Avis n° 306 (2016-2017) de M. Charles GUENÉ , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 janvier 2017

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N° 306

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 janvier 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires , financières , fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse , n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),

Par M. Charles GUENÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir le numéro :

Sénat :

264 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

Réunie le mercredi 18 janvier 2017 sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission des finances du Sénat a procédé à l'examen du rapport de M. Charles Guené sur l'article 1 er , dont l'examen lui a été délégué au fond par la commission des lois, du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse n° 264 (2016-2017).

La commission des finances a proposé à la commission des lois d' adopter l'article 1 er ratifiant l'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse et a adopté un amendement corrigeant une erreur de référence à l'article 8 de l'ordonnance dont l'entrée en vigueur est prévue au 1 er janvier 2018.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) 1 ( * ) prévoit la création, à partir du 1 er janvier 2018, de la collectivité de Corse. Il s'agit d'une « collectivité à statut particulier au sens de l'article 72 de la Constitution », qui se substitue à la collectivité territoriale de Corse et aux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

La création d'une collectivité unique de Corse résulte d'une initiative du Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale, faisant suite à une demande de l'assemblée de la collectivité territoriale de Corse 2 ( * ) .

En vue de cette création, la loi NOTRe autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi qui concernent, entre autres, les finances de la nouvelle collectivité.

En particulier, peuvent être prises par ordonnance les mesures « précisant et complétant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse ». C'est l'objet de l'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, que l'article 1 er du présent projet de loi propose de ratifier.

Les deux autres articles du projet de loi concernent la ratification de deux autres ordonnances, concernant « diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse » et « diverses mesures électorales applicables en Corse ».

La commission des lois a décidé de déléguer à la commission des finances l'examen de l'article 1 er du présent projet de loi, qui vise à ratifier l'ordonnance relative aux règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse.

I. L'ORDONNANCE ET LA LOI D'HABILITATION

Le principe retenu par la loi NOTRe est celui d'une création de la collectivité de Corse dans une parfaite neutralité financière et fiscale , comme l'a précisé à votre rapporteur Bruno Delsol, directeur général des collectivités locales. Des mesures transitoires particulières sont néanmoins prévues afin de faciliter la mise en place de cette collectivité unique.

A. UNE CRÉATION SUIVANT UN PRINCIPE DE NEUTRALITÉ FINANCIÈRE ET FISCALE

1. Les dispositions relatives à la fiscalité

L'article 30 de la loi NOTRe prévoit plusieurs dispositions relatives à la fiscalité de la collectivité de Corse. La rédaction de l'article L. 4421-2 du code général des collectivités territoriales qui en résulte prévoit ainsi qu'elle se substitue à la collectivité territoriale de Corse et aux deux départements dans toutes les délibérations et actes pris par ces derniers. Par ailleurs, les articles L. 4425-1 et L. 4425-1-1 issus de cet article affectent à la collectivité de Corse les ressources fiscales et financières antérieurement perçues par les départements de Corse et la collectivité territoriale de Corse . La présente ordonnance précise, complète ou modifie ces dispositions et permet de tirer les conséquences de ce changement d'organisation dans les dispositions législatives en vigueur .

L' article 1 er modifie le code général des impôts. Le I pose le principe général selon lequel ses dispositions relatives aux départements et aux régions s'appliquent à la collectivité de Corse et précise l'application de ce principe . Cette disposition permet en elle-même une simplification de la rédaction actuelle du code, dans la mesure où il ne sera plus nécessaire de constamment citer la collectivité de Corse dans les dispositifs relatifs aux départements et régions. Le II du même article procède à plusieurs adaptations et simplifications rédactionnelles dans ledit code.

L' article 2 prévoit une modification rédactionnelle dans le livre des procédures fiscales.

