EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IV - DE LA PROTECTION ET DES DROITS DES CONSOMMATEURS EN MATIÈRE FINANCIÈRE
Article 25 bis A (nouveau) (art. L. 224-99 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation ; art. 536 du code général des impôts) - Délai de rétractation de l'acheteur de métaux précieux - Obligation de marquage des métaux précieux

Objet : Cet article tend à porter de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai de rétractation du consommateur à l'occasion d'une vente de métaux précieux. Il modifie par cohérence les modalités de l'obligation de marquage des métaux précieux.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 224-99 du code de la consommation, dans sa version recodifiée issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, reprend sans modification les dispositions adoptées à l'occasion de la loi du 27 mars 2014 relative à la consommation qui ont institué un délai de rétractation pour les ventes de métaux précieux.

Ce délai a été fixé à 24 heures, pendant lesquelles le contrat ne peut être mis à exécution , ce qui implique que le vendeur ne peut remettre le métal précieux à l'acheteur et que ce dernier ne peut en payer le prix convenu.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de M. Pascal Terrasse et plusieurs de ses collègues, et avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel tendant à modifier la durée du délai de rétractation pour la porter à 48 heures , tout en prévoyant que, durant ce délai, le contrat peut être exécuté .

En contrepartie, le dispositif adopté prévoit que l'exercice du droit de rétractation met fin aux obligations des parties, ce qui implique que le consommateur doit alors rembourser au professionnel le prix perçu et que ce dernier doit lui restituer le ou les objets achetés. À défaut de restituer le ou les objets achetés, le professionnel doit alors verser au consommateur une somme équivalente au double du prix vente perçu pour le bien ou les objets achetés.

Selon les auteurs de cet amendement, il s'agit ainsi de résoudre les difficultés pratiques dans l'application des dispositions actuelles et de simplifier ce type de transaction.

Par coordination avec ce nouveau dispositif, cet article modifie l'article 536 du code général des impôts qui prévoit :

- d'une part, que les ouvrages dépourvus de marques et achetés par les fabricants et marchands, même pour leur usage personnel, doivent être présentés au contrôle dans les trois jours ou brisés ;

- d'autre part, que tout ouvrage d'or, d'argent ou de platine trouvé non marqué chez un marchand doit être saisi. Il en est de même pour les ouvrages trouvés achevés et non marqués chez un fabricant, sauf si, dès la fin de la fabrication, ils sont revêtus de son poinçon de maître et enregistrés dans sa comptabilité.

Ainsi, aux termes du présent article, ces deux dispositifs seraient paralysés pendant la durée du délai de rétractation , à condition que l'opération ait été enregistrée sur le registre tenu à la disposition de l'autorité publique et prévu par l'article 537 du code général des impôts.

III. La position de votre commission

Sans remettre en cause la protection qui doit être assurée au consommateur dans le cadre de telles transactions, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale tend à rendre plus efficace en pratique l'exercice du droit de rétractation, tout en permettant à la vente de se réaliser immédiatement.

Dans ces conditions, votre commission est favorable aux modifications apportées tant dans le code de la consommation que dans le code général des impôts. Elle a adopté cet article sans modification.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 25 bis (nouveau) (art. L. 731-1, L. 732-1, L. 732-3 et L. 732-4 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation) - Procédure devant la commission de surendettement

Objet : Cet article modifie la procédure devant les commissions de surendettement en limitant la phase amiable au seul cas où le débiteur est propriétaire d'un bien immobilier, en imposant l'acceptation tacite des créanciers au plan de redressement et en modifiant la notion de capacité de financement d'un débiteur.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques a entendu modifier certaines dispositions du code de la consommation relatives au traitement des situations de surendettement.

Les 1° et 2° du I de cet article modifient ainsi l'intitulé du chapitre Ier du titre III du livre VII du code de la consommation, dans sa version recodifiée par de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, ainsi que l'article L. 731-1 de ce code, afin de déterminer ce qu'un débiteur peut mobiliser de son patrimoine ou de ses revenus afin d'assurer le remboursement de ses dettes.

La notion actuellement retenue par le code est la « capacité de remboursement ». Y serait substituée celle du «  montant des remboursements ».

Les 3° et 4° du même I modifient les dispositions relatives au plan conventionnel de redressement.

L'article L. 732-1 dispose actuellement que si l'examen de la demande de traitement de la situation de surendettement fait apparaître que le débiteur ne se trouve pas dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre des mesures de traitement, la commission de surendettement s'efforce de concilier les parties en vue de l'élaboration d'un plan conventionnel de redressement approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers. Désormais, cette conciliation ne serait applicable que dans le cas où le débiteur est propriétaire d'un bien immobilier .

En outre, aux termes de l'article L. 732-3 du même code, le plan de redressement prévoit les modalités de son exécution. Sa durée totale, y compris lorsqu'il fait l'objet d'une révision ou d'un renouvellement, ne peut excéder sept années. Les mesures peuvent cependant excéder cette durée lorsqu'elles concernent le remboursement de prêts contractés pour l'achat d'un bien immobilier constituant la résidence principale du débiteur dont elles permettent d'éviter la cession ou lorsqu'elles permettent au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes tout en évitant la cession du bien immobilier constituant sa résidence principale.

Désormais, afin d'éviter que, faute de réponse des créanciers, la procédure se retrouve bloquée, serait institué le principe d'un accord implicite des créanciers au projet de plan, au terme d'un silence gardé pendant un délai fixé par décret.

Le 5° abroge l'article L. 732-4 du code de la consommation, en supprimant purement et simplement la possibilité actuellement reconnue à la commission de surendettement, lorsque la situation du débiteur, sans qu'elle soit irrémédiablement compromise, ne permet pas de prévoir le remboursement de la totalité de ses dettes et que la mission de conciliation de la commission paraît de ce fait manifestement vouée à l'échec, de suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans ou recommander notamment un effacement partiel des créances.

Le 6° assure à l'article L. 733-1 une coordination liée à la modification apportée au 5° du I du présent article.

Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur différée au 1 er janvier 2018 des 3° à 6° du I, qui ne s'appliqueraient ainsi qu'aux dossiers de surendettement déposés à partir de cette date.

II. La position de votre commission

Le surendettement des personnes physiques est une situation qui doit connaître des mesures de traitement rapides afin d'aider ceux qui connaissent cette situation, mais sans porter une atteinte inconsidérée aux droits des créanciers.

Selon les informations communiquées par la Banque de France, chargée d'assurer le secrétariat des commissions de surendettement, cet article qui donne corps au résultat d'un travail avec toutes les parties concernées vise à simplifier la procédure de surendettement afin de renforcer son efficacité et d'apporter plus rapidement une solution à nos concitoyens surendettés.

Votre commission constate néanmoins que cette réforme ne présente pas de lien direct avec d'autres mesures du texte. En outre, si l'institution d'un principe d'accord tacite des créanciers au plan conventionnel de redressement est pertinente, la suppression de toute phase amiable en l'absence de bien immobilier pose question.

Surtout, cette disposition a été introduite alors que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de modernisation de la justice du 21e siècle, le Gouvernement a déposé un amendement, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, visant à modifier assez profondément le régime de procédure devant la commission de surendettement, en supprimant les cas d'homologation judiciaire des décisions prises par cette dernière. 1 ( * ) Or, il ne saurait être de bonne pratique que deux véhicules législatifs concurrents soient utilisés concomitamment pour procéder à une réforme importante du dispositif de lutte contre le surendettement.

Pour cette raison, votre commission a estimé que ces dispositions n'avaient pas leur place dans le présent projet de loi . À l'initiative de son rapporteur, elle a en conséquence décidé de donner un avis défavorable à l'adoption de cet article et adopté un amendement tendant à sa suppression (amendement n° COM-222) .

Votre commission a donné un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 29 bis A (art. L. 312-12 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation) - Information préalable délivrée au consommateur en matière de crédit à la consommation

Objet : cet article tend à compléter les informations devant être contenues par la fiche d'information standardisée remise à l'emprunteur d'un crédit à la consommation. Devraient y figurer désormais des informations relatives à ses droits et aux procédures applicables en cas d'accident de la vie .

I. Le droit en vigueur

À l'issue de la recodification du code de la consommation opérée par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, les dispositions de l'article L. 311-6 de ce code ont été reprises sans modification au sein d'un article L. 312-12.

Ces dispositions posent le principe d'une information du consommateur, préalable à la conclusion d'un contrat de crédit à la consommation , sous la forme d'une fiche d'informations écrite ou fixée sur un autre support durable. Elles imposent au prêteur ou à l'intermédiaire de crédit de donner à l'emprunteur les informations :

- d'une part, nécessaires à la comparaison de différentes offres ;

- d'autre part, permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement .

Plus spécifiquement, cette fiche doit comporter la mention obligatoire : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager » ainsi que, lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui la souscription d'une assurance, le coût de celle-ci. 2 ( * ) Pour le reste, la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

L'existence d'une fiche d'information et son contenu résulte des dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, qui imposent la mise à disposition du consommateur d'une fiche d'information européenne normalisée (Fipen).

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des finances, l'Assemblée nationale, à la suite d'un avis de sagesse du Gouvernement, a entendu compléter le contenu obligatoire de la fiche d'information prévue par l'article L. 331-12 du code de la consommation afin que celle-ci comporte également des informations permettant à l'emprunteur de « connaître ses droits et d'avoir connaissance des procédures applicables en cas de perte d'emploi, de décès, d'invalidité, de divorce, de rupture de pacte civil de solidarité ou de séparation ».

III. La position de votre commission

La bonne information préalable de l'emprunteur est une condition essentielle à son consentement éclairé à l'acceptation d'un crédit à la consommation. À cet égard, la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a permis d'accomplir des progrès considérables en la matière en améliorant la qualité de cette information.

L'Assemblée nationale a poursuivi l'objectif tout-à-fait louable d'informer au mieux les emprunteurs de la situation parfois complexe qu'ils pourront connaître en cas d'accident de la vie dans le cadre de leur engagement de crédit. Pour autant, votre commission estime que la réponse apportée n'est pas pertinente.

D'une part, compte tenu de la multiplicité des situations de fait et de droit à prendre en compte, les prêteurs et intermédiaires de crédit ne pourront valablement s'acquitter de leur obligation d'information qu'au prix de développements particulièrement détaillés et complexes, dont il n'est pas certain qu'ils soient réellement pris en considération par les consommateurs, préalablement à la conclusion du contrat.

D'autre part, alors même que l'ambition du Fipen est d'assurer un cadre uniforme d'informations dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, le présent article romprait cette uniformité en prévoyant une obligation d'information nouvelle et valable uniquement pour la distribution du crédit à la consommation en France. La disposition apparaît ainsi clairement contraire aux dispositions du droit de l'Union européenne.

Dans ces conditions, à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a décidé de supprimer cet article (amendement n° COM-202) .

Votre commission proposera à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 29 bis B (nouveau) (art. L. 313-31 du code de la consommation) - Information des emprunteurs sur les documents que doit contenir la demande de substitution d'assurance dans le cadre d'un crédit immobilier

Objet : Cet article tend à préciser que, dans le cadre d'un crédit immobilier, le prêteur doit informer l'emprunteur des documents que doit contenir la demande de substitution d'assurance.

I. Le droit en vigueur

Les articles L. 313-8 et suivants du code de la consommation, dans sa version recodifiée, imposent au prêteur d'un crédit immobilier, lorsqu'il propose à l'emprunteur une assurance destinée à garantir son éventuel défaut de remboursement du crédit, de mentionner son coût. Néanmoins, l'emprunteur n'est pas tenu de souscrire l'assurance que lui propose le prêteur et peut décider de recourir à une autre garantie.

À cette fin, le 7° de l'article L. 313-25 du code de la consommation prévoit notamment que l'offre écrite de crédit doit mentionner que l'emprunteur peut souscrire auprès de l'assureur de son choix une assurance dans les conditions fixées aux articles L. 313-29 et L. 313-30 du même code.

Ces deux dernières dispositions prévoient en effet, lorsque le prêteur propose à l'emprunteur un contrat d'assurance en vue de garantir en cas de survenance d'un des risques que ce contrat définit soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt :

- d'une part, qu'au contrat de prêt doit être annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l'assurance ;

- d'autre part, que toute modification apportée ultérieurement à la définition des risques garantis, aux modalités de la mise en jeu de l'assurance ou à la tarification du contrat est inopposable à l'emprunteur qui n'y a pas donné son acceptation ;

- enfin, que lorsque l'assureur a subordonné sa garantie à l'agrément de la personne de l'assuré et que cet agrément n'est pas donné, le contrat de prêt est résolu de plein droit à la demande de l'emprunteur sans frais ni pénalité d'aucune sorte. Cette demande doit être présentée dans le délai d'un mois à compter de la notification du refus de l'agrément.

En outre, elles disposent que :

- jusqu'à la signature de l'offre par l'emprunteur, le prêteur ne peut refuser en garantie un autre contrat d'assurance dès lors que ce contrat présente un niveau de garantie équivalent au contrat d'assurance de groupe qu'il propose. Il en est de même lorsque l'emprunteur fait usage de son droit de résiliation dans un délai de douze mois à compter de la signature de l'offre de prêt ;

- au-delà de ce délai de douze mois, le contrat de prêt peut prévoir une faculté de substitution du contrat d'assurance en cas d'exercice par l'emprunteur du droit de résiliation d'un contrat d'assurance de groupe ou individuel mentionné. Dans ce cas, l'existence d'une faculté de substitution ainsi que ses modalités d'application sont définies dans le contrat de prêt. Toute décision de refus doit alors être motivée.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Par l'adoption de trois amendements identiques de M. Abad, Mme Louwagie et M. Colas, avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié en séance publique l'article L .313-31 du code de la consommation afin de préciser que le prêteur d'un crédit immobilier doit informer l'emprunteur des documents que doit contenir la demande de substitution d'assurance.

Selon les auteurs de ces amendements, il s'agirait ainsi d'éviter de voir prospérer des comportements dilatoires de prêteurs face aux demandes de substitution d'assurance faites par les emprunteurs. Alors que le délai de dix jours court à compter de la réception de cette demande par le prêteur, de nombreux consommateurs ne parviennent pas à faire courir ce délai, leur demande de substitution étant jugée incomplète par les prêteurs.

III. La position de votre commission

Imposer au prêteur qu'il expose clairement à l'emprunteur les documents qu'il doit produire pour que la demande de substitution d'assurance garantissant son crédit immobilier puisse réellement être prise en compte apparaît comme une mesure pertinente.

En revanche, l'insertion de cette disposition à l'article L. 313-31 du code de la consommation n'apparaît pas la plus efficiente car elle implique que cette information sera fournie très tard dans le processus de formation du contrat.

Votre commission estime qu'il convient que cette information précise et légitime intervienne dès l'offre de crédit . Dans ces conditions, elle a adopté un amendement de votre rapporteur intégrant cette obligation à l'article L. 313-25 du code de la consommation et supprimant la référence - superfétatoire - à un décret en Conseil d'Etat (amendement n° COM-203).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi rédigé.

TITRE V - DE L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES ENTREPRISES AGRICOLES ET DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES
Chapitre Ier - Mesures relatives à l'amélioration de la situation financière des exploitations agricoles
Article 30 AA (nouveau) (art. L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime) - Création d'un délit de mauvais traitement des animaux dans les abattoirs et lors du transport.

Objet : Cet article étend le champ d'application du délit de mauvais traitement aux actes constituant des mauvais traitements commis dans les établissements d'abattage ou dans les établissements de transports d'animaux.

I. Le droit en vigueur

Reconnus par la loi comme des « êtres sensibles » 3 ( * ) , les animaux, et en particulier les animaux d'élevage, doivent être traités par leurs propriétaires successifs avec respect et dans le souci de préserver leur bien-être.

L'Union européenne s'est d'ailleurs dotée d'un arsenal juridique pour la protection animale : la directive CE 98/58 du Conseil établit les normes minimales de protection de tous les animaux d'élevage, tandis que d'autres législations de l'Union instaurent des normes de bien-être pour les animaux d'élevage pendant le transport et au moment de l'étourdissement ou de l'abattage. Des directives spécifiques couvrent la protection de catégories individuelles d'animaux telles que les veaux, les porcs et les poules pondeuses.

En droit national, l'article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime pose un principe général d'interdiction « d'exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu'envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité ». Il renvoie la définition des mesures de prévention et de protection des animaux au pouvoir réglementaire. Il ne prévoit pas de sanctions pénales en cas de non-respect de cette interdiction, ces sanctions étant précisées par deux articles :

- L'article R. 654-1 du code pénal sanctionne d'une contravention de 4 ème classe « le fait, sans nécessité, publiquement ou non, d'exercer volontairement des mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité ». Les mauvais traitements sont donc sanctionnés pénalement mais par une simple contravention, c'est-à-dire par une amende pouvant aller jusqu'à 750 euros.

- Par ailleurs, l'article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime prévoit une sanction plus lourde de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende dans certains cas particuliers de mauvais traitements. Cette sanction est encourue par « toute personne exploitant un établissement de vente, de toilettage, de transit, de garde, d'éducation, de dressage ou de présentation au public d'animaux de compagnie, une fourrière, un refuge ou un élevage » et exerçant ou laissant exercer « sans nécessité des mauvais traitements envers les animaux placés sous sa garde ». Les mauvais traitements sont donc considérés comme un délit dans les élevages, mais pas dans les établissements d'abattage ou de transport d'animaux car ceux-ci ne sont pas cités dans l'article L. 215-11. Dans ces établissements, les mauvais traitements ne peuvent donc être punis que d'une contravention, sur la base de l'article R. 654-1 du code pénal.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article 30 AA est issu de l'amendement n° 1448 du Gouvernement adopté par les députés lors de la lecture en séance. Il renforce le dispositif de sanctions pénales en cas de mauvais traitement envers les animaux, prévu à l'article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime.

Concrètement, cet article étend le délit de mauvais traitement aux établissements d'abattage ou de transports d'animaux.

Ce délit serait constitué dès lors que les personnes exploitant un établissement d'abattage ou de transport d'animaux vivants commettraient ou laisseraient commettre des mauvais traitements aux animaux placés sous leur garde.

La rédaction proposée vise à sanctionner les exploitants des établissements dans lesquels se produisent des mauvais traitements. Le mauvais traitement étant qualifié de délit, il devient un manquement grave à la loi. Les salariés des abattoirs ou établissements de transport pourront donc les signaler aux autorités publiques sans être passibles de sanctions de la part de leurs employeurs, du fait de la nouvelle protection que leur offre le présent projet de loi.

III. La position de votre commission

La création d'un délit de mauvais traitement des animaux en abattoirs ou durant leur transport constitue un engagement pris par le Gouvernement lors du lancement le 5 avril 2016 du plan d'actions en faveur du bien-être animal pour les animaux d'élevage et les animaux de compagnie.

Ce plan faisait suite à la dénonciation par voie de presse de mauvais traitements dans plusieurs abattoirs par une association de protection animale, s'appuyant sur des documents audiovisuels.

Le groupe d'études de l'élevage du Sénat avait auditionné le cabinet du ministre chargé de l'agriculture le 7 avril dernier afin d'insister sur la nécessité d'une action énergique et responsable en matière de protection animale.

Certains députés ont regretté que l'amendement ait été présenté et adopté avant même que la commission d'enquête constituée à l'Assemblée nationale sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français n'ait rendu ses conclusions.

Pour autant, il s'agit d'une mesure nécessaire et finalement assez évidente pour combler un vide juridique : il n'y a aucune raison que la maltraitance d'un chien dans un chenil soit plus sanctionnée que la maltraitance d'une vache dans un abattoir. Il n'y a pas non plus de raison que le mauvais traitement d'un cochon dans un élevage soit sanctionné plus sévèrement que le mauvais traitement du même cochon lors de son transport ou à l'abattoir.

Aussi, votre commission a approuvé l'alignement par le haut des sanctions pénales en cas de mauvais traitement des animaux dans les abattoirs ou lors de leur transport.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 30 AB (nouveau) (art. L. 143-4 du code rural et de la pêche maritime) - Exemption du droit de préemption des SAFER pour les cessions de droits sociaux au profit d'un associé exploitant depuis plus de dix ans.

Objet : Cet article prévoit une exemption de droit de préemption des SAFER pour les cessions de droits sociaux au profit d'un associé exploitant depuis plus de dix ans. Cette mesure est nécessaire pour éviter qu'un agriculteur exploitant dans le cadre sociétaire ne puisse reprendre les parts de ses associés, lorsque ceux-ci quittent l'exploitation.

I. Le droit en vigueur

Les exceptions au droit de préemption des SAFER sont précisées à l'article L. 143-4 du code rural et de la pêche maritime. Ainsi, les cessions amiables dans le cadre de procédures d'aménagement foncier rural, les cessions entre parents jusqu'au quatrième degré ou dans le cadre de successions, ou encore les cessions aux associés ou salariés reprenant l'exploitation échappent au droit de préemption des SAFER.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté en séance un amendement n° 875 du rapporteur, M. Dominique Potier, pour ajouter un nouveau cas d'exemption du droit de préemption des SAFER, par coordination avec le nouveau mécanisme proposé à l'article 30 A.

Cet article oblige en effet à affecter les biens immobiliers agricoles et droits sur ces biens au capital des sociétés, soumettant de fait les cessions de ces actifs au droit de préemption des SAFER.

L'article 30 AB prévoit donc que les cessions au profit d'un exploitant associé au sein de la société depuis au moins dix ans des droits sociaux correspondant aux biens et droits fonciers affectés au sein de la société agricole ne peuvent pas faire l'objet d'une préemption. Il s'agit en effet de ne pas faire obstacle à la reprise des parts d'une exploitation par un associé de longue date, afin de perpétuer l'exploitation.

III. La position de votre commission

L'article 30 AB est nécessaire pour limiter les effets de l'extension du droit de préemption des SAFER à toute part sociale, dès lors que cette part sociale constitue la contrepartie de terres ou de droits sur des terres agricoles. Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'article 30 A, qui suscite les mêmes interrogations de votre rapporteur. Votre commission ne l'a donc pas supprimé, même si de fortes réserves se sont manifestées sur le mécanisme d'affectation, inédit en droit des sociétés.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 30 AC (nouveau) (art. L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime) - Obligation de conserver dix ans les droits sociaux reçus en contrepartie d'un apport en société de terres agricoles

Objet : Cet article encadre le mécanisme d'apport en société portant sur des immeubles agricoles. Il crée une obligation de conserver pendant dix ans les droits sociaux correspondant à l'apport en société de biens immobiliers agricoles, sous peine de nullité de l'apport.

I. Le droit en vigueur

Le capital social des entreprises est constitué de manière très libre par les entrepreneurs, qui peuvent librement définir les contreparties monétaires ou réelles correspondantes. Un agriculteur qui apporte ses terres au capital de la société agricole lors de la création reçoit en contrepartie des parts sociales.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative du rapporteur M. Dominique Potier, les députés ont adopté en séance un amendement n° 876 complétant l'article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime.

Cet amendement encadre le mécanisme d'apport en société portant sur des immeubles agricoles. Cet encadrement est nécessaire pour éviter les contournements du nouveau mécanisme permettant aux SAFER d'exercer un droit de préemption sur les parts sociales constituant la contrepartie de terres agricoles ou de droits sur lesdites terres.

L'article 30 AC crée une obligation de conserver pendant dix ans les droits sociaux correspondant à l'apport en société de biens immobiliers agricoles, sous peine de nullité de l'apport.

Le dispositif prévu bloque juridiquement la possibilité d'effectuer un apport de terres en société et de céder rapidement les parts correspondantes, pour échapper au droit de préemption des SAFER.

III. La position de votre commission

La solution qui est proposée est la conséquence logique du nouveau mécanisme prévu à l'article 30 A. Mais elle s'appliquera aussi à des sociétés existantes comme les groupements fonciers agricoles (GFA). Votre rapporteur a les mêmes réserves sur cet article que sur les deux autres articles relatifs au foncier agricole. Toutefois, il n'a pas souhaité supprimer ces dispositions au stade des débats de commission.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 30 A (nouveau) (art. L. 143-15-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Obligation d'affectation spéciale au sein du capital de toute société des apports de droits ou biens immobiliers agricoles

Objet : Cet article crée une obligation nouvelle pour les sociétés qui reçoivent des dotations sous forme de biens ou droits immobiliers agricoles : le capital issu de ces dotations doit être clairement identifié au sein du capital social de l'entreprise. La conséquence de cette innovation consiste à soumettre toute cession ultérieure de ces parts au droit de préemption des SAFER.

I. Le droit en vigueur

La loi donne aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) une mission générale de protection des espaces agricoles, naturels et forestiers. Les SAFER doivent favoriser l'installation, le maintien et la consolidation d'exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable et ont été le bras armé des politiques de remembrement.

Pour exercer leur mission, les SAFER disposent d'importantes prérogatives , notamment d'un droit de préemption général sur les cessions de terres agricoles, outre les acquisitions amiables, qui restent le mode le plus fréquent d'acquisition foncière par les SAFER.

