Avis n° 145 (2016-2017) de M. Pierre MÉDEVIELLE , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 24 novembre 2016

Disponible au format PDF (814 Koctets)


N° 145

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

PRÉVENTION DES RISQUES

Par M. Pierre MÉDEVIELLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; MM. Alain Fouché, Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Mme Gélita Hoarau, M. Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-François Rapin, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent avis porte sur les crédits de deux programmes au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » :

- le programme 181 « Prévention des risques » ;

- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » .

Les crédits du programme 170 « Météorologie », jusqu'alors retracés dans le présent avis, ont été transférés dans le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » dans la nouvelle maquette budgétaire du projet de loi de finances pour 2017 et le programme 170 a donc été supprimé.

Ces deux programmes représentent environ 2,5 milliards d'euros , soit 26% du total des crédits de la mission .

À l'échelle de la mission, les crédits pour 2017 augmentent de plus de 5% par rapport à l'année dernière, mais cette hausse substantielle ne s'explique pas par un renforcement des moyens mis au service des politiques portées par le ministère de l'écologie : la budgétisation en année pleine des dépenses du programme 345 « Service public de l'énergie », qui regroupe les dépenses relatives à la péréquation tarifaire pour les zones non-interconnectées, les tarifs sociaux du gaz et de l'électricité, le soutien à la cogénération et le budget du Médiateur de l'énergie. Ainsi, si l'on raisonne à périmètre constant sur la mission par rapport à l'année dernière, l'augmentation n'est que de 0,9%.

À l'échelle du programme 181, votre rapporteur pour avis retrouve la même situation et regrette l'absence de dynamique insufflée à la politique de prévention des risques . En effet, la satisfaction du quasi-achèvement de l'élaboration et de l'adoption des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) est minorée, cette année encore, par la faiblesse des moyens dédiés à la sûreté nucléaire , et notamment à l'opérateur responsable, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) , qui, malgré une augmentation de sa masse salariale, ne pourra vraisemblablement pas faire face aux échéances capitales qui l'attendent et dont les enjeux devraient être ultra-prioritaires.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète également des moyens humains de l' Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) , dont les missions ne cessent de s'étendre notamment dans le domaine du contrôle des produits réglementés, comme récemment avec la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

*

* *

Lors de sa réunion du 9 novembre 2016, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181 « Prévention des risques » et 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2017.

I. LE PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES »

A. PÉRIMÈTRE ET CRÉDITS POUR 2017

1. Des crédits dédiés à la gestion d'enjeux majeurs
a) Le programme 181 répond à des exigences de sécurité et de santé publiques et de protection de l'environnement

Le programme 181 rassemble les crédits liés à la prévention des risques naturels, technologiques ou des risques pour la santé d'origine environnementale. Ces crédits, qui s'élèvent à 229,62 millions d'euros pour 2017 , ne représentent qu'un très faible pourcentage de la mission Écologie (2,4% seulement).

Ces crédits doivent permettre à l'État, non seulement de gérer, mais aussi de connaître, d'évaluer, de prévoir et de prévenir :

- les risques industriels et les pollutions chimiques, biologiques, sonores, électromagnétiques, lumineuses, radioactives ;

- les risques naturels, c'est-à-dire principalement en France les inondations et la sécurité des ouvrages hydrauliques ;

- les sols pollués ;

- les déchets (sous l'angle prévention, valorisation et traitement) ;

- les risques que présentent les organismes génétiquement modifiés (OGM) pour la santé et l'environnement.

Les crédits de cette enveloppe budgétaire sont donc fondamentaux à plus d'un titre : ils constituent un impératif de sécurité publique, de santé publique et de protection de l'environnement .

b) Quatre actions portées par un fil directeur : gérer des risques de plus en plus complexes, avérés ou potentiels, et protéger les populations et l'environnement

Le programme 181 est décliné en quatre actions .

L'action n°1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » est l'action la plus dotée financièrement du programme. Avec 104,68 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 89,45 millions en crédits de paiement (CP) , cette action représente 43,6% des crédits du programme . Les objectifs sont de :

- prévenir les risques et pollutions générés par les installations industrielles et agricoles (principalement à travers la législation ICPE) et traiter les sites pollués à responsable défaillant ;

- élaborer les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) afin de maîtriser l'urbanisation autour des installations sensibles ;

- maîtriser les effets des produits chimiques et des déchets sur l'environnement et la santé ;

- anticiper les « risques émergents » (OGM, champs électromagnétiques, nanotechnologies).

Pour réaliser ces objectifs, ces crédits servent à décliner les plans nationaux suivants :

- le programme de mise en oeuvre des PPRT du 31 mars 2016 : le coût des PPRT est évalué à 6 millions d'euros en AE et 4,6 millions en CP pour 2017 ; 394 PPRT sont prescrits et 348 sont approuvés au 1 er août 2016 (le coût moyen d'élaboration d'un PPRT est estimé à 70 000 euros) ;

- le programme stratégique 2014-2017 des installations classées 1 ( * ) ;

- le plan de modernisation et de maîtrise du vieillissement des installations industrielles ;

- le plan de prévention des endommagements de réseaux ;

- les feuilles de route des conférences environnementales ,

- le troisième plan national Santé-Environnement 2015-2019 (un budget global d'environ 2,1 millions d'euros pour cette thématique au sein du programme comprenant le fonctionnement du Haut Conseil des biotechnologies et ses études, des crédits transférés aux régions pour les PRSE3 2 ( * ) , des crédits pour le plan national d'actions sur la qualité de l'air intérieur ) ;

- la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ;

- le plan déchets 2014-2020 (qui inclura le plan national de prévention des déchets).

Votre rapporteur pour avis se réjouit de la signature, le 27 octobre 2016, d'un des plus importants PPRT de France, celui de la zone industrielle et portuaire du Havre, qui concerne 16 sites industriels classés « Seveso seuil haut » et plus de 300 habitations.

FONCTIONNEMENT DE L'INSPECTION DES INSTALLATIONS CLASSÉES

Les décisions s'appliquant aux installations classées sont dans la très grande majorité des décisions individuelles prises sous l'autorité du Ministère en charge de l'environnement, par le Préfet de département, assisté des services de l'inspection des installations classées .

L'inspection des installations classées est chargée de l'instruction des demandes d'autorisation et d'enregistrement de nouvelles installations ou pour les installations existantes de demande d'extension et de modification . Les inspecteurs proposent au Préfet un projet d'arrêté en fonction des divers avis exprimés lors de la consultation du public (enquête publique pour le régime d'autorisation) et des consultations locales, des réglementations nationales et des conditions particulières de l'environnement local. Les inspecteurs sont ensuite chargés de surveiller ces installations et de contrôler le respect des prescriptions techniques imposées aux exploitants. Ils interviennent également en cas de plainte, d'accident ou d'incident et proposent au Préfet toutes les mesures nécessaires en cas d'infraction.

L'organisation et le pilotage de l'inspection des installations classées sont assurés par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du Ministère en charge de l'environnement .

À la suite de la catastrophe d'AZF, il avait été décidé de créer dix pôles spécialisés dans les risques accidentels au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), pouvant assurer des missions inter-régionales voire nationales et travaillant en réseau sous l'égide de la DGPR. Un rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable réalisé en 2015 confirmait l'intérêt technique du dispositif mais recommandait des évolutions du fait de la création des nouvelles régions. Un nouveau dispositif est ainsi en place depuis 2016 au sein des DREAL : des référents techniques spécialisés sur une thématique ont été désignés par la DGPR et assurent des missions nationales.

Le budget global de l'animation et du suivi de l'inspection des installations relevant du programme 181 devrait s'élever à environ 5 millions d'euros en 2016. Les crédits prévus pour 2017 sont en baisse avec 4,1 millions d'euros.

Source : Réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire transmis par le rapporteur

Concernant la mise en oeuvre des réglementations sur les produits chimiques et l'impact des produits et déchets, le budget global alloué représente 1,05 million d'euros (AE=CP) avec 600 000 euros consacrés à l'évaluation des produits et substances chimiques et 450 000 euros pour la prévention et le recyclage des déchets.

En 2017, 1 958 ETPT seront consacrés à cette action n°1, portés par « l'action miroir » n°16 du programme 217.

L'action n°9 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection », représente 24,1% des crédits du programme avec 57,8 millions d'euros en AE et 62,8 millions d'euros en CP . Depuis la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le contrôle de la sûreté nucléaire est sous la responsabilité de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) .

Les missions de l'ASN s'exercent dans le cadre de la mise en oeuvre de l'action n° 9 du programme 181 : le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L'objectif de cette action est de garantir que les responsables d'activités civiles nucléaires ou à risques radiologiques assurent un haut niveau de protection des personnes et de l'environnement.

L'action n°10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques » vise à assurer la sécurité des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles. Ses crédits représentent 16,6% du programme avec environ 40 millions d'euros .

Cette action s'appuie sur :

- la règlementation par les plans de prévention des risques naturels (PPRN) ;

- les programmes d'action et de prévention des inondations (PAPI),

- les plans grands fleuves ;

- le plan de submersion rapide (PSR), qui a prévu sur six ans le confortement de 1 200 km de digues ;

- le plan séismes Antilles 3 ( * ) ;

- la prévision des crues et l'hydrométrie ;

- le renforcement du contrôle de la sécurité des barrages et grands ouvrages hydrauliques ;

- le développement de la culture du risque ;

- le plan national cavités : arrivé à son terme, ce plan (2013-2015) a permis de mettre en oeuvre un certain nombre d'actions et sa dynamique se poursuit avec la réalisation d'inventaires départementaux élaborés avec l'appui des opérateurs scientifiques comme l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'Institut français des sciences et technologies des transports (IFSTTAR) ou encore le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ;

- les suites immédiates des sinistres causés par des phénomènes naturels.

Pour 2017, 1 255 ETPT seront consacrés à cette action. Ces effectifs sont portés par l'action miroir n°16 du programme 217.

Enfin, l'action n°11 « Gestion de l'après-mines et travaux de mise en sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites » représente 15,8% des crédits du programme, soit environ 38 millions d'euros .

Via cette action, il s'agit pour l'État d'identifier, de cartographier les sites à risques, les porter à la connaissance des communes concernées, mettre en oeuvre les plans de prévention des risques miniers , gérer la procédure de travaux de mise en sécurité des sites miniers (notamment sur les concessions dites « orphelines » où l'exploitant a disparu sans réaliser les mesures de sécurisation de l'ouvrage), indemniser en cas de survenance d'un sinistre.

