B. L'EFFORT BUDGÉTAIRE SE CONCENTRE PROGRESSIVEMENT SUR L'AIDE À L'EMPLOI DANS LE SECTEUR MARCHAND

1. A une politique de l'emploi fondée sur la diversité des modes d'intervention...

Jusqu'au milieu de l'année 1993, la politique de l'emploi faisait appel à une multiplicité d'instruments permettant à l'État d'intervenir dans des domaines très variés, s'ajoutant à deux dispositifs très lourds d'un point de vue budgétaire. Si l'on compare, en effet, la structure des budgets entre 1988 et 1993, voire 1994, on constate une certaine permanence des actions privilégiant plus ou moins volontairement les dépenses passives d'indemnisation et de retrait d'activité : 31 milliards en 1990, 33 milliards en 1991. Ces dépenses sont du même ordre de grandeur en 1994 ou 1995, car elles sont difficilement compressibles, mais elles figurent dans des budgets sensiblement en hausse.

A côté, coexistent de très nombreuses actions, beaucoup moins dotées, dont pour certaines, l'efficacité n'est pas toujours démontrée, mais qui relèvent d'une sorte de culture d'intervention de l'État, lui permettant de piloter ou de contrôler des dispositifs dont la responsabilité principale incombe à d'autres.

a) Les grands axes de la politique de l'emploi

Au cours de ces six années qui ont vu se succéder trois plans emplois et de nombreuses lois modifiant le droit du travail, la politique de l'emploi a reposé sur trois grands axes : mettre en place les conditions d'une croissance riche en emploi en levant les obstacles à la création d'emploi, faire coïncider les formations avec les besoins des entreprises et intensifier la lutte contre l'exclusion et le chômage des populations les plus vulnérables.

La recherche d'une croissance plus riche en emploi a fait appel à une multiplicité de dispositifs :

- Accompagnement de la modernisation et de la restructuration des entreprises

Il s'agit de dispositifs d'aide au départ dans le cadre des préretraites FNE à temps plein et des préretraites progressives ou, pour les salariés plus jeunes, d'aide à la mobilité ou à la reconversion : conventions de conversion, congés de conversion ou cellules de reclassement.

A côté de ces dispositifs coûteux de réduction des effectifs, la politique de l'emploi est intervenue pour faciliter l'accès au conseil (chèque conseil pour les PME-PMI) et pour favoriser la flexibilité interne du travail. Ainsi en 1989, des mesures d'aménagement du temps de travail ont été proposées en contrepartie d'une accélération du régime d'amortissement des matériels. C'est la politique de modernisation négociée. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour faciliter l'autofinancement des PME.

L'État participe également à l'indemnisation du chômage partiel afin de préserver l'emploi et l'outil de travail, face à des difficultés considérées comme passagères.

- Incitation à l'embauche et à la création d'emploi

Bien que faisant l'objet d'études contradictoires et de débats, le poids des charges sociales, notamment sur les bas salaires, est progressivement apparu comme un obstacle à l'emploi. Les politiques d'incitation à l'embauche par l'abaissement, en général temporaire, des charges sociales et l'atténuation des effets de seuil ont été nombreuses : révision des taux de cotisations d'allocations familiales et d'accidents du travail, création de fonds régionaux d'aide aux initiatives locales pour l'emploi, aide accompagnée d'exonération aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, puis à plus grande échelle, exonération de charges pour l'embauche d'un premier salarié, voire d'un deuxième et d'un troisième dans les zones rurales défavorisées et création d'une « exo-jeune  » pour les jeunes sans qualification réfractaires à toute formation. L'abattement de charges patronales de 30 % pour le temps partiel, institué en 1992, participe d'une double démarche : inciter à l'embauche par l'abaissement du coût du travail et favoriser la flexibilité du travail : c'est également dans ce dessein qu'une réforme du travail temporaire est intervenue en 1989, l'intérim s'étant développé de façon importante entre 1985 et 1989.

L'allégement du coût du travail visait essentiellement le potentiel d'emploi des petites entreprises et les professions libérales. Un autre gisement résidait dans des emplois familiaux : une politique d'incitation à l'embauche (et au blanchiment des emplois clandestins) en direction des particuliers, consistant en une déduction fiscale partielle et plafonnée du coût de l'emploi permettant de solvabiliser l'offre d'emploi a été mise en oeuvre à partir de 1992 avec un succès immédiat.

- Recherche des offres d'emplois non satisfaites et des besoins potentiels

De nombreuses actions ont été lancées, souvent à caractère expérimental, pour identifier les pénuries de main d'oeuvre, notamment dans un cadre régional avec la mobilisation des acteurs régionaux par les préfets et surtout le renforcement des moyens et la redéfinition des missions de l'ANPE, à la suite de la signature de deux contrats de progrès depuis 1990.

Le deuxième axe de la politique de l'emploi vise à adapter les formations aux besoins des entreprises. Cet objectif est véritablement apparu en 1990. Auparavant, diverses formules s'adressaient aux jeunes et aux chômeurs de longue durée, TUC, SIVP, contrats aidés, programmes d'initiatives locales, activités d'intérêt général du RMI, etc. En 1988, en raison d'une certaine dérive de ces dispositifs, considérés comme fournissant de la main d'oeuvre à coût moindre, ceux-ci sont modifiés pour y insérer davantage de formation. Puis, en 1989, ils sont fusionnés en deux nouveaux contrats : le contrat emploi-solidarité (CES) et le contrat de retour à l'emploi (CRE), et en une allocation d'insertion et de formation (AIF). Pour les jeunes sans qualification est créé le crédit formation individualisée (CFI), instituant un parcours individualisé faisant appel aux dispositifs de formation et d'insertion existants.

Mais au cours de ces années, une autre priorité apparaît, en grande partie justifiée par le fait qu'il faut pallier les carences de l'Éducation nationale qui laissent de 120.000 à 140.000 jeunes sortir chaque année du système éducatif sans aucune qualification et que les entreprises (une sur deux) éprouvent des difficultés à recruter ; on s'oriente alors vers la prospection systématique des besoins des bassins d'emploi, sous forme de diagnostic-action, tout en créant 50.000 stages d'accès à l'emploi. En outre, le CFI est étendu aux adultes demandeurs d'emploi et les handicapés entrent dans le dispositif des CRE. Le système de formation professionnelle qui privilégiait l'individu et l'éducation permanente depuis 1971 change officiellement d'orientation avec l'accord du 3 juillet 1991 : les formations doivent maintenant correspondre aux besoins des entreprises. Il y a là un changement de mentalité particulièrement important.

