très large : limitation ou suspension provisoire d'utilisation de l'eau, encadrement des prélèvements pour l'irrigation, prescriptions à destination des stations d'épuration, des installations de captage d'eau, ou encore délimitation de zones particulières au sein des zones humides (comme les lagunes, tourbières ou encore les zones de tête de bassin). La proposition de loi :

- demande que ces décrets prévoient des « dispositions particulières applicables à la protection des ressources conchylicoles et piscicoles » afin de protéger spécifiquement ces zones ;

- prévoit que la délimitation de zones humides d'intérêt particulier se fasse dans l'intérêt de la protection des ressources conchylicoles et piscicoles ;

- réclame qu'un programme d'action particulier soit établi pour la protection des eaux des zones conchylicoles . Ce programme peut prévoir d'interdire le rejet de certaines substances dans les eaux conchylicoles, de manière à conserver un milieu propice à la production.


Le IV. proposait de modifier l'article L. 212-2 du même code , qui fixe le cadre général des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), en demandant que la protection des eaux et des zones de production conchylicoles soit intégrée dans les objectifs de qualité et de quantité des eaux qui sont fixés par les SDAGE, au niveau de chaque bassin.


Le V. enrichissait les missions du comité national de l'eau , mentionnées à l'article L. 213-1 du code de l'environnement, en prévoyant que celui-ci donne son avis sur les projets de décret concernant la protection des peuplements piscicoles, mais aussi sur les projets de décret concernant la protection des peuplements conchylicoles, ceux-ci n'étant pas spécifiquement mentionnés au sein dudit article.


Le VI., enfin, ajoute le maintien ou le développement des activités conchylicoles dans la zone littorale à la liste des objectifs que doit poursuivre la politique de protection et d'aménagement du littoral régie par les articles L. 321-1 et suivants du code de l'environnement. La préservation et le développement des activités économiques liées à la proximité de l'eau, telles que la pêche ou les cultures marines, figuraient déjà au titre des objectifs de la politique du littoral, mais les auteurs souhaitent aller plus loin en citant la conchyliculture.

Le même VI. ajoute que les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU) ne peuvent être contraires au maintien et au développement, dans la zone littorale, des activités agricoles, sylvicoles, conchylicoles, de l'industrie, de l'artisanat ou du tourisme .

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Les députés ont procédé à une large réécriture de l'article 18 . En effet, si celui-ci poursuit des objectifs louables d'amélioration de la protection de la qualité des eaux aquacoles, condition sine qua non du maintien et du développement de cette activité, très sensible aux pollutions des milieux marins, les moyens juridiques proposés se sont avérés peu adaptés.


• À l'initiative du rapporteur, Arnaud Leroy, les députés ont tout d'abord adopté en commission un amendement supprimant la modification de l'article L. 161-1 du code de l'environnement . En effet, la proposition consistant à indiquer qu'un dommage à l'environnement serait constitué s'il concernait une zone protégée au titre des directives européennes, notamment les directives DCE ou DCSMM, n'est pas très utile, dans la mesure où l'article L. 161-1 du code de l'environnement retient déjà une définition très large du dommage à l'environnement. Par ailleurs, la reconnaissance spécifique, en tant que dommage à l'environnement, des détériorations qui affectent les zones de production conchylicole et aquacole, n'est pas apparue opportune aux députés, dans la mesure où les détériorations affectant l'eau, les espèces, leur habitat, les sites de reproduction et les services écologiques sont déjà comprises dans le I. de l'article L. 161-1.


• À l'initiative du rapporteur, les députés ont également adopté en commission un amendement supprimant la modification de l'article L. 211-1 du code de l'environnement qui était proposée pour enrichir les objectifs de la politique de protection de la ressource en eau. Les députés ont en effet estimé que l'objectif de protection des ressources conchylicoles était déjà assuré par la rédaction actuelle de l'article L. 211-1, qui vise très largement les « eaux de la mer ».


• Les députés ont aussi souhaité supprimer les modifications apportées à l'article L. 211-3 qui visaient à la création d'un programme d'action particulier pour la protection des eaux des zones conchylicoles au sein des zones humides . Les objectifs de qualité des eaux conchylicoles et piscicoles sont en effet déjà pris en compte dans la politique de l'eau menée dans les zones humides, et il n'est pas apparu nécessaire de renforcer encore la législation en la matière.

En revanche, l'attention aux caractéristiques microbiologiques des eaux conchylicoles a fait l'objet d'amendements adoptés en séance par les députés : plutôt que d'imposer un objectif de préservation de l'état physique, chimique, biologique, bactériologique ou microbiologique de l'ensemble des masses d'eau, en modifiant en ce sens l'article L. 211-1, les députés ont adopté en séance deux amendements du rapporteur Arnaud Leroy, pour prévoir qu'un décret devrait fixer des dispositions particulières pour la protection des seules ressources conchylicoles et piscicoles. Dans ce cadre, la surveillance de l'état de ces seules eaux pourrait être étendue à leur qualité microbiologique, afin de couvrir les pollutions par les micro-organismes : virus ou bactéries notamment.


• Les députés n'ont pas jugé nécessaire de rajouter la protection des eaux et des zones de production conchylicole dans les objectifs des SDAGE, car ils ont estimé que cette protection faisait déjà partie des objectifs de ces schémas. Ils ont donc adopté un amendement de suppression du IV. du projet de loi (qui était devenu 4°).


Les députés ont conservé au V. (devenu 5°) la saisine pour avis du Comité national de l'eau sur la protection des peuplements conchylicoles .


Les députés, enfin, ont accepté que le maintien et le développement des activités aquacoles soient spécifiquement mentionnés au titre des objectifs de la politique du littoral . Ils ont toutefois modifié la disposition nouvelle prévoyant que les documents d'urbanisme devraient se conformer à la politique du littoral, afin d'éviter les difficultés d'articulation entre les niveaux de planification spatiale. Un amendement du rapporteur, adopté en séance, a simplement prévu que l'action des collectivités territoriales en matière de planification devrait contribuer à la politique de protection et d'aménagement du littoral, ce qui ne dit rien de la relation entre documents de planification.

IV. La position de votre commission.

Votre rapporteur partage les objectifs d'amélioration de la qualité des eaux conchylicoles, et plus largement aquacoles, car sans cette qualité il ne sera plus possible de produire dans de bonnes conditions, voire plus possible de produire du tout, si la pollution des eaux rendait les produits impropres à la consommation ou empêchait leur croissance.

Pour autant, il ne peut que constater, avec le rapporteur de l'Assemblée nationale Arnaud Leroy, que l'arsenal juridique permettant de protéger les eaux aquacoles existe déjà .

L'extension des analyses de qualité des eaux à leur état microbiologique est intéressante, dans la mesure où ces analyses ne concernent que le secteur aquacole. En revanche, l'intérêt d'une généralisation d'un objectif de maintien de l'état microbiologique de l'eau est plus douteux dans d'autres domaines, comme par exemple pour les eaux de baignade. La solution consistant à ne fixer un objectif de stabilité microbiologique que pour les eaux conchylicoles ou aquacoles est donc mieux adaptée à l'enjeu.

