Avis n° 141 (2016-2017) de M. Alain CHATILLON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 24 novembre 2016

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N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IX

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT

Par M. Alain CHATILLON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Votre rapporteur pour avis souligne que plusieurs de ses recommandations formulées lors des années précédentes, et approuvées par la commission des affaires économiques, ont été suivies d'effet.

L'Agence des participations financières de l'État (APE) s'oriente vers une dynamisation de la gestion du portefeuille financier de l'État grâce à une ouverture plus large de la fonction d'administrateur à des personnalités issues du monde de l'entreprise.

Elle a également renoncé, au moins provisoirement, à financer le désendettement de l'État par la cession des participations qu'elle détient.

Plus généralement, parmi les motifs de satisfaction ou les évolutions encourageantes du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » et de la politique de l'État actionnaire, on peut relever :

- la modération de la politique de dividendes, absolument nécessaire au renforcement des fonds propres des entreprises du portefeuille ;

- l'utilisation des nouveaux outils juridiques mis en place en 2014 pour donner à l'État les moyens d'affirmer pleinement sa voix dans les organes de gouvernance des entreprises de son portefeuille, et ainsi de promouvoir les objectifs de l'État stratège ;

- l'engagement financier massif de l'État pour refonder la filière électronucléaire.

Tout en prenant acte de ces points positifs, votre rapporteur pour avis souligne toutefois que les prévisions de dépenses et de déficit du compte d'affectation spéciale pour 2017 lui semblent gravement sous-évaluées et donc irréalistes.

Lors d'une réunion tenue le, la commission des Affaires économiques, sur la proposition de son rapporteur pour avis, n'a pas adopté les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » dans le projet de loi de finances pour 2017.

I. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE PRÉSENTÉ EN DÉFICIT EN 2017

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE EN LOI DE FINANCES INITIALE : UN CONTENU INFORMATIF GÉNÉRALEMENT TRÈS LIMITÉ

Tant du côté des dépenses que des recettes, les sommes inscrites par le projet de loi de finances initiale, en ce qui concerne le CAS « Participations financières de l'État », revêtent pour une large part un caractère conventionnel et n'apportent donc que peu d'information véritable sur le volume et la nature des titres que l'État pourrait acquérir ou céder au cours de l'année à venir, ni sur l'utilisation qu'il envisage de faire du produit des cessions.

Chaque année, à la fin de l'année N, dans la loi de finances initiale, les recettes tirées de la cession des titres sont ainsi fixées à 5 milliards d'euros pour l'année N+1, sans que cela indique une volonté réelle de céder des titres pour un tel montant, ce que montre bien l'examen des budgets précédemment exécutés. Ainsi, en 2011, les cessions de titres ont rapporté seulement 280 millions d'euros sur les 5 milliards d'euros inscrits en recettes prévisionnelles. En 2012, 300 millions d'euros. En 2013, 1,7 milliards d'euros. En 2014, 1,6 milliards d'euros et, en 2015, 2,3 milliards d'euros. En 2017, le produit des cessions effectivement réalisées pourrait donc s'écarter significativement des 5 milliards de recettes affichés comme chaque année en loi de finances initiale.

Recettes (en milliard d'euros)
(hors versement budget général)

LFI

Exécution

2011

5

0,6

2012

5

0,6

2013

5

2,7

2014

5

1,8

2015

5

2,6

2016

5

-

2017

5

-

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Cet écart entre les recettes inscrites en loi de finances initiale et les recettes effectivement perçues de la cession des actifs de l'État ne traduit pas nécessairement un défaut de prévision. Il reflète en partie la nature incertaine des opérations de cession. Les décisions de vente dépendent étroitement de la situation des marchés, ainsi que de la situation et des perspectives des entreprises concernées. Un engagement ferme sur un montant de cessions serait donc absurde Dans un contexte mouvant, l'agence des participations de l'État doit plutôt agir en opportunité et avec réactivité, dans le respect des grandes lignes de la doctrine de l'État actionnaire, sans être strictement tenue par les enveloppes prévisionnelles votées en loi de finances initiale.

