E. D'AUTRES SOURCES DE FINANCEMENT PUBLIC POUR LA RECHERCHE

Les crédits d'État retracés chaque année au sein de la loi de finances ne sont pas les seules sources de financement public profitant à la recherche. S'y ajoutent d'importantes enveloppes de crédits provenant des différents niveaux de collectivités (ces crédits sont traités dans le II du présent rapport), de l'Union européenne et du PIA.

1. Une mauvaise utilisation des crédits européens
a) Des résultats à nouveau décevants sur le huitième PCRD, intitulé « Horizon 2020 »

Votre rapporteure avait déjà souligné en 2014 la mauvaise utilisation des crédits européens dans le cadre du septième programme cadre européen de R&D (PCRD), principal instrument communautaire de financement de la recherche et de l'innovation en Europe pour la période 2007-2013 . Les données définitives pour ce septième PCRD montrent que la France a obtenu 11,3 % des financements disponibles (ce qui en fait le troisième bénéficiaire), soit 5 milliards d'euros, contre 13,4 % lors du sixième PCRD, pour une contribution de la France à hauteur de 16,4 % de ces financements (la deuxième après celle de l'Allemagne).

Entré en vigueur le 23 décembre 2013, le nouveau programme pluriannuel - Horizon 2020 , s'étalant sur la période 2014-2020 -, est doté d'un budget de 75 milliards d'euros . Suite aux nombreuses critiques - provenant notamment d'une sévère politique d'audit ex-post menée par la Commission elle-même - visant la complexité du modèle de financement des 6 ème et 7 ème PCRD, Horizon 2020 s'est trouvé radicalement simplifié sous trois aspects :

- simplification de la base légale : Horizon 2020 est fondé par deux règlements (règlement dit « cadre » et règlement sur les règles de participation) et une décision instituant un programme spécifique unique d'Horizon 2020 qui précise le contenu des différents programmes ;

- simplification de l'architecture : trois priorités (excellence scientifique, primauté industrielle et défis sociétaux) et non plus quatre programmes comme dans le 7 ème PCRD. Le programme couvre également un champ plus large que précédemment, dans la mesure où il rassemble en un seul programme l'ensemble des programmes auparavant existants pour financer la recherche et l'innovation;

- simplification des conditions de participation : les mêmes règles s'appliquent à tous les projets et initiatives - avec quelques exceptions possibles, mais très restreintes - et le modèle de remboursement des coûts est fortement simplifié, de façon à réduire le risque d'erreur, à accélérer l'attribution des financements et à revenir à une politique d'audit plus mesurée.

Le MENESR a organisé un ensemble d'opérations visant à préparer la communauté nationale de recherche et d'innovation au changement de paradigme du programme cadre européen Horizon 2020 et à faire connaître les enjeux scientifiques et financiers de ce nouveau programme. La direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) a mis en place un plan d'action pour assurer le suivi de la participation française à Horizon 2020.

Néanmoins, la performance française est en baisse par rapport au précédent PCRD : les équipes françaises ont obtenu, à fin 2015, un total de 1,7 milliard d'euros, soit 10,4 % des financements disponibles . Annuellement, en 2014, si la France a obtenu 11,6 % des financements engagés, elle n'en a obtenu que 9,2 % en 2015. Et si elle reste le troisième bénéficiaire, après l'Allemagne et le Royaume-Uni, elle est aujourd'hui talonnée par l'Espagne (9,1 %).

ÉVOLUTION ANNUELLE DES PARTS DE FINANCEMENT OBTENUS DANS LE CADRE DES PCRD PAR SIX PAYS EUROPÉENS

Source : MENESR.

Il convient néanmoins de distinguer selon les thématiques de recherche et selon les établissements. S'agissant des thématiques, on observe une difficulté plus marquée sur le pilier 3 consacré aux défis sociétaux 20 ( * ) avec, dans certains cas, des parts de financements obtenus très basses (5,2 % pour le défi « sociétés inclusives, innovantes et réflexives », 7,8 % pour « environnement et climat » ou encore 7,8 % pour « sociétés sûres »), alors que l'on constate, dans d'autres domaines, résultats plus proches des attentes (celui des transports, par exemple, à 12,5 %).

S'agissant des établissements, il est à noter que deux établissements français se situent dans les dix premiers établissements bénéficiaires des appels à projet dans le cadre du programme. Le CNRS est le premier bénéficiaire du programme, avec 281 millions d'euros, et le CEA le troisième, avec 107 millions d'euros. Ils représentent ensemble 27 % des financements obtenus par la France (contre 25 % dans le cadre du précédent PCRD).

