B. LE BILAN POSITIF DE LA LOI PONS DEPUIS 1986

1. Un outil conçu pour remédier aux difficultés structurelles de DOM


Ces difficultés sont liées, d'une part, au manque de richesses naturelles, à l'exception des spécialisations agricoles telles que la canne à sucre et la banane et aux conséquences négatives de l'insularité qui renchéri les coûts de fret, impose le surstockage des matières premières, et ne favorise pas les économies d'échelle en raison de l'étroitesse des marchés.


• D'autre part, les économies domiennes sont victimes du bilan mitigé des politiques menées avant 1986 par les pouvoirs publics. En privilégiant systématiquement la demande des ménages, en augmentant les revenus de transfert en provenance de métropole, sans rechercher l'adéquation de cette demande avec l'offre locale ces politiques ont mécaniquement renforcé les déséquilibres économiques. On constate ainsi une augmentation régulière des importations et une polarisation des économies domiennes sur les secteurs protégés, car par rapport à leurs voisins et concurrents traditionnels elles pâtissent d'un handicap dû au coût considérable de la main d'oeuvre, et l'application des accords de Lomé gêne leur accès aux marchés européens.

2. Une réelle efficacité pour les économies des DOM

Comme il ressort d'une étude menée par le Cabinet Arthur Andersen à l'occasion du « dixième anniversaire » de la loi Pons, le dispositif a eu des inflexions très positives pour un coût fiscal « neutre » pour les finances publiques.

La défiscalisation apparaît comme un facteur essentiel du rattrapage de la métropole observé pendant cette période (le PIB par habitant des quatre DOM, qui représentait 37% de celui de la métropole en 1986. est passe à 45 % de la même base dès 1992. Les phénomènes de concurrence exacerbée et de suréquipement constatés dans la phase initiale du dispositif ont été sanctionnés par des ajustements structurels sévères.


L'analyse des données disponibles met en évidence un accroissement général et significatif de l'investissement dans les DOM au cours des dix dernières années.

De 1986 à 1992, la part de l'investissement dans le PIB est passée de 22 à 29 % en Guadeloupe, de 18 à 24 % en Martinique et de 23 à 28 % à la Réunion, alors qu'elle n'évoluait que d'un point (19 à 20 %) en métropole.

L'analyse sectorielle des investissements révèle deux évolutions significatives ; d'une part, un accroissement sensible de la part de l'investissement total réalisé par les entreprises des secteurs éligibles à la loi Pons (secteurs exposés à la concurrence extérieure) qui, de 1986 à 1991, gagne six points en Guadeloupe (56 % en 1991), 13 points en Martinique (60 %) et 4 Points à la Réunion (52 %) et, d'autre part, une croissance de l'investissement tirée par l'industrie, dont le volume d'investissement a plus que doublé de 1986 à 1992, et par le Bâtiment-Travaux publics dans une moindre mesure.


• La croissance de la population active employée, mesurée par les recensements, se révèle beaucoup plus forte dans les départements d'outre-mer qu'en métropole.

Elle s'établit en données cumulées de 1982 à 1993 à 40 % en Guadeloupe, 35 % à la Réunion, 27 % en Martinique et 27 % en Guyane contre 0,5 % pour la métropole.

Cette évolution positive est confirmée par le nombre d'offres d'emplois enregistrées par l'ANPE qui croit, de 1989 à 1994, de 35 % en Martinique, de 130 % à la Réunion et de 96 % en Guyane.

Les analyses sectorielles effectuées sur le cas de la Réunion illustrent le rôle moteur joué dans cette forte création brute d'emplois par l'industrie et les services (dont hôtellerie et tourisme) et à un moindre degré par le BTP et les transports.

Cette forte création brute d'emplois n'a pas évité le maintien d'un taux de chômage record, en raison de la croissance démographique galopante de ces départements. Cependant, le taux de chômage s'est stabilisé dans les départements d'outre-mer à partir de 1990 alors qu'il continuait de s'aggraver fortement en métropole.


Le tissu économique dans les départements d'outre-mer s'est considérablement développé depuis dix ans, grâce à un rythme soutenu de création d'entreprises. Outre la modernisation sans précédent de l'industrie, du BTP et des transports, les secteurs de l'hôtellerie et du tourisme ont franchi des étapes considérables leur conférant aujourd'hui une taille critique autorisant un véritable espoir de développement.

3. Une « neutralité fiscale » pour les finances publiques

L'étude précitée avait également pour objet de vérifier si cet instrument d'intervention était d'un coût acceptable pour l'État.


Selon les chiffres communiqués dans le rapport au Parlement sur les conditions d'application de la loi Pons 1 ( * ) , le montant total des investissements agréés pour les départements d'outre-mer s'élève à 2,63 millions de francs et la dépense fiscale pour 1996 peut être estimée à 1,2 milliards de francs. Ce coût brut non négligeable reste modéré au regard du montant total des dépenses fiscales (9,5 milliards de francs) et des dépenses budgétaires (27,7 milliards de francs) enregistrées dans les départements d'outre-mer en 1995.


Il importe également de tenir compte des recettes fiscales induites par l'activité économique soutenue qu'a entretenu la défiscalisation.

Au cours de la dernière décennie, les principales recettes fiscales de l'État ont augmenté beaucoup plus vite dans les départements d'outre-mer qu'en métropole. Le produit budgétaire qui a résulté de cette plus forte croissance peut être estimé à près de 2 milliards de francs pour l'IS, FIR et la TVA et à 1,4 milliards de francs pour les seuls impôts directs.

Plus de la moitié de ce dernier montant devant provenir des secteurs éligibles à la défiscalisation, compte tenu de leur place dans l'économie, le coût du dispositif paraît en grande partie couvert par les recettes directement induites, le coût net pour l'État ne paraissant guère pouvoir dépasser 0,5 milliards de francs/an.

De plus, la défiscalisation a entraîné, de manière encore plus mécanique et incontestable, un accroissement des recettes fiscales des collectivités locales des départements d'outre-mer. Le supplément de recette lié à la seule évolution de l'assiette (investissements et logements) des taxes directes locales depuis 1984 se situe entre 1,5 milliards de francs et 2,8 milliards de francs.

4. L'avenir du dispositif de la défiscalisation outre-mer


Il convient d'avoir à l'esprit les évolutions divergentes des économies des départements d'outre-mer et des dépenses publiques. Il faut déplorer que les départements d'outre-mer continuent d'évoluer vers une situation d'assistance chronique et que les transferts budgétaires soient appelés à croître considérablement du fait des mécanismes d'assistance mis en place, alors même que l'augmentation des coûts de main d'oeuvre et la forte diminution des coûts du fret menacent l'existence des secteurs économiques domiens exposés à la concurrence extérieure.


• Par ailleurs, l'augmentation des transferts budgétaires en provenance de la métropole est inconciliable avec l'obligation de maîtrise des dépenses publiques ; pour éviter une crise majeure ou tout du moins une impasse, il faut privilégier le redéploiement de l'effort de l'État vers des dépenses « actives » ayant pour objet de créer des ressources locales, permettant de désengager ces finances publiques. Dans ce contexte, la défiscalisation outre-mer constitue un outil de premier intérêt pour limiter la dérive des économies domiennes.

* 1 Rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'agrément prévu en faveur des investissements réalisés dans certains secteurs économiques des départements et territoires d'outre-mer en 1995 en application du III de l'article 120 de la loi de Finances pour 1992 (septembre 1996).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page