Avis n° 141 (2016-2017) de Mme Annie GUILLEMOT , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 24 novembre 2016

Disponible au format PDF (640 Koctets)


N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VIII

POLITIQUE DES TERRITOIRES
(VILLE)

Par Mme Annie GUILLEMOT,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen des crédits du programme 147 « politique de la ville » intervient dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire dont les instances sont désormais installées. La liste des 1514 quartiers prioritaires a été publiée. 435 contrats de ville signés par les différents acteurs de la politique de la ville (État, communes, établissements publics de coopération intercommunale, mais aussi départements, régions, bailleurs sociaux, Caisse des dépôts et consignations, organismes de protection sociale) permettent de mettre en oeuvre concrètement cette politique sur le territoire intercommunal ou communal concerné.

Les nouvelles instances de la politique de la ville, comme le Conseil national des villes ou l'Observatoire national de la politique de la ville, sont installées ou poursuivent leur déploiement comme les conseils citoyens ou les délégués du gouvernement.

Les crédits du programme 147, qui avaient augmenté en 2016 pour prendre en compte les mesures décidées par les différents Comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté, sont préservés pour 2017, la diminution prévue par le projet de loi initial étant une baisse purement optique en raison de la diminution des crédits nécessaires à la compensation des charges sociales des entreprises installées dans les zones franches urbaines avant le 1 er janvier 2015. Après examen par l'Assemblée nationale, les crédits du programme augmentent en raison du retour de l'État dans le financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

Votre rapporteure a souhaité examiner plus particulièrement les dispositifs mis en oeuvre par le gouvernement afin de favoriser l'emploi des habitants des quartiers prioritaires et la création d'entreprise ainsi que ceux mis en oeuvre en matière d'éducation prioritaire.

Elle tient à rappeler que des mesures législatives relatives à la mixité sociale dans l'habitat sont en cours d'examen dans le cadre du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Il est ainsi prévu, d'une part, que 25 % des attributions de logements sociaux en faveur des demandeurs appartenant au quartile des demandeurs les plus pauvres devront être réalisées hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce taux pourra être adapté par la conférence intercommunale du logement en fonction des circonstances locales. D'autre part, cette conférence devra définir le taux d'attribution de logements dans les quartiers prioritaires à des demandeurs autres que ceux appartenant au quartile des demandeurs les plus pauvres ; à défaut d'accord, ce taux sera fixé à 50 %. Par ailleurs, le projet de loi renforce les modalités de mise en oeuvre de la loi dite SRU 1 ( * ) et les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations de construction de logements sociaux. Votre rapporteure soutient ces mesures qui doivent permettre de « casser les logiques de ségrégation ». Elle propose donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits ainsi que de l'article 58 bis rattaché.

Lors d'une réunion tenue le mercredi 23 novembre 2016, la Commission des affaires économiques a décidé, contre l'avis de sa rapporteure, de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme « Politique de la ville » de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2017 et sur l'article 58 bis du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Politique des territoires ».

I. LA PRÉSERVATION DES CRÉDITS DESTINÉS AUX QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Les crédits du programme 147 « Politique de la ville » connaissent une diminution de 2,9 % en autorisations d'engagement et de 3,1 % en crédits de paiement. Cette baisse résulte pour l'essentiel de la diminution de 15,8 % des crédits de l'action 2 « Revitalisation économique et emploi » en raison de l'extinction progressive du dispositif des zones franches urbaines dans sa version antérieure au 1 er janvier 2015.

Actions

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

338 672 750

337 745 150

- 0,3 %

338 672 750

337 745 150

- 0,3 %

Revitalisation économique et emploi

57 638 123

48 507 000

- 15,8 %

57 638 123

48 507 000

- 15,8 %

Stratégie, ressources et évaluation

32 359 910

29 913 510

- 7,6 %

32 359 910

29 913 510

- 7,6 %

Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

36 000

0

-

916 000

0

-

Total

428 706 783

416 165 660

- 2,9 %

429 586 783

416 165 660

- 3,1 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017.

Lors de l'examen des crédits de la mission « politique des territoires », le 15 novembre dernier, les députés ont adopté :

- deux amendements du Gouvernement augmentant les crédits du programme « politique de la ville » de 100 millions d'euros en AE et 15 millions en CP pour le financement du NPNRU et précisant que 6 milliards d'euros seraient dédiés au NPNRU ;

- un amendement de Mme Delphine Batho, adopté contre l'avis du gouvernement, qui prévoit de prélever 2 millions d'euros sur l'action 3 « Stratégie, ressources et évaluation » pour les imputer sur le programme « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « politique des territoires ». Le Gouvernement est revenu sur cette disposition lors d'une seconde délibération mais a cependant minoré les crédits de 2 millions en AE et CP afin de garantir le respect de la norme de dépenses.

Le budget du programme « politique de la ville » s'élève en conséquence à 514 165 660 euros en AE et 429 165 660 euros en CP.

Dans la suite du présent rapport, il sera cependant fait référence aux données figurant dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017.

A. DES CRÉDITS PRÉSERVÉS POUR L'ACTION « ACTIONS TERRITORIALISÉES ET DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE »

1. Les crédits du programme à destination des quartiers de la politique de la ville

Les crédits dédiés aux quartiers de la politique de la ville diminuent légèrement de 0,3 %, pour atteindre 337,7 millions d'euros en 2017 contre 338,6 millions d'euros l'an dernier. Ces crédits permettent de financer les interventions en direction des habitants des quartiers prioritaires et les dispositifs spécifiques : le programme de réussite éducative et les adultes-relais.


• Les crédits affectés aux interventions en direction des habitants des quartiers prioritaires sont répartis entre plusieurs catégories sur le modèle des contrats de ville. Ainsi, 126,12 millions d'euros seront affectés au pilier cohésion sociale, dont 22,3 millions d'euros seront consacrés à l'éducation et notamment au financement de programmes spécifiques (les cordées de la réussite, les internats de la réussite et les classes préparatoires intégrées). 48,62 millions d'euros seront consacrés à l'emploi et au développement économique. Enfin, 8,55 millions d'euros seront affectés au pilier cadre de vie et rénovation urbaine.

Votre rapporteure a souhaité retracer l'évolution de la ventilation de ces crédits sur trois années (2015 à 2017). Bien que cette répartition pour les années 2016 et 2017 demeure indicative, les crédits mis à la disposition des préfectures étant fongibles, votre rapporteure a considéré que ces chiffres étaient un élément important d'information des parlementaires. Les évolutions de ces crédits d'une année sur l'autre doivent cependant être interprétées avec prudence puisque les chiffres retenus pour 2016 sont ceux indiqués dans le projet de loi de finances initial pour 2016 et non ceux retenus dans la loi de finances pour 2016 définitivement adoptée.

Évolution de la répartition des crédits de l'action (en millions d'euros)

2015

PLF

2016 1

PLF

2017 1

Pilier cohésion sociale

121,8

137,5

126,12

Éducation (hors PRE)

21,7

38,4

22,3

Santé et accès aux soins

10,1

14,5

10,1

Parentalité et droits sociaux 2

5,8

-

5,8

Culture et expression artistique

16,9

12,1

14,9

Lien social, participation citoyenne (hors adultes-relais)

60,7

58,5

66,42

Dont Ville Vie Vacances 3

7,7

9

9

Accès aux droits et prévention des discriminations

6,6

14

6,6

Pilier emploi et développement économique

40,2

46,2

48,62

Développement économique, emploi et soutien entrepreneurial

36,4

42,7

44,62

Écoles de la 2 ème chance

3,8

3,5

4

Pilier Cadre de vie et rénovation urbaine

8,5

5

8,55

Habitat et cadre de vie

nc

nc

6,25

Transport et mobilité 4

nc

nc

2,3

Pilotage, ingénierie et évaluation des contrats de ville

8,39

7

10

Total

178,8

195,7

193,3

1 Il s'agit des données présentées dans le PLF initial pour 2016 et 2017. Pour 2016 et 2017, cette ventilation est indicative puisque tous les crédits mis à disposition des préfectures sont fongibles.

2 Cette ligne était en 2016 regroupée avec la ligne santé.

3 Cette ligne auparavant autonome est à partir de 2017 intégrée dans la ligne lien social

4 Cette ligne a été créée lors du PLF pour 2017.

Source : rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2015, projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2016 et 2017.


