III. UNE AUGMENTATION DIFFÉRENCIÉE DES DOTATIONS DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES MAIS DES ENJEUX PARTAGÉS RELATIF À L'ENTRETIEN DE LEUR PATRIMOINE HISTORIQUE

Les questeurs de l'Assemblée nationale et du Sénat se sont réunis le 12 juillet 2023 en commission commune, sous la présidence de Denis Morin, président de chambre à la Cour des comptes, pour arrêter les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées et des chaînes parlementaires pour 2024.

Les crédits demandés par l'Assemblée nationale et le Sénat s'élèvent respectivement à 607,65 millions d'euros (+ 36,64 millions d'euros par rapport à 2023) et à 353,47 millions d'euros (+ 7,18 millions d'euros par rapport à 2023). La dotation demandée au titre des chaînes parlementaires représente 35,25 millions d'euros en 2024 contre 34,5 millions d'euros l'année précédente.

A. L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE HAUSSE DE LA DOTATION DÉSORMAIS INDEXÉE SUR L'INFLATION ET DESTINÉE À FINANCER LA « PART INCOMPRESSIBLE DES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS »

La dotation demandée par l'Assemblée nationale pour 2024 est en hausse de 6,42 % par rapport à l'exercice précédent (607,65 millions d'euros contre 571,01 millions d'euros en 2023), en raison :

· du contexte inflationniste, qui affecte l'ensemble des dépenses de fonctionnement (+ 14,85 millions d'euros par application, à la dotation précédente, d'un taux d'inflation de 2,6 %) ;

· de l'augmentation des dépenses de personnel et des charges parlementaires18(*) résultant de la hausse du point d'indice de la fonction publique de 1,5 % à compter du 1er juillet 2023 (+ 5,35 millions d'euros) ;

· de la politique d'investissement (+ 16,45 millions d'euros), dont certaines dépenses sont financées cette année par la dotation de l'État19(*).

Évolution des dépenses de l'Assemblée nationale entre 2022 et 2024

(en euros)

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024

1. Une hausse des dépenses de fonctionnement résultant du contexte inflationniste et des mesures structurelles affectant les charges parlementaires et de personnel

Les dépenses de fonctionnement représentent 587,04 millions d'euros en 2024, soit une hausse de 2,81 % par rapport à l'exercice précédent. Celles-ci se composent principalement des charges parlementaires (58,1 % du total) et des charges de personnel (32,2 % du total), le solde étant constitué de dépenses de fonctionnement diverses.

Les charges parlementaires, qui s'élèvent à 341 millions d'euros en 2024, augmentent de 2,2 % (+ 7,4 millions d'euros) par rapport à l'exercice précédent. Celles-ci regroupent les contributions de l'Assemblée aux frais de secrétariat parlementaire (183,3 millions d'euros), les charges sociales liées aux pensions et aux prestations maladie dont bénéficient les députés (74,1 millions d'euros), les indemnités parlementaires (53,6 millions d'euros) et les charges parlementaires diverses (30 millions d'euros) comprenant principalement les frais de déplacement, de représentation et la dotation matérielle des députés (frais de courrier, de téléphone, de taxi, d'équipements téléphonique et informatique, etc.).

Tandis que les contributions aux frais de secrétariat parlementaire et les indemnités parlementaires augmentent concomitamment à la hausse du point de la fonction publique de 1,5 % à compter du 1er juillet 2023, les charges sociales liées aux pensions et aux prestations maladies des députés diminuent de 4 %, sous l'effet cumulé de la baisse du nombre de pensionnés (- 32) et de la revalorisation du point de la fonction publique, qui entraîne un léger surcroît de recettes à taux de cotisation constant.

Les charges de personnel représentent 189,8 millions d'euros en 2024 contre 184,7 millions d'euros en 2023. Cette augmentation de 5,1 millions d'euros est liée à la hausse des dépenses de rémunération des personnels contractuels20(*) (+ 3,5 millions d'euros) et de celles relatives aux charges sociales (+ 4,1 millions d'euros), que ne compense pas la baisse des dépenses de rémunération des personnels statutaires (- 2,9 millions d'euros).

