B. LES RÉALITÉS : LES DIFFICULTÉS DES OPÉRATEURS DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

Les orientations du Conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France 1995 avaient de nombreux mérites. Le premier était l'affirmation du caractère de « priorité de notre action internationale » conféré à l'action audiovisuelle extérieure. Le second mérite était lié au premier : à une priorité proclamée doit être associé un financement adapté : les 442 millions de francs sur quatre ans. Le troisième mérite était la réorganisation des structures dans une logique des métiers : le métier radio autour d'un pôle radiophonique rationalisé, le métier télévisuel autour de Téléfi, fédérant tous les opérateurs télévisuels extérieurs, chacun des deux pôles s'appuyant sur le secteur public audiovisuel national.

Mais qu'en est-il un an après ?

Tout d'abord les engagements budgétaires ne sont pas tenus, entraînant l'étalement dans le temps du plan d'action audiovisuel et le report d'un certain nombre de projets : chaîne en arabe de CFI, découplage TV5 entre TV International et TV francophone, développement de TV 5 aux Etats-Unis, et mise en place des bouquets. Au total, dans le projet de loi de finances pour 1997, ce sont 83 millions de francs qui manquent par rapport aux prévisions du Conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France 1995. C'est, depuis trois années, la première fois qu'une telle rupture s'opère sur les concours financiers à l'audiovisuel extérieur par rapport aux prévisions du Conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France, comme le démontrent les tableaux ci-après, sans parler d'éventuelles régulations en cours d'année 1997 :

1995 (en millions de francs)

RFI

CFI

TV 5

Bouquets

Total

Prévisions CAEF 1994

449,3

111,3

158,3

22

740,9

Exécution

449,3

111,3

158,3

22

740,9

Ecart

0

0

0

0

0

1996 (en millions de francs)

RFI

CFI

TV 5

Bouquets

Total

Prévisions CAEF

500,2

132,7

173,7

30

836,6

PLF 1996

385,3

132,7

173,7

32

723,7

Exécution 1996

382,8

129,9

173,0

31,8

717,5

Ecart prévision/exécution

- 117,4

- 2,8

- 0,7

- 0,2

- 119,1 1

1 Pour RFI, l'écart négatif est couvert pour l'essentiel par des crédits issus de la redevance ou de ressources assimilées et par un prélèvement sur la trésorerie de RFI (de 60 millions de francs). Le budget 1996 de RFI est donc conforme aux prévisions du CAEF en dépit de la baisse de la subvention du ministère des affaires étrangères, à 2,5 millions de francs près correspondant à la régulation 1996 opérée sur la société. Cette régulation a été consolidée dans la base de reconduction 1997 de RFI. Pour CFI, TV5 et les bouquets satellitaires l'écart négatif correspond à la régulation opérée en 1996 et consolidée dans la base de reconduction 1997.

1997 (en mesures nouvelles)

RFI

CFI

TV5

Bouquets

Total

prévision CAEF

+ 101,7

+ 25,8

+ 11,1

+ 7,0

+ 145,6

LFI 1997

+ 60,0 1

0

+ 2,6

0

+ 62,6

Ecarts

- 41,7

- 25,8

- 8,5

- 7,0

- 83

1 dont 10 millions de francs par redéploiement au sein des crédits ministères affaires étrangères.

Le problème financier dépasse parfois le seul montant brut de la subvention : ainsi CFI n'avait perçu, au début du mois de novembre 1996, que 50 % de sa dotation annuelle. Ainsi privée de trésorerie, il est impossible à la société de générer la capacité d'investissement indispensable à une politique cohérente et structurée d'achats de programmes, qui pourtant est au coeur de sa mission, comme d'ailleurs de celle des autres opérateurs télévisuels extérieurs. La réinscription, en loi de finances 1997, au budget de RFI des 60 millions de francs qui avaient été prélevés su son fonds de roulement l'an passé, n'a guère d'incidence positive sur sa trésorerie qui demeure extrêmement réduite. Le financement de certaines opérations prioritaires se fera par redéploiement.

Il en va de même pour la diffusion internationale d'ARTE, chaîne culturelle franco-allemande et pour la cinquième. Les restrictions budgétaires qui leur sont imposées pour 1997 entraîneront l'arrêt de la diffusion d'ARTE en version française comme de la cinquième sur Eutelsat en mode analogique.