A partir de 1991, la politique de formation professionnelle s'articule autour de deux axes : le renforcement du lien emploi-formation et le centrage des aides et des dispositifs relevant de l'État sur les catégories les plus en difficulté. Ainsi, en juillet, est lancée, par les préfets, une consultation des milieux socio-économiques, afin de mieux connaître leurs besoins de recrutement et les gisements potentiels d'emplois. Cet inventaire sera poursuivi par l'ANPE. Parallèlement, on constate un recours toujours plus grand aux entreprises dans le cadre des formations en alternance, y compris de la part de l'Éducation nationale. En outre, l'apprentissage, qui est le prototype même de la formation en alternance, suscite un regain d'intérêt : un plan de rénovation est élaboré dès 1989, puis relancé en 1991. Malheureusement, l'élan retombe assez vite en se heurtant aux pesanteurs de l'Éducation nationale qui y voit un concurrent dangereux. La loi du 17 juillet 1992 a cependant donné une nouvelle impulsion à l'apprentissage, notamment en octroyant aux régions les moyens financiers nécessaires à la mise en place de formations adaptées aux besoins locaux. Elle a également introduit l'apprentissage dans le secteur public.

Simultanément, les aides de l'État aux CRE sont réservées aux chômeurs de longue durée et, en septembre, sont créés les carrefours jeunes qui rassemblent tous les acteurs locaux concernés par l'insertion de jeunes ; pour tenir compte de la diversité des situations, le CFI est renforcé tandis que sont créés le contrat d'orientation, qui remplace le SIVP, et le contrat local d'orientation, sorte de pré-CES. A ces contrats, sont associés des bilans de compétences, formule progressivement généralisée. Les jeunes refusant toute formation ne sont pas oubliés puisqu'est instituée l'exo-jeunes destinée à insérer dans le monde du travail des jeunes réfractaires à toute formation, en espérant que le contact avec l'entreprise leur fera prendre conscience de la nécessité d'une formation.

1992 est l'année où sont mis en oeuvre ces nouveaux dispositifs. S'y ajoute le programme de préparation active à la qualification et à l'emploi (PAQUE), institué à titre expérimental lors du conseil interministériel du 8 janvier, et destiné aux jeunes dont le niveau est insuffisant pour entrer en CFI.

Au cours de ces années, on constate qu'à niveau équivalent les formations dans le secteur marchand sont plus favorables à l'emploi que dans le secteur non-marchand. Le contrat de qualification se développe et, pour favoriser l'apprentissage, la loi de finances pour 1993 institue un crédit d'impôt pour tout accroissement des dépenses d'apprentissage, dispositif élargi dès juillet 1993 à chaque embauche d'apprenti.

A titre d'incitation, ces dispositifs bénéficient d'exonérations de charges sociales et d'aides sous forme de primes plus ou moins avantageuses.

Par ailleurs, l'État participe à de nombreux dispositifs en faveur des adultes actifs au chômage, avec par exemple les stages du FNE (stages pour les cadres, stages de reclassement professionnel ou d'accès à l'emploi), ou le programme national du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale destiné, sur le long terme, à participer à l'adaptation des actifs à l'évolution des techniques et des qualifications.

L'État a également souhaité aider les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, alors qu'elles prenaient conscience de l'intérêt de la formation ; il a ainsi institué une aide au remplacement du salarié parti en formation et surtout transposé dans la loi les accords des partenaires sociaux de 1991 et 1992, prévoyant notamment l'extension du dispositif de formation continue aux entreprises de moins de dix salariés.

Troisième axe de la politique de l'emploi : la lutte contre l'exclusion des catégories les plus vulnérables. On retrouve là les principaux dispositifs déjà évoqués, tels que les CES, les CRE ou différents stages, qui, au fil des ans ont été progressivement recentrés sur les personnes les plus en difficulté, chômeurs de longue durée d'un an, puis de deux, allocataires du RMI, jeunes sans qualification, handicapés, femmes isolées, détenus libérés, etc.

Ces contrats aidés bénéficient également d'exonérations, de primes ou de prise en charge d'une partie de la rémunération ainsi que d'une aide à la formation, cette dernière restant cependant, le plus souvent, facultative.

Des programmes spécifiques sont élaborés, comme le programme 900.000 CLD mis en oeuvre en 1992 avec le concours de l'ensemble du service public de l'emploi (ANPE, missions locales, préfets...).

Un autre volet de la lutte contre l'exclusion consiste à encourager financièrement les initiatives d'insertion par l'économique, avec les entreprises d'insertion ou les associations intermédiaires, créées en 1987, tout en veillant à organiser et à adapter le cadre juridique de leur activité de telle sorte qu'elles ne génèrent pas de distorsion de concurrence.

Enfin, on observera que la politique de lutte contre l'exclusion a parfois été utilisée, quel qu'ait été le Gouvernement, comme moyen de traitement statistique du chômage, consistant à augmenter les dotations afin de multiplier les contrats sans trop se préoccuper de la durabilité de l'insertion : cela vise les « stages parking  », mais aussi certains CES...

b) Les évolutions

Au cours des six années prises en référence, la politique de l'emploi s'est inscrite dans une continuité évidente. Seules, les dotations ont varié en fonction des impératifs du moment. L'usure des mesures ou leur utilisation détournée des objectifs initiaux ont obligé cependant le législateur à intervenir pour resserrer les dispositifs, voire les remplacer par d'autres afin de relancer l'intérêt que leur porte les entreprises. Régulièrement, les mesures s'étant accumulées par strates successives, au mépris de toute lisibilité, on efface tout ou partie et on recommence.

Toutefois, derrière cette apparente stabilité, se cachent des évolutions profondes et anciennes qui ne recevront leur véritable consécration juridique qu'au cours du deuxième semestre 1993 : c'est tout d'abord l'idée que les solutions véritables à l'emploi ne peuvent être trouvées qu'au plus près du terrain ; c'est ensuite la constatation que la croissance, en France, n'est pas suffisamment créatrice d'emplois, et qu'il convient de lever certains obstacles d'ordre structurel qui freinent l'embauche.

C'est pourquoi, dans la palette d'instruments, on trouve les aides à la prospection d'emploi dans un cadre régional, l'implication progressive des acteurs locaux et les incitations sous forme d'exonération, de primes et d'aménagements juridiques, comme la neutralisation des effets de seuil, en faveur des entreprises, notamment pour accueillir les jeunes dans le cadre de l'alternance.

Les obstacles structurels à la reprise de l'emploi ayant été identifiés comme étant le coût trop élevé du travail et les difficultés d'aménagement du temps de travail, la politique de l'emploi a consisté à alléger les charges sociales et à introduire une certaine flexibilité du travail avec le temps partiel ou le travail temporaire.

Mais la plupart de ces aides étaient limitées dans le temps et accordées en contrepartie de formation ou pour favoriser l'insertion de personnes peu opérationnelles.