Votre rapporteur partage enfin l'intégration de la préoccupation aquacole au coeur de la politique du littoral, car la politique du littoral ne doit pas consister en une « mise sous cloche » de l'espace littoral mais en une exploitation intelligente qui préserve ces espaces remarquables, tout en permettant aux activités humaines de s'y déployer. Il serait paradoxal que l'aquaculture et la conchyliculture, censées s'exercer en symbiose avec le milieu marin, soient pénalisées par la politique du littoral alors que ces activités font l'identité même de ces territoires .

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 18 bis (article L. 923-1-1 du code rural et de la pêche maritime) - Renforcer le degré de compatibilité entre les schémas de cohérence territoriale et les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine

Objet : cet article vise à mieux articuler les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine avec les documents de planification spatiale et les projets de l'État et des collectivités territoriales.

I. Le droit en vigueur.

La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) de 2010 a créé un nouvel instrument pour favoriser le développement de l'aquaculture : les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine (SRDAM), établis dans chaque région comportant une façade maritime afin de recenser les sites existants et les sites propices au développement d'une aquaculture marine durable.

Ces SRDAM sont élaborés par les préfets de région , en lien avec les parties prenantes : élus, professionnels, personnalités qualifiées en matière de protection de l'environnement.

Leur régime est défini à l'article L. 923-1-1 du code rural et de la pêche maritime , qui précise en son dernier alinéa qu'ils doivent être pris en compte, notamment en veillant à l'accessibilité des zones aquacoles actuelles ou futures, dans les documents de planification de l'État ou des collectivités territoriales ou de leurs groupements.

La loi prévoit donc déjà une articulation entre les SRDAM et les autres documents de planification, en particulier les schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou les plans locaux d'urbanisme (PLU).

Le droit de l'urbanisme distingue plusieurs niveaux d'exigence dans l'articulation des documents de planification entre eux .

La prise en compte constitue le niveau de base, beaucoup moins contraignant que l'exigence de compatibilité qui s'applique par exemple pour les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ou encore les chartes de parcs naturels régionaux.

L'obligation de prise en compte empêche simplement le SCoT ou le PLU de s'écarter des orientations fondamentales des SRDAM , comme ils ne doivent pas s'écarter des orientations fondamentales des autres documents qu'ils doivent prendre en compte, par exemple les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE).

D'après les informations fournies à votre rapporteur, l'ensemble des régions métropolitaines ayant une façade maritime seraient aujourd'hui dotées d'un SRDAM approuvé, à l'exception de deux d'entre elles où les SRDAM seraient en cours d'approbation .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

À l'initiative du rapporteur Arnaud Leroy, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale avait ajouté l'article 18 bis pour renforcer l'opposabilité des SRDAM aux documents d'urbanisme, prévoyant que les documents de planification et les projets de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements devraient non plus prendre en compte ces SRDAM mais désormais être compatibles avec ceux-ci .

Compte tenu des difficultés que cette rédaction nouvelle aurait pu poser pour les SCoT et PLU existants ou en cours d'élaboration, et prenant en compte la nouvelle rédaction de l'article L. 321-1 du code de l'environnement introduite à l'article 18, qui prévoyait que l'action des collectivités territoriales en matière de planification devrait contribuer à la politique de protection et d'aménagement du littoral, les députés ont adopté en séance un amendement du rapporteur, Arnaud Leroy, supprimant cette nouvelle exigence.

Les SCoT et PLU devront donc prendre en compte les SRDAM , comme c'est aujourd'hui le cas, mais l'article L. 923-1-1 du code rural et de la pêche maritime a été complété pour ne pas s'arrêter à une simple prise en compte de l'accessibilité aux sites aquacoles.

La nouvelle rédaction de la fin de cet article exige que cette prise en compte consiste en une intégration, au sein des SCoT et PLU, de l'objectif de développement de la production aquacole, et que les SCoT et PLU ne fassent pas obstacle à l'accessibilité des zones aquacoles, mais aussi à l'installation ou l'extension d'établissements aquacoles.

Les exigences qui s'imposent aux SCoT et PLU en matière d'aquaculture marine sont donc plus précises que sous l'empire du droit actuel, sans changer le niveau d'opposabilité des SRDAM .

III. La position de votre commission.

Votre rapporteur ne peut que regretter l'absence de développement de l'aquaculture marine . D'après les informations qui lui ont été fournies lors des auditions, depuis l'adoption de la loi de 2010, aucune nouvelle installation aquacole en mer n'a été enregistrée.

La volonté de développer l'aquaculture, portée par la loi de 2010, s'est donc clairement heurtée à des obstacles puissants, qui résident moins dans un problème d'articulation entre les documents de planification de l'espace que dans l'existence de multiples freins techniques ou financiers.

Pour autant, l'idée de mieux intégrer les objectifs de développement de l'aquaculture marine dans les documents d'urbanisme va dans le bon sens. Les porteurs de projets seront d'autant plus encouragés dans leurs initiatives que les collectivités territoriales identifieront dans leurs documents d'urbanisme des espaces propices au développement de ces activités, et pas seulement à la préservation des activités déjà installées sur le littoral.

Compte tenu des difficultés qu'un rapport de compatibilité des SCoT et PLU avec les SRDAM pourrait faire apparaître, votre rapporteur n'a pas souhaité reprendre à son compte l'amendement initial de l'Assemblée nationale, acceptant du coup le compromis établi en séance consistant à expliciter un peu plus les exigences de prise en compte posées par la loi .

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE II BIS - DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AUX COLLECTIVITÉS, RÉGIONS ET DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

Ce titre comporte seulement deux articles, ajoutés à l'Assemblée nationale lors de la discussion en séance publique du projet de loi pour l'économie bleue :

- L'article 18 ter permet l'association des collectivités d'outre-mer aux discussions menées par la France sur la gestion et l'évaluation des ressources halieutiques, au sein des organisations internationales de gestion des pêches ;

- L'article 18 quater crée, pour sa part, un objectif spécifique de développement des circuits courts d'approvisionnement au sein de la politique des pêches maritimes et de l'aquaculture dans les outre-mer.

Article 18 ter (article L. 4433-15-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Permettre aux collectivités d'outre-mer de participer aux discussions régionales et internationales relatives à la ressource halieutique partagée

Objet : cet article a pour objet d'associer les collectivités ultramarines aux organisations internationales de gestion et d'évaluation des ressources halieutiques les concernant.

I. Le droit en vigueur.

La France est partie, soit directement, soit par le biais de l'Union européenne, à plusieurs traités internationaux organisant l'exploitation en commun des ressources halieutiques au-delà de la limite des 12 miles qui sépare la mer territoriale des eaux internationales.