• 144,5 millions d'euros sont consacrés à deux dispositifs spécifiques : le programme de réussite éducative et le programme des adultes-relais. Ces crédits sont en diminution de 4,5 % en raison d'un ajustement du montant des crédits dédiés au programme des adultes-relais au coût attendu.

ð Programme de réussite éducative

77,3 millions d'euros sont consacrés au programme de réussite éducative, soit un montant équivalent à celui de l'an dernier. Ce programme est plus amplement développé infra au paragraphe IV du présent rapport.

ð Programme des adultes-relais

Les adultes-relais exercent des missions de médiation sous plusieurs formes énumérées à l'article D. 5134-145 du code du travail :

- accueillir, écouter, exercer toute activité qui concourt au lien social ;

- informer et accompagner les habitants dans leurs démarches, faciliter le dialogue entre services publics et usagers ;

- contribuer à améliorer ou préserver le cadre de vie ;

- prévenir et aider à la résolution des petits conflits de la vie quotidienne par la médiation et le dialogue ;

- faciliter le dialogue entre les générations, accompagner et renforcer la fonction parentale par le soutien aux initiatives prises par les parents ou en leur faveur ;

- contribuer à renforcer la vie associative locale et développer la capacité d'initiative et de projet dans le quartier et la ville.

La mise en oeuvre de la réforme de la géographie prioritaire a conduit à revoir la répartition territoriale des adultes-relais. En conséquence, ces postes ont été concentrés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville les plus en difficulté. Après avoir constaté une diminution du nombre de postes l'an dernier, votre rapporteure se félicite de leur augmentation en 2016.

Évolution du nombre d'adultes-relais

Source : commission des affaires économiques d'après les réponses aux questionnaires budgétaires.

L'aide financière octroyée à ces postes a été revue à la hausse l'an dernier et portée à 18 936 euros par adulte-relais et par an. Cette revalorisation poursuit deux objectifs : réduire le taux de vacance des postes et diminuer le nombre de ruptures de contrats pour des raisons économiques. Toutefois, le taux de vacance demeure élevé de l'ordre de 18 %.

En 2017, 67,2 millions d'euros seront consacrés à ce programme , en diminution par rapport à 2016 où 74 millions d'euros avaient été budgétés. Selon les informations transmises par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) à votre rapporteure, il s'agit non d'une volonté de limiter le développement de ce programme mais plutôt d'un ajustement au coût réel attendu en 2017 , le dispositif ayant mobilisé 64,2 millions d'euros en 2015.

2. La poursuite de la mobilisation des crédits de droit commun

Selon le document de politique transversale, 35 programmes ont contribué à la politique de la ville en 2016 et 25 ont fourni une évaluation chiffrée. Ce sont ainsi 4,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,2 milliards en crédits de paiement qui ont été consacrés à la politique de la ville.

Pour 2017, 38 programmes vont contribuer à la politique de la ville. Seuls 29 programmes sont en mesure de fournir une évaluation chiffrée. Ces crédits représentent 4,24 milliards en autorisations d'engagement et 4,26 milliards en crédits de paiement, soit 3,8 milliards en autorisation d'engagement et en crédits de paiement hors programme 147.

Pour faciliter leur utilisation, des conventions interministérielles ont été mises en place. Or, un premier bilan a montré que ces conventions ne contenaient pas systématiquement des indicateurs et des objectifs quantitatifs précis. Il a en outre mis en évidence la difficulté de déterminer précisément les montants des crédits déployés pour chaque ministère au niveau infra-communal. En effet, les ministères ne retiennent pas nécessairement une approche territorialisée, adoptent un autre zonage que celui de la politique de la ville pour mettre en oeuvre leur politique ou ne disposent pas de systèmes d'information financière permettant d'isoler la part des crédits alloués à chaque programme dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Votre rapporteure note que des efforts ont été menés pour que les zonages prioritaires convergent. Ainsi, en matière d'éducation prioritaire, 87 % des collèges et 84 % des écoles relevant de l'éducation prioritaire sont situés dans les QPV ou à proximité. De même, les zones de sécurité prioritaire (ZSP) sont situées pour 96 % d'entre elles sur les quartiers prioritaires.

Votre rapporteure regrette le manque de lisibilité des crédits de droit commun effectivement déployés . Elle espère que les conventions, en cours de renouvellement, comporteront des engagements plus précis avec des indications permettant de mesurer les objectifs de progression afin que le montant et les moyens mobilisés en application du droit commun soient pleinement connus de tous.

Ce manque de lisibilité concernerait également les crédits déployés par les collectivités territoriales dans le cadre des contrats de ville. Comme le prévoit la loi Lamy 2 ( * ) , les collectivités territoriales ont participé à l'élaboration des contrats de ville. Toutes les régions et 97 % des départements ont signé ces contrats. Cependant, il serait, semble-t-il difficile à ce stade de connaître les engagements financiers effectifs des départements et des régions en matière de politique de la ville.

3. L'impact des réformes des dotations et des compensations d'exonérations

Les associations d'élus ont relayé auprès de votre rapporteure les nombreuses inquiétudes exprimées par les élus locaux quant aux conséquences de la réforme de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et des baisses de compensations d'exonérations décidées par l'État et en particulier de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Le gouvernement a engagé dans le présent projet de loi de finances pour 2017 la réforme de la DSU. Cette réforme prévoit une diminution du nombre de communes bénéficiaires et une nouvelle répartition de cette dotation entre elles. L'Association des maires de France a indiqué à votre rapporteure être favorable à la modification des règles de répartition des progressions de la DSU, qui permettra de réduire les écarts constatés entre les 250 premières communes bénéficiaires et celles situées au-delà de ce seuil.

Cette réforme aura nécessairement des conséquences sur les modalités de versement de la dotation de la politique de la ville (DPV) dans la mesure où l'éligibilité à la DSU est, avec le fait d'avoir plus de 20 % de sa population située en zone urbaine sensible ou située en zone franche urbaine et au moins une convention pluriannuelle conclue avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, une condition pour bénéficier de cette dotation.

La dotation de la politique de la ville devait selon les informations transmises à votre rapporteure l'an dernier voir ses critères d'éligibilité et de répartition évolués à compter de 2016. Cependant, le gouvernement a décidé de reporter cette réforme à 2017.

Ainsi en 2016, le montant de la dotation de la politique de la ville est demeuré stable à hauteur de 100 millions d'euros. Pour 2017, le Premier Ministre, M. Manuel Valls, a annoncé lors du congrès HLM une augmentation de son montant de 50 %. Cette augmentation de la DPV devrait compenser sur le plan financier les effets de la réforme de la DSU.

Année

Montant de la DDU/DPV (en millions d'euros)

Nombre de communes

2011

50

100

2012

50

100

2013

75

100

2014

100

120

2015

100

120

2016

100

120

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Dans un contexte de réforme des dotations, les élus sont particulièrement attentifs aux conséquences des exonérations d'impôts locaux décidées par l'État pour soutenir des organismes ou une politique spécifique. Ainsi, les bailleurs sociaux bénéficient d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour une durée comprise entre 15 et 30 ans jusqu'au 31 décembre 2018 ainsi que d'un abattement supplémentaire de 30% sur la valeur locative des logements ayant bénéficié d'une exonération de longue durée situés dans les zones urbaines sensibles jusqu'en 2015 et pour la période 2016-2020 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville à condition que le bailleur ait signé le contrat de ville.

Ces exonérations entraînent une perte de recettes pour les collectivités territoriales, le taux de compensation ne dépassant pas 40 % selon France Urbaine. Ainsi, « le coût de l'exonération s'avère être moins supporté par la solidarité nationale que par la solidarité locale » selon France Urbaine et l'association des maires Ville et Banlieue de France.

Cette perte de recettes n'a pas nécessairement été bien anticipée par les nouvelles communes entrant dans le dispositif de la géographie prioritaire conduisant certaines d'entre elles à s'interroger sur les modalités de sortie de cette géographie considérant que les avantages de la géographie prioritaire sont inférieurs au regard des pertes financières.

A cette absence de compensation intégrale, s'ajoute le constat d'un manque d'engagement de certains bailleurs sociaux pour mettre des moyens dans la gestion urbaine de proximité (GUP) en contrepartie des abattements obtenus.

