C. LES MESURES PROPRES À RÉDUIRE L'ÉCHEC UNIVERSITAIRE

Votre commission considère que trois séries de mesures -le renforcement de l'encadrement pédagogique des étudiants, la réforme de la filière technologique supérieure et le développement de l'orientation- doivent être privilégiées pour réduire l'importance de l'échec universitaire.

1. Le renforcement de l'encadrement pédagogique des étudiants

a) Une dépense moyenne par étudiant qui reste relativement faible

En dépit des efforts budgétaires engagés au cours des années récentes en faveur de l'enseignement supérieur, le coût annuel moyen d'un étudiant à l'université (33.500 F) reste inférieur à celui d'un lycéen (45.000 F en cycle général, 56.700 F en cycle technologique et 52.000 F en cycle professionnel).

Le coût d'un étudiant en DEUG (32.000 F) est également très inférieur à celui d'un étudiant en classe préparatoire (70.000 F), en BTS (56.000 F) et en IUT (52.000 F).

Enfin, les dépenses annuelles par étudiant en France restent inférieures à celles constatées aux États-Unis ou au Japon (62.000 F), mais aussi en Allemagne (35.000 F) alors que ces pays enregistrent un taux d'accès à l'enseignement supérieur voisin du nôtre (environ la moitié d'une génération) à l'exception des États-Unis où ce taux s'élève à 64 % et du Royaume-Uni où il n'est que de 17,7 %.

Le tableau ci-après retrace l'évolution de la dépense intérieure d'éducation supérieure (DIE sup) au cours des années récentes :

ANNEES

DIE sup*

DIE sup

DIE sup

prix courants (en millions de francs)

% par rapport à la DIE

% par rapport au PIB

1989

59 843

15,1

1,0

1990

66 879

15,7

1,0

1991

73 548

16,0

1,1

1992

79 740

16,2

1,1

1993

85 590

16,5

1,2

1994

90 326

16,8

1,2

* DIE sup : dépense intérieure d'éducation supérieure

b) La diversité des personnels enseignant à l'université

L'enseignement supérieur fait appel à des catégories de personnels très variés pour couvrir ses besoins d'enseignement. Parmi ces différentes catégories, il convient de distinguer les personnels titulaires (enseignants-chercheurs et enseignants de statut second degré) et, les personnels non titulaires recrutés soit au titre de la « jouvence » universitaire, soit comme associés, invités ou vacataires.

- Les personnels titulaires


Les enseignants-chercheurs

Pour l'essentiel, les enseignants-chercheurs sont des maîtres de conférences et des professeurs des universités.

Dans le budget 1996, on comptait 13 484 emplois de professeurs des universités et 29 068 emplois de maîtres de conférences affectés aux établissements d'enseignement supérieur (hors médecine et odontologie).

De nouvelles procédures de recrutement ont été mises en oeuvre en 1996 à la suite du rapport Quénet.

Le décret n° 95-490 du 27 avril 1995 a modifié la réglementation applicable aux recrutements des enseignants-chercheurs des universités. Ce texte, entré en vigueur depuis le 1er janvier 1996, prévoit une procédure en trois phases qui rééquilibre les rôles respectifs de l'instance nationale et des établissements et évite, par ailleurs, la multiplication du nombre des candidats dont la qualification a été reconnue mais qui n'ont pas été recrutés. La commission de spécialistes de chaque établissement effectue une sélection de cinq candidats au maximum. Le conseil national d'universités, à qui est soumis la liste alphabétique nationale de tous les candidats ainsi sélectionnés, retient, pour l'année du concours, ceux d'entre eux qu'il juge aptes aux fonctions d'enseignant-chercheur. Les organes de l'établissement choisissent enfin, parmi les candidats dont la qualification a été reconnue par l'instance nationale, un de ceux qu'ils avaient sélectionnés.