Ces traités ont mis en place des organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP), au sein desquelles les États coopèrent pour établir une évaluation des ressources halieutiques des zones concernées et mettre en oeuvre des mesures de gestion pouvant impliquer des régulations des capacités ou activités de pêche.

Ainsi, pour les Antilles et la Guyane, la Commission des pêches pour l'Atlantique centre-ouest (COPACO) constitue le cadre de référence des discussions entre États riverains de cette zone de pêche. Pour Mayotte et La Réunion, la France est partie à la Commission des pêches pour le Sud-Ouest de l'Océan indien.

Ce sont les autorités nationales qui assurent la représentation de la France dans ces organisations internationales, même si ce sont les navires basés dans les ports des collectivités ultramarines riveraines qui seront les premiers impactés par les décisions prises dans ces instances.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

À l'initiative du député Serge Letchimy, les députés ont adopté en séance un amendement créant l'article 18 ter , afin de permettre l'association des collectivités uniques de Guyane et de Martinique ainsi que de Mayotte aux travaux menés dans le cadre des ORGP gérant les bassins océaniques environnants.

L'article L. 4433-15-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi complété pour prévoir cette association.

Cet article, créé en 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer, organise déjà en Guadeloupe, à Mayotte et à la Réunion l'exercice par la région des compétences en matière de gestion et de conservation des ressources biologiques de la mer dévolues à l'autorité administrative, notamment les autorisations d'installations d'élevages marins, la délivrance des autorisations de pêche et la répartition des quotas, la définition des obligations en matière de débarquement ou encore de modes de présentation des produits.

Les collectivités ultramarines sont déjà très impliquées dans les politiques locales des pêches maritimes et de l'aquaculture, et l'amendement adopté par les députés conforte cette place en leur permettant d'être associées aux travaux de la délégation française au sein des organisations internationales de gestion des pêches . En outre, l'association des organismes scientifiques compétents en matière halieutique et des organismes professionnels est également prévue.

III. La position de votre commission.

Votre rapporteur ne peut qu'approuver cette association des collectivités concernées aux organismes de gestion des pêches compétents dans leur environnement géographique direct.

La représentation de la France au sein des ORGP restera assurée au niveau national, mais un travail de collaboration plus étroite avec les autorités locales sera effectué, permettant d'impliquer tous les acteurs.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 18 quater (article L. 951-1 A [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Développement des circuits courts au sein de la politique des pêches maritimes et de l'aquaculture dans les outre-mer

Objet : cet article inscrit dans la loi un objectif spécifique à la politique des pêches maritimes et de l'aquaculture dans les outre-mer : la valorisation des productions locales.

I. Le droit en vigueur.

Les objectifs de la politique des pêches maritimes et de l'aquaculture sont définis à l'article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime. Ils ne sont pas déclinés par territoire. En particulier, il n'existe pas d'objectifs spécifiques aux outre-mer ni d'objectifs spécifiques de développement de circuits courts, même si on peut considérer que ceux-ci sont inclus dans l'objectif général de mener une politique de qualité.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Toujours à l'initiative du député Serge Letchimy, les députés ont adopté en séance un autre amendement créant l'article 18 quater , qui crée un nouvel article L. 951-1 A au sein du code rural et de la pêche maritime.

Cet article donne une base législative à une politique des pêches maritimes et de l'aquaculture spécifique aux outre-mer , qui, outre les objectifs généraux de la politique des pêches maritimes et de l'aquaculture fixés à l'article L. 911-2, aurait un objectif particulier de développement des productions locales de la pêche et de l'aquaculture.

Le développement de circuits courts et la valorisation des produits locaux de la pêche et de l'aquaculture visent à faire face aux handicaps liés à l'insularité et à l'éloignement de la métropole.

III. La position de votre commission.

Votre rapporteur partage la préoccupation de développer les circuits courts d'approvisionnement en produits de la mer dans les outre-mer , de manière à limiter la dépendance aux produits importés et à développer l'emploi local.

Il note d'ailleurs que, s'il n'y a pas aujourd'hui de déclinaison aux outre-mer des objectifs de la politique des pêches maritimes et de l'aquaculture dont le cadre est fixé par l'article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime, il n'en va pas de même pour la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dont le cadre général est fixé à l'article L. 1 du même code :

- Tout d'abord, le V. de cet article prévoit que la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation tient compte des spécificités des outre-mer ainsi que de l'ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ces territoires ;

- Ensuite, l'article L. 181-1 A définit des objectifs de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt dans les outre-mer, parmi lesquels le développement des circuits courts, puisque cette politique doit « favoriser la satisfaction de la demande alimentaire territoriale par les productions locales ».

Votre rapporteur soutient donc pleinement l'insertion par l'article 18 quater de la proposition de loi d'un nouvel article L. 951-1 A au sein du code rural et de la pêche maritime .

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III - DISPOSITIONS DIVERSES

Votre commission n'est saisie sur ce titre que de deux articles :

- L'article 20, supprimé par l'Assemblée nationale, qui permettait la tenue de comptabilité en devises pour les entreprises commerciales ayant une activité internationale, et qui interdisait de répercuter sur des tiers les cotisations professionnelles obligatoires des comités des pêches ou des comités de la conchyliculture.

- L'article 22, qui créait une possibilité d'informer les clients des restaurants sur l'origine des produits aquatiques qui leur sont proposés.

Article 20 (articles L. 123-22 et L. 442-6 du code de commerce) - Permettre l'établissement d'une comptabilité en devises pour certaines entreprises et assurer la non-répercussion des cotisations professionnelles obligatoires dans les secteurs des pêches et de la conchyliculture par les acteurs de la commercialisation

Objet : cet article, supprimé à l'Assemblée nationale, comportait deux dispositions de nature technique : permettre aux commerçants ayant une activité internationale d'établir une comptabilité en devises et empêcher le transfert de la charge de paiement des cotisations professionnelles obligatoires dans le secteur conchylicole à l'occasion des opérations commerciales.

I. Le droit en vigueur.


L'article L. 123-22 du code de commerce précise que les documents comptables sont établis par les commerçants en euros. Ils doivent être conservés durant 10 ans. Les opérations réalisées dans une monnaie autre doivent être converties en euros dans la comptabilité des commerçants.


L'article L. 442-6 du code de commerce , pour sa part, fixe la liste des pratiques commerciales prohibées et engageant la responsabilité civile de leurs auteurs. Il prévoit également la nullité de certaines clauses, comme par exemple les clauses de remises et ristournes rétroactives.

II. La proposition de loi initiale.

L'article 20 de la proposition de loi vise à régler deux problèmes pratiques :


Le I. procédait à une nouvelle rédaction de l'article L. 123-22 du code de commerce pour permettre l'établissement d'une comptabilité en devises par les commerçants qui exercent une activité internationale. Il s'agissait surtout de faciliter l'activité des entreprises de transport maritime international, dont l'activité s'effectue exclusivement en dollars.