35 ETPT seront consacrés à cette action en 2017, effectifs là aussi portés par l'action n°16 du programme 217.

Le programme 181 comprend les subventions pour charges de service public de six opérateurs , pour lesquelles autorisations d'engagement et crédits de paiement sont identiques :

- l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) : environ 28 millions d'euros ;

- le GIP GEODERIS (groupement d'intérêt public INERIS/BRGM) : 6,4 millions d'euros ;

- l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) : 7 millions d'euros ;

- le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) : environ 25 millions d'euros ;

- l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) : environ 1,8 million d'euros ;

- l'Office national des forêts (ONF) : environ 3,3 millions d'euros.

2. En 2017, des crédits en baisse en AE et en hausse en CP

Les crédits du programme 181 sont en baisse de 40 millions d'euros environ en autorisations d'engagement , soit une diminution de 15% par rapport à la loi de finances pour 2016, mais ils augmentent de plus de 8 millions d'euros en crédits de paiement (+3,8%).

CRÉDITS DU PROGRAMME 181

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2016

(crédits votés)

PLF 2017

(crédits demandés)

Variation (%)

LFI 2016

(crédits votés)

PLF 2017

(crédits demandés)

Variation (%)

Action 1 Prévention des risques technologiques et des pollutions

150,34

104,68

-30,37%

83,94

89,45

+6,6%

Action 9 Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

54,86

57,8

+5,36%

59,88

62,8

+4,9%

Action 10 Prévention des risques naturels et hydrauliques

38,67

39,82

-2%

38,67

39,47

+2%

Action 11

Gestion de l'après-mines et travaux de mise en sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites

38,7

37,9

-2%

38,7

37,9

-2%

Total

282,57

240,2

-15%

221,18

229,62

+3,8%

(en millions d'euros) - Source : PAP - PLF 2017

Cette évolution est liée essentiellement au réajustement des dotations consacrées aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT) qui prend en compte le recalage des besoins.

B. LA PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

Au sein des 40 millions d'euros de crédits affectés par le programme 181 à la prévention des risques naturels pour 2017, l'accent est mis, cette année encore, sur l'achèvement de l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN) . Au 1 er août 2016, d'après les informations transmises par le gouvernement à votre rapporteur pour avis, 11 012 communes sont couvertes par un PPRN approuvé et 2 378 communes ont un PPRN prescrit en cours d'élaboration sur leur territoire.

En août 2016, 78% des communes de plus de 10 000 habitants exposées à un risque naturel sont couvertes par un PPRN approuvé.

L'objectif à terme vise à ce que 12 500 communes soient couvertes par un PPRN approuvé.

RÉPARTITION DES PPRN PAR TYPE D'ALÉA

Source : réponses au questionnaire budgétaire

En ce qui concerne le plan de submersion rapide (PSR) et les programmes d'action et de prévention des inondations (PAPI), mi-2016, 134 PAPI et opérations de confortement des digues du PSR sont labellisés par la commission mixte inondation pour un montant global de 1 758 millions d'euros contractualisés et une participation de l'État de 707 millions d'euros issus en quasi-totalité du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) 4 ( * ) .

Un projet de nouveau cahier des charges (PAPI III) sera proposé après une large consultation pour entrer progressivement en vigueur à l'horizon 2017. Ce projet intègre les retours d'expérience et vise à simplifier le processus de labellisation. Concrètement, la labellisation PSR sera supprimée en tant que telle pour être intégrée dans le nouveau cahier des charges PAPI.

C. LES MOYENS DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION

1. L'alerte lancée par l'Autorité de sûreté nucléaire

Votre rapporteur pour avis a souhaité, cette année encore, tirer la sonnette d'alarme sur la question du financement de la sûreté nucléaire en France . Il pointait d'ailleurs déjà dans son rapport de 2014 le manque de moyens de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour mener à bien ses missions et avait préconisé une rénovation radicale du financement du contrôle de la sûreté nucléaire via la création d'une taxe affectée due par les exploitants d'installations nucléaires .

L'AFFECTATION D'UNE RESSOURCE FISCALE PÉRENNE DÉDIÉE AU CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE

(extrait du rapport pour avis de Pierre Médevielle
sur le projet de loi de finances pour 2015)

« Votre rapporteur pour avis insiste sur le fait que quels que soient les choix politiques opérés, s'agissant de la fermeture de certaines centrales ou la prolongation de la durée de vie de centrales existantes, l'activité de l'ASN va connaître un accroissement significatif dans les années à venir. L'enjeu consiste donc aujourd'hui à permette à l'Autorité de sûreté nucléaire d'y répondre, dans des délais acceptables pour les opérateurs, tout en maintenant une exigence maximale en termes de sûreté des populations. À ce titre, votre rapporteur juge impératif d'examiner dans les meilleurs délais une réforme du mode de financement de la sûreté nucléaire en France. »

(...)

« Votre rapporteur pour avis estime que le contexte actuel, marqué par une hausse significative des missions confiées à l'ASN, appelle une rénovation du financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le relèvement du financement de l'ASN bénéficierait aux entreprises exploitant les installations nucléaires, dans la mesure où le renforcement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection leur éviterait de subir les surcoûts liés à l'engorgement actuel de l'Autorité de sûreté nucléaire. A titre d'exemple, les dirigeants de l'ASN, entendus en audition par votre rapporteur, ont indiqué que l'arrêt d'un réacteur nucléaire, lors d'un contrôle de l'ASN, représentait un coût d'environ un million d'euros par jour pour EDF.

Votre rapporteur souscrit donc pleinement à la proposition mentionnée par l'ASN dans son avis en date du 17 octobre 2014, à savoir le maintien d'une dotation budgétaire, complétée par une taxe affectée acquittée par les exploitants d'installations nucléaires.

Ainsi que le relève le rapport d'information de Michel Berson publié le 18 juin dernier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, les budgets de nombreuses autorités en Europe sont abondés, partiellement ou en totalité, par des taxes ou des redevances supportées par les exploitants. Les autorités belge (Agence fédérale de contrôle nucléaire) et espagnole (Conseil de sécurité nucléaire) sont financées en totalité par des taxes. L' Office for nuclear regulation britannique tire quant à elle à 98 % ses ressources de taxes acquittées par les opérateurs.

Le financement de la sûreté nucléaire par une taxe sur les exploitants ne fait donc pas exception en Europe. Pour autant, le maintien d'une dotation budgétaire est de nature à garantir une plus grande indépendance de l'Autorité, ou tout au moins à éviter que celle-ci ne soit mise en cause.

Concernant la forme de la nouvelle taxe affectée à l'ASN, le rapport de Michel Berson propose la création d'une contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN), qui serait conçue sur le modèle de la contribution additionnelle actuellement due par les exploitations des installations nucléaires de base au profit de l'IRSN. Le montant de la contribution serait déterminé pour chaque catégorie d'installation par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire. Toutefois, à la différence de la contribution dont bénéficie l'IRSN, les coefficients appliqués dans le cadre de la CSTN seraient fixés par le Parlement, et non par arrêté ministériel. De cette manière, le Parlement aurait une réelle marge de manoeuvre dans le pilotage des ressources dédiées à la sûreté nucléaire et à la radioprotection. Pour éviter une augmentation non contrôlée de la dépense publique, le produit de la contribution affectée à l'ASN pourrait être plafonné et l'excédent reversé au budget général de l'État.

Cette piste de réforme du financement de l'ASN permettrait, dans un contexte budgétaire très contraint, de doter l'Autorité de moyens supplémentaires pérennes et de répondre aux grands enjeux de la sûreté nucléaire de demain »

Votre rapporteur pour avis constate que le signal d'alarme lancé sur ce sujet devient lancinant. En effet, l'ASN maintient cette année encore son inquiétude face à un avenir jugé préoccupant à court et à moyen termes.

Dans son rapport annuel publié le 25 mai 2016 5 ( * ) , l'ASN s'inscrit dans le droit fil de ses constats des années précédentes : la situation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection est globalement satisfaisante mais ce jugement est fortement nuancé par un « contexte préoccupant, porteur d'inquiétude pour l'avenir » .

2. « Un contexte préoccupant et porteur d'inquiétude pour l'avenir »

Ce jugement pessimiste porté par l'ASN repose sur trois constats : une croissance des enjeux de sûreté et de radioprotection nucléaire pour la période 2015-2010 ; des difficultés financières ou économiques chez les principaux industriels concernés ; des moyens sous-dimensionnés.

a) Des enjeux de sûreté et de radioprotection nucléaire qui ne cessent de croître

Si la situation est à ce jour globalement satisfaisante, notamment dans la sûreté des installations nucléaires qui est aujourd'hui à un « bon niveau », les enjeux de court et de moyen terme, font craindre des difficultés très prochaines.

La prolongation ou non du fonctionnement au-delà de quarante ans des réacteurs nucléaires d'EDF, qu'on appelle le « grand carénage » , constitue le premier enjeu de taille . Le processus d'instructions techniques sera très lourd sur l'ensemble des tranches de 900 MW, avec notamment l'obligation d'une enquête publique pour le passage au-delà de 40 ans d'un réacteur depuis la loi de transition énergétique. L'avis générique de l'ASN interviendra au plus tôt fin 2018 après analyse des études restant à mener par EDF.

Deuxième enjeu , les autres grandes installations nucléaires , les sites dédiés au combustible ou les réacteurs de recherche du CEA vont devoir faire l'objet d'un réexamen périodique , ce qui va représenter une cinquantaine de dossiers à engager d'ici la fin 2017.

Les améliorations des installations imposées à la suite de l'accident de Fukushima doivent continuer à être mises en place, notamment pour les équipements fixes du « noyau dur ».

Enfin, les projets ou chantiers de nouvelles installations (ITER, réacteur de recherche Jules Horowitz et réacteur EPR) prennent du retard. C'est le quatrième enjeu . Votre rapporteur pour avis souhaite particulièrement citer le cas de l'anomalie de la cuve de l'EPR de Flamanville : cette anomalie a été détectée tardivement à la suite des demandes de l'ASN et non pas à l'initiative des industriels concernés, ce qui implique une vérification plus générale des fabrications.