Une compensation intégrale de l'exonération de TFPB accordée aux bailleurs sociaux, estimée selon l'association des maires Ville et Banlieue entre 700 et 800 millions d'euros chaque année, paraissant impossible à obtenir, les élus ont soutenu d'autres propositions pour remédier à cette situation.

Une première réponse a été apportée dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. L'article 28 quater A porte au niveau législatif l'obligation pour les bailleurs sociaux de conclure une convention d'utilisation de cet abattement au bénéfice des locataires. Les bailleurs devront ainsi présenter les moyens spécifiques, distincts des moyens de droit commun, mis en oeuvre pour améliorer la qualité de vie des habitants de ces quartiers. Les bailleurs sociaux ont depuis multiplié les conclusions de conventions.

Cependant, certains élus proposent d'aller plus loin. Ainsi, France Urbaine souhaiterait que pour 2017 le taux de compensation de l'exonération de TFPB soit porté à 50 % et que le modèle soit réformé en 2018 afin de laisser les communes décider d'accorder ou non ces exonérations. L'Assemblée des maires de France a également proposé de laisser les élus locaux décider au cas par cas. L'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant à une collectivité de s'opposer à l'exonération ou à l'abattement précités lorsqu'elle compte plus de 25 % de logements sociaux et un amendement prévoyant que les constructions neuves se substituant à des logements sociaux dans le cadre d'une opération de l'Anru et ayant bénéficié de ces exonérations ne pourront plus bénéficier de ces exonérations lorsque le taux de logements sociaux dépasse 50 %.

Votre rapporteure comprend ces démarches mais elle s'interroge sur les effets de telles mesures : ce transfert de compétence vers les élus locaux emportera-t-il la fin de la compensation par l'État ? Quelles sont les conséquences de telles mesures pour les bailleurs sociaux et leur engagement dans le NPNRU ?

B. DES CRÉDITS DÉPLOYÉS DANS LE CADRE D'UNE GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE DONT LES INSTANCES SONT DÉSORMAIS EN PLACE

L'ensemble des instances de la géographie prioritaire sont désormais installées. Le Conseil national des villes, installé le 26 octobre 2016, a rendu plusieurs avis portant sur la prévention de la radicalisation, les fonds de participation des habitants, l'image des quartiers dans les médias, la place des entreprises ou encore sur le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté.

L'Observatoire de la politique de la ville, installé le 19 janvier 2016, a remis son premier rapport, au titre de l'année 2015, au Gouvernement en mai dernier et devrait remettre celui de 2016 d'ici la fin de l'année.

Votre rapporteure a souhaité se pencher plus spécifiquement sur les conseils citoyens et sur les délégués du gouvernement.

1. La co-construction facilitée avec l'installation de 856 conseils citoyens

L'année 2016 a vu la mise en place d'un nombre important de conseils citoyens, puisqu'on atteint 856 conseils contre 350 en 2015. On constate trois situations :

- la situation où les conseils citoyens fonctionnement de manière autonome ;

- la situation où les conseils citoyens sont encore accompagnés afin de définir leurs missions ;

- la situation où les conseils citoyens sont encore en phase de préfiguration.

Selon le gouvernement, cette mise en place progressive des conseils citoyens résulte :

- d'une part, du choix des communes de privilégier en priorité l'élaboration des contrats de ville et de ne mettre en place des conseils citoyens que dans un second temps ;

- d'autre part, du choix du Parlement de retenir pour désigner les membres de ces conseils citoyens une procédure peu utilisée : le tirage au sort. Cette procédure a conduit les partenaires des contrats de ville à un fort investissement pour l'établissement des listes.

Sur le plan financier, l'article 7 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation de la ville et la cohésion urbaine précise, d'une part, que les contrats de ville doivent définir un lieu et des moyens dédiés au fonctionnement des conseils citoyens ainsi que des actions de formation et, d'autre part, que l'État apporte son concours à leur fonctionnement. Selon les informations transmises par le gouvernement, 2 000 euros seraient nécessaires au fonctionnement d'un conseil citoyen chaque année. En 2016, 7 millions ont ainsi été consacrés par l'État aux conseils citoyens et plus particulièrement à des actions de sensibilisation des habitants tirés au sort pour faire partie des conseils, aux campagnes d'information et de communication sur le rôle de ces conseils et enfin à l'animation de ces conseils. 2 millions ont été consacrés à la formation des membres des conseils citoyens.

Cinq millions d'euros seront en 2017 dédiés aux conseils citoyens dans les crédits de l'action 1.

Le gouvernement a mis en place en mars 2015 un comité de suivi national des conseils citoyens chargé de réfléchir à leur mise en place, aux modalités d'accompagnement des acteurs locaux dans la construction de leurs démarches, et à la diffusion des pratiques expérimentées localement. Ce comité s'est réuni à six reprises. Selon le gouvernement, ce comité devrait être prochainement rattaché au Conseil national des villes dans un souci de légitimation et de pérennisation.

Le gouvernement a souhaité faciliter les échanges entre conseils citoyens en organisant le 27 octobre 2016 le premier Forum national des conseils citoyens réunissant des représentants de ces conseils et en créant une plateforme numérique afin qu'ils puissent échanger des informations et déposer leurs propositions.

L'article 34 du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté prévoit de renforcer leurs pouvoirs en instaurant un droit d'interpellation du préfet à propos de difficultés particulières rencontrées par les habitants. Le maire, le président de l'EPCI et les signataires du contrat de ville en seront informés. Lorsque la nature et l'importance des difficultés le justifieront, le préfet devra soumettre au comité de pilotage du contrat de ville le diagnostic et les actions préconisées pour y remédier.

2. Une présence de l'État renforcée avec la mise en place des délégués du Gouvernement

Le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du 26 octobre 2015 a souhaité renforcer la présence de l'État dans les quartiers présentant les difficultés les plus importantes. Cette « nouvelle méthode » doit permettre l'obtention de résultats plus rapides.

Ce renforcement s'est traduit par la mise en place à titre expérimental pendant un an de douze délégués du gouvernement. Selon l'instruction du Premier Ministre du 11 mars 2016, le délégué du gouvernement a pour mission de « mobiliser de manière coordonnée l'ensemble des dispositifs d'appui au développement des quartiers et à l'amélioration du cadre de vie des habitants ». Il doit en pratique concentrer son action sur deux ou trois priorités identifiées au regard de la situation du quartier concerné, comme l'emploi, l'accès aux soins, l'éducation. Cette mission s'exerce à plein temps sur un quartier déterminé.

Liste des 12 quartiers bénéficiant d'un délégué du Gouvernement

Commune

Quartier

Trappes

Merisiers Plaine De Neauphle

Mulhouse-Illzach

Drouot Jonquilles

Avignon

Monclar Rocade Sud

Marseille

15 ème arrondissement

Amiens

Nord

Grigny

Grande borne et Grigny 2

Roubaix - Tourcoing

Blanc Seau Croix Bas Saint Pierre et Bourgogne

Sevran-Aulnay

Montceleux - Pont Blanc (secteur de la ZSP)

Toulouse

Grand Mirail

Vénissieux

États Unis Langlet Santy Duclos Barel

Mantes la Jolie

Val Fourré

Cayenne

Leur action se distingue de celle des délégués des préfets. Ces derniers sont chargés depuis 2008 de coordonner l'action des services de l'État dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ils se sont notamment investis dans l'élaboration des contrats de ville et la mise en place des conseils citoyens.

L'article 34 bis du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté a consacré l'existence et le rôle des délégués du gouvernement en précisant qu'en cas de saisine du conseil citoyen et lorsque la nature et l'importance des difficultés le justifient, le préfet peut, après avoir consulté le maire et éventuellement le président de l'EPCI compétent en matière de politique de la ville, demander la nomination d'un délégué du Gouvernement.

Le délégué devra après avoir consulté les signataires du contrat de ville établir un diagnostic et élaborer une liste d'actions à mener dans un délai de trois mois. Ces propositions devront être présentées au comité de pilotage du contrat de ville et au conseil citoyen et faire l'objet d'un débat devant les assemblées délibérantes des collectivités territoriales signataires du contrat de ville.

II. LA VOLONTÉ DU GOUVERNEMENT D'ACCÉLÉRER LA MISE EN oeUVRE DU NOUVEAU PROGRAMME DE RENOUVELLEMENT URBAIN

A. DES BESOINS DE FINANCEMENT RÉACTUALISÉS POUR TENIR COMPTE DE L'ACCÉLÉRATION DU PNRU

S'agissant du PNRU, l'année 2015 était la dernière année d'engagements. 399 projets de rénovation urbaine ont été mis en place dans le cadre du PNRU. Ces projets représentent 45,2 milliards d'euros d'investissement, dont 11,8 milliards d'euros de subventions de l'Anru.