L' article 3 modifie le code général des collectivités territoriales. Le 1° prévoit que la collectivité de Corse bénéficiera du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) sur ses dépenses d'investissement de l'année précédente, comme c'est le cas actuellement. Le 2° modifie l'article L. 4421-2 résultant de la loi NOTRe : celui-ci prévoyait que la nouvelle collectivité se substitue aux trois collectivités précédentes dans toutes les délibérations et actes pris par ces derniers. L'alinéa est modifié de façon à exclure de cette substitution de droit les décisions prises en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dans la mesure où elles font l'objet de mesures transitoires (cf. infra ). Le 3° modifie la rédaction de l'article L. 4425-1 résultant de la loi NOTRe qui dresse la liste des recettes de la nouvelle collectivité, sans en modifier le sens.

L' article 4 procède à des adaptations rédactionnelles dans le code des douanes.

L' article 5 tire les conséquences rédactionnelles de la création de la collectivité de Corse sur le code de l'urbanisme. Ce faisant, le 2° procède à la correction d'une erreur de rédaction dans les dispositions de ce code. Si cette correction est naturellement bienvenue, elle ne concerne pas uniquement la Corse.

L' article 6 adapte à la mise en place de la collectivité de Corse les dispositions relatives à la composition de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels et de la commission départementale des impôts directs locaux.

Enfin l' article 7 procède à une adaptation rédactionnelle à l'article 41 de la loi de finances pour 2014 3 ( * ) en matière de financement de la formation professionnelle.

2. Les dispositions relatives aux règles budgétaires et comptables

L'article 8 adapte les règles budgétaires et comptables applicables à la collectivité de Corse. Ces règles budgétaires et comptables s'inspirent de celles applicables aux régions 4 ( * ) , mais elles tiennent compte des spécificités du cadre institutionnel et de l'exercice, par une même collectivité, de compétences régionales et départementales .

Ainsi les dépenses obligatoires de la collectivité de Corse correspondent à la fois à celles des départements et des régions.

De plus, s'agissant du cadre institutionnel, le conseil exécutif joue le rôle habituellement dévolu au président du conseil régional dans la préparation du budget . C'est le droit actuellement applicable à la collectivité territoriale de Corse 5 ( * ) qui est ainsi repris.

Par ailleurs, s'agissant des informations qui complètent les documents budgétaires, il est proposé de distinguer la situation de la Corse du droit commun :

- d'une part, les données synthétiques sur la situation financière concernent non seulement la collectivité de Corse, mais aussi ses établissements publics - cette spécificité est justifiée par le nombre élevé et le rôle important joué par les offices et agences placés sous sa tutelle ;

- de plus, des adaptations sont nécessaires pour tenir compte des compétences départementales de la collectivité de Corse : il s'agit de prendre en compte le patrimoine des départements et de prévoir un état spécifique dans le cas où le département est signataire d'un contrat de ville.

L' article 9 ajoute la Corse à la liste des organismes publics devant transmettre aux comptables publics les pièces nécessaires à l'exécution des dépenses et des recettes sous forme dématérialisée.

L' article 10 complète différentes dispositions relatives aux compensations d'exonérations fiscales afin de prévoir que la collectivité de Corse se substitue aux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud.

L' article 11 procède à la même modification dans la loi de finances pour 2010 6 ( * ) s'agissant des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), des Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et du mécanisme de compensation des pertes de base de cotisation économique territoriale (CET).

B. LES DISPOSITIONS TRANSITOIRES

1. En matière fiscale

L' article 12 traite du régime transitoire des exonérations et abattements de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Selon un mécanisme traditionnel - appliqué par exemple lors de la mise en place de la nouvelle carte régionale en 2016 - ces exonérations et abattements sont maintenus :

- pour leur quotité initialement prévue et pour leur durée restant à courir lorsqu'ils ont été accordés pour une durée limitée ;

- pour les impositions dues au titre de 2018 lorsqu'ils ont été accordés sans limitation de durée.

L' article 13 prévoit un dispositif de même nature pour les exonérations et abattements de taxe foncière sur les propriétés bâties.