Comme le remarquait le rapport conjoint d'inspections 21 ( * ) sur la participation française au programme-cadre rendu en février dernier, « ce niveau de participation ne reflète pas le potentiel français relatif dans la recherche européenne, qu'il soit mesuré en termes de part des dépenses intérieures de recherche et développement européennes (17,4 %), d'effectifs de chercheurs (15,4 %), ou de brevets déposés (15,7 %) ; seule, la part dans les publications européennes (11,7 %) est comparable à la participation française. D'autres pays, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, ont des performances relatives bien supérieures au regard de leur potentiel ». Surtout, les gains potentiels pour le financement de la recherche s'échelonnent , selon ce rapport, entre 100 et 600 millions d'euros par an . Il est donc indispensable de relever le taux de retour de la France dans les années à venir.

b) Des causes aujourd'hui établies

Les explications de nos faiblesses étaient déjà connues à la suite du septième PCRD, et votre rapporteure avait eu l'occasion de les souligner lors de son avis sur la loi de finances initiale pour 2013. Ainsi, comme lors du précédent PCRD, on observe une insuffisance relative de la part des propositions à participations françaises soumises en réponse aux appels (elle est de 17,9 %, contre 20,7 % sous le précédent PCRD), signe d'une démobilisation des équipes. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les équipes françaises ont pourtant le taux de succès le plus élevé des pays de l'Union européenne (à 13,4 % fin 2015).

Trois explications à cette faible mobilisation sont généralement invoquées : la faiblesse des incitations à candidater , l'insuffisante articulation entre les programmes nationaux et européens et les lacunes de l'accompagnement proposé aux porteurs de projets .

Votre rapporteure appelle donc à mettre en place une politique ouvertement volontariste en la matière, afin d'obtenir un meilleur taux de retour. En effet, comme le souligne une réponse aux questionnaires budgétaires, la forte croissance de la performance de l'Espagne résulte de la mise en place d'une telle politique, « avec notamment des incitations fortes aux équipes publiques et privées pour les encourager à se tourner vers les programmes européens ».

Le Gouvernement a proposé diverses initiatives visant à stimuler la participation française au programme dans le cadre de l'agenda stratégique « France Europe 2020 », publié le 21 mai 2014. Il mène une action d'information des acteurs de la recherche, notamment à travers les points de contact nationaux. Il travaille également à renforcer la présence française dans les quatorze comités de programme qui décident des appels à propositions. Le MENESR promeut, par ailleurs, la mise en place de mesures incitatives dans le cadre de ses relations contractuelles avec les grands acteurs de la recherche (à travers, par exemple, des indicateurs dans les contrats d'objectifs).

Votre rapporteure encourage donc le Gouvernement à poursuivre sur cette voie . Les trente propositions du rapport conjoint d'inspections mériteraient d'être instruites et mises en oeuvre le plus rapidement possible. La mutualisation des services dédiés au PCRD sur les sites apparaît particulièrement nécessaire.

2. Les programmes d'investissements d'avenir
a) La mise en oeuvre des PIA 1 et 2

Engagé par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 sur la base des recommandations de la commission coprésidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, le PIA 1 comporte une enveloppe totale de 35 milliards d'euros destinée à financer l'économie de la connaissance comme moyen de sortie de crise. Le PIA 2, voté en loi de finances initiale pour 2014, poursuit cette dynamique, pour un montant supplémentaire de 12 milliards d'euros.

Selon le jaune budgétaire relatif aux investissements d'avenir, les deux PIA devraient être presque totalement engagés au premier semestre 2017. Le bilan des engagements s'établit à 38,6 milliards d'euros à la fin du premier semestre 2016 , dont 23,6 milliards d'euros de dotations consommables et 14,8 milliards d'euros de dotations non consommables 22 ( * ) . Toutefois, les décaissements sont intervenus à un rythme moins rapide qu'il n'avait été envisagé initialement (ils représentent près de 15,5 Md€ à la fin du premier semestre 2016). Enfin, en 2015, 3 026 projets ont été sélectionnés et ont donc fait l'objet d'une décision de financement.