Le II. interdit aux vendeurs de coquillages de répercuter sur d'autres acteurs les cotisations professionnelles obligatoires établies par les comités des pêches maritimes et des élevages marins, aux niveaux national, régional, départemental ou interdépartemental ou par les comités de la conchyliculture, aux niveaux national ou régional. Il s'agit de permettre le recouvrement effectif de la cotisation, et non pas de transférer la créance sur un tiers à l'occasion d'une opération de commercialisation de coquillages.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Les députés ont supprimé en commission les deux dispositions de cet article :


• La possibilité d'établir une comptabilité en devises a été supprimée, dans la mesure notamment où la rédaction proposée s'étendait au-delà du seul secteur maritime : tout commerçant effectuant une part de son activité à l'international, même si cette activité est marginale, aurait eu une telle faculté, compliquant le contrôle de ces comptabilités.

Le rapporteur Arnaud Leroy soulignait dans son rapport que l'application des nouvelles normes comptables de l'Autorité des normes comptables devrait permettre très prochainement de neutraliser les plus-values ou moins-values d'actifs sur les opérations de couverture du risque de change, réglant ainsi la question.


• La disposition sur la nullité de la répercussion sur un tiers des cotisations professionnelles obligatoires a également été supprimée par un amendement du rapporteur, dans la mesure où une telle disposition était inutile , compte tenu de la nature de ces cotisations.

IV. La position de votre commission.

Votre rapporteur partage l'analyse du rapporteur au fond de l'Assemblée nationale sur l'article 20. Dans ces conditions, il approuve la suppression de cet article.

Votre commission a maintenu la suppression de cet article.

Article 22 (article L. 121-82-3 [nouveau] du code de la consommation) - Assurer l'information sur l'origine des produits aquatiques proposés

Objet : cet article instaure un dispositif facultatif d'indication dans les restaurants des zones de capture ou de production des produits aquacoles proposés aux clients.

I. Le droit en vigueur.

Le code de la consommation définit les règles générales d'information des consommateurs, ainsi que les règles particulières à l'étiquetage, dans un cadre devant respecter le droit communautaire. Le règlement n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires fixe les règles spécifiques d'étiquetage de ces produits et donne peu de marges de manoeuvres aux États-membres de l'Union européenne.

En particulier, les informations sur l'origine des pays ne peuvent être rendues obligatoires que dans des cas limitativement énumérés par le règlement , ce qui a empêché jusqu'à présent la généralisation de l'étiquetage de l'origine des produits agroalimentaires, notamment des produits élaborés à base de viande.

En revanche, l'étiquetage des produits de la mer, poissons, crustacés, mollusques, autres invertébrés aquatiques et algues vendus directement au consommateur doit mentionner, de manière lisible, la zone géographique de capture. Pour les produits d'élevage, le nom du pays d'élevage doit être indiqué. Les articles 35 et suivants du règlement (UE) n° 1379/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture mettent donc en place un dispositif complet d'information du consommateur.

Les articles L. 121-82-1 et suivants du code de la consommation prévoient des dispositions spécifiques à l'information sur les plats proposés dans le cadre d'une activité de restauration commerciale, en réglementant notamment l'indication du « fait maison ». Mais aucune obligation ne pèse sur le secteur de la restauration hors domicile en matière d'information sur l'origine des poissons et produits de la mer servis. Le consommateur est donc moins bien informé au restaurant qu'au supermarché.

II. La proposition de loi initiale.

La filière pêche effectue des efforts importants de valorisation de ses productions, notamment à travers le « pavillon France » et bénéficie d'une bonne image de marque auprès des consommateurs, qu'elle ne peut cependant pas valoriser en restauration hors foyer. Or, la restauration hors foyer représente environ 20 % de la consommation de poissons et crustacés en valeur, ce qui n'est pas négligeable.

L'article 22 de la proposition de loi visait donc à instaurer une obligation d'information de l'origine des produits aquatiques vendus dans le cadre de l'activité de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés. La manière de présenter l'information était renvoyée au règlement n° 1379/2013 précité, afin de garantir une cohérence des informations fournies aux consommateurs, qu'ils soient des acheteurs directs ou des clients de restaurants.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Les députés ont fait évoluer la rédaction initiale de l'article 22 :

En commission, ils ont enrichi le dispositif proposé :

- Pour imposer une traçabilité non seulement en restauration commerciale, mais également en restauration collective .

- Pour préciser que la zone de capture qui doit être indiquée au consommateur est définie selon le cadre harmonisé européen prévu par l'article 38 du règlement européen n° 1379/2013.

En séance, les députés sont, de manière surprenante, revenus sur l'obligation de traçabilité imposée à l'article 22. Estimant qu'il n'y avait pas de consensus, ils ont rendu facultative l'indication de la zone de capture ou de production des produits aquatiques proposés en restauration hors foyer.

IV. La position de votre commission.

Votre rapporteur partage totalement l'intention consistant à mieux informer les consommateurs sur l'origine des produits aquatiques consommés, y compris en restauration commerciale ou collective.

Les amendements étendant l'obligation à la restauration collective ou encore demandant une information standardisée conforme au règlement européen de 2013 vont dans le bon sens.

Mais rendre le dispositif facultatif revient à vider l'article 22 de sa substance .

Aussi, votre rapporteur a proposé à votre commission, qui l'a accepté, un amendement rétablissant le principe d'une information obligatoire du consommateur (Amendement n° COM-48). Cette information pourrait être donnée sur la carte ou sur un autre support. Les modalités précises d'information sont renvoyées à un décret, qui devra permettre une certaine souplesse, par exemple la possibilité d'un affichage des origines sur un autre support que la carte du restaurant.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 1 er mars 2016, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi n° 370 (2015-2016) pour l'économie bleue

EXAMEN DU RAPPORT

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Notre rapporteur, Michel Le Scouarnec, va nous éclairer sur le concept de l'économie bleue. Il a largement démontré sa fougue sur le sujet comme rapporteur pour avis du budget « pêche ».

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - La proposition de loi pour l'économie bleue a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 3 février. Ce texte, qui a l'ampleur d'un projet de loi, est plutôt centré sur les questions de compétitivité des transports et des services maritimes français.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a, fort logiquement, été saisie au fond. Mais elle nous a délégué les articles relatifs à la pêche et à l'aquaculture, qui relèvent de notre compétence. Nous allons donc examiner 12 articles : les articles 13 à 18 bis , 18 ter , 18 quater, 20 et 22.

La pêche et l'aquaculture constituent des secteurs économiques d'une ampleur modeste mais pourtant essentiels à l'animation économique du littoral. La pêche repose sur un peu plus de 7 000 navires, dont 4 500 en métropole et 2 500 dans les outre-mer. Notre flotte est essentiellement artisanale : on compte moins de 1 000 navires de plus de 12 mètres et moins de 200 navires de pêche industrielle de plus de 25 mètres. On compte près de 16 000 marins, dont près d'un tiers en Bretagne, mais les emplois en mer génèrent d'autres emplois à terre. À Lorient, par exemple, il faut ainsi multiplier par trois le nombre de marins pour avoir le total des emplois générés par la pêche.

