2. Le redéploiement de la carte diplomatique et consulaire

La densité du réseau diplomatique et consulaire français 6 ( * ) (le deuxième au monde après le réseau américain) a été remise en cause sous la pression de la contrainte budgétaire, qui se trouve à l'origine de la volonté de rationaliser les réseaux à l'étranger du ministère des Affaires étrangères, en concertation avec les autres départements ministériels qui contribuent à l'action extérieure de la France.

a) L'adaptation du réseau diplomatique et consulaire à la contrainte budgétaire et à l'évolution des priorités internationales

D'importantes modifications de la carte diplomatique et consulaire ont été motivées par la nécessité d'adapter le réseau aux évolutions est-européennes (démantèlement de l'URSS, de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie). Quinze Etats souverains ont, en effet, succédé à l'Union soviétique, deux à la Tchécoslovaquie et cinq à la Yougoslavie.

. Quinze ambassades de plein exercice ont donc été ouvertes à l'Est entre 1991 et 1994, les ambassades de Sarajevo, Skopje et Tbilissi ayant succédé par la suite à trois chefs de postes « en mission ». Du fait de la contrainte budgétaire , ces ouvertures ont été compensées par une réduction non négligeable du maillage consulaire français, qui a affecté en premier lieu l'Europe occidentale et, dans une moindre mesure, l'Afrique.

La volonté française de développer sa présence diplomatique dans les pays issus de la disparition de l'URSS s'est, depuis 1994, traduite par la nomination de chargés d'affaires, puis d'ambassadeurs « en mission » à Achgabat (Turkménistan) et Chisinau (Moldavie). Ce concept a été étendu à d'autres régions que l'ex Union soviétique, puisque deux autres ambassadeurs « en mission » ont, au cours de l'été 1996, été nommés à Oulan Bator (Mongolie) et Asmara (Erythrée).

Sur le plan budgétaire, la pratique des chefs de poste en mission permet d'importantes économies par rapport aux ambassades de plein exercice , puisque les coûts sont réduits à la rémunération du chef de poste avec indemnités de résidence. Par ailleurs, la présence alternée du chef de poste à Paris et dans son pays d'accréditation permet d'assurer contacts politiques et économiques auprès de celui-ci, tout en favorisant la prise en compte des intérêts français par les autorités locales. Notons néanmoins que la nomination d'un chef de poste en mission ne saurait répondre qu'à un besoin transitoire , puisqu'elle conduit, plus ou moins rapidement, à la création d'ambassades de plein exercice, ce qui a été le cas à Tbilissi, Sarajevo et Skopje.

. L'évolution du réseau répond également à des préocupations de sécurité , qui expliquent la fermeture de l'ambassade de France à Kigali (Rwanda) en 1994, réouverte en janvier 1995, dès le retour de la paix. Pour les mêmes raisons, les consulats généraux d'Oran et Annaba ont été mis en sommeil, tous les services étant regroupés à Alger.

. Le tableau ci-après retrace les créations, suppressions et transformations de postes depuis 1991. On relève que 33 postes ont été fermés entre 1991 et 1996, dont 12 en Europe occidentale et 10 en Afrique et à Madagascar. Ces chiffres ne tiennent toutefois compte ni des décisions liées à des préoccupations de sécurité (Rwanda, Algérie), ni des postes qui, provisoirement fermés, ont été réouverts, même sous une forme modifiée, pendant la période considérée (cas du Consulat général de Canton, de l'ambassade de France à Mogadiscio, de l'ambassade de France à Kaboul et de l'ambassade de France à Bagdad), ni des transformations de postes.