Comme les recettes, et pour les mêmes raisons, les dépenses inscrites sur le programme 731, « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État » revêtent elles-aussi un caractère largement conventionnel. Les sommes utilisées pour participer à des augmentations de capital, réaliser des dotations en fonds propres ou des avances d'actionnaire, acheter ou souscrire des titres, parts ou droits de sociétés, ne sont en effet pas connues à l'avance le plus souvent. D'où un écart récurrent entre les dépenses prévues en loi de finances initiales et les dépenses constatées en exécution.

Dépenses (en milliards d'euros)
(hors désendettement et versement au MES)

LFI

Exécution

2011

1

0,7

2012

1

3,7

2013

2,6

3,3

2014

5,2

2,5

2015

1

2,6

2016

2,7

-

2017

6,5

-

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

B. UNE ANNÉE 2017 QUI SERA MARQUÉE PAR UN EFFORT D'INVESTISSEMENT EXCEPTIONNEL ET UN DÉFICIT IMPORTANT

Concernant le volet « dépenses » prévues pour 2017 au titre du compte d'affectation spéciale, le bleu budgétaire prévoit une enveloppe de 6,5 milliards d'euros, supérieure aux enveloppes prévues pour les années précédentes. Malgré son montant exceptionnel, cette enveloppe devrait pourtant se révéler insuffisante pour financer des investissements inévitables.

1. La nécessité de recapitaliser la filière électro-nucléaire

En premier lieu, et c'est le point principal, l'APE va devoir financer la refondation de la filière électro-nucléaire, conformément aux orientations annoncées le 3 juin 2015 et le 27 janvier 2016 par le Président de la République.

Il est prévu de souscrire à une augmentation de capital d'AREVA , sous réserve que la Commission européenne valide le montage envisagé par la France.

Le plan prévoit la prise de contrôle d'AREVA NP par EDF afin de rapprocher les activités de conception, gestion de projets et commercialisation des réacteurs neufs d'EDF et d'AREVA. AREVA NP rassemblera donc les activités industrielles de construction de réacteurs, et d'assemblage de combustible. À l'issue de cette cession, dont la réalisation est attendue fin 2017, EDF sera l'actionnaire majoritaire d'AREVA NP.

Par ailleurs, c'est le second volet du plan, un nouvel AREVA verra le jour, recentré sur le cycle du combustible. Cette nouvelle société détiendra, via un apport partiel d'actifs, l'ensemble des activités actuelles d'AREVA SA dédiées à la mine, à la conversion et à l'enrichissement du combustible nucléaire, ainsi qu'au traitement aval (recyclage, logistique).

Quant à AREVA SA, elle continuera à exister, mais seulement en tant que structure de défaisance, pour porter les actifs douteux dont on souhaite immuniser EDF et le nouvel AREVA.

Le plan de financement de ce montage prévoit des augmentations de capital pour un total de 5 milliards d'euros : 2 milliards iront à AREVA SA en charge des actifs douteux et 3 milliards au nouvel AREVA en charge du cycle du combustible. L'État y souscrira pour un montant compris entre 4 et 4,5 milliards d'euros.

? La refondation de la filière suppose par ailleurs d' accompagner EDF dans sa stratégie de développement , également par le biais d'une augmentation de capital. EDF s'est en effet engagée dans une stratégie de développement fondée sur la production d'électricité décarbonée. Ce programme se traduira par des investissements significatifs. Dans ce cadre, l'État, actionnaire à 85 % d'EDF, a fait le choix de renforcer les capitaux propres de l'entreprise, d'abord en acceptant de percevoir ses dividendes en actions plutôt qu'en numéraire au titre des années 2016 et 2017 ; ensuite, en indiquant qu'il souscrira à hauteur de 3 milliards d'euros à l'augmentation de capital de 4 milliards prévue d'ici à la clôture des comptes 2016.

Au total, la recapitalisation de la filière devrait absorber entre 7 et 7,5 milliards d'euros d'investissement de la part de l'agence des participations de l'État .

2. Une possible entrée au capital d'Alstom

Le montage des opérations de cession à General Electrics des activités d'Alstom dans le domaine de l'énergie comportait une option d'accès de l'État à 20 % du capital d'Alstom, via une promesse de vente octroyée par le groupe Bouygues. Ce prêt de titres d'une durée de vingt mois est entré en vigueur le 4 février 2016. Il prendra donc fin en octobre 2017.