Notre flotte de pêche débarque chaque année 550 000 tonnes de poissons, crustacés et coquillages dans nos ports de pêche, générant un chiffre d'affaires de 1,1 milliard d'euros. Ces chiffres incluent les thoniers senneurs tropicaux, qui assurent à eux seuls 150 millions de chiffre d'affaires.

La pêche française est très variée : à côté de la pêche maritime sur des navires embarqués, il existe aussi une activité de pêche à pied, qui emploie environ 1 500 professionnels.

L'aquaculture constitue l'autre volet de l'exploitation de la mer. La France est le deuxième producteur aquacole européen avec 160 000 tonnes et presque 550 millions de chiffre d'affaires pour la conchyliculture et 40 000 tonnes et 125 millions de chiffres d'affaires pour la pisciculture ; 3 000 entreprises pourvoient plus de 8 500 emplois (en équivalents temps plein). La production d'huîtres domine l'aquaculture française, notre pays assurant 85 % de la production européenne.

Pour autant, nous sommes très déficitaires en produits de la mer : nous importons entre 80 et 85 % de notre consommation, essentiellement des saumons, des crevettes et du cabillaud. Notre déficit commercial sur les produits de la mer atteint 4,5 milliards d'euros.

La proposition de loi ne vise pas à modifier totalement la donne, mais à mettre en place une nouvelle dynamique dans les filières pêche et aquaculture, pour mieux profiter de notre façade maritime de 7 200 kilomètres de côtes, tant en métropole qu'outre-mer.

Le faible développement de l'aquaculture marine, en dehors des productions traditionnelles d'huîtres et de moules, est au demeurant incompréhensible, alors que partout dans le monde, et en particulier en Asie, c'est l'aquaculture qui a permis de répondre à la demande croissante de produits alimentaires venant de la mer.

La conjoncture est plutôt positive aujourd'hui pour les pêcheurs et aquaculteurs : les prix du poisson ne sont pas comme les prix du porc ou du boeuf : ils se maintiennent à des niveaux élevés. De surcroît, les faibles cours du pétrole donnent une bouffée d'oxygène aux navires de pêche, gros consommateurs de carburant. Bref, il faut profiter de la période actuelle pour relancer une dynamique d'investissements et de progrès dans la pêche, et favoriser l'essor de l'aquaculture marine, au point mort depuis de nombreuses années.

Le Comité interministériel de la mer (CIMER) d'octobre 2015 a plaidé en ce sens, prévoyant de simplifier les dispositions relatives aux autorisations de pêche et de réserver une part significative (15 %) de l'enveloppe européenne du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) à l'aquaculture. Le FEAMP est doté de 588 millions, auxquels il convient d'ajouter les aides régionales soit, en tout, près de 800 millions d'euros d'aides publiques.

Mais l'action en faveur de la pêche et de l'aquaculture doit être menée dans le strict respect des exigences sanitaires et environnementales. En matière de pêche, la gestion équilibrée de la ressource est mise en oeuvre par la politique commune de la pêche (PCP) et doit être strictement contrôlée. En matière d'aquaculture, aucun développement n'est possible sans maîtrise de la problématique de la qualité des eaux et de la maîtrise des pollutions, car cette activité est très sensible aux variations du milieu naturel.

Les dispositions en matière de pêche et d'aquaculture dans cette proposition de loi vont globalement dans le bon sens, et font consensus parmi les professionnels que j'ai pu auditionner, si bien que je proposerai peu d'amendements.

La place de l'aquaculture fait l'objet d'une reconnaissance juridique plus forte, qui était attendue. L'article 15 donne une définition plus précise de l'aquaculture, et l'article 18 bis renforce la portée des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine, créés par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010, et qui n'ont jusqu'à présent produit aucun effet. L'article 18 renforce aussi l'arsenal juridique à disposition des pouvoirs publics pour faire respecter un niveau élevé de qualité des eaux conchylicoles.

Le renouvellement des navires est encouragé dans le secteur de la pêche maritime avec l'élargissement de la définition de la société de pêche artisanale et la meilleure gestion de la ressource est favorisée par l'attribution de pouvoirs disciplinaires accrus aux organisations de producteurs. En matière de discipline, il faudra réfléchir à l'élargissement des pouvoirs des gardes-jurés pour lutter contre la pêche illégale et les pratiques illicites, en appui des services de l'État.

À côté du renouvellement des navires, nécessaire du fait d'une moyenne d'âge d'environ 25 ans, la proposition de loi encourage l'arrivée de nouveaux dirigeants dans les organisations professionnelles, en limitant à 65 ans l'âge des élus au sein des comités des pêches maritimes et des élevages marins.

La diversification de l'activité de pêche doit être favorisée, et les professionnels fondent beaucoup d'espoir sur le développement du pescatourisme. Au passage, on peut noter que ce terme ne figure pas dans le dictionnaire, mais il se passe de définition.

Le secteur de la pêche à pied n'est pas oublié, avec un article 15 bis prévoyant la mise en place d'un fonds de mutualisation, qui lui bénéficierait en priorité, pour faire face à des évènements climatiques ou sanitaires. Il serait financé en partie par les crédits européens du FEAMP.

Enfin, la proposition de loi encourage l'information du consommateur sur l'origine des produits de la mer servis en restauration hors foyer. Sur ce point, je vous proposerai un amendement pour imposer cette information. Elle risque en effet de ne pas être mise en oeuvre si elle reste facultative.

Pour finir, je voudrais évoquer trois sujets qui ne sont pas dans le champ de saisine de la commission des affaires économiques mais qui préoccupent les professionnels.

La première question est celle du casier judiciaire des patrons-pêcheurs. La rédaction de l'article 5 ter risque de ne pas régler les difficultés désormais rencontrées par certains marins pour embarquer sur les navires. Je ne propose pas d'amendement à ce stade mais nous allons y travailler d'ici la séance avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, car la mesure proposée n'est pas adaptée. Jusqu'à 15 % des navires pourraient rester à quai si cette disposition entrait en vigueur.

La deuxième question est celle de l'inclusion des navires de pêche dans la flotte stratégique. Là aussi, une concertation doit être menée d'ici la séance avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, compétente au fond sur ce sujet.

La dernière question est celle du statut des dirigeants de coopératives maritimes et des élus au sein des comités des pêches. Ces activités sont très prenantes et mal valorisées. Il ne nous est pas possible de présenter des amendements sur de tels sujets, car ils se heurteraient à l'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution, mais il faut avancer, sinon la gouvernance professionnelle de la pêche et de l'aquaculture sera en danger, faute de candidats. ( Applaudissements sur tous les bancs )

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Nous vous remercions pour la qualité de votre rapport et pour votre enthousiasme. Nous espérons pouvoir honorer l'invitation que vous nous aviez faite, au moment du budget, de nous rendre à Lorient.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Voilà vingt ans que la balance commerciale française en matière d'activités marines est déficitaire, alors que nous avons d'immenses atouts. Pourquoi toutes nos politiques pour améliorer la situation se sont-elles soldées par un échec ? La pêche à la crevette, surabondante au Brésil, pourrait se développer dans les Caraïbes ou en Guyane. Or, il n'en est rien. Des dispositifs existent, mais personne ne les utilise. C'est une erreur d'avoir abandonné toute idée de planification ou de programmation en France. Il faudrait fixer un niveau de production en Guyane ou dans les Caraïbes, puis créer les leviers de démarrage nécessaires, avec notamment des sociétés d'économie mixte ou des coopératives. S'il n'y a pas d'initiative mixte entre public et privé pour amorcer la pompe, ce secteur ne se développera pas.