La loi du 27 juillet 1993 a pris acte de ces évolutions en engageant une réforme structurelle des prélèvements obligatoires.

2. ... succède une politique privilégiant l'insertion dans le secteur marchand par un allégement du coût du travail et l'assouplissement du cadre juridique de l'exécution du contrat de travail

a) Mesures d'urgence et plans emploi rythment la lente évolution du code du travail

Le premier pas vers une réforme structurelle des prélèvements obligatoires a été franchi par la loi du 27 juillet 1993 relative au développement de l'emploi et de l'apprentissage, qui a mis en place la budgétisation progressive des cotisations d'allocations familiales assises sur les bas salaires, financée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Cette innovation était accompagnée de mesures plus classiques appartenant à la palette traditionnelle : augmentation du nombre de CES, reconduction de l'exo-jeunes, revalorisation de l'indemnité de chômage partiel, versement UNEDIC en quasi cessation de paiement, dotation expérimentale d'insertion à l'intention des départements, et incitation au développement des formations en alternance, notamment de l'apprentissage.

La loi quinquennale sur l'emploi du 23 décembre 1993 a repris et organisé dans le temps la budgétisation des cotisations d'allocations familiales et a proposé de nombreuses mesures d'encouragement à l'emploi en favorisant le cumul et la multiplication des exonérations (temps partiel, premier, deuxième et troisième salariés), en prévoyant des incitations pour le salarié (assiette temps plein pour les cotisations retraite dans le cadre du temps partiel, indemnité différentielle pour les chômeurs qui reprennent un travail moins rémunéré) et en allégeant les contraintes administratives par l'instauration d'un chèque-service. La loi quinquennale, outre qu'elle a réorganisé certains contrats d'insertion (création des contrats d'insertion professionnelle et réorientation du CRE), a innové dans deux domaines : d'une part, elle a allégé certaines contraintes du code du travail en réorganisant, pour les petites entreprises, la représentation du personnel, en ouvrant des possibilités d'annualisation du temps de travail et en incitant à la réduction négociée du temps de travail par des avantages financiers et un alourdissement du régime des heures supplémentaires ; d'autre part, elle a consacré juridiquement l'implication progressive des élus et des acteurs locaux dans le domaine de la formation en décentralisant au niveau régional la formation qualifiante des jeunes et en confiant par voie conventionnelle, aux régions volontaires, les formations pré-qualifiantes.

Ce rapprochement des acteurs locaux a conduit à encadrer les dispositifs dont ceux-ci disposent : c'est notamment le cas de la collecte et de la gestion des fonds de la formation professionnelle.

Par ailleurs, de nombreux autres dispositifs visent à susciter de nouveaux types d'emplois : par exemple, dans le cadre des groupements d'employeurs ou des aides à l'essaimage.

Dès lors une dynamique est lancée qui se déploie dans deux directions : l'allégement du coût du travail dans le secteur marchand et la délégation aux élus locaux (formation et prospection) et aux partenaires sociaux (assouplissement du droit du travail) d'un volet important de la politique de l'emploi.

Cette évolution fondamentale ne signifie pas pour autant l'abandon de la palette traditionnelle des outils de la politique de l'emploi. Ceux-ci continuent à être régulièrement modifiés, rénovés ou réorientés.

C'est ainsi que, pour s'en tenir aux seules lois ayant un lien direct avec la politique de l'emploi ( ( * )12) , la loi « Madelin  » du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle contient des dispositions visant à alléger certaines contraintes du droit du travail d'ordre administratif et à inciter au développement de l'entreprise individuelle en améliorant son statut et sa sécurité juridique ; la loi du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés institue un contrat épargne-temps dont l'intérêt est manifeste dans le cadre de l'aménagement du temps de travail ; par ailleurs les lois de finances, initiales et rectificatives, non seulement dégagent les moyens financiers, mais également ouvrent des perspectives nouvelles, notamment dans le domaine de la formation professionnelle : on citera la création, la suppression ou le renouvellement de primes, la fongibilité des fonds de l'alternance, ou la redéfinition de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise (loi de finances rectificative 1995). La loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a pris acte du retrait du contrat d'insertion professionnelle (CIP) et la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social est venue réaménager de nombreux dispositifs, pour coordonner la durée des CRE avec l'allongement de la durée de cotisations requise pour une retraite à taux plein, pour réaménager le champ d'intervention des associations intermédiaires, pour renforcer la politique de lutte contre l'exclusion avec les emplois consolidés, pour contrôler et évaluer la formation professionnelle avec la création d'une commission nationale des comptes de la formation professionnelle et l'institution d'un agrément des organismes dispensateurs de formation, pour améliorer et assouplir les dispositifs d'aménagement du temps de travail dans le cadre de l'annualisation ou pour préciser certaines procédures liées au contrat de travail, etc.

Après que la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a élargi le dispositif d'exonération de charges sociales pour les premier, deuxième et troisième salariés jusqu'au cinquantième salarié des entreprises situées en zones prioritaires, le plan d'urgence pour l'emploi de l'été 1995 est venu considérablement renforcer la politique d'allégement du coût du travail. Deux lois ont été promulguées le 4 août 1995, l'une institue le contrat initiative-emploi, en remplacement du CRE, qui vise à réinsérer les chômeurs de longue durée grâce à un double dispositif d'exonération et de prime, l'autre met en place un dispositif d'allégement des charges patronales sur les bas salaires, reconduit les aides aux contrats d'apprentissage et de qualification et transpose l'accord des partenaires sociaux du 26 juillet 1995 portant sur la répartition des fonds de l'alternance entre les branches et les régions, afin de régler le problème des « collectes captives  ».

Le projet de loi de finances pour 1996 renforce le dispositif de réduction du coût du travail puisqu'il fusionne l'allégement de cotisations d'allocations familiales et l'allégement de charges sociales sur les bas salaires. En additionnant tous les dispositifs d'allégement on constate que sur un budget total consacré au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de 138 milliards, plus de 53 milliards sont consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales, ce qui ne traduit qu'imparfaitement la place de cette mesure puisque de nombreux dispositifs ne donnent pas lieu à compensation ( ( * )13) . Les exonérations non compensées se chiffreraient, selon l'ACOSS, à 13,2 milliards.

En conséquence, les autres dispositifs de l'emploi, dans un contexte de rigueur, voient, pour la plupart, leurs dotations diminuer. Cela traduit également une amélioration de la situation, par exemple pour le chômage partiel ou les reconversions, mais s'inscrit aussi dans une « logique de décentralisation  », qui permet à l'État de se désengager juridiquement puis financièrement lorsque la charge augmente au regard des ressources transférées.

On constate donc un certain retrait de l'État en terme d'organisation, mais non en termes financiers.

