B. TRENTE ANS APRÈS LA LOI DE 1966, LE LÉGISLATEUR EST CONDUIT À INTERVENIR POUR TENIR COMPTE DES ÉVOLUTIONS CONSTATÉES

La situation en matière d'adoption a, en effet, particulièrement évolué depuis une quinzaine d'années, sur un plan aussi national qu'international.

1. Sur un plan international, des textes plus protecteurs des droits de l'enfant et définissant de manière plus précise les procédures d'adoptions internationales sont intervenus

a) La Convention internationale sur les droits de l'enfant

Il s'agit, tout d'abord, de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France le 27 juin 1990. Celle-ci dispose, notamment, au premier alinéa de l'article 7 que « l'enfant est enregistré aussitôt dès sa naissance et a, dès celle-ci, le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible , le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ».

Certains 1 ( * ) ont pu s'interroger, à cet égard, sur le contenu à donner à l'expression « dans toute la mesure du possible » et sur l'éventuelle contradiction de cet article 7 avec la pratique de l'accouchement secret. Ils ont considéré que la seule dérogation admissible au droit de connaître ses parents était l'impossibilité matérielle (enfant trouvé). Telle n'est pas l'analyse de votre commission qui estime cette interprétation trop restrictive et la possibilité de secret non remise en cause.

Par ailleurs, les articles 20 et 21 sont spécifiquement consacrés à la protection de l'enfant privé de son milieu familial et à l'adoption. L'article 20 n'infirme d'ailleurs pas la position de votre commission, puisqu'il y est traité de l'enfant, qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial ou qui, dans son propre intérêt, ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l'État. Or, l'accouchement secret a essentiellement pour but de protéger la vie de l'enfant et son intégrité physique.

Les deuxième et troisième alinéas de cet article 20 prévoient des dispositions très souples. La « protection qui remplace le milieu familial peut être le placement dans une famille, mais aussi la « kafala » 2 ( * ) de droit islamique, l'adoption, ou, en cas de nécessité, le placement dans un établissement pour enfants approprié.

Quant à l'article 21, qui traite plus particulièrement de l'adoption internationale, il affirme la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant et demande à ce que les États concernés s'assurent que le consentement à l'adoption a été donné par les parents, en connaissance de cause, que l'enfant ne pouvait, dans son pays d'origine, être placé dans une famille nourricière ou adoptive ou « être convenablement élevé », que, dans son pays d'accueil, il bénéficie de dispositions équivalentes à celles qui existent dans son pays en matière d'adoption, et que son adoption ne donne pas lieu à profit. Il souhaite, enfin, que les placements d'enfants à l'étranger soient effectués par des autorités ou organes compétents.

La Convention de La Haye reprend l'essentiel de ces dispositions et les complète.

b) La Convention de La Haye

En effet, la Convention de La Haye (cf. texte en annexe) de droit international privé du 29 mai 1993, signée par la France en 1994, mais non encore ratifiée, qui est relative à la protection des enfants et à la coopération en matière d'adoption internationale tient compte des principes reconnus par la Convention précédente. Elle définit très clairement les responsabilités respectives des pays d'origine et d'accueil.

Cette Convention rappelle ainsi que les adoptions internationales ont lieu dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Elle mentionne pour l'État d'origine, comme la Convention internationale sur les droits de l'enfant, que l'enfant doit être reconnu adoptable, que toutes autres formes de placement ont dû être examinées, que le consentement a été exprimé librement dans les formes légales, qu'il n'y a pas eu paiement ou contrepartie. Cette convention a, en effet, pour but, entre autres, de prévenir « l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants ».

Du côté de l'État d'accueil, les exigences posées par cette convention sont les suivantes : constater que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter, qu'ils ont été entourés de conseils nécessaires, et que l'enfant sera autorisé à entrer et séjourner de façon permanente dans cet État.