Ce contexte aboutit à un rapide « décalage » entre les moyens alloués à l'ASN et le nombre de dossiers à traiter.

b) Des difficultés économiques et financières chez les industriels du secteur nucléaire

Les principaux industriels, Areva, EDF et le CEA , responsables en premier lieu de la sûreté de leurs installations, connaissent actuellement des difficultés économiques et/ou financières et des réorganisations profondes sont en cours.

En outre, plusieurs réacteurs ont été mis à l'arrêt afin d'effectuer un certain nombre de contrôles. Ainsi, 18 réacteurs ont été mis sous surveillance par l'Autorité de sûreté nucléaire : six ont pu redémarrer après inspection, sept sont en cours d'inspection. Mais l'ASN a demandé le 18 octobre dernier à EDF de fermer « sous trois mois » cinq réacteurs supplémentaires afin de contrôler la résistance des fonds des générateurs de vapeur. On aboutit ainsi à 12 tranches à l'arrêt, ce qui a un coût financier important.

c) Des moyens sous-dimensionnés pour des missions étendues

Les missions de l'ASN se répartissent ainsi entre le contrôle (50 %), les autorisations (25 %), la réglementation (10 %), l'information des publics (10 %) et la gestion des situations d'urgence (5 %).

D'après les chiffres présentés dans son rapport annuel, l'ASN a, en 2015, mené 1 882 inspections et instruit près de 8 000 déclarations ou autorisations dans le nucléaire de proximité au titre du code de la santé publique. 1 682 incidents lui ont été déclarés par les professionnels de santé, les exploitants et les industriels. 61 décisions et 25 avis ont été rendus.

En outre, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a élargi les missions de l'ASN au contrôle de la sécurité des sources, disposition qui entrera en vigueur au plus tard le 1 er juillet 2017.

Les moyens budgétaires de l'ASN, qui proviennent principalement des crédits du programme 181, ont été relativement stables depuis 2012 et les moyens humains ont été augmentés de manière constante sur la période.

EVOLUTION DES MOYENS BUDGÉTAIRES ET HUMAINS DE L'ASN FINANCÉS PAR LE PROGRAMME 181

Source : Réponses au questionnaire budgétaire - PLF 2017

Pour 2017, les moyens budgétaires augmentent donc d'environ 5% et les moyens humains de 30 ETPT.

Entendu à l'Assemblée nationale en mars 2016, et à nouveau devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST), dont votre rapporteur pour avis fait partie, le 25 mai 2016, le président de l'ASN, Pierre-Franck Chevet, a alerté les députés sur la faiblesse des moyens assurés à l'agence, malgré la création d'une trentaine de postes supplémentaires , face à des enjeux de sûreté sans précédent. En effet, alors qu'EDF va investir 50 à 100 milliards d'euros dans son parc de réacteurs dans les dix à quinze années à venir, il est impératif que l'ASN dispose de moyens suffisants pour contrôler ces chantiers. Selon M. Chevet, 200 personnes supplémentaires seraient nécessaires, soit environ 50 millions d'euros.

Un rapport de mission sur le financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection 6 ( * ) a été remis en décembre 2015 et a considéré que les demandes de renforcement des moyens de l'ASN et de l'IRSN paraissaient excessives. Selon ce rapport, « la méthodologie utilisée par la mission pour expertiser ces besoins fait apparaître que les besoins réellement justifiés de l'ASN et de l'IRSN peuvent être évalués à entre 14 et 25 ETP pour l'ASN et à 31 pour l'IRSN » .

Votre rapporteur pour avis souligne qu'une telle évaluation ne tient pas compte du contexte actuel et devrait être actualisée en 2017.

3. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : des missions qui s'étendent, un financement à rénover

Votre rapporteur pour avis a également rencontré le nouveau directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'expert public de référence en matière de recherche et d'expertise sur les risques nucléaires et radiologiques .

Son périmètre d'action recouvre l'ensemble des risques liés aux rayonnements ionisants utilisés dans l'industrie ou la médecine, mais aussi les rayonnements naturels.

Ses missions d'expertise et de recherche s'articulent donc autour des axes suivants :

- surveillance radiologique de l'environnement et intervention en situation d'urgence radiologique ;

- radioprotection de l'homme ;

- prévention des accidents majeurs dans les installations nucléaires ;

- sûreté des réacteurs ;

- sûreté des usines, des laboratoires, des transports et des déchets ;

- expertise nucléaire de défense.

Sa mission d'expertise publique est principalement à destination de l'Autorité de sûreté nucléaire (543 avis et rapports techniques en 2015), mais aussi de l'Autorité de sûreté nucléaire de défense (70 avis en 2015) et l'Autorité de sécurité nucléaire (194 avis techniques en 2015). Le champ de cette expertise n'est pas seulement concentré sur le risque nucléaire, mais aussi sur la radioactivité , comme le montre le récent avis du 4 mai 2016 de l'Institut sur les émissions de poussières issues du site de stockage de boues rouges de Mange-Garri.

Sa mission de recherche consiste à appuyer son expertise et nécessite des moyens importants. ?Le 12 octobre 2016, l'IRSN a ainsi inauguré sur le site de Cadarache la nouvelle plateforme ODE (Observatoire de la durabilité des enceintes), destinée à des recherches sur le vieillissement du béton des enceintes de réacteurs nucléaires et des installations de stockage des déchets.

Le budget de l'IRSN est globalement stable sur les huit dernières années , mais avec un transfert de moyens de la recherche (40%) vers l'expertise. Il s'élève à environ 279 millions d'euros de recettes , dont 60% proviennent du budget de l'État (crédits du programme 190), et le reste de prestations d'expertise pour l'étranger, de cofinancement de programmes de recherche, de prestations dans le domaine de la dosimétrie, et, à hauteur de 62,5 millions d'euros, de la contribution payée par les exploitants . Cette contribution, mise en place en 2010 et augmentée trois fois depuis, a en effet été plafonnée à ce montant par la loi de finances de l'année dernière.

Au vu des enjeux de court et moyen termes en matière de sûreté nucléaire (post-Fukushima, démantèlement des centrales, installations nouvelles, anomalies détectées) mais aussi en matière d'évolution des techniques dans le domaine médical , ou encore de l'importance accrue des enjeux en matière de sécurité - avec la nouvelle mission de surveillance des sources radioactives confiée par la loi relative à la transition énergétique à l'IRSN - votre rapporteur pour avis souscrit à la proposition de l'Institut de rénover la contribution payée par les exploitants , en élargissant son assiette.

Le mécanisme pourrait être ainsi refondu afin de tenir compte du nouveau périmètre d'activité couvert par l'IRSN (expertise et études associées, gestion de crise, sécurité nucléaire, surveillance de l'environnement), dont le coût réel s'élève à 92 millions d'euros . Une telle évolution permettrait d'appliquer de manière plus juste et précise le principe pollueur payeur et de garantir un financement pérenne pour l'Institut.

4. Le contrôle de la sûreté nucléaire doit être renforcé

Votre rapporteur pour avis se réjouit des apports positifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 qui ont renforcé les moyens d'action de l'ASN dans le domaine de la sûreté nucléaire, amélioré l'information des citoyens et clarifié les missions de l'IRSN. Elle a concrètement :

- renforcé les commissions locales d'information (CLI) ;

- soumis à une enquête publique les dispositions proposées par l'exploitant lors des réexamens périodiques des réacteurs effectués après 35 années de fonctionnement ;

- fait évoluer, au profit d'un système plus gradué, le régime d'autorisation des installations nucléaires de base ;

- introduit la possibilité d'encadrer ou de limiter le recours à des prestataires ou à la sous-traitance pour l'exploitation des installations nucléaires de base et interdit la délégation par l'exploitant de la surveillance d'intervenants extérieurs réalisant une activité importante ;

- rénové la procédure de démantèlement des installations nucléaires de base ;

- clarifié les missions respectives de l'ASN et de l'IRSN en indiquant que l'ASN « oriente la programmation stratégique de l'IRSN ».

Votre rapporteur considère que ces dispositions vont dans le sens d'un meilleur contrôle de la sûreté nucléaire en France mais qu'un renforcement et une sécurisation des moyens dédiés à cette politique sont indispensables aujourd'hui. La rénovation opérée par la loi relative à la transition énergétique aurait dû être accompagnée d'une traduction budgétaire à la hauteur des enjeux qui nous attendent.

Pour votre rapporteur pour avis, le financement de l'ASN et de l'IRSN devrait être réformé afin de garantir :

- d'une part une contribution des exploitants plus en rapport avec le coût induit pour l'IRSN ;

- une affectation de la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) à la sûreté nucléaire.

D. L'ÉTAT DE LA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES

1. La réglementation européenne en matière de mise sur le marché et d'utilisation des produits phytosanitaires

Le règlement européen n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 encadre la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytosanitaires via un double mécanisme d'autorisation :

- au niveau européen : une autorisation, valable pour dix ans, délivrée par la Commission européenne après évaluation scientifique de l'agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour les substances actives entrant dans la composition des produits phytosanitaires ;

- au niveau national : une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par chaque État membre sur la base d'une évaluation des risques valable pour une zone géographique donnée, définie par le règlement européen et valable pour certaines conditions d'utilisation des produits comprenant ces substances actives.

En France, les AMM sont délivrées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) pour une durée limitée. Elles peuvent être réévaluées au regard de données scientifiques ou techniques nouvelles.

Le règlement européen prévoit la possibilité pour un État membre de demander une réévaluation des substances actives à la Commission européenne ainsi que des mesures d'urgence pouvant être mises en oeuvre en cas de risque grave pour la santé humaine, animale ou l'environnement si la Commission ne réagit pas.

2. L'interdiction des produits néonicotinoïdes en France

L'article 125 de la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages interdit, au 1 er septembre 2018, l'utilisation des produits néonicotinoïdes, avec la possibilité pour le Gouvernement d'accorder des dérogations jusqu'au 1 er juillet 2020, sur la base d'un bilan établi par l'ANSES sur la disponibilité et l'efficacité de produits de substitution.

ARTICLE 125 DE LA LOI DU 8 AOÛT 2016 POUR LA RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ, DE LA NATURE ET DES PAYSAGES

I.- L'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I.-» ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II.- L'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits est interdite à compter du 1er septembre 2018.

« Des dérogations à l'interdiction mentionnée au premier alinéa du présent II peuvent être accordées jusqu'au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé.

« L'arrêté mentionné au deuxième alinéa du présent II est pris sur la base d'un bilan établi par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail qui compare les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes autorisés en France avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles.