L' article 14 permet à la collectivité de Corse d'harmoniser progressivement ses taux de taxe foncière sur les propriétés bâties, à condition que l'écart de taux entre les deux départements soit supérieur à 10 %. De façon traditionnelle également, comme c'est le cas lors de fusions d'établissements publics de coopération intercommunale par exemple, des taux différents pourront être appliqués sur ces deux territoires, pendant douze ans au maximum, et les différences de taux devront être réduites par parts égales chaque année.

L' article 15 prévoit que le coefficient appliqué au taux de la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité applicable en 2018, sur le territoire de chaque département actuel, est celui de 2017, afin de tenir compte du fait que la collectivité de Corse ne pourra pas délibérer dans les temps. Par ailleurs, il prévoit également qu'après 2018, en l'absence de délibération de la collectivité de Corse, le coefficient appliqué est le plus faible des deux.

L' article 16 concerne les droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements. Les délibérations en vigueur au 31 décembre 2017 le demeurent jusqu'au 31 mai 2018 sur le territoire de chaque département. Après cette date, la collectivité de Corse peut prévoir une harmonisation progressive des taux sur cinq ans au maximum. Les exonérations, abattements et réductions en vigueur au 31 décembre 2017 le demeurent pendant la période d'harmonisation, sauf délibération contraire de la collectivité.

L'article 17 prévoit que la collectivité de Corse - ou les deux conseils départementaux s'ils ont pris des délibérations concordantes en 2017 -, prennent les délibérations fiscales 7 ( * ) applicables, à partir de 2018, sur le territoire de la collectivité de Corse.

Il prévoit également qu' « à défaut de délibérations prises par la collectivité de Corse, les délibérations fiscales adoptées antérieurement par les départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse sont maintenues pour l'année 2018 ».

Avant le 30 novembre 2017, les deux conseils départementaux prennent des délibérations concordantes concernant le taux et les exonérations facultatives de la taxe d'aménagement applicables à partir du 1 er janvier 2018. À défaut de délibérations concordantes, les délibérations adoptées antérieurement sont maintenues en 2018.

L'article 18 prévoit qu'à partir du 1 er janvier 2018, la collectivité de Corse « est subrogée dans les droits des départements de Haute-Corse et de Corse du Sud et de la collectivité territoriale de Corse auxquels elle succède pour les attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ».

2. En matière budgétaire et comptable

L'article 19 concerne les dispositions transitoires en matière budgétaire et comptable :

- la date limite d'adoption du budget est généralement fixée au 15 avril ou dans les trois mois suivant la création d'une nouvelle collectivité territoriale ; dans le cas de la collectivité de Corse, pour l'année 2018, la date limite est fixée au 31 mars 2018. Le projet de budget arrêté par le conseil exécutif est transmis par son président au président de l'Assemblée de Corse avant le 30 avril 2018 ;

- avant l'adoption du budget de l'exercice 2018, des règles spécifiques s'appliquent pour modifier et utiliser les autorisations de programme et d'engagement adoptées par les départements préexistants. Ainsi, le président du conseil exécutif de Corse « est autorisé à engager, liquider et à mandater les dépenses d'investissement et les dépenses de fonctionnement correspondant aux autorisations affectées au cours des exercices antérieurs au titre des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse et de la collectivité territoriale de Corse et restant à mandater » ; de la même façon, l'Assemblée de Corse peut « modifier les autorisations de programme et les autorisations d'engagement antérieures ouvertes par les départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse et de la collectivité territoriale de Corse ou reconduire les autorisations de programme et les autorisations d'engagement du dernier exercice budgétaire de ces collectivités ». Dans les deux cas, ces possibilités sont limitées.

Enfin, pour leur dernier exercice budgétaire, les trois collectivités concernées ne pourront pas apporter de modifications à leur budget après la fin de l'exercice budgétaire - alors que le droit commun prévoit une période complémentaire pendant laquelle certains ajustements sont possibles.

C. DISPOSITIONS FINALES

L'article 20 prévoit que les dispositions de l'ordonnance entrent en vigueur le 1 er janvier 2018, sauf l'article 10 (relatif aux compensations d'exonération), les 1° à 4° de l'article 11 et les articles 12 à 19 relatifs aux dispositions transitoires.

