B. CONSOLIDER LES ACTIONS DE PRÉVENTION EN DIRECTION DES JEUNES ET DES ÉTUDIANTS

1. Rapprocher les jeunes des questions sanitaires : un devoir de pédagogie, des enjeux de santé publique importants

Le régime de sécurité sociale étudiant a répondu, à l'origine, à la volonté des étudiants de prendre en main leur politique sociale en tenant compte de leurs besoins particuliers en matière de santé.

Or, comme certains représentants des étudiants l'ont relevé, il existe aujourd'hui un déficit d'appropriation de ces sujets par la jeunesse. Au manque de lisibilité du système, qui crée une certaine défiance, s'ajoute le fait que les questions de prévention et d'accès aux soins, quelle que soit leur importance, n'apparaissent pas comme la préoccupation prioritaire des étudiants qui se déclarent majoritairement en bonne santé 14 ( * ) .

Pour autant, nombre d'interlocuteurs ont mis l'accent sur les besoins en la matière et sur l'importance de renforcer et de diversifier les actions sur les thématiques de santé publique intéressant le public jeune , qu'il soit ou non étudiant. Les priorités sont liées aux conduites à risque liées au milieu festif et aux expérimentations de substances addictives, à celles liées à la découverte de la vie sexuelle et affective (maladies sexuellement transmissibles, contraception) ou encore, comme cela a été relevé par de nombreux intervenants, aux questions de bien-être et de santé mentale (les problématiques de stress mais aussi d'isolement ou encore de nutrition). Votre rapporteur pour avis a été sensible à l'exposition, en particulier, des jeunes femmes aux fragilités psychologiques : 69 % des étudiantes déclarent ainsi ressentir du stress, soit 20 points de plus que les jeunes hommes 15 ( * ) .

Les mutuelles étudiantes mettent en avant l'expertise qu'elles ont développée en ce domaine et souhaiteraient conserver des financements publics dédiés, ce qui semble peu compatible avec la réforme proposée. Un recensement des actions qu'elles ont mises en place devrait néanmoins être réalisé dans le cadre des discussions en cours avec la Cnam. D'après les informations transmises à votre rapporteur pour avis, les mutuelles du réseau EmeVia organisent chaque année de l'ordre de 3 000 actions, auxquelles elles consacrent environ 4% des financements alloués par le régime général via la remise de gestion.

Le projet de loi confie, parallèlement à la suppression du régime étudiant, aux régimes obligatoires d'assurance maladie une mission de prévention en direction de leurs assurés âgés de 16 à 25 ans .

Votre rapporteur pour avis partage l'idée d'une action publique en santé ciblée sur la jeunesse au sens large et non restreinte au public étudiant. Elle salue le fait que, par un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, le champ de ces actions ait été élargi aux jeunes jusqu'à 25 ans , au lieu de 23 ans comme initialement prévu. Cela est cohérent avec certaines mesures de notre politique de santé, notamment la consultation de prévention du cancer du sein et du cancer du col de l'utérus prise en charge à 100%, instituée pour les assurées de 25 ans par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Lors de son audition, la représentante de la Cnam a indiqué qu'était envisagée à court terme par le régime général la conception d'une e-news d'information, envoyée aux jeunes via la messagerie de leur compte d'assuré. Votre rapporteur pour avis souligne la nécessité d' adapter le contenu, le format et le ton des messages en direction des jeunes aux attentes et aux habitudes de ce public, pour en assurer le meilleur impact. Elle insiste également sur l'importance d' informer les jeunes sur l'organisation de notre système de soins et sur leurs droits en matière de sécurité sociale.

2. Coordonner les acteurs intervenant auprès du public étudiant : un cadre de pilotage à préciser

À l'initiative du rapporteur Gabriel Attal, l'Assemblée nationale a complété l'article 3 du projet de loi afin de souligner la contribution des différents acteurs, en premier lieu les associations d'étudiants, à la définition et à la conduite des actions de prévention, au plan national et dans le cadre des actions en santé mises en place par les établissements d'enseignement supérieur sur la base de la contribution vie étudiante instituée par l'article 4.