Dans les disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion ainsi que dans les disciplines pharmaceutiques -dans lesquelles le concours d'agrégation qui existait jusqu'en 1984 a été réintroduit- le décret du 27 avril 1995 met en place, à côté du concours d'agrégation externe, une nouvelle procédure de recrutement interne pour l'accès au corps des professeurs. Le nouveau dispositif permet aux maîtres de conférences justifiant de dix ans d'ancienneté en cette qualité, ou comme maître assistant, d'accéder au corps des professeurs dans des proportions raisonnables.

Même si une diversification des personnels enseignants s'est développée au cours des dernières années, votre commission estime qu'une présence importante des enseignants-chercheurs est indispensable dans les premiers cycles universitaires, à la fois pour diriger et animer les DEUG et pour y développer une activité de recherche qui apparaît consubstantielle à la nature même des formations supérieures.

Cependant le passage d'une université élitiste à un enseignement supérieur de masse la conduit également à s'interroger sur les règles actuelles de recrutement et sur la fonction des enseignants-chercheurs.

Elle observe également que les règles fixant l'avancement et la carrière de ces derniers, restent quasi exclusivement centrées sur leurs activités de recherche, au détriment de leurs fonctions d'enseignement et d'encadrement, ce qui pénalise notamment les présidents d'université dans leur carrière par rapport à leurs collègues qui se consacrent uniquement à la recherche.

Dans le droit fil des propositions de sa mission d'information sur les premiers cycles, votre commission souhaiterait donc que la carrière et les règles d'avancement des enseignants-chercheurs prennent en compte équitablement l'ensemble de leurs missions, qu'il s'agisse de l'enseignement, de la recherche et de leurs fonctions d'encadrement administratif des établissements.


Les personnels enseignants du second degré

On comptait, au budget 1996, environ 12 000 emplois de type second degré dans les établissements d'enseignement supérieur (dont environ 6 600 emplois de professeurs agrégés et 4 000 emplois de professeurs certifiés).

Le décret n° 93-461 du 25 mars 1993 a confirmé leurs obligations de services qui demeurent fixées, comme il résultait d'instructions ministérielles antérieures, à 384 heures de travaux pratiques ou dirigés par an.

Les professeurs agrégés et certifiés du second degré participent d'une manière importante au fonctionnement de l'enseignement supérieur (près de 16 %), et sont répartis à peu près également entre les IUFM, les IUT et les universités, les agrégés représentants près de la moitié de ces personnels.

Par ailleurs, les créations de postes des personnels de statut du second degré ont été particulièrement importantes entre 1991 et 1993 puisque 2.600 postes ont été créés ; ces personnels n'ont pas statutairement d'obligation de recherche et au terme du décret du 25 mars 1993, ils sont astreints à un service horaire double de celui des enseignants-chercheurs.

Les enseignants de type « second degré » représentent ainsi 42 % de l'effectif dans les IUT et 9 % dans les universités (hors IUT) : 616 professeurs agrégés, du secondaire exerçaient en 1994-1995 en droit, 2 316 en lettres, 2 028 en sciences, soit au total environ 4.800 agrégés contre 4.200 professeurs certifiés auxquels il faut ajouter environ un millier de professeurs d'éducation physique et sportive.

La représentation des personnels de l'enseignement secondaire varie selon les filières de premier cycle :


entre 5 et 12 % des intervenants en lettres et sciences humaines, un nombre important d'agrégés affectés dans les lycées dispensant des heures complémentaires à titre de vacataire à l'université ;


moins de 10 % en droit et en sciences économiques, cette filière faisant largement appel aux vacataires, aux ATER et aux allocataires moniteurs ;


5 % dans les disciplines scientifiques.

Il convient de rappeler que les personnels enseignants du second degré affectés dans l'enseignement supérieur se sont vus étendre par le décret n° 93-526 du 26 mars 1993 le bénéfice de la prime pédagogique, jusque-là réservée aux seuls enseignants-chercheurs.

Une réflexion est actuellement engagée par le Gouvernement pour faire évoluer le statut des agrégés du second degré nommés dans l'enseignement supérieur, de manière à faciliter leur accès à la recherche.