« Ce bilan porte sur les impacts sur l'environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique et sur l'activité agricole. Il est rendu public dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 1313-3 du code de la santé publique. »

II.- Le dernier alinéa du II de l'article L. 254-7 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, est ainsi modifié :

1° Les mots : « et des » sont remplacés par le mot : «, des » ;

2° Après les mots : « 91/414/ CE du Conseil », sont insérés les mots : « et des produits dont l'usage est autorisé dans le cadre de l'agriculture biologique ».

Cet article avait initialement été introduit en première lecture par l'Assemblée nationale, à l'initiative des députés Gérard Bapt et Delphine Batho, sous la forme d'une interdiction pure et simple de ces produits en 2016. Il a suscité, tout au long de la navette parlementaire, des débats nourris mais intéressants et a finalement fait l'objet d'une solution de compromis plus pragmatique .

Les débats parlementaires ont notamment mis l'accent sur un certain nombre de difficultés liées à une interdiction pure et simple, et notamment :

- la portée juridique d'une telle interdiction dans la mesure où elle contrevient au règlement européen de 2009 ;

- l'échéance trop proche de 2016, qui n'aurait pas pu permettre aux agriculteurs de se tourner vers des produits alternatifs.

Néanmoins, votre rapporteur pour avis partageait la position du rapporteur du projet de loi, Jérôme Bignon, qui a mis en avant la nette corrélation entre le développement de ces substances et la hausse de mortalité des abeilles , établie par un grand nombre de scientifiques, et notamment par l'INRA 7 ( * ) . Il soulignait en outre le caractère aggravant des modalités d'utilisation de ces molécules, dans la mesure où dans la plupart des cas, elles ne sont pas seulement pulvérisées sur les sols, mais diffusées sous forme de graines enrobées, qui exposent les abeilles de manière continue.

3. Une nouvelle mission pour l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES)
a) Le budget de l'ANSES

L'ANSES, dont votre rapporteur pour avis a rencontré deux directrices générales adjointes dans le cadre de la préparation de son rapport, est l'opérateur chargé de mettre en oeuvre le règlement européen REACH et la directive dite « biocides ». Ses actions permettent de réaliser les orientations des différents plans nationaux santé-environnement , notamment pour le volet « qualité de l'air intérieur » et pour l'expertise liée aux risques émergents.

Si le principal programme abondant l'ANSES est le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », sept millions d'euros (AE=CP) de subvention pour charges de service public lui sont néanmoins affectés par le PLF 2017 dans le cadre du programme 181 , afin de lui permettre d'assurer cette mission d'expertise pour le compte des pouvoirs publics, mais aussi sa mission d'évaluation des autorisations de mise sur le marché des produits biocides.

L'ANSES dispose de 138 millions d'euros de recettes dont 90 millions d'euros au total de subventions pour charge de service public et environ 30 millions d'euros de fiscalité affectée. Elle peut également compter sur diverses recettes liées par exemple à des conventions.

Le mouvement de fond du budget de l'agence consiste en une diminution du montant des subventions pour charges de service public au profit d'une augmentation de la fiscalité affectée , qui contribue notamment à financer les actions relatives aux produits réglementés.

Votre rapporteur pour avis a souhaité interroger l'ANSES sur l'ensemble de ses missions et l'adéquation des moyens dont elle dispose avec ces dernières, d'une part, et sur cette nouvelle mission confiée par la loi biodiversité, d'autre part.

Pour rappel, cette disposition a fait l'objet de longs débats, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, qui aboutirent à la solution constructive d'une interdiction assortie de dérogations.

Interrogée par votre rapporteur pour avis, l'agence a ainsi indiqué de manière générale que les recettes liées aux taxes (principalement des taxes au dossier), avaient augmenté de 50% entre 2012 et 2016 , confirmant le mouvement de fond décrit plus haut.

En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, un arrêté du 2 mai 2012 a refondu les dispositions réglementaires fixant le barème de la taxe frappant la mise sur le marché de ces produits afin d'une part de l'adapter à la réglementation européenne, d'autre part de faire évoluer leur montant.

Malgré cette refonte, l'ANSES a informé votre rapporteur pour avis de la nécessité, notamment au vu de l'augmentation du nombre de dossiers, de faire évoluer à nouveau ce barème , ce qui est actuellement en cours en liaison avec le ministère de l'agriculture.

Votre rapporteur pour avis préconise ainsi un réajustement rapide de cette taxe au dossier, afin de combler le décalage qui existe entre celle-ci et ce que coûte un dossier pour un produit phytosanitaire à l'ANSES.

b) Des moyens humains insuffisants

Mais surtout, au-delà de la question des moyens purement financiers, votre rapporteur pour avis a été alerté sur la question des moyens humains, capitale face à l'explosion des missions et du nombre de dossiers devant être traités par l'agence.

Les interlocuteurs de l'ANSES rencontrés par votre rapporteur pour avis ont pointé plusieurs inquiétudes :

- la première est liée à l'incertitude qui pèse sur les autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les médicaments vétérinaires en Europe dans le cadre du récent Brexit : en effet, 60% de ces AMM sont aujourd'hui traitées par l'agence britannique, qui, elle, n'est pas contrainte par un plafond d'emplois ; que va-t-il advenir de ce flux supplémentaire à traiter sans pouvoir disposer de personnel humain ? L'augmentation de la taxe affectée ne pourra à elle seule régler cette difficulté ;

- la deuxième est liée à la nouvelle mission confiée à l'agence en application de la directive européenne de 2014 sur le tabac et les produits du vapotage : de nouvelles taxes ont été associées à cette nouvelle mission mais la difficulté demeure l'impossibilité d'embaucher de nouvelles personnes dédiées (les produits du vapotage sont estimés à environ 12 000).

Entre 2016 et 2017, on prévoit une diminution de 7 ETP, ce qui nécessitera un redéploiement des effectifs, d'autant que la nouvelle compétence en matière de vapotage et de tabac aurait un impact d'environ 7 à 10 ETP supplémentaires.

Cette question récurrente du personnel ne fait donc qu'empirer au fil des années et des missions supplémentaires attribuées à l'agence. Sur les néonicotinoïdes par exemple, on estime que 3 600 lignes sont à comparer par produit et par usage.

Ce manque de moyens humains a un impact direct sur les délais de traitement des dossiers. Votre rapporteur pour avis a ainsi pu constater que la Commission européenne pointait les retards et la surréglementation dont souffrait l'agence.

Votre rapporteur pour avis considère que le nombre d'emplois doit être augmenté , notamment pour que l'agence soit en mesure d'analyser les innovations que les entreprises vont mettre au jour.

c) Le bilan des produits alternatifs aux néonicotinoïdes : des premiers résultats à la fin de l'année mais une analyse complète fin 2017

Sur la question précise de la nouvelle mission sur les néonicotinoïdes créée par la loi relative à la biodiversité et du bilan que cette dernière doit mener sur les produits alternatifs existants, les deux directrices générales adjointes que votre rapporteur pour avis a entendues lui ont indiqué que des premiers résultats seraient rendus au 31 décembre 2016 par l'agence, permettant de donner un premier aperçu des impacts des pratiques alternatives et une description des pratiques agroécologiques, comme le traitement des semences ou encore le traitement en folières. Mais il s'agira d'un premier aperçu uniquement par le coût : en effet, l'analyse des impacts socio-économiques de ces alternatives nécessitera encore au moins un an de travaux, avec la difficulté principale du choix des externalités à observer.

À ce jour, il apparaît qu'un important travail sur les alternatives doit être mené et que peu d'innovations sont poussées en matière de biocontrôle. D'après les informations transmises à votre rapporteur en effet, deux types de dossiers sont principalement transmis concernant ces produits alternatifs à ce jour :

- des produits de certaines grandes entreprises ne présentant pas toutes les qualités requises pour être considérés comme de « biocontrôle », mais dont les dossiers sont complets et solides ;

- des produits innovants de plus petites entreprises mais dont les dossiers sont souvent incomplets.

Votre rapporteur pour avis estime que ces entreprises innovantes devraient être davantage accompagnées et aidées, par la mise en place d'une plateforme dédiée aux start-up sur ces produits par exemple.

Il relève aussi que le sujet des produits réglementés et de leurs substituts et un sujet complexe qui souffre de solutions caricaturales ou extrêmes. Il existe certaines maladies végétales qui ne pourront pas être traitées sans produits phytosanitaires. Il convient donc de mettre en oeuvre une stratégie d'usage ciblé et raisonné , ou en spots par exemple plutôt qu'en épandage, plutôt que des solutions « tout sans » ou « tout avec ».

E. LA GESTION DE L'APRÈS-MINES

Les 38 millions d'euros de crédits et 35 ETPT dédiés à la gestion de l'après-mines au sein du programme 181 doivent permettre de réaliser un état des lieux de l'après-mines technique en France en identifiant tous les aléas miniers du territoire afin de pouvoir prendre les mesures de sauvegarde qui s'imposent.

Sur cette enveloppe, 6,4 millions d'euros constituent une subvention pour charges de service public versée par l'État au groupement d'intérêt public GEODERIS, chargé de l'expertise des risques présentés par les anciennes exploitations minières et en particulier de l'établissement d'un « inventaire des zones minières » avec l'identification des zones à risques. En 2017, ces crédits permettront à GEODERIS de recueillir des informations et identifier des risques sur les sites miniers, d'apporter un appui aux services déconcentrés de l'État pour l'élaboration des PPRM, de réaliser des études sanitaires et environnementales sur les déchets miniers (par exemple sur le site de la Croix-de-Palière dans le Gard) et enfin analyser les risques.

Mais la plus grosse partie des crédits (22 millions d'euros) assurent le fonctionnement du Département de prévention et de sécurité minière (DPSM), créé en 2006 au sein du BRGM pour exercer pour le compte de l'État des missions de maîtrise d'ouvrage déléguée (comme la surveillance et la gestion des installations de sécurité sur d'anciens sites miniers). Les activités de ce Département recouvrent le passif de Charbonnages de France, Salsigne, du bassin lorrain et des installations des Mines de potasse d'Alsace. En 2018, de nouveaux besoins pourraient apparaître avec la renonciation des anciennes concessions dites « perpétuelles ».

II. LE PROGRAMME 217 « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MOBILITÉ DURABLES »

A. UN PÉRIMÈTRE QUI ÉVOLUE

Le programme 217 sert de support à la mise en oeuvre des politiques publiques des ministères de l'environnement, de l'énergie et de la mer (MEEM) et du logement et de l'habitat durable (MLHD ).