Les biens acquis n'ont pas vocation à rester dans le patrimoine des SAFER mais doivent être rétrocédés aux exploitants agricoles, avec une priorité à l'installation.

L'article 29 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a procédé à un renforcement important des pouvoirs des SAFER :

- les SAFER doivent être informées préalablement par le cédant de tout projet de cession de parts ou d'actions de société entrant dans leur champ d'intervention : ainsi les SAFER ont connaissance des mouvements portant sur la propriété des entreprises agricoles et structures de portage foncier (article L. 141-1-1 du code rural et de la pêche maritime) ;

- les SAFER peuvent aussi exercer leur droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de la « totalité des parts ou actions d'une société ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole, lorsque l'exercice de ce droit a pour objet l'installation d'un agriculteur 4 ( * ) » . La LAAF a ainsi étendu de manière substantielle le droit de préemption des SAFER, qui a été élargi également aux donations et aux cessions démembrées entre nue-propriété et usufruit. Elle n'a cependant pas autorisé la préemption sur les cessions partielles de parts : l'acquisition de terrains ou de droits par les SAFER a vocation à être suivie par une rétrocession, et il paraissait difficile d'envisager une telle rétrocession en cas d'acquisition de parts et non pas d'une entité économique complète. Ainsi, lors des cessions partielles de parts de groupements fonciers agricoles (GFA), la SAFER ne peut se porter acquéreuse que par la voie amiable.

Le décret d'application du 2 août 2015 de ces nouvelles dispositions en a permis l'application depuis le 1 er janvier 2016.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative du rapporteur M. Dominique Potier, les députés ont adopté en commission un amendement créant un nouvel article L. 143-7-3 au sein du code rural et de pêche maritime, destiné à limiter l'acquisition de biens fonciers agricoles par des personnes morales à celles seulement soumises au droit préemption des SAFER.

Une prise de participation majoritaire n'est en effet pas soumise au droit de préemption des SAFER : seule la cession de 100 % de parts de société agricole peut faire l'objet de l'exercice du droit de préemption des SAFER. L'amendement adopté, tout en ne soumettant pas formellement les cessions partielles de parts de société au droit de préemption des SAFER, subordonnait le droit d'acquisition de ces parts au fait de se situer dans le champ d'application de ce droit de préemption. En pratique, cette mesure revenait à empêcher les cessions partielles de parts de sociétés agricoles.

Avec ce nouvel article, il s'agissait de contrer une pratique d'acquisition indirecte de terres par des sociétés dont le but est clairement spéculatif , à l'instar de l'opération de rachat de terres agricoles menée dans le Berry par des investisseurs chinois.

Le dispositif proposé est cependant très probablement anticonstitutionnel . C'est pourquoi un autre dispositif a été adopté en séance à l'initiative du rapporteur M. Dominique Potier.

L'amendement n° 1365 a totalement réécrit l'article 30 B. Il introduit un article L. 143-15-1 dans le code rural et de la pêche maritime pour imposer une transparence des acquisitions foncières , qu'elles soient réalisées par un agriculteur exerçant sous un statut non sociétaire ou par une société à objet agricole ou non. La nouvelle disposition oblige les sociétés à affecter les apports de droits ou biens immobiliers agricoles à leur capital, en identifiant des parts ou actions qui en sont les contreparties. Cette disposition conduit à exiger la constitution d'un « quasi-GFA », sans la personnalité morale attachée au GFA.

Dès lors que l'article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime précise que le droit de préemption des SAFER s'exerce sur les droits et biens immobiliers à usage agricole mais aussi sur les « biens mobiliers qui leur sont attachés », une telle disposition ouvre la possibilité aux SAFER d'exercer leur droit de préemption en cas de cession de ces parts ou actions. Le deuxième alinéa du nouvel article L. 143-15-1 explicite davantage encore l'intention des auteurs de l'amendement en précisant que « les parts et actions résultant de cette affectation sont assimilés aux biens qu'elles représentent pour l'exercice du droit de préemption » des SAFER.

Les SAFER disposent d'un délai de six mois pour saisir le juge en cas d'irrégularité, pour faire annuler les cessions ou se faire reconnaître comme acquéreur en lieu et place de l'acquéreur initial.

III. La position de votre commission

Le contournement du droit de préemption des SAFER à travers des cessions partielles de parts de sociétés agricoles, par exemple des sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA), constitue une réelle source de préoccupation.

Certes, les montages sociétaires restent encore minoritaires en agriculture, même si les nouvelles installations s'effectuent désormais très majoritairement sous cette forme. Lorsqu'ils existent, ils prennent la forme soit de l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) soit du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC). Ces deux formes de l'exploitation agricole représentaient en 2010 respectivement 76 000 et 37 000 exploitations sur les 140 000 exploitations sous forme sociétaire. Les sociétés anonymes (SA) et sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) à objet agricole et les sociétés civiles d'exploitations agricoles (SCEA) ne représentaient respectivement que 5 000 et 20 000 exploitations, pour une moyenne de moins de 100 hectares par exploitation 5 ( * ) .

La solution proposée est astucieuse, mais paraît compliquée à mettre en oeuvre : identifier des parts spécifiques reliées à des droits ou biens immobiliers agricoles est simple au moment de l'acquisition de ces droits ou biens, mais rien n'est dit de l'évolution de leur valorisation.

En outre, elle pourrait être en contradiction avec le principe d'unicité du patrimoine en droit des sociétés .

Votre rapporteur est conscient que les montages juridiques destinés à échapper au droit de préemption des SAFER se développement à grande vitesse pour l'acquisition de terres agricoles dans une logique spéculative, au détriment de l'agriculture et des agriculteurs. Il est donc urgent d'agir. Toutefois des dispositions d'une telle ampleur auraient mérité de figurer dans un texte consacré à part entière au foncier agricole, et non pas à travers des amendements de dernière minute déposés sur le premier véhicule législatif possible, dont l'étude d'impact n'a pas été faite.

Votre rapporteur n'a pas proposé à ce stade de modification, réservant sa position pour la séance publique.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 30 B (nouveau) (art. L. 631-24, L. 631-25, L. 631-27 et L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime) - Extension du contrôle des structures aux cessions de capital des exploitations agricoles sous forme sociétaire

Objet : Cet article, introduit par les députés en commission, renforçait le contrôle des structures en soumettant à autorisation préalable des cessions de capital des exploitations agricoles sous forme sociétaire. Il a été supprimé en séance.

I. Le droit en vigueur

Le chapitre 1 er du titre III du Livre III du code rural et de la pêche maritime organise le contrôle des structures des exploitations agricoles. Ce contrôle des structures consiste notamment à soumettre à autorisation administrative préalable certaines opérations comme la création ou l'agrandissement des exploitations agricoles ou encore la constitution de sociétés d'exploitation agricole.

La liste des opérations soumises à autorisation préalable est définie à l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime. Les concentrations excessives d'exploitations peuvent être refusées par l'autorité administrative.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté à l'initiative du rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Dominique Potier, un amendement étendant le contrôle des structures aux prises de participation au sein d'exploitations agricoles conduisant une personne physique ou morale à exercer un « contrôle effectif et durable dans cette exploitation en termes de décisions liées à la gestion, aux bénéfices et aux risques financiers ».

Cet amendement visait à contrer des phénomènes d'acquisitions de terres par des non-agriculteurs , dans une logique spéculative. En effet, le monde agricole s'est ému de l'acquisition dans l'Indre de terres agricoles à des prix très supérieurs aux prix du marché par des investisseurs chinois, craignant qu'à terme, les agriculteurs soient dépossédés de leur outil de travail.

Or, le dispositif proposé permet de soumettre au contrôle des structures des modifications dans la propriété de l'entreprise agricole, même en dehors de tout agrandissement. Certains collègues députés comme M. Antoine Herth ou Mme Catherine Vautrin se sont inquiétés en commission du risque de décourager l'apport de capitaux extérieurs, y compris familiaux ou de proximité, dans les exploitations agricoles, si l'article 30 B était adopté.

En séance, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement n° 1548 supprimant cet article. En effet, une telle extension du contrôle des structures à la propriété du capital change les objectifs de cette procédure et s'avère incompatible avec le principe constitutionnel de liberté d'entreprendre . Dans sa décision n° 2014-701 DC du 9 octobre 2014 sur la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs censuré la disposition permettant à l'administration de revoir pendant 5 ans une autorisation d'exploiter en cas de diminution du nombre d'emplois, pour atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. La rédaction proposée en commission par M. Dominique Potier expose à une censure du Conseil constitutionnel pour les mêmes motifs.

En outre, la liste des raisons justifiant le refus d'autorisation d'exploiter est définie à l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et la modification des associés ou de la répartition des parts sociales au sein d'une exploitation ne constitue pas une raison valable de refus. La disposition proposée est donc incomplète.

Enfin, le nombre de dossiers à traiter par les commissions départementales d'orientation de l'agriculture (CDOA) risquerait d'augmenter de manière considérable, les transferts de parts sociales étant assez fréquentes, notamment dans le cadre familial.

Au final, les députés ont donc supprimé cet article.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur partage la préoccupation consistant à lutter contre la spéculation foncière sur les terres agricoles et à favoriser la détention du capital foncier par les agriculteurs eux-mêmes. Mais la charge foncière peut être lourde pour les exploitations et le portage foncier par des tiers peut aussi avoir son intérêt. Il existe aussi d'importantes différences régionales entre faire-valoir direct et faire-valoir indirect.

Par ailleurs, la constitution de sociétés agricoles avec des apporteurs de capitaux extérieurs au monde agricole peut aussi permettre aux exploitants de financer des investissements lourds. La pénalisation de ces apporteurs de capitaux n'est pas souhaitable. Votre rapporteur note que des apporteurs de capitaux familiaux pourraient aussi être pénalisés.

Soumettre au contrôle des structures les prises de participation aboutissant au contrôle effectif et durable de l'exploitation agricole peut aussi créer une certaine insécurité juridique : comment qualifier le contrôle effectif et durable ?

Demander une nouvelle autorisation d'exploiter lors des changements dans le capital de l'exploitation agricole constitue une solution trop lourde au regard de l'objectif initial du contrôle des structures qui consiste à empêcher les agrandissements excessifs des exploitations. Votre rapporteur approuve donc la suppression de cet article.

Votre commission proposera à la commission des lois le maintien de la suppression de cet article.

Article 30 C (nouveau) (art. L. 631-24, L. 631-25, L. 631-27 et L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime) - Prise en compte d'indicateurs de coûts de production et de prix dans la contractualisation en agriculture, renforcement du rôle des organisations de producteurs et des obligations des acheteurs dans le cadre des contrats-cadre

Objet : Cet article modifie le cadre contractuel applicable pour l'achat de certains produits agricoles, en particulier le lait et les fruits et légumes. Il prévoit d'abord que les formules de prix devront prendre en compte les coûts de production ainsi que l'évolution des prix des marchés. Il demande ensuite qu'un accord-cadre précède la conclusion de contrats individuels lorsque la négociation est conduite par les organisations de producteurs. Les organisations de producteurs signataires d'accords doivent être destinataires de la part des acheteurs ayant reçu un mandat de facturation d'informations mensuelles sur les modes de calcul des prix, permettant de vérifier la facturation.

I. Le droit en vigueur

La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) du 27 juillet 2010 a créé un cadre spécifique pour la contractualisation concernant les produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation. L'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime prévoit la formalisation de contrats écrits et la nécessité de clauses minimales de ces contrats.

La loi a par ailleurs prévu la possibilité de rendre obligatoire la proposition de contrat par extension d'accords interprofessionnels, ou par décret. Deux décrets du 30 décembre 2010 rendent les contrats obligatoires pour les fruits et légumes frais et le lait de vache à compter du 1 er avril 2011 et un arrêté du 15 février 2011 rend applicable l'accord interprofessionnel signé spécifiquement dans le secteur de la viande ovine (agneau de moins de douze mois).

Les contrats écrits, obligatoires dans ces secteurs, doivent donc comprendre une série de clauses, notamment la durée du contrat, qui ne peut pas être inférieure à cinq ans dans le secteur laitier, les volumes et caractéristiques des produits à livrer, les modalités de collecte ou de livraison des produits, les prix ou critères et modalités de détermination du prix, les modalités de paiement, les règles applicables en cas de force majeure ou encore les modalités de révision et de résiliation du contrat.

L'application de ces règles est adaptée au secteur coopératif, puisque les statuts des coopératives doivent être mis en conformité avec les clauses contractuelles obligatoires.

Par ailleurs, l'article 114 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a introduit dans le code de commerce un article L. 441-8, qui prévoit que « les contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente » des certains produits alimentaires, « d ont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires », doivent comporter « une clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse ». Ces dispositions s'appliquent aussi aux coopératives, sous réserve d'adaptations techniques.

Les parties négocient librement tant le contrat que les clauses de négociation, du moment qu'ils respectent le cadre de contractualisation défini par la loi. S'agissant de contrats longs, les prix ne sont pas fixés de manière rigide mais résultent de l'application de formules de calcul, qui peuvent faire référence à des indices ou des indicateurs d'évolution des marchés.

L'article 15 de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF) de 2014 a perfectionné les mécanismes de contractualisation, notamment en prévoyant que les décrets instaurant la contractualisation obligatoire pourraient imposer l'intervention d'un contrat-cadre , signé par l'organisation de producteurs, lorsque celles-ci ont reçu mandat de négociation de leurs adhérents. Ce contrat-cadre devrait comporter toutes les clauses obligatoires en contractualisation individuelle. L'organisation de producteurs doit alors recevoir de la part de l'acheteur les informations en matière de volumes de livraison, de qualité et de prix, permettant de suivre l'exécution du contrat-cadre.

Ces dispositions sont cependant restées lettre morte dans la mesure où aucun décret n'est intervenu à ce jour pour imposer des contrats cadres. Ce mécanisme, dans le secteur du lait, n'a donc été mise en oeuvre que sur une base volontaire avec les industriels et les organisations de producteurs qui souhaitent réellement s'orienter vers une gestion collective des volumes et des prix.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative commune de M. Antoine Herth, de Mme Catherine Vautrin et de Mme Annick Le Loch, les députés ont adopté en commission des affaires économiques des dispositions visant à ajouter des références à des indicateurs publics de coût de production et à des indices de prix agricoles dans les formules de prix retenues entre agriculteurs et transformateurs, dans les secteurs où la contractualisation a été rendue obligatoire en vertu des dispositions de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

Cet article additionnel ainsi inséré dans le texte du projet de loi Sapin II reprend largement les dispositions contenues à l'article 1 er de la proposition de loi sénatoriale sur la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire. Constatant que les formules de prix étaient souvent établies par référence aux seuls « cours » constatés sur les marchés « spot », le Sénat avait souhaité que ces formules évoluent pour intégrer, dans des proportions et selon des modalités choisies par les co-contractants, un lien avec les coûts de production à travers l'utilisation d'indicateurs publics dans les formules de prix.

Les députés avaient rejeté la proposition de loi sénatoriale en première lecture, mais en reprennent désormais les dispositions, à quelques détails rédactionnels près. Votre rapporteur note que les députés, après l'avoir envisagé, n'ont pas retenu l'obligation dans les formules de prix de faire référence à des indicateurs de marges des entreprises agricoles, compte tenu du temps long nécessaire pour effectuer un tel calcul, ce qui ne permet pas de disposer de l'indicateur au moment de la détermination du prix.

Un sous-amendement du rapporteur, M. Dominique Potier, a cependant rendu plus complexe la rédaction des exigences législatives en matière de formules de prix, en demandant que les indicateurs de coût de production utilisés « reflètent la diversité des bassins de production et des modes de production agricoles au regard de la valorisation de la triple performance économique, sociale et environnementale des exploitations ».

En séance publique, les députés ont à nouveau fait évoluer l'article 30 C. Outre deux amendements bienvenus de clarification rédactionnelle du rapporteur, M. Dominique Potier, les députés ont adopté trois séries de dispositions :

- D'abord, ils ont encore complexifié la rédaction de la clause de référence aux indicateurs publics de coûts de production et aux indicateurs de marché . En adoptant un amendement de M. André Chassaigne, ils ont d'abord prévu que les indicateurs de coûts de production pourraient être établis par les interprofessions. Ensuite, ils ont adopté un amendement de Mme Annick Le Loch prévoyant que les formules de prix devraient faire référence à des indices de prix des produits fabriqués effectivement par l'acheteur. Concrètement, la formule de prix devra se baser sur le mix-produit de l'industriel, et ainsi refléter effectivement les fluctuations de marchés auxquelles il est réellement soumis. Ce même amendement demande que l'évolution des indices prix en compte pour l'application des formules de prix soit communiquée aux organisations de producteurs.

- Ensuite, les députés ont adopté un amendement du rapporteur, M. Dominique Potier, destiné à renforcer le rôle des organisations de producteurs à travers la négociation de contrats-cadre . Le texte prévoit de subordonner la conclusion de contrats individuels, pour les agriculteurs qui ont rejoint une organisation de producteurs, à la conclusion d'un accord-cadre conclu avec l'organisation de producteurs ou l'association d'organisation de producteurs concernée. Outre les clauses obligatoires des contrats, l'accord-cadre doit définir les volumes à livrer et les modalités de répartition et de gestion des volumes entre producteurs. Ce renforcement du rôle du contrat-cadre ou accord-cadre s'inscrit dans le prolongement des recommandations de la mission du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de décembre 2015 sur la mise en oeuvre de la contractualisation dans la filière laitière française (recommandation n° 14). Il s'agit de renforcer le pouvoir de négociation des agriculteurs à travers leurs organisations de producteurs. Le non-respect des nouvelles dispositions sur l'accord-cadre est susceptible des mêmes sanctions que le non-respect des dispositions sur la contractualisation obligatoire, prévues à l'article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime : une amende administrative pour l'acheteur d'un montant plafonné à 75 000 euros par producteur concerné.

Dans le même esprit, un amendement de M. Yves Daniel a été adopté pour obliger l'acheteur à transmettre chaque mois à l'organisation de producteurs signataire de l'accord-cadre les éléments figurant sur les factures individuelles des producteurs ayant donné mandat de facturation à l'industriel. Ainsi, l'application des formules de calcul des prix pourra être contrôlée par l'organisation de producteurs.

- Enfin, les députés ont adopté un amendement du rapporteur, M. Dominique Potier, donnant au médiateur des relations commerciales agricoles compétence pour examiner les accords-cadres.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur soutient pleinement le renforcement de la contractualisation en agriculture, dans le but de rééquilibrer les relations commerciales entre agriculteurs et industriels.

Outre un amendement rédactionnel de votre rapporteur ( amendement n° COM-228 ), votre commission a adopté quatre amendements à l'initiative de votre rapporteur, pour modifier substantiellement le dispositif de l'article 30 C.

- Un amendement a rectifié la rédaction des dispositions relatives aux formules de prix dans les contrats agricoles régis par l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Votre rapporteur souhaitait en effet que les contrats tiennent compte d'indicateurs de coûts de production et d'indicateurs de prix de marché mais en apportant une précision : l'indicateur de coût de production doit être un indicateur d'évolution de ces coûts de productions . Ce sont en effet les variations de coûts de production qui doivent avoir un effet sur les calculs des prix. Par ailleurs, la référence à la diversité des bassins de production et à la triple performance économique, sociale et environnementale est supprimée : en effet, pour que les indicateurs d'évolution des coûts de production puissent jouer, il faut qu'ils existent. En voulant trop raffiner, on risque d'obliger les co-contractants en agriculture à rechercher des indicateurs qui n'existent pas, rendant donc inopérante l'avancée obtenue avec l'article 30 C. Il convient de conserver un dispositif compréhensible par les acteurs économiques. Le même amendement a précisé, comme l'avait fait l'article 1 er de la proposition de loi votée au Sénat sur la compétitivité de l'agriculture et de l'agroalimentaire, que les indicateurs et indices peuvent être nationaux, régionaux ou européens, voire les trois à la fois. Enfin, l'amendement a conservé l'obligation de transmettre aux OP ou AOP, lorsque les contrats individuels découlent d'un accord-cadre, les éléments qui ont permis de calculer le prix, et en particulier les mouvements enregistrés sur les indicateurs ou indices publics retenus par le contrat ( amendement n° COM-223 ).

- Un autre amendement a visé à donner plus de force à l'accord-cadre , en précisant que l'accord-cadre n'est pas une faculté une obligation, lorsque les producteurs individuels ont adhéré à une organisation de producteurs ou une association d'organisations de producteurs. En outre, l'amendement fait de l'accord-cadre une obligation même lorsque la contractualisation a été décidée par accord interprofessionnel et non par décret, comme c'est le cas pour le lait de chèvre depuis le mois de mai 2016. Votre rapporteur considère en effet que subordonner la conclusion de contrats individuels à la seule négociation d'un accord-cadre n'est pas suffisant, car négociation ne veut pas dire conclusion. La rédaction proposée oblige à ce que le contrat-cadre intervienne avant le contrat individuel ( amendement n° COM-224 ).

- Un autre amendement a été adopté afin que la transmission mensuelle obligatoire à l'OP ou l'AOP des informations sur les facturations effectuées par l'acheteur pour le compte des producteurs agricoles soit valable aussi lorsque la contractualisation obligatoire a été mise en place par voie d'accord interprofessionnel ( amendement n° COM-225 ).

- Enfin, un amendement a été adopté pour permettre aux producteurs de révoquer chaque année le mandat de facturation donné à l'acheteur, lorsqu'ils ont opté pour un tel dispositif, ce qui est le plus souvent le cas ( amendement n° COM-226 ).

- En outre, un amendement a été adopté, sur proposition de M. Gérard César, pour imposer que les contrats-cadres comportent des clauses sur les modalités de négociation annuelle entre acheteurs et organisations de producteurs ( amendement n° COM-4 ).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 30 (art. L. 631-24-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Incessibilité à titre onéreux des contrats laitiers

Objet : Cet article interdit durant une période provisoire de sept ans la cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache entre producteurs laitiers.

I. Le droit en vigueur

Le système des quotas laitiers mis en place en 1984 a disparu au 31 mars 2015. Avec les quotas laitiers, les producteurs disposaient de fait d'une garantie de collecte de la part des transformateurs.

La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) de 2010 avait mis en place la contractualisation pour répondre par anticipation à la fin des quotas laitiers et offrir une garantie juridique de collecte aux 68 000 producteurs de lait français. À ce jour, 90 % d'entre eux aurait signé un tel contrat.

Le dispositif de la contractualisation en agriculture est régi par l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime . La contractualisation garantit aux agriculteurs que les laiteries collecteront effectivement le lait produit, une collecte rapide étant nécessaire pour que le lait soit utilisable. Cet engagement vaut pour une certaine quantité de lait, appelé « volume contractuel ». En cas de dépassement des volumes contractuels, des pénalités peuvent être appliquées. S'après les informations fournies par une organisation de producteurs consultée par votre rapporteur, ces pénalités peuvent aller jusqu'à 286 €/1 000 litres de lait excédentaires.

Malgré tout, certains producteurs souhaitent augmenter leurs volumes, notamment pour des raisons d'optimisation de leur outil de production et de rentabilisation de leurs investissements. Et parallèlement, certains éleveurs souhaitent réduire leur production voire la stopper. Une pratique d'échanges s'est donc mise en place entre producteurs de lait, moyennant des flux financiers entre agriculteurs.

Les contrats eux-mêmes peuvent prévoir des possibilités de transferts à l'identique, par exemple à l'occasion de reprises d'exploitations. Mais dans les autres cas, le transfert se matérialise par des avenants aux contrats, qui doivent être acceptés par toutes les parties. Ces cessions peuvent être totales ou partielles : dans ce dernier cas, le volume est réparti entre plusieurs producteurs de lait qui ont ainsi le droit d'augmenter leur production à destination de leur laiterie.

Pour faire bonne mesure, il faut aussi noter que, du côté des industriels, des possibilités d'échanges existent aussi : ainsi, pour optimiser les circuits de collecte, des accords de collecte sont passés entre laiteries. L'agriculteur ne livre donc pas toujours son co-contractant direct.

II. Le texte du projet de loi

L'article 30 du projet de loi remet en cause la cession à titre onéreux de contrats laitiers entre agriculteurs.

Le 23 mars 2016, lors du débat en deuxième lecture au Sénat de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire, le ministre Stéphane Le Foll s'était engagé à intégrer une disposition prévoyant l'incessibilité à titre onéreux des contrats laitiers dans le projet de loi Sapin II. Cet article applique donc cet engagement ministériel.

La cession de contrats laitiers à titre onéreux pose en effet une série de difficultés :

- Tout d'abord, elle pèse sur les charges des producteurs de lait , à un moment où les prix du marché sont extrêmement bas. L'étude d'impact annexée au projet de loi indique que le montant des transactions observées serait compris entre 150 et 450 € pour 1 000 litres de lait. L'organisation des producteurs Lactalis grand ouest (OPLGO), consultés par votre rapporteur, a indiqué que le prix moyen de transfert s'établirait plutôt à 191 € pour 1 000 litres. Il n'en reste pas moins que cela génère une charge non négligeable dans les comptes des producteurs de lait, à un moment où le marché est mal orienté.