Parallèlement, dans chaque État contractant, sera créée une Autorité centrale -ce que fait le présent texte dans son article 51 afin de satisfaire aux obligations qui lui sont imposées par la Convention. Les autorités, par ailleurs, auront une tâche d'accompagnement du processus de l'adoption. Elles devront, ainsi, « assembler, conserver et échanger des informations relatives à la situation de l'enfant et des futurs parents, faciliter, suivre et activer la procédure en vue de l'adoption, promouvoir dans leurs États le développement de services de conseils pour l'adoption et pour le suivi de l'adoption, échanger des rapports sur les expériences en matière d'adoption internationale et répondre, dans la mesure permise par la loi de leur État, aux demandes motivées d'informations sur une situation particulière d'adoption formulées par d'autres Autorités centrales ou par des autorités publiques.

Cette convention apporte incontestablement pour tous les partenaires de l'adoption internationale des garanties. Il est donc urgent, selon votre commission, que la France la ratifie.

Mais, bien entendu, cette convention, très importante, ne vaudra que pour les États qui l'auront signée.

Ainsi, les enfants 1 ( * ) ressortissant de pays qui ne reconnaissent pas l'adoption ou la prohibent, comme les États musulmans 2 ( * ) ne devraient pas être concernés. De plus, dans la mesure où l'adoption internationale directe sera de plus en plus encadrée dans le cadre de cette convention, certains adoptants pourraient se tourner vers des pays non signataires pour échapper à toute contrainte. C'est l'une des craintes de votre commission. Il conviendra donc d'être vigilant quant aux possibles effets pervers de l'application de cette convention tout à fait nécessaire il faut le rappeler. Cet aspect a été évoqué lors des auditions menées par le rapporteur de votre commission, notamment par le représentant de « Médecins du Monde ».

2. Les évolutions constatées depuis quinze ans en France en matière d'adoption

a) L'inadéquation croissante entre le nombre des personnes agréées et le nombre d'enfants à adopter et l'allongement des délais d'attente

En effet, une constatation s'impose : le nombre des personnes agréées est bien supérieur à celui des enfants adoptables en France et aux visas accordés à des enfants étrangers adoptés par des Français. En 1992, 5.928 agréments ont été délivrés et au 1er janvier 1993, il y avait 13.428 familles ayant un agrément en cours de validité. Il convient, à cet égard, de rappeler que cet agrément est valable cinq ans. Ceci est à mettre en regard avec les 1.355 pupilles de l'État placés en vue d'adoption et les 2.778 visas délivrés pour que des enfants étrangers soient adoptés par des Français. Il y a à peu près 4.000 adoptions prononcées par le juge par an en France. Les futurs adoptants agréés par le Président du Conseil général attendent donc, en moyenne, selon les caractéristiques qu'ils formulent concernant l'enfant qu'ils souhaitent adopter, entre deux et cinq ans, alors qu'ils ont déjà attendu neuf mois pour obtenir l'agrément. C'est donc véritablement bien un « parcours du combattant » que votre commission a à coeur de simplifier et d'entourer de garanties. Elle ne peut que comprendre, dans ces conditions, que les candidats à l'adoption se tournent de plus en plus fréquemment vers l'adoption internationale.

Cette situation est identique dans toute la France. Si l'on se réfère à l'exemple parisien, on peut constater que des placements en vue d'adoption, d'enfants en bas âge, sans particularité, ni handicap, ont été prononcés, fin 1993, au sein de familles ayant été agréées en 1990, voire 1989, ce qui est, bien évidemment, très insatisfaisant.

De plus, les pratiques varient d'un département à l'autre.

b) Des pratiques différentes selon les départements

Ceci est particulièrement évident en matière de refus d'agrément. En 1992, au total, il y avait eu 517 décisions de refus mais les taux de refus oscillaient, selon les départements, entre 0 % dans le Gers ou les deux départements corses et 35,6 % en Seine-Saint-Denis, alors que la moyenne nationale était de 9,1 %. Il y a, donc, manifestement un problème d'harmonisation des pratiques. Il faudrait, selon votre commission, que chacun ait les mêmes chances d'être agréé, quel que soit son lieu de résidence. Elle s'interroge, à cet égard, sur l'influence de la transmission de toutes les décisions relatives aux agréments sur les pratiques précitées prévue par le présent texte. À cela, elle souhaite ajouter la nécessité d'une formation adaptée pour les personnels de l'aide sociale à l'enfance.