En 1789, les travailleurs sur la Loire refusaient de manger du saumon à tous les repas et, aujourd'hui, on en importe. Il faudrait ajouter à cette proposition de loi un plan de développement de cette filière.

Enfin, la traçabilité ne suffit pas à garantir la présence de poissons français sur les étals de nos supermarchés.

M. Gérard César . - Bravo pour ce rapport. Pourquoi avez-vous évoqué le casier judiciaire des patrons-pêcheurs ? Que nous manque-t-il le plus entre le saumon, la crevette et le cabillaud ? Le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts (Cemagref) a-t-il les moyens de poursuivre des recherches, notamment sur les poissons d'eau douce ?

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - Depuis la loi de 2010, des schémas pour l'aquaculture doivent être élaborés. Sans aide à l'investissement et sans acteurs pour les mettre en oeuvre, ils sont restés lettre morte. L'Europe n'a peut-être pas été suffisamment efficace dans ce domaine. En matière de pêche, il faut également que le confort et les performances des bateaux s'améliorent pour rendre le métier attractif.

Le saumon est l'espèce qui est la plus importée en France. L'aquaculture pourrait combler ce retard, si seulement elle démarrait. Plutôt que le CEMAGREF, désormais IRSTEA (institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture), c'est l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) qui doit mener des recherches. Mais l'Ifremer rencontre quelques difficultés. Son antenne est menacée à la Trinité-sur-Mer. Dernière remarque : on manque parfois de chiffres sur les ressources halieutiques existantes. Il nous faudrait un outil fiable et performant.

M. Bruno Sido . - En bord de mer, on voit souvent des banderoles « Non à la ferme aquacole ! ». Cette loi démontre-t-elle l'utilité économique et sociale de l'aquaculture ? Si les riverains restent hostiles aux nouvelles techniques de production, on n'aboutira à rien.

Dans les années soixante, les chalutiers débordaient de poissons dans le port de Concarneau. Aujourd'hui, il n'y a plus de poissons... et quasiment plus de pêcheurs. Les chiffres de l'Ifremer sont malheureusement exacts. En Méditerranée, on a réussi à faire remonter le stock de thons rouges. Que prévoit-on pour arrêter le massacre et reconstituer le stock en Atlantique ? Les langoustines, autrefois longues de vingt centimètres, n'en mesurent plus que sept ou huit.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - Il faut adopter les techniques à la réglementation, comme par exemple les filets. La France n'est pas seule : n'oublions pas que la politique des pêches est définie par l'Union européenne. Les stocks doivent être définis au niveau du rendement maximal durable (RMD). J'ai mangé dernièrement les plus grosses langoustines de ma vie : elles venaient d'Auray, ce qui contredit ce que vous venez de dire, mon cher collègue.

Les deux derniers rapports de l'Union européenne indiquent que certains stocks sont en voie de reconstitution, même si les poissons se déplacent. L'important, c'est aussi d'investir dans de nouveaux bateaux. Il faudrait aussi développer les filières de déconstruction des bateaux, tant pour la pêche que pour la plaisance, ce qui permettrait de créer des emplois. Quant à la pêche, des outils adaptés aux réglementations nouvelles devraient améliorer la situation.

Enfin, le pescatourisme va se développer, même s'il ne pèsera pas dans la balance commerciale.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Et le casier judiciaire des patrons-pêcheurs ?

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - L'article L. 5521-4 du code des transports, introduit par la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, prévoit que « nul ne peut exercer les fonctions de capitaine, d'officier chargé de sa suppléance, de chef mécanicien ou d'agent chargé de la sûreté du navire s'il ne satisfait pas à des conditions de moralité et si les mentions portées au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice de ces fonctions » . Or, tous les capitaines ou seconds des navires de pêche n'ont pas un bulletin numéro 2 vierge. L'application stricte de cette disposition pourrait contraindre 15 % des navires de pêche à cesser leur activité, ce qui est excessif. Heureusement, l'article 5 quater prévoit une exception pour les navires de petite pêche mais pas pour les autres formes de pêche artisanale. En revanche, il est normal que ces dispositions strictes s'appliquent pour les navires qui partent longtemps, car des mesures de police sont susceptibles d'être prises par les capitaines.

M. Roland Courteau . - La raréfaction des poissons et des espèces en général est inquiétante. En Méditerranée, l'effet nocif des pollutions est largement démontré. Dans le cadre de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, j'ai rédigé il y a deux ans un rapport qui relevait les conséquences de ces pollutions. Elles proviennent à 80 % des activités humaines. Chaque année, 3 000 tonnes de métaux lourds transitent par le Rhône jusqu'en Méditerranée. Les polluants polychlorobiphényles (PCB) et dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) sont interdits de fabrication et d'utilisation depuis des décennies, mais leur durée de vie peut atteindre de très nombreuses années, de sorte qu'enfouis dans les sédiments des zones industrielles, ils se retrouvent dans la Méditerranée dès qu'il y a un lessivage des sols dû aux intempéries. Une pollution émergente provient également des résidus non assimilés des médicaments que nous consommons. La Méditerranée est une mer fermée dont les eaux mettent un siècle à se renouveler. Ces substances médicamenteuses déversées en Méditerranée ont des effets reprotoxiques, c'est-à-dire qu'elles gênent la reproduction des espèces. Enfin, les plastiques sont une autre source de pollution. Ils ne se désagrègent pas, mais se fragmentent en morceaux tellement petits que les poissons les confondent avec du phytoplancton ou du zooplancton, ce qui n'est pas sans conséquences sur la croissance et la reproduction des espèces. J'ajouterais que sur la rive sud de la Méditerranée, il n'y a pratiquement pas de station de traitement des eaux usées, sauf peut-être en Tunisie où la situation s'est dégradée depuis quelques années. Les eaux usées se déversent directement en mer. Si on ne réagit pas, dans trente ans, la Méditerranée ressemblera à certaines parties de la mer Baltique, avec des zones mortes.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Notre commission devrait se renseigner sur la mise en oeuvre de la directive cadre pour le milieu marin, directive dont l'objectif est de restaurer le bon état des eaux à l'horizon de 2025. Au Parlement européen, j'étais rapporteure de cette directive qui prévoit des étapes intermédiaires. Où en est la France ?