Au 31 juin 2016, l'enveloppe consacrée à la recherche et à l'enseignement supérieur au titre des deux PIA s'élevait à 27,332 milliards d'euros , se répartissant comme suit (les montants de ce tableau sont en millions d'euros) :

IDEX 23 ( * ) - I-SITE

10 169

LABEX 24 ( * )

1 866

IDEFI 25 ( * ) (compris dans l'enveloppe IDEX)

195

Valorisation (SATT 26 ( * ) et CVT 27 ( * ) )

911

France Brevet

150

IRT 28 ( * )

1 975

Carnot

600

IHU 29 ( * )

850

Opération Campus

1 300

Opération du plateau de Saclay

1 000

Santé et biotechnologie

1 540

Équipements d'excellence

968

Espace, lanceurs, satellites

561,5

Instituts d'excellence en matière d'énergie décarbonée

889

Démonstrateurs technologiques et aéronefs du futur

2 694

Réacteur de 4ème génération - ASTRID

627

Réacteur Jules Horowitz

248

Recherche en matière de traitement et de stockage des déchets

75

Recherche en matière de sûreté nucléaire

50

Instituts Convergences

195

Technologies clés génériques (Ket's)

24

Recherche hospitalo-universitaire en santé

590

Calcul intensif

50

Source : jaune budgétaire relatif aux investissements d'avenir.

Les « Initiatives d'excellence » sont mises en oeuvre par l'ANR et visent à faire émerger cinq à dix pôles pluridisciplinaires d'enseignement supérieur et de recherche de rang mondial. Elles constituent l'action la plus importante du PIA en matière de recherche et d'enseignement supérieur du point de vue de l'enveloppe financière.

Outre le suivi annuel dont elles font l'objet, toutes les IDEX ont été évaluées en avril 2016, leur période probatoire s'achevant le 30 juin 2016. Trois IDEX ont été confirmées (Aix-Marseille, Bordeaux, Strasbourg), et trois IDEX sont en période probatoire dans le cadre du PIA 1 (Sorbonne Universités, Paris Sciences Lettres, Paris Saclay). Deux IDEX ont été arrêtées (Université Sorbonne Paris Cités et l'UNITI de Toulouse), mais afin de ne pas mettre brutalement fin aux dispositifs en cours, une aide additionnelle de dix-huit mois est attribuée à chacun des projets. Deux IDEX ont été sélectionnés au titre de la première vague d'appels à projets dans le cadre du PIA 2 (université Côte d'Azur, université Grenoble Alpes).

Le PIA 2 a introduit les « Initiatives Science - Innovation - Territoires - Économie », qui ont vocation à valoriser les atouts scientifiques thématiques particuliers pour en faire le levier d'entraînement de la stratégie de développement de plusieurs établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Autrement dit, alors que les IDEX valorisent des sites d'excellence dans tous les domaines, les I-SITE mettent en avant des sites qui excellent dans certains. Deux I-SITE ont été sélectionnées dans le cadre du PIA 2 (Université de Bourgogne Franche-Comté, et université de Lorraine).

La labellisation des dernières IDEX/I-SITE du PIA 2 aura lieu en février 2017.

Les initiatives d'excellence s'articulent en région avec les projets scientifiques des actions LABEX, IDEFI, EQUIPEX 30 ( * ) , IHU, Santé et biotechnologies. Par ailleurs, le programme d'investissements d'avenir finance divers projets dans le domaine du transfert de technologie, de la recherche partenariale et de la valorisation : huit IRT, neuf ITE (Instituts pour la transition énergétique), quatre Instituts Carnot (en sus des trente existants), quatorze SATT. Le dispositif est complété par les consortia de valorisation thématique 31 ( * ) au niveau des alliances et par la société France Brevets sur le marché des brevets.

b) La construction d'un troisième PIA

Le PIA 3 annoncé cette année par le Président de la République est mis en oeuvre par le projet de loi de finances initiales pour 2017. Il consacrera 5,9 milliards d'euros sur les 10 milliards d'euros dont il sera doté à l'enseignement, à la recherche et à la valorisation de la recherche . Les autorisations d'engagement couvrant l'intégralité du PIA 3 sont ouvertes en 2017. Les crédits de paiement seront inscrits à compter du projet de loi de finances pour 2018 à hauteur de 2 milliards d'euros par an pendant cinq ans.

Le PIA 3 a été conçu à la suite du rapport de la Cour des comptes, rendu en décembre 2015, sur la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir. Afin de clarifier la présentation budgétaire, il fait l'objet d'une mission budgétaire intitulée « investissements d'avenir », qui comprend trois programmes (421, 422 et 423), dont seuls les deux premiers - qui correspondent aux 5,9 milliards d'euros précités - sont plus spécifiquement tournés vers les thématiques traitées dans le périmètre de la MIRES. La présentation fournie par le « bleu budgétaire » vise à classer les programmes et actions de l'amont (formation, recherche universitaire) à l'aval (le développement des entreprises), en passant par la valorisation de la recherche.