Pourtant ARTE, par son ambition européenne, tient un rôle non négligeable dans notre outil audiovisuel extérieur. Diffusée sur Eutelsat 2 FI, ARTE est reçue en langue française sur une zone s'étendant de Saint-Petersbourg aux Canaries et de l'Islande au Moyen-Orient. Depuis le mois de juillet 1995, le satellite a d'abord diffusé les programmes d'ARTE auxquels se sont ajoutés ceux de la cinquième.

Egalement diffusée par Astra, ARTE en langue allemande est reçue en Europe de l'Ouest depuis le 1er janvier 1995. Au total, ce sont plus de 70 millions de foyers qui reçoivent potentiellement ARTE tous les jours, soit près de 200 millions d'individus.

Sans financement, des actions de développement ne peuvent être menées à bien : ainsi de l'ambition d'un véritable journal télévisé international décrivant l'actualité internationale vue de France. Les rédactions de France télévision pourraient constituer un vivier de compétences pour une telle opération. Actuellement la diffusion internationale de journaux télévisés nationaux -principalement axés sur les problèmes domestiques- ne satisfait pas la demande des téléspectateurs répartis sur le monde entier.

En second lieu, les budgets des opérateurs audiovisuels internationaux ne dégagent pas la marge d'action suffisante pour acquérir des stocks significatifs de programmes de qualité. Par-delà la législation française sur les droits d'auteur et les droits voisins, qu'il n'est pas à l'ordre du jour de remettre en cause, mais qui reste fort compliquée dans un contexte de diffusion internationale par satellite et qui entraîne des coûts élevés, le pragmatisme s'impose ; ainsi un accord a pu être conclu entre l'USPA et les opérateurs. Il met en oeuvre une notion de « droit mondial » acquitté par l'acheteur pour un coût raisonnable en vue d'une diffusion satellitaire.

La réduction des coûts liés à l'acquisition de programmes est l'une des raisons qui ont justifié l'idée d'un dédoublement de TV5 afin que la partie TV International diffusée hors du territoire national, permette la diffusion, à moindre coût, de programmes français.

Après le financement, la réforme des structures.

Deux thèses semblent désormais en présence : celle, entérinée par le Conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France de 1995, qui sépare clairement, dans une logique des métiers, le pôle radio d'ores et déjà constitué, du pôle télévisuel et dont le capital, pour ce dernier, serait majoritairement détenu par l'opérateur national en la matière : France Télévision. Cette option a, entre autres mérites, pour CFI et TV5, de faciliter l'accès aux programmes français qu'elles ont, chacune à leur façon, pour mission de diffuser.

L'autre école, au contraire, laisserait une place majoritaire à l'Etat, et sans aller jusqu'à fusionner les deux pôles, privilégie une présidence commune radio-télévision. Cette configuration, est-il avancé, permettrait la mise en commun de moyens de développement, d'études, de communication et s'inscrirait dans une logique de spécificité des marchés extérieurs, qu'ils concernent la radio ou la télévision.

Chacune de ces options a sa logique mais votre rapporteur persiste cependant à penser que la stratégie des métiers et de l'accès aux programmes au meilleur rapport qualité/prix, la valorisation des compétences de France Télévision d'une part, pourvu que l'international y devienne une préoccupation plus marquée, de Radio France d'autre part, légitiment la séparation des structures en deux pôles distincts des deux activités et l'implication majoritaire de l'opérateur national. Rappelons que sur 24 heures diffusées quotidiennement par TV5, France 2 en fournit 27 % -journal de 20 heures, magazines, documentaires, fictions, émissions de prestige et du sport. De même, France 2 met gratuitement à la disposition de CFI des programmes destinés à la distribution culturelle internationale. Elle constitue la principale source de programmes pour CFI avec plus de 2 000 heures d'émissions diffusées : documentaires, variétés, téléfilms, jeux etc...

Votre rapporteur ne s'explique donc pas les raisons profondes qui, moins d'un an après le Conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France, conduiraient le gouvernement à infléchir sa stratégie, privant ainsi les opérateurs de toute perspective claire, ce qui, conjugué à la contrainte budgétaire, rend leur mission difficilement praticable. Est-il raisonnable de fragiliser ainsi, sans explication vraiment convaincante, l'outil d'une priorité de l'action internationale de la France ?

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