Il porte les effectifs et la masse salariale du MEEM (à l'exception de l'Autorité de sûreté nucléaire, portés par le programme 181 « Prévention des risques »).

Quatre priorités sont poursuivies :

- installer une gouvernance de développement durable capable de construire et de mettre en place des politiques nationales ambitieuses en matière de transition écologique, de faire valoir la position de la France sur la scène internationale et d'assurer une prise en compte concrète et territorialisée des enjeux du développement durable ;

- mener une action stratégique transversale pour doter les ministères de la compétence, de l'expertise et des ressources nécessaires à la prise en compte des enjeux de la transition écologique ;

- fournir un appui de qualité aux agents en adéquation avec leurs missions, tout en recherchant une utilisation plus efficiente et mutualisée des moyens ;

- être exemplaire en termes d'éco et socio-responsabilité.

En 2017 à nouveau, le programme 217 devra participer à la réduction du déficit public .

Il comprend 20 actions :

- l'action 1 : stratégie, expertise et études en matière de développement durable, en matière économique et de statistique » ;

- l'action 2 : fonction juridique ;

- l'action 3 : politique et programmation de l'immobilier de l'administration centrale et des moyens de fonctionnement des services ;

- l'action 4 : politique et gestion des systèmes d'information et des réseaux informatiques ;

- l'action 5 : politique des ressources humaines, de l'action sociale, de la médecine de prévention et de la formation ;

- l'action 6 : action européenne et internationale ;

- les actions 7 à 27 : actions miroirs portant les moyens de personnel dédiés aux différentes politiques publiques et aux fonctions support.

Dans le cadre du PLF 2017, la maquette budgétaire du programme 217 est modifiée , puisque la subvention pour charges de service public du CEREMA est transférée vers le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » , depuis le programme 217 hors titre 2, à hauteur de 213,19 M€. Ce changement de maquette permet de regrouper sur un seul programme les moyens dédiés à la recherche appliquée du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, puisqu'il regroupe également les subventions de l'IGN et de Météo-France.

Par ailleurs, une action supplémentaire a été créée pour le budget de la Commission de régulation de l'énergie (action 27), issue d'un transfert sortant du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie » d'un montant de 6,31 millions d'euros. L'action 27 comprend ainsi 6,3 millions de budget de fonctionnement de la CRE (stable par rapport au PLF 2016) auxquels s'ajoutent un million au titre du remboursement de l'occupation d'une partie des locaux par le médiateur national de l'énergie et 14,3 millions d'euros de dépenses de personnel, en hausse d'environ 2 millions d'euros par rapport aux crédits inscrits dans le cadre du programme 134 dans le PLF 2016.

B. UN BUDGET ET DES EFFECTIFS EN BAISSE CONSTANTE

Au titre du programme 217, les autorisations d'engagement s'élèveront, pour 2017, à 2,225 milliards d'euros et les crédits de paiement à 2,274 milliards, soit une baisse respectivement de 8,2 % et de 7,9 % par rapport à 2016 (en tenant compte de l'évolution du périmètre du programme).

CRÉDITS DU PROGRAMME 217 DANS LE PLF 2017

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

PLF 2017

Variation

LFI 2016

PLF 2017

Variation

Action 1 : Stratégie, expertise et études en matière de développement durable

236,99

19,12

-92%

236,99

19,14

-92%

Action 2 : Fonction juridique

2,59

2,56

-1,2%

2,59

2,56

-1,2%

Action 3 : Politique et programmation de l'immobilier et des moyens de fonctionnement

111,45

78,27

-29,77%

155,43

127,4

-18,1%

Action 4 : Politique et gestion des systèmes d'information et des réseaux informatiques

22,44

21,89

-2,45%

22,1

21,89

-1%

Action 5 : Politique des ressources humaines et formation

210,64

214,98

+2%

210,64

214,98

+2%

Action 6 : Action européenne et internationale

9,1

8,97

-1,43%

9,1

8,97

-1,43%

Action 7 : Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »

488,1

497,82

+2%

488,1

497,82

+2%

Action 8 : Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Infrastructures et services de transports »

605,14

606,11

+0,16%

605,14

606,11

+0,16%

Action 9 : Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Sécurité et éducation routières »

1,69

1,41

-16,6%

1,69

1,41

-16,6%

Action 11 : Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Sécurité et affaires maritimes »

181,72

187,47

+3,16%

181,72

187,46

+3,16%

Action 13 : Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Paysages, eau et biodiversité »

232,41

253,32

+9%

232,41

253,32

+9%

Action 15 : Personnels relevant du ministère du logement et de l'égalité des territoires

Action 16 : Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Prévention des risques »

232,58

240,88

+3,6%

232,58

240,88

+3,6%

Action 18 : Personnels relevant de programmes d'autres ministères

Action 22 : Personnels transférés aux collectivités territoriales

9,44

8,33

-11,8%

9,44

8,33

-11,8%

Action 23 : Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Énergie, climat et après-mines »

54,85

56,34

+2,7%

54,85

56,34

+2,7%

Action 24 : Personnels oeuvrant dans le domaine des transports aériens

2

2,1

+5%

2,1

2,1

-

Action 25 : Commission nationale du débat public

2,4

3,45

2,4

3,45

Action 26 : Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

1,7

1,7

-

1,7

1,7

-

Action 27 : Commission de régulation de l'énergie (CRE) (nouveau)

18,81 8 ( * )

20,6

+9,5%

18,81

20,6

+9,5%

Total

2 424

2 225

-8,2%

2 468

2 274

-7,9%

(en millions d'euros) - Source : PAP - PLF 2017

De manière plus spécifique, en ce qui concerne les dépenses « support » des ministères en charge de l'écologie et du logement (soit à partir de l'action 7), on observe une légère augmentation de l'ordre de 1,7 % due à des dépenses de personnel.

Parallèlement à ces baisses de crédits, le MEEM participera à nouveau et de plus en plus fortement au fil des années à l'effort de maîtrise des emplois publics. Après une baisse de 515 emplois en 2015 et de 671 en 2016, le schéma d'emplois a été fixé à -500 ETP pour 2017 sur le périmètre du MEEM dont +30 ETP pour l'ASN. Le taux d'effort induit est de -1,7 %.

Le plafond d'autorisations d'emplois du programme 217 voté en LFI 2016 s'élevait à 29 519 ETPT. En 2017, le programme connaîtra une évolution de son plafond d'emplois de -116 ETPT, résultant des éléments suivants :

- l'effet en année pleine (ETPT) du schéma d'emplois mis en oeuvre en 2016, soit -222 ETPT ;

- l'effet en année courante (ETPT) du schéma d'emplois pour 2017, soit -377 ETPT ;

- le solde des transferts d'emplois établi à +415 ETPT ;

- l'impact en plafond d'emplois du recrutement des apprentis en 2016, soit +70 ETPT ;

- un ajustement technique de -2 ETPT.

Le plafond d'autorisations d'emplois 2017 du programme 217 est fixé à 29 403 ETPT .

Le plafond d'autorisations d'emplois 2017 du MEEM comprend :

- celui du programme 217 (29 403 ETPT) ;

- celui du programme 181 « Prévention des risques » (422 ETPT), correspondant au plafond d'emplois de l'Autorité de sûreté nucléaire.

Dans le cadre du PLF 2017, le plafond d'emplois du MEEM s'établit donc à 29 825 ETPT.

C. LA POURSUITE DU PLAN « ADMINISTRATION EXEMPLAIRE » (PMAE)

Les ministères de l'environnement, de l'énergie et de la mer (MEEM) et du logement et de l'habitat durable (MLDH) ont mis en oeuvre le plan administration exemplaire (2009-2014), dans le cadre de la circulaire du Premier ministre du 3 décembre 2008.

En 2015, deux nouveaux plans ministériels ont été mis en place afin de poursuivre cette dynamique de « transition énergétique » au sein des ministères :

- le MEEM a mis en oeuvre en février 2015 le plan « administration exemplaire pour la transition écologique, administration zéro gaspillage » pour 2015 ;

- le MEEM et le MLDH ont élaboré conjointement le plan ministériel « administration exemplaire » (2015-2020).

Ce deuxième PMAE s'appuie sur :

- la circulaire du Premier ministre du 17 février 2015 relative au plan d'action interministériel « administration exemplaire » pour l'environnement 2015-2020 ;

- la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 ;

- la responsabilité sociétale des entreprises ;

- la politique des achats de l'État et de ses établissements publics : ces derniers doivent être effectués dans les conditions économiquement les plus avantageuses, respecter les objectifs de développement durable et de développement social, être réalisés dans des conditions facilitant l'accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique et contribuer à la diffusion de l'innovation.

Il comprend ainsi 8 axes prioritaires :

- le bilan des émissions de gaz à effet de serre et les économies d'énergie dans le bâtiment ;

- la mobilité durable : plans de mobilité et optimisation du parc automobile ;

- les économies de ressources et la réduction des déchets ;

- la préservation de la biodiversité ;

- l'accompagnement au changement, l'implication et la motivation ;

- la gouvernance et le pilotage ;

- les achats responsables ;

- la responsabilité sociétale des entreprises.