- Ensuite, la cession de contrats laitiers à titre onéreux pourrait entraîner une délocalisation incontrôlée de la production , affaiblissant encore davantage les zones de déprise laitière.

- Ensuite, la cession de contrats, indépendamment du foncier, peut accroître l'industrialisation de la production laitière au détriment d'un modèle de fermes familiales.

L'article 30 met donc en place une interdiction de cession à titre onéreux entre producteurs des contrats laitiers conclus avec les laiteries, à travers un nouvel article L. 631-24-1 du code rural et de la pêche maritime. Cette interdiction comporte quatre caractéristiques :

- Elle est limitée à une durée de cinq ans : en effet, l'interdiction de cessibilité des contrats sans limite de durée risquerait d'être contraire aux principes de liberté contractuelle et de liberté d'entreprendre reconnus par le Conseil constitutionnel. La limitation de l'incessibilité à cinq ans correspond à l'objectif d'éviter la déstabilisation de la filière dans le contexte actuel marqué par la sortie des quotas.

- Elle est limitée aux cessions marchandes , les cessions non marchandes restant autorisées.

- Elle est limitée aux contrats concernant le lait de vache , et ne s'étend pas aux autres secteurs laitiers comme le secteur du lait de brebis ou du lait de chèvre, qui ne connaissent pas la même situation économique, et en particulier, qui n'ont pas connu de dispositifs de quotas de production.

- Enfin, son non-respect est assorti d'une nullité , qui est d'ordre public : l'acheteur ne peut donc pas valider la cession en validant le nouveau contrat.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Les députés ont approuvé l'article 30, en procédant à deux modifications en commission des affaires économiques :

- A l'initiative de plusieurs députés, issus de diverses sensibilités politiques, la durée de l'incessibilité à titre onéreux des contrats laitiers a été portée de cinq à sept ans, qui est la durée maximale de contrat dont bénéficient les jeunes agriculteurs.

- Un autre amendement du rapporteur M. Dominique Potier, a prévu explicitement que l'interdiction de la cession des contrats laitiers à titre onéreux concernait les cessions totales, mais aussi les cessions partielles.

Le dispositif n'a pas été modifié en séance publique.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur approuve pleinement l'incessibilité marchande des contrats laitiers.

L'article 30 est en réalité issu d'une demande du Sénat, qui avait voté en faveur de ce principe lors de la discussion de la proposition de loi en faveur de l'agriculture et de la filière agroalimentaire . Le dispositif voté au Sénat était légèrement différent sur la forme mais visait le même objectif.

Certes, la mise en place de l'interdiction des cessions à titre onéreux peut entraîner des pratiques opaques de « dessous-de-table », comme c'est parfois le cas pour contourner l'interdiction de cession de bail rural.

Pour autant, votre rapporteur estime qu'il faut une action énergique pour empêcher les agriculteurs de mettre en place des pratiques qui vont contre l'intérêt de l'ensemble de la profession.

À la gestion des volumes par des échanges marchands, une alternative existe : elle passe par le renforcement des organisations de producteurs qui doivent pouvoir organiser la gestion des volumes entre leurs adhérents. C'est ce que propose l'article 30 C, qui a reçu le soutien de votre rapporteur.

Votre commission a adopté un amendement de notre collègue Jean Bizet tendant à préciser que l'incessibilité concerne bien les contrats de lait eux-mêmes, et non pas les seules obligations qui en découlent ( amendement n° COM-48 ).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 30 bis (nouveau) - Rapport au Parlement

Objet : Cet article demande au Gouvernement de remettre au Parlement sous un an un rapport sur l'encouragement fiscal et réglementaire des contrats tripartites, de l'agriculture de groupe, du financement participatif du foncier agricole et du développement de pratiques commerciales équitables.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 30 bis est issu d'un amendement du rapporteur M. Dominique Potier, adopté en commission des affaires économiques, et qualifié par son auteur même « d'amendement d'appel ».

Dans sa version initiale, cet article demandait au Gouvernement de remettre au Parlement dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi Sapin II un rapport sur deux points :

- Le renforcement des missions de l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

- L'opportunité de favoriser fiscalement et réglementairement la mise en place de contrats tripartites et pluriannuels entre agriculteurs, transformateurs et grande distribution.

En séance, cet article a été modifié par deux amendements du rapporteur M. Dominique Potier et un sous-amendement de Mme Sophie Errante, en supprimant la demande tendant à examiner les pistes de renforcement des missions de l'observatoire des prix et des marges, ce renforcement étant prévu par plusieurs amendements à l'article 31, mais aussi en étendant considérablement le champ du rapport sur l'opportunité de favoriser certaines orientations de la politique agricole. Ainsi, le rapport ne porte plus sur les seuls contrats tripartites mais aussi sur trois autres sujets :

- L'agriculture de groupe, considérée comme assurant aux exploitants une gestion plus fine et une meilleure optimisation de leurs outils de production, et permettant davantage de stabilité et de performance économique, sociale et environnementale.

- Le portage foncier populaire par le biais du financement participatif, dans l'objectif affiché de contrer les logiques spéculatives de montages sociétaires peu transparents et de mobiliser les particuliers sur la situation économique des exploitations agricoles.

- Les pratiques commerciales éthiques et équitables.

II. La position de votre commission

Votre commission n'est traditionnellement pas favorable à la multiplication dans la loi de demandes de rapports au Parlement. Il s'agit là davantage de déclaration d'intentions que d'actions du législateur.

Certes, les sujets proposés sont importants :

- La mise en place d'une contractualisation longue permettant de répercuter les prix du producteur agricole au consommateur, en passant par le transformateur, est un objectif que les filières agricoles ont du mal à atteindre. Néanmoins, certaines initiatives ont été prises : ainsi le groupe Auchan a annoncé en février dernier avoir signé un accord avec une association de producteurs de porcs, le groupe Bigard et plusieurs transformateurs charcutiers dans le Nord. Un autre accord tripartite a été conclu dans la région Centre Val de Loire entre l'Association des producteurs de lait du bassin Centre (APLBC), la laiterie de Saint-Denis-de-l'Hôtel (LSDH) et le groupe Auchan, pour la vente de lait et produits laitiers sous marque de distributeur. Des expérimentations sont donc menées en la matière.

- L' agriculture de groupe se développe, et le droit fiscal comme le droit rural apportent déjà des réponses pour permettre aux agriculteurs de se regrouper : les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) connaissent en effet un réel succès depuis de nombreuses années.

- Le portage foncier populaire est un sujet d'importance. Au demeurant, votre rapporteur rappelle que la proposition de loi du Sénat sur la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire avait proposé la création d'un nouvel outil, non pas pour le portage du seul foncier agricole mais pour l'accompagnement du développement économique des exploitations agricoles et de l'industrie agroalimentaire à travers le Livret vert.

- Enfin, l'encouragement de pratiques commerciales éthiques et équitables se fait à travers différents labels aujourd'hui. Il convient cependant que ces labels soient évalués, contrôlés, de sorte que cette labellisation ne trompe pas le consommateur, et ne constitue pas un brevet de bonne conduite trop facilement délivré à des opérateurs pas toujours très scrupuleux.

Malgré toute la considération que votre commission porte à ces sujets, on peut s'interroger sur l'intérêt de demander un rapport au Parlement. Ces questions devront davantage être traitées dans le cadre de la réflexion plus globale sur les politiques agricoles qui devra être menée à la suite des échéances électorales de 2017.

C'est pourquoi votre rapporteur a proposé à votre commission d'adopter un amendement de suppression de l'article 30 bis ( amendement n° COM-217 ).

Votre commission proposera à la commission des lois de supprimer cet article

Article 30 ter (nouveau) (art. L. 514-2 du code rural et de la pêche maritime) - Publication des procès-verbaux de séance des chambres d'agriculture

Objet : Cet article pose le principe d'une publication par les chambres d'agriculture de leurs procès-verbaux de séance.

I. Le droit en vigueur

Les chambres d'agriculture sont des organismes consulaires, au même titre que les chambres de commerce et d'industrie et que les chambres de métiers et de l'artisanat. Ils ont le statut juridique d'établissements publics placés sous la tutelle de l'Etat et leur régime est défini par le Titre I er du Livre V du code rural et de la pêche maritime.

En application de l'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration, les chambres d'agriculture sont soumises aux obligations que la loi a prévues en matière de communication de documents administratifs. Les procès-verbaux des séances des chambres d'agriculture sont donc communicables aux agriculteurs.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 30 ter a été introduit suite à l'adoption en séance par les députés d'un amendement de M. Guillaume Garot complétant l'article L. 514-2 du code rural et de la pêche maritime.

Considérant que « les séances de chambres d'agriculture ne sont pas publiques, et encore trop rares sont celles qui publient leurs procès-verbaux », l'amendement demande une publication systématique de ces procès-verbaux.

Cette obligation s'applique à toutes les séances de l'ensemble du réseau des chambres d'agriculture : chambre départementale, chambre interdépartementale, chambre régionale et assemblée permanente des chambres d'agriculture.

III. La position de votre commission

Le projet de loi Sapin II a pour but de favoriser la transparence. Cet article participe à cet objectif. La publication permet en effet que tous accèdent à l'information. La rédaction proposée est suffisamment souple pour permettre une publication uniquement par voie électronique, ce qui limite donc les coûts de cette publicité . Votre rapporteur souligne que la loi n'impose pas une forme particulière aux procès-verbaux. Ils peuvent être intégraux ou synthétiques. La loi n'impose pas non plus de délai de publication. Ils devront être publiés dès qu'ils seront disponibles. Enfin, le texte ne propose pas de sanction en cas de non publication.

Favorable à la transparence, votre rapporteur propose l'adoption de cet article sans modification.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 31 (art. L. 682-1, L. 621-3 et L. 621-8 du code rural et de la pêche maritime) - Élargissement des missions de l'Observatoire des prix et des marges et attribution d'un pouvoir d'injonction de la publication des comptes sociaux au Président de l'Observatoire

Objet : cet article élargit les missions de l'Observatoire des prix et des marges et donne au Président de l'Observatoire la possibilité de saisir le Président du tribunal de commerce pour enjoindre les sociétés commerciales transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires de procéder à la publication de leurs comptes sociaux.

I. Le droit en vigueur

L'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OPM), créé par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010, est une structure légère placée auprès du ministre de l'agriculture, dont la mission est d'étudier « les coûts de production au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l'ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles »

Concrètement, le fonctionnement de l'OPM s'appuie sur FranceAgrimer. L'essentiel de son travail consiste à publier un rapport annuel, très complet, qui examine la répartition de la valeur ajoutée filière par filière. Le dernier rapport de l'OPM, présenté le 11 avril 2016, examine ainsi les marges brutes et coûts pour la filière viande porcine et charcuterie, pour la viande bovine, pour les volailles de chair, pour les produits laitiers, pour le pain, pour les pâtes alimentaires, pour les fruits et légumes et pour les produits de la pêche et de l'aquaculture. L'OPM a par ailleurs développé une méthodologie permettant de décomposer « l'euro alimentaire », afin d'évaluer quelle est la part de chacune des branches de l'économie contribuant, de près ou de loin, à la production alimentaire.

Dans son dernier rapport, l'OPM montre ainsi que l'agriculture ne représente que 18, 3 % de la valeur finale de la consommation alimentaire.

L'OPM dispose d'un président, désigné pour trois ans et d'un comité de pilotage, associant les représentants des différentes familles professionnelles : agriculteurs, industriels, distributeurs, mais aussi des consommateurs, ainsi que des experts. Le comité de pilotage programme les travaux de l'OPM et examine ses résultats. Des groupes de travail spécifiques par filière sont mis en place pour le travail technique.

FranceAgrimer et le service statistique public ont pour mission de transmettre à l'OPM les données nécessaires à ce travail . L'OPM peut aussi obtenir des informations directes des opérateurs économiques. En pratique, des échanges sont mis en place pour disposer de données de comptabilité analytique des grandes enseignes, indispensables à la qualité des travaux de l'OPM, qui est aujourd'hui reconnue.

Le défaut de réponse aux enquêtes obligatoires du service de la statistique publique est sanctionné par l'article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, qui prévoit une amende de 150 €, pouvant être portée à 2 250 € en cas de récidive, pour mauvaise réponse ou absence de réponse, après mise en demeure.

Les comptes des entreprises constituent une source importante d'information économique. La directive n° 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui devait être transposée avant le 20 juillet 2015, fixe le cadre européen relatif aux obligations d'information financière des entreprises. Les obligations diffèrent pour les micro-entreprises, petites entreprises, les entreprises de taille moyenne et enfin les grandes entreprises. L'article 30 de cette directive pose le principe de la publication des états financiers annuels et du rapport de gestion, accompagnés de l'avis du commissaire aux comptes. Les comptes consolidés doivent aussi faire l'objet de publication. Les petites entreprises peuvent bénéficier d'exemptions de publication.

Les articles L. 232-21 et suivants du code de commerce déclinent les obligations communautaires. Ils font obligation de déposer les comptes auprès du greffe du tribunal de commerce, pour être annexé au registre du commerce et des sociétés. Des exonérations existent pour les micro-entreprises et les petites entreprises.

Le défaut de dépôt des comptes entraîne deux catégories de sanctions :

- une sanction pénale , à travers une amende de 1 500 €, portée à 3 000 € en cas de récidive, prévue par l'article R. 247-3 du code de commerce ;

- une sanction civile , à travers une procédure prévue par l'article L. 611-2 du code de commerce : le président du tribunal de commerce peut adresser au représentant légal de l'entreprise une injonction de publication des comptes, sous astreinte. En cas d'inexécution, le tribunal peut liquider l'astreinte. Ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises.

Il existe donc un dispositif assez complet pour imposer la publication des comptes des entreprises, y compris celles de l'agroalimentaire.

II. Le texte du projet de loi

L'article 31 du projet de loi initial vise à modifier l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime pour mettre en place un dispositif spécifique imposant la publication des comptes pour les entreprises du secteur alimentaire. Les nouvelles dispositions permettent au président de l'OPM de saisir le président du tribunal de commerce pour enjoindre les dirigeants des sociétés commerciales transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires de procéder au dépôt de leurs comptes.

La sanction est précisée par rapport au droit commun : l'astreinte peut atteindre 2 % du chiffre d'affaires réalisé en France par la société concernée, par jour de retard.

L'exposé des motifs du projet de loi indique que cette disposition vise à permettre au Président de l'OPM de disposer d'outils efficaces pour disposer des informations dont a besoin l'OPM. En effet, plusieurs entreprises du secteur agroalimentaire, et non des moindres, ne déposent pas leurs comptes aujourd'hui.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Les députés ont fait évoluer la rédaction de l'article 31, tout en conservant l'économie générale du dispositif initial. Outre quelques amendements et sous-amendements rédactionnels, les députés ont enrichi le dispositif de trois ajouts :

- Un amendement de M. François André a été adopté pour préciser les missions de l'OPM . Au-delà de sa mission d'analyse des coûts aux différents stades de la filière alimentaire, les députés ont souhaité indiqué que l'OPM était chargé d'examiner « la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles ». Un autre amendement de M. Thierry Benoit a été adopté pour demander que l'OPM compare les données en termes de prix et marges à celles existantes dans les autres pays européens, ce qui élargit considérablement le champ de l'observation de l'OPM.

- Un amendement de M. Guillaume Garot a été adopté pour indiquer que l'OPM pouvait demander directement aux entreprises , sans passer ni par FranceAgrimer, ni par le service de la statistique publique, les « données nécessaires à l'exercice de ses missions ».

- Enfin, un amendement de M. François André a précisé que l'OPM devrait, par anticipation du rapport annuel, répondre aux demandes d'enquête adressées par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat .

Les députés n'ont pas adopté de modification au dispositif permettant au Président de l'OPM de saisir le tribunal de commerce pour enjoindre les entreprises du secteur alimentaire de publier leurs comptes. Cette obligation ne s'appliquera d'ailleurs qu'aux entreprises réalisant soit plus de 8 millions d'euros de chiffre d'affaires par an, soit ayant inscrit à leur bilan un actif de plus de 4 millions d'euros, soit employant plus de 50 salariés, les autres pouvant échapper à la publication des comptes. Les députés ont également refusé que les recettes correspondant au produit de l'astreinte soient affectées directement au secteur agricole, en rejetant un amendement en ce sens.

IV. La position de votre commission

La transparence des comptes est une exigence fondamentale pour la sincérité des relations économiques . La justesse des chiffres transmis à l'OPM est aussi la condition de la confiance des acteurs du monde économique de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans les résultats des travaux conduits.

Or, la crédibilité des résultats fournis par l'OPM est aujourd'hui clairement reconnue. Par ailleurs, le Président de l'OPM, entendu par votre rapporteur, a clairement indiqué que d'une part, il ne rencontrait pas aujourd'hui d'obstacles dans la transmission d'informations à l'OPM part les acteurs économiques et d'autre part, les données des comptes sociaux ne sont pas adaptées aux besoins de l'OPM, qui doit disposer de chiffres issus de la comptabilité analytique des entreprises et doit, pour cela, organiser un dialogue étroit avec les services financiers et comptables de celles-ci.

Enfin, il existe déjà aujourd'hui des outils juridiques pour obliger les entreprises récalcitrantes à publier leurs comptes, quel que soit leur secteur d'activité . Il n'y a pas de raison majeure de créer un dispositif d'exception pour les entreprises du secteur agroalimentaire.

Votre rapporteur a donc proposé à votre commission, qui l'a accepté, de mettre en place un mécanisme plus souple et dissuasif, reposant sur la « mauvaise publicité » faite aux entreprises refusant de transmettre les informations nécessaires au travail de l'OPM : la liste de ces acteurs trop peu coopératifs serait publiée sur le site de l'OPM.

L'amendement supprime aussi les élargissements de la mission de l'OPM . En effet, il dispose aujourd'hui de peu de moyens humains et son renforcement paraît difficile, compte tenu de la situation de FranceAgrimer. Il est donc préférable de concentrer ses forces sur le rapport annuel que de les disperser sur publications supplémentaires ou des demandes d'études ponctuelles, même émanant de demandes des commissions compétences du Parlement ( amendement n° COM-227 ).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 31 bis A (nouveau) (art. L. 310-2 du code de commerce) - Limitation dans le temps de la vente au déballage des professionnels

Objet : Cet article tend à limiter à deux mois par année civile la durée pendant laquelle des vendeurs professionnels peuvent pratiquer la vente au déballage dans un même arrondissement.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 310-2 du code de commerce soumet les ventes au déballage à un régime de déclaration préalable et limite dans le temps les possibilités d'y recourir.

Aux termes de cette disposition, sont considérés comme des ventes au déballage les ventes et rachats de marchandises effectués dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public ou au rachat de ces marchandises ainsi qu'à partir de véhicules spécialement aménagés à cet effet.

Les ventes au déballage ne peuvent excéder deux mois par année civile dans un même local ou sur un même emplacement . Toutefois, les ventes au déballage de fruits et légumes frais effectuées en période de crise conjoncturelle ne sont pas prises en compte pour le calcul de cette limite.

Les ventes au déballage font l'objet d'une déclaration préalable auprès du maire de la commune dont dépend le lieu de la vente .

Les particuliers non inscrits au registre du commerce et des sociétés sont autorisés à participer aux ventes au déballage en vue de vendre exclusivement des objets personnels et usagés deux fois par an au plus.

Ce régime n'est toutefois pas uniformément applicable. Ainsi, certains professionnels limitativement énumérés n'y sont pas soumis. Tel est le cas de ceux qui :

- effectuent, dans une ou plusieurs communes, des tournées de ventes ;

- réalisent des ventes aux enchères publiques, définies par l'article L. 320-2 ;

- ou justifient d'une permission de voirie ou d'un permis de stationnement pour les ventes réalisées sur la voie publique.

Elles ne sont pas davantage applicables aux organisateurs de :

- manifestations commerciales comportant des ventes de marchandises au public dans un parc d'exposition ;

- manifestations commerciales qualifiées de salon professionnel ne se tenant pas dans un parc d'exposition ;

- fêtes foraines et de manifestations agricoles lorsque seuls des producteurs ou des éleveurs y sont exposants.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de Mme Sophie Errante et plusieurs de ses collègues, et avec l'avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Gouvernement, le I de l'article L. 310-2 du code de commerce a été modifié afin de prévoir que les professionnels ne peuvent procéder à des ventes au déballage dans chaque arrondissement plus de deux mois par année civile.

Il s'agit d'éviter la concurrence déloyale que peut occasionner la vente au déballage pratiquée par des professionnels qui se contentent de changer de local ou d'emplacement tout en restant dans un périmètre très proche. Ce faisant, compte tenu du faible coût de leur installation, ils exercent une concurrence déloyale par rapport aux commerces pérennes installés à proximité qui supportent des exigences en matière d'hygiène autrement plus lourdes et coûteuses.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à un encadrement des pratiques de certains professionnels qui contournent les dispositions actuelles de l'article L. 310-2 du code de commerce et tiennent, dans les faits, des activités de vente ou de rachat de marchandises dans des conditions presque similaires à celles du commerce sédentaire sans en supporter les contraintes.

Elle a néanmoins adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement tendant à supprimer la notion de « professionnels » , qui pourrait conduire à une lecture a contrario des autres dispositions de l'article L. 310-2 du code de commerce et à intégrer dans cet article les dispositions prévues par l'article 31 bis B ( amendement n° COM-204 ).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi rédigé.

Article 31 bis B (nouveau) (art. L. 310-2 du code de commerce) - Transmission de la déclaration préalable de vente au déballage à l'autorité compétente en matière de concurrence et de consommation dans le département

Objet : Cet article tend à imposer la transmission à l'autorité chargée de la concurrence et de la consommation compétente au niveau du département la déclaration préalable prévue pour pratiquer la vente au déballage.

I. Le droit en vigueur

Le I de l'article L. 310-2 du code de commerce prévoit que l'autorité administrative qui reçoit la déclaration préalable en vue de l'exercice d'une activité de vente au déballage est le maire de la commune du lieu de vente.

Le fait de procéder à une vente sans cette déclaration ou en méconnaissance de cette déclaration est puni par l'article L. 310-5 du code de commerce d'une amende de 15 000 €, le juge pouvant par ailleurs ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage ou la publication de la décision prononcée.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À la suite d'un amendement de Mme Sophie Errante et plusieurs de ses collègues adopté en séance publique, auquel le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et le Gouvernement ont donné un avis favorable, l'Assemblée nationale a à nouveau modifié l'article L. 310-2 afin de prévoir qu'une copie de la déclaration préalable doit être adressée à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation dans le département - c'est-à-dire en général, la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).

III. La position de votre commission

L'information de la DDCSPP est indispensable pour que l'interdiction instituée à l'article 31 bis A du présent projet de loi puisse produire ses effets. Le maire, eu égard à sa compétence territoriale limitée à la commune, ne sera en effet pas en mesure de déterminer lui-même si le déclarant n'a pas déjà dépassé la période de deux mois pendant laquelle il peut vendre au déballage dans l'arrondissement. C'est bien, en pratique, la DDCSPP qui, centralisant les demandes formulées dans toutes les communes d'un même arrondissement, pourra informer le maire de ce que, le cas échéant, le vendeur a dépassé ou est en voie de dépasser la durée maximale de vente autorisée par la loi . Et c'est sur le fondement de cette information que le maire exercera ses prérogatives.

Votre commission est donc favorable à cette mesure.

Néanmoins, elle a souhaité, à l'initiative de votre rapporteur :

- d'une part, préciser que la copie de la déclaration préalable doit être adressée à la DDCSPP de manière concomitante au dépôt de celle-ci ;

- d'autre part, par souci de lisibilité, regrouper dans un seul article - à l'article 31 bis A - les dispositions modifiant l'article L. 310-2 du code de commerce.

Dans ces conditions, par coordination, elle a décidé de supprimer le présent article (amendement n° COM-205) .

Votre commission proposera à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 31 bis C (nouveau) (art. L. 441-6 et L. 441-10 [nouveau] du code de commerce) - Indication du prix des produits agricoles dans les contrats entre industriels et grande distribution et dans les contrats avec les marques de distributeurs

Objet : Cet article prévoit la mention obligatoire d'un prix prévisionnel payé aux agriculteurs dans les contrats entre industriels et grande distribution pour certains produits alimentaires, et une indication des prix d'achat des produits agricoles dans les contrats de conception-fabrication conclus pour la fabrication de produits sous marque de distributeurs.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 441-6 du code de commerce impose aux industriels de fournir aux acheteurs des conditions générales de vente qui constituent le socle de la négociation commerciale . Ces conditions générales de vente comprennent notamment le barème des prix unitaires de l'entreprise. Lorsque la négociation est conclue, une convention unique, prévue à l'article L. 441-7 du code de commerce, doit être signée entre industriel et acheteur : elle rappelle les conditions générales de vente et précise les conditions particulières de la convention, en particulier les réductions de prix et les contreparties qui les justifient.