Le caractère stratégique des activités de transport d'Alstom, comme l'a démontré l'actualité des dernières semaines, suggère qu'il est politiquement difficile de renoncer à devenir l'actionnaire de référence de l'entreprise. Il est donc possible, sinon vraisemblable, que l'État soit amené à lever l'option dans les prochains mois en acquérant les titres dont il n'est pour l'instant que le « locataire ».

Le cours de l'action Alstom semblant stabilisé aux environs de 24 euros, la levée de l'option d'achat prévue par l'accord pourrait représenter un investissement de 1,1 milliard d'euros.

3. Plusieurs autres opérations de moindre ampleur présentent un caractère quasi certain

Les sommes inscrites sur le volet « dépenses » du compte d'affectation spéciale pour 2017 sont destinées à couvrir également plusieurs opérations déjà décidées :

- la première est le financement du Laboratoire français du Fractionnement et de Biotechnologies. L'État a souscrit en octobre 2015 à une augmentation de capital de 230 millions d'euros, versés sur plusieurs années. Un premier versement est intervenu en 2015 pour un montant de 60 millions d'euros. Un versement doit intervenir en 2017 à hauteur de 90 millions ;

- l'État devra également poursuivre la dotation de la Société pour le logement intermédiaire, pour un montant encore indéterminé ;

- à cela s'ajoute la participation à la recapitalisation de plusieurs banques multilatérales de développement, comme la Banque africaine de développement et la Banque ouest africaine de développement. La France s'y est engagée par convention internationale et cela pourrait mobiliser environ 250 millions d'euros ;

- enfin, il faudra financer le renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement (AFD), rendu nécessaire par l'entrée en vigueur des règles de Bâle III. Cela prendra la forme d'une souscription d'obligations perpétuelles pour un montant d'environ 280 millions d'euros.

4. Un déficit sous-évalué et des interrogations sur la façon d'atteindre l'équilibre du compte

Si l'on additionne les investissements nécessaires au redressement de la filière électro-nucléaire aux dépenses certaines qui viennent d'être énumérées, on trouve un total de dépenses qui, dans son évaluation basse, se situe entre 7,5 et 8 milliards d'euros en 2017. Si l'on tient compte par ailleurs de la levée probable de l'option sur les actions d'Alstom, ce total pourrait se situer entre 8,5 milliards et 9 milliards. Le plafond de dépenses de 6,5 milliards inscrites sur le compte d'affectation spéciale devrait donc être largement dépassé, de sorte que le déficit prévisionnel de 1,5 milliards d'euros pourrait en réalité atteindre 2,5 à 3,5 milliards d'euros.

Votre rapporteur pour avis souligne donc que la présentation du compte d'affectation spéciale pour 2017 ne lui paraît pas réaliste.

Cette dégradation prévisible de la situation financière du compte d'affectation spéciale suscite des inquiétudes ou du moins des interrogations quant à la manière de faire face à des dépenses à la fois massives et inévitables. Il existe en effet trois façons de financer les dépenses du compte d'affectation spéciale :

- utiliser les recettes tirées des cessions d'actifs ;

- utiliser les crédits résultant du solde positif du compte accumulé dans les exercices budgétaires précédents ;

- recourir à un versement en provenance du budget général.

Cette dernière hypothèse étant exclue par la loi de finance initiale, il faudra donc à la fois puiser dans les fonds accumulés par le compte tout en procédant à un programme de cessions massif.

On peut estimer le solde cumulé de compte à la fin de 2016 à 3,5 milliards d'euros. 2,4 milliards proviennent du solde transféré à l'issue de l'exercice 2015. Le reste résulte du solde des opérations de cessions et d'acquisitions intervenues (ou restant à intervenir) en 2016. Ce solde tient compte notamment du produit de la cession des sociétés de gestion des aéroports de Nice et Lyon pour 1,7 milliards d'euros en novembre 2016. Il est vraisemblable que la totalité de ce solde de de 3,5 milliards d'euros devra être utilisé en 2017.

Pour faire face à l'estimation basse des dépenses prévisibles (7,5 milliards d'euros), l'agence des participations de l'État sera donc amenée à céder, au bas mot, pour 4 milliards d'euros de titres. C'est un montant sensiblement supérieur à celui observé lors des exercices antérieurs.