Lors de son audition par votre rapporteure, M. Nicolas Grivel, directeur général de l'Anru, a précisé que les opérations menées dans le cadre de ce programme étaient plus ou moins avancées dans leur réalisation. Il a confirmé qu'il devrait se dégager de ce premier programme un reliquat d'un montant estimé à 600 millions d'euros : 370 millions constatés fin 2015 notamment en raison de l'abandon de certaines opérations, 230 millions qui seront effectivement dégagés au fur et à mesure de la fin des opérations.

Contrairement aux projections qui avaient été réalisées, les paiements devraient finalement avoir lieu de façon plus importante sur les années 2016 à 2018 avant de diminuer fortement. En conséquence, l'Anru a décidé en juin dernier :

- de mobiliser le complément de trésorerie versé par Action Logement et prévu dans la convention entre l'État, l'Anru et Action logement du 2 octobre 2015, pour un montant de 60 millions d'euros en 2016, en sachant que l'agence pourra bénéficier en tant que de besoin de 40 millions supplémentaires en 2017 et du préfinancement d'un montant d'un milliard d'euros par la Caisse des dépôts et consignations ;

- de réviser les prévisions budgétaires pour 2016 afin de porter les crédits de paiement du PNRU de 872 à 1029 millions d'euros et en portant les ressources d'Action Logement de 850 à 910 millions d'euros.

B. LA PARTICIPATION DE L'ETAT AU FINANCEMENT DU NPNRU

Initialement, le financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU) était assuré à parité par l'État et Action Logement. L'État a modifié à plusieurs reprises le montant de sa contribution :

- 2,5 milliards d'euros sur la période 2004-2008 en application de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ;

- 4 milliards d'euros sur la période 2004-2011 en application de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ;

- 5 milliards d'euros sur la période 2004-2013 en application de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement ;

- 6 milliards d'euros jusqu'en 2013 en application de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.

Toutefois, l'État s'est désengagé du financement de l'Anru à l'occasion de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions. L'État aura ainsi contribué à hauteur de 846 364 euros au PNRU, soit moins de 1 %. Depuis, il revient à Action Logement de financer ce programme. La Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) apportent leur contribution dans une moindre mesure : respectivement à hauteur de 30 millions d'euros pour la durée du programme et de 4 millions d'euros jusqu'en 2013 pour la CDC. En septembre 2015, une nouvelle convention a été signée entre la Caisse des dépôts et l'Anru prévoyant que la CDC verserait une contribution à l'agence d'un montant de 10 millions d'euros pour la période 2014-2020.

5 milliards ont été prévus pour le NPNRU. Avec les crédits actuellement prévus, ce sont en moyenne 20 millions d'euros qui peuvent être accordés à chaque projet, alors même que le montant moyen atteignait 44 millions dans le PNRU. Sans moyens supplémentaires face aux enjeux de rénovation, même s'ils ne sont pas à la hauteur du premier programme, beaucoup d'élus craignent de devoir revenir sur l'ambition même de leur projet, certains craignant même un « plan au rabais » .

Le gouvernement a pris la mesure de ces inquiétudes. Lors du congrès HLM à Nantes en septembre dernier, le Premier ministre, M. Manuel Valls, a indiqué que l'État allouerait de nouveau des crédits à l'Anru à hauteur d'un milliard sur la durée du NPNRU . Lors de l'examen du programme 147 à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté deux amendements présentés par le gouvernement :

- le premier qui insère un article additionnel après l'article 58 prévoit que 6 milliards seront affectés au NPNRU ;

- le second qui prévoit pour 2017 que 100 millions d'euros seront inscrits au programme 147 en autorisations d'engagement et 15 millions en crédits de paiement pour le financement du NPNRU.

Votre rapporteure se félicite de voir l'État se réengager dans le financement du NPNRU. Elle estime que c'est un premier pas qui devra être complété par d'autres, car neuf milliards au minimum seraient en réalité nécessaire selon les différents acteurs de la politique de la ville.

C. DE NOUVEAUX MOYENS FINANCIERS DÉDIÉS AU NPNRU QUI PERMETTRONT LA PRISE EN CHARGE DES ÉQUIPEMENTS

Contrairement au premier programme de rénovation urbaine qui permettait la prise en charge des équipements (9,4 % des investissements étaient consacrés aux équipements, l'Anru y consacrant 11,4 % de ses subventions), les nouvelles règles de financement pour le NPNRU tendraient à limiter le financement des constructions ou des réhabilitations d'équipements.

Répartition des subventions de l'ANRU par famille d'opérations
pour le PNRU

Source : ANRU, PNRU les chiffres 2015

En effet, les représentants d'Action Logement ont rappelé à votre rapporteure que leur contribution aux programmes de rénovation urbaine devait concerner au premier chef le financement de constructions ou de réhabilitations de logements, le financement des équipements devant relever d'autres sources de financement comme l'État.

En clôture du premier Forum national des conseils citoyens, le Président de la République, M. François Hollande, a annoncé le 27 octobre 2016 que la contribution de l'État d'un milliard d'euros ne serait pas simplement destinée à « améliorer le bâti » mais qu'il s'agirait de financer la construction ou la rénovation d'équipements comme les écoles, les équipements culturels, les lieux de médiation, les équipements sportifs indispensables à la vie dans ces quartiers mais aussi indispensables pour changer l'image de ces quartiers.

D. LA NÉCESSITÉ D'ACCÉLÉRER LA MISE EN oeUVRE DU NPNRU

Nombre d'élus sont en attente de la mise en oeuvre du NPNRU et redoutent une interruption trop longue entre PNRU et NPNRU.

Interrogé sur cette question, M. Nicolas Grivel, a indiqué à votre rapporteure que la quasi-totalité des protocoles nationaux déposés dans le cadre du NPNRU seraient examinés d'ici la fin de l'année 2016, les premières signatures de conventions opérationnelles devant intervenir en 2017. Les premières dépenses relatives au NPNRU concernent des dépenses d'ingénierie ou des autorisations de démarrage anticipé pour des opérations consensuelles comme des démolitions.

Mais, les élus engagés dans des programmes de renouvellement urbain ont aussi fait part à votre rapporteure de leur attente en matière d'information quant aux niveaux d'investissement qui seront réalisés par l'Anru, retardant ainsi la mise en oeuvre des opérations. Votre rapporteure espère que le retour de l'État dans le financement du NPNRU permettra de débloquer la situation.

En outre, le règlement du NPNRU continue de susciter des critiques. Plusieurs associations d'élus ont relayé à votre rapporteure les « exigences sans fin de l'Anru », en particulier la multiplication des études, alors même qu'une simplification des procédures avait été engagée depuis 2011.

Enfin, les représentants de l'Union sociale pour l'habitat ont de nouveau attiré l'attention de votre rapporteure sur les subventions accordées aux opérations de démolition, désormais limitées à 70 %. Selon l'analyse des premiers cas étudiés, la subvention de l'Anru ne permettrait de couvrir qu'entre 49 % et 58 % des pertes financières induites. L'USH souhaiterait que l'aide apportée par l'Anru soit améliorée notamment lorsque les collectivités ne peuvent apporter d'aides complémentaires afin d'éviter que les bailleurs sociaux ne réduisent l'ampleur de leurs projets.

Mme Catherine Arenou, vice-présidente de l'association des maires de Ville et Banlieue de France, a également attiré l'attention sur la nécessité de conserver de la souplesse dans l'application du règlement général du NPNRU en permettant la rénovation des équipements commerciaux, éducatifs, culturels et sportifs situés à la limite du quartier prioritaire et qui par leur situation favorisent la mixité en accueillant des populations vivant dans et hors du quartier prioritaire.

Cette situation d'attente suscite l'incompréhension non seulement des élus mais aussi des habitants des quartiers qui ont été associés au projet de rénovation urbaine et qui ne comprennent pas pourquoi les projets ne démarrent pas. Votre rapporteure estime qu'il est urgent d'agir, il en va de la crédibilité de l'action publique, compte tenu du succès du premier programme et de la nécessité de poursuivre une politique essentielle à destination des quartiers prioritaires.