Si l'industriel a l'obligation de fournir une grille tarifaire de départ, pour les produits agricoles et alimentaires comme pour les autres produits, il n'existe aucune obligation de détailler les raisons de cette grille tarifaire, ou les raisons des modifications de cette grille d'une année sur l'autre .

Or, les variations des prix des produits agricoles peuvent justifier des évolutions de tarifs, à la hausse comme à la baisse, en particulier lorsque le produit agricole représente une grande part de la valeur finale du produit, comme par exemple pour la brique de lait.

Les parties ont la liberté d'introduire dans les contrats des clauses de révision de prix , en les indexant sur des cours de matière première, mais la pratique semble peu fréquente.

Depuis l'été 2015, la grande distribution a mené plusieurs initiatives pour répondre à la crise agricole dans le lait, le porc et la viande bovine, en s'engageant à revaloriser les prix d'achat aux producteurs agricoles. Mais la grande distribution n'achète pas directement aux agriculteurs. Elle passe par l'industrie agroalimentaire. Or, la répercussion des mouvements de prix du consommateur vers le producteur est assez opaque . Au niveau macro-économique, elle est objectivée par l'Observatoire des prix et des marges. Mais au niveau micro-économique, elle n'est tracée dans aucun document et l'engagement des acteurs reste purement verbal.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 31 bis C est issu d'un amendement de séance du Gouvernement, accepté par les députés.

Le dispositif proposé vise à introduire un lien entre le prix payé à l'agriculture et le prix final des produits alimentaires. Il s'agit, lors des négociations entre distributeurs et transformateurs, de faire référence au prix qui sera payé in fine à l'agriculteur.

Il s'articule en deux blocs :

- L'article L. 441-6 du code de commerce est tout d'abord complété pour préciser que les conditions générales de vente des produits alimentaires comprenant un ou plusieurs produits soumis à la contractualisation agricole obligatoire (par exemple le lait), doivent indiquer le « prix prévisionnel moyen » qui sera proposé par l'industriel au transformateur. Ainsi, lors des négociations, l'impact sur les agriculteurs des baisses de prix demandées par les distributeurs pourra être calculé, ce qui mettra chacun devant ses responsabilités.

- Un nouvel article L. 441-10 est ajouté au code de commerce , pour introduire un mécanisme similaire, mais pas identique, dans les contrats concernant les produits sous marque de distributeur : les contrats d'une durée de moins d'un an portant sur la conception et la production des mêmes produits alimentaires que ceux visés dans la précédente disposition, devront non pas comporter un prix prévisionnel moyen, mais mentionner « le prix ou les modalités de détermination du prix d'achat » des produits agricoles non transformés entrant dans la composition des produits alimentaires objet du contrat de conception-fabrication. Là encore, l'objectif consiste à faire un lien entre le prix final vendu au consommateur et le prix de vente de l'agriculteur.

Ces deux nouvelles dispositions créent un pont entre les contrats LMAP (entre agriculteurs et transformateurs) et contrats LME (entre industriels et grande distribution), même si ils ne mettent pas encore en place un mécanisme de contrat tripartite.

III. La position de votre commission

Votre commission considère avec intérêt l'article 31 bis C, même si le dispositif proposé n'est pas exempt de réelles faiblesse :

- La portée juridique de l'engagement des industriels et des distributeurs vis-à-vis des agriculteurs reste très faible : le prix payé au producteur figurant dans les conditions générales de vente des contrats LME est un « prix prévisionnel moyen » et non le prix réel qui sera effectivement constaté. Il n'existe aucun mécanisme obligatoire de gestion des écarts entre prix prévisionnel et prix réel.

- L'établissement d'un prix prévisionnel moyen reste très incertain : en effet, pour de nombreux produits agricoles, la commercialisation ne peut s'effectuer qu'après une phase de transformation qui consiste à décomposer la matière première agricole en plusieurs sous-produits destinés à différents usages. Ainsi, le lait est décomposé en fromage, beurre, crème, yaourts et desserts lactés, lait frais conditionné, lait en poudre, lactosérum ou encore caséines. Les productions fromagères, à partir du même lait, peuvent elles-mêmes être très diverses : fromage sous appellation d'origine (par exemple munster), mais aussi fromage standard pour le surplus (par exemple emmental). En réalité, le prix prévisionnel qu'un industriel peut assurer aux producteurs dépend de son mix-produits, les produits bénéficiant d'une forte valorisation compensant ceux à faible valorisation. Pour certains produits, les calculs seront très difficiles à effectuer : retrouver le prix de la pomme dans la salade de fruit reste très incertain. Par ailleurs, les industriels qui ont des fournisseurs multiples avec des valorisations différentes de leurs approvisionnements risquent d'avoir beaucoup de mal à répondre aux nouvelles exigences législatives.

- Il existe aussi une incertitude sur la portée du nouvel article L. 441-10 du code de commerce : les contrats pour la fabrication de produits alimentaires sous marques de distributeurs devront-ils mentionner les prix ou modalités de détermination des prix de toutes les matières premières agricoles soumis à la contractualisation LMAP entrant dans la fabrication ce ces produits : une telle exigence paraît totalement inapplicable.

Votre rapporteur note par ailleurs que pour les contrats concernant la fabrication de produits alimentaires sous marque de distributeur, la nouvelle disposition propose d'indiquer le prix ou les modalités de détermination de prix des produits agricoles concernés, mais ne prévoit pas que ces prix ou modalités de détermination des prix fassent référence aux évolutions de coûts de production ou encore aux évolutions des prix de marché, alors que précisément, les articles précédents du projet de loi Sapin II introduisent une telle exigence dans la contractualisation LMAP. Cela risque d'introduire une distorsion entre les contrats en amont des filières agricoles et alimentaires et les contrats en aval de ces filières .

A ce stade, votre rapporteur n'a pas proposé de rectifier ou de supprimer les dispositions de l'article 31 bis C, qui présente l'intérêt d'établir un lien, même ténu, entre prix des produits en rayon et prix des produits agricoles en sortie de ferme. Le dispositif devra toutefois être perfectionné d'ici la lecture en séance publique, pour qu'il ne reste pas lettre morte, et surtout, afin d'éviter que l'outil ne se retourne contre les industriels et contre les agriculteurs.

Il n'y aurait rien de pire que de susciter de faux espoirs , avec au final une aggravation de la charge administrative de gestion des contrats par les acteurs économiques, sans effet sur l'agriculture.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 31 bis D (nouveau) (art. L. 442-6 du code de commerce) - Nullité des clauses soumettant un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure

Objet : Cet article tend à créer un cas de nullité spécifique en cas de soumission ou tentative de soumission d'un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure .

I. Le droit en vigueur

Le I de l'article L. 442-6 du code de commerce énumère des comportements constitutifs de pratiques restrictives de concurrence qui constituent des cas d'engagement automatique de la responsabilité civile d'un partenaire commercial dont le comportement a causé préjudice à un autre partenaire.

Il définit également, en son II, des cas de nullité à l'égard de clauses jugées particulièrement nuisibles à l'équilibre des relations commerciales. Ainsi, sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité :

- de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale ;

- d'obtenir le paiement d'un droit d'accès au référencement préalablement à la passation de toute commande ;

- d'interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu'il détient sur lui ;

- de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ;

- d'obtenir d'un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 mètres carrés qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence postcontractuelle, ou de subordonner l'approvisionnement de ce revendeur à une clause d'exclusivité ou de quasi-exclusivité d'achat de ses produits ou services d'une durée supérieure à deux ans.

L'annulation des clauses relatives au règlement entraîne l'application du délai supplétif de l'article L. 441-6 , sauf si la juridiction saisie peut constater un accord sur des conditions différentes qui soient équitables.

L'action en responsabilité ou en constatation de nullité des clauses ou contrats est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.

Lors de cette action, des pouvoirs spécifiques sont reconnus au ministre chargé de l'économie et au ministère public, qui peuvent demander à la juridiction saisie :

- d'ordonner la cessation des pratiques ;

- de faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu ;

- de prononcer une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. Cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en oeuvre ;

- la réparation des préjudices subis. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation.

La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne condamnée. La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte.

En outre, le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de M. Thierry Benoît et plusieurs de ses collègues, ainsi que de Mme Annick Le Loch et plusieurs de ses collègues, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de la commission des affaires économiques et du Gouvernement, un amendement tendant à compléter la liste des clauses ou des contrats considérés comme nuls en ajoutant le cas où cette clause ou contrat prévoyant la possibilité de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure.

III. La position de votre commission

Cet article additionnel tend à sanctionner un comportement récurrent dans la grande distribution, tendant à imposer des pénalités pour non-respect du taux de service, alors même que ce défaut provient de circonstances qui peuvent présenter un caractère de force majeure, qui constitue un cas d'exonération de la responsabilité civile.

Votre commission est favorable à ce qu'une telle pratique soit sanctionnée par la nullité, quoique, en tout état de cause, elle ne saurait par nature engager la responsabilité du fournisseur, puisqu'elle serait réputée ne pas être de son fait.

Elle a néanmoins adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement rédactionnel et assurant une coordination avec l'article L. 441-7 du code de commerce en matière de délais de paiement (amendement n° COM-206).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 31 bis E (nouveau) (art. L. 442-6 du code de commerce) - Publication, diffusion ou affichage obligatoire de la décision juridictionnelle relative à une pratique restrictive de concurrence

Objet : Cet article tend à imposer au juge d'ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de la décision juridictionnelle relative à une pratique restrictive de concurrence .

I. Le droit en vigueur

Lorsque le juge judiciaire est saisi d'une pratique prohibée en application de l'article L. 442-6, il peut, à titre de peine complémentaire à la cessation des pratiques, à la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l'indu, au prononcé d'une amende civile ainsi qu'à la réparation des préjudices subis, ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'il précise.

Cette faculté permet ainsi au juge de moduler les effets attachés à sa décision afin de les proportionner et de les individualiser au regard du comportement qu'il est chargé de sanctionner.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À la suite de deux amendements identiques présentés par Mme Annick Le Loch et plusieurs de ses collègues ainsi que M. Thierry Benoît et plusieurs de ses collègues, l'Assemblée nationale, en séance publique, après un avis défavorable du rapporteur de la commission des affaires économiques et du Gouvernement, a modifié l'article L. 442-6 afin d'imposer au juge la publication, la diffusion ou l'affichage obligatoire de sa décision juridictionnelle.

III. La position de votre commission

Votre commission reconnaît que la publication, la diffusion ou l'affichage d'une décision juridictionnelle peut être de nature à accroître la portée de celle-ci, notamment parce qu'elle met en cause « l'image de marque » des entreprises sanctionnées.

Néanmoins, d'une part, cette obligation présente un caractère général conduisant à la publication systématique de décisions qui peuvent ne sanctionner que des pratiques qui, pour être restrictives, n'en ont pas moins un impact limité dans le cadre des pratiques commerciales. D'autre part et sutout, elle contrevient au principe constitutionnel selon lequel il revient au juge d'individualiser la sanction qu'il prononce , au regard des éléments de fait et de droit qui se présentent à lui.

Pour ces motifs, votre commission a décidé, à l'initiative de son rapporteur, de supprimer cet article (amendement n° COM-207).

Votre commission proposera à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 31 bis F (nouveau) (art. L. 751-9 du code de commerce) - Mise à disposition du public des données établies par l'Insee relatives aux établissements du commerce de détail

Objet : Cet article tend à imposer la mise à disposition du public des données établies par l'Insee relatives aux établissements dont l'activité principale relève du commerce de détail .

I. Le droit en vigueur

Aux termes du II de l'article L. 751-9 du code de commerce, le service de l'Etat chargé de la réalisation d'études économiques en matière de commerce - c'est-à-dire l'Insee - est chargé d'élaborer une base de données recensant l'ensemble des établissements dont l'activité principale exercée relève du commerce de détail et comportant, notamment, l'indication de la surface de vente de ces établissements. Aux seuls fins statistiques, les agents de ce service sont habilités à recevoir, par les agents des services des impôts, les informations relatives aux comptes annuels des sociétés, ou pour les entreprises non soumises à l'obligation d'établissement de tels comptes, aux liasses fiscales destinées à établir leur résultat imposable annuel. 6 ( * )

L'Insee est ainsi habilité à se faire communiquer toutes les informations utiles à la réalisation de cette base de données. À l'occasion de l'élaboration de cette base de données, les agents des services, établissements, institutions et organismes qui détiennent ces informations sont déliés du secret professionnel à l'égard de ce service.

Cette même disposition prévoit que, dans les limites du secret statistique et du secret fiscal, l'Insee met à la disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que du réseau des chambres de commerce et d'industrie les données les concernant.

En pratique, sur le fondement de ces dispositions, l'Insee a mis en place la base de données ICODE, qui prend la forme d'un outil graphique interactif.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté à l'initiative de Mme Annick Le Loch et plusieurs de ses collègues avec l'avis favorable du rapporteur de la commission des affaires économiques et du Gouvernement, cet article additionnel tend à permettre la mise à disposition du public les données recensées par l'Insee qui concernent les établissements dont l'activité principale exercée relève du commerce de détail.

III. La position de votre commission

Bien que cette disposition n'ait que peu de lien avec les autres dispositions du titre V du présent projet de loi, elle présente l'intérêt d'une plus grande transparence de données qui à caractère public. Elle met en oeuvre une préconisation du Conseil économique, social et environnemental dans le cadre d'un avis rendu le 11 mai 2016, suggérant d'ouvrir la base de données ICODE.

L'accès à cette base et l'éventuelle réutilisation de ces données se feront dans les conditions récemment rénovées de la mise à disposition des données publiques, prévues par le code des relations entre le public et l'administration.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 31 bis G (nouveau) (art. L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime) - Conférence publique de filière organisée par le Parlement suite à la remise du rapport de l'Observatoire des prix et des marges

Objet : Cet article prévoit que, suite au rapport de l'Observatoire des prix et des marges, les Présidents des commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat pourront organiser une conférence publique de filière.

I. Le droit en vigueur

L'Observatoire des prix et des marges a une mission générale d'analyse de la formation des prix et de la distribution des marges des produits alimentaires , ce qui l'amène à avoir une vision globale des filières. Son rapport annuel donne des indications chiffrées très précieuses pour connaître les parts respectives de la production, de la transformation et de la distribution. Il constitue donc un des éléments du dialogue entre acteurs au sein des filières.

Mais la discussion sur les relations internes aux filières relève des interprofessions agricoles . Les interprofessions ne peuvent pas définir de prix directeurs, ce qui serait contraire au droit communautaire de la concurrence, mais elles sont le lieu de débats sur les stratégies de filière.

L'extension par l'État des accords interprofessionnels constitue l'aboutissement du consensus dans chaque filière agricole et alimentaire.

Certes, les interprofessions, construites sur une base purement volontaire, n'intègrent pas forcément tous les maillons d'une filière : la distribution, en particulier, ne fait pas partie de toutes les interprofessions agricoles : les interprofessions courtes s'opposent ainsi aux interprofessions longues.

Par ailleurs, en situation de crise, il semble difficile de faire des interprofessions des instances de régulation. Le dialogue nécessaire au sein de chaque filière est alors organisé directement par les pouvoirs publics.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Plusieurs amendements ont été discutés en première lecture à l'Assemblée nationale pour encourager la mise en place d'un véritable dialogue au sein des filières sur le juste équilibre économique entre ses différents maillons.

Ces amendements partent du constat que les discussions sont aujourd'hui très difficiles dans certaines filières : le lait, mais aussi la viande.

Les députés ont fait le choix d'adopter l'amendement de Mme Frédérique Massat, qui institue la possibilité, pour les présidents des commissions permanentes en charge de l'agriculture au Parlement, d'organiser une conférence publique de filière suite à la remise du rapport annuel de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires . Cette conférence réunirait les représentants des organisations de producteurs, des entreprises et des coopératives de transformation industrielle des produits concernés, ainsi que de la distribution et de la restauration hors domicile. Le but de ce dispositif est d'instituer un rendez-vous public annuel afin de discuter de la situation de l'année en cours et d'évoquer les perspectives d'évolution à venir des marchés agricoles et agroalimentaires.

Le rapporteur à l'Assemblée nationale a estimé que seul un tel cadre permettait d'échapper au risque de qualification d'entente, prohibée par le droit de la concurrence.

III. La position de votre commission

Dans le cadre de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire, le Sénat avait adopté une disposition similaire, réclamant qu'un rendez-vous annuel ait lieu dans chaque filière pour examiner « la situation et les perspectives d'évolution des marchés agricoles et agroalimentaires ».

Le dispositif voté au Sénat présentait quelques différences par rapport au dispositif de l'article 30 bis G :

- La conférence de filière est réunie de manière systématique et non pas optionnelle .

- Elle se tient avant le 31 décembre et non à la suite de la publication du rapport de l'observatoire des prix et des marges (qui ne paraît pas toujours aux même dates).

- Il n'était pas prévu que la conférence soit publique .

- Enfin, la conférence était placée sous l'égide du médiateur des relations commerciales agricoles .

Votre rapporteur considère que la rédaction proposée par les députés présente plusieurs faiblesses :

- D'abord, elle instaure une simple faculté pour les présidents des commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat de convoquer de telles conférences. Or, il n'est pas nécessaire de recourir à la loi pour offrir une telle faculté. En juillet 2015, le Président du Sénat avait réuni les acteurs des filières d'élevage sans s'appuyer sur une disposition législative spéciale.

- Ensuite, le dispositif proposé risque de ne pas fonctionner en cas de désaccord entre les deux assemblées sur la nécessité d'organiser une telle conférence de filière ou sur les modalités d'organisation : liste des organismes conviés, périmètre, date ...

Votre rapporteur a donc proposé à votre commission de rétablir, pour l'essentiel, les dispositions votées par le Sénat : en particulier la conférence annuelle resterait placée sous l'égide du médiateur des relations commerciales agricoles, qui est le mieux placé pour connaître les pratiques au sein des filières. Le caractère public de la conférence serait conservé, puisque c'est ce caractère public qui fait échapper la conférence au risque de qualification d'entente verticale . La conférence n'aurait pas pour objet de fixer des prix directeurs ou des objectifs de volume, mais de débattre des évolutions possibles de chaque filière. Les dispositions ont été déplacées dans un nouvel article L. 631-27-1 du code rural et de la pêche maritime, à la suite des dispositions relatives au médiateur des relations commerciales agricoles ( amendement n° COM-218 ).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 31 bis H (nouveau) (art. L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime) - Présence de Parlementaires au Comité de pilotage de l'Observatoire des prix et des marges

Objet : Cet article prévoit que deux députés et deux sénateurs siègent au sein du comité de pilotage de l'Observatoire des prix et des marges.

I. Le droit en vigueur

La gouvernance de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires repose sur :

- Un président, nommé pour trois ans par arrêté conjoint du ministre chargé de l'alimentation et du ministre chargé de la consommation.

- Un comité de pilotage, qui arrête le programme de travail de l'Observatoire et examine le rapport annuel du Président.

- Un secrétariat, qui prépare les travaux de l'Observatoire, en particulier la rédaction du rapport annuel, reposant essentiellement sur les moyens de FranceAgrimer.

L'article D. 682-3 du code rural et de la pêche maritime précise la composition du comité de pilotage de l'Observatoire :

1° Six représentants de l'Etat :

-Le directeur général de la performance économique et environnementale des entreprises ou son représentant ;

-Le directeur des pêches maritimes et de l'aquaculture ou son représentant ;

-Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou son représentant ;

-Le directeur général de l'établissement public mentionné à l'article L. 621-1 ou son représentant ;

-Le chef du service de la statistique et de la prospective au ministère chargé de l'agriculture ou son représentant ;

-Le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques ou son représentant ;

2° Vingt et un représentants des secteurs agricoles et agroalimentaires :

-un représentant de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture ;

-cinq représentants des organisations syndicales d'exploitations agricoles à vocation générale habilitées en application de l'article 3 du décret n° 90-187 du 28 février 1990 relatif à la représentation des organisations syndicales d'exploitants agricoles au sein de certains organismes ou commissions ;

-trois représentants de la pêche maritime et de l'aquaculture ;

-sept représentants des industries de transformation ;

-cinq représentants du commerce et de la distribution ;

3° Deux représentants des associations nationales de consommateurs ;

4° Des personnalités désignées en raison de leurs compétences particulières ou de leurs fonctions, dans la limite de sept.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de Mme Sophie Errante, les députés ont adopté en séance un amendement prévoyant que deux députés et sénateurs désignés par leurs assemblées respectives siègent au comité de pilotage de l'Observatoire.

La présence de parlementaires au sein du comité de pilotage a été présentée comme devant permettre de donner une cohérence entre l'application des politiques publiques et les travaux de l'Observatoire. Elle permettrait au Parlement d'être associé aux travaux de l'Observatoire en amont de la publication du rapport, qui lui, doit être transmis au Parlement.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur partage la préoccupation des députés d'informer le Parlement des travaux de l'Observatoire des prix et des marges.

Cependant, le comité de pilotage de l'Observatoire est une instance technique, qui débat des méthodologies retenues, des champs de recherche de l'Observatoire. L'intérêt d'y associer des parlementaires paraît donc réduit.

Par ailleurs, en modifiant l'article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime dans le sens proposé par les députés, les parlementaires seraient la seule catégorie prévue par la loi comme participant au comité de pilotage de l'Observatoire des prix et des marges. La loi serait muette sur les autres membres, renvoyant simplement la composition de cette instance au pouvoir réglementaire.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur a proposé à votre commission un amendement de suppression de l'article 31 bis H considérant que la communication au Parlement du rapport de l'Observatoire suffisait à assurer l'information de la représentation nationale.

Votre commission proposera à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 31 bis (nouveau) (art. L. 441-7 du code de commerce) - Mention du nom du rédacteur ou du négociateur dans la convention écrite entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services

Objet : Cet article impose l'indication du nom du négociateur ou du rédacteur de la convention écrite établie entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services.

I. Le droit en vigueur

Afin d'assurer la transparence des relations commerciales, l'article L. 441-7 du code de commerce impose l'établissement d'une convention écrite entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, comportant un certain nombre de mentions obligatoires ayant pour objet de retracer les différentes obligations auxquelles ont souscrit les parties en vue de fixer le prix de la vente ou de la prestation.

À ce titre, la convention doit indiquer :

- le barème de prix tel qu'il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation ;

- les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu'elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l'article L. 441-6, y compris les réductions de prix ;

- les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services rend au fournisseur, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, en précisant l'objet, la date prévue, les modalités d'exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ;

- les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l'objet, la date prévue et les modalités d'exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations.

L'article L. 441-7 du code de commerce comporte également un encadrement de ces pratiques . Ainsi :

- d'une part, la rémunération des obligations comportant des services propres à faciliter la commercialisation des produits ou à favoriser la relation commerciale ainsi que, le cas échéant, la réduction de prix globale afférente à ces dernières obligations ne doivent pas être manifestement disproportionnées par rapport à la valeur de ces obligations ;

- d'autre part, le barème de prix tel et les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale doivent concourir à la détermination du prix convenu qui s'applique au plus tard le 1er mars. La date d'entrée en vigueur du barème de prix et des obligations destinées à favoriser la relation commerciale ne peut être ni antérieure ni postérieure à la date d'effet du prix convenu.

Cette convention écrite, qui peut prendre la forme d'une convention unique ou d'un contrat-cadre annuel, doit être conclue avant le 1er mars ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier. À cette fin, le fournisseur doit communiquer ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars ou, pour les produits ou services soumis à un cycle de commercialisation particulier, deux mois avant le point de départ de la période de commercialisation.

L'article L. 441-7 du code de commerce définit également le statut juridique des avantages promotionnels que le fournisseur s'engage à accorder aux consommateurs . Cet engagement est fixé dans le cadre d'un contrat de mandat confié au distributeur ou prestataire de services ; conclu et exécuté conformément aux articles 1984 et suivants du code civil, chacun de ces contrats de mandat précise, notamment, le montant et la nature des avantages promotionnels accordés, la période d'octroi et les modalités de mise en oeuvre de ces avantages ainsi que les modalités de reddition de comptes par le distributeur au fournisseur.

Enfin, cet article prévoit que, sans préjudice des dispositions et stipulations régissant les relations entre les parties, le distributeur ou le prestataire de services répond de manière circonstanciée à toute demande écrite précise du fournisseur portant sur l'exécution de la convention, dans un délai qui ne peut dépasser deux mois. Si la réponse fait apparaître une mauvaise application de la convention ou si le distributeur s'abstient de toute réponse, le fournisseur peut le signaler à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.

Le respect de ces diverses obligations de forme et de fond est sanctionné par un régime d'amendes administratives , prononcées par la DGCCRF au nom du ministre de l'économie, à l'issue d'une procédure contradictoire. Le quantum maximum de l'amende est fixé à 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Ce montant est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission , à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et de Mme Annick Le Loch, l'article L. 441-7 du code de commerce a été modifié afin de prévoir que la convention écrite devra également mentionner le nom du rédacteur ou du négociateur.

Il s'agirait, ce faisant, de lutter par une plus grande transparence contre les pressions parfois inacceptables qui sont exercées dans le cadre des négociations commerciales.