Mis en oeuvre par seulement quatre opérateurs (la Caisse des dépôts et consignations - pour 3,2 milliards d'euros, Bpifrance - pour 2,95 milliards d'euros, l'ANR - pour 2,85 milliards d'euros, et l'ADEME - pour 1 milliard d'euros), il substitue aux dotations non consommables des dotations décennales (qui représentent 2 milliards d'euros), afin de s'adapter au contexte de taux d'intérêts faibles mais également de répondre à une critique de la Cour des comptes, qui avait souligné que, du fait de l'existence de dotations non consommables, les crédits réellement disponibles au titre des deux PIA s'élevaient à 34 milliards d'euros, contre un montant affiché de 46,6 milliards d'euros.

Le PIA 3 entend à la fois poursuivre le développement de certaines actions initiées dans le cadre des précédents PIA et mettre en place de nouvelles initiatives. Le programme 421 , intitulé « soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche » et doté de 2,9 milliards d'euros répond globalement à la seconde logique. S'agissant de la recherche, c'est le cas de l'action visant à développer des programmes prioritaires et des équipements structurants de recherche (actions n° 2 et 3 du programme 421, dotées respectivement de 400 et 350 millions d'euros), de celle constituant des écoles universitaires de recherche (action n° 5 du même programme, dotée de 300 millions d'euros), dont l'objectif est d'offrir à chaque site universitaire la possibilité de renforcer l'impact et l'attractivité internationale de sa recherche dans un domaine scientifique particulier, ou encore de celle visant à la création expérimentale de sociétés universitaires et scientifiques (action n° 6 du programme 421, dotée de 400 millions d'euros).

Le programme 422 intitulé « valorisation de la recherche » et doté de 3 milliards d'euros, répond globalement à la première logique. Ainsi, l'action n° 1 a pour ambition d'intégrer les SATT, incubateurs et accélérateurs existants, dans une logique de mutualisation (cette action est dotée de 150 millions d'euros), comme l'action n° 5 est créée pour favoriser le regroupement des SATT et des IHU (cette action est dotée de 230 millions d'euros). L'action n°2, dotée de 500 millions d'euros, propose de constituer un fonds national post-maturation qui donnerait notamment aux SATT, IRT, ITE, LABEX un outil pour amplifier les premières levées de fonds. Le premier volet de l'action n° 5 visant à accélérer le développement des écosystèmes d'innovation performants (dotée de 620 millions d'euros) souhaite asseoir dans la durée les SATT, dans la mesure où les diverses vagues de SATT ont fait l'objet d'évaluations probantes. Dans le même cadre, les IRT 32 ( * ) , ITE, IHU et plateformes technologiques seront consolidées selon les résultats obtenus lors des évaluations.

Le PIA 3 s'inscrit donc dans la continuité des deux précédents PIA tout en renouvelant certaines initiatives, participant aux mutations de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Il nécessitera, comme les deux précédents, un suivi et une évaluation particulièrement stricts.


* 20 Les 1 et 2 sont dédiés respectivement à l'excellence scientifique et à la primauté industrielle.

* 21 Inspection générale des finances, Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et Conseil général de l'économie, « La participation française programme-cadre européen pour la recherche et l'innovation, février 2016.

* 22 Les dotations consommables sont versées aux opérateurs gestionnaires. Leur encours diminue au fil des décaissements au profit des bénéficiaires finaux. Les dotations non consommables servent d'assiette au calcul d'intérêts à taux fixes, seuls versés aux destinataires finaux - seule l'ANR reçoit et gère ce type de dotations.

* 23 Initiatives d'excellence

* 24 Laboratoires d'excellence

* 25 Initiatives d'excellence en formations innovantes

* 26 Sociétés d'accélération du transfert de technologies

* 27 Consortiums de valorisation thématiques

* 28 Instituts de recherche technologique

* 29 Instituts hospitalo-universitaires

* 30 Équipements d'excellence.

* 31 À la suite d'une évaluation rendue en janvier dernier, le CGI a décidé de ne pas reconduire l'un des six CVT.

* 32 L'évaluation triennale des quatre premiers IRT, qui s'est conclue début 2016, a été globalement positive et a donné lieu au refinancement de ces IRT. L'évaluation des quatre autres IRT est en cours et devrait se conclure à la fin 2016.

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