III. L'EMPLOI DES JEUNES ET LA CRÉATION D'ENTREPRISE DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES : UNE PRIORITÉ DU GOUVERNEMENT

Les différents Comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC) avaient mis en avant la question de l'emploi et préconisé plusieurs mesures à mettre en oeuvre.

Le conseil national des villes s'est prononcé sur cette question. Il a rendu un avis le 3 novembre dernier sur la place des entreprises et la mixité fonctionnelle dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville dans lequel il propose de :

« - systématiser l'intégration des actions économiques dans les contrats de ville et développer le pilotage et l'évaluation de la dimension économique, notamment des engagements des entreprises ;

« - renforcer l'ingénierie territoriale pour améliorer synergies et cohérence des actions. La dimension d'insertion par l'économique qui fonctionne déjà en politique de la ville doit davantage concerner les petites entreprises et faire l'objet d'un suivi attentif pour des résultats perceptibles par les populations ;

« - poursuivre les implantations d'activités au sens physique dans les quartiers prioritaires, tant activités tertiaires mais aussi artisanales et de production ;

« - intensifier les actions de formation d'éducation et d'orientation à partir des outils existants, en promouvant une culture de l'insertion professionnelle et en pariant sur l'avenir non seulement sur les métiers en tension mais aussi sur des métiers à perspectives méconnues ou sous-estimées. »

A. DES CRÉDITS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE MOBILISÉS EN FAVEUR DE L'EMPLOI


• En complément des crédits de droit commun, le programme 147 « politique de la ville », consacre 97,12 millions d'euros au développement économique des quartiers.

48,62 millions sont prévus à l'action 1 du présent programme pour l'emploi et l'insertion dédiés à :

- l'insertion par l'activité économique ;

- la mise en place d'actions visant à renforcer le repérage, l'accueil, l'information et l'accompagnement des jeunes ;

- le soutien d'actions d'accompagnement comme le parrainage ;

- le renforcement de l'accès à la formation des jeunes ;

- l'accompagnement vers l'emploi des jeunes peu ou pas diplômés ;

- les actions visant à lever les freins à la formation et à l'emploi (ex. les modes de garde des enfants, la mobilité).

En outre, 48,5 millions sont prévus au titre de l'action 2 « revitalisation économique et emploi » pour les compensations d'exonération de charges sociales en zones franches urbaines et pour l'EPIDe. Ces crédits sont en diminution de 15 % en raison de la réforme du dispositif des zones franches urbaines qui ne prévoit plus d'exonération de charges sociales pour les nouvelles entreprises s'installant dans les ZFU - territoires entrepreneurs. En conséquence, le montant des exonérations de charges sociales que l'État doit compenser va en décroissant et connaît pour 2017 une diminution de 11,9 millions d'euros.


• Parmi les dispositifs destinés à améliorer la qualification des jeunes , le gouvernement poursuit ses efforts en direction de l'EPIDe et des écoles de la deuxième chance.

Ainsi, 4 millions sont consacrés en 2017 aux écoles de la deuxième chance qui proposent des parcours de formation aux jeunes âgés de moins de 25 ans, dépourvus de qualification professionnelle ou de diplôme et sortis du système scolaire. 110 écoles de la deuxième chance ont accueilli en 2015, 14 575 jeunes de 18 à 25 ans sans emploi et sans formation. 32 % venaient des quartiers prioritaires. Le CIEC du 6 mars 2015 a fixé à 40 % la part des jeunes issus de ces quartiers.

Les crédits dédiés à l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) augmentent, passant de 26 millions d'euros à 28,9 millions d'euros en raison de l'ouverture de deux nouveaux centres en 2017 à Nîmes et à Toulouse, la capacité d'accueil passant de 2 085 à 2 655 places. Ce sont ainsi 4 000 volontaires qui peuvent être accueillis chaque année. Malgré un contexte économique difficile, l'EPIDe a pu insérer 50 % de ses volontaires en 2015, l'objectif étant d'atteindre un taux de 54 % en 2016.


• Différents dispositifs sont mobilisés en direction des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville et notamment des jeunes pour leur permettre d'accéder à l'emploi et/ou aux contrats aidés . Les habitants des quartiers prioritaires représentaient ainsi mi-2016, 11,5 % des signataires d'un contrat unique d'insertion dans le secteur non marchand (CAE) et 9,5 % dans le secteur marchand (CIE, hors CIE-Starter) pour un objectif fixé à 13 %. Les jeunes sont particulièrement concernés par le CIE-Starter. Le gouvernement avait fixé un objectif de 35 % de bénéficiaires issus des QPV. Au 30 juin 2016, ils représentaient 24 % des bénéficiaires de ce contrat depuis le début de l'année. Les emplois d'avenir sont également mobilisés en leur direction. L'objectif de 20 % des bénéficiaires n'est pas encore atteint, puisqu'au 31 août 2016, le taux des bénéficiaires était de 18,7 %. Enfin, la « garantie jeunes » a été généralisée. Au 30 juin 2016, la part des jeunes des quartiers dépassait l'objectif de 21 % fixé par le CIEC en atteignant 22,5 % des bénéficiaires.

B. LE SOUTIEN APPORTÉ AUX JEUNES DIPLÔMÉS DES QUARTIERS PRIORITAIRES

Selon l'Observatoire national de la politique de la ville, plus le jeune habitant un quartier de la politique de la ville est diplômé plus son taux de chômage diminue sans toutefois être égal ou inférieur à celui constaté hors de ce quartier.

Taux de chômage des 15-64 ans observé en 2014
selon le lieu de résidence et le niveau d'études (en %)

Source : Rapport annuel ONPV 2015 d'après Insee, enquête emploi 2014

Le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du 13 avril 2016 a décidé de mettre l'accent sur les actions en faveur de l'emploi des jeunes diplômés des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Selon le CIEC, « les jeunes résidant dans les quartiers prioritaires, ayant fait des études supérieures (Bac+3 et au-delà), souvent au prix d'efforts, notamment matériels, plus importants que les autres, jouent un rôle de modèle positif dans les quartiers. Leur manque de réseau professionnel et de connaissance du monde du travail représente toutefois un handicap pour trouver rapidement un emploi. Il est de la responsabilité de l'État de s'assurer qu'ils accèdent effectivement à l'emploi après leurs études . »

Pôle emploi a ainsi identifié 9 075 jeunes diplômés disposant d'un niveau bac plus trois et plus, âgés de moins de 30 ans et résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. A mi-septembre, selon Pôle emploi :

- 6 147 jeunes diplômés avaient bénéficié d'au moins un entretien (soit 68% de la cohorte) ;

- 11 837 actions ont été préconisées à 4205 jeunes diplômés des quartiers prioritaires ;

- 2 516 jeunes sont sortis des fichiers tous motifs confondus (soit 28%) : 770 sorties positives en emploi (soit 30,6 % des sorties), réparties en 150 contrats aidés, 607 contrats ordinaires (CDD/CDI) et 13 reprises d'emploi à temps partiel ; 121 sorties en formation ; 1251 sorties pour défaut d'actualisation ou suspension d'inscription ; 374 demandeurs d'emploi sont sortis pour d'autres motifs (ex. maladies, maternité).

Cette mesure vient en complément des mesures en faveur du parrainage . Au regard des taux de sorties positives vers l'emploi pouvant aller jusqu'à 70 % selon les publics, le gouvernement a souhaité développer le parrainage des jeunes notamment des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Un plan national de développement du parrainage a été engagé par le gouvernement en 2015 avec l'objectif de doubler le nombre de bénéficiaires d'ici 2017. Selon des chiffres provisoires, la part des habitants des quartiers prioritaires pourrait passer de 31 % des bénéficiaires en 2015 à 36 % en 2016.

C. LA MISE EN PLACE DE DISPOSITIFS POUR FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DE L'ENTREPRENEURIAT

1. L'installation de l'Agence France Entrepreneur

Le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du 26 octobre 2015 avait annoncé la création de l'Agence France Entrepreneur.

Cette agence, présidée par M. Mohed Altrad, a été installée le 13 avril dernier. Sont membres fondateurs de l'agence : l'État, la Caisse des dépôts et consignations, l'Association des régions de France, le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, CCI France et l'Assemblée permanente des chambres des métiers et de l'artisanat. 17 membres (onze représentants des membres fondateurs et six personnalités qualifiées) composent son conseil d'administration.