En séance publique , à l'initiative de M. Nicolas Dhuicq et Mme Catherine Vautrin, avec l'avis défavorable de la commission, mais favorable du Gouvernement, la mention du nom du rédacteur a été supprimée. Seul devra donc être mentionné le nom du négociateur de l'acte .

III. La position de votre commission

L'attitude de certains représentants des parties dans les négociations commerciales peut s'avérer dans certains cas inacceptable, tant elle peut conduire à des démonstrations de force et des tentatives d'intimidation à l'égard des autres parties.

Il est cependant loin d'être évident que la mention du nom du rédacteur ou du négociateur soit de nature à modifier cette attitude. Le rédacteur n'intervient d'ailleurs souvent qu'après que la négociation a eu lieu, et ne participe pas nécessairement à l'intimidation. En ce sens, la suppression de la mention de son nom ne peut qu'être approuvée.

Néanmoins, même réduite au nom du négociateur, il reste difficile de voir quelles incidences juridiques cette exigence d'information pourra réellement avoir. Le négociateur agit en effet en sa qualité de préposé d'une personne morale : lorsqu'il négocie l'engagement de cette personne morale dans le cadre d'une convention commerciale, il agit pour le compte de cette personne. Dès lors, c'est la responsabilité de la personne morale ou de ses dirigeants qui devra être recherchée en cas de constatation de pratiques abusives ou déloyales, sauf à démontrer que l'intéressé a agi en dehors de ses fonctions.

Pour cette raison, votre commission reste très circonspecte sur la pertinence de cette nouvelle obligation qui serait en outre également sanctionnée par les mêmes amendes administratives que d'autres violations plus caractérisées, ce qui apparaîtrait disproportionné. À l'initiative de votre rapporteur, elle a adopté un amendement de suppression de cet article (amendement n° COM-208).

Votre commission proposera à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 31 ter A (nouveau) (art. L. 441-7 du code de commerce) - Limitation des promotions à 30 % du prix de base pour certains produits agricoles et pour les produits laitiers

Objet : Cet article instaure une limite aux avantages promotionnels pouvant être prévus dans la convention unique entre fournisseur et distributeur, pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture, ainsi que pour le lait et les produits laitiers.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 441-7 du code de commerce prévoit qu'une convention écrite unique est conclue chaque année entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services suite à la négociation qui a été menée entre ces deux partenaires commerciaux.

Cette convention précise les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix mais aussi les engagements du distributeur pour favoriser la commercialisation des produits concernés.

Pour que des opérations promotionnelles soient proposées au consommateur, il faut que le fournisseur des produits ait confié un contrat de mandat au distributeur , qui précise notamment « le montant et la nature des avantages promotionnels accordés, la période d'octroi et les modalités de mise en oeuvre de ces avantages ainsi que les modalités de reddition de comptes par le distributeur au fournisseur ». Ainsi, la loi encadre les possibilités de recours aux nouveaux instruments promotionnels (NIP).

A côté de cette règle générale, le code de commerce comporte une disposition particulière pour les certains produits alimentaires. L'article L. 441-2-1 dispose en effet que « pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture, figurant sur une liste établie par décret, un distributeur ou prestataire de services ne peut bénéficier de remises, rabais et ristournes ou prévoir la rémunération de services rendus à l'occasion de leur revente, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct, que si ceux-ci sont prévus dans un contrat écrit portant sur la vente de ces produits par le fournisseur ». L'article D. 441-2 du code de commerce précise que ces produits sont : les fruits et légumes, à l'exception des pommes de terre de conservation, destinés à être vendus à l'état frais au consommateur, les viandes fraîches, congelées ou surgelées de volailles et de lapins, les oeufs et les miels.

Au final, les opérations de promotion doivent donc être prévues à l'avance, mais la loi n'encadre ni leur fréquence, ni leur ampleur, laissant les parties libres d'en négocier les contours précis.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de plusieurs députés représentant différentes sensibilités politiques, l'Assemblée nationale a adopté en séance publique plusieurs amendements identiques encadrant davantage les promotions sur les produits agricoles et produits laitiers.

Les NIP constituent une cause de vives préoccupations , pas seulement dans le domaine agricole et alimentaire. La multiplication des promotions conduit à bouleverser les repères des consommateurs et encourage la course aux prix bas, qui peut être ravageuse pour les filières agricoles et alimentaires.

Les députés ont inséré l'article 31 ter A, contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement, qui craignaient des effets contre-productifs, pour plafonner les avantages promotionnels à 30 % de la valeur du barème des prix unitaires (frais de gestion compris) pour les produits ciblés par l'article D. 441-2 du code de commerce (fruits et légumes, viande de volaille ou de lapin, oeuf et miel), ainsi que pour le lait et les produits laitiers.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur partage la préoccupation des députés en matière de NIP et souhaite un encadrement plus fort des pratiques de la grande distribution.

L'encadrement des promotions est d'ailleurs un outil utilisé par les pouvoirs publics pour faire face aux effondrements des prix sur les marchés de consommation : ainsi, en matière de viande porcine, un arrêté du ministre chargé de l'agriculture est intervenu le 10 juin 2015 pour encadrer les promotions sur la viande porcine fraîche en les limitant à deux périodes : janvier et septembre. Cet arrêté a été pris en application du deuxième alinéa de l'article L. 441-2 du code de commerce qui permet une telle intervention « lorsque de telles opérations promotionnelles sont susceptibles, par leur ampleur ou leur fréquence, de désorganiser les marchés ».

Certes, un rapport est attendu d'ici la fin 2016 sur l'application de la LME, mais l'attente de ce rapport ne doit pas conduire à l'attentisme.

L'article 31 ter A introduit une véritable innovation, dans la mesure où jusqu'à présent, la loi n'a fixé pour aucun produit un pourcentage maximal de promotion admissible.

Certes, les NIP permettent de dynamiser et soutenir ponctuellement des volumes de vente, notamment pour écouler des produits donc la durée de conservation est réduite. Cette pratique est particulièrement utile dans le secteur des fruits et légumes, et notamment des fruits d'été. Mais un plafonnement est nécessaire pour prévenir les abus. En tout état de cause, le taux de promotion ainsi que les périodes de promotion devront être précisés dans le mandat écrit donné par l'industriel au distributeur, ainsi que le prévoit le mécanisme de l'article L. 441-7 du code de commerce.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 31 ter (nouveau) (art. L. 441-7 et L. 441-7-1 du code de commerce) - Possibilité de recourir à des conventions pluriannuelles dans le cadre des relations fournisseurs-distributeurs et fournisseurs-grossistes - Date impérative de conclusion au 1er février

Objet : Cet article tend à permettre le recours à des contrats pluriannuels entre distributeurs et fournisseurs ainsi qu'entre grossistes et fournisseurs, assortis d'une clause de révision. Il avance au 1 er février la date à laquelle la convention unique doit être conclue.

I. Le droit positif

Les articles L. 441-7 et L. 441-7-1 du code de commerce encadre les négociations commerciales annuelles entre :

- pour le premier de ces articles, le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services ;

- pour le second, le fournisseur et le grossiste.

Ils prévoient dans ces deux cas qu'une convention écrite - qui peut prendre la forme d'une convention unique ou d'un accord-cadre - doit indiquer les obligations auxquelles se sont engagées les parties, dans le respect des articles L. 441-6 et L. 442-6, en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale.

Le cadre de cette négociation commerciale étant aujourd'hui annuel, ces dispositions prévoient que la convention unique ou le contrat-cadre annuel est conclu avant le 1er mars ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier .

Chaque année, à l'approche de cette échéance, les négociations commerciales se font dans un climat tendu, dénoncé par la plupart des parties concernées.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

En commission , à l'initiative de M. Guillaume Garot, avec l'avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sous réserve d'un sous-amendement, la possibilité, entre les seuls fournisseurs et distributeurs ou prestataires de services, de conclure des conventions d'une durée supérieure à un an dans la limite de trois ans a été ouverte, mais limitée aux seuls produits alimentaires.

En étaient néanmoins exclus les conventions signées avec des agriculteurs ou artisans dont la cessation d'activité est prévue dans un délai inférieur à trois ans.

En séance publique , cet article a fait l'objet d'une nouvelle rédaction complète à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission, afin d'étendre au-delà des seuls produits alimentaires, la possibilité de conclure des conventions écrites annuelles, biennales ou triennales , celles-ci devant mentionner la durée pour laquelle elle est conclue.

Compte tenu de cette possibilité d'engagement pluriannuel, la convention conclue pour une durée supérieure à un an devrait alors fixer, sans permettre d'imposer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, sanctionné par le 2° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce, les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé . Ces modalités pourraient prévoir la prise en compte d'un ou plusieurs indices publics reflétant l'évolution du prix des facteurs de production .

Si l'amendement du Gouvernement n'envisageait pas initialement une modification de la date-butoir de conclusion , un sous-amendement de Mme Annick Le Loch, adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement, est venu l'avancer du 1 er mars au 1 er février .

Ces dispositions ont été étendues aux conventions entre les fournisseurs et les grossistes.

III. La position de votre commission

Le rythme exclusivement annuel de la négociation commerciale, s'il permet d'éviter que des engagements soient pris sur des durées longues qui peuvent être préjudiciables aux parties, constitue néanmoins une rigidité et une source de tension annuelle entre les parties.

La faculté offerte aux parties de conclure des conventions pluriannuelles permet d'introduire davantage de souplesse dans les négociations, tout en permettant notamment aux fournisseurs ou producteurs d'avoir une vision à plus long terme de leurs débouchés, ce qui est de nature à faciliter leurs investissements productifs et à développer leur offre. Votre commission est donc favorable à ce qu'un recours à des engagements pluriannuels soit rendu possible, dès lors que ces engagements sont assortis d'un mécanisme obligatoire de révision du prix .

En tout état de cause, ces conventions pluriannuelles devront respecter l'intégralité des dispositions des articles L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce, et s'abstenir sous peine de sanction de prévoir notamment des clauses constituant des pratiques restrictives de concurrence. Ils ne doivent pas, en effet, conduire à enfermer l'une des parties dans une relation contractuelle à long terme qui lui serait encore plus défavorable qu'un engagement annuel.

C'est la raison pour laquelle votre commission a souhaité que, dans ces conventions pluriannuelles, la clause de révision du prix ne soit pas déterminée par référence à un indice public qui serait totalement déconnecté des produits ou des prestations faisant l'objet de la convention . À l'initiative de votre rapporteur, elle a par conséquent modifié l'article L. 442-6 du code de commerce, qui vise les pratiques prohibées, afin d'y mentionner le fait d'imposer une clause de révision du prix, en application de l'article L. 441-7 ou de l'article L. 441-7-1, se référant à un ou plusieurs indices publics sans rapport direct avec les produits ou les prestations de services qui sont l'objet de la convention. Elle a par ailleurs étendu cette solution aux clauses de renégociation du prix, en application de l'article L. 441-8, dans les contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente de produits dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires.

Votre commission s'est interrogée sur l'avancement du 1 er mars au 1 er février de la date-butoir des négociations , qui ne concerne en réalité qu'un tiers des produits faisant l'objet des négociations commerciales. Si certains acteurs entendus par votre rapporteur s'y sont montrés résolument opposés, d'autres ont marqué leur intérêt pour cette mesure, qui permettrait de désynchroniser l'échéance de conclusion des contrats avec la date traditionnelle de tenue du salon international de l'agriculture. Il en résulterait, selon eux, un climat moins tendu dans les négociations.

Votre rapporteur estime que cette mesure n'est pas, à elle seule, de nature à supprimer les tensions inhérentes aux négociations commerciales, mais elle peut réduire la « caisse de résonnance » médiatique que constitue, à cette période particulière de l'année, le salon de l'agriculture. En outre, peut se poser la question de la durée des négociations, qui débute par l'envoi, trois mois avant la date butoir, des conditions générales de vente : réduire cette durée à deux mois peut-elle être plus favorable à la négociation ? Il s'avère en effet que la période de trois mois donne lieu, dans les premières semaines à des réunions purement formelles, dont le seul objet est « d'afficher » de marquer le début de la négociation, alors que celle-ci ne prend une forme concrète que dans les dernières semaines - voire les derniers jours - précédant la date-butoir.

En tout état de cause, votre commission a jugé que si une modification de ces durées et échéances devait intervenir, il conviendrait de laisser aux acteurs économiques le temps de se mettre en état de se conformer à ce nouveau calendrier . En conséquence, à l'initiative de son rapporteur, elle a décidé de ne rendre cette réforme applicable qu'aux contrats devant être conclus après le 1 er janvier 2018 (amendement n° COM-209).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 31 quater A (nouveau) - Rapport au Parlement

Objet : Cet article demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l'application de la clause de renégociation des contrats prévue à l'article L. 441-8 du code de commerce.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article L. 441-8 du code de commerce avait été créé par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

Cet article avait pour but de créer un mécanisme permettant de répartir équitablement entre les parties les variations de coûts de production résultant des fluctuations de cours des matières premières agricoles.

Il prévoit que les contrats de plus de 3 mois portant sur la vente de produits sensibles à ces phénomènes devront comporter des clauses de renégociation de prix, pour prendre en compte ces variations, sous peine de sanctions.

La liste des produits concernés est fixée par décret et comporte notamment le lait et les produits issus de la première transformation du lait, ou encore la charcuterie.

L'article L. 441-8 prévoit donc un mécanisme en deux temps :

- Dans un premier temps , le contrat doit définir des conditions de déclenchement de la clause de renégociation, en se référant à « un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires », qui peuvent être proposés par les interprofessions ou par l'observatoire de la formation des prix et des marges.

- Dans un second temps , lorsque les conditions prévues au contrat sont constatées, une renégociation doit être menée dans un délai de deux mois, mais cette renégociation n'implique aucune obligation de conclure.

L'application de l'article L. 441-8 s'avère décevante . D'après les informations fournies à votre rapporteur, les modalités de déclenchement de la clause de négociation ont été définies de manière à rendre le mécanisme inopérant, avec des seuils de déclenchement très élevés.

Considérant que l'article L. 441-8 avant largement raté sa cible, les députés de toutes les sensibilités politique ont adopté en séance publique plusieurs amendements identiques demandant qu'une évaluation de cette disposition soit faite sous la forme d'un rapport au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi Sapin II.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur partage la déception des députés sur l'application de l'article L. 441-8 du code de commerce. Le respect formel de la loi a été assuré par les acteurs économiques qui ont conclu des avenants aux contrats . Cela a généré une charge administrative supplémentaire de gestion des contrats tant pour les industriels que pour la grande distribution. Mais les renégociations n'ont jamais eu lieu, car les clauses n'ont jamais pu être appliquées.

L'article L. 441-8 prévoit une obligation de bonne foi pour la conduite de la renégociation, mais pas dans la détermination des conditions de déclenchement de cette renégociation. De même, il n'existe des sanctions qu'en cas de non-respect du formalisme attaché à la renégociation, par exemple en cas d'absence de clause, de non-respect des délais de renégociation ou encore d'absence de compte rendu de renégociation, mais pas lorsque la clause de déclenchement est fantaisiste.

Un bilan de l'application de cet article est donc nécessaire , dans le but de mettre en place un dispositif juridique plus opérationnel. Pour autant, il n'est pas souhaitable de multiplier les rapports au Parlement, et la réflexion sur l'article L. 441-8 du code de commerce pourrait être inclue dans l'analyse plus large demandée par le Gouvernement sur l'application de la LME. Ce bilan est attendu d'ici la fin de l'année 2016.

Votre rapporteur estime donc qu'un rapport spécifique au Parlement ne se justifie pas et a présenté à votre commission, qui l'a accepté, un amendement de suppression.

Votre rapporteur se réserve cependant la possibilité de proposer une évolution de la rédaction de l'article L. 441-8 du code de commerce d'ici la discussion en séance publique, afin d'aller vers une mise en oeuvre effective du mécanisme de renégociation en cas de variations des cours des matières premières agricoles.

Votre commission proposera à la commission des lois de supprimer cet article

Article 31 quater (nouveau) (art. L. 442-6 du code de commerce) - Limitation de la rémunération des services rendus par une centrale d'achat internationale

Objet : Cet article tend à limiter le montant de la rémunération des services rendus par une centrale d'achat internationale.

I. Le droit en vigueur

Parmi les comportements restrictifs de concurrence qui, per se , engagent la responsabilité de leur auteur, qu'il s'agisse d'un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, le 1° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce mentionne le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu.

Cette disposition entend ainsi protéger la partie la plus faible dans la négociation commerciale d'un comportement abusif émanant de la partie la plus forte. Elle énumère des hypothèses - non limitatives - dans lesquels un tel comportement est caractérisé :

- la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat ;

- une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ;

- une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ;

- une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

En commission , a été adopté, à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et de M. Thierry Benoît et Mme Annick Le Loch, un amendement portant article additionnel tendant à modifier l'article L. 442-6 du code de commerce afin d'intégrer parmi les pratiques restrictives entraînant pour leur auteur une mise en jeu de sa responsabilité civile et une obligation de réparer le préjudice qu'elles ont causé, les contributions aux centrales européennes auxquelles adhèrent les distributeurs et qui sont demandées aux fournisseurs, lorsqu'elles dépassent le chiffre d'affaires réalisé hors du territoire national.

En séance publique , le dispositif adopté par la commission a été modifié à la suite d'un amendement présenté par Mme Le Loch et plusieurs de ses collègues, adopté avec l'avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Gouvernement. Il donne un cadre plus général à la problématique de la contribution aux centrales internationales, et pas seulement européennes, en précisant que celle-ci engage la responsabilité du distributeur lorsqu'elle n'est pas justifiée par un intérêt commun ou intervient sans contrepartie proportionnée. Il permet également de prendre en considération, pour apprécier la licéité de la participation, non seulement les opérations d'animation commerciale mais également de promotion commerciale.

III. La position de votre commission

Dans le cadre des négociations commerciales, certains distributeurs n'hésitent pas à exiger de leurs fournisseurs des contributions financières importantes censées compenser les coûts occasionnés par l'intervention des centrales créées, au niveau européen voire international, par des distributeurs nationaux.

En effet, des centrales se sont constituées au niveau européen depuis les années 1990, auxquelles adhèrent des distributeurs de plusieurs pays, et notamment une partie des grandes enseignes de la distribution en France. Tel est le cas, par exemple, de European marketing distribution (dont le groupe Casino est adhérent) ou de Coopernic (qui comprend le groupe Edouard Leclerc). 7 ( * ) Selon une étude publiée en 2015 par le cabinet britannique Planet Retail, les parts de marchés des quatre plus grosses centrales d'achat européennes représenteraient 650 milliards d'euros.

Néanmoins, en pratique, les sommes exigées des fournisseurs peuvent être sans commune mesure avec la réalité des coûts de participation et des prestations effectivement assurées par ces centrales . Votre commission estime donc qu'il convient de mettre un terme à des situations qui présentent un caractère abusif.

Si la première version adoptée en commission paraissait critiquable compte tenu de la référence à un plafond fixé au « chiffre d'affaires réalisé en France », le choix fait, en séance publique, d'exiger que les contributions aux centrales au niveau européen soient justifiées par un intérêt commun et fassent l'objet d'une contrepartie proportionnée, paraît plus opérationnel et efficace . En outre, le texte adopté permet de prendre en considération le financement des opérations de promotion commerciale, ce qui apparaît pertinent.

Cependant, en ne visant que les centrales « d'achat », le dispositif adopté par l'Assemblée nationale n'appréhende pas l'ensemble des centrales constituées par les distributeurs au niveau européen ou international : la plupart ne procèdent à aucun achat, et n'ont qu'une activité de prestations auprès de leurs affiliés ou de référencements. Pour donner sa pleine mesure à cette disposition, votre commission a en conséquence adopté un amendement de votre rapporteur l'étendant à toutes les centrales de distributeurs, quelle que soit leur activité ( amendement n° COM-210 ).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 31 quinquies (nouveau) (art. L. 442-6 du code de commerce) - Augmentation du quantum de l'amende civile en cas de pratique restrictive

Objet : Cet article tend à augmenter le quantum de l'amende civile pouvant être prononcée pour sanctionner une pratique restrictive de concurrence.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 442-6 du code de commerce prévoit des cas d'engagement de responsabilité et des cas de nullité pour des comportements ou des contrats ou clauses restrictifs de concurrence.

L'action en responsabilité ou en constatation de nullité des clauses ou contrats est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.

Lors de cette action, des pouvoirs spécifiques sont reconnus au ministre chargé de l'économie et au ministère public, qui peuvent demander à la juridiction saisie :

- d'ordonner la cessation des pratiques ;

- de faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu ;

- de prononcer une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. Cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en oeuvre ;

- la réparation des préjudices subis. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation.

La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne condamnée. La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte.

En outre, le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté en commission des affaires économiques à l'initiative de M. Thierry Benoît et plusieurs de ses collègues, cet article additionnel prévoit de porter de 2 millions à 5 millions d'euros le montant de l'amende civile que peut prononcer le juge judiciaire en cas de constatation d'une pratique restrictive de concurrence . Il s'agirait ainsi de renforcer le caractère dissuasif des sanctions en la matière.

III. La position de votre commission

Il est important de dissuader les acteurs d'adopter des comportements restrictifs de concurrence et l'existence d'une amende civile forte est de nature à le permettre.

Néanmoins, dans la mesure où, d'ores-et-déjà, il est possible de proportionner le montant de l'amende civile à la gravité et aux effets du manquement en prononçant une amende équivalente soit au triple du montant des sommes indûment versées, soit, depuis la loi du 5 août 2016 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre, il y a lieu de se demander s'il est bien nécessaire d'alourdir le montant maximum de cette sanction dans de telles conditions.

Votre commission a estimé prématuré , moins d'un an après le vote de nouvelles modalités de calcul du montant de l'amende civile, de modifier à nouveau le dispositif de sanction applicable. Elle a en conséquence adopté l'amendement de suppression de cet article , présenté par votre rapporteur ( amendement n° COM-211 ).

Votre commission proposera à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 31 sexies (nouveau) (art. L. 412-5 du code de la consommation) - Expérimentation de l'étiquetage de l'origine des produits carnés et laitiers

Objet : Cet article propose de rendre obligatoire, à titre expérimental, l'étiquetage de l'origine des produits carnés et laitiers, bruts ou transformés.

I. Le droit en vigueur

Le règlement n° 1169/2011/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit « règlement INCO » régit l'étiquetage des produits alimentaires.

L'étiquetage de l'origine pays est obligatoire depuis la crise de la vache folle pour la viande bovine vendue crue. L'étiquetage des pays d'élevage et d'abattage pour les viandes de porc, de mouton, de chèvre et de volaille vendues crues est obligatoire depuis le 1er avril 2015, en application d'un règlement du 13 décembre 2013 modifiant le règlement INCO. L'étiquetage de l'origine s'applique aussi pour le miel, les fruits et légumes, le poisson, l'huile d'olive, le vin, les oeufs et la volaille importée.

En revanche, l'information sur l'origine n'est pas obligatoire pour les produits transformés à base de viande ou pour les produits laitiers . Or, les études d'opinion montrent que l'information sur l'origine des produits alimentaires est demandée par les consommateurs.

Le Parlement européen a adopté le 11 février 2015 une résolution appelant la Commission à proposer un texte législatif pour rendre obligatoire l'information des consommateurs sur l'origine des viandes entrant dans la composition des plats transformés. La France demande avec constance une telle évolution.

Cependant, la Commission ne souhaite pas aller dans cette direction : dans son rapport du 20 mai 2015, elle indiquait qu'imposer l'étiquetage obligatoire de l'origine pays entraînerait pour les entreprises du secteur agroalimentaire « une augmentation des coûts d'exploitation de 10 à 15 % dans les secteurs ne devant pas traiter un grand nombre d'origines, mais pourraient atteindre 30 % dans de nombreux cas ».

Dans l'état actuel de la réglementation européenne, les États membres ne peuvent donc pas imposer un étiquetage obligatoire de l'origine en dehors des cas prévus par le règlement INCO. Seules des démarches d'étiquetage volontaire sont possibles. Or, ces démarches ne sont pas si fréquentes. Ainsi, selon l'UFC-Que choisir, lors d'un récent test sur 91 produits transformés à base de boeuf, moins d'un produit sur trois était assorti à la vente d'un étiquetage de l'origine.

Cependant, une ouverture semble possible : le ministre de l'agriculture a en effet annoncé que le Conseil des ministres de l'Union européenne du 14 mars 2016 avait autorisé la France à expérimenter l'étiquetage de l'origine.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission des affaires économiques, les députés ont adopté un amendement de Mme Annick Le Loch donnant une base juridique à la généralisation de l'expérimentation de l'étiquetage de l'origine. Ils ont perfectionné la rédaction proposée par un autre amendement adopté en séance publique, en déplaçant la disposition au sein de l'article L. 412-5 du code de la consommation, pour tenir compte de la nouvelle codification du code de la consommation qui entrera en vigueur le 1 er juillet 2016.