Or, votre rapporteur se demande si de telles cessions peuvent-elle se faire dans des conditions favorables sachant que nous sommes dans un contexte boursier très déprimé et que, par ailleurs, la majorité des titres cessibles de l'État sont précisément des titres du secteur de l'énergie en très fort recul depuis deux ans.

Autrement dit, il convient de se poser cette question : comment céder pour 4 milliards d'euros de titres, sinon davantage, en 2017 sans brader le portefeuille géré par l'APE ?

5. Un renoncement au moins temporaire à financer le désendettement à partir de la cession de titres

Le programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État » retrace les sommes affectées à la réduction du stock de dettes de l'État, principalement par des versements à la Caisse de la dette publique.

En 2014 et 2015, l'État a utilisé une partie des recettes tirées du compte pour réduire le stock des administrations publiques, respectivement à hauteur de 1,5 et 0,8 milliards d'euros.

Dépenses du CAS consacrées au désendettement (en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Prévisions de la loi de finances initiale

4

4

4

4

1,5

4

2

0

Exécution

0

0

0

0

1,5

0,8

-

-

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Les fortes tensions sur le compte d'affectation spéciale en 2017 obligent à renoncer à cette pratique en 2017. Ce choix, même s'il est dicté par la nécessité, doit être salué. Au cours des dernières années, votre rapporteur pour avis a en effet régulièrement critiqué cette façon de procéder. S'il est sans réserve en faveur d'une réduction de la dette publique, il estime en effet que cette manière de traiter le problème du désendettement constitue une absurdité sur le plan financier. Ce point a été développé lors des précédentes éditions de ce rapport pour avis. On ne s'y étendra donc pas ; il est clair cependant que si le rendement d'un euro d'actifs est supérieur à la charge d'un euro de dette -ce qui est le cas en l'occurrence, il vaut mieux conserver ses actifs pour profiter des revenus futurs qu'ils ne manqueront pas de générer et réduire le stock de dette en utilisant plutôt les revenus générés par son portefeuille.

Votre rapporteur pour avis espère que le choix de ne pas affecter le produit des cessions au désendettement, rendu nécessaire par les besoins de recapitalisation des entreprises du portefeuille, sera maintenu à l'avenir y compris lorsque les tensions financières sur le compte se seront atténuées .

II. UN PATRIMOINE FINANCIER EN FORT RECUL, QUI DEMEURE TROP PEU DIVERSIFIÉ

A. UNE PORTEFEUILLE DONT LA COMPOSITION RESTE STABLE

1. Un portefeuille dont le périmètre a peu changé

L'agence des participations de l'État gère désormais des participations dans 81 entités.

2014

2015

2016

Nombre d'entités dans le portefeuille de l'APE

74

77

81

Source : APE.

Le 29 août 2016, l'APE a acquis auprès de Bpifrance Participations l'intégralité des titres FSI Equation, soit 76 400 100 actions, pour un montant total de 245,643 M€. La société FSI Equation détient 6 810 317 actions de la société Eramet, soit 25,66% du capital de cette société. Cette opération constitue donc moins une acquisition par l'État, qu'une recomposition du portefeuille de l'État avec le transfert à l'APE d'une participation précédemment gérée par la BPI.

Le 13 juillet 2016 a acquis une action de Le Nickel SLN. Si le montant financier de l'opération est dérisoire (57,93 €), cette acquisition est néanmoins notable. Elle était en effet juridiquement nécessaire pour mener à bien ce qui était l'objectif premier de l'État : accorder un prêt de 200 M€ sur le période 2016 - juin 2018 à la Société Le Nickel SLN, afin d'assurer la continuité de l'exploitation de la société Le Nickel SLN, filiale contrôlée par Eramet, sur les deux prochaines années et ainsi lui permettre notamment de mettre en oeuvre un plan de redressement de sa compétitivité. Un premier versement d'un montant de 150 M€ a été réalisé le 28 juillet 2016. La mise en oeuvre d'un tel prêt via le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » supposait l'acquisition préalable par l'État d'une action de cette société.