Enfin, l'article 21 fixe la liste des ministres responsables de l'application de la présente ordonnance.

II. UNE ORDONNANCE QUI N'ÉPUISE PAS LES QUESTIONS FINANCIÈRES RELATIVES À LA CRÉATION DE LA COLLECTIVITÉ DE CORSE

A. DES MESURES FAVORABLES PRÉVUES PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2017

La loi de finances pour 2017 8 ( * ) comprend trois mesures spécifiques favorables à la Corse :

- l'article 33 minore de 3,2 millions d'euros la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) de la collectivité territoriale de Corse. « En effet, les recettes de la collectivité territoriale de Corse (CTC) comportent des ressources spécifiques (...) servant à financer l'exercice de certaines compétences que n'ont pas les autres régions. Le Gouvernement a donc souhaité retirer ces recettes de celles prises en compte pour calculer la répartition de la CRFP, dont le montant par habitant est plus élevé en Corse (23 euros) que dans les autres régions (5 à 8 euros). Le coût de 3,2 millions d'euros sera pris en charge par les autres régions » 9 ( * ) ;

- l'article 142 élargit les possibilités d'emploi des crédits de la dotation de compensation territoriale, jusqu'alors exclusivement affectés « à la réalisation d'équipements portuaires et aéroportuaires destinés au transport et à l'accueil de voyageurs et de marchandises » ;

- enfin, l'article 149 a prévu que la dotation générale de décentralisation (DGD) perçue en 2017 par la collectivité territoriale de Corse serait remplacée, à compter de 2018, par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), afin de bénéficier de son dynamisme.

B. DES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE DE PÉRÉQUATION ET DE DOTATIONS TRAITÉES ULTÉRIEUREMENT

1. Des incidences sur les fonds de péréquation départementale et sur la répartition des concours de l'État

La mise en place de la collectivité de Corse implique une fusion « verticale », entre la collectivité territoriale de Corse et l'échelon départemental, mais également une fusion « horizontale », entre les deux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

Comme pour la mise en place de la métropole de Lyon ou de la métropole du Grand Paris, se pose la question des conséquences de ces fusions sur les autres collectivités territoriales. La fusion « verticale » ne devrait pas avoir d'incidence particulière, dans la mesure où il sera toujours possible d'isoler les données financières relatives à l'échelon régional et à l'échelon départemental. En revanche, la fusion « horizontale » impliquera une agrégation des données financières des deux départements préexistants, retracée dans le tableau ci-dessous .

Données financières relatives aux départements actuels et à la collectivité de Corse (données départementales)

(en euros ou en nombre d'habitants)

Corse-du-Sud

Haute-Corse

Données départementales de la future collectivité de Corse

Moyenne nationale

Population INSEE

149 234

170 974

320 208

-

Population DGF

190 242

212 690

402 932

-

Revenu par habitant

13 591,35

11 883,62

12 679,51

14 415,29

Potentiel financier par habitant

817,35

623,51

713,85

632,77

Potentiel fiscal par habitant

576,24

407,59

486,19

532,56

DMTO par habitant

183,88

101,72

140,01

137,07

CVAE par habitant

90,59

66,91

77,94

121,71

Source : commission des finances du Sénat

Les deux départements corses sont aujourd'hui dans des situations différentes. La Corse-du-Sud a un revenu par habitant supérieur de 14 % à celui de Haute-Corse, tandis que son potentiel financier est supérieur de 31 % et son potentiel fiscal de 41 %. Son montant de DMTO par habitant est supérieur de 80 % et celui de CVAE de 35 %. Sur ces cinq indicateurs, la Haute-Corse se situe en dessous de la moyenne nationale, tandis que pour trois de ces mêmes indicateurs la Corse-du-Sud se situe au-dessus de la moyenne nationale .