La rédaction retenue est proche de celle contenue dans l'article 3 de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire votée par le Sénat. Les modalités pratiques de cet étiquetage sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat. En particulier, l'article 31 sexies laisse au décret la possibilité de limiter l'étiquetage aux seuls ingrédients représentant une part significative du produit alimentaire concerné.

L'étiquetage de l'origine s'inscrit dans le cadre de l'article 45 du règlement INCO. L'étiquetage de l'origine concerne le lait et les produits laitiers, mais aussi la viande et les produits carnés.

Cette expérimentation permettra de diffuser l'étiquetage de l'origine aux produits industriels, pour lesquels cette information est encore trop rarement donnée au consommateur .

III. La position de votre commission

Votre commission partage totalement les préoccupations des députés sur l'étiquetage de l'origine.

Même si l'on peut regretter que la mise en oeuvre de l'étiquetage ne se fasse qu'à titre expérimental, il s'agit là d'une réelle avancée, qui doit être soutenue.

C'est pourquoi votre rapporteur n'a pas proposé d'amendement à l'article 31 sexies .

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 31 septies (nouveau) (art. L. 412-5 du code de la consommation) - Intégration d'une clause de révision des prix dans les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires

Objet : Cet article proposait d'introduire une clause obligatoire de révision des prix dans les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires, mais a été supprimé en séance par les députés.

I. Le droit en vigueur

Les marchés publics constituent un débouché important pour les produits agricoles : cantines scolaires, hôpitaux, prisons : tous ont besoin d'assurer un approvisionnement alimentaire à la fois régulier et massif.

Le code des marchés publics laisse la liberté de choisir les formules de détermination des prix . Or, les prix des denrées alimentaires fluctuent et il peut être difficile pour un fournisseur de s'engager sur des prix fixes sur une longue période.

L'exécution des marchés publics portant sur des denrées alimentaires peut être extrêmement délicate dans les périodes de fluctuations importantes des prix agricoles .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de plusieurs députés, de différents bords politiques, les députés ont adopté en Commission, contre l'avis du rapporteur, des amendements identiques rendant obligatoires les clauses de révision de prix dans les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires .

Ces formules sont d'ores et déjà recommandées aux acheteurs publics par la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie. Les députés ont donc souhaité en systématiser l'utilisation.

Or, en séance publique, le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de l'article 31 septies , estimant que l'objectif du texte était déjà satisfait par la rédaction du VI de l'article 18 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

Cette disposition prévoit en effet que « les marchés publics d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours ».

Les députés ont adopté l'amendement du Gouvernement, considérant que le code des marchés publics satisfaisait déjà l'objectif de l'article 31 septies .

III. La position de votre commission

Votre commission estime que l'article 18 du décret du 25 mars 2016 ne satisfait que partiellement l'objectif de prise en compte des variations de prix des produits agricoles dans les marchés publics.

L'article 18 ne peut jouer en effet que si plusieurs critères sont réunis.

- D'abord, les matières premières agricoles dont les prix fluctuent doivent représenter une part importante dans le produit final pour justifier l'obligation d'une clause de révision de prix.

- Ensuite, il faut que le prix des produits agricoles concernés soit directement affecté par les variations de cours mondiaux pour imposer des clauses de révision de prix. Or, si l'on dispose de cours mondiaux pour les productions végétales, ceux-ci sont plus difficiles à établir pour les productions animales, en particulier pour le boeuf. Une référence au marché national paraîtrait plus pertinente.

En outre, la disposition du code des marchés publics n'oblige pas à prendre en compte les évolutions des coûts de production des agriculteurs dans les modalités de détermination des prix des denrées alimentaires objets des marchés publics.

C'est pourquoi votre rapporteur a proposé à votre commission le rétablissement de l'article 31 septies , prévoyant une meilleure prise en compte dans les marchés publics des variations des prix des produits alimentaires ( amendement n° COM-221 ).

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Chapitre II - Mesures relatives à l'amélioration du financement des entreprises
Article 36 (art. L. 441-6, L. 443-1, L. 465-2 du code de commerce ; art. L. 522-7 du code de la consommation ; art. 40-1 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière) - Sanction des manquements aux règles relatives aux délais de paiement - Délais de paiement dérogatoires pour les activités d'export hors du territoire de l'Union européenne

Objet : Cet article renforce les sanctions applicables en cas de manquement aux règles relatives aux délais de paiement. Il prévoit en outre des délais dérogatoires en matière d'export hors de l'Union européenne.

I. Le droit en vigueur

Depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, les délais de paiement dans les relations commerciales entre les entreprises font l'objet d'un encadrement strict, assorti de sanctions.

1. Les délais de paiement

Si la loi du 4 août 2008 a institué des délais de paiements impératifs, la durée de ces délais ainsi que son mode de computation ont été modifiés à l'occasion des lois n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances.

a) Réglementation de droit commun

Actuellement, l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit des délais de paiement de droit commun d'une durée de soixante jours à compter de la date d'émission de la facture .

Ce délai comporte néanmoins diverses exceptions et dérogations .

D'une part, pour certaines activités, un délai impératif plus court est prévu par la loi, qui ne peut faire l'objet de dérogations.

Ainsi, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture (alinéa 11 de l'article L. 441-6 du code de commerce).

De même, l'article L. 443-1 du code de commerce prévoit des délais impératifs spécifiques pour certaines catégories de produits :

- trente jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de produits alimentaires périssables et de viandes congelées ou surgelées, de poissons surgelés, de plats cuisinés et de conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables, à l'exception des achats de produits saisonniers effectués dans le cadre de contrats dits de culture visés aux articles L. 326-1 à L. 326-3 du code rural et de la pêche maritime ;

- vingt jours après le jour de livraison pour les achats de bétail sur pied destiné à la consommation et de viandes fraîches dérivées ;

- trente jours après la fin du mois de livraison pour les achats de boissons alcooliques passibles des droits de consommation prévus à l'article 403 du code général des impôts ;

- quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture pour les achats de raisins et de moûts destinés à l'élaboration de vins ainsi que de boissons alcooliques passibles des droits de circulation prévus à l'article 438 du même code. Toutefois ce délai n'a qu'un caractère supplétif, et ne s'applique qu'à défaut d'accords interprofessionnels rendus obligatoires par voie réglementaire à tous les opérateurs sur l'ensemble du territoire métropolitain ou de décisions interprofessionnelles prises en application de la loi du 12 avril 1941 portant création d'un comité interprofessionnel du vin de Champagne pour ce qui concerne les délais de paiement.

D'autre part, les parties peuvent convenir de délais différents du délai de droit commun ou de tels délais peuvent être prévus aux conditions de vente. Mais cette faculté est fortement encadrée . Ainsi :

- un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En outre, en cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, 8 ( * ) le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture ;

- les professionnels d'un secteur, clients et fournisseurs, peuvent décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement et proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation de services demandée comme point de départ de ce délai. Des accords peuvent être conclus à cet effet par leurs organisations professionnelles. Un décret peut étendre le nouveau délai maximum de paiement à tous les opérateurs du secteur ou, le cas échéant, valider le nouveau mode de computation et l'étendre à ces mêmes opérateurs ;

- pour les ventes de produits ou les prestations de services relevant de secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué , les parties peuvent convenir d'un délai de paiement qui ne peut dépasser le délai maximal applicable en 2013 en application d'un accord conclu sur le fondement du III de l'article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives. Ce délai doit être expressément stipulé par contrat et ne doit pas constituer un abus manifeste à l'égard du créancier. Le décret n° 2015-1484 du 16 novembre 2015 fixe la liste des secteurs concernés 9 ( * ) .

Délais dérogatoires dans les secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué

Secteur

Ventes concernées

Délai de paiement convenu par les parties

Agroéquipement

Ventes de matériels d'entretien d'espaces verts et de matériels agricoles à l'exception des tracteurs, matériels de transport et d'élevage, entre, d'une part, les industriels de l'agroéquipement, constructeurs et importateurs, et, d'autre part, les entreprises de distribution spécialisées et de réparation

Le délai ne peut dépasser :
- 55 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels d'entretien d'espaces verts,
- 110 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels agricoles

Articles de sports

Ventes d'équipements nécessaires à la pratique des sports de glisse sur neige entre les fournisseurs et les entreprises dont l'activité est exclusivement ou quasi exclusivement saisonnière

Un délai supplémentaire de 30 jours peut être ajouté au délai prévu au neuvième alinéa du I de l'article L441-6 pour le règlement du solde des factures relatives à des livraisons effectuées avant l'ouverture de la saison d'activité

Filière du cuir

Ventes entre les fournisseurs et les distributeurs spécialisés

Le délai ne peut dépasser 54 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture

Horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie

Ventes entre, d'une part, les fournisseurs, fabricants, importateurs ou grossistes et, d'autre part, les distributeurs spécialisés, au titre de leur activité au sein d'un point de vente ou dans le cadre de leur activité de vente à distance ou les centrales d'achat dont l'activité principale est de revendre des produits de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l'orfèvrerie à des distributeurs spécialisés

Le délai ne peut dépasser 59 jours fin de mois ou 74 jours nets à compter de la date d'émission de la facture

Commerce du jouet

Ventes entre fabricants et distributeurs spécialisés

Le délai ne peut dépasser :
- pour la période « du permanent » s'étendant du mois de janvier au mois de septembre inclus, 95 jours nets à compter de la date d'émission de la facture,
- pour la période de fin d'année, s'étendant du mois d'octobre au mois de décembre inclus, 75 jours nets à compter de la date d'émission de la facture

Source : CPEC.

b) Réglementation en matière de marchés publics

La loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière a également soumis les pouvoirs adjudicateurs au respect de délais de paiement . Son article 37 prévoit ainsi que les sommes dues en principal par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsqu'il agit en qualité d'entité adjudicatrice, en exécution d'un contrat ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public sont payées, en l'absence de délai prévu au contrat, dans un délai fixé par décret qui peut être différent selon les catégories de pouvoirs adjudicateurs. Le délai de paiement prévu au contrat ne peut excéder le délai fixé par décret.

Récemment modifié par le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique fixe la durée de ce délai à trente jours par principe , pour les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en tant qu'entité adjudicatrice.

Deux délais dérogatoires sont néanmoins prévus :

- un délai de cinquante jours pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées ;

- un délai de soixante jours pour les entreprises publiques au sens du II de l'article 1er de l'ordonnance du 7 juin 2004 portant transposition de la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques, à l'exception de celles ayant la nature d'établissements publics locaux.

2. La sanction des retards de paiement

Le dépassement des délais de paiement prévus emporte application de sanctions de plusieurs types.

a) Indemnité forfaitaire et pénalités de retard

En premier lieu, il conduit à l'application d'une indemnité forfaitaire ainsi que de pénalités de retard qui sont dues au créancier en application du code de commerce.

Le douzième alinéa du I de l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit en effet que les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Le montant des pénalités de retard et de l'indemnité forfaitaire est très encadré :

- le taux d'intérêt des pénalités de retard est, sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire ;

- le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé par l'article D. 441-5 du code de commerce à 40 €. Tout professionnel en situation de retard de paiement en est de plein droit débiteur. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due.

Pour les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises publiques , les articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 précitée prévoient un régime d'intérêts moratoires et d'indemnité forfaitaire.

Ainsi, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du créancier, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat. Les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements ainsi que les établissements publics de santé sont remboursés par l'Etat, de façon récursoire, de la part des intérêts moratoires versés imputable à un comptable de l'Etat. Aux termes du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage.

De même, le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Ce montant est fixé à 40 € par le décret précité n° 2013-269 du 29 mars 2013. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification.

b) Sanctions administratives

En second lieu, le dépassement de ces délais donne lieu à l'application de sanctions administratives qui prennent la forme d'amendes administratives , prononcées par le ministre chargé de l'économie, qui peuvent se cumuler avec des sanctions pénales.

- Régime de droit commun

Aux termes du IV de l'article L. 441-6 du code de commerce, sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale le fait :

- de ne pas respecter les délais de paiement ;

- de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date ;

- de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ;

- de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties ;

- de prévoir des clauses ayant pour objet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement.

Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

Depuis la loi du 17 mars 2014, cette amende est prononcée directement par l'autorité administrative - à la suite d'une instruction par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - dans les conditions prévues par l'article L. 465-2 du code de commerce.

L'action de la DGCCRF se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été commis si, dans ce délai, il n'a été fait aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de ce manquement. Elle intervient dans le cadre d'une procédure contradictoire avec la personne mise en cause :

- les manquements passibles d'une amende administrative sont constatés par procès-verbal ;

- avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. Passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende, qui est alors recouvrée comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ;

- la décision prononcée par l'autorité administrative peut être publiée aux frais de la personne sanctionnée. Toutefois, l'administration doit préalablement avoir informé cette dernière, lors de la procédure contradictoire, de la nature et des modalités de la publicité envisagée.

Dans la mesure où une même personne peut être poursuivie pour des mêmes faits à la fois dans le cadre d'une procédure administrative et dans le cadre d'une procédure pénale, le VI de l'article L. 465-2 du code de commerce dispose qu'en cas de cumul, le montant global des amendes prononcées ne peut dépasser le maximum légal le plus élevé .

En outre, lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours , le VII du même article prévoit que ces sanctions s'exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé.

- Régime applicable aux pouvoirs adjudicateurs et entreprises publiques

Depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée, des amendes administratives sont également prévues pour les entreprises publiques, au sens du II de l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-503 du 7 juin 2004 portant transposition de la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques.

Le dépassement du délai maximal de paiement est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut dépasser 375 000 €. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2 du même code. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

II. Le texte du projet de loi

Dans sa rédaction initiale, cet article avait seulement pour objet de modifier le quantum de l'amende administrative susceptible d'être prononcée en cas de méconnaissance des délais de paiement et de prévoir que la peine prononcée pour manquement aux délais de paiement serait toujours publiée.

Ainsi, le 1° du I et le III de cet article prévoyaient, en modifiant les articles L. 441-6 et L. 443-1 du code de commerce, de porter le 375 000 € à 2 millions d'euros le montant maximal de l'amende administrative susceptible d'être prononcée à l'égard d'une personne morale sur le fondement du VI de l'article L. 441-6 du même code, ou à l'égard d'une entreprise publique sur le fondement de l'article 40-1 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 précitée. La DGCCRF estime en effet que le montant actuel est insuffisamment dissuasif pour les grands acteurs, eu égard en particulier au gain que peut leur procurer le non-respect des délais de paiement.

Le 2° du I modifiait l'article L. 465-2 du code de commerce afin :

- d'une part, de prévoir que, lorsqu'elle vise à sanctionner un manquement aux règles relatives aux délais de paiement, la décision de sanction prononcée fait toujours l'objet d'une publication . Il s'agit, selon le Gouvernement, de rendre cette peine plus dissuasive, dans la mesure où elle met en jeu l'image aux yeux du public de l'opérateur économique qui méconnait ses obligations légales (a) ;

- d'autre part, de supprimer la limitation du montant du cumul des amendes susceptibles d'être prononcées à l'occasion de manquements en concours . La personne dont le manquement aura été constaté par l'autorité administrative pourra donc cumuler les sanctions pécuniaires administratives pour leur quantum nominal (c).

Le II de cet article prévoyait enfin une mesure de suppression de limitation du montant du cumul des amendes susceptibles d'être prononcées à l'occasion de manquements en concours relevant du code de la consommation. Il s'agit donc d'une mise en cohérence des prérogatives de la DGCCRF, mais dans un domaine étranger aux relations commerciales visées par le code de commerce.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission , cet article a fait l'objet, outre d'un amendement de coordination du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de deux modifications venant étendre son objet au-delà du dispositif initial.

D'une part, à l'initiative de Mme Chantal Guittet, a été introduit un dispositif tendant à autoriser les parties à prévoir des délais de paiement dérogatoires spécifiques pour les achats effectués en franchise de taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article 275 du code général des impôts, 10 ( * ) pour des biens destinés à être livrés en l'état hors du territoire de l'Union européenne . Les parties pourraient ainsi décider de délais de paiement allant jusqu'à :

- quatre-vingt-dix jours à compter de la date d'émission de la facture lorsque l'achat est effectué auprès d'une micro-entreprise ou d'une petite et moyenne entreprise ;

- cent-vingt jours à compter de la date d'émission de la facture lorsque l'achat est effectué auprès d'une entreprise de taille intermédiaire ou d'une grande entreprise .

Le délai convenu entre les parties devrait être expressément stipulé par contrat et ne devrait pas constituer un abus manifeste à l'égard du créancier.

Dans l'hypothèse où les biens ne recevraient pas la destination qui a justifié ces délais spécifiques, les pénalités de retard mentionnées au douzième alinéa du I de l'article L. 441-6 seraient exigibles.

Ces dispositions ne seraient pas applicables aux achats effectués par les grandes entreprises.

Le même dispositif est dupliqué par le 1° bis du I du présent article à l'article L. 443-1 du code de commerce, afin que ces délais spécifiques puissent également concerner les produits qui bénéficient déjà de délais de paiement particuliers (produits alimentaires périssables, bétail sur pied destiné à la consommation, boissons alcooliques, raisins et moûts destinés à l'élaboration de vins, etc...).

D'autre part, à l'initiative de Mme Catherine Vautrin, a été inséré un IV au sein du présent article, afin que soit remis par le Gouvernement au Parlement un rapport sur l'adéquation des moyens alloués à la DGCCRF afin de « mener à bien des missions toujours plus nombreuses, complexes et ambitieuses du fait des ajustements législatifs adoptés dans la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ».

En séance publique , outre une amélioration rédactionnelle, cet article a été modifié à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable du rapporteur de la commission des affaires économiques, afin que le délai dérogatoire ouvert aux entreprises exportatrices soit uniformisé à quatre-vingt-dix jours, quelle que soit la taille des entreprises concernées .

IV. La position de votre commission

À l'occasion des auditions de contrôle de l'application des lois du 17 mars 2014 et du 6 août 2015 par nos collègues Alain Chatillon et Martial Bourquin, les représentants de la DGCCRF avaient souligné que si les mesures de sanctions administratives mises en place étaient plus efficaces que l'ancien régime de sanctions pénales, elles n'étaient pas encore suffisamment dissuasives pour des grandes entreprises, eu égard à leur montant. Celles-ci pouvaient en effet préférer ne pas respecter les délais de paiement applicables et payer des amendes qui n'obéraient pas les gains qu'elles retiraient de cette violation de leurs obligations légales.

En 2015, ont été prononcées au total 135 amendes administratives d'un montant global de 4,3 millions d'euros, dont quatre ont atteint le niveau maximum de 375 000 € et six ont fait l'objet d'une publication. Selon les représentants de la DGCCRF, si la majeure partie des retards de paiements procèdent de négligences ou d'une mauvaise organisation interne, certaines grandes entreprises optent délibérément pour une politique de paiements tardifs de leurs fournisseurs dans le seul but d'améliorer leur trésorerie. Dans ce dernier cas, le montant maximal de l'amende peut ne pas présenter un caractère suffisamment dissuasif.

Or, les retards de paiement constituent un handicap économique et financier majeur pour les entreprises et leur développement.

Ainsi que l'indique l'Observatoire des délais de paiement dans son rapport de mars 2016, les délais de paiement poursuivent leur baisse depuis 2008 : en 2015, les délais clients se situaient ainsi à 44 jours de chiffre d'affaires tandis que les délais fournisseurs s'élevaient eux à 50 jours. Les situations restent néanmoins très variables selon les secteurs économiques qui, en outre, connaissent des évolutions parfois divergentes. En particulier, la situation dans le secteur du bâtiment s'est détériorée, alors que le commerce et l'hôtellerie-restauration connaissent une amélioration. En outre, le montant du crédit interentreprises reste très élevé.

Votre commission est donc favorable à l'alourdissement des amendes administratives ainsi qu'à l'automaticité de la publication de la décision de sanction, qui ne pose pas de difficulté juridique puisqu'en l'espèce c'est une autorité administrative et non juridictionnelle qui prononce la sanction.

Pour autant, comme à l'occasion de la discussion de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, votre commission souhaite que ne soit pas remise en cause la règle de plafonnement en cas de cumul de manquements en concours, introduite par le Sénat à l'initiative de votre commission des lois. Il est en effet nécessaire que les sanctions administratives restent proportionnées.

Ne voyant pas de raison à ce que ce qui avait été jugé pertinent il y a deux ans soit déjà remis en cause, votre commission a en conséquence adopté un amendement de suppression de cette disposition, à l'initiative de votre rapporteur (amendement n° COM-213).

Par cohérence, et pour les mêmes raisons, elle a supprimé, sur un amendement de votre rapporteur, le II de cet article qui prévoyait de lever le principe de non cumul s'agissant des sanctions prononcées en application du code de la consommation ( amendement n° COM-214 ) .

En outre, votre commission juge que l'introduction d'une réglementation spécifique en matière de délais de paiement dans les activités d'export n'est pas souhaitable.

Une mesure similaire avait déjà été introduite par l'Assemblée nationale à l'occasion de la discussion de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation et rejetée par le Sénat. Ainsi que l'avait souligné notre collègue Elisabeth Lamure, rapporteur de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export », 11 ( * ) dont les dispositions ont été reprises sans modification à l'initiative de Mme Chantal Guittet, un tel dispositif constitue une réponse inadaptée à un problème récurrent : le manque de trésorerie des entreprises, en particulier exportatrices.

En effet, ce dispositif a pour effet d'augmenter les délais fournisseurs pour transférer partiellement les besoins de trésorerie induits par les différences de délais de paiement entre la France et l'étranger. En voulant soulager la trésorerie des négociants, elle détériore celle de leurs fournisseurs, dont aucune donnée précise ne vient établir qu'elle serait meilleure que celle des négociants.

En outre, alors même que le choix de délais plus longs est à rebours de la politique menée par le législateur depuis 2008, l'introduction de nouveaux délais dérogatoires - même s'il ne s'agit que d'une faculté pour les parties - risque d'avoir un effet inflationniste, assorti d'un risque d'extension progressif du champ de la dérogation. C'est ce qu'a rappelé avec vigueur à votre rapporteur, lors des auditions, Mme Jeanne-Marie Prost, présidente de l'Observatoire des délais de paiement.

Or, ainsi que le soulignait notre collègue Elisabeth Lamure, il n'est pas établi que, structurellement, les entreprises de négoce international soient désavantagées sur le marché international par les délais de paiement actuels réellement pratiqués.

Ce constat avait conduit votre commission des affaires économiques à ne pas proposer de texte pour cette proposition de loi et avait été à l'origine de son retrait, par le groupe Socialiste et républicain du Sénat, de son ordre du jour réservé en décembre 2015.

Au surplus, l'insertion de ce dispositif dans l'article L. 441-6 du code de commerce aurait pour effet de supprimer purement et simplement les dispositions du dernier alinéa du I de cet article qui autorisent aujourd'hui des délais dérogatoires dans des secteurs soumis à des ventes ou des prestations présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué, lorsque les organisations professionnels de vendeurs et acheteurs ont conclu des accords en la matière.

Ces constats ont conduit votre commission, à l'initiative de votre rapporteur, à supprimer ce dispositif (amendement n° COM-212) .

Votre commission estime que la question des moyens de la DGCCRF pour assurer correctement les missions qui lui sont confiées est essentielle. Pour assurer son activité de contrôle - étendue au gré des lois récentes - ce service et ses déclinaisons au niveau territorial doivent être suffisamment pourvus. Il est évident qu'un renforcement des moyens humains de la DGCCRF serait de nature à renforcer les enquêtes, notamment en amont, dans le cadre éventuellement de perquisitions. À ce jour, ces méthodes d'enquête restent très peu usitées en matière de relations commerciales faute d'un personnel suffisant.

Pour autant, votre commission estime que l'obligation de dépôt d'un rapport n'est pas la solution la plus pertinente, les rapports du Gouvernement au Parlement étant rarement établis. Mais, dans le cadre du contrôle de l'application des lois ainsi qu'au cours de la discussion budgétaire, elle entend être particulièrement vigilante sur cette question. En conséquence, à l'initiative de votre rapporteur, la commission des affaires économiques a supprimé cette obligation de rapport (amendement n° COM-229) .

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

TITRE VI - DE L'AMÉLIORATION DU PARCOURS DE CROISSANCE POUR LES ENTREPRISES
Article 38 (art. 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans) - Stage de préparation à l'installation des artisans

Objet : Cet article vise à permettre la réalisation du stage de préparation à l'installation qui doit être suivi par les artisans après leur immatriculation et à étendre les cas de dispense de stage actuellement applicables.

I. Le droit en vigueur

L'article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans impose la réalisation , par les personnes qui souhaitent s'inscrire au répertoire des métiers (ou dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au registre des entreprises), la réalisation d'un stage de préparation à l'installation .

Ce stage s'applique à tout futur artisan , y compris lorsqu'il envisage de s'installer en qualité de micro-entrepreneur, dès lors que l'article 28 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a supprimé la dispense de stage dont bénéficiaient jusqu'alors les auto-entrepreneurs.