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Notre rapporteur budgétaire sur la pêche pourra se charger de cette question.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - La directive cadre stratégie pour le milieu marin du 17 juin 2008 établit un cadre d'action communautaire. Ses exigences ont été transposées en droit national dans les articles L. 219-9 à L. 219-17 du code de l'environnement. La directive cadre vise à atteindre un bon état écologique du milieu marin, au plus tard en 2020, grâce à la mise en oeuvre d'un plan d'action pour le milieu marin dans chaque sous-région marine qui suppose une surveillance de la qualité des eaux. Les textes existent ; la mise en oeuvre est en cours.

EXAMEN DES ARTICLES

M. Jean-Claude Lenoir . - Douze articles ont été délégués au fond à la commission des affaires économiques, dont huit au titre II, deux au titre II bis et deux au titre III.

Article 13

L'article 13 est adopté sans modification.

Article 14

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - Mon amendement n° COM-46 supprime l'alinéa 7 qui donne pour objectif à la politique de qualité de favoriser la reprise d'exploitation par de nouveaux exploitants. Le renouvellement des générations est un enjeu majeur tant en agriculture qu'en aquaculture ou dans le secteur de la pêche maritime. Cependant, ce n'est pas là l'objet de la politique de qualité. Les signes de qualité, comme par exemple l'indication géographique protégée (IGP) « Huîtres Marennes-Oléron » dans le secteur conchylicole, préservent des filières d'excellence, au sein desquelles il faut naturellement installer des jeunes. C'est plutôt à la politique d'installation de promouvoir l'installation de jeunes et la reprise d'exploitations qui perpétuent la tradition de productions sous signes de qualité. Il serait regrettable que l'adoption de l'alinéa 7 conduise à établir des cahiers des charges « jeunes » moins exigeants que les cahiers des charges généraux, au risque de saper la confiance des consommateurs dans des signes de qualité qui ont fait leurs preuves.

M. Bruno Sido . - Notre rapporteur a travaillé dans l'enseignement. Je trouve étonnant qu'il propose un amendement de défiance vis-à-vis des jeunes.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - Mon amendement va au contraire dans le sens d'une égalité de traitement.

M. Bruno Sido . - Les jeunes ont forcément moins d'expérience que les anciens.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - Il y a un risque de perte de label.

M. Bruno Sido . - Audaces fortuna juvat. Il faut prévoir un parrainage. En l'état, cet amendement est une marque de défiance à l'égard des jeunes.

L'amendement n° COM-46 est adopté.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - L'alinéa 11 de l'article 15 vise à encourager les installations d'aquaculture marine à terre, à proximité du littoral, disposant de dispositifs de pompage pour l'acheminement d'eau de mer. Une telle solution, promue par les députés, permet de contourner les problèmes de concurrence pour l'utilisation du littoral. Pour autant, la politique de développement de l'aquaculture doit aussi viser l'installation de fermes aquacoles en mer et ne pas le rappeler dans l'article 15 laisserait penser que la France abandonne toute ambition en la matière, ce qui est contraire aux objectifs des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine. D'où mon amendement n° COM-47.

M. Bruno Sido . - Quelle surprenante invention que celle des fermes aquacoles à terre ! On vient de voter une loi sur la transition énergétique. C'est pure folie que de vouloir pomper de l'eau de mer pour l'amener à terre !

M. Marc Daunis . - Toujours est-il que cela existe. Dans certains endroits, où les riverains sont hostiles au développement de l'aquaculture, c'est un compromis intéressant.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Le rapporteur propose que les fermes aquacoles soient en mer.

M. Bruno Sido . - Nous sommes d'accord.

L'amendement n° COM-47 est adopté.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - L'amendement n° COM-10 propose d'élargir la définition de la société de pêche artisanale (SPA) en passant de deux à cinq navires. Cette question s'était posée à l'Assemblée et les députés sont revenus à deux bateaux. Si l'on ouvre trop le statut de la SPA, des armements importants pourront s'en réclamer, alors qu'ils seront très éloignés du modèle artisanal. Le principe qui veut que le patron soit embarqué sur les navires ne serait plus respecté. Or, il justifie un traitement fiscal plus favorable. La limite à deux bateaux permet encore de considérer comme des sociétés de pêche artisanale des armements pratiquant la pêche « au boeuf », en partant à deux navires traînant le même chalut. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-10 n'est pas adopté.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - L'amendement n° COM-12 précise que les artisans-pêcheurs doivent rester majoritaires au capital de la société de pêche artisanale, y compris lorsqu'ils ont recours à du financement local ou participatif. Appliquer le financement participatif à la pêche peut être intéressant. Cependant, je m'interroge sur l'intérêt d'une telle précision. Ce qui importe n'est pas la manière dont le capital a été collecté, mais l'identité de celui ou celle qui le détient, le patron-pêcheur devant posséder 51 % des parts. Avis défavorable.

M. Bruno Sido . - Les entreprises ne sont plus propriétaires de leurs bâtiments, ni même de leurs machines. Cela ne rime à rien de demander à un pêcheur d'être propriétaire de son bateau. Ce qui est artisanal, c'est la technique de pêche, pas le portage de capital.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Si cet amendement n'est pas adopté, les patrons-pêcheurs auront plus de mal à devenir majoritaires en dépit de financements participatifs. Cette mesure favorise une logique non industrielle.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . -Il n'est pas nécessaire de savoir d'où vient l'argent pour définir la pêche artisanale.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Dans le financement participatif, on peut acheter des actions participatives, grâce au crowdfunding . Or, sans cet amendement, elles ne seraient pas comptées dans les 51 % des parts. Ce n'est pas acceptable.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - Nous reverrons cet amendement d'ici la séance.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je préfère qu'on l'adopte, quitte à le retirer plus tard.

L'amendement n° COM-12 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15 bis (nouveau)

L'article 15 bis (nouveau) est adopté sans modification.

Article 16

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - L'amendement n° COM-6 inclut les conchyliculteurs dans le champ du rapport sur le pescatourisme, très attendu par les professionnels et qu'il convient de maintenir. L'article 16 prévoit déjà que la diversification par le tourisme concerne les pêcheurs et les aquaculteurs - dont font partie les conchyliculteurs. L'amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-6 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté sans modification.

Article 17

L'article 17 est adopté sans modification.

Article 18

L'article18 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 18

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - L'amendement n° COM-2 autorise la construction d'installations de pêche et d'aquaculture dans la bande littorale des 100 mètres, et précise l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qui interdit toute construction dans la bande littorale des 100 mètres, en dehors des espaces déjà urbanisés, mais qui admet une exception : les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. L'amendement propose de classer parmi ces activités toutes les activités aquacoles. Or, la construction de hangars ou de locaux de stockage peut ne pas être indispensable dans la bande des 100 mètres. Donner un droit général de construction d'installations liées à l'activité aquacole sur la bande littorale paraît excessif. Dans l'exemple cité dans l'objet de l'amendement, le conchyliculteur a arrêté son activité non pas car il lui a été interdit d'exploiter ses parcs à huîtres, mais parce que la loi littoral a conduit à lui refuser d'exploiter un restaurant de bord de mer. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-2 n'est pas adopté.