PERSPECTIVES DE MISE EN oeUVRE DU PMAE 2015-2020

Les actions énumérées ci-dessous sont communes aux années 2016 et 2017, qui constituent la première étape du PMAE 2015-2020 :


• le pilotage du plan de gestion de la flotte automobile des deux ministères dans le cadre de la circulaire du Premier ministre 5767/SG en date du 16 février 2015 relative à la mutualisation et à l'optimisation de la gestion du parc automobile de l'État et de ses opérateurs (rajeunissement du parc, application de nouvelles modalités d'achat, acquisition de véhicules propres, réduction de la consommation des carburants, mutualisation) ;


• la poursuite du programme relatif à la conduite éco-responsable, dite éco-conduite en vue de soumettre progressivement les autorisations de conduire une véhicule administratif à la délivrance d'une attestation d'éco-conduite ;


• la poursuite de la politique de mobilité durable, avec l'adoption de plans de mobilité dans les services qui n'en sont pas encore dotés, l'accroissement de l'usage de l'audio ou visioconférence et l'extension des formations ouvertes à distance ;


• la poursuite du déploiement de l'apport volontaire des déchets de bureau, notamment lors du transfert des agents dans la Grande Arche de la Défense en 2017 (près de 1800 agents) ;


• la campagne de lutte contre le gaspillage alimentaire développée en administration centrale sur les 3 restaurants administratifs servant près de 3000 repas par jour, et son extension dans les services déconcentrés pour les restaurants administratifs gérés par eux ;


• la poursuite des réductions des consommations induites par les activités de bureau (achat de papier recyclé, baisse de la consommation de papier, réduction de la consommation d'eau, etc.) ;


• l'accroissement continu de l'introduction des produits issus de l'agriculture biologique, de la pêche durable et du commerce équitable dans la restauration collective ;


• la responsabilisation accrue de la restauration collective en administration centrale avec un management environnemental des prestations sur la base d'un plan de progrès en 2017 ;


• le développement des achats responsables au travers de la professionnalisation des acheteurs et des réseaux ainsi que la procédure de soumission des projets de marchés et d'accords-cadres à l'avis préalable du responsable ministériel des achats ;


• le pilotage et l'animation du réseau des correspondants régionaux et référents d'administration centrale du PMAE ;


• enfin, la poursuite de l'intégration progressive des établissements publics entreprise en 2016.

Source : Réponses au questionnaire budgétaire - PLF 2017

Votre rapporteur souscrit à la poursuite de cette démarche mais ne peut que regretter l'absence de priorité claire donnée aux politiques pourtant ambitieuses de transition écologique portées par le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer. En matière de prévention des risques notamment, il craint que la persistance d'un schéma d'emplois sous-dimensionné pour l'Autorité de sûreté nucléaire ne fasse peser de réelles inquiétudes sur les échéances essentielles à venir.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 novembre 2016, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Prévention des risques » de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Hervé Maurey , président. - Le rapport pour avis « Prévention des risques » est l'un des six avis de notre commission sur la grande mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Il concerne des crédits consacrés à des politiques extrêmement sensibles et importantes en lien avec la prévention des risques, qu'ils soient naturels ou industriels, liés à la santé ou à l'environnement.

Notre commission s'est plus particulièrement penchée cette année sur l'alerte et la prévention des risques naturels en organisant une table ronde le 29 juin dernier autour des principaux responsables du ministère de l'intérieur, du ministère de l'environnement et de Météo France, ainsi que de représentants des assureurs et de volontaires internationaux.

Cela faisait suite à notre déplacement sur le terrain pour constater les dégâts des inondations du début du mois d'octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes.

À l'initiative de Pierre Médevielle, nous avons également organisé une très intéressante table ronde sur la question spécifique de la prévention des risques en matière phytosanitaire le 27 janvier dernier.

Dans le cadre du projet de loi biodiversité, nous avons aussi consacré un certain temps à la question des produits phytosanitaires et aux travaux de l'Anses sur le sujet.

Je laisse donc la parole à notre rapporteur.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui l'avis budgétaire relatif aux politiques de la prévention des risques. Il concerne les crédits de deux programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » :

- le programme 181 « Prévention des risques » ;

- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », c'est-à-dire les moyens du ministère de l'environnement.

L'année dernière cet avis recouvrait également les crédits du programme 170 « Météorologie » mais ils ont été transférés dans le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », que notre collègue Jérôme Bignon présentera la semaine prochaine.

Les deux programmes 181 et 217 représentent environ 2,5 milliards d'euros, soit environ 26 % du total des crédits de la mission.

Le programme 181 rassemble les crédits liés à la prévention des risques naturels, technologiques ou des risques pour la santé d'origine environnementale. Ces crédits s'élèvent à 229,62 millions d'euros pour 2017 et sont en baisse de 15%, soit de 40 millions d'euros environ en autorisations d'engagement mais augmentent de plus de 8 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à 2016. Cette différence s'explique principalement par la réévaluation des besoins financiers pour assurer l'élaboration et la mise en place des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

Les crédits de ce programme doivent permettre à l'État, non seulement de gérer, mais aussi de connaître, d'évaluer, de prévoir et de prévenir les risques industriels et les pollutions, les risques naturels, les sols pollués, les déchets sous l'angle de la prévention, de la valorisation et du traitement, et les risques que présentent les OGM pour la santé et l'environnement.

Les crédits de cette enveloppe budgétaire sont donc fondamentaux à plus d'un titre : ils constituent un impératif de sécurité publique, de santé publique et de protection de l'environnement.

Le programme est décliné en quatre actions :

- l'action n°1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions », qui est l'action la plus dotée financièrement du programme avec environ 105 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 90 millions en crédits de paiement (CP) ;

- l'action n°9 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection », qui représente 24 % des crédits du programme ;

- l'action n°10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques » dotée d'environ 40 millions d'euros ;

- et enfin, l'action n°11 « Gestion de l'après-mines et travaux de mise en sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites » avec 38 millions d'euros.

Concernant les risques technologiques, je vous informe qu'une instruction du Gouvernement a été publiée le 31 mars 2016 relative à l'accélération de la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques. Au 1 er août 2016, la quasi-totalité des PPRT était approuvée. En outre, j'attire votre attention sur le fait que fin octobre a été signé l'un des plus importants PPRT de France : celui de la zone industrielle et portuaire du Havre, qui concerne 16 sites industriels classés « Seveso seuil haut » et plus de 300 habitations.

Pour ce qui est de la prévention des risques naturels, l'accent est mis, cette année encore, sur la poursuite de l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN). Sur les programmes d'action et de prévention des inondations (PAPI) et le plan de submersion rapide (PSR), sachez qu'un projet de nouveau cahier des charges (PAPI III) sera proposé après une large consultation pour entrer progressivement en vigueur à l'horizon 2017. Ce projet intègre les retours d'expérience et vise à simplifier le processus de labellisation.

Mais cette année encore, je voudrais insister sur deux sujets qui me tiennent à coeur.

Le premier est la sûreté nucléaire, à laquelle 57,8 millions d'euros en AE et 62,8 millions d'euros en CP sont consacrés par l'action n°9. Je crois que nous avons motif à nous inquiéter, cette année encore, des moyens alloués à l'Autorité de sûreté nucléaire, dont les missions ne cessent de croître. Le président de l'ASN, que j'ai pu rencontrer, évoque une situation « globalement bonne », mais un « contexte préoccupant, porteur d'inquiétude pour l'avenir ».

Ce jugement pessimiste repose sur trois constats.

Le premier, c'est une croissance sans précédent des enjeux pour la période 2015-2020. La prolongation ou non du fonctionnement au-delà de quarante ans des réacteurs nucléaires d'EDF constitue un premier enjeu de taille avec notamment l'obligation d'une enquête publique depuis la loi de transition énergétique. Mais il y a aussi le réexamen périodique des autres grandes installations nucléaires, les améliorations des installations imposées à la suite de l'accident de Fukushima et aussi les projets ou chantiers de nouvelles installations comme ITER ou l'EPR.

Le deuxième constat est celui de difficultés financières ou économiques chez les principaux industriels concernés, notamment Areva.

Et enfin, le dernier constat est celui d'un sous-dimensionnement des moyens alloués à l'ASN malgré ce contexte hors du commun.

Les missions de l'ASN se répartissent entre 50 % de contrôle, 25 % d'autorisations, 10 % de réglementation, 10 % d'information des publics et 5% gestion des situations d'urgence. Ces missions représentent un volume de travail de plus en plus important. En outre, la loi relative à la transition énergétique a élargi ses missions au contrôle de la sécurité des sources, disposition qui entrera en vigueur au plus tard le 1 er juillet 2017.

Malgré une légère augmentation des moyens de l'Autorité tout au long du quinquennat et la création d'une trentaine de postes supplémentaires cette année, je crois que ces ressources ne sont pas à la hauteur des enjeux. C'est d'autant plus regrettable que la loi de transition énergétique a rénové le contrôle de la sûreté nucléaire, en renforçant les pouvoirs de l'Agence et en améliorant la transparence et l'information du public : on s'attendait à une traduction budgétaire de cette rénovation.

En outre, j'ai également rencontré le nouveau directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui est l'expert public de référence sur la sûreté nucléaire, la protection de l'homme et de l'environnement contre les rayonnements ionisants et la lutte contre les actes de malveillance. Là encore, j'ai pu constater l'augmentation significative du champ d'intervention et des missions de cet établissement d'expertise et de recherche. Cette croissance tient tout d'abord au contexte que j'ai évoqué tout à l'heure dans le domaine du nucléaire, mais aussi à l'évolution des techniques, notamment en ce qui concerne les techniques utilisées dans le secteur médical, et l'extension des missions, comme la surveillance des sources radioactives depuis la loi relative à la transition énergétique.

Au-delà de la subvention prévue par le programme 190, la loi de finances rectificative pour 2010 a mis en place une contribution annuelle au profit de l'IRSN due par les exploitants d'installations nucléaires de base, dont le produit a été plafonné à 62,5 millions d'euros l'année dernière.

Pour ma part, je suis favorable à une refonte de ce mécanisme qui a prouvé son efficacité, afin de tenir compte du nouveau périmètre d'activité couvert (expertise et études associées, gestion de crise, sécurité nucléaire, surveillance de l'environnement), dont le montant réel s'élève à 92 millions d'euros. Une telle évolution permettrait d'appliquer de manière plus juste et précise le principe pollueur payeur et de garantir un financement pérenne pour l'Institut. Je déposerai probablement un amendement en ce sens en séance publique. Cela fait longtemps que l'on parle de rénover le financement de l'ASN et de l'IRSN. Nous avions évoqué l'année dernière la taxe sur les installations nucléaires de base (INB), qui s'élevait en 2015 à 577 millions d'euros mais qui n'est pas affectée à la sécurité nucléaire, alors qu'elle couvrirait largement les besoins de l'ASN et de l'IRSN.

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement sur la rénovation de la contribution annuelle des exploitants au profit de l'IRSN. Il faut en effet revoir ce financement afin de le rendre pérenne.

Mon deuxième sujet de préoccupation concerne les produits phytosanitaires. Quelques mois après nos débats sur le projet de loi biodiversité, j'ai souhaité rencontrer à nouveau l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), qui s'est vu confier le soin d'établir un bilan sur les produits de substitution aux néonicotinoïdes.

Pour rappel, l'ANSES dispose de 138 millions d'euros de recettes dont 90 millions d'euros de subventions pour charge de service public et environ 30 millions d'euros de fiscalité affectée. Le mouvement de fond ces dernières années consiste en une diminution du montant des subventions pour charges de service public au profit d'une augmentation de la fiscalité affectée.