Selon les indications fournies par le Gouvernement, l'accomplissement de ce stage s'impose à 160 000 entrepreneurs par an (dont 100 000 micro-entrepreneurs).

Il comporte deux parties :

- d'une part, avant son immatriculation, il s'agit d'initier le futur artisan à la comptabilité générale et à la comptabilité analytique, ainsi qu'à l'environnement économique, juridique et social de l'entreprise artisanale ;

- d'autre part, par la suite, il s'agit d'assurer un accompagnement, après son immatriculation.

Ce stage est organisé, en liaison avec les organisations professionnelles intéressées, par les chambres de métiers et, en tant que de besoin, par des établissements publics d'enseignement ou par des centres conventionnés. 12 ( * ) À défaut d'être déjà financé par un organisme de financement de la formation professionnelle continue des professions salariées ou des demandeurs d'emploi, le stage est financé par le droit additionnel prévu au c de l'article 1601 du code général des impôts, après l'immatriculation de l'artisan au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises, et à condition que celle-ci intervienne dans un délai fixé par décret et courant à compter de la fin de la première partie de son stage.

Il est ouvert au conjoint du futur chef d'entreprise et à ses auxiliaires familiaux.

Ce même article 2 prévoit quatre cas de dispense de stage . Trois d'entre eux présentent un caractère général et permettent au futur artisan d'être dispensé s'il se trouve dans l'une des situations suivantes :

- si une raison de force majeure l'empêche d'accomplir le stage. Dans ce cas, il doit s'acquitter de son obligation dans un délai d'un an à compter de son immatriculation ou de son inscription ;

- s'il a bénéficié d'une formation à la gestion d'un niveau au moins égal à celui du stage ;

- s'il a exercé, pendant au moins trois ans, une activité professionnelle requérant un niveau de connaissance au moins équivalent à celui fourni par le stage.

Un cas de dispense spécifique est prévu pour les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, lorsqu'ils sont des « professionnels qualifiés ». Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions dans lesquelles, si l'examen des qualifications professionnelles attestées par le professionnel fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour la direction d'une entreprise artisanale, l'autorité compétente peut exiger que le demandeur se soumette à une épreuve d'aptitude ou un stage d'adaptation, à son choix.

Ces dispositions législatives sont précisées par le décret n° 83-517 du 24 juin 1983 fixant les conditions d'application de la loi 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans.

S'agissant des cas de dispense, ce décret prévoit que la dispense est accordée par le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de région, avec un système de décision implicite d'acceptation à défaut de réponse dans le délai d'un mois à la demande de dispense. Celle-ci peut être accordée si le futur artisan :

- s'il possède un titre ou diplôme homologué au niveau 3 et comportant un enseignement en matière d'économie et de gestion d'entreprise, conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi n° 71-577 du 16 juillet 1971 ou le brevet de maîtrise délivré par une chambre de métiers et de l'artisanat de région ;

- s'il détient le certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi en application de l'article 2 de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi.

Ce même décret précise également les conditions d'équivalence existantes pour les ressortissants d'autres Etats de l'Union européenne ou d'Etats parties à l'Espace économique européen.

II. Le texte du projet de loi

Compte tenu de l'impossibilité matérielle constatée dans certaines chambres de métiers et de l'artisanat, eu égard au nombre de personnes désormais soumises à cette obligation de stage préalable à l'installation, d'organiser la première partie du stage en amont de l'immatriculation, le Gouvernement a entendu à la fois permettre la réalisation de ce stage dans un délai rapproché après l'immatriculation et accroitre les possibilités de dispense.

En conséquence, le texte initial du projet de loi prévoyait au 1° de l'article 38 de permettre la réalisation du stage d'installation non plus nécessairement avant l'immatriculation, mais dans les trente jours suivant celle-ci .

Son 2° prévoyait que le niveau de formation permettant d'obtenir une dispense serait définit par référence à une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'artisanat. Il s'agissait ainsi de mieux harmoniser les décisions de dispense dans les différentes chambres de métiers au niveau régional.

Son 3° créait un nouveau cas de dispense : le suivi antérieur d'un module d' accompagnement à la création d'entreprise d'au moins trente heures délivré par l'un des réseaux d'aide à la création d'entreprise dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l'artisanat suffirait ainsi à dispenser l'artisan d'effectuer le stage d'installation.

Enfin, le 4° de cet article assurait une coordination.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

En commission , à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et de plusieurs de ses collègues, a supprimée la possibilité d'un stage d'installation dans les trente jours après l'immatriculation pour lui préférer une disposition ( bis ) aux termes de laquelle la chambre de métiers, l'établissement ou le centre saisi d'une demande de stage est tenu de faire commencer celui-ci sous trente jours et que, passé ce délai, l'immatriculation du futur chef d'entreprise ne pourra lui être refusée ou être différée, sans préjudice des autres obligations conditionnant l'immatriculation. En conséquence, elle a supprimé le de cet article.

Sur proposition du rapporteur pour avis, la commission a également inséré un nouvel alinéa ( ter ) tendant à ce que le stage d'installation permette également d'informer le futur artisan sur la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise artisanale .

Au , à l'initiative du rapporteur pour avis, la commission a, enfin, précisé que l'action d'accompagnement à la création d'entreprise devait, pour conduire à une dispense de stage d'installation, avoir un niveau au moins équivalent à celui du stage et être enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles - mentionné au II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation - qui classe les diplômes et titres à finalité professionnelle par domaine d'activité et par niveau.

En séance publique , à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, seuls des amendements rédactionnels ou de précision ont été adopté, notamment pour préciser que les actions d'accompagnement à la création d'entreprise pouvant conduire à une dispense de stage devaient être inscrites à l'inventaire des certifications professionnelles. En outre, à l'initiative du même auteur a été exigé que ces actions comportent une formation à la gestion d'un niveau au moins équivalent à celui du stage.

IV. La position de votre commission

La modification apportée au présente l'intérêt d'affirmer le caractère préalable du stage d'installation, tout en conférant une certaine souplesse au dispositif, puisque tout en affirmant que le stage doit être effectué dans les trente jours de la demande, elle prévoit qu'en tout état de cause, si ce délai n'était pas respecté, le futur artisan ne pourrait se voir opposer le défaut de stage pour obtenir son immatriculation.

En outre, les cas de dispenses seront plus homogénéisés qu'à l'heure actuelle entre les chambres de métiers, et les dispenses liées au suivi d'actions d'accompagnement à la création d'entreprises ont été mieux encadrées dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

L'équilibre ainsi réalisé ne semble pas devoir être remis en cause, les organismes représentatifs de l'artisanat s'étant également montrés favorables aux modifications apportées par les députés.

Votre commission a cependant adopté un amendement de son rapporteur tendant à assurer une coordination nécessaire avec les dispositions du code du travail dans sa version recodifiée, dans la mesure où l'article 2 de la loi du 23 décembre 1982 fait toujours référence à des dispositions abrogées (amendement n° COM-215) .

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 40 (art. L. 526-8, L. 526-10, L. 526-12 et L. 526-14 du code de commerce) - Simplification des formalités liées au passage du régime de l'entrepreneur individuel à celui de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée

Objet : Cet article tend à simplifier les formalités liées au passage du régime de l'entrepreneur individuel à celui de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée en simplifiant les règles d'évaluation du patrimoine de l'entrepreneur individuel, en supprimant l'opposabilité du patrimoine d'affectation aux créanciers antérieurs à sa constitution et en supprimant certaines formalités de dépôt du bilan.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 526-6 du code de commerce permet à un entrepreneur individuel d'affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale nouvelle, devenant alors un entrepreneur à responsabilité limitée (EIRL). Ce patrimoine est constitué grâce au dépôt d'une déclaration à un registre de publicité légal ou à un registre spécial tenu par le greffe du tribunal statuant en matière commerciale.

Aux termes de l'article L. 526-8, cette déclaration ne peut être reçue que si elle comporte des éléments limitativement énumérés :

- un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur. Toutefois, l'entrepreneur individuel qui exerçait son activité professionnelle antérieurement au dépôt de la déclaration peut présenter en qualité d'état descriptif le bilan de son dernier exercice, à condition que celui-ci soit clos depuis moins de quatre mois à la date de dépôt de la déclaration. Dans ce cas, l'ensemble des éléments figurant dans le bilan compose l'état descriptif et les opérations intervenues depuis la date du dernier exercice clos sont comprises dans le premier exercice de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ;

- la mention de l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ;

- le cas échéant, les documents attestant de l'accomplissement des formalités liées à la présence de certains biens dans le patrimoine (biens immobiliers, biens d'une valeur importante devant faire l'objet d'une évaluation, biens communs des époux ou indivis).

Une fois déposée, la déclaration d'affectation est, aux termes de l'article L. 526-12 du code de commerce, opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt .

Elle est également opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration d'affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire . Dans ce cas, les créanciers concernés peuvent former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si l'entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes. À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la déclaration est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

L'innovation juridique qu'a constitué la création de l'EIRL n'a pas donné lieu, en pratique, aux résultats espérés : selon l'étude d'impact, on dénombrait seulement 34 929 EIRL au 31 décembre 2015, dont un tiers de micro-entrepreneurs, provenant à 73 % de la création d'une nouvelle entreprise et à 27 % d'entrepreneurs individuels déjà en activité ayant opté pour ce nouveau régime.

L'une des motivations de la réforme de 2010 était justement de favoriser le changement de statut des entrepreneurs individuels - qui sont responsables sur l'ensemble de leur patrimoine des dettes résultant éventuellement de leur activité professionnelle - pour acquérir le statut d'EIRL. Le Gouvernement a, dès lors, estimé que la suppression de certaines lourdeurs juridiques actuelles permettrait de faciliter davantage le recours à cette forme d'entreprenariat plus protectrice.

II. Le texte du projet de loi

Dans sa rédaction initiale, le 1° de cet article prévoyait d'assouplir encore la faculté donnée à l'entrepreneur individuel qui n'est pas déjà sous une forme sociale (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ; exploitation agricole à responsabilité limitée) souhaitant se transformer en EIRL en lui permettant de se borner, dans le cadre de sa déclaration de constitution de patrimoine affecté, à déclarer :

- soit la valeur nette comptable des éléments constitutifs du patrimoine affecté telle qu'elle figure dans les comptes du dernier exercice clos à la date de constitution du patrimoine affecté si l'entrepreneur est tenu à une comptabilité commerciale ;

- soit la valeur d'origine de ces éléments telle qu'elle figure au registre des immobilisations du dernier exercice clos diminuée des amortissements déjà pratiqués s'il n'est pas tenu à une telle comptabilité.

Le 2° assure une coordination avec cette mesure de simplification, en supprimant à l'article L. 526-10 du code de commerce le recours à un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire lorsque l'on se situe dans le cas d'une constitution d'un EIRL par un entrepreneur individuel en activité.

Le 3° supprime le mécanisme d'opposabilité aux créanciers antérieurs de l'entrepreneur de la constitution d'un patrimoine d'affectation .

Il s'avère que cette mesure est, en pratique, source de complexité et de contentieux, en même temps qu'elle est par nature préjudiciable aux créanciers antérieurs qui avaient avant la constitution de l'EIRL un droit sur l'ensemble du patrimoine de l'entrepreneur individuel, sous réserve de la protection de sa résidence principale ainsi que de ses biens immobiliers non affectés à son usage professionnel.

Le 4° modifie l'article L. 526-14 du code de commerce afin d'alléger les formalités de publicité du bilan des EIRL. Ce bilan serait désormais simplement déposé au registre de publicité légale dont dépend l'EIRL et ne ferait plus l'objet d'un dépôt complémentaire au registre spécial des EIRL tenu par le greffe du tribunal de commerce ou au registre du commerce et des sociétés , pour y être annexé.

III. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative du Gouvernement, et avec l'avis favorable de la commission, le texte de cet article a été complété afin de clarifier la rédaction de l'article L. 526?8 du code de commerce relatif au contenu de l'état descriptif figurant dans la déclaration d'affectation de l'EIRL.

Ainsi, la valeur à retenir serait la valeur vénale ou, en l'absence de marché pour le bien considéré, la valeur d'utilité. Cette disposition revient en réalité à consacrer, au niveau de la loi, les règles d'évaluation des biens à l'EIRL qui sont actuellement prévues au 7° de l'article R. 526?3 du code de commerce.

IV. La position de votre commission

Les mesures de simplification proposées vont dans le bon sens ; elles devraient faciliter le passage du statut d'entrepreneur individuel à celui d'EIRL.

Pour autant, l'un des obstacles à l'essor de cette forme d'entreprenariat provient certainement d'un manque d'information des entrepreneurs sur les vertus et les protections découlant de la séparation du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel de l'entrepreneur. Votre commission juge important que dans l'accompagnement qu'ils apportent quotidiennement aux entrepreneurs les réseaux consulaires fassent mieux connaître à leurs ressortissants l'EIRL et ses avantages.

Elle a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 41 (art. L. 141-1 et L. 141-21 du code de commerce) - Simplification des modalités d'apport du fonds de commerce à une société unipersonnelle

Objet : Cet article vise à simplifier les modalités de l'apport d'un fonds de commerce à une société unipersonnelle, en limitant les mentions obligatoires de l'acte d'apport et les mesures de publicité qui l'accompagnent.

I. Le droit en vigueur

Le code de commerce soumet la vente ou l'apport en société d'un fonds de commerce à des formalités particulières destinées à assurer la bonne information - et par là-même la protection - des cessionnaires ou des tiers.

Ainsi, l'article L. 141-1 impose des mentions obligatoires au sein de l'acte d'apport en société, dont la méconnaissance peut entraîner la nullité de l'acte à la demande de l'acquéreur formée dans l'année. Ces mentions sont :

- le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d'acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;

- l'état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;

- le chiffre d'affaires qu'il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;

- les résultats d'exploitation réalisés pendant le même temps ;

- le bail, sa date, sa durée, le nom et l'adresse du bailleur et du cédant, s'il y a lieu.

En outre, l'article L. 141-21 impose une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) de l'acte d'apport de fonds de commerce fait à une société en constitution ou déjà existante. Cette mesure permet aux créanciers de l'apporteur d'avoir, le cas échéant, connaissance de l'apport afin de déclarer leurs créances au greffe du tribunal de commerce indiqué dans cette publication.

Cette exigence est néanmoins exclue dans l'hypothèse où l'apport est réalisé dans le cadre d'une opération de fusion ou de scission de sociétés, en application du quatrième alinéa de l'article L. 236-2 et des articles L. 236-7 à L. 236-22.

II. Le texte du projet de loi

Estimant que ces formalités sont inutiles lorsque l'acte d'apport de fonds de commerce est fait au profit d'une société dont le vendeur est le seul associé ou actionnaire, le Gouvernement a entendu dispenser les actes d'apport de ces différentes contraintes juridiques lorsqu'ils interviennent au profit d'une société dont le vendeur détient l'ensemble des parts sociales ou actions, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou d'une société par actions simplifiée unipersonnelle .

III. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

IV. La position de votre commission

Cet article permet de mettre fin à des formalités qui ne répondent à aucun besoin réel de preuve ou de protection du cessionnaire d'un fonds de commerce lorsque celui-ci n'est autre qu'une société dont l'apporteur est l'unique associé.

Dans la mesure où les créanciers du vendeur conserveront leurs droits contre l'apporteur qui restera tenu comme débiteur principal et qui n'est pas appauvri puisque son apport est rémunéré par des droits sociaux représentant la totalité du capital de la société, la protection des créanciers restera assurée même si, n'ayant pas connaissance de l'apport en société, ils ne procèdent pas à la déclaration de leur créance au greffe.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 42 (art. L. 223-9 et L. 227-1 du code de commerce) - Suppression de l'obligation de commissaire aux apports en cas de transformation d'une entreprise individuelle en société unipersonnelle

Objet : Cet article tend à rendre optionnel le recours à un commissaire aux apports en cas de transformation d'une entreprise individuelle en une société unipersonnelle.

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 233-9 du code de commerce, les statuts d'une société à responsabilité limitée (SARL) doivent contenir l'évaluation de chaque apport en nature. Il est procédé à cette évaluation au vu d'un rapport annexé aux statuts et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux apports désigné à l'unanimité des futurs associés ou à défaut par une décision de justice à la demande du futur associé le plus diligent.

Toutefois, les futurs associés peuvent décider à l'unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire , lorsque :

- d'une part, la valeur d'aucun apport en nature n'excède un montant fixé par décret ;

- d'autre part, la valeur totale de l'ensemble des apports en nature non soumis à l'évaluation d'un commissaire aux apports n'excède pas la moitié du capital.

Lorsque la société est constituée par une seule personne, le commissaire aux apports est désigné par l'associé unique. Toutefois le recours à un commissaire aux apports n'est pas obligatoire lorsque les conditions ci-dessus sont réunies.

Lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

S'agissant de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), les règles prévues pour les sociétés anonymes s'appliquent, de telle sorte que l'intervention d'un commissaire aux apports est obligatoire. En effet, il résulte de l'article L. 225-14 du code de commerce que les statuts contiennent l'évaluation des apports en nature et qu'il y est procédé au vu d'un rapport annexé aux statuts et établi, sous sa responsabilité, par un commissaire aux apports. Si des avantages particuliers sont stipulés, la même procédure est suivie.

II. Le texte du projet de loi

Cet article modifie le régime de l'EURL et de la SASU afin de supprimer l'obligation de recourir à un commissaire aux apports dans deux hypothèses spécifiques.

Pour l'EURL, l'intervention d'un commissaire aux apports ne serait pas obligatoire lorsque l'associé unique, personne physique, exerçant son activité professionnelle en nom propre avant à la constitution de la société, y compris en tant qu'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, apporte des éléments qui figuraient dans le bilan de son dernier exercice.

Pour la SAS, par dérogation à l'article L. 225-14, les futurs associés pourraient décider à l'unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire à deux conditions :

- d'une part, lorsque la valeur d'aucun apport en nature n'excède un montant fixé par décret ;

- d'autre part, lorsque la valeur totale de l'ensemble des apports en nature non soumis à l'évaluation d'un commissaire aux apports n'excède pas la moitié du capital.

Il y aurait ainsi un alignement sur le régime plus souple de la SARL.

Plus spécifiquement pour la SASU, le commissaire aux apports serait désigné par l'associé unique. Toutefois le recours à un commissaire aux apports ne serait pas obligatoire si les conditions ci-dessus sont réunies ou si l'associé unique, personne physique, exerçant son activité professionnelle en nom propre avant à la constitution de la société, y compris sous le régime de l'EIRL, apporte des éléments qui figuraient dans le bilan de son dernier exercice.

En l'absence de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés seraient solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

III. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été adopté par l'Assemblée nationale sous réserve de deux amendements rédactionnels du rapporteur de la commission des lois.

IV. La position de votre commission

Votre commission est favorable à ce que la faculté de ne pas faire appel à un commissaire aux apports soit ouverte dans le cadre d'une simple transformation de régime juridique de l'entrepreneur individuel en une société unipersonnelle. Cela permettra d'alléger le coût de la procédure de transformation, sans pour autant que l'absence d'intervention de ce professionnel s'avère préjudiciable dans cette hypothèse très circonscrite.

En conséquence, elle a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 43 (art. 16, 17, 17-1, 19, 21 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat ; loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d'accès à la profession de coiffeur ; art. 23 du code de l'artisanat) - Exigence de qualification des artisans

Objet : Cet article vise à assouplir les exigences de qualification requises pour l'exercice de certaines activités artisanales en les recentrant sur celles qui sont justifiées par des considérations de sécurité et de protection de la santé des consommateurs.

I. Le droit en vigueur

La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat a institué des exigences de qualification professionnelle pour l'exercice de certaines activités artisanales .

Ainsi, son article 16 dispose que ne peuvent être exercés que par une personne qualifiée professionnellement ou sous son contrôle effectif et permanent :

- l'entretien et la réparation des véhicules à moteur et des machines ;

- la construction, l'entretien et la réparation des bâtiments ;

- la mise en place, l'entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ainsi que des matériels et équipements destinés à l'alimentation en gaz, au chauffage des immeubles et aux installations électriques ;

- le ramonage ;

- les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale. On entend par modelage toute manoeuvre superficielle externe réalisée sur la peau du visage et du corps humain dans un but exclusivement esthétique et de confort, à l'exclusion de toute finalité médicale et thérapeutique. Cette manoeuvre peut être soit manuelle, éventuellement pour assurer la pénétration d'un produit cosmétique, soit facilitée par un appareil à visée esthétique ;

- la réalisation de prothèses dentaires ;

- la préparation ou la fabrication de produits frais de boulangerie, pâtisserie, boucherie, charcuterie et poissonnerie, ainsi que la préparation ou la fabrication de glaces alimentaires artisanales ;

- l'activité de maréchal-ferrant.

Selon le Gouvernement, cette obligation de qualification est, de fait applicable à 665 000 entreprises, dont environ 594 000 sont immatriculées au répertoire des métiers. Cette exigence de qualification au champ particulièrement large constitue une spécificité française. Les autres Etats de l'Union européenne ont mis en place des réglementations permettant un accès plus ouvert à de nombreuses professions à caractère artisanal.

Depuis la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises la qualification requise à cet effet est examinée au regard de chaque métier.

Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'Autorité de la concurrence, de la Commission de la sécurité des consommateurs, de CCI France, de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat et des organisations professionnelles représentatives détermine, en fonction de la complexité de chacun des métiers relevant des activités précitées et des risques qu'ils peuvent présenter pour la sécurité ou la santé des personnes, les diplômes, les titres homologués ou la durée et les modalités de validation de l'expérience professionnelle qui justifient de la qualification requise.

À ce jour, eu égard à la difficulté de définition des métiers concernés par l'obligation, ce décret n'a toujours pas été adopté.

Toutefois, la loi prévoit des dispositifs d'équivalence. Ainsi :

- d'une part, l'artisan qui, à la date de publication de la loi - c'est-à-dire le 7 juillet 1996 - exerçait effectivement l'activité en cause en qualité de salarié ou pour son propre compte est réputée justifier de la qualification requise ;

- d'autre part, lorsque les conditions d'exercice de l'activité sont remplies uniquement par le chef d'entreprise et que celui-ci cesse son exploitation l'exigence de qualification n'est pas applicable, pendant une période de trois ans à compter de la cessation d'exploitation, aux activités exercées par le conjoint de ce chef d'entreprise appelé à assurer la continuité de l'exploitation, sous réserve qu'il relève du statut de conjoint-collaborateur, de conjoint salarié ou de conjoint associé 13 ( * ) depuis au moins trois années et qu'il s'engage dans une démarche de validation des acquis de son expérience. 14 ( * )

S'agissant de l'activité de coiffeur , l'exigence d'une qualification professionnelle spécifique découle d'un texte législatif spécifique : la loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d'accès à la profession de coiffeur. Son article 3 prévoit ainsi une qualification professionnelle tant pour l'exercice de la profession en salon qu'à domicile, son article 6 renvoyant à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les diplômes ou titres homologués exigés ainsi que les cas de dispense. Sur ce fondement, le décret n° 97-558 du 29 mai 1997 relatif aux conditions d'accès à la profession de coiffeur prévoit une exigence de brevet professionnel pour l'exercice en salon, et d'un certificat d'aptitude professionnelle pour l'exercice à domicile.

II. Le texte initial du projet de loi

L'objet du texte initial du projet de loi était de recentrer l'exigence de qualification professionnelle pour l'exercice d'activités artisanales sur celles qui présentent un risque pour la santé et pour la sécurité des consommateurs, tout en réaménageant les systèmes d'équivalences afin qu'ils satisfasse aux exigences de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n ° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur (dit « règlement IMI »).

À cet effet, le I du texte proposé modifiait l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 ( au A ), afin de :

- limiter l'exigence de qualification professionnelle aux seules activités présentant un « risque pour la santé et la sécurité des personnes » dans l'un des secteurs d'activités énumérés par cet article ( a du 1° ) ;

- supprimer, au titre de ces secteurs d'activités, celle correspondant au ramonage, limiter l'activité d'entretien et de réparation de véhicules à moteurs aux seuls véhicules terrestres à moteur (ce qui et celle d'entretien et de réparation des machines aux seules machines agricoles, forestières et de travaux publics , et y intégrer le secteur de la coiffure (les dispositions de la loi précitée du 23 mai 1946 étant par coordination abrogés par le II du présent article) ( b et d du 1°) ;

- prévoir qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'APCMA et des organisations professionnelles représentatives précisera la liste des activités incluses dans les secteurs précités qui seront soumises à l'obligation de qualification professionnelle ( d du 1° ) ;

- isoler les activités de réalisation de prothèse dentaire et de maréchal-ferrant qui, de fait, n'ont pas besoin d'être précisées par décret ( ) ;

- préciser que la personne qui présente la qualification exigée pour l'exercice de l'activité peut à la fois exercer la « partie d'activité » qui correspond à sa qualification ou en assurer le contrôle effectif et permanent au sein de l'entreprise ( ). Cette notion de « partie d'activité », qui permet d'assurer la transposition de la directive 2013/55/UE modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, peut se traduire par la possibilité d'assurer :

o un métier exercé au sein d'une activité au sens de l'article 16 de la loi de 1996 ;

o une tâche relevant d'un métier au sens de l'article 16 de la loi de 1996. Il peut s'agir, en particulier, de tâches qui, au départ, semblaient nécessairement englobées dans un « métier » donné mais qui, progressivement, ont pu s'en détacher pour être exercées de manière autonome, comme par exemple, l'entretien et le remplacement de pare-brise, qui n'est plus forcément indissociable du métier de réparateur automobile, ou le modelage de bien-être, qui peut être exercé dans un salon dédié sans autre soin esthétique ;

o un ensemble cohérent de tâches ne relevant pas de métiers au sens traditionnel du terme, et pouvant correspondre à plusieurs activités. Par exemple, une entreprise d'installation de piscine pratique à la fois des métiers liés au bâtiment, à la plomberie, à l'électricité, voire au chauffage, qui relèvent de deux activités au sens de l'article 16. L'installation de piscine doit pouvoir être accessible aux personnes titulaires d'une qualification de pisciniste, c'est-à-dire possédant des compétences reconnues en matière de construction, de plomberie et d'électricité appliquées à la seule construction de piscine, sans imposer la détention d'une qualification de maçon, de plombier et d'électricien.