Rappelons que dans le cadre du Plan étudiants présenté le 30 octobre 2017, le Gouvernement a pris deux principaux engagements :

- la création d'une « conférence de prévention étudiante » à la rentrée 2018, afin de coordonner les différentes parties prenantes et définir des priorités d'actions de prévention en direction du public étudiant ;

- le renforcement du rôle des services de santé universitaires et la poursuite de leur transformation en centres de santé , l'objectif étant de porter le nombre de ces centres de 24 à 34 d'ici la fin de l'année 2019. Le manque criant de moyens et de visibilité des services universitaires de prévention rend cette ambition particulièrement nécessaire. Cela répond également aux attentes exprimées par les étudiants d'avoir un accès facilité à des médecins de ville, en médecine générale ou dans des spécialités médicales telles que la psychiatrie ou la gynécologie.

L'idée de ce plan, d'après les indications transmises à votre rapporteur pour avis, est de conjuguer les priorités de santé publique nationale et les spécificités de la vie étudiante , qui tiennent particulièrement aux modalités d'action auprès de ce public : l'ensemble des intervenants ont en effet relevé le rôle essentiel des actions de terrain , directement au sein des campus ou des lieux festifs, en particulier de celles relayées par les pairs (suivant par exemple le dispositif des étudiants relais-santé ou des actions similaires pilotées par les mutuelles étudiantes).

Les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale vont dans le bon sens mais laissent subsister, de l'avis de nombre d'interlocuteurs, un flou quant aux modalités de pilotage des actions en direction du public étudiant. La commission a donc précisé le cadre de cette concertation, notamment pour souligner la nécessité d'inscrire les actions en direction des étudiants en cohérence avec les orientations de la stratégie nationale de santé et organiser la coordination des acteurs au plan territorial .

Votre rapporteur pour avis insiste à cet égard sur l'importance d'un pilotage politique fort de ces actions par les ministres en charge de l'enseignement supérieur et de la santé, et la mobilisation de financements dédiés qui ne se limitent pas à la contribution vie étudiante instituée par l'article 4 du projet de loi.

3. La question de l'accès aux soins : des réflexions au champ plus large que celui du projet de loi

La question de l'accès aux soins des étudiants est un réel sujet de préoccupation : d'après les enquêtes conduites par l'Observatoire de la vie étudiante (OVE), 30 % des étudiants déclarent renoncer à des soins, et plus de 13,5 % pour des raisons financières .

L'Assemblée nationale a demandé, à l' article 3 bis , un rapport au Parlement sur ce sujet, portant notamment sur l'accès des étudiants à une complémentaire santé et les moyens de le favoriser.

La commission a supprimé cet article pour plusieurs raisons : un nouveau rapport ne paraît pas constituer une réponse à la hauteur des enjeux ; la question de l'accès aux soins ne se réduit pas à celle de l'accès à une complémentaire santé ; enfin, les réflexions en cours autour de l'accès aux soins ne sont pas propres au public étudiant, elles sont plus largement tournées vers les publics fragiles. La stratégie nationale de santé pour 2018-2022, adoptée le 31 décembre 2017, identifie en ce sens plusieurs axes forts : limiter les restes à charge ou encore renforcer l'accès aux droits sociaux, en particulier à la CMU-C ou au dispositif d'aide à la complémentaire santé.

Il conviendra néanmoins d'évaluer les conséquences que pourrait avoir la suppression du régime social étudiant sur l'accès aux soins des étudiants, en limitant les périodes de suspension des droits liées aux mutations inter-régimes, et de renforcer les actions concrètes en faveur de l'accès aux soins, en particulier dans les centres de santé universitaires.


* 14 62 % des étudiants ayant participé à l'enquête santé 2016 de l'Observatoire de la vie étudiante jugent leur état de santé satisfaisant ou très satisfaisant.

* 15 Source : OVE, enquête santé 2016 précitée.

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