Une prise en compte de la situation agrégée des données financières de ces départements conduirait à ce que la collectivité de Corse se situe au-dessus de la moyenne ou juste en dessous sur certains indicateurs (cf. tableau). Dès lors, cette fusion pourrait avoir des conséquences importantes en termes de péréquation horizontale et de répartition des concours de l'État .

En effet, ces indicateurs sont pris en compte pour le calcul de :

- la dotation de fonctionnement minimale ;

- la dotation de péréquation urbaine ;

- le fonds de péréquation des DMTO ;

- le fonds départemental de péréquation de la CVAE ;

- le fonds de solidarité des départements ;

- la répartition péréquée des frais de gestion.

2. Une question renvoyée au projet de loi de finances pour 2018

La présente ordonnance ne règle pas cette question, qui, dès lors, devrait être abordée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018. Le champ de l'habilitation aurait permis de la traiter, mais il est préférable d'aborder les questions de péréquation de façon globale, dès lors qu'elles ont des conséquences sur l'ensemble des départements. La loi de finances permettra d'avoir ce débat d'ensemble.

Néanmoins, l'assemblée de Corse a déjà formulé des observations sur le sujet 10 ( * ) :

Le Gouvernement a décidé que les dispositions tendant à préciser et compléter les règles relatives aux concours financiers de l'État et aux fonds nationaux de péréquation de recettes fiscales applicables à la collectivité de Corse seront traitées dans le cadre de la loi de finances.

Il est demandé :

- que l'exercice d'agrégation des dispositifs applicables à la collectivité territoriale de Corse et aux deux départements ne conduise ni à minorer les ressources qui seront attribuées à ce titre à la collectivité de Corse en 2018, ni à mettre en place des mécanismes de calcul qui s'avèreraient défavorables dans la durée ;

- que les dispositions figurant à ce titre dans la loi de finances soient soumises à l'examen préalable de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements.

Il est légitime que la collectivité de Corse souhaite bénéficier d'une garantie de non baisse des montants perçus au titre des concours financiers de l'État et des fonds de péréquation. Néanmoins, le choix de mettre en place une collectivité unique implique une solidarité territoriale et, dès lors, il serait difficilement justifiable de continuer à calculer les dotations et les attributions ou prélèvements sans prendre en compte les données agrégées ou en mettant en place des mécanismes de garantie . C'est la logique même de la péréquation et de la mise en place d'une collectivité unique qui seraient remises en cause. En tout état de cause, calculer ces montants sur la base des caractéristiques des anciens départements ne pourrait être un choix pérenne, dans la mesure où les données nécessaires ne continueront pas forcément à être produites.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er - Ratification de l'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse

Commentaire : le présent article vise à ratifier l'ordonnance prévue par la loi « NOTRe » relative aux dispositions financières applicables à la collectivité de Corse.

Le présent article ratifie l'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, dont les dispositions ont été présentées dans l'exposé général.

Votre commission vous propose un amendement visant à corriger une erreur de référence à l'article 8 de l'ordonnance.

Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 18 janvier 2017, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Charles Guené sur le projet de loi n° 264 (2016-2017) ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Charles Guené , rapporteur . - L'article 30 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), promulguée en août 2015, prévoit la création, au 1 er janvier 2018, d'une nouvelle collectivité à statut particulier - la collectivité de Corse - qui se substitue à la collectivité territoriale de Corse et aux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

Cet article, adopté par le Sénat, autorise le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la mise en place de cette nouvelle collectivité. Trois ordonnances ont été prises sur cette base, l'une est financière, la deuxième concerne les institutions et la dernière est une ordonnance électorale. Le projet de loi de ratification de ces ordonnances a été envoyé à la commission des lois, qui nous a délégué au fond l'article 1 er ratifiant l'ordonnance relative aux règles budgétaires, financières, fiscales et comptables, que je vais maintenant vous présenter.

Le principe retenu par la loi NOTRe est celui d'une création de la collectivité de Corse dans une parfaite neutralité financière et fiscale.