Tableau récapitulant les ouvertures et fermetures de postes depuis 1991

Année

Créations

Suppressions ou transformations

1991

Leipzig (consulat général)

Canton (consulat général)

Vilnius (ambassade)

Riga (ambassade)

Tallin (ambassade)

Phnom Penh (réouverture de l'ambassade)

Mogadiscio, ambassade (fermeture provisoire)

Liverpool, consulat général

Rotterdam, consulat général

Innsbrück, consulat général

Constantine, consulat général

Fianarantsoa (Madagascar), consulat général

Nouadhibou (Mauritanie), chancellerie détachée

Lubumbashi (Zaïre), consulat

Bagdad, ambassade

1992

Almaty (Kazakhstan), ambassade

Bakou (Azerbaïdjan), ambassade

Erevan (Arménie), ambassade

Ljubljana (Slovénie), ambassade

Minsk (Belarus), ambassade

Tachkent (Ouzbekistan), ambassade

Bratislava (Slovaquie), Consulat général

Aden (Yémen), consulat général

Arlit (Niger), chancellerie détachée

Baden-Baden, consulat

Bouaké (Côte-d'Ivoire), consulat

Fribourg, consulat

Oujda (Maroc), antenne consulaire

Tournai, antenne consulaire

Trèves , chancellerie détachée

Kaboul, ambassade (fermeture provisoire)

N'Djamena (Tchad), consulat

Kiev, consulat général ambassade

Sfax, consulat chancellerie détachée

Zagreb (Croatie), consulat général ambassade

Mayence, chancellerie détachée consulat général

Dubai, chancellerie détachée consulat général

1993

UEO, représentant permanent à Bruxelles

OIAC, représentant permanent à La Haye

Salonique (Grèce), consulat général

Canton, consulat général

Gand, consulat

Jersey, consulat

Palma de Majorque, consulat

Saint-Sébastien, chancellerie détachée

Valence, consulat général

Jakarta, consulat

Kinshasa, consulat

Brazzaville, consulat

Bratislava, consulat général ambassade

Andorre, ambassade

1994

Skopje (Macédoine), ambassade minimale

Sarajevo, ambassade minimale

Kigali (Rwanda), ambassade (fermeture provisoire)

1995

Kigali, ambassade (réouverture)

Bagdad, ouverture d'une section des intérêts français à l'ambassade de Roumanie

Chisinau (Moldavie), chargé d'affaires en mission

Oran et Annaba, consulats généraux (mise en sommeil)

1996

Achgabat (Turkménistan), ambassade de plein exercice

Canton, consulat général, réouverture

Asmara (Erythrée), ambassadeur en mission

Oulan Bator (Mongolie), ambassadeur en mission

Kingston (Jamaïque), ambassade

Freetown (Sierra-Leone), ambassade

Monrovia (Liberia), ambassade

Lilongwe (Malawi), ambassade

Florence, consulat général

Honolulu, consulat général

Mons, consulat général

Edmonton (Canada), consulat

San Juan de Puerto Rico, consulat

Niamey, consulat section consulaire

Bâle, consulat général chancellerie détachée

Il est clair que ces évolutions répondent à des motivations imparables. L'ardente obligation de réduire les déficits publics justifie la révision des ramifications d'un réseau devenu excessivement dense au regard de nos moyens , même si l'on aurait tout naturellement préféré, dans un contexte économique idéalement favorable, maintenir l'intégralité de nos postes à l'étranger.

L'arbitrage entre le développement de notre présence diplomatique dans des pays où la France est insuffisamment active (est de l'Europe, Asie) et le maintien d'un réseau particulièrement étoffé en Europe occidentale a naturellement conduit à dynamiser ceux-là aux dépens de celui-ci . Or la densité de notre réseau consulaire dans les pays limitrophes bénéficiait au premier chef à nos compatriotes expatriés, auxquels étaient ainsi offert un niveau satisfaisant de services administratifs de proximité (état civil, actes notariés...). Le réajustement de notre maillage diplomatique et consulaire ne contribue donc pas à améliorer la vie quotidienne des Français de l'étranger.