Ce désengagement juridique au profit d'autres acteurs, annoncé et mis en oeuvre par la loi quinquennale, peut s'analyser comme la réponse à la nécessaire adaptation aux réalités du terrain et de l'entreprise et trouve son illustration dans la multiplication des accords novateurs signés par les partenaires sociaux.

Ainsi, l'accord du 8 juin 1994 institue des formes expérimentales d'intervention particulière du régime d'assurance chômage, les conventions de coopération, dispositif préféré par les partenaires sociaux à l'allocation différentielle prévue par la loi quinquennale. Le dispositif a été modifié, pour le rendre plus attractif, par un avenant du 6 juillet 1995.

Plus récemment, le 5 juillet 1995, les partenaires sociaux on créé un fonds paritaire d'intervention pour financer le départ de salariés ayant cotisé 40 ans et plus en contrepartie d'embauches équivalentes. 100.000 emplois en sont attendus.

Des dispositions législatives sont nécessaires pour la mise en oeuvre des deux accords (loi du 4 février 1995 et projet de loi en instance d'examen).

Ces deux accords participent de la politique d'allégement du coût du travail. Les dispositifs ainsi mis en oeuvre sont temporaires.

Plus novateurs sont les deux accords du 31 octobre 1995 : l'un comporte un certain nombre de dispositions relatives à la réduction et à l'aménagement du temps de travail sur l'année, au repos compensateur lié aux heures supplémentaires, au travail à temps partiel, aux conditions de travail et au compte épargne-temps. Il s'agit d'une incitation à la négociation au niveau des branches professionnelles. Cet accord se situe donc dans la voie tracée par la loi quinquennale.

Le second accord du même jour concerne la mise en oeuvre d'un dispositif expérimental applicable pendant trois ans permettant la négociation et la conclusion, sous certaines conditions, d'accords collectifs dans les entreprises ne comportant pas de délégués syndicaux. Des aménagements législatifs seront également nécessaires.

Il apparaît donc qu'une part de la politique de l'emploi glisse vers le conventionnel ; celui-ci n'est plus seulement appelé à régir les relations entre employeurs et salariés, mais devient un instrument au service du développement économique et de l'emploi, ce qu'il n'était que très épisodiquement.

Il n'est pas indifférent d'observer, à cet égard, que cette évolution annoncée depuis longtemps mais qui accède aujourd'hui aux premiers rangs de la politique de l'emploi, intervient au moment où il est reconnu que la croissance n'est plus suffisante à elle seule pour relancer l'emploi. Cette politique est aussi moins onéreuse pour l'État, qui garde cependant un rôle d'impulsion, de contrôle et de sauvegarde de l'intérêt général.

b) Bilan des mesures destinées à alléger le coût du travail

L'allégement du coût du travail visait depuis plusieurs années deux objectifs essentiels : la création et la promotion de l'emploi d'une part, l'aide à la flexibilité du travail d'autre part. L'institution du contrat initiative-emploi, qui repose sur une réduction massive du coût du travail, y a ajouté un objectif de lutte contre l'exclusion et de réduction de la fracture sociale.

Tableau 9

Comparaison du coût des emplois bénéficiant d'exonération et d'aides avec le coût des emplois de droit commun

NB :

(1) La baisse du coût du travail est mesurée en proportion du coût total d'un emploi équivalent non aidé.

(2) Dans le cas du CE-RMI, du CIE et de l'APEJ, où une aide forfaitaire et accordée, celle-ci est répartie sur la durée attendue du contrat pour un niveau de salaire moyen des bénéficiaires de la mesure.

(1) La création et la promotion de l'emploi

(a) L'allégement de cotisations sociales sur les bas salaires.

Deux dispositifs distincts, qui seront fondus en un seul par l'article 69 du projet de loi de finances, concourent à cet allégement de charges.


• L'allégement des cotisations d'allocations familiales.

La loi du 27 juillet 1993 a engagé l'allégement des charges patronales par une budgétisation des cotisations d'allocations familiales portant sur les salaires inférieurs à 1,2 SMIC. La loi quinquennale a étendu graduellement la mesure d'exonération à des salaires plus élevés (jusqu'à 1,6 SMIC en 1998), et prévoit, lorsque l'employeur crée ou reprend une entreprise, une exonération totale dès 1994 pour les salaires jusqu'à 1,6 SMIC. Cette exonération a concerné en 1994 plus de 3,5 millions de salariés et a représenté un allégement de charges annuel de 11,4 milliards pour les employeurs.

L'allégement correspond environ à une baisse de 3,4 % du coût total du travail et de 5 % de baisse des charges.

En 1995, 16,9 milliards étaient inscrits à ce titre (plafonds à 1,2 SMIC et 1,3 SMIC) et 4,6 millions d'emplois sont concernés. Si le mécanisme s'était appliqué comme il était prévu, en 1996, 5,7 millions d'emplois auraient bénéficié de l'exonération.


• L'allégement de charges sociales sur les bas salaires

La loi n° 95-882 du 4 août 1995 (mesures d'urgence) a créé une réduction de cotisations patronales de sécurité sociale pour les emplois dont la rémunération est inférieure à 1,2 SMIC. Cette réduction est dégressive de 800 francs pour une rémunération au niveau du SMIC à 0 franc pour une rémunération de 1,2 SMIC et au-delà.

L'allégement du coût du travail qui en résulte est de 9,2 % au niveau du SMIC, et de 4,2 % au niveau de 1,1 SMIC.

Cette réduction de charges est cumulable avec l'abattement de cotisations pour les salariés à temps partiel et l'exonération des cotisations d'allocations familiales.

Environ 3,5 millions de personnes sont concernées. 5,4 milliards étaient prévus par la loi de finances rectificative pour 1995.

Les décrets pris en application de la loi étant parus le 26 août 1995 et l'application effective au 1er septembre, aucun bilan de la mesure n'a pu être établi à ce jour.


• La fusion, à titre expérimental, des deux dispositifs (art. 69)

Lors de l'examen du projet de loi instituant la ristourne dégressive de cotisations patronales de sécurité sociale, il avait été dit que le gouvernement étudiait, pour simplifier la mise en oeuvre des dispositifs, la possibilité de les fondre en un seul ; c'est ce que fait l'article 69 du projet de loi de finances, rattaché aux crédits du ministère.

Sur le principe de la simplification des dispositifs, votre commission ne peut qu'émettre un avis favorable. En revanche, elle s'interroge sur son articulation avec les réformes structurelles en cours, budgétisation progressive des cotisations d'allocations familiales et nouveau rôle confié au Parlement en matière de financement de la sécurité sociale, alors que l'abaissement des charges sociales sur les bas salaires reste, dans son mécanisme, conjoncturel. Le débat sur la réforme de la fiscalité devrait permettre de clarifier ce point. Néanmoins le lancement de réformes modifiées quelques mois après, introduit un facteur d'incertitude pour les entreprises, soucieuses de « lisibilité  », préjudiciable à l'efficacité des mesures.