Article 18 bis (nouveau)

L'article 18 bis (nouveau) est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 18 bis (nouveau)

M. Joël Labbé . - Je fais preuve de constance : la surmortalité des huîtres coïncide avec l'introduction dans le milieu des huîtres triploïdes, qui deviennent d'ailleurs fertiles et qui menacent la biodiversité car elles risquent de se croiser avec les huîtres naturelles. Mon amendement n° COM-8 distingue les huîtres nées en mer - diploïdes - de celles nées en écloserie. L'amendement de repli n° COM-9 ne traite que des règles de traçabilité - origine et parcours des mollusques - pour le suivi sanitaire des lots, nécessaires selon la communauté scientifique et le rapport Chevassus-au-Louis de 2009.

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - L'étiquetage obligatoire distinguerait les huitres naturelles des huitres nées en écloserie. Les modalités d'étiquetage sont définies par les règlements européens, laissant peu de place aux initiatives nationales. Examinons avec les professionnels les modalités les plus pertinentes d'information du consommateur. À titre personnel, je suis favorable à la proposition de Joël Labbé ; toutefois, traitons la question en séance publique, pour obtenir du Gouvernement qu'il nous donne sa position plus clairement que lors du débat en séance le 12 mai 2015 sur les risques inhérents à l'exploitation de l'huitre triploïde. Je demande le retrait de cet amendement et son dépôt lors de la séance publique.

M. Joël Labbé . - Je vous entends. Nous ferons pression pour que le Gouvernement nous réponde. Merci de cette proposition de sortie par le haut. Je retire mes deux amendements.

M. Bruno Sido . - M. Labbé nous a habitués à mieux ; la coïncidence entre l'arrivée du virus et l'introduction des triploïdes n'a rien de scientifique !

Les amendements n os COM-8 et COM-9 sont retirés.

Article 18 ter (nouveau)

L'article 18 ter (nouveau) est adopté sans modification.

Article 18 quater (nouveau)

L'article 18 quater (nouveau) est adopté sans modification.

Article 20

L'article 20 est adopté sans modification.

Article 22

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - L'amendement n° COM-48 rend obligatoire et non facultatif l'indication de la zone de capture ou de production des produits alimentaires aquatiques, pour la restauration hors foyer.

Mme Élisabeth Lamure . - J'y suis très défavorable. On crée de nouvelles obligations pour les restaurateurs, les collectivités locales et les entreprises qui devront indiquer l'origine des poissons servis dans leurs restaurants collectifs. C'est beaucoup trop lourd ! L'indication est déjà présente sur les étals des poissonniers.

M. Bruno Sido . - Il y a quarante ans, le surplus de poisson pêché à Concarneau était donné aux poulets. Maintenant, c'est l'inverse ; on donne à manger aux poissons les poules pondeuses mortes au bout d'un an ! J'aime savoir d'où provient le poisson que je mange et, surtout, s'il vient ou non d'un élevage. La seule façon d'en être sûr, c'est de ne manger que des poissons qui ne s'élèvent pas, comme la sole.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je suis favorable à cet amendement. Nous devons généraliser la traçabilité, tant dans l'agriculture que l'aquaculture. Cela doit devenir un réflexe, une attitude, un métier ! La majorité de la consommation de poissons ne provient pas directement de l'étal, mais de produits transformés. Généralisons la traçabilité, l'origine, le Made in France . Plus on tardera à le faire, plus cela coûtera.

M. Martial Bourquin . - Avec la malbouffe d'aujourd'hui, la traçabilité est indispensable. Quand bien même il y aurait obligation, qui gênerait-elle ? Voyez les scandales sur le saumon de Norvège. Le consommateur doit être libre de ne pas en manger.

M. Marc Daunis . - Je comprends les préoccupations, sans doute légitimes, du rapporteur. N'oublions pas que nous essayons de simplifier. En outre, l'origine géographique d'un produit n'est pas nécessairement un gage de qualité. Et puis, ne voulons-nous pas favoriser l'aquaculture ? Enfin, quel étiquetage, et pour qui ?

M. Michel Le Scouarnec, rapporteur . - Mentionner l'étiquetage n'est pas très difficile pour les restaurateurs, ils le font déjà pour le boeuf ! Par ailleurs, la traçabilité est déjà obligatoire pour la pêche fraîche. Ne soyons pas les derniers de la classe en Europe sur ce sujet. Nous devons répondre aux demandes légitimes des consommateurs.

L'amendement n° COM-48 est adopté.

L'article 22 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La réunion est levée à 18 h 55.

Le sort des amendements est repris dans le tableau ci-après.

Article 14

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. LE SCOUARNEC

46

Suppression du lien entre politique d'installation et promotion des signes de qualité

Adopté

Article 15

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. LE SCOUARNEC

47

Encouragement d'installations aquacoles en mer, en plus des installations aquacoles à terre

Adopté

M. CANEVET

10

Possibilité pour les sociétés de pêche artisanale de détenir jusqu'à cinq navires

Rejeté

M. CANEVET

12

Possibilité pour les sociétés de pêche artisanale de recourir au financement participatif

Adopté

Article 16

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. COMMEINHES

6

Inclusion des conchyliculteurs dans le champ du rapport sur le pescatourisme

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 18

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. COMMEINHES

2

Possibilité de construction dans la bande littorale des 100 mètres pour les installations de pêche et aquacoles

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 18 bis (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. LABBÉ

8

Étiquetage spécifique des huitres naturelles et huitres nées en écloserie

Retiré

M. LABBÉ

9

Renforcement de la traçabilité du commerce des huitres

Retiré

Article 22

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. LE SCOUARNEC

48

Obligation d'information sur l'origine des produits aquatiques en restauration hors foyer

Adopté

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 17 février 2016 :

- Coopération maritime : M. Jean-Loup Velut , secrétaire général et Mme Pétrana Mintseva , chargée des affaires juridiques ;

- Cabinet d'Alain Vidalies, secrétaire d'état chargé des transports, de la mer et de la pêche : MM. Christophe Lenormand , conseiller mer, outre-mer, ports et transport fluvial, Eamon Mangan , conseiller pêche et aquaculture et Mme Constance Deler , conseillère parlementaire.

- Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) : Mme Laure Tourjanski , directrice adjointe et M . Mikael Quimbert , adjoint au sous-directeur de l'aquaculture et de l'économie des pêches.

Jeudi 18 février 2016 :

- Comité national des pêches maritimes, des élevages et des marins (CNPMEM) : M. Gérard Romiti , président, Mmes Émilie Gélard , chargée de mission et Julie Maillet , juriste.

- Comité national de la conchyliculture (CNC) : MM. Philippe Maraval , directeur général et Charles-Louis Ponchy Pommeret , juriste.


* 1 Source : FranceAgrimer, les filières pêche et aquaculture en France, édition mai 2015.

* 2 Article 7 du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page