Un comité de coordination des réseaux composé des représentants des réseaux d'accompagnement et de soutien à l'entrepreneuriat, des membres fondateurs de l'agence et de Pôle Emploi a également été institué auprès du conseil d'administration de l'Agence. Ce comité a pour mission de favoriser la concertation, de faire des propositions sur les actions à mettre en oeuvre en matière de développement de l'entrepreneuriat notamment dans les « territoires fragiles ».

Il convient de rappeler que l'Agence n'est pas uniquement spécialisée sur le développement des entreprises par des personnes habitant les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou par la création d'entreprises dans ces quartiers. Selon les informations transmises par l'Agence France Entrepreneur et le CGET à votre rapporteure, l'Agence France Entrepreneur a pour mission :

- d'animer une stratégie nationale de soutien à l'entrepreneuriat ;

- de nouer des partenariats stratégiques avec les acteurs territoriaux (régions, grands agglomérations...) et d'impulser des actions innovantes ;

- de devenir une référence en matière d'information.

S'agissant plus particulièrement des quartiers prioritaires de la politique de la ville, elle devra renforcer la présence des réseaux d'entreprise dans les territoires en ayant le plus besoin et augmenter de 50 % la part des personnes accompagnées issues des quartiers prioritaires, en portant de 10 % à 15 % la part des bénéficiaires de l'action des réseaux résidant dans ces quartiers.

L'Agence a constitué plusieurs groupes de travail chargés de réfléchir sur le renforcement de la présence des réseaux dans les « territoires fragiles », le renforcement de l'accompagnement post-création d'entreprise, la mutualisation des outils et sur la formation des porteurs de projet et des créateurs d'entreprise. 64 quartiers prioritaires de la politique de la ville, dont 41 situés en Ile-de-France ont d'ores et déjà été identifiés comme insuffisamment couverts. Une cartographie de la présence des réseaux sur les territoires sera réalisée afin de déterminer d'autres quartiers où il faudrait renforcer les réseaux. En outre, d'ici la fin de l'année, une mission d'observation dans 4 à 5 quartiers prioritaires sera menée afin de relever les spécificités des quartiers, les problématiques au regard de l'emploi, les besoins en accompagnement.

L'Agence bénéficie d'un budget de 6 millions d'euros (2 millions de l'État, 1,6 million de la Caisse des dépôts et consignations, 2,6 millions d'autres ressources). L'Agence n'a pas été en mesure d'indiquer à votre rapporteure le budget prévisionnel pour 2017, son conseil d'administration ne se réunissant sur cette question que le 30 novembre prochain. Par ailleurs, l'agence a été chargée de répartir 1,8 millions d'euros entre les réseaux. La moitié de ces crédits seraient destinés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Votre rapporteure estime que la création de l'agence est encore trop récente pour pouvoir tirer un bilan de son action.

2. Le soutien à l'entrepreneuriat des femmes dans les quartiers

Selon une étude du CREDOC publiée en mars 2016 3 ( * ) , l'entrepreneuriat des femmes dans les quartiers est encore peu développé. Ainsi, seules 2 % des femmes en emploi sont entrepreneures dans les ZUS contre 6 % hors ZUS et contre 7 % des hommes en ZUS. Elles représentent 22 % des entrepreneurs des quartiers, contre 32 % hors ZUS.

Les femmes entrepreneures dans les ZUS présentent selon l'enquête du CREDOC plusieurs particularités :

- elles ont rarement un ou plusieurs employés ;

- elles travaillent plus souvent à temps partiel ;

- elles sont très souvent spécialisées dans le secteur des services ;

- elles sont plus diplômées que les entrepreneurs des ZUS ;

- elles sont le plus souvent célibataires.

L'étude ajoute que le fait d'être une femme et de vivre en quartier prioritaire diminue les chances pour les femmes d'être entrepreneur.

L'Agence France Entrepreneur est chargé de mettre à jour un site Internet dédié à la création d'entreprise par les femmes. En outre, les acteurs de la création d'entreprise ont réitéré en octobre 2016 les engagements pris en 2014  et qui tendent à :

- faciliter la concrétisation des projets ;

- mieux promouvoir les dispositifs dédiés à la création d'entreprise ;

- aider les créatrices à affirmer leur légitimité d'entrepreneures ;

- aider les créatrices à mettre en place une organisation adaptée ;

- favoriser la pérennité des projets dits « risqués » ;

- encourager l'implication des femmes dans les réseaux ;

- renforcer l'impact des présentations de leur projet par les femmes créatrices.

3. La création d'un nouveau fonds de garantie, le « fonds quartiers »

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, a annoncé le 14 octobre dernier la mise en place d'un nouveau fonds de garantie pour accompagner les entrepreneurs des quartiers. Il apparaît en effet que dans les quartiers en difficulté, certains porteurs de projet n'ont pas accès à des financements en raison de la taille de leurs projets, de leur situation économique personnelle ou d'un faible niveau de rentabilité attendue.

Le « fonds quartiers » mis en place avec le soutien de France active et de la Caisse des dépôts et consignation devrait permettre de faciliter l'accès au financement. L'objectif de ce « Fonds quartier » est de financer 1 500 créateurs d'entreprises dans les quartiers prioritaires d'ici 2019. La garantie s'élèvera à 80 % au lieu de 60 % à 70 % habituellement. Ce fonds devrait être mis effectivement en place d'ici le mois de décembre.

En revanche, le prêt « entreprises et quartier » proposé depuis l'an dernier par la Banque publique d'investissement (BPI) n'a pas atteint les résultats escomptés puisqu'il n'aurait attiré que cinquante porteurs de projet. D'après les informations transmises par la BPI, plusieurs raisons d'ordre technique -spécificité du prêt, méconnaissance des acteurs, recours à d'autres dispositifs proposés par la BPI- expliquent cette situation. Une nouvelle campagne de communication et d'information va être réalisée.

D. DE NOUVEAUX DISPOSITIFS DE SOUTIEN À L'IMMOBILIER ÉCONOMIQUE

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville connaissent une insuffisance de l'offre commerciale de proximité. Ainsi, on dénombre 35 571 établissements relevant du commerce de détail dans ces quartiers prioritaires, soit 7,34 établissements pour 1 000 habitants (contre 391 000 établissements dans les agglomérations qui les abritent, soit 10,34 établissements pour 1 000 habitants).

Le maintien et l'implantation des commerces dans ces quartiers font partie des actions prioritaires menées dans le cadre de la politique de la ville.

Des exonérations de cotisation foncière des entreprises et de taxe foncière pour la période 2015-2020 sur les propriétés bâties ont été adoptées lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2014 en faveur des très petites entreprises. À la fin du premier trimestre 2016, le nombre de bénéficiaires de ces mesures était estimé à 12 000.

En complément, le gouvernement a annoncé la mise en place d'une exonération fiscale en faveur des commerces de plus de 50 salariés réalisant un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros. Cette mesure devrait permettre de favoriser le développement des commerces de proximité au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Par ailleurs, l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), qui intervient aux côtés des collectivités depuis 20 ans pour restructurer et réhabiliter les centres commerciaux dégradés, quand l'initiative privée fait défaut puis en assure ensuite la gestion locative le temps nécessaire à la pérennisation des entreprises créées ou relocalisées, s'est doté d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance pour la période 2016-2020. Ce dernier prévoit la mise en investissement de plus d'une dizaine d'opérations nouvelles. Mme Valérie LASEK, directrice générale de l'Epareca, a indiqué à votre rapporteure que l'Établissement devrait faire face à des situations inédites en centres anciens dégradés, où il devra inscrire son action en complémentarité des autres opérateurs de l'État : les établissements publics fonciers qui peuvent assumer la maîtrise foncière pour le compte des collectivités, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) qui intervient sur le bâti dégradé des copropriétés, les régions qui ont la compétence économique, et l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) qui participe au financement du renouvellement urbain.

IV. LES EFFORTS DU GOUVERNEMENT EN MATIÈRE D'ÉDUCATION DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES

Le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015 a retenu plusieurs mesures en matière d'éducation :

- renforcer la mixité sociale par une réforme de la carte scolaire et prévenir les contournements de la carte scolaire ;

- accueillir les enfants de moins de trois ans à hauteur de 50 % dans les REP+

- renforcer la réussite éducative notamment via le programme de réussite éducative (PRE) ;

- développer les dispositifs de deuxième chance.