c) La baisse importante du nombre de pupilles de l'État et l'interrogation sur les causes de la non adoption des deux tiers d'entre eux

Tout d'abord, il faut rappeler que, globalement, étaient confiés en accueil provisoire à l'aide sociale à l'enfance, 33.000 enfants en 1994. En application d'une décision judiciaire prise au titre de l'assistance éducative, il y avait, toujours en 1994, environ 75.000 enfants. Enfin, se trouvaient, au 31 décembre 1993, date des dernières données disponibles, 3.911 enfants pupilles de l'État, dont, seulement, 1.327 étaient placés en vue d'adoption. Les 2.584 enfants non encore confiés, l'étaient pour différents motifs liés à leur état de santé ou de handicap (32 %), à leur bonne insertion en famille d'accueil (19 %) ou à leur âge (6 %). Ceux-ci vivent à 72 % en famille d'accueil et pour le reliquat en établissement.

Votre commission s'est réellement interrogée, sachant que pour environ 17 % de ces pupilles selon le rapport de M. Mattéi et beaucoup plus selon le rapport « Pascal », on ne connaît pas le motif de cette non adoption (cf. tableau ci-dessous). C'est pourquoi elle a approuvé son rapporteur de demander au Ministre concerné que soit diligentée une enquête sur ce point conduite par l'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS).

Raison de la non adoption des pupilles de l'État

Parallèlement, si l'on examine, au 31 décembre 1993, la ventilation des pupilles de l'État, selon leurs modalités d'admission, on s'aperçoit que les deux sources les plus importantes sont l'article 61-1 du code de la famille et de l'aide sociale, c'est-à-dire les enfants trouvés ou dont la mère a accouché secrètement, soit 36 %, et l'article 61-6 du même code, soit l'application de l'article 350 du code civil, avec la déclaration judiciaire d'abandon, soit 34 %. Les autres sources sont l'article 61-4, c'est-à-dire les orphelins de père et de mère dont la tutelle n'est pas organisée (9 %), le 61-2, c'est-à-dire les enfants expressément remis à l'aide sociale à l'enfance par leurs parents (13 %), le 61-5 c'est-à-dire les enfants dont les parents à qui on a retiré l'autorité parentale, soit 3 % et le 61-3, concernant les enfants dont un seul des parents les a expressément remis à l'aide sociale à l'enfance c'est-à-dire 2 % . À cet égard, il a semblé intéressant à votre commission de vous communiquer, par département, pour les 5 dernières années, les chiffres concernant les enfants trouvés, ceux qui naissent d'un accouchement secret, et ceux qui sont remis à l'aide sociale à l'enfance avec demande de secret (cf tableau ci-dessous extrait du rapport « Pascal »).

Données extraites du rapport « Pascal »

Sur un plan plus général, votre commission ne peut que remarquer que le nombre des pupilles de l'État a décru dans des proportions considérables. Ainsi, s'ils étaient 63.000 en 1949 et encore 24.000 en 1977, ils s'élevaient seulement à 10.400 en 1985 et environ 4.000 en 1993. Cette décroissance s'explique largement par le changement des mentalités et l'évolution de la législation. La loi sur la contraception de 1967, contemporaine de la loi sur l'adoption, et celle relative à l'interruption volontaire de grossesse du 31 décembre 1975 ont fait baisser les grossesses non désirées.

À cet égard, cette évolution ne peut sembler que favorable. Mais par rapport à l'ensemble des enfants bénéficiaires de mesure du fait de l'aide sociale à l'enfance, le nombre total des pupilles de l'État peut apparaître faible.

d) La situation de l'accouchement secret : les enseignements de deux enquêtes

Votre commission, dans sa partie historique, avait souhaité rappeler les différentes dispositions relatives à l'accouchement secret -que le rapporteur de votre commission refuse d'appeler « sous x » qu'il trouve trop péjoratif- au maintien duquel elle est très attachée pour des raisons sanitaires tout d'abord, il faut éviter l'accouchement solitaire et de sauvegarde de l'enfant qui pourrait être abandonné dans des lieux publics, victime de maltraitance ou même d'un infanticide.