De surcroît l'évolution consistant à resserrer le maillage diplomatique et consulaire n'est pas propre à la France. Les Etats-Unis ont, en effet, entre 1993 et 1996 , fermé cinq ambassades (Antigua et Barbuda, Comores, Guinée équatoriale, Seychelles, Iles Salomon) et vingt-six postes consulaires : Oran, Salzbourg, Brisbane (Australie), Porto Alegre, Barranquilla (Colombie), Alexandrie, Bordeaux, Stuttgart, Medan (Indonésie), Gênes et Palerme, Mombasa, Fort-de-France, Mazatlán (Mexique), Kaduna (Nigeria), Cebu (Philippines), Poznan, Mogadiscio, Bilbao, Genève et Zürich, Izmir, Udorn et Songkhla (Thaïlande), Maracaibo (Venezuela), et Lubumbashi (Zaïre). A ces fermetures s'ajoutent celles de vingt-trois missions de l'AID (Agence pour le développement international).

Le reformatage du réseau diplomatique et consulaire américain est donc conduit de manière plus sévère et plus rapide que la contraction du réseau diplomatique et consulaire français. Celle-ci a, en effet, porté, pendant la période 1993 à 1996 , sur la suppression de quatre ambassades et de quinze consulats (ces chiffres ne tiennent pas compte de la suppression transitoire du consulat général de Canton, ni des transformations de postes, puisqu'une présence diplomatique française est maintenue malgré celles-ci), à rapprocher des cinq ambassades et vingt-six postes consulaires fermés par les Etats-Unis pendant cette période. La comparaison avec l'évolution du réseau américain à l'étranger permet donc, non seulement de relativiser la rapidité de la démarche française, mais aussi d'envisager la poursuite du redimensionnement du maillage diplomatique et consulaire français .

Probablement conviendrait-il, à cet égard, de se livrer à un effort d'imagination sur le rôle de nos ambassades et de nos différentes implantations à l'étranger et, plus particulièrement dans les pays de l'Union Europénne, à l'échéance de quelques années . Au prix de cet effort, il semble envisageable d'adapter les dimensions de notre réseau à une contrainte budgétaire qui ne saurait se desserrer .

Deux évolutions pourraient être envisagées en Europe communautaire. Il pourrait s'agir, d'une part, de limiter l'implantation française aux capitales (qu'il s'agisse des postes d'expansion économique, des agences du Trésor, des postes diplomatiques et consulaires ou des centres culturels) : la suppression des consulats de Mons et de Florence va ainsi dans le bon sens. La réduction des distances liée au développement des moyens modernes de communication paraît autoriser, à terme, une telle évolution. D'autre part, il devrait être possible de revoir dans un sens minimal les missions des ambassades et des postes d'expansion économique dans les pays membres de l'Union européenne. Cette évolution, justifiée par les progrès de la construction européenne, permettrait de dégager moyens et effectifs non seulement pour renforcer notre présence (notamment diplomatique) dans les pays d'Amérique Latine et d'Asie qui constituent la « frontière » de notre diplomatie, mais aussi pour préserver les moyens devant, même en Europe communautaire, être consacrés aux activités consulaires.

En effet, l'activité consulaire connaît une croissance continue, illusrée par le doublement du nombre d'écritures comptables depuis dix ans. Il est très éclairant de relever que l'activité consulaire est plus forte dans l'Union européenne que dans le reste du monde, malgré la mise en place des mécanismes de Maastricht ou des accords de Schengen, qui ont pourtant entraîné une diminution d'activité dans le domaine de la protection sociale et en matière de délivrance de visas.

Les charges liées à l'administration des Français de l'étranger imposent donc que les moyens des sections consulaires fassent l'objet d'une attention particulière dans le contexte de la densification de notre réseau. Dans cette perspective, c'est sur l'évolution des missions et des effectifs impartis dans l'avenir, à nos ambassades et centres culturels français ainsi qu'à nos postes d'expansion économique en Europe occidentale, que pourrait porter un effort de réflexion particulier .

* 6 Celui-ci était constitué, au ler janvier 1996, de 150 ambassades, 112 postes consulaires, 60 sections consulaires d'ambassades, 17 représentations permanentes, auxquels s'ajoute un bureau à Berlin, soit 280 services à l'étranger.

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