Les articles 1 er à 7 et 9 à 11 procèdent à des adaptations quasiment rédactionnelles rendues nécessaires par la mise en place de la collectivité unique dans plusieurs textes ou codes. L'article 8 adapte les règles budgétaires et comptables applicables à la collectivité de Corse. Sur cet article, je vous propose d'adopter un amendement corrigeant une erreur de référence.

J'en viens maintenant aux mesures transitoires. Les articles 12 à 16 reprennent des dispositions d'harmonisation en matière fiscale, traditionnelles en cas de fusions de collectivité. L'article 17 précise les modalités d'adoption des délibérations fiscales en 2018, l'article 18 apporte des précisions en matière de fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et l'article 19 propose des dispositions transitoires en matière budgétaire et comptable.

Cette ordonnance n'épuise pas pour autant les questions financières résultant de la création de la collectivité de Corse.

Je rappelle tout d'abord qu'elle s'est accompagnée de plusieurs mesures financières favorables à cette collectivité dans la loi de finances pour 2017, que j'avais eu l'occasion de vous présenter avec notre collègue Claude Raynal lors de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Ainsi, la contribution au redressement des finances publiques de la Corse a été diminuée de 3,2 millions d'euros, les possibilités d'emploi de la dotation de compensation territoriale ont été élargies et sa dotation générale de décentralisation a été remplacée par une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont on connait le dynamisme.

Par ailleurs, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, nous aurons sans doute à nous pencher sur les conséquences de la création de cette collectivité sur les différents fonds de péréquation et sur la répartition des dotations de l'État.

Les deux départements corses sont aujourd'hui dans des situations différentes. Sur les cinq principaux indicateurs financiers, la Haute-Corse se situe en dessous de la moyenne nationale, tandis que pour trois de ces mêmes indicateurs la Corse-du-Sud se situe au-dessus de la moyenne nationale. Une prise en compte de la situation agrégée des données financières de ces départements conduirait à ce que la collectivité de Corse se situe au-dessus de la moyenne ou juste en dessous sur certains indicateurs. Dès lors cette fusion pourrait avoir des conséquences financières sur l'ensemble des collectivités.

Le champ de l'habilitation aurait permis de traiter ce sujet, mais il est préférable d'aborder les questions de péréquation de façon globale, dès lors qu'elles ont des conséquences sur l'ensemble des départements. La loi de finances permettra d'avoir ce débat d'ensemble. L'assemblée de Corse a cependant déjà formé le voeu que les règles qui seront fixées ne conduisent « ni à minorer les ressources » de la Corse, « ni à mettre en place des mécanismes de calcul qui s'avéreraient défavorables dans la durée ».

Il est légitime que la collectivité de Corse souhaite bénéficier d'une garantie de non baisse des montants perçus au titre des concours financiers de l'État et des fonds de péréquation. Néanmoins, le choix de mettre en place une collectivité unique implique une solidarité territoriale et, dès lors, il serait difficilement justifiable de continuer à calculer les dotations et les attributions ou prélèvements sans prendre en compte les données agrégées ou en mettant en place des mécanismes de garantie. C'est la logique même de la péréquation et de la mise en place d'une collectivité unique qui serait remise en cause. En tout état de cause, calculer ces montants sur la base des caractéristiques des anciens départements ne pourrait être un choix pérenne, ne serait-ce que dans la mesure où les données nécessaires ne continueront pas forcément à être produites.

En définitive, je vous invite à proposer à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

M. Philippe Dallier . - Je connais la situation particulière de la Corse mais il est difficile de gagner sur tous les tableaux.

On ne peut pas garantir à leur niveau actuel les dotations et versements au titre de la péréquation. Si les conséquences sur les ressources de la Corse devaient être importantes, on pourrait imaginer une sortie en sifflet. Mais la Corse est pleinement intégrée à la République et ses lois doivent s'y appliquer, quelles que soient les conséquences financières.