Votre commission souhaite également rappeler que ces accouchements sont relativement peu nombreux, 700 à 900 par an sur plus de 700.000 naissances. Sur les cinq dernières années, la moyenne annuelle était de 6 % dont 9,1 % à Paris et 3,8 % dans les Bouches-du-Rhône et les Yvelines. Enfin, la Lozère n'a connu qu'un accouchement secret en cinq ans.

Quant à l'étude des reprises d'enfants nés d'un accouchement secret, elle est difficile à mener dans la mesure où l'on a seulement l'ensemble des rétractations possibles dans un délai de trois mois, ce qui recouvre d'autres cas comme la remise expresse par les parents. Ces chiffres sont donc donnés pour mémoire. 62,1 % des 240 reprises analysées au cours de ces cinq dernières années ont été effectuées au cours du premier mois, 18,3 % se sont produites au cours du deuxième mois et 18,7 % au cours du troisième mois.

Concernant le cas de l'accouchement secret, votre commission a choisi de vous présenter les résultats de deux enquêtes : celle réalisée par la Conseil général de la Loire, sur les abandons d'enfants dans ce département de 1989 à 1994, et celle mentionnée dans le rapport « Pascal » et relative au département de Paris.


L'enquête dans le département de la Loire

Réalisée sur cinq ans, elle porte sur les caractéristiques aussi bien des mères, des pères, mais uniquement à travers les renseignements qu'ont pu donner les mères, ce qui rend les résultats moins fiables, que des enfants concernés.

Comparaison entre l'âge des mères consentant à l'adoption et l'âge des parturientes de la Loire

Consentement à l'adoption dans la Loire (Motivations)

Situation matrimoniale des mères qui consentent à l'adoption

Situation professionnelle de ces mères

Age des mères consentant à l'adoption dans la Loire en 1994 (en %) 1 ( * )

Origine des mères consentant à l'adoption

55 % des mères sont donc d'origine française. La moyenne d'âge est de 25 ans.

39 % de ces mères sont d'origine Nord-Africaine et leur moyenne d'âge est un peu inférieure, soit 23 ans.

Suivi médical pendant la grossesse

On peut donc constater que seulement 35 % des femmes qui ont consenti à l'adoption ont bénéficié d'un suivi régulier et que 23 % ont eu un suivi médical tardif. Enfin, pour 42 %, il n'y a eu aucun suivi. C'est particulièrement le cas, les mères originaires du Maghreb.

La fiabilité des données concernant les pères est plus ténue dans la mesure où elles dépendent des renseignements qui ont été donnés par la mère au moment de la remise de l'enfant au service de l'aide sociale à l'enfance. Elles doivent, donc, être prises avec prudence et réserve.

Age des pères

Origine des pères

Situation professionnelle du père

Pour ceux qui, selon la mère, ont une activité professionnelle, 55 % d'entre eux seraient ouvriers.

État de santé des enfants remis

69 % étaient donc en bonne santé mais 11 % portaient des anomalies mineures et 13 % des handicaps graves (trisomie ou autres). Parmi ces enfants remis, il y avait 54 % de garçons et 46 % de filles.


L'accouchement secret à Paris 1 ( * ) entre 1985 et 1989

De cette étude, un certain nombre d'éléments peuvent être mis en lumière, concernant les mères, tout d'abord. L'âge moyen de ces femmes est de 25,3 ans et seulement 20 % des mères ont moins de 20 ans. 47 % seulement sont françaises ou européennes ce qui est nettement moins que dans le département de la Loire, 34 % sont nord-africaines, 10 % sont africaines ou des départements ou territoires d'outre-mer. 13 % des femmes viennent de l'étranger pour accoucher à Paris, eu égard à son statut de capitale. Ces mères sont, pour 10 % venues des DOM-TOM ou d'Afrique et pour plus des trois quarts d'origine nord-africaines -surtout algériennes. 59,5 % de ces mères sont célibataires, 11 % sont mariées -ce sont essentiellement les mères d'enfants avec handicap- 8,4 % sont séparées, divorcées ou veuves. 4,6 % de ces femmes sont toxicomanes et 4,1 % ont des antécédents psychiatriques.

