B. UN IMPACT RELATIVEMENT LIMITÉ DE CETTE HAUSSE SUR LES EFFECTIFS DU RÉSEAU CONSULAIRE, ET NOTAMMENT CEUX QUI SONT CHARGÉS DU TRAITEMENT DES DEMANDES DE VISAS

1. Une demande de visas en forte reprise après la crise sanitaire...

Les crédits de paiement alloués à l'instruction des demandes de visa ont été portés de 58,4 millions d'euros à 66,9 millions d'euros dans ce projet de loi de finances, soit une augmentation de 14,4 %. Mais malgré cet effort réel, l'augmentation des effectifs prévue dans le réseau reste extrêmement limitée : le schéma d'emplois est en progression, dans l'ensemble du réseau consulaire, de 20 ETP pour un total de 3 183 ETP dans le réseau, soit 0,6 %. Ce total se répartit entre 8 emplois supplémentaires en administration centrale et 11 dans le réseau.

Cette quasi-stabilité apparaît très insuffisante, notamment au regard de l'une des principales activités du réseau consulaire : le traitement des demandes de visa. En la matière, le volume d'activité a connu des évolutions très contrastées depuis la crise du covid : après une baisse très marquée en en 2020 et 2021 liée à la pandémie, la demande est repartie à la hausse dès 2022.

La demande globale de visas est restée très inférieure en 2022 à son niveau de 2019 (voir tableau).

 

Visas demandés

Taux de refus

Visas délivrés

Évolution de

la demande n/n-1

2018

4 302 012

15,86 %

3 582 645

7,2 %

2019

4 296 796

16,27%

3 540 285

- 0,1 %

2020

863 670

19,28%

705 273

-79,9%

2021

2022

973 099

2 332 584

21,15%

22,41%

723 396

1 733 183

12,7%

139,7%

Cependant, cette baisse s'explique principalement par le fait que les demandes de visas de court séjour restent inférieures d'environ 2 millions à leur niveau de 2019. La demande de visas de long séjour s'établit, elle, à un niveau déjà très supérieur à l'avant-covid, ce qui suggère une tendance de fond : les demandes ont augmenté de 30 % entre 2019 et 2022, et la tendance s'est poursuivie au premier semestre 2023. Or les demandes de visas de long séjour sont les plus longues et complexes à traiter.

2. ... mais des moyens de traitement qui restent très contraints, ce qui engendre d'importantes difficultés dans le réseau

Les moyens de traitement des consulats ont été affectés par une décision du tribunal administratif de Paris en janvier 2020, qui a contraint l'administration à mettre fin à l'affectation dans les services consulaires de 41 volontaires internationaux en administration.

Les consulats sont, de plus, confrontés à une forte saisonnalité des demandes, notamment celles qui concernent les visas étudiants, déposées durant l'été, qui coïncide avec les congés d'une grande partie des agents. De ce fait, les délais de traitement ont augmenté, un problème aggravé par la petite taille des services chargés de la délivrance des visas au sein des consulats (de 1 à 3 ETP) ainsi que par l'émergence d'intermédiaires qui préemptent les créneaux de rendez-vous disponibles pour les revendre.

Il en est résulté des difficultés importantes pour les consulats les plus concernés par les demandes de visas de long séjour, se traduisant à la fois par une insatisfaction croissante des demandeurs, qui ne peut que porter préjudice à l'image de la France dans des zones particulièrement stratégiques comme le Sahel, et par une dégradation des conditions de travail pour les agents dans les consulats les plus concernés (voir ci-dessous l'encadré présentant le rapport Hermelin).

Malgré cette tendance de fond, le nombre d'ETP affectés au traitement des demandes de visas dans le réseau s'est réduit, de 818 en 2021 à 816 en 2022. Le surplus d'activité a été absorbé par le renfort d'un vivier d'agents de la Direction des Français de l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE) basés à Nantes, susceptibles d'être appelés dans les postes pour faire face aux pics d'activité. 45 missions de renfort ont ainsi été déployées en 2023.

Les services de délivrance des visas voient leurs conditions de travail se dégrader

Au plan budgétaire, ces renforts ont été comptabilisés sous la catégorie des mois/vacations, qui sont en forte augmentation entre 2022 et 2023, de 628 à 933 mois/vacations. Ce dispositif est financé par un retour partiel sur les recettes de visas, dans le cadre d'une convention avec le ministère des comptes publics.

Or cette ressource est actuellement en diminution en raison de la forte réduction de l'activité visas entre 2020 et 2022.

 

2018

2019

2020

2021

 2022

(prévisions)

2023

(prévisions)

RECETTES VISAS

217 754 318 €

219 406 357 €

61 138 657€

59 155 378 €

147 565 017 €

181 040 977 €

Il en résulte un effet de ciseau préjudiciable au bon fonctionnement de l'activité de délivrance des visas. Pour y faire face, le ministère a obtenu le passage de 0,75 à 1,35 % de la part de recettes de visas affectée au financement de ces vacations.

Le rapport Hermelin

En avril 2023, M. Paul Hermelin a remis aux ministres de l'intérieur et de l'Europe et des affaires étrangères un rapport intitulé « Propositions pour une amélioration de la délivrance des visas ». Le constat est sans appel : le rapport pointe une véritable « crise des visas » se manifestant par « une insatisfaction générale, des demandeurs mécontents, des responsables frustrés et des services consulaires souvent épuisés », et formule une série de recommandations concernant la politique de visas, à commencer par la prise en compte d'un critère d'attractivité dans le traitement des demandes. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'est engagé à les mettre en oeuvre à compter de 2024.

Si la plupart de ces recommandations portent sur la politique des visas, qui ne relève pas du programme 151, les rapporteurs pour avis seront particulièrement attentifs à l'évolution des effectifs au sein du réseau, afin de faire face à une demande qui devrait continuer à augmenter dans les prochaines années.

Il est évident que ce type d'expédients budgétaires ne pourra répondre de façon pérenne à l'augmentation des demandes de visas. À plus long terme, deux solutions sont envisagées : le regroupement des services de visas afin notamment de mieux répondre aux pics d'activité, et la mobilisation d'agents de droit local pour instruire les dossiers les plus simples. Ces possibilités sont en cours d'expertise.

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