A. DES MOYENS FORTEMENT MOBILISÉS EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION PRIORITAIRE

La politique d'éducation prioritaire a pour objectif de « corriger les effets des inégalités économiques, sociales et culturelles sur la réussite des élèves en visant les territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales ».

Selon la direction générale de l'enseignement scolaire, plusieurs mesures ont été mise en oeuvre dans ce cadre :

- appuyer l'action des équipes pédagogiques et éducatives sur un référentiel commun et développer la formation et le travail collectif des personnels ;

- accompagner les élèves de sixième dans leur travail personnel ;

- mettre en oeuvre le dispositif « Plus de maîtres que de classes » en priorité dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcée (REP+) puis les réseaux d'éducation prioritaire REP. A la rentrée 2015, 2 352 emplois y étaient consacrés dont 1 733 en éducation prioritaire soit 74 %. 25,8 % des ETP sont affectés dans des écoles situées en quartiers prioritaires et 47,4 % dans des écoles situées en quartiers prioritaires ou à moins de 200 mètres ;

- développer la scolarisation des enfants de moins de trois ans . La scolarisation des moins de trois ans a ainsi progressé pour atteindre à la rentrée 2015, 22,1 % en REP+ et 17,5 % en REP. Cependant, Mme Catherine Arenou a au contraire posé le constat d'une progression de la non scolarisation des enfants âgés de 3 à 6 ans dans certains quartiers prioritaires de la politique de la ville. Or, comme l'a souligné notre collègue Franck Montaugé, en qualité de représentant de l'AMF, aucun indicateur budgétaire ne porte sur l'école maternelle et l'école primaire, ce qui ne permet pas au Parlement de contrôler ce phénomène ;

- prévoir des postes d'infirmiers et d'assistants sociaux supplémentaires dans les REP+.

La carte de l'éducation prioritaire a été refondue à la rentrée 2015 . À la rentrée scolaire de 2016, la nouvelle carte scolaire mise en place comprend :

- 364 collèges et 2472 écoles qui font partie d'un réseau d'éducation prioritaire renforcée (REP+) : 289 collèges REP+ sont en QPV ou à moins de 1000 mètres (soit 99 %) ; 51,5 % des écoles REP+ sont en QPV et 84,8 % en QPV ou à moins de 200 mètres d'un QPV ;

- 731 collèges et 4267 écoles qui font partie d'un réseau d'éducation prioritaire (REP) : 545 collèges REP sont en QPV ou à moins de mille mètres (soit 81 %) et 24 % des écoles REP sont en QPV et 54,7 % en QPV ou à moins de 200 mètres d'un QPV.

Votre rapporteure invite le gouvernement à poursuivre ses efforts afin que les moyens supplémentaires de l'éducation prioritaire soient attribués aux écoles en ayant le plus besoin.

Le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) a dans un rapport publié en septembre 2016 porté une critique sévère aux dispositifs de l'éducation prioritaire en soulignant ses effets négatifs : stigmatisation des établissements classés en éducation prioritaire, moyens supplémentaires accordés qui demeurent insuffisants pour créer une véritable différence, climat scolaire moins favorable, enseignants moins expérimentés et qui changent régulièrement.

Le Cnesco précisait que l'éducation prioritaire « a perdu de son efficacité, les effets pervers sont venus contrebalancer progressivement les effets positifs de la politique, au point de conduire à des phénomènes que l'on peut définir en 2016 comme de la «discrimination négative» » et ajoutait que les moyens supplémentaires dont bénéficie l'éducation prioritaire « ne sont pas dirigés vers les dimensions efficaces de l'enseignement ». Cependant, il reconnaissait que les nouvelles mesures prises par le gouvernement allaient dans le bon sens même si elles ne règlent pas tout et il proposait de renforcer la mixité sociale des collèges les plus ségrégués .

B. DES EFFORTS À POURSUIVRE EN MATIÈRE DE MIXITÉ SOCIALE EN MILIEU SCOLAIRE

Le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015 a décidé de prévenir les contournements de la carte scolaire et de renforcer la mixité sociale dans les écoles par une réforme de la carte scolaire.

Dans son enquête sur l'éducation dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville publiée en juin/juillet 2016, l'association des maires Ville et Banlieue de France soulignait l'impuissance des maires face à l'absence de mixité sociale dans certains établissements scolaires.

Elle notait : « plusieurs phénomènes se conjuguent : d'une part, (pour les ¾ des villes interrogées), un phénomène d'évitement bien connu à l'égard de certains établissements perçus comme trop difficiles, et un exode plus ou moins marqué selon les sites, vers des écoles publiques mieux prisées ou des écoles confessionnelles (un quart des villes déclarent en avoir vu s'ouvrir dans ou à proximité de leur quartier) ; d'autre part, le développement d'une offre d'accompagnement scolaire communautaire (dans près des 2/3 des communes ayant répondu à l'enquête) émanant d'associations se présentant à la fois comme cultuelles et culturelles. Or la moitié des villes concernées indiquent que ces associations agissent hors de tout dispositif (La Seyne-sur-Mer), sans convention de partenariat avec l'école (Echirolles, Noisiel, Chanteloup-les-Vignes), sans solliciter de financement de la ville, de la CAF ni de l'État (Vaulx-en-Velin). Le risque alors souligné par plusieurs communes ? Celui d'une sécession urbaine et culturelle volontaire, soustrayant progressivement les familles et les élèves à toute forme de dialogue avec les pouvoirs publics . »

Interrogée sur la question du développement des établissements privés hors contrats, la direction générale de l'enseignement scolaire a indiqué à votre rapporteure que plusieurs mesures avaient été prises par le Gouvernement sur cette question :

- lancement à l'automne 2015 d'inspections ciblées ; ces inspections n'auraient pas révélé de phénomènes de radicalisation mais pour certains établissements des lacunes pédagogiques préoccupantes ;

- évolution du régime d'ouverture des établissements privés hors contrats vers un régime de contrôle a priori . En effet, le régime actuel de déclaration avec opposition serait inopérant car les motifs d'opposition sont limités et le délai d'opposition contraint. L'article 14 du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté habilite le gouvernement à légiférer pour remédier à cette situation ;

- des mesures pour améliorer l'effectivité des contrôles de l'instruction à domicile.

S'agissant de la mixité sociale à l'école, nos collègues députés MM. Yves Durand et Rudy Salles ont rendu en décembre dernier un rapport d'information sur l'évaluation des politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l'éducation nationale. Après avoir constaté que le système scolaire français était profondément « ségrégué », ils ont formalisé seize propositions tendant notamment à permettre une meilleure connaissance de la mixité sociale et scolaire, à mobiliser les équipes pédagogiques afin de battre en brèche le « séparatisme scolaire », à favoriser la participation de l'enseignement privé à l'objectif de mixité en prévoyant par exemple un soutien des collectivités territoriales à l'implantation de tels établissements dans les quartiers défavorisés, ou à « ajust[er] de manière réaliste » la carte scolaire en n'hésitant pas à fermer certains établissements-ghettos.

Votre rapporteure approuve les réformes proposées par le Gouvernement en matière de régime d'ouverture des établissements privés hors contrats et invite le gouvernement à poursuivre ses efforts en faveur de la mixité scolaire.

C. LA REFONTE DU PROGRAMME DE RÉUSSITE ÉDUCATIVE

Les crédits du programme de réussite éducative sont parmi les plus importants du programme 147. 77,3 millions d'euros seront consacrés en 2017 au programme de réussite éducative, soit un montant équivalent à celui de l'an dernier.

Évolution des crédits prévus en lois de finances
pour le programme de réussite éducative (en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Ce programme de réussite éducative a été mis en oeuvre pour prendre en compte l'enfant en difficulté scolaire dans sa globalité. Il permet une intervention dans le champ scolaire mais aussi culturel, social, sanitaire, grâce à la constitution d'équipes pluridisciplinaires de soutien.