Votre commission considère que les professeurs agrégés de l'enseignement secondaire, qui ont une bonne connaissance des lycéens et qui contribuent au succès des classes préparatoires, ont une vocation naturelle à encadrer les étudiants des premiers cycles universitaires, même si les enseignants-chercheurs doivent rester les animateurs des DEUG.

Conformément aux propositions de sa mission d'information sur les premiers cycles, elle souhaiterait que la présence des professeurs agrégés y soit renforcée, notamment dans les formations technologiques, dans les disciplines non dominantes des DEUG et dans les disciplines dominantes de certains DEUG comme les lettres et les sciences humaines.

Partageant le souci exprimé par le Gouvernement de faciliter leur accès à la recherche, elle appelle également de ses voeux la création d'un service d'agrégé doctorant et un allègement de service pour ceux qui s'engageraient à préparer une thèse, ainsi que la mise en place d'un service partagé entre le lycée et les premiers cycles universitaires, afin de mieux articuler les deux ordres d'enseignement.

- les personnels non-titulaires

Dans le cadre du dispositif dit de « jouvence universitaire » divers personnels non titulaires participent également à l'encadrement des étudiants :


4.605 moniteurs qui sont titulaires d'un DEA et admis au bénéfice d'une allocation de recherche ;


780 allocataires-moniteurs-normaliens ;


environ 4.000 attachés temporaires d'enseignement et de recherche ;


895 emplois de lecteurs et 220 emplois de maîtres de langue étrangère et de répétiteurs de l'INALCO ;


600 enseignants associés ou invités recrutés comme maîtres de conférences, ou professeurs associés à temps plein pour des durées variables : les crédits inscrits à ce titre au budget 1996 correspondant à 1.300 emplois équivalents temps plein.

Il convient de rappeler que ces systèmes d'aide à la préparation d'une thèse contribuent à la reconstitution du vivier de recrutement dans le corps des enseignants-chercheurs, mais ne s'inscrivent pas dans une logique de prérecrutement qui confèrerait à leurs bénéficiaires un droit à être recrutés comme personnels titulaires.

c) Vers un nouvel essor du tutorat

Déjà largement expérimentée dans la plupart des universités, la formule du tutorat vient de faire l'objet d'une circulaire du 24 octobre 1996 qui en précise les modalités.

Le tutorat devrait permettre aux nouveaux étudiants de découvrir l'organisation et les méthodes universitaires et sera assuré par des étudiants confirmés qui bénéficieront pendant une période de six mois d'une bourse mensuelle de 1.000 F.

Le projet de budget pour 1997 prévoit 100 millions de francs pour financer cette mesure, c'est-à-dire rétribuer les quelque 16.000 tuteurs qui devraient être recrutés pour encadrer environ 240.000 nouveaux étudiants. Le tutorat devrait permettre aux nouveaux étudiants, par groupe de quinze, de bénéficier du soutien d'étudiants de deuxième et troisième cycle notamment sur les points suivants : aide au travail personnel, à la gestion de l'emploi du temps ou à l'apprentissage de la méthodologie propre à l'enseignement supérieur, découverte et utilisation des bibliothèques universitaires.

Si le développement du tutorat est souhaitable, notamment pour faciliter le difficile passage des bacheliers du lycée à l'université, votre commission tient à rappeler que cette formule reste fondée sur le volontariat des nouveaux étudiants, sans évaluation ou notation pour ses bénéficiaires et qu'elle ne doit pas substituer à l'enseignement, qu'il soit dispensé en cours, en travaux pratiques ou en travaux dirigés.

Elle observe à cet égard, que dans la pratique actuelle, le tutorat ne bénéfice pas aux étudiants qui en auraient le plus besoin ; elle souhaiterait en conséquence qu'un protocole soit établi dans chaque établissement afin de formaliser cette formule et en faire bénéficier en priorité les étudiants qui sont en difficulté.

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