Si le nombre des accouchements secrets a peu évolué depuis quinze ans, c'est le profil même des mères qui s'est modifié (avec l'accroissement des mères en grandes difficultés psychologiques ou des mères d'origine maghrébine). 32,7 % des femmes considérées avaient caché leur grossesse à leur entourage et 25,7 % n'ont pu obtenir une interruption volontaire de grossesse pour diverses raisons. Quant au suivi médical de la grossesse, pour 29 %, il n'y a pas d'information dans le dossier, pour 16 %, la grossesse a été suivie totalement, pour 14 % elle ne l'a été que pendant les deux derniers mois et pour 41 % elle n'a pas été ou mal suivie, 10 % des naissances l'ont été par césarienne.

Les raisons de la remise de l'enfant étaient à la fois matérielles -un peu moins du tiers des femmes-, culturelles et religieuses pour près d'un quart d'entre elles, essentiellement les mères d'origine maghrébine, et psychologiques (un cinquième des femmes concernées).

On a peu de renseignements concernant les pères contrairement au département de la Loire.

En revanche, la santé des enfants a été étudiée : la proportion d'enfants prématurés et celle d'enfants hypotrophiques étaient plus élevées que les normes nationales. Neuf enfants présentaient un sevrage de drogue, sept étaient séropositifs. Ces derniers sont tous devenus par la suite séronégatifs et quatre ont été adoptés entre quinze et dix-huit mois. Par ailleurs, sans qu'il s'agisse d'accouchement secret, sur quarante enfants trisomiques vingt-et-un ont été confiés en vue d'adoption. On peut noter, à cet égard, que leurs parents appartenaient à des milieux sociaux favorisés dont dix-huit enfants de cadres supérieurs. 2 % de l'ensemble des enfants sont décédés avant d'avoir pu être placés en vue d'adoption, ce qui est un pourcentage non négligeable.

80 % des enfants étudiés ont été adoptés, 13 % repris par leur(s) parent(s), 5 % n'ont pas été adoptés pour des raisons médicales, le reliquat étant les 2 % d'enfants décédés.

Toutefois, le nombre global des accouchements reste à peu près stable depuis une quinzaine d'années. Et on l'a vu, globalement, le nombre des pupilles de l'État a fortement décru, alors que celui des personnes agréées ne cesse de croître. Le seul recours a donc semblé être le développement de l'adoption internationale.

e) Le développement de l'adoption internationale

Ainsi, alors qu'il y a quinze ans l'adoption interne composait les deux tiers des adoptions et l'adoption internationale l'autre tiers, la proportion s'est inversée.

Cette forme d'adoption peut passer par le canal d'oeuvres ou bien être tentée directement par les candidats à l'adoption.

Les oeuvres d'adoption, que le présent texte transforme en organismes agréés pour l'adoption, qui sont une cinquantaine contre moins d'une dizaine dans les principaux pays européens et d'une taille extrêmement variable, ne permettent environ que le tiers des adoptions 1 ( * ) . Elles sont actuellement habilitées et contrôlées par le Ministère des Affaires étrangères par l'intermédiaire de la MAI (Mission à l'adoption internationale). Elles exercent dans 28 pays.

Les deux tiers des adoptions internationales sont donc réalisées directement.

Il faut rappeler, à cet égard, que la France est, en valeur absolue, le deuxième pays d'accueil en matière d'adoption internationale après les États-Unis et le premier en valeur relative. Ce n'est, toutefois, pas un phénomène limité à ces deux pays occidentaux. Les pays d'Europe du nord, comme ceux du sud et le Canada y ont également recours, selon des modalités différentes. Les européens du nord font davantage appel à des organismes, ceux du sud agissent directement. Seule l'Allemagne semble réfractaire à l'adoption internationale.

Au total, sur quinze ans, de 1979 à 1994, près de 34.000 enfants, originaires de 73 pays, ont été adoptés par des familles françaises. Le nombre des pays d'origine s'est considérablement accru au cours de ce laps de temps, passant de 7 à 73. L'évolution des attitudes des pays d'origine a été sensible : certains se sont ouverts à l'adoption tandis que d'autres comme la Corée ou le Sri Lanka se sont fermés. Et si l'Amérique latine était largement majoritaire dans les origines d'adoption, elle est maintenant quasiment rejointe par l'Asie avec en particulier le Viêt-Nam. Ainsi que le notait le rapport Mattéi, l'adoption internationale est une adoption à « géographie variable ».