Le nombre de programmes de réussite éducative (PRE) actifs a augmenté passant de 493 à 506 équipes. Sont concernés par ces programmes 91 809 enfants répartis sur 600 communes. Selon le CGET, la diminution du nombre d'enfants pris en charge serait liée au développement des parcours individualisés. Ces derniers, plus nombreux chaque année, mobilisent plus intensément les équipes de PRE, coûtent plus cher et conduisent à prendre en charge moins d'enfants qui bénéficient cependant d'un travail plus qualitatif. Plus de 1000 quartiers prioritaires de la politique de la ville sont couverts, cependant un effort particulier doit encore être fait dans les territoires ultra-marins où plus d'une centaine de quartiers ne sont pas couverts. Pour 2017, le gouvernement souhaite concentrer les moyens sur les quartiers et les établissements scolaires les plus prioritaires. Le taux de cofinancement moyen atteint 37 % en 2015. Les exigences de hausse des cofinancements directs et la démarche de normalisation des coûts seront poursuivis en 2017.

Après une orientation des PRE vers le financement d'actions collectives, l'accent est mis depuis plusieurs années sur l'individualisation des parcours. Le PRE doit ainsi permettre de repérer les enfants potentiellement concernés afin de leur proposer un parcours individualisé adapté à chaque enfant. Les parcours individualisés sont de nouveau en augmentation et atteignent 80 %, demeurant cependant en-deçà de l'objectif de 85 % que s'est fixé le Gouvernement.

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Part des jeunes bénéficiant d'un parcours individualisé

23%

35%

35%

46%

51%

51%

62%

71,5%

77,5%

80%

Dix ans après la mise en place de ce programme, le ministère de la ville a lancé une évaluation des effets de ce programme. Deux études ont été réalisées :

- la première par l'Institut des politiques publiques (IPP) qui porte sur les enfants des territoires prioritaires de la politique de la ville et leur prise en charge par les PRE ;

- la seconde par le bureau d'études Trajectoires portant sur huit territoires couverts par un PRE afin de procéder à une évaluation qualitative.

Les résultats des deux études présentent des résultats divergents mais se rejoignent sur le fait que lorsque la situation des enfants est marquée par un cumul de fragilités et un contexte socio-économique et familial très fragile, les PRE ont beaucoup moins d'impact.

L'évaluation quantitative de l'IPP démontre le peu d'effet du programme sur les enfants. Les auteurs de l'évaluation constatent : « nous n'observons pas de dynamique plus positive des enfants bénéficiaires d'un parcours par rapport à des enfants dans des situations scolaires, psychologiques et sociales comparables au départ. Cela ne signifie pas que leur situation ne s'est pas améliorée dans l'absolu, cela signifie à tout le moins qu'elle s'est plutôt moins améliorée, ou moins vite, que pour les enfants témoins, c'est-à-dire des enfants ne bénéficiant pas d'un parcours . » 4 ( * ) Ils évoquent plusieurs explications à ce constat : des effets de stigmatisation des enfants suivant un PRE, des effets liés aux difficultés de coordination entre les acteurs, une interrogation quant à la capacité des outils mobilisés de répondre aux besoins spécifiques de ces enfants.

La seconde étude qualitative pose un constat plus positif : « le programme de réussite éducative est une condition indispensable à la réussite scolaire », « les PRE sont aujourd'hui opérationnels pour construire des parcours personnalisés de réussite éducative et (...) le pari de l'individualisation de l'aide à apporter aux publics fragiles est gagné, malgré la persistance de quelques projets qui demeurent à la marge ». L'étude montre également que « pour une partie des enfants pris en charge, cet accompagnement innovant produit des effets importants puisqu'il permet de les repositionner sur une trajectoire positive » 5 ( * ) . Toutefois, les auteurs notent que si le dispositif « prend aujourd'hui en compte la majorité des enfants qui lui sont orientés, l'ampleur des effets et des impacts est corrélée à la nature des fragilités initiales et à la capacité des parents à être mobilisés ». Ils invitent à en tenir compte. De même proposent-ils que le lien entre le référent PRE et les enseignants soit davantage renforcé.

Le CGET a mis en place un groupe de travail dont les conclusions ont conduit à la publication le 10 octobre dernier d'une instruction relative à la refonte du PRE. Il s'agit de réaffirmer les principes, de consolider le fonctionnement du PRE dans le cadre des contrats de ville et de mettre en place des parcours davantage adaptés aux difficultés des enfants et plus centrés sur l'école. Parmi les objectifs poursuivis par la refonte du PRE figure ainsi l'approfondissement du travail avec l'éducation nationale « dans une optique de soutien à finalité scolaire et de continuité éducative ».

Il a ainsi été décidé de renforcer l'articulation avec l'éducation nationale et de recentrer le dispositif sur les enfants ayant des difficultés « qui s'expriment dans le champ scolaire, mais qui relèvent d'une difficulté autre, liée à la santé, à la vie familiale... » et sur les enfants confrontés à un « cumul de difficultés dues à des multiples causes, avec mobilisation possible des parents » pour lesquels les études ont montré que le programme était efficace. S'agissant des autres enfants, ceux qui ne rencontrent que des difficultés scolaires doivent être pris en charge par le milieu scolaire, et ceux pour qui les difficultés sont trop importantes, des discussions doivent être menées pour leur trouver une prise en charge adaptée.

Il est également rappelé l'importance de mobiliser l'ensemble des acteurs locaux et notamment les caisses d'allocations familiales et les conseils départementaux et d'approfondir le travail et le dialogue avec l'Éducation nationale et les enseignants.

En matière de gouvernance, le comité de pilotage chargé de définir les objectifs stratégiques du programme devra avoir une composition élargie et garantir la représentativité des parents. En outre, le portage juridique du PRE pourra être réalisé au niveau intercommunal. L'instruction précitée indique les modalités de ce portage.

ARTICLE RATTACHÉ

Article 58 bis (nouveau)

Financement du NPNRU

1. Le dispositif

L'article 9-2 de la loi n° 2003-710 du 1 août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine prévoit que 5 milliards d'euros sont affectés à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine pour la mise en oeuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Lors de l'examen en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement. Le premier amendement tend à prévoir que 6 milliards seront consacrés au NPNRU. Le second amendement tire les conséquences financières de cette augmentation en augmentant de 100 millions d'euros le programme « Politique de la ville » en autorisations d'engagement et de 15 millions en crédits de paiement.

2. L'avis de la commission

Votre rapporteure se félicite de ce retour de l'État dans le financement du NPNRU qui permettra en particulier d'assurer le financement des équipements.

Votre commission a donné un avis de sagesse à l'adoption de cet article sans modification.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 25 octobre 2016 :

- Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : MM. Nicolas Grivel , directeur général, et Damien Ranger , directeur des relations institutionnelles ;

- Action logement : MM. Jean-Baptiste Dolci , vice-président, et Roger Thune , directeur logement au MEDEF, Bruno Arbouet , directeur général

Mercredi 26 octobre 2016 :

- Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) : Mme Valérie Lasek , directeur général, et M. Jorris Auffret , directeur administratif et financier ;

- Union sociale pour l'habitat (USH) : Mme Béatrix Mora , directrice du service des politiques urbaines sociales, et Francine Albert , conseillère pour les relations avec le Parlement ;

- Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) : M. Sébastien Jallet , commissaire délégué à l'égalité des territoires, directeur de la ville et de la cohésion urbaine, et Mme Gabrielle de Nadaillac , responsable du pôle programmation et exécution des crédits de la politique de la ville.

Jeudi 27 octobre 2016 :

- Association des maires ville et banlieue de France : Mme Catherine Arenou , première vice-présidente, maire de Chanteloup-les-Vignes.

Jeudi 3 novembre 2016 :

- Cabinet de la Ministre de la Ville : Mmes Aurore Le Bonnec , directrice de cabinet, et Mathie Espargilière , cheffe de cabinet, chargée des relations avec le Parlement, et MM. Ludovic Abiven , conseiller budgétaire, Fabrice Peigney , conseiller collectivités locales et prospective, renouvellement urbain et ville durable, et Benjamin Giovannangeli , chargé de mission parlementaire.

Mardi 8 novembre 2016 :

- France urbaine : M. Emmanuel Heyraud , directeur de la cohésion sociale et du développement urbain ;

- Association des Maires de France : M. Franck Montaugé , sénateur-maire d'Auch, et Mme Charlotte de Fontaines , chargée des relations avec le Parlement.


* 1 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 2 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine

* 3 CREDOC, L'entrepreneuriat des femmes dans les quartiers populaires : un objectif difficile à atteindre, n°281, mars 2016

* 4 Rapport de l'IPP page 102

* 5 Rapport trajectoire page 108

Page mise à jour le

Partager cette page