Ainsi, dès lors qu'une qualification (CAP, BEP, ou titre de niveau équivalent) aura été valablement acquise en France ou dans un Etat membre de l'Union européenne, elle permettra d'exercer cette partie d'activité. La directive impose aux Etats membres de permettre un accès partiel, au cas par cas, à une « activité professionnelle » (c'est-à-dire à un métier) sur leur territoire dès lors que le professionnel est pleinement qualifié pour exercer la partie d'activité dont il sollicite l'exercice en France. Ne pas généraliser cet accès partiel (dans l'article 16 de la loi de 1996), en limitant l'accès aux seuls ressortissants d'Etats membres de l'Union européenne (article 17-1 de la loi de 1996), créerait de manière certaine une discrimination à rebours au détriment des ressortissants français et au profit des ressortissants d'autres Etats membres ;

- préciser que le décret en Conseil d'Etat qui doit permettre l'application de ces dispositions déterminera le niveau des diplômes et des titres qui devront désormais être homologués ou enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles et les modalités de validation de l'expérience professionnelle. La consultation de l'Autorité de la concurrence, de la Commission de sécurité des consommateurs, de CCI France et de l'APCMA ne sera plus requise ( ) ;

- à renvoyer à un décret simple les règles applicables à l'apprentissage de la profession de coiffeur et aux établissements qui en dispensent l'enseignement, ainsi que les qualifications nécessaires à l'enseignement de cette profession ( ).

Le B du I du texte initial prévoyait une actualisation de la référence à l'Union européenne et une coordination à l'article 17, relatif aux conditions d'exercice, par les ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen (EEE), d'une des activités nécessitant une qualification professionnelle en application de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996.

Le C du même I, outre diverses coordinations liées aux modifications opérées par le A du présent I, abaisse de deux ans à un an au cours des dix dernières années qui précèdent la prestation qu'il entend réaliser en France, la durée d'exercice dans un autre Etat membre dans lequel il est légalement établi, d'une activité soumise à une qualification professionnelle en France mais non réglementée dans l'Etat d'établissement. Il s'agit d'assurer la transposition des exigences issues de la directive 2013/55/UE qui a procédé à cet abaissement.

Il supprime par ailleurs l'exclusion de l'activité de réparation de cycles des activités devant faire l'objet d'une information auprès de l'autorité compétente lorsqu'un ressortissant d'un Etat de l'Union européenne ou de l'EEE entend en assurer un contrôle effectif et permanent et apporte des modifications symétriques à celles prévues par le I pour l'exercice d'activités d'entretien et de réparation de véhicules et de machines.

Aux termes du III , les dispositions du présent article entreraient en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard dix-huit mois à compter de la date de publication de la loi.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté dix-neuf amendements - dont plusieurs rédactionnels - au texte initial, tous à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

S'agissant du décret en Conseil d'Etat fixant la liste des activités artisanales présentant un risque pour la santé et la sécurité des personnes qui seront soumises à une obligation de qualification, elle a rétabli la consultation de l'APCMA et des organisations professionnelles représentatives de l'artisanat. Elle a fait de même s'agissant du décret devant fixer le niveau de formation requis pour l'exercice des activités artisanales soumises à qualification. Elle a également prévu la consultation des organisations professionnelles représentatives s'agissant du décret propre à l'activité de coiffeur.

Elle a prévu que ce même décret devrait également prévoir de nouvelles modalités de validation des acquis de l'expérience pour l'accès à ces activités et réviserait « la liste des activités réalisables sous le statut d'homme toutes mains . » Il s'agit de prendre en considération certaines « petites tâches » dont l'accomplissement ne demande pas des connaissances techniques particulières (activités de lavage de voiture, lessivage de murs...).

Elle a également modifié l'article 21 de la loi du 5 juillet 1996 afin que la qualité d'artisan cuisinier , reconnue depuis la loi n° 2015-990 du 5 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, puisse être utilisée par des personnes qui exercent une activité de fabrication de plats à consommer, mais à la condition nouvelle qu'ils remplissent « un cahier des charges » qui serait déterminé par décret .

La commission a enfin apporté des coordinations aux articles 19 de la loi du 5 juillet 1996 et 23 du code de l'artisanat.

En séance , à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et avec l'avis favorable du Gouvernement a été adopté un amendement de réécriture globale du présent article. Par rapport au texte de la commission, le texte adopté en séance publique :

- prévoit qu'un décret, pris après avis de l'APCMA et des organisations professionnelles représentatives, fixe les conditions dans lesquelles une personne qualifiée pour exercer un métier peut être autorisée à réaliser des tâches relevant de « métiers connexes » faisant partie de la même activité. Cette mesure tend donc à assouplir les exigences de la loi du 27 mars 2014 relative à la consommation.

La notion de « métiers connexes » doit être entendue comme se référant à des métiers comportant des liens étroits qui, de fait, requièrent des compétences assez proches, sinon similaires. Elle permettrait ainsi à un plâtrier qualifié d'assurer des travaux de peinture, ou à un boulanger qualifié de faire de la pâtisserie.

- instaure des passerelles facilitant l'accès à la validation des acquis de l'expérience (VAE), en prévoyant, à l'article L. 335-5 du code de l'éducation, qu'un décret définira des modalités spécifiques d'accès à la VAE pour les activités artisanales, notamment en termes d'encadrement des délais. Selon le Gouvernement, il s'agirait ainsi d'améliorer la procédure actuelle de validation des acquis de l'expérience, par exemple :

- en favorisant la lisibilité du dispositif ;

- en améliorant l'accompagnement des indépendants qui demandent à en bénéficier (l'accompagnement offert actuellement étant centré sur les salariés et les demandeurs d'emplois) ;

- en multipliant la fréquence des jurys.

En outre, la date d'entrée en vigueur différée de cet article a été ramenée à douze mois.

L'amendement du rapporteur pour avis prévoyait également, sans remettre en cause le principe d'une qualification professionnelle nécessaire à l'exercice de certaines activités, d'inverser la logique du texte du Gouvernement : il posait une exception encadrée à ce principe en prévoyant que ne relèvent pas de l'obligation de qualification, en raison du risque limité qu'elles présentent pour la santé et la sécurité des personnes, les tâches courantes, élémentaires ou d'entretien courant ainsi que les menues réparations. Ces activités seraient dénommées « activités multiservices » et leur liste serait arrêtée par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'APCMA et des organisations professionnelles représentatives. Néanmoins, à l'initiative du Gouvernement et de plusieurs députés, dont Mme Massat, M. Tardy et M. Vigier, cette disposition a été supprimée dans le souci de rechercher une version plus équilibrée au cours de la navette parlementaire.

IV. La position de votre commission

En l'état, l'évolution de l'exigence de qualification professionnelle pour l'exercice de certaines activités artisanales a été restreinte par rapport aux ambitions initiales du Gouvernement. Elle n'est pour autant pas inconséquente et permet ainsi de trouver un équilibre qui semble satisfaire l'ensemble des acteurs du monde de l'artisanat.

D'une part, l'introduction de la notion de métiers « connexes » va permettre à des artisans qualifiés pour un métier particulier (par exemple, peintre) d'effectuer certaines tâches relevant d'un autre métier (par exemple, carreleur). En elle-même, cette évolution donnera plus de fluidité pour l'exercice d'activités, mais elle doit rester suffisamment encadrée pour ne pas être dévoyée en pratique. Il conviendra donc que le décret prévu tienne le plus grand compte de la position exprimée par les acteurs du secteur de l'artisanat, représentés par l'APCMA et les organisations professionnelles représentatives.

D'autre part, la meilleure prise en considération des acquis de l'expérience paraît essentielle afin que des personnes qui ont acquis un savoir-faire dans le cadre de certaines activités pouvant être exercées ensuite dans le cadre d'une entreprise artisanale puissent s'en prévaloir. Or, il résulte des auditions conduites par votre rapporteur que la procédure actuelle de VAE reste, même dans le domaine des qualifications artisanales, encore très académique et relativement longue. Votre commission estime donc indispensable d'assouplir les modalités actuelles de la VAE dans le domaine de l'artisanat , ce qui n'appelle pas de mesures législatives spécifiques, mais des mesures réglementaires et des bonnes pratiques prises en concertation avec tous les acteurs.

Votre commission a estimé que l'équilibre difficilement obtenu à l'Assemblée nationale ne devait pas être remis en cause.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 43 bis (nouveau) (art. L. 132-27 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016?301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation) - Suppression de la peine d'emprisonnement prévue en cas d'usage illégal de l'appellation de boulanger

Objet : Cet article supprime la peine d'emprisonnement de deux ans actuellement prévue en cas d'usage illégal de l'appellation protégée de boulanger.

I. Le droit en vigueur

L'appellation « boulanger » est protégée par l'article L. 122-7 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016?301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation. Ainsi, aux termes de cette disposition, les professionnels qui n'assurent pas eux-mêmes, à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur final ne peuvent utiliser l'appellation de « boulanger » et l'enseigne commerciale de « boulangerie » ou une dénomination susceptible de porter à confusion, sur le lieu de vente du pain au consommateur final ou dans des publicités à l'exclusion des documents commerciaux à usage strictement professionnel. La pâte et les pains ne peuvent à aucun stade de la production ou de la vente être surgelés ou congelés. Selon l'article L. 122-18 du même code, l'appellation de boulanger et l'enseigne commerciale de boulangerie peuvent être utilisées lorsque le pain est vendu de façon itinérante par le professionnel, ou sous sa responsabilité, lorsque ce professionnel remplit les conditions énoncées au même article.

Aux termes de l'article L. 132-27 du code de la consommation, dans sa version recodifiée, le fait de méconnaître ces règles est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros. Ce montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission, l'article L. 132-27 a été modifié afin de supprimer la peine d'emprisonnement de deux ans prévue en cas de manquement aux articles L. 132-26 et L. 132-27 du code de la consommation.

Selon le Gouvernement, cette suppression permettra de procéder, en cas de commission de ce délit, à une transaction en application de l'article L. 523?1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016?301 du 14 mars 2016, après accord du procureur de la République, afin de sanctionner plus rapidement cette infraction. En effet, ce système de transaction ne peut concerner que des délits prévus par le code de la consommation qui ne sont pas punis d'une peine d'emprisonnement.

III. La position de votre commission

L'existence d'une peine d'emprisonnement pour l'usage trompeur de l'appellation de boulanger peut paraître disproportionnée. Une peine d'amende apparait suffisante et le mécanisme de la transaction pénale permet de sanctionner de façon efficace les auteurs de ce délit.

Dans ces conditions, votre commission propose d'adopter le dispositif de l'Assemblée nationale sans modification.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 43 ter (nouveau) (art. 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat) - Extension de la faculté d'inscription au répertoire des métiers ou au registre des entreprises

Objet : Cet article tend à étendre la faculté prévue, pour certaines personnes physiques ou morales qui ne sont pas dans l'obligation d'être immatriculées au répertoire des métiers, d'y figurer volontairement.

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, l'inscription d'une personne physique ou morale au répertoire des métiers - ou dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, au registre des entreprises - est obligatoire lorsque cette personne :

- d'une part, n'emploie pas plus de dix salariés ;

- et d'autre part, exerce à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, après consultation de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, de CCI France et des organisations professionnelles représentatives.

Par la suite, alors même qu'elle ne remplit plus ces deux conditions cumulatives, la personne concernée peut conserver sous certaines conditions le bénéfice de son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre des entreprises. Ce « droit de suite » a été assoupli par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et permet un maintien de l'immatriculation pour les personnes qui dépassent le plafond de dix salariés sans dépasser un seuil fixé par le même décret en Conseil d'Etat ou qui, ayant bénéficié de cette possibilité, a ensuite fait l'objet d'une reprise ou d'une transmission.

L'article 12 du décret n° 98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers dispose en ce sens qu'en cas d'emploi de plus de dix salariés et sauf demande de radiation, l'immatriculation est maintenue :

- sans limitation de durée aux personnes ayant la qualité d'artisan, d'artisan d'art ou de maître artisan, ou titulaires du brevet de maîtrise ou dont le conjoint collaborateur détient l'une de ces qualités. En ce qui concerne les sociétés, ces conditions de qualification doivent être remplies par le dirigeant social, son conjoint associé ou un associé prenant part personnellement et habituellement à l'activité de l'entreprise ;

- pendant une durée de trois ans non renouvelable, lorsque les conditions énumérées ci-dessus ne sont pas remplies. En cas de transmission de l'entreprise, le nouvel exploitant peut, sur sa demande, être immatriculé pour cette même durée.

Le seuil maximal prévu par la loi n'a cependant toujours pas été précisé par décret.

Mais certaines personnes qui ne répondent pas aux deux critères cumulatifs précités ont néanmoins la faculté de s'inscrire : tel est le cas, depuis la loi précitée du 18 juin 2014, des personnes physiques et morales exerçant l'activité de fabrication de plats à consommer sur place et qui n'emploient pas plus de dix salariés .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Adopté en séance publique, cet article est issu de deux amendements identiques présentés par M. Thierry Benoît et par Mme Sophie Errante et plusieurs de leurs collègues auxquels la commission et le Gouvernement ont donné un avis favorable. Il modifie l'article 19 de la loi du 5 juillet 1996 afin d'assouplir les conditions d'inscription facultatives au répertoire des métiers ou au registre des entreprises.

D'une part, le « droit de suite » serait étendu sans aucune autre limitation en cas de dépassement du seuil de dix salariés que le maintien de l'exercice d'une activité artisanale .

D'autre part, une personne exerçant une activité artisanale et dépassant le seuil de dix salariés pourrait s'inscrire à tout moment - ab initio - au répertoire des métiers ou au registre des entreprises. Par cohérence, les

Par cohérence, les personnes physiques et les personnes morales exerçant l'activité de fabrication de plats à consommer sur place pourront s'immatriculer, alors même qu'elles emploient plus de dix salariés.

III. La position de votre commission

L'évolution souhaitée par l'Assemblée nationale est présentée par ses promoteurs comme une mesure de simplification favorable aux artisans et au réseau des chambres de métiers et de l'artisanat , dès lors que les règles actuelles obligent plusieurs dizaines de milliers d'entreprises à être radiées du répertoire des métiers, avec d'importantes conséquences en termes de ressources pour le réseau des chambres des métiers et de l'artisanat et de composition interne de ce réseau. En outre, est mis en exergue le fait que les dispositions en vigueur, si elles continuaient à s'appliquer, conduiraient mécaniquement à une augmentation de la fiscalité pesant sur les entreprises immatriculées, par effet de report de la fiscalité qui ne serait plus acquittée par les entreprises radiées.

Dans la mesure où le financement du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat est assis en partie sur des droits acquittés qui dépendent du nombre de leurs ressortissants, il est évident qu'imposer une radiation du registre pour plusieurs entreprises artisanales ayant atteint une taille critique entraîne une diminution de sa capacité de financement.

Le financement public du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat


Le financement public du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat par la taxe pour frais de chambres (article 1601 du code général des impôts) comporte trois composantes :

- un droit fixe par ressortissant, égal à la somme des droits fixes arrêtés par l'APCMA et la CMAR ou CRMA, dans la limite d'un montant maximal fixé en proportion du montant annuel du plafond de la sécurité sociale en vigueur au 1 er janvier de l'année d'imposition ;

- un droit additionnel par ressortissant affecté au financement d'actions de formation des chefs d'entreprises artisanales dans la gestion et le développement de celles-ci ;

- un droit additionnel à la cotisation foncière des entreprises (TACFE) dont le produit est arrêté par la CRMA ou la CMAR et qui ne peut excéder 60 % de la part du droit fixe revenant aux chambres régionales. Toutefois, les chambres peuvent le porter jusqu'à 90 % afin de mettre en oeuvre des actions ou réaliser des investissements, sous réserve de l'accord de l'autorité de tutelle.

Le montant de cette taxe est plafonné depuis 2013. Initialement fixé à 280 millions d'euros, ce plafond a été abaissé à 245 millions d'euros en 2014, puis abaissé d'environ 1 million d'euros les années suivantes pour aboutir à un montant de 243 millions d'euros en 2016.

Le « droit de suite », outre qu'il est une mesure de simplification, est donc une solution satisfaisante et il s'avère souhaitable d'en étendre la portée.

Pour autant, le dispositif proposé porte en lui-même une évolution de la notion même d'artisan : cette notion est caractérisée non seulement par l'exercice d'une activité d'une nature spécifique, mais également par la participation directe du chef d'entreprise à l'exercice de cette activité et la transmission d'un savoir-faire. Le critère retenu par les juridictions pour déterminer l'existence d'un artisan est en effet celui de la « spéculation sur le travail d'autrui » : celui qui spécule sur le travail d'autrui est reconnu comme commerçant et non comme artisan ; et il est certain que plus le nombre d'employés d'une entreprise exerçant une activité artisanale croît, plus le chef d'entreprise aura tendance à être considéré comme spéculant sur le travail de ses employés, perdant aux yeux des tribunaux son caractère de commerçant.

Il convient en outre de prendre en considération les conséquences d'un droit de suite sans limitation sur le réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI), dès lors qu'en cas de double immatriculation, le montant de la base d'imposition à la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE), perçue par le réseau des CCI, est réduite de moitié, en application de l'article 1600 du code général des impôts. Néanmoins, selon le Gouvernement, le plafonnement de la TACFE a pour conséquence que le niveau de ressources actuellement perçu par le réseau des CCI ne devrait pas connaître d'impact réel en cas d'extension de la double immatriculation.

De là même manière, il faut prendre en compte les conséquences qu'impliquerait la possibilité d'une immatriculation ab initio d'entreprises qui exercent certes une activité à caractère artisanale, mais qui compteraient dès leur constitution un nombre de salariés relativement important, qui n'en ferait ainsi plus des petites entreprises mais le cas échéant des grosses PME.

C'est la raison pour laquelle à l'initiative de son rapporteur, votre commission a conservé l'approche retenue par le Sénat en 2014, et a adopté un amendement :

- prévoyant  que le droit de suite ne pourra s'appliquer que sous réserve que l'entreprise exerçant dans le secteur artisanal n'ait pas dépassé un nombre de salariés fixé par décret après consultation de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, de CCI France et des organisations professionnelles représentatives ;

- supprimant la faculté de s'inscrire ab initio au répertoire des métiers ou au registre des entreprises.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

TITRE VII - DISPOSITIONS DE MODERNISATION DE LA VIE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
Article 54 octies (nouveau) (article 2 de la loi n° 49-1652 du 31 décembre 1949 réglementant la profession de courtiers en vins dits « courtiers de campagne ») - Accès à la profession de courtier en vins

Objet : Cet article tend à rétablir les règles d'accès à la profession de de courtiers en vins dits « courtiers de campagne », dans leur version antérieure à la réforme opérée par l'ordonnance n° 2015-1682 du 17 décembre 2015.

I. Le droit en vigueur

L'ordonnance n° 2015-1682 du 17 décembre 2015 portant simplification de certains régimes d'autorisation préalable et de déclaration des entreprises et des professionnels, prise sur le fondement de l'article 10 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives, a modifié les dispositions de la loi n° 49-1652 du 31 décembre 1949 réglementant la profession de courtiers en vins dits « courtiers de campagne » afin, notamment :

- que l'exercice de cette profession ne soit plus soumis à l'obligation d'être de nationalité française ou de se trouver en situation régulière sur le territoire national, ni de justifier de connaissances et d'une expérience professionnelles ;

- de supprimer la carte professionnelle d'exercice de cette activité en substituant un simple régime de déclaration ;

- de faciliter les conditions d'établissement en France des professionnels ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de la commission comme du Gouvernement, trois amendements identiques présentés par M. Philippe Armand Martin, M. Gilles Savary, M. Jean Lassalle et plusieurs de leurs collègues, l'article 2 de la loi du 31 décembre 1949 a été rétabli dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 décembre 2015.

Ainsi, ne pourront exercer la profession de courtier en vins et spiritueux que les personnes :

- jouissant de leurs droits civils ;

- qui ne sont pas frappées d'une peine d'interdiction, en application de l'article 131 27 du code pénal, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, d'une mesure de faillite personnelle ou d'une autre interdiction mentionnée aux articles L. 653 1 à L. 653 11 du code de commerce ;

- qui sont de nationalité française ou se trouvent en situation régulière sur le territoire national ;

- qui n'exercent aucune des activités qui sont déclarées incompatibles avec la profession de courtier en vins et spiritueux par un décret ;

- qui ne font aucun achat ou vente de vins et spiritueux à leur compte, sauf l'achat pour leurs besoins familiaux ou la vente de vins et spiritueux provenant de leurs propriétés. Toutefois, cette exigence n'est pas applicable aux courtiers exerçant leur activité sur le territoire de la région de Cognac délimitée par le décret du 1er mai 1909 portant délimitation de la région ayant, pour ses eaux de vie, un droit exclusif aux dénominations de «Cognac», «Eau de vie de Cognac» et «Eau de vie des Charentes» et les textes subséquents ;

- qui ne sont pas titulaires d'une licence de marchand de vins et spiritueux en gros ou en détail ;

- qui justifient de connaissances et d'une expérience professionnelles, dans des conditions définies par décret.

III. La position de votre commission

Le retour au texte initial de la loi du 31 décembre 1949 permet à la profession réglementée de courtiers de campagne de conserver des règles d'accès de nature à garantir leur compétence professionnelle aujourd'hui reconnue , et qui assure avec succès l'accompagnement des viticulteurs auprès des acteurs du négoce.

Votre commission a en conséquence décidé d'adopter sans modification cet article additionnel.

Votre commission proposera à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.


* 1 Article 18 sexies du projet de loi de modernisation de la justice du 21 ème siècle, adopté par l'Assemblée nationale le 24 mai 2016.

* 2 En portant à sa connaissance les éléments mentionnés à l'article L. 312-7 du code de la consommation : le taux annuel effectif de l'assurance, qui permette la comparaison par l'emprunteur de ce taux avec le taux annuel effectif global du crédit ; le montant total dû en euros par l'emprunteur au titre de l'assurance sur la durée totale du prêt ; le montant en euros par mois, en précisant si ce montant s'ajoute ou non à l'échéance de remboursement du crédit.

* 3 Article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime et article 515-14 du code civil.

* 4 Article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 5 Source : Agreste

* 6 Cf. le II de l'article L. 135 D du code des procédures fiscales.

* 7 Autres centrales au niveau européen : Alidis ou AMS (qui regroupe le groupe néerlandais Ahold, le portuguais Jeronimo Martins ou le suisse Migros).

* 8 Selon cet article, une facture peut être établie de manière périodique pour plusieurs livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées au profit d'un même acquéreur ou preneur pour lesquelles la taxe devient exigible au cours d'un même mois civil. Elle doit alors être établie au plus tard à la fin de ce même mois.

* 9 Qui reprend les cinq secteurs dans lesquels, sur le fondement de la loi du 22 mars 2012, des décrets homologuant des accords avaient été adoptés : les articles de sport, le jouet, le cuir, les matériels d'agroéquipement, l'horlogerie-bijouterie-joaillerie-orfèvrerie.

* 10 Selon l'article 275 du code général des impôts, les assujettis à la TVA sont autorisés à recevoir ou à importer en franchise de TVA les biens qu'ils destinent à une livraison à l'exportation, à une livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter, à une livraison dont le lieu est situé sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne en application des dispositions de l'article 258 A ou à une livraison située hors de France en application du III de l'article 258 ainsi que les services portant sur ces biens, dans la limite du montant des livraisons de cette nature qui ont été réalisées au cours de l'année précédente et qui portent sur des biens passibles de cette taxe.

* 11 Rapport n° 218 (2015-2016) de Mme Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 2 décembre 2015.

* 12 dans les conditions fixées par les articles L. 920-2 et L. 940-1 du code du travail.

* 13 En application de l'article L. 121-4 du code de commerce.

* 14 Dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 335-5 du code de l'éducation.

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