Enfin, conformément à l'arrêté du 18 avril 201, l'APE a fait l'acquisition le 12 juillet 2016 d'une action Solinter Holding auprès de la Société pour le Logement Intermédiaire (SLI) pour un montant de 10 euros Cette structuration juridique, conforme à celle retenue dans l'appel d'offres lancé par l'État pour ce projet en janvier 2015, permet l'exercice par l'État de son droit de véto sur tout projet d'acquisition ou de cession d'un actif immobilier.

ENTITÉS RELEVANT DU PÉRIMÈTRE DE L'AGENCE DES PARTICIPATIONS DE L'ÉTAT

Source : APE.

2. Un portefeuille qui agrège des entités au statut très divers

Il s'agit en majorité de sociétés anonymes : on en compte 55, dont 13 sociétés cotées, certaines étant des « navires amiraux » de l'économie française, aussi bien dans le secteur de l'énergie (EDF, Engie, AREVA), de l'aéronautique et de la défense (Airbus, Safran, Thales), de l'automobile (Renault, PSA) que du transport aérien (Air France). Aux côtés des SA, on trouve aussi des sociétés d'économie mixte, des établissements publics à caractère industriel et commercial (RATP, SNCF réseau) et des établissements publics chargés de la gestion d'infrastructures portuaires. Figure aussi la BPI, dans laquelle l'État participe à hauteur de 10,8 milliards d'euros.

STATUTS JURIDIQUES DES ENTREPRISES DU PORTEFEUILLE DE L'APE

Source : APE.

B. UN PATRIMOINE DONT LA VALEUR ACCUSE UN RECUL DE PRÈS DE 20 %

Si la composition du portefeuille a peu changé, il n'en va pas de même de sa valeur financière. Au 30 juin 2016, cette valeur était estimée à 90 milliards d'euros, contre 110 milliards un an plus tôt. C'est un recul de 18 %.

Cette baisse ne résulte pas d'une intensification des cessions des titres détenus par l'État. Depuis le précédent rapport de votre rapporteur pour avis, l'APE a cédé des actions Safran pour un montant de 753 millions d'euros et a procédé à la vente des sociétés de gestion des aéroports de Lyon et Nice, pour 1,7 milliard. Dans le même temps, l'État a acquis des titres pour 2,5 milliards d'euros.

C'est en réalité la chute de la valeur boursière des titres du portefeuille qui explique le recul de 20 milliards observé depuis un an. Si le portefeuille coté « hors énergie » a plutôt bien résisté, avec un recul moindre que celui enregistré par le CAC 40 sur la même période, les titres du secteur de l'énergie se sont en revanche effondrés : -57 % en un an pour AREVA, -45 % pour EDF et « seulement » -12,8 % pour ENGIE. Ce recul traduit la situation du marché de l'énergie en Europe, avec une baisse généralisée des prix de marché dans un contexte de surproduction, mais aussi la situation spécifique d'AREVA et d'EDF que votre rapporteur a précédemment évoqué.

ÉVOLUTION DU PORTEFEUILLE COTÉ DE L'APE COMPARÉ AU CAC 40

Source : APE.

C. UNE CONCENTRATION DES RISQUES QUI DEMEURE EXCESSIVE

La forte concentration du portefeuille sur le secteur de l'énergie s'est traduite, sans surprise, par une exposition accrue à la volatilité des valeurs de ce secteur. Votre rapporteur pour avis rappelle qu'une très forte baisse des valeurs boursières de l'énergie s'était déjà produite entre 2010 et 2012. Elle fut suivie d'une très forte hausse entre 2012 et 2013, avec un doublement de l'action d'EDF. Depuis trois ans, nous sommes dans une nouvelle phase baissière, d'abord mesurée entre avril 2014 et avril 2015, puis très accentuée depuis.

La baisse des valeurs énergétiques a mécaniquement conduit à un rééquilibrage en valeur du portefeuille de l'État : le secteur énergétique ne représente « plus » désormais que la moitié du portefeuille géré par l'APE, contre 61 % un an avant.

COTATION DES ENTREPRISES DU PORTEFEUILLE DE L'APE

Source : APE.

Ce portefeuille demeure néanmoins structurellement peu diversifié. Sur les 81 entreprises entrant dans le périmètre de l'APE, les 13 entreprises cotées représentent les deux tiers du patrimoine financier de l'État. Il serait souhaitable de diversifier davantage les investissements et donc les risques.