En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, un arrêté du 2 mai 2012 a refondu les dispositions réglementaires fixant le barème de la taxe frappant la mise sur le marché de ces produits afin, d'une part, de l'adapter à la réglementation européenne, d'autre part, de faire évoluer leur montant. Malgré cette refonte, l'ANSES m'a indiqué qu'une nouvelle évolution était souhaitable, notamment au vu de l'augmentation du nombre de dossiers.

Mais surtout, au-delà de la question des moyens financiers, j'ai été alerté sur la question des moyens humains.

L'ANSES a sur ce sujet plusieurs inquiétudes :

- la première est liée à l'incertitude qui pèse sur les autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les médicaments vétérinaires en Europe dans le cadre du récent Brexit : en effet, 60 % de ces AMM sont aujourd'hui traitées par l'agence britannique ; que va-t-il advenir de ce flux supplémentaire à traiter ? L'augmentation de la taxe affectée ne pourra à elle seule régler cette difficulté ;

- la deuxième est liée à la nouvelle mission confiée à l'agence en application de la directive européenne de 2014 sur le tabac et les produits du vapotage.

Or, entre 2016 et 2017 on prévoit une diminution de 7 ETP, ce qui nécessitera un redéploiement des effectifs, d'autant que la nouvelle compétence en matière de vapotage et de tabac aura un impact d'environ 7 à 10 ETP supplémentaires.

Sur le bilan relatif aux alternatives aux néonicotinoïdes, de premiers résultats seront rendus avant le 31 décembre 2016 par l'agence, permettant de donner un premier aperçu des impacts des pratiques alternatives et une description des pratiques agroécologiques. Mais il s'agira d'un premier aperçu uniquement par le coût : en effet, l'analyse des impacts socio-économiques de ces alternatives nécessitera encore au moins un an de travaux, avec la difficulté principale du choix des externalités à observer.

J'ai rencontré un haut responsable d'un laboratoire européen fabricant de néonicotinoïdes. Il m'a indiqué que deux produits de substitution étaient en train d'être développés mais qui selon lui seront vraisemblablement plus chers et moins efficaces. Il faudra expertiser cela. En tout état de cause, ces produits permettront peut-être d'appliquer l'interdiction progressive des néonicotinoïdes à partir de 2018 si ces alternatives apparaissent crédibles.

À ce jour, il apparaît qu'un important travail sur les alternatives doit être mené et que peu d'innovations sont poussées en matière de biocontrôle. Deux types de dossiers sont principalement transmis concernant ces produits alternatifs :

- des produits de grandes entreprises ne présentant pas toutes les qualités requises pour être considérés comme du « biocontrôle », mais dont les dossiers sont complets et solides ;

- des produits innovants de plus petites entreprises mais dont les dossiers sont souvent incomplets.

Ces petites entreprises innovantes devraient être davantage accompagnées et aidées, par la mise en place d'une plateforme dédiée aux start-up sur ces produits par exemple.

Il y a aujourd'hui un stock de dossiers qui ne sont pas traités, ce qui met les entreprises en difficulté. J'ai rencontré le responsable d'une entreprise allemande qui doit s'installer dans la région toulousaine : cela fait seize mois qu'ils ont déposé un dossier et qu'il n'est pas traité. Ce dossier n'est d'ailleurs pas nouveau puisqu'il s'agit du dossier d'un produit utilisé par les particuliers qui sera utilisé par les collectivités territoriales. L'ANSES nous a confirmé qu'ils ne sont pas en mesure de traiter aujourd'hui, avec les moyens humains dont ils disposent, la quantité de dossiers qui arrivent dans leurs bureaux. Cela pose un problème économique, surtout pour les petites entreprises.

J'en arrive enfin au programme 217, qui est le programme support des politiques du ministère de l'écologie et qui en 2017 à nouveau, devra participer à la réduction du déficit public.

Au-delà de ce constat que l'on ne peut que déplorer, comme je l'ai fait l'année dernière, je porte à votre attention une légère modification de son périmètre, puisque la subvention pour charges de service public du CEREMA est transférée vers le programme 159 et qu'une action supplémentaire a été créée pour le budget de la Commission de régulation de l'énergie (action 27), issue d'un transfert sortant du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie » d'un montant de 6,31 millions d'euros.

Au titre du programme 217, les autorisations d'engagement s'élèveront, pour 2017, à 2,225 milliards d'euros et les crédits de paiement à 2,274 milliards, soit une baisse respectivement de 8,2 % et de 7,9 % par rapport à 2016 (en tenant compte de l'évolution du périmètre du programme).

Parallèlement à ces baisses de crédits, le MEDDE participera à nouveau et de plus en plus fortement au fil des années à l'effort de maîtrise des emplois publics. Après une baisse de 515 emplois en 2015 et de 671 en 2016, le programme connaîtra une baisse de 116 ETPT en 2017. Le ministère de l'écologie est celui qui devrait perdre le plus d'emplois derrière celui de l'économie.

En conclusion, vous l'aurez compris, je ne peux que proposer un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181 et 217. Les crédits ne sont pas à la hauteur des enjeux de sûreté qui sont pourtant fondamentaux, ni du contexte de mise en oeuvre de la transition écologique.

M. Alain Fouché - Je n'ai pas bien compris les chiffres qui ont été donnés en ce qui concerne la sûreté nucléaire.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - Il s'agit de 24% des crédits du programme 181. L'ASN dispose de 62,8 millions d'euros au titre du programme 181, ce qui est stable sur les dernières années.

M. Alain Fouché . - Aucun pays ne fait autant que nous sur le plan de la sûreté nucléaire. L'entreprise EDF est très attentive à tout ce qui se passe notamment sur les sites en bordure de mer après ce qui s'est passé au Japon et réalise un certain nombre de travaux. Des mesures sont prises contre les risques d'attentats.

Je voudrais dire aussi, en marge, que je suis un peu scandalisé de voir de quelle manière on met en place le programme éolien, sans plan, au coup par coup, avec un démarchage des communes pour des résultats plus ou moins douteux. On est en train de massacrer les paysages.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - Il est clair que le financement est complètement à revoir. Il est aujourd'hui insuffisant. L'ASN a récemment mis à jour des défauts de fabrication de certaines pièces dans les fonds de cuve de générateur de vapeur. Certains documents ont été falsifiés. C'est très inquiétant. Le pas a été franchi. La confiance est rompue. Les missions de l'ASN et de l'IRSN en outre vont croître régulièrement : ce budget qui stagne n'est donc pas à la hauteur, malgré les 30 emplois supplémentaires.

Mme Odette Herviaux . - Je félicite le rapporteur d'autant qu'il a fait la part des choses. 30 équivalents temps plein supplémentaires, ce n'est pas rien non plus. Sur les programmes 181 et 217, vous dites que sur les 229 millions d'euros c'est en baisse, mais vous avez parlé du transfert des crédits de la météorologie dans un autre programme. Il faut donc regarder si ce n'est pas cette donnée qui provoque cette baisse.

Je voudrais insister sur le fait que les PPRT sont quasiment approuvés en totalité désormais : c'est une bonne chose. Sur les PPRN, les plans devraient être mis en vigueur en 2017 : on aurait peut-être pu s'appuyer sur l'expérience des collectivités territoriales sur ce sujet.

Sur la sûreté nucléaire, je partage votre avis : nous devons être très attentifs. Il faudrait peut-être revoir les responsabilités des uns et des autres entre l'ASN et l'IRSN. On a parfois l'impression que tous ces organismes ont des activités proches et qu'il y aurait peut-être moyen de pallier la diminution des moyens par une meilleure efficacité.

Sur les produits phytosanitaires enfin, le travail de l'ANSES est remarquable et vous avez bien fait d'insister sur le fait que tout ce qui concerne les autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques pose un vrai problème au niveau européen. Je l'ai entendu sur le terrain, notamment pour les produits vétérinaires. Certaines autorisations de mise sur le marché ne sont pas les mêmes dans tous les pays européens.

Dernier point, je crois qu'il faut en effet travailler davantage sur les aides et la rapidité du traitement des dossiers des petites entreprises. Je pense par exemple à celles dans ma région qui travaillent sur les produits à base d'algues. Merci pour votre rapport donc, dont je ne partage pas la conclusion, mais je crois que nous pourrions trouver un équilibre entre les sources d'économies et la volonté d'aller de l'avant dans ce secteur.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - L'IRSN intervient à la demande de l'ASN et fait essentiellement de l'expertise et de la recherche. Lors de l'audition qui a eu lieu à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'OPECST, des mots forts ont été prononcés comme la falsification de documents. Les 30 équivalents temps plein supplémentaires ne suffisent malheureusement pas aujourd'hui, avec notamment le vieillissement du parc nucléaire et les incidents sur les générateurs de vapeur, qui vont nous contraindre à amplifier l'expertise et la recherche sur les nouvelles installations.

Pour les autorisations de mise sur le marché, je partage votre inquiétude. Pour les autorisations de mise sur le marché de produits vétérinaires ou de produits phytosanitaires, nous avons un problème typiquement français : on fait semblant de refuser le financement par les laboratoires, ce qui se fait dans d'autres pays européens ou aux États-Unis, alors que ces laboratoires contribuent au financement de l'ANSES, qui donc se retrouve un peu juge et partie, comme je l'avais signalé l'année dernière. Cela pose un problème d'éthique. Il y a aussi le problème des petites start-up innovantes, dont les dossiers se retrouvent bloqués, alors que certaines pistes en matière de produits de biocontrôle notamment mériteraient d'être creusées plus rapidement.

M. Claude Bérit-Débat . - Je voudrais revenir sur deux aspects abordés par le rapporteur. En ce qui concerne les moyens alloués à la sûreté nucléaire, je voudrais mettre tout de même en avant les 30 équivalents temps plein et le maintien des crédits. Quelle sera la position du rapporteur sur ces moyens si demain nous changeons de majorité ? Deuxièmement, sur l'ANSES, pour ma part je suis tout à fait d'accord avec le bilan qui lui a été demandé en matière de néonicotinoïdes. Ont-ils les moyens de le faire ? Je pense que oui. Ils rendront au 31 décembre leurs premiers résultats et dans un second temps, nous pourrons juger leurs conclusions sur les produits de substitution. Mais nous devons trouver une porte de sortie. Nous ne pouvions pas continuer sans rien changer. Je félicite donc le travail du rapporteur, mais vous comprendrez que mon vote sera radicalement différent.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - Ces 30 équivalents temps plein supplémentaires sont en effet une bonne chose. Mais l'ASN a estimé, au regard des futurs investissements d'EDF, que 100 à 200 équivalents temps plein en plus seraient nécessaires pour pouvoir mener les expertises de manière satisfaisante.

