B. LA REMISE EN CAUSE DES OBJECTIFS ET DES RÉSULTATS DE LA MODERNISA TION DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

Les objectifs -unanimement approuvés- de la modernisation de l'enseignement agricole étaient de trois ordres :

- élargir la vocation de l'enseignement agricole pour l'adapter aux nouvelles exigences de l'agriculture moderne, au développement des activités para-agricoles et aux divers modes de développement du monde rural :

- élever le niveau général de formation dans l'enseignement agricole, et le « désenclaver » en harmonisant les cursus et en favorisant les passerelles entre enseignement agricole et enseignement relevant de l'éducation nationale ;

- faire de l'enseignement agricole une partie intégrante du service public de l'éducation tout en préservant la spécificité de cet enseignement, en particulier son profond enracinement dans le monde agricole et rural.

L'enseignement agricole a, on le sait, parfaitement relevé ces défis et, parce qu'il est devenu du même coup une voie de promotion et de réussite, il constitue aujourd'hui une exception et un exemple au sein de l'ensemble de l'enseignement technologique et professionnel.

La logique des « quotas » et du recentrage des formations est malheureusement peu compatible avec le maintien de ces orientations et de ces résultats.

1. La remise en cause de la diversification de l'enseignement agricole : peut-on dissocier « enseignement agricole » et « enseignement rural » ?

Le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche avait annoncé que la « croissance maîtrisée » des effectifs devait s'accompagner d'une priorité donnée aux formations conduisant à des métiers dans la production et la transformation, et surtout à l'installation de jeunes agriculteurs.

Lors de ses interventions au Sénat dans le débat sur l'agriculture, il a donné un sens extrêmement fort à cette priorité en soulignant que les formations de l'aménagement de l'environnement et des services ne relevaient pas de la vocation exclusive du ministère de l'agriculture, et en affirmant qu' » il n'est plus de la vocation du ministre de l'agriculture d'être le ministre de l'enseignement rural ».

Votre rapporteur ne peut souscrire à cette affirmation, ni se résigner à un repli de l'enseignement agricole sur un champ étroit de compétences, ce qui ne saurait en faire, pas plus aujourd'hui qu'hier, un outil efficace pour enrayer le déclin de la population active agricole et le dépérissement du milieu rural.

La diversification des formations agricoles a permis de les adapter à l'évolution des métiers agricoles et para-agricoles, d'exploiter de nouveaux « gisements » d'emplois et a déjà donné à de nombreux jeunes une chance de rester ou de revenir dans le monde rural et d'y développer un projet professionnel.

Certes, même si ces nouvelles formations se situent sur des créneaux perçus comme « porteurs », il importe d'en affiner le pilotage en fonction du suivi et de l'analyse de débouchés dont l'importance et surtout le rythme de développement sont parfois encore mal explorés : mais le contingentement des effectifs n'est sans doute pas une réponse adaptée à ces besoins.

a) La diversification de l'enseignement agricole est la condition de son efficacité au service du développement de l'économie agricole et de la revitalisation rurale

On ne peut que soutenir la courageuse et vigoureuse impulsion donnée à la relance de l'installation.

Votre rapporteur souhaite vivement sa réussite et se félicite que, grâce à la modernisation de l'enseignement agricole, elle puisse s'appuyer sur des capacités de formation adaptées à ses exigences.

Cependant, la relance de l'installation ne saurait suffire à elle seule à maintenir et moins encore à restaurer l'activité en milieu rural, notamment dans les régions où le mouvement de regroupement des exploitations se poursuit et restreint les possibilités offertes aux candidats à l'installation.

En outre, il convient de rappeler que la filière de la production n'est pas forcément celle où l'évolution des débouchés sera la plus favorable ni celle où les chances d'une insertion professionnelle réussie sont les plus faciles à apprécier.

D'autre part, il faut aussi rappeler qu'après avoir été la conséquence de l'exode rural, la désertification est aujourd'hui un des obstacles à la reprise des exploitations.

Pour rompre ce cercle vicieux, il est donc indispensable d'encourager une certaine diversité de l'activité en milieu rural, y compris au niveau des services. Comme l'avait d'ailleurs souligné le ministre de l'agriculture, « sans agriculture, c'est la mort de nos campagnes, mais sans services dans les campagnes, c'est la mort de l'agriculture ».

b) L'élargissement des champs professionnels couverts par l'enseignement agricole l'a ouvert sur des créneaux que l'on peut considérer comme prometteurs,

Les « nouvelles formations » mises en place dans les secteurs de la gestion et de l'entretien de l'espace rural ou de l'environnement correspondent à des besoins évidents, et soutenus par une demande sociale qui ne cessera sans doute de s'affirmer.

Les formations du secteur des services, qui sont beaucoup plus anciennes mais qui semblent être une des cibles principales de la volonté de « recentrage » de l'enseignement agricole, correspondent aussi à de véritables gisements d'emplois. C'est notamment le cas des services aux personnes, c'est également le cas, par exemple, des activités liées au développement du « tourisme vert ».

Le développement de ces formations ne semble pas avoir pesé sur les excellents résultats en matière d'insertion professionnelle de l'enseignement agricole, ni remettre en cause la forte corrélation généralement constatée, dans les champs de compétence de l'enseignement agricole, entre formation et emploi.

Les études récentes réalisées par l'établissement national d'enseignement supérieur agronomique de Dijon sur le devenir professionnel des diplômés de BEPA et de BTSA semblaient en effet indiquer que les titulaires de diplômes correspondant aux « nouvelles filières » des secteurs horticoles, paysagers, de maîtrise de l'eau, ou de la production forestière bénéficiaient de taux d'insertion comparables à ceux observés dans les filières plus traditionnelles.

En ce qui concerne les services, ces enquêtes mettaient notamment en évidence la bonne insertion professionnelle des titulaires de BEPA d'auxiliaire social en milieu rural.

Certes, on ne songera pas à nier que les formations correspondant à de nouveaux champs d'activité, dont le rythme de développement et les débouchés potentiels sont encore mal connus ou imparfaitement mesurables nécessitent un pilotage particulièrement attentif et d'importants efforts d'information et de prospective.

C'est exactement dans ce but que le rapport Rémond avait proposé la création d'un observatoire de l'enseignement et de la formation professionnelle agricole, dont on peut s'étonner d'ailleurs que l'on n'ait pas attendu (ni hâté) la mise en place avant de décréter un taux de « croissance raisonnée » des effectifs.

Mais, en tout état de cause, le cadrage des effectifs ne saurait tenir lieu d'instrument d'analyse du marché de l'emploi et il serait peu admissible, s'agissant d'un sujet aussi important, pour la société et pour chaque élève ou étudiant, que l'ajustement des formations à l'offre d'emploi, que le souci de l'insertion professionnelle des jeunes serve d'alibi à la contrainte budgétaire.

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