Ceci étant, dans l'immédiat, l'essentiel des investissements prévus sont destinés au secteur de l'énergie, comme cela a été précédemment expliqué, et donc cette diversification souhaitable du portefeuille de l'État est condamnée à être remise à un avenir indéterminé.

III. UNE POLITIQUE EN LIGNE AVEC CE QU'ON PEUT ATTENDRE D'UN ACTIONNAIRE DE RÉFÉRENCE RESPONSABLE

A. UNE POLITIQUE DE DIVIDENDES QUI MET DAVANTAGE L'ACCENT SUR LE RENFORCEMENT DES FONDS PROPRES DES ENTREPRISES

Les dividendes perçus par l'État devraient atteindre en 2016 un montant de 3,6 milliards d'euros. Les 5 principaux contributeurs attendus sont EDF, ENGIE, Renault, Orange et Aéroports de paris. Ils représentent près de 85 % du montant total versé.

L'État actionnaire doit évidemment concilier l'objectif financier de retour sur investissement et son rôle d'accompagnement de long terme d'entreprises qui, par leur taille ou leur domaine d'activité, jouent un rôle stratégique pour l'économie et l'indépendance du pays. Or, dans le contexte actuel, la priorité doit être clairement donnée au renforcement des capacités financières des entreprises du portefeuille , dont certaines sont confrontées à des besoins financiers importants.

On peut signaler à cet égard que des dépréciations d'actifs massives ont été enregistrées cette année dans le portefeuille de l'APE : pour 12,5 milliards d'euros au sein du groupe SNCF ; pour 3,5 milliards à EDF et pour 8,7 milliards à Engie. Par ailleurs, outre la recapitalisation de la filière électro-nucléaire, l'ensemble des entreprises doivent faire face aux enjeux de la transformation numérique. Plusieurs sociétés (Orange, La Poste, EDF, ENGIE, Thales, Safran, PSA, Renault, La française des jeux...) se sont engagées dans un plan d'action global, portant à la fois sur l'innovation de nouveaux produits et services, l'adaptation de leur stratégie de distribution, l'investissement dans de nouveaux systèmes, et des actions d'information et d'adaptation de leurs salariés. Tout cela engendre des besoins en capitaux importants.

Cette situation a conduit l'État actionnaire à adapter ses prétentions en matière de dividendes.

Après avoir culminé à 5,5 milliards d'euros en 2008 et 2009, les dividendes versés à l'État se sont établis à un plateau de 4,4 milliards entre 2010 et 2013. Depuis lors, ils sont en recul : 4,1 milliards en 2014, 3,9 milliards en 2015 et 3,6 milliards en 2016. Il est peu probable qu'on assiste à une remontée dans les années prochaines.

DIVIDENDES PERÇUS PAR L'ÉTAT ACTIONNAIRE
(en Md€ par exercice budgétaire)

Exercice budgétaire

2008

(*)

2009

(*)

2010

(*)

2011

(*)

2012

(*)

2013

(*)

2014

(*)

2015

(*)

2016

Prèv

Dividendes en numéraire **

5,6

3,3

4,3

4,4

3,2

4,2

4,1

3

1,9

Dividendes en actions

-

2,2

0,1

-

1,4

0,2

-

0,9

1,7

Total

5,6

5,5

4,4

4,4

4,6

4,4

4,1

3,9

3,6

(*) Y compris acomptes sur dividendes.

(**) L'article 21 de la loi organique aux lois de finances prévoit que les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale (CAS PFE). Les dividendes versés en numéraire par les entreprises à participations publiques sont identifiés parmi les recettes non fiscales et directement imputés sur le budget général.

Source : APE.

Par ailleurs, l'État a fait le choix depuis la fin 2015 de percevoir le dividende EDF en titres plutôt qu'en numéraire. La reconduction de cette mesure pour les exercices 2016 et 2017, décidée le 22 avril 2016, participe au renforcement des fonds propres d'EDF nécessaire dans la perspective de la mise en oeuvre de la stratégie CAP2030.