À titre d'exemple, en matière d'adoption internationale, votre commission souhaite évoquer le cas de Paris où, en dix ans, le nombre de ces adoptions a cru de moitié (passant de 79 à 119 de 1984 à 1993). L'analyse des pays concernés confirme l'analyse générale que vient de mener votre commission.

En dix ans, bien que les enfants concernés proviennent globalement d'une cinquantaine d'États, la moitié d'entre eux sont originaires de quatre pays dont trois sont situés en Amérique du sud (le Brésil avec 22,5 % des adoptés, la Colombie 13 %, le Chili 8 %) et le quatrième était le Viêt-Nam avec 8 % . Viennent ensuite la Corée et la Roumanie avec chacune 6 %. Quant aux enfants adoptés en Europe, soit 14 % du total, ils l'ont presque tous été dans les ex-pays de l'Est, surtout en Roumanie et en Pologne.

Toutefois, la répartition des enfants par pays d'origine s'est modifiée avec le temps : tandis qu'en 1984, l'Amérique latine était très largement majoritaire avec 61 % des adoptés, elle est désormais pratiquement rejointe par l'Asie d'où proviennent 44 % des adoptés contre 45 % pour l'Amérique. Par ailleurs, certains pays se sont pratiquement fermés à l'adoption : la Corée n'a confié que 9 enfants depuis 1988 contre 52 pendant les quatre années précédentes ; de même le Chili et la Roumanie ont procédé de manière identique à partir de 1992, alors qu'en 1991 encore, 19 petits Chiliens et 13 petits Roumains étaient confiés à des parents adoptifs parisiens. En revanche, un pays comme le Viêt-Nam a ouvert ses portes à l'adoption internationale et est maintenant devenu le pays d'origine du plus grand nombre des nouveaux adoptés, devançant désormais le Brésil. Enfin, d'autres pays comme le Salvador, le Sri-Lanka ou la Russie ont eu des attitudes variables, selon les années, confiant à certaines périodes un nombre important d'enfants.

Votre commission a noté, enfin, que si la France est un pays d'accueil, elle est également, quoique d'une manière très marginale, un pays d'origine. Ainsi, elle a remarqué qu'un certain nombre d'enfants trisomiques qui ne trouvaient pas à être adoptés dans notre pays l'ont été par des Belges. De même, des Américains ont adopté des petits Polynésiens. Sur le cas particulier de la Polynésie et des problèmes qu'y pose le droit de l'adoption, votre commission vous invite à vous reporter au rapport n° 295 de M. Luc Dejoie, rapporteur de la commission des Lois, qui y consacre un long développement (p. 36 et 37).

Après avoir brossé ce rapide tableau de l'adoption en France, votre commission souhaite rappeler les points saillants du texte et exposer les principes qui ont guidé son analyse ainsi que les principales propositions de modifications qui en découlent.

* 1 En particulier, Pierre Verdier, dans nombre de ses ouvrages ou articles.

* 2 Qui n'entraîne ni création de liens de filiation avec la famille d'accueil, ni rupture avec les parents naturels.

* 1 C'est, en France, notamment, le cas de petits Marocains ou Algériens.

* 2 Cf. le verset 4 de la Sourate 33 du Coran « De vos enfants adoptifs, il (Allah) n'a point fait vos fils ». Toutefois, la Tunisie reconnaît l'adoption mais uniquement pour les Musulmans.

* 1 Source : Étude sur les Abandons d'enfants dans le département de la Loire de 1989 à 1994.

* 1 La source est le rapport dit « Pascal » mais l'étude a été réalisée en 1993 par Annick Dumaret et Dominique-Jeanne Rosset sur « l'Abandon d'enfant à Paris »

* 1 Sur le plan interne, leur action est encore moins importante puisqu'elles n'interviennent plus que pour une centaine d'enfants placés alors qu'elles en confiaient 2.500 en 1962.

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