M. Philippe Dominati . - Ces projets d'ordonnances provoquent un certain nombre de remous, au sein même de l'assemblée de Corse et des collectivités territoriales concernées. En réalité, tout le monde n'avance pas au même rythme : pourquoi devrions-nous étudier des dispositions financières spécifiques aux collectivités territoriales si l'État, de son côté, n'est pas prêt ? Y aura-t-il un seul préfet et un seul département en tant que circonscription administrative ? Si ce n'est pas le cas, si l'État ne s'organise pas différemment en Corse, il me semble que l'adaptation des dispositions financières est prématurée. Je ne vois pas pourquoi nous devrions nous occuper du détail alors que l'essentiel n'est pas, pour l'instant, correctement défini.

M. Marc Laménie . - Les dispositions de l'ordonnance permettront-elles de réaliser des économies ?

Mme Marie-France Beaufils . - Le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) était opposé à la création de la collectivité unique de Corse et n'a pas voté les dispositions de l'article 30 de la loi NOTRe. Par cohérence, nous voterons également contre le projet de loi prévoyant la ratification de ces ordonnances.

Par ailleurs, je pense qu'il serait utile que notre rapporteur s'intéresse aux conséquences financières de la création de la collectivité de Corse.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je rejoins Philippe Dominati sur l'absence d'urgence à adopter ces dispositions financières, d'autant plus que les mesures essentielles seront examinées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018.

Dès lors que le partie institutionnelle n'est pas claire, il n'y pas d'urgence à ratifier l'ordonnance que nous examinons.

M. Charles Guené , rapporteur . - La loi NOTRe crée la collectivité de Corse au 1 er janvier 2018. Il est important qu'avant cette date les règles du jeu et les mesures transitoires soient définitivement fixées, pour permettre aux élus corses de s'organiser. Il est donc nécessaire, à mon sens, de ratifier dès aujourd'hui cette ordonnance.

Je rappelle que celle-ci est parfaitement neutre financièrement et fiscalement. Les conséquences que je vous ai mentionnées pour les autres collectivités viennent de la fusion elle-même, prévue par la loi NOTRe, et nous aurons l'occasion de les traiter lorsque nous examinerons le projet de loi de finances pour 2018. Je vous ai fait part de la délibération de l'Assemblée de Corse, mais uniquement afin de vous présenter les éléments du débat que nous aurons à l'automne.

S'agissant de l'organisation administrative de l'État sur le territoire corse, elle n'est pas encore fixée et ne relève pas des ordonnances ratifiées par le présent projet de loi.

Enfin, la question des économies n'a pas été au centre de la mise en place de la collectivité unique, qui constitue plutôt un projet politique. L'expérience nous enseigne que les fusions peuvent permettre des économies, mais qu'à court terme elles peuvent être source de dépenses supplémentaires.

EXAMEN DE L'ARTICLE PREMIER

L'amendement rédactionnel n° 1 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 1 er ainsi modifié.


* 1 Article 30 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 2 Cf . article 1 er de la délibération n° 14/207 AC de l'Assemblée de Corse prise au titre de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales et portant proposition de réforme de l'organisation territoriale de la Corse : « décide, dans le cadre des dispositions du III de l'articleL. 4422-16 du code général des collectivités territoriales , de proposer une réforme de l'organisation territoriale de la Corse, portant création d'une collectivité de Corse déconcentrée par fusion de l'actuelle collectivité territoriale de Corse et des conseils généraux de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud ».

* 3 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 4 Ainsi, les nouveaux articles L. 4425-1 à L. 4425-19 du code général des collectivités territoriales reprennent les dispositions prévues aux articles L. 4310-1 à L. 4313-3 du même code.

* 5 En application de l'article L. 4425-7 du code général des collectivités territoriales.

* 6 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 7 Il s'agit des seules délibérations prises en application du code général des collectivités territoriales.

* 8 Loi n° 2016-1917du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 9 Rapport général n° 140 (2016-2017), annexe n° 27 de MM. Charles Guené et Claude Raynal , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016.

* 10 Délibération n° 16/204 AC de l'assemblée de Corse portant avis sur trois projets d'ordonnances relatives à la création de la Corse du 7 septembre 2016.

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