B. UN ACTIONNAIRE QUI UTILISE LES MOYENS JURIDIQUES À SA DISPOSITION POUR PESER SUR LES CHOIX STRATÉGIQUES

1. Des outils juridiques rénovés

L'ordonnance 2014-948 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique a rénové le cadre juridique de l'État actionnaire, pour renforcer sa capacité d'influence et la rendre au moins égale à celle d'un actionnaire privé. Cette ordonnance prend en compte l'évolution, depuis 30 ans, des bonnes pratiques de gouvernance en rapprochant celles des entreprises à participation publique du droit commun des sociétés. Elle préserve aussi certaines spécificités des entreprises à participation publique, notamment pour garantir une plus grande représentation des salariés dans les organes de gouvernance, ou pour assurer la protection des intérêts stratégiques de l'État, comme dans le domaine de la défense nationale.

L'ordonnance comprend deux volets : un volet relatif aux règles de gouvernance des sociétés à participation publique et un volet relatif aux opérations sur capital.

Le premier volet relatif à la gouvernance met fin au paradoxe qui conduisait l'État à disposer d'une moindre influence en tant qu'actionnaire dans les sociétés à participation publique qu'un actionnaire privé. Plusieurs modifications ont été introduites en ce sens, en particulier :

- la fin des règles spéciales concernant la taille des conseils et la durée des mandats dont la rigidité a pu nuire au rôle du conseil, qui est un organe de décision ;

- la simplification de la représentation de l'État au sein des sociétés publiques en la rapprochant de la règle de droit commun, à savoir la nomination en assemblée générale et la désignation d'un représentant unique des personnes morales nommées administrateurs ;

- la clarification du rôle des administrateurs désignés ou proposés par l'État, en distinguant le rôle de l'État actionnaire de ses autres fonctions, telles que l'État client ou régulateur ;

Le second volet de l'ordonnance, relatif aux opérations sur le capital, réécrit une législation marquée par une très grande complexité. Il instaure un cadre juridique clair et protecteur pour les intérêts patrimoniaux de l'État et lui donne la capacité d'agir en actionnaire dynamique. Il crée un cadre pour les opérations d'acquisition de participation et organise un contrôle des opérations de cession lorsqu'elles ont une portée significative y compris lorsqu'elles n'emportent pas de privatisation de la société concernée. Concernant les opérations réalisées par les sociétés à participation publique, l'ordonnance supprime un certain nombre de déclarations et approbations administratives devenues inutiles, qui compliquaient une gestion active de leurs participations en étant sources de coûts et de pertes de temps.

L'ordonnance a été ratifiée par la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

2. L'utilisation des droits de vote doubles

La loi 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle peut également être mentionnée. Elle permet la mise en place des droits de vote double dans les entreprises où l'État figure au capital. La loi prévoit que sauf décision contraire des assemblées générales, les actionnaires qui conservent leurs titres pendant au moins deux ans sont récompensés par l'octroi de droits de vote doubles : au bout de deux ans, chaque action qu'ils détiennent leur donne deux voix lors des Assemblées générales. Cette disposition s'applique à tout actionnaire de société cotée sur un marché réglementé qui détient ses actions depuis plus de deux ans dans un compte nominatif, sauf clause contraire des statuts adoptée postérieurement à la promulgation de la loi, soit le 1er avril 2014. Le droit de vote double ne peut donc être écarté que par une décision de l'assemblée générale extraordinaire prise à la majorité des deux tiers des voix. Auparavant, un tiers des voix plus une suffisait pour faire obstacle à l'adoption de la clause instaurant un tel droit.

En confortant les actionnaires qui conservent leurs titres pendant au moins deux ans par l'octroi de droits de vote doubles, la loi visait à inciter les investisseurs à conserver leurs actions, et donc à mieux concourir au développement de l'entreprise. L'application des droits de vote doubles permettra de renforcer les actionnaires de long terme, y compris les actionnaires salariés.

L'État s'est montré vigilant lors des votes de résolution en assemblées générales en 2015 sur ce sujet.

Trois sociétés avaient déjà un tel dispositif dans leurs statuts et le conservent, aucune résolution visant à les modifier n'ayant été proposée lors des dernières AG (Safran, Thales et PSA).