L'article 69 unifie, à titre expérimental, l'abattement famille et la ristourne dégressive à compter du 1er juillet 1996 et jusqu'au 31 décembre 1997. En conséquence, il suspend, en 1996 et 1997, le processus de fiscalisation progressive des cotisations familiales défini par la loi quinquennale du 20 décembre 1993. Dans un souci d'équilibre financier, les seuils d'exonération de cotisations d'allocations familiales restent fixés au 1er janvier 1996 à 1,2 et 1,3 SMIC au lieu de passer à 1,3 et 1,4 SMIC. Le dispositif fusionné sera dégressif jusqu'à 1,34 SMIC selon un barème fourni par l'administration ou calculé selon la formule présentée en juillet dernier. Le cumul des deux dispositifs aurait coûté 5 milliards de plus que ce que prévoit le budget 1996 (36,5 milliards inscrits au budget des charges communes, soit 8,75 milliards au titre de l'abattement famille pour le 1 er semestre et 27,75 au titre de la ristourne).

Le paragraphe I reporte de deux ans l'application des seuils de 1,3 SMIC et suivants de l'abattement famille à taux plein mentionnés à l'article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, et de 1,4 SMIC et suivants pour l'abattement à 50 %.

Le paragraphe II précise que le dispositif fusionné, déterminé par les paragraphes suivants, s'applique du 1er juillet 1996 au 31 décembre 1997.

Le paragraphe III modifie l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale résultant de la loi du 4 août 1995 (mesures d'urgence) pour faire passer le plafond au-delà duquel il n'y a plus de ristourne de 1,2 SMIC à 1,34 SMIC au 1er juillet 1996.

On rappellera que la formule est :

(P - R) x 0,64 où P est le plafond et R la rémunération brute

Avec un SMIC de 6.250 F, la formule actuelle est :

[(6.250 x 1,2) - R] x 0,64 ou (7.500 - R) x 0,64 ou 4.800 - 0,64 R

Elle devient :

[(6.250 x 1,34) - R] x coefficient ou (8.375 - R) x coefficient

La ristourne maximum, de 800 F, passera à 1.137 F, correspondant aux 800 F actuels augmentés de 337 F d'abattement famille. Le coefficient fixé par décret devrait donc être de 0,535.

Le deuxième alinéa du paragraphe III précise que ce dispositif ne se cumule pas avec l'abattement famille (art. L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale), ni avec tout autre exonération, sauf l'abattement de 30 % pour le temps partiel, dans un but d'incitation.

Les paragraphes suivants traitent de cas particuliers.

Le paragraphe IV concerne les entreprises situées dans les zones de revitalisation rurale. L'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale issu de la loi du 4 février 1995 (aménagement du territoire) prévoyait un dispositif d'exonération de cotisation d'allocations familiales pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,5 SMIC et un abattement de 50 % pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,6 SMIC.

Le présent paragraphe, qui réécrit l'article L. 241-6-2 maintient ce dispositif sauf pour les rémunérations inférieures à 1,21 SMIC qui se verront appliquer le dispositif nouveau de ristourne dégressive, plus avantageux pour cette tranche de rémunération.

La nouvelle rédaction de l'article L. 241-6-2 définit le champ des employeurs concernés. On y retrouve les employeurs assujettis à l'obligation de cotiser à l'assurance chômage et les employeurs du secteur public et parapublic mentionnés au 3e de l'article L. 351-12 du code du travail ; la Poste, France Télécom, les employeurs cotisant à un régime spécial de sécurité sociale et les particuliers employeurs en sont exclus.

Enfin, il est précisé que ce dispositif ne peut se cumuler avec un autre dispositif d'exonération, à l'exception de l'abattement temps partiel.

Le paragraphe V concerne les entreprises considérées comme nouvelles au sens de l'article 44 sexies du code général des impôts. La loi quinquennale du 23 décembre 1993 (art. 7) avait institué un dispositif très favorable d'allégement de cotisations d'allocations familiales, anticipant sur le régime alors prévu pour 1998. Afin de favoriser les bas salaires, il est ici proposé de faire application du dispositif prévu pour les entreprises situées en zone de revitalisation rurale : dispositif fusionné jusqu'à 1,2 SMIC, abattement famille à plafond majoré au-delà.

Le paragraphe VI vise à coordonner l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale avec le nouveau dispositif, en supprimant la mention du cumul possible avec l'abattement famille. En outre, il étend aux salariés agricoles le dispositif de la ristourne unique dégressive.

Le paragraphe VII insère dans le code de la sécurité sociale un article L. 711-13 nouveau renvoyant à un décret en Conseil d'État les modalités d'application spécifique, de la ristourne unique dégressive aux employeurs relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale des mines et des employés et clercs de notaires pour les salariés affiliés à ces régimes, jusqu'ici non concernés.

Enfin, le paragraphe VIII insère dans le code de la sécurité sociale un article L. 241-6-4 pérennisant à compter du 1er juillet 1996 le dispositif d'exonération de cotisations familiales pour les rémunérations inférieures à 1,2 ou à 1,3 SMIC pour les employeurs relevant de régimes spéciaux de sécurité sociale. Sont visés ici la SNCF, la RATP, EDF-GDF, la Banque de France ou les théâtres nationaux, à l'exception des régimes des mines et des employés de clercs de notaires.

Votre commission n'a pas de remarques particulières à formuler sur cet article, sinon qu'il complique un peu plus un dispositif déjà extrêmement compliqué, avec tous les risques que cela comporte.

Elle vous propose en conséquence un amendement supprimant la proratisation de la ristourne unique dégressive, dans le cas du temps partiel, pour y substituer un allégement proportionnel, justifié par le fait que cette proratisation introduit une complexité contraire à la volonté maintes fois affichée de favoriser le développement du temps partiel (voir annexe).

Le Gouvernement attend de ce dispositif, qui concernera 4,8 millions de salariés, 150.000 créations ou préservations d'emploi.

(b) L'exonération pour l'embauche d'un premier, deuxième ou troisième salarié

Le premier salarié.

Adoptée dans le cadre du premier plan pour l'emploi en 1988 (loi n° 89-18 du 13 janvier 1989) et reconduite d'année en année, cette mesure avait pour objectif d'inciter les travailleurs indépendants à créer un premier emploi.

Son succès (62.000 embauches en 1990) a motivé son extension aux gérants minoritaires ou égalitaires de SARL en 1991 (loi n° 90-620 du 31 décembre 1990) puis en 1992 à certains organismes à but non lucratif comme les associations régies par la loi de 1901, les mutuelles régies par le code de la mutualité, certains groupements d'employeurs et les coopératives d'utilisation du matériel agricole (loi n° 91-1405 du 31 décembre 1991).