Pour les néonicotinoïdes, du travail a été fait notamment grâce au Sénat puisque l'Assemblée nationale proposait une solution plus radicale. Il faut se féliciter de l'interdiction des deux néonicotinoïdes les plus toxiques, dont le Gaucho, qui sont extrêmement toxiques pour les abeilles. Pour les autres, il y a tout de même une toxicité. Des travaux sont actuellement menés sur la qualité de l'enrobage des graines : dans les semoirs, l'air pulsé a en effet tendance à désagréger l'enrobage qui devient poussière et disséminé dans les champs voisins. Il y a aussi des travaux de certaines firmes européennes de premier rang mondial, comme Bayer par exemple, qui ont des produits qui pourraient s'avérer intéressants. Nous devons attendre l'avis de l'ANSES, qui ne devrait pas être spectaculaire mais qui devrait nous guider, en tant que législateur, pour prendre d'autres décisions en 2017 et surtout en 2018.

Mme Évelyne Didier . - Ce sont des sujets qui nous intéressent. Je félicite à mon tour le rapporteur pour la qualité de son rapport et la précision de ses réponses. Il a visiblement creusé la question. J'ai également noté avec plaisir que le rapporteur regrette la baisse des effectifs. Vous pensez bien que cela ne m'a pas échappé : j'espère que nous continuerons à entendre ce discours si d'aventure des changements devaient survenir.

Je voulais pour ma part soulever un point qui me tient à coeur : il s'agit de l'après-mines dans le programme 181. Il y a une remise en cause de la subvention pour charges de service public versée au Département de prévention et de sécurité minière. Le montant des dépenses consacrées à l'expropriation demeure stable mais les crédits consacrés à l'indemnisation des ménages au titre des dommages causés par une activité minière sur une habitation principale sont en baisse de 27,78%. C'est extrêmement important. Cela veut dire que l'État se désengage progressivement de ce qui arrive aux particuliers. Pour moi, c'est une grave faute. Des ressources continuent à être dégagées pour la mise en sécurité et c'est la responsabilité directe de l'État. Je voudrais connaître la raison de cette baisse importante. Considère-t-on que les maisons et les terrains ne bougeront plus ? Chez moi c'est loin d'être le cas.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - Je ne peux pas vous répondre, il faudrait interroger la Ministre je pense. Sur les effectifs, je vous rassure, quoi qu'il arrive je garderai ma position.

Mme Évelyne Didier . - Je voulais soulever un dernier point. On trouve également dans les moyens, la surveillance de 1 850 infrastructures ou sites et des opérations de remise en état de stations de pompage, notamment dans le Nord mais aussi sans doute dans l'Est, la mise en application de la directive cadre sur l'eau en cas de résurgence minière, la surveillance des stockages historiques de résidus miniers en application de la directive sur les déchets de l'industrie extractive. Tous ces moyens sont en baisse et c'est préoccupant pour ce secteur.

M. Louis Nègre . - Je félicite le rapporteur pour l'exhaustivité de ce rapport, sa précision et ses chiffres qui m'inquiètent. Je comprends son avis défavorable. Vous avez indiqué une baisse de 15 % des autorisations d'engagement pour la prévention des risques naturels, même si les crédits de paiement sont en hausse : c'est là un signal négatif sur un des sujets les plus préoccupants qui soit aujourd'hui, c'est-à-dire les risques naturels, qui ont tué encore vingt personnes il y a un an. Ces risques naturels m'inquiètent beaucoup puisqu'ils se renouvellent chaque année et que nous avons des centaines de millions de dégâts et des morts et que parallèlement, je constate une baisse de 15 % des autorisations d'engagement.

Sur l'ANSES, ce que vous nous apprenez des conséquences du Brexit fait que malgré une augmentation des postes, l'agence ne serait vraisemblablement pas capable d'assurer ses missions. Et cette incapacité de l'ANSES à traiter tous les dossiers est concomitante d'une sensibilité de la population sur les problèmes de santé qui augmente très fortement. Donc là aussi, je constate un décalage entre ce qu'il faudrait faire et ce que l'on fait.

Quant à la baisse de 8 % des crédits du CEREMA, alors que tous les territoires connaissent cet outil, cela signifie que les collectivités auront moins d'aide et moins de soutien. Cela va à l'encontre du bon sens.

Enfin, le ministère de l'écologie fait partie de ceux qui perdent le plus d'emplois. On est d'accord pour avoir une gestion des personnels au plus près des réalités. Mais faut-il baisser le nombre de personnels au moment même où nous mettons en oeuvre la loi de transition énergétique, les engagements du Grenelle, les COP 21 et 22 ? Le signal donné me semble là encore négatif, d'autant que j'ai en mémoire un ministère dont le nombre des assujettis a considérablement diminué mais où les fonctionnaires, eux, n'ont pas diminué.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - Cette baisse des effectifs est clairement inquiétante. Je souligne néanmoins que le CEREMA n'est pas dans le programme que nous examinons. Nous avons l'art en France de nous compliquer la vie, notamment en allant souvent plus loin que la réglementation européenne, en matière de médicaments ou d'organismes génétiquement modifiés (OGM) par exemple. Un enjeu important de demain pour beaucoup d'entreprises françaises sera sûrement les « new breeding techniques » (NBT). On leur applique aujourd'hui les directives relatives aux OGM de manière complètement injustifiée. Non seulement on a une baisse de moyens, mais nous nous augmentons le travail à fournir en nous compliquant la vie.

M. Ronan Dantec . - Je voulais féliciter le rapporteur pour son travail ainsi que pour la clarté de ses propos par rapport à l'ASN. Je pense que cela serait intéressant d'essayer de construire un consensus entre nous sur les moyens de l'ASN. Car certaines voix disent que de renforcer le gendarme du nucléaire accroîtrait les difficultés du secteur. Cette tentation existe. Nous pourrions construire au moins un consensus sur un constat simple : plus l'ASN aura les moyens de ses missions, moins on sera contraint de fermer des tranches nucléaires par précaution. Renforcer l'ASN peut aussi amener à limiter les fermetures de protection et de vérification des tranches. Je propose au Président d'auditionner à nouveau l'ASN pour voir quels sont leurs besoins et quel serait l'impact d'une augmentation de leurs moyens sur leurs interventions. Cela permettrait d'éclairer les décisions à prendre à l'avenir.

Nous sommes en train de montrer que le système d'organisation français avec des agences est une garantie de bon fonctionnement et de protection de l'environnement. Or, nous arrivons à un moment où il faut baisser drastiquement le budget de l'Etat. Je ne vois pas comment faire cela tout en maintenant les fonctions vitales de ces agences. C'est ce qui m'amène à m'abstenir sur le vote de ces crédits car je pense qu'effectivement il fallait plus de moyens pour l'ASN. Construisons ici un consensus sur ce point, ce serait faire oeuvre utile.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - Je suis tout à fait d'accord sur ce consensus. La sûreté nucléaire concerne toutes les familles politiques. J'irais même plus loin : il faut un consensus européen et mondial. Si l'on prend l'exemple de l'accident de Tchernobyl, qui a eu lieu en Ukraine, M. Manzano sait que le nuage se serait arrêté sur les Alpes. Nous avons trouvé des cèpes et des bécasses contaminées dans les Pyrénées, or les cèpes ne migrent pas. Grâce à l'épidémiologie, on a pu mesurer après l'accident le nombre de pathologies thyroïdiennes qui explosé. Ce problème concerne donc tout le monde comme l'accident de Fukushima est venu nous le rappeler. Je rappelle le chiffre de la taxe sur les installations nucléaires de base qui a rapporté 577 millions d'euros en 2015 et qui n'est pas affecté à la sécurité nucléaire : c'est là qu'un consensus pourrait être bâti sur le financement car cela couvrirait largement les besoins de l'ASN et de l'IRSN.

M. Hervé Maurey , président. - J'ai bien noté le souhait de M. Dantec d'entendre les responsables de l'ASN. On pourrait envisager une table ronde en début d'année. Je remercie le rapporteur. Nous devons maintenant nous prononcer sur les crédits sur lesquels le rapporteur a émis un avis défavorable.

La commis sion émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « Prévention des risques» de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 19 octobre 2016 :

- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) : Mme Françoise Weber, directrice générale adjointe des produits réglementés et Mme Caroline Gardette , directrice générale adjointe Ressources.

Mardi 8 novembre 2016 :

- Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : M. Jean-Christophe Niel , directeur général et Mme Valérie Marchal , Chargée de mission.


* 1 En 2015, près de 20 000 visites d'inspection ont été réalisées, dont 10 000 visites d'inspection approfondie.

* 2 Plans régionaux santé-environnement.

* 3 Ce plan a été créé en 2007 pour une durée de 30 ans. La deuxième phase de ce plan (2016-2020) prévoit l'engagement global de 450 millions d'euros de la part de l'État en soutien des collectivités pour conforter ou reconstruire 120 établissements scolaires, une quinzaine de casernes de pompiers et près de 3 000 logements sociaux.

* 4 L'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit un prélèvement sur le fonds de roulement du FPRNM.

* 5 Ce rapport annuel est prévu par l'article L. 592-31 du code de l'environnement et remis au Président de la République, au Premier ministre, ainsi qu'aux Présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale.

* 6 Le financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection - décembre 2015 (Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies).

* 7 Mickaël Henry, Nicolas Cerrutti, Pierrick Aupinel, Axel Decourtye, Mélanie Gayrard, Jean-François Odoux, Aurélien Pissard, Charlotte Rüger, Vincent Bretagnolle. Reconciling laboratory and field assessments of neonicotinoid toxicity to honeybees. Proceedings of the Royal Society B, 18 novembre 2015.

* 8 Ces crédits correspondent aux crédits de l'action 14 « Régulation et contrôle des marchés de l'énergie » du programme 134 de la mission « Économie » dans le cadre du PLF 2016, supprimée dans le cadre de la nouvelle maquette budgétaire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page