Cinq sociétés n'avaient pas un tel dispositif statutaire et les dispositions de la loi sur l'économie réelle se sont appliquées par défaut, en l'absence également de résolution visant à imposer statutairement le régime « une action, une voix ». Il s'agit d'EDF, ADP, CNP Assurances, Orange et Areva.

Chez Renault, l'État a porté sa participation à 19,74 % (équivalent à 23,22 % des droits de vote) par l'achat de 4,73 % supplémentaires du capital, pour s'assurer que l'assemblée générale des actionnaires du 30 avril 2015 adopte ce dispositif.

Dans la même logique, l'État a porté le 8 mai 2015 sa participation au capital d'Air France-KLM de 15,88 % à 17,58 % afin de soutenir l'adoption des droits de vote doubles par l'entreprise.

Enfin, dans le cas d'Engie, l'État, qui bénéficie du tiers des droits de vote théoriques, a empêché l'adoption d'une résolution visant à imposer statutairement le régime « une action, une voix ». Le droit de vote double ne peut donc être écarté que par une décision de l'assemblée générale extraordinaire prise à la majorité des deux tiers des voix.

3. La passation d'alliances stratégiques

Dans le secteur automobile, l'État a pris une participation au capital de PSA Peugeot Citroën (14,1 %), participation acquise au terme de son entrée au capital, le 25 avril 2014. L'État est aujourd'hui l'un des actionnaires-clés de PSA Peugeot Citroën, à égalité avec les sociétés du groupe familial Peugeot et le constructeur chinois Dongfeng. Cette opération a permis à un groupe industriel essentiel pour notre économie de traverser la période de grandes difficultés du début de la décennie et lui a donné les marges de manoeuvre financières pour réaliser la mise en oeuvre de son plan de développement.

Le 15 décembre 2015, l'État a également annoncé la finalisation du rapprochement du groupe d'armement français Nexter Systems avec son homologue allemande KMW pour former le leader européen de l'armement terrestre. Cette alliance représente un effectif de 6000 salariés, un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros et un carnet de commandes de 9 milliards d'euros. Le nouveau groupe, codirigé par Stéphane Mayer et Frank Haun, est détenu à parité par l'État français et par la famille allemande Bode-Wegmann. Après le succès d'Airbus dans l'aérospatial, cette nouvelle opération vient renforcer l'Europe de la défense dans le domaine industriel. Ce rapprochement franco-allemand répond à l'objectif de consolidation européenne tel que le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (2013) l'a défini.

L'APE a accompagné la cession de la participation détenue par le CNES dans Arianespace en 2016 et la mise en place effective de la joint-venture Airbus Safran Launchers qui a pris le contrôle d'Arianespace. La nouvelle société devient ainsi responsable du développement, de la production et de la commercialisation des lanceurs, ce qui permettra d'optimiser la filière industrielle et d'assurer la compétitivité du futur lanceur Ariane 6, tout en garantissant la préservation des intérêts stratégiques de l'État, notamment liés à la dissuasion nucléaire.

Enfin, cela a déjà été développé, l'État s'est engagé dans la refondation de la filière nucléaire française essentielle à l'indépendance énergétique du pays, à la réussite de la transition énergétique et à la valorisation des savoir-faire technologiques et industriels français à l'international:

4. Vers une gestion plus dynamique

Ces dernières années, votre rapporteur pour avis avait indiqué qu'il est souhaitable de faire davantage appel à des administrateurs issus du monde de l'entreprise aux côtés des administrateurs issus de la haute fonction publique. C'est d'ailleurs une possibilité permise par l'ordonnance 2014-948 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique : ce texte a donné en effet la possibilité à l'État de proposer des administrateurs issus d'un vivier élargi, afin de pouvoir bénéficier de leur expérience.

Votre rapporteur pour avis note avec satisfaction que cette diversification du profil des administrateurs nommés par l'État semble désormais en marche. Sur les 92 administrateurs nommés au cours de l'année écoulée, la moitié n'était pas des agents publics. Il faut désormais que ce mouvement se poursuive à l'avenir. Cela contribuera à dynamiser la gestion du portefeuille.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 8 novembre 2016 :

- Agence des participa tions de l'État (APE) : M. Martin Vial , directeur, et Mme Lucie Muniesa , directrice générale adjointe.

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