Cette mesure d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale pendant 24 mois réservée aux employeurs embauchant leur premier salarié sous contrat à durée indéterminée a été étendue par l'article 4 de la loi quinquennale aux contrats à durée déterminée d'au moins douze mois et aux repreneurs d'entreprises en situation de redressement judiciaire ayant employé au plus 49 salariés dans les douze mois précédant l'embauche si cette reprise a pour effet de maintenir l'emploi pendant la période d'exonération.

En 1994, 90.000 salariés ont été recrutés au titre d'une première embauche (soit 17 % de plus qu'en 1993). Cette hausse est la plus élevée depuis 1990, après une diminution de 3 % en 1993.

Elle s'explique par l'extension de l'exonération aux employeurs reprenant une entreprise existante, et s'observe à un degré nettement plus important pour les embauches de deuxième (+ 90 %) et troisième salariés (+ 116%).

La répartition sectorielle des embauches observées depuis 1990 se maintient en 1994. Près des deux tiers ont eu lieu dans le secteur tertiaire, avec une concentration quasi exclusive dans le tertiaire marchand, les entreprises du bâtiment viennent en seconde position, leur part augmentant de deux points en 1994, après une baisse équivalente en 1993. Quant au secteur agricole, sa part baisse légèrement et il reste le moins utilisateur de la mesure. Après une légère reprise des embauches de premier salarié en 1993, l'industrie voit sa part chuter de nouveau de deux points.

En 1994, 58 % des emplois offerts au titre des exonérations de cotisations patronales pour l'embauche d'un premier salarié ont été occupés par des demandeurs d'emploi (dont plus des trois quarts inscrits à l'ANPE) : la proportion des personnes occupant déjà un emploi (aidé ou non, CDI ou CDD) baisse d'environ 1 point, pour se situer à environ 27 % du total des embauches de premier salarié. La mesure continue donc de jouer un rôle important dans les activités de placement de l'ANPE.

Les contrats conclus sur la base de 39 heures ou plus de travail hebdomadaire représentent près de 78 % des embauches de premier salarié en 1994, soit une hausse de plus d'un point. La place prépondérante qu'occupe le travail à temps plein dans les embauches de premier salarié s'est donc maintenue en 1994.

Le tableau 8 ci-dessus montre que les effectifs sont de 145.000 fin septembre 1995, en légère progression par rapport à septembre 1994. Mais le rythme d'entrée se ralentit : 4.979 en septembre 1995 contre 7.216 un an auparavant. Le cumul d'entrée en 1995 est de 55.027 contre 62.989 sur la même période, l'année dernière.

Ce dispositif, qui allège de 21 % le coût du travail (et de 30 % du salaire de base les charges sociales) ne donne pas lieu à compensation par le budget de l'État. Il n'apparaît donc pas en loi de finances.

Les deuxième, troisième salariés et suivants.

Afin de favoriser l'emploi dans certaines zones rurales en difficulté et de faciliter le développement des petites entreprises artisanales qui y sont implantées et jouent un rôle essentiel dans l'économie locale, il a été décidé d'accorder aux artisans le bénéfice de l'exonération à l'embauche sous contrat à durée indéterminée de leurs deuxième et troisième salariés (loi n° 91-1405 du 31 décembre 1991) pendant douze mois.

Le champ d'application de cette loi étant les seules zones éligibles aux programmes d'aménagement concerté des territoires ruraux des contrats de plan ou les zones de montagne des territoires d'outre-mer, elle a suscité seulement 3.700 embauches en 1992 et 5.200 en 1993.

Pour rendre le dispositif plus efficace, la loi quinquennale a décidé d'étendre son champ d'application aux contrats à durée déterminée d'au moins douze mois, aux zones d'habitat dégradé et, dans les départements d'outre-mer, à l'ensemble des zones rurales, mesure étendue à l'ensemble du territoire des départements d'outre-mer par la loi du 25 juillet 1994, enfin à tous les travailleurs indépendants, aux gérants égalitaires ou minoritaires de SARL, quel que soit leur secteur d'activité, aux coopératives d'utilisation de matériel agricole et aux groupements d'employeurs, artisans ou agriculteurs.

Enfin, l'article 58 de la loi du 5 février 1995 (aménagement et développement du territoire) a prévu que, dans les zones de redynamisation urbaine et dans les zones de revitalisation rurale, l'employeur bénéficie d'une exonération de charges sociales pour toutes les embauches portant l'effectif à quatre au moins et cinquante au plus. Ce dernier dispositif n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation.

En 1994, le nombre de salariés embauchés au titre de l'exonération pour l'embauche d'un deuxième ou troisième salarié a quasiment doublé par rapport à 1993, passant à près de 10.400, dont plus de 6.300 au titre du deuxième salarié et plus de 4.000 au titre du troisième salarié. Ceci peut s'expliquer par l'ouverture du dispositif aux zones urbaines en difficulté. Une baisse de la part des embauches de deuxième salarié se manifeste cependant au profit de celle des embauches de troisième salarié. Ce phénomène, visible depuis 1992, semble traduire une tendance à l'agrandissement à terme de la taille des entreprises bénéficiaires de la mesure.

Les effectifs (cf. tableau 8 ci-dessus) sont en augmentation par rapport à 1994, mais les chiffres de septembre montrent un léger ralentissement.

L'allégement du coût du travail est identique à celui du premier salarié.

(c) Les emplois familiaux

Le dispositif incitatif au développement des emplois familiaux mis en place à partir du 1 er janvier .992. Se fonde sur le constat que l'aide aux personnes constitue un gisement potentiel d'emplois très important. Mais ce gisement ne pouvait être exploité que s'il existait une demande solvable ce qui a justifié l'institution d'une aide fiscale sous forme de réduction d'impôt. Cette aide a eu également pour conséquence de « blanchir » une partie des emplois « au noir  », entraînant de ce fart un surplus de recettes pour la sécurité sociale.

La loi quinquennale e, la loi de finances pour 1995 ont rendu encore plus incitatif ce dispositif dont l'impact sur l'emploi, est évident. Il comprend.

- une réduction d'impôt sur le revenu pour l'emploi d'un salarié : ou le recours aux services d'une association, pour des taches ménagères ou familiales effectuées au domicile du contribuable Le plafond de la réduction d'impôt est désormais fixé à 90.000 francs par le lot de finances pour 1995.