Les rémunérations des personnels contractuels progressent sous l'effet cumulé de l'accroissement :

· du nombre de contractuels à l'Assemblée nationale, lié au remplacement de fonctionnaires partant à la retraite et aux créations de postes correspondant à des besoins nouveaux en compétences spécialisées ;

· de leur rémunération, dont la progression suit l'évolution du point d'indice de la fonction publique.

Entre 2019 et 2024, le nombre de fonctionnaires a baissé de 23,7 %, tandis que le nombre de contractuels a plus que doublé.

Source : Annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2024

2. Des investissements désormais financés pour partie par la dotation de l'État

Les dépenses d'investissement s'établissent à 33,02 millions d'euros, soit une hausse de 15,3 % (+ 4, 39 millions d'euros) par rapport à l'exercice précédent. La hausse constatée porte principalement sur les investissements relatifs aux systèmes d'information (+ 1,77 million d'euros) et sur la provision pour dépenses imprévues (+ 1,7 million d'euros), les investissements immobiliers présentant une évolution plus contenue (+ 0,6 million d'euros).

Les principaux projets d'investissement immobilier (23,2 millions d'euros en 2024) concernent la restructuration et la modernisation des troisième et quatrième étages de la zone Colbert au palais Bourbon et de la verrière de la salle Colbert (9,79 millions d'euros), les travaux de restauration de la bibliothèque (4,95 millions d'euros) et la rénovation de l'accueil du public ainsi que la création d'espaces de médiation (2,25 millions d'euros). À compter du prochain exercice, ces projets seront majoritairement financés par la dotation de l'État, à hauteur de 16,45 millions d'euros, afin de limiter le recours au prélèvement sur les réserves (cf. infra).

Les investissements relatifs aux systèmes d'information (7,19 millions d'euros) recouvrent notamment le renouvellement des équipements de réseau en fin de vie (1,4 million d'euros) et des infrastructures de serveurs en fin de vie (0,8 million d'euros). Malgré la hausse relativement significative de ce poste de dépenses par rapport à l'année précédente, son niveau reste comparable au budget qui lui avait été affecté en 2021 (7,62 millions d'euros) et proche de la moyenne de 6,89 millions d'euros constatée sur la période 2019-2023.

3. Une hausse de la dotation de l'État en contrepartie d'un moindre recours aux réserves pour compenser le déficit budgétaire

Les ressources budgétaires de l'Assemblée nationale se composent de la dotation de l'État, de ses réserves et, de manière plus marginale, de recettes propres (1,85 million d'euros en 2024).

Entre 2012 et 2021, la dotation de l'État est restée inchangée à hauteur de 517,9 millions d'euros par an. L'année 2022 a enregistré une première hausse, justifiée par l'octroi d'une dotation exceptionnelle de 34,6 millions d'euros destinée à financer les dépenses liées au changement de mandature (552,5 millions d'euros octroyés en loi de finances pour 2022). En 2023, la dotation a augmenté à nouveau pour s'établir à 571 millions d'euros. Ce montant intégrait notamment, de manière pérenne, l'enveloppe exceptionnelle octroyée pour les élections de 2022, dans le but de couvrir les dépenses de fonctionnement et de limiter le prélèvement sur disponibilités de l'Assemblée nationale.

En 2024, la dotation demandée augmente de 6,42 % pour s'établir à 607,65 millions d'euros. À la différence des années précédentes :

· la dotation est indexée sur l'inflation, à un taux fixé à 2,6 % pour 2024, conformément au programme de stabilité 2023-2027 présenté par le Gouvernement en avril 202321(*) ;

· elle inclut le financement de « la part incompressible des investissements immobiliers » de l'Assemblée nationale, dont le coût a été évalué à 11,5 millions d'euros sur la base des quatre derniers exercices budgétaires, ainsi qu'une dotation exceptionnelle de 4,95 millions d'euros destinée à financer l'opération de restauration de la Bibliothèque. Au global, la part des investissements couverte par la dotation pour 2024 est de 16,45 millions d'euros, soit un peu moins de la moitié (49,8 %) de l'ensemble des dépenses d'investissement prévues l'an prochain, qui s'élèvent à 33,02 millions d'euros.

Le calcul de la « part incompressible des investissements immobiliers »

À compter de 2024, le périmètre de la dotation de l'État inclura, de manière pérenne, les investissements immobiliers « incompressibles », c'est-à-dire les dépenses qui s'avèrent inéluctables chaque année, indépendamment des choix d'investissement faits par les autorités politiques.

Au regard des quatre exercices précédents, ces dépenses incompressibles représentent en moyenne 11,5 millions d'euros annuellement. Elles comprennent notamment les interventions destinées à créer, réparer ou moderniser les installations techniques indispensables au fonctionnement de l'Assemblée, les opérations s'inscrivant dans des obligations ou des objectifs de développement durable, les travaux de sûreté, les opérations courantes telles que la réfection de bureaux, les opérations patrimoniales comme la rénovation du clos et du couvert et la rénovation de bâtiments.

En revanche, ce montant n'inclut pas le reste des investissements, qui demeurent entièrement supportés par l'Assemblée nationale, et non par la dotation de l'État. Ne sont donc pas couverts par la dotation de l'État les projets suivants : restructuration de l'accueil du public (2,5 millions d'euros), investissements informatiques en matériel et en logiciels (7,19 millions d'euros), renouvellement de matériel de cuisine, remplacement d'une partie du parc automobile, achats de matériel photo et vidéo, etc.

Jusqu'en 2023, le montant de la dotation a été fixé au niveau des charges de fonctionnement prévues au budget. Cela signifie qu'en dehors des ressources apportées par les recettes propres de l'Assemblée nationale, dont le montant est structurellement minime, toute dépense d'investissement se traduit mécaniquement par un creusement du solde budgétaire, lequel doit être financé par la trésorerie courante ou, à défaut, comme cela a été le cas ces dernières années, par un prélèvement sur les réserves.

Source : Annexes aux projets de loi de finances depuis 2019

Or, le recours aux réserves pour financer le déficit budgétaire n'est pas soutenable à moyen terme, dans la mesure où celles-ci doivent être préservées pour être mobilisées en cas de situations exceptionnelles ou d'évènements imprévus. En mai 2023, les réserves de l'Assemblée représentaient 210,2 millions d'euros.

Les Questeurs de l'Assemblée nationale ont estimé nécessaire de maintenir le niveau des réserves de l'Assemblée à un minimum de 150 millions d'euros22(*).

L'extension du périmètre de la dotation de l'État à la « part incompressible des dépenses d'investissement » combinée à la maîtrise de l'évolution des dépenses de fonctionnement doit permettre de réduire le montant du déficit budgétaire financé par les réserves. En 2024, le déficit anticipé s'élèverait à 10,55 millions d'euros, contre 26,71 millions d'euros cette année.


* 18 Avance sur frais de mandat (AFM), crédit collaborateur, contributions aux groupes politiques, etc.

* 19 Jusqu'à présent, les dépenses d'investissement étaient intégralement financées par un prélèvement sur les réserves.

* 20 Agents contractuels de la présidence mis à part.

* 21 L'indexation sur l'inflation de la dotation de l'Assemblée nationale à compter de l'exercice budgétaire 2024 a été décidée par le Bureau de l'Assemblée nationale l'an passé lors de l'élaboration du budget 2023, ce dont a pris acte la commission commune des crédits dans son rapport de juillet 2022 et, en conséquence, le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2023. Tel sera également le cas en 2025 et en 2026.

* 22 Ce montant permettrait de garantir le fonctionnement normal de l'Assemblée nationale pendant environ trois mois, étant précisé que le seul coût d'une dissolution est estimé à 50 millions d'euros.

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