- une simplification des formalités d'emploi pour les particuliers les URSSAF pouvant accomplir un certain nombre de formalités (envoi de bulletins de salaire, précomptes des cotisations déclarations annuelles). En outre, l'article 5 de la loi quinquennale a institué un chèque service mis en oeuvre à titre expérimental à partir du 1er décembre 1994 jusqu'au 31 décembre 1995, pour les emplois de 8 heures hebdomadaire- P« encore enregistrés aux URSSAF, par le décret n° 94-974 et l'arrêté du 10 novembre 1994. L'employeur a pour seule formalité de remplir deux volets dans un chéquier, l'un pour le salarié où figure le montant de son salaire ne, y compris l'indemnité de congés payés, l'autre avec le même montant destiné à l'URSSAF qui calcule les cotisations, les prélève sur le prélève sur le compte bancaire de l'employeur et effectue toutes les autres formalités 20 millions sont inscrits dans le titre III pour financer ce chèque même de l'année dernière. Dans la mesure où il est prévu de l'étendre au-delà de 8 heures et de permettre son abondement par les collectivités locales ou les comtes, d'entreprise ( ( * )14) , ce qui augmentera le nombre des employeurs, ces crédits seront sans doute instants. Jusqu'à présent, 300.000 chéquiers on. été retirés. Ce dispositif devrait également être étendu aux artisans pour les inciter à embaucher un premier salarié (déclaration du Premier ministre devant l'UPA, le 12 octobre 1995).

- la création d'un cadre juridique spécifique et l'octroi d'aides pour les associations. Il est également envisagé d'étendre le dispositif des emplois familiaux à des entreprises artisanales, industrielles et de service, afin de faire bénéficier leurs clients de la réduction fiscale, ce qui devrait entraîner un développement de ces secteurs.

On estime en 1993 à 70.000 le nombre de nouveaux employeurs familiaux, contre 115.000 en 1992.

Le tableau 8 ci-dessus montre que, bien qu'inférieures au rythme de 1992, les entrées sont toujours très nombreuses et en croissance constante : plus de 110.000 en août 1995 contre 102.000 en août 1994. Le taux de renouvellement des employeurs est de 20 % en raison de la nature des emplois et de l'âge de l'employeur. Fin 1994, l'effectif employeur est de 717.482 contre 669.368 un an plus tôt.

Trois quarts des employeurs ont plus de 50 ans alors que deux tiers d'entre eux étaient dans ce cas en 1992. Bien plus, si à l'époque environ quatre employeurs sur dix étaient âgés de plus de soixante dix ans, plus de la moitié atteignent cet âge en 1994. 27 % des employeurs (et 41 % des plus de 70 ans) passent par une association agréée pour recruter et gérer les aspects administratifs de l'embauche et de la paie, contre 7 % en 1992. Le phénomène est évidemment très cantonné à la tranche d'âge la plus élevée puisque cette proportion n'est que de 20 % pour les 65-70 ans. L'âge moyen de l'employeur est de 64 ans (60 ans en 1992) avec bien sûr une forte corrélation entre âge et type de tâche : l'employeur qui fait garder ses enfants a en moyenne 36 ans, celui qui recrute une personne de ménage 65 ans, et celui dont l'état de santé nécessite la présence d'une assistance régulière, 75 ans. De même, les employeurs recourant aux services d'une association mandataire sont en moyenne de 15 ans plus âgés que ceux qui recrutent directement. Comme en 1992, l'employé est une femme dans 99 % des cas, de 40 ans en moyenne. Les salariées recrutées pour la garde d'enfant sont les plus jeunes : 47 % ont moins de trente ans, contre 14 % en moyenne. Par contre, un quart des employées de ménage ont plus de cinquante ans. L'âge moyen des gardes d'enfant est de 33 ans, celui des personnes effectuant des tâches ménagères de 41 ans, les gardes de personnes âgées ayant en moyenne 39 ans.

On peut estimer par extrapolation que les 200.000 emplois créés, correspondant à 40.000 emplois temps plein, ont été occupés par environ 60.000 nouveaux salariés, parmi lesquels 40 % à 45 % proviennent du chômage et 50 à 55 % de l'inactivité.

Toutes ces données risquent d'être profondément modifiées lorsque les projets gouvernementaux seront mis en oeuvre.

(2) L'aide à la flexibilité du travail : le temps partiel

La réduction des cotisations sociales patronales en cas d'embauche à temps partiel a connu un vif succès dès sa mise en place en septembre 1992 : en l'espace de quatre mois, plus de 40.000 contrats ont été signés. Ce succès a encore été amplifié par l'augmentation de 30 à 50 % du taux d'exonération intervenue en janvier 1993. Le retour au taux de 30 % début 1994 n'a pas ralenti le rythme de signatures de nouveaux contrats, sachant que, parallèlement, la plage horaire d'appréciation du temps partiel a été élargie entre 16 et 32 heures hebdomadaires.

Il concerne désormais 15,5 % des salariés (enquête Emploi de l'INSEE de mars 1995). 220.000 salariés embauchés en 1994 ont permis à 110.000 employeurs de déduire une partie des charges sociales de leur masse salariale.

En 1994 comme en 1993, 80 % des embauches à temps partiel sous contrat aidé restent le fait des entreprises de moins de 50 salariés. Cependant, le nombre moyen de contrats à temps partiel conclus par les entreprises utilisatrices est passé de 1,8 à 2. Le nombre total de ces entreprises n'a que légèrement progressé pour s'établir à 110.000 (100.000 sur l'ensemble de l'année 1993). Cette intensification est le fait, pour l'essentiel, des grandes entreprises du secteur industriel. D'un côté, la part des entreprises qui emploient au moins 500 salariés a fortement crû : elle est passée de 4 à 6 % des embauches aidées. Parallèlement, chacune de ces grandes entreprises signataires a presque doublé le nombre d'embauches auxquelles elle a procédé. En particulier, celles qui exercent leur activité dans la construction navale, l'aéronautique ou l'automobile comptent pour près de 40 % des contrats conclus par les entreprises employant plus de 500 salariés, notamment grâce aux transformations d'emplois réalisées dans le cadre de plans sociaux et comportant un important volet de préretraites progressives.

En revanche, dans les secteurs où le temps partiel est traditionnellement très répandu (commerces, services), le recours au dispositif semble avoir atteint un palier. Rompues à la gestion de ce type d'horaires, ces entreprises ont sans doute utilisé de façon massive le dispositif dès son entrée en vigueur. Elles s'en serviraient essentiellement maintenant à l'occasion du renouvellement de leur personnel.

Deux évolutions majeures se confirment en 1994 : la masculinisation accentuée des salariés embauchés à temps partiel (36 % d'hommes contre 25 % deux années plus tôt) et la diffusion progressive du recours à cette forme d'emploi auprès des grandes entreprises industrielles. On constate en outre un élargissement de la plage horaire du recours au temps partiel aidé, favorisé par les nouvelles dispositions en la matière.

En 1995, de janvier à septembre, 157.050 nouveaux emplois ont été enregistrés, contre 150.488 l'année dernière (15.485 en septembre 1995 contre 15.036 en septembre 1994).

Le montant de l'abattement, non compensé auprès des organismes sociaux, est évalué à 1 milliard de francs.

(3) La lutte contre l'exclusion

Trois mesures relèvent, à des degrés divers, de cet objectif d'insertion dans le secteur marchand : le CIE, le CRE et les aides à l'insertion des jeunes. La première est particulièrement favorisée par le budget, la deuxième est en voie d'extinction, la troisième, en raison sans doute de son faible succès, voit ses crédits tout juste reconduits.

(a) Le contrat initiative-emploi

Le CIE, mis en oeuvre depuis le 1er juillet 1995 en anticipant l'adoption de la loi du 4 août 1995, est un contrat à durée indéterminée ou un contrat à durée déterminée d'au moins 12 mois et d'au plus 24 mois. Il offre à l'employeur pendant la durée du contrat dans la limite de deux ans, outre une exonération totale des charges patronales de sécurité sociale pour la partie de la rémunération n'excédant pas le SMIC, une prime de deux mille francs par mois. Pour certains bénéficiaires (âgés de plus de 50 ans et de moins de 65 ans, demandeurs d'emploi depuis plus d'un an ou handicapés ou percevant le RMI et sans emploi depuis plus d'un an), l'exonération est prolongée jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge et justifient de la durée d'assurance requis pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein.

Les conventions de CIE peuvent prévoir une formation liée à l'activité de l'entreprise. Elle est dispensée pendant le temps de travail par un organisme de formation mentionné à l'article L. 920-4 du code du travail. Ces formations seront financées sur les dotations ouvertes pour le CIE. Une aide au tutorat est également possible pour les personnes inscrites comme demandeurs d'emploi depuis plus de deux ans et pour les bénéficiaires du RMI sans emploi depuis plus de deux ans. Ces dispositifs ne sont pas encore véritablement opérationnels.

Au deuxième semestre 1995, 175.000 places ont été ouvertes. 100.000 sont pourvues en octobre ; l'étude des 58.000 premiers contrats montrent que 70 % sont des contrats à durée indéterminée. En 1996, 350.000 entrées en CIE sont prévues.

Les 175.000 entrées en CIE prévues au second semestre 1995 devraient entraîner un coût budgétaire de 3.200 millions de francs. En 1996, sur la base de 350.000 entrées, une dotation de 11.625 millions de francs est inscrite au projet de loi de finances, dont 7.547 millions de francs pour les exonérations de charges sociales patronales et 4.078 millions de francs pour le paiement des primes attachées au CIE.

Très intéressant pour les entreprises, le CIE rencontre un grand succès. Mais il semblerait que cela entraîne un certain désintérêt des entreprises pour les autres mesures : c'est notamment le cas de l'APEJ et du CAE.

(b) Le contrat de retour à l'emploi

La loi du 4 août 1995 instituant le CIE a supprimé le contrat de retour à l'emploi et le contrat pour l'emploi de bénéficiaires du RMI.

Fin septembre 1995, on comptait encore 160.000 CRE, contre 161.000 un an auparavant. 118.675 personnes sont entrées dans le dispositif en 1995.

En 1994, le développement très sensible des contrats de retour à l'emploi a touché toutes les catégories de publics. Cependant, les embauches se sont concentrées sur les plus employables d'entre eux, au détriment des publics dits prioritaires. La part des femmes au sein des CRE a continué à baisser fortement, atteignant seulement 36 % du total.

Parmi les employeurs, les petites entreprises ont embauché plus volontiers des chômeurs de très longue durée et des bénéficiaires du RMI.

Le CIE semble donc avoir les avantages du CRE en terme d'insertion, sans en avoir les inconvénients majeurs, la sélection des publics les plus employables au détriment des autres.

Le projet de loi de finances prévoit 1,27 milliard pour financer le solde des CRE en 1996.

(c) L'aide au premier emploi des jeunes et le complément d'accès à l'emploi

L'aide au premier emploi des jeunes (APEJ) a été insituée, à la suite de l'échec du CIP, par le décret n° 94-281 du 11 avril 1994. Cette aide est attribuée pour la conclusion de contrats de travail d'une durée déterminée de 18 mois ou à durée indéterminée avec des jeunes âgés de moins de 26 ans, non indemnisés ou non indemnisables par le régime d'assurance chômage ou ayant achevé un contrat emploi-solidarité. Le montant de l'aide a été fixé à 1.000 F par mois travaillé pendant les neuf premiers mois du contrat.

Fin juillet 1995, avant la mise en oeuvre du nouveau dispositif, les entrées étaient de 2.899, contre 6.517 un an plus tôt et le stock de 70.000 contre 15.000 un an plus tôt.

1,645 milliards avait été inscrit au budget 1995, ramené à 905 millions après l'adoption de la loi de finances rectificative, en raison du fléchissement de la mesure.

Dans le cadre des mesures d'urgence pour l'emploi en faveur des jeunes, le dispositif a été élargi dès le 1er août 1995.

Ainsi pour les jeunes qui, depuis trois mois au moins, sont titulaires d'un diplôme de l'enseignement du second degré ou de l'enseignement supérieur et sont sans emploi, le niveau de l'aide est porté à 2.000 francs par mois. Pour les jeunes diplômés recrutés pour travailler à l'étranger, le montant de l'aide est porté à 3.000 francs par mois.

Pour les jeunes rencontrant des difficultés d'insertion, sur la suggestion des partenaires sociaux, il a été mis en place un complément d'accès à l'emploi, d'un montant de 1.000 F qui vient compléter l'aide au premier emploi des jeunes.

Une dotation de 1.650 millions de francs est prévue par le projet de loi de finances pour 1996, au budget des charges communes.

La mesure n'a pas rencontré le succès escompté, sans doute pour les raisons dites plus haut. En septembre 1995, les trois dispositifs ont cumulé 2.977 entrées contre 12.854 un an plus tôt et le cumul janvier-septembre est de 24.824 en 1995 contre 34.298 en 1994. L'effectif est, à fin septembre, de 74.200 contre 33.500 un an plus tôt.

* (12) Ne sont pas prises en compte ici les lois relatives à l'hygiène et à la sécurité, à la famille ou à la sécurité sociale.

* (13) Ils sont pour la plupart antérieurs à la loi du 27 juillet 1994 relative à la sécurité sociale qui a posé le principe de la compensation intégrale par le budget de l'État (cf art. L. 131-7 du code de la sécurité sociale).

* (14) Projet de lot en faveur du développement des emplois de services aux particuliers (Sénat